Assignation à résidence avec surveillance électronique: premières

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Assignation à résidence avec surveillance électronique:
premières cassations fondées sur l’absence de
motivation spéciale
le 21 septembre 2010
PÉNAL | Instruction
La détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est démontré, au regard des
éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle constitue l’unique moyen de
parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs définis par l’article 144 du code de procédure pénale et
que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation
à résidence avec surveillance électronique.
Crim. 18 août 2010, F-P+F+I, n°10-83.819
Crim. 18 août 2010, F-P+F+I, n°10-83.770
Si, par principe, la personne mise en examen, présumée innocente, reste libre (art. 137 c. pr. pén.),
des dispositifs de plus en plus nombreux permettent néanmoins de la priver de tout ou partie de
cette liberté lorsque les nécessités de l’instruction le justifient, ou bien à titre de mesure de sûreté.
Elle peut ainsi être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, depuis l’entrée
en vigueur de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, être assignée à résidence
avec surveillance électronique. Ce n’est qu’à titre exceptionnel, si ces deux mesures se révèlent
insuffisantes pour atteindre les objectifs visés, que la personne peut être placée en détention
provisoire. L’article 142-3 du code de procédure pénale prévoyait qu’un décret déterminerait les
modalités d’application de l’assignation à résidence avec surveillance électronique, ce qui fut
opéré, de façon plutôt complète, par le décret n° 2010-355 du 1er avril 2010 (Dalloz actualité, 7 avr.
2010, obs. Lavric ). Les deux décisions attaquées avaient été rendues par les chambres de
l’instruction les 8 avril et 6 mai 2010. Postérieures à l’entrée en vigueur du décret, elles sont, sans
surprise, cassées par la chambre criminelle de la haute juridiction. L’article 144, dans sa rédaction
issue de la loi pénitentiaire pose en effet comme on le sait une nouvelle exigence de motivation
spéciale pour les juges du fond qui doivent désormais « démontrer, au regard des éléments précis
et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle [la détention provisoire] constitue l’unique
moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs [visés par le texte] et que ceux-ci ne sauraient
être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec
surveillance électronique », dernier point sur lequel les juges du fond ne s’était pas exprimés. Les
cassations ici prononcées répondent ainsi aux questions qui avaient pu se poser quant à la portée
que la chambre criminelle donnerait au nouvel article 144 (V. A. Leprieur, Chronique de
jurisprudence de la Cour de cassation, D. 2010. Chron. 1653 ).
À la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 instaurant la première
exigence de motivation spéciale au regard de l’insuffisance des obligations du contrôle judiciaire,
on se souvient qu’après quelques avertissements sans frais - les personnes mises en examen
demeurant, dans les espèces concernées, incarcérées - la Cour de cassation avait finalement cassé
et annulé des arrêts de chambres de l’instruction qui ne respectaient pas les prescriptions légales,
quitte à ordonner par là même la remise en liberté des prévenus (Crim. 26 févr. 2008, Bull. crim. n°
50 ; D. 2008. AJ 853, obs. Allain ; AJ pénal 2008. 228, obs. Nord-Wagner ; Procédures 2008.
Comm. 155, obs. Buisson ; 18 juin 2008, Bull. crim. n° 157 ; D. 2008. AJ 2147, obs. Léna ; AJ pénal
2008. 428 ; Dr. pénal 2009. Chron. 1, obs. Guérin ; 16 févr. 2010, D. 2010. AJ 711, obs. Léna ; AJ
pénal 2010. 248, obs. Ascensi ; Procédures 2010, n° 148, obs. Buisson). Quant à l’exigence de
motivation spéciale relative à l’insuffisance de l’assignation à résidence avec surveillance
électronique, on pouvait déjà voir, dans deux précédents arrêts rendus les 7 et 8 avril 2010,
l’avertissement donnés par les magistrats de la chambre criminelle. Dans ces deux affaires, ils
s’étaient en effet prononcés sur l’application dans le temps des dispositions relatives à l’assignation
à résidence, jugeant que dans l’attente du décret d’application prévu par l’art. 142-13, les juges du
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fond n’avaient pas à statuer sur l’insuffisance de l’assignation à résidence (Crim. 7 avr. 2010 et 8
avr. 2010, D. 2010. 1419 ; AJ pénal 2010. 402, obs. Ascensi ). Le décret d’application étant entré
en vigueur, la censure s’avérait inéluctable.
Notons que, dans les deux affaires, la chambre criminelle n’ordonne pas la remise en liberté des
personnes mises en examen, sans pour autant le justifier explicitement. Il s’agit de fait de
l’application d’une jurisprudence déjà connue, qui dit que la cassation d’un arrêt de la chambre de
l’instruction a pour seul effet de remettre la cause en l’état où elle se trouvait à la suite de l’appel
de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, mais n’entraîne ni l’annulation de la
décision de ce magistrat, qui avait été rendue régulièrement, ni, par conséquent, la remise en
liberté de la personne (V. par ex. Crim. 29 janv. 2008, Bull. crim. n° 20 ; AJ pénal 2008. 194, obs.
Lavric ; 28 sept. 2005, Bull. crim. n° 241 ; D. 2005. IR 2899 ).
Site de la Cour de cassation
par M. Léna
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