3 - Des relations de coopération L'évolution des statuts de chaque profession qui constitue l'équipe génére une coopération, des échanges plus soutenus. EX : réunion de staff, mode de communication multiples.... Sur le terrain, on observe des différences en fonction des services mais le principe de coopération existe bel et bien. L'IDE dans la relation de soin Identité soignante positive dans la société en générale Historiquement, professionnelles exécutantes sous le contrôle des médecins 1978, définition du rôle propre, rapport de collaboration dans le soin En janvier 2012, on compte plus de 552 000 IDE en activité de moins de 65 ans en France métropolitaine et DOM-TOM En 2004, on compte 15 357 orthophonistes dont 1126 salariés hospitaliers Typologie de l'identité professionnelle selon Renaud Sainsaulien 1. identité fusionnelle : fort investissement dans le groupe de pairs avec des techniques précises et des normes et valeurs revendiquées spécifiques. Ex : Nous les artisans... 2. l’identité de retrait : groupe sans mobilisation, l’identité ne se créée pas dans le travail, mais à l’extérieur. Ce groupe n’a pas de rapport avec un métier. EX : Boulot alimentaire 3. l’identité de négociation : groupes ponctuels ayant un rapport assez fort à un métier. Détenteurs de compétences. L’individualité y est forte : les groupes se forment dans un but précis et se dissolvent dès gain de cause, sorte d’opportunisme collectif. EX : Lors du décès d'un patient, ou dans les services de réa...Lors des conflits sociaux : 1995 IDE 4. l’identité affinitaire : groupe avec peu de motivations. Les relations y sont privilégiées. L’implication dans le métier est forte. Les individus jouent la carte de l’uniformité, de l’adhésion à la culture interne pour adopter des stratégies individuelles. EX : Femme comptable qui travaille pour son mari.- Gestion de la violence à l’hôpital relève de la compétence individuelle plus que d'une réponse collective et/ou organisationnelle (# ratp) 45% des IDE* se disent agressées verbalement ou physiquement au cours des 12 derniers mois. + Services urgence – psy – gérontologie - En clinique privée (tri des patients ? ) 1 - Les compétences IDE 5 niveaux d’expertise selon Patricia Benner 1 - Novice : pas d’expérience donc références aux règles enseignées. 2 - Débutant : commence à percevoir la signification des aspects caractéristiques rencontrés. 3 - Compétent : après 2/3 années d’expérience, une vision à long terme se dégage et la personne repère les aspects déterminants d’une situation et, ceux qu’elle peut ignorer. 4 - Performant : perception de la situation en terme globale plutôt qu’en terme d’aspects. Vision qui facilite la prise de décision avec un nombre limité d’hypothèse et un raisonnement conscient. 5 - Expert : personne qui ne passe plus par le raisonnement conscient mais par une reconnaissance « intuitive » (en fait liée à un bagage d’expériences références mobilisées). 2 - L'écart entre la tâche et l'activité Le travail est le lieu où se joue l'identité professionnelle. La reconnaissance au travail porte sur le faire, l’identité est donc inséparable des gestes techniques effectués par l'individu. Dans tout travail, il y a des tâches précises, décrites par les protocoles. Mais l’activité ne correspond pas toujours aux modes opératoires prescrits, finalement le travail est toujours inattendu dans sa réalité. EX : certaines IDE ne mettent pas de gants lors de prélevements. C’est pourtant dans l’écart entre le prescrit et le réel que l’on devient compétent. Bien travailler, c'est « bricoler » avec les moyens du bord. EX : Parvenir à faire l'ensemble des soins alors qu'il manque ce jour là une collègue. On va considérer que vous êtes efficace, compétente. Travailler ensemble suppose pourtant de coopérer et d'informer de son activité (et non de sa tâche) donc de rendre visible son bricolage. 3 - Travailler ensemble • La confiance Pour montrer ce que l'on fait réellement, il faut d'abord avoir confiance. EX : La gène de certaines IDE étudiante stagière leur est associée. lorsqu'une • Le jonglage temporel Mener une vie avec des horaires atypiques nécessite une capacité d'organisation spécifique. 54% des IDE alternent les horaires (soir/matin) 11% travaillent de nuit et 17 ne connaissent pas leur planning du mois prochain. • L'anticipation Le travail infirmier consiste à anticiper les désirs et besoins des autres acteurs (personnel soignant, patients, administration Ex : La sortie d'un patient : diagnostiquer de son état général pour penser sa sortie mais aussi préparer les documents comme l'ordonnance qui devra être signer par le médecin et donnée avec les consignes au patient. • La visibilité Il faut parfois être démonstratifs. Certains auteurs appellent cela les épreuves de grandeur et de monstration (Nicolas Dodier, Luc Boltanski), ce sont souvent des mises en scène du corps, une gestuelle, adressées aux autres. EX : « Regarde comme j'ai bien fait ». Mais cette coopération, ce travail d'équipe (cette possibilité d'avoir confiance, d'anticiper et de rendre visible) se complique par la naturalisation des tâches. 4 - Naturalisation des compétences Quand une femme a un savoir faire, une technique, un métier, la naturalisation de ses compétences consiste à dire que ce n’est pas le résultat d’un apprentissage, d’une conquête, mais que c’est naturel. EX : « Toutes les femmes savent faire un lit, » donc une IDE qui fait un lit ne fait rien qui relève d'une compétence, tandis qu'on attribuera cela à une compétence si l'IDE est un homme. Plusieurs études (P. MOLINIER) sur le métier d'infirmière et les métiers féminins (secrétaire, assistante sociale par exemple) ont montré que de nombreux gestes de l'activité quotidienne des femmes sont effectués sans que ceux qui en bénéficient se rendent compte des efforts qui ont été mobilisés. Le travail des femmes consiste à faire par anticipation ce que l'autre aurait à demander. Il s'agit d'être au service des autres, ou en tout cas d'avoir le souci de l'autre (take care) sans en faire la démonstration. EX : mettre la sonnette à portée de main du patient en refaisant un lit. Conséquence : le travail infirmier ne se voit que lorsqu'il est mal fait. Ex : Le patient ne remarque le travail de l'IDE que s'il a besoin de la sonnette et qu'elle n'est pas à sa place. Ex : le dossier discrètement glissé dans les mains du medecin lors de sa tournée par l'IDE. Ce geste n'est repéré que s'il n'est pas fait, lorsqu'il est fait cela est « normal ». Ex : Les instruments passés au chirurgien par l'IBODE lors d'une opération.... Nota Bene Concepts : Identité (profesionnelle soignante) Compétence (professionnelle) Organisation (des soins) Care Les représentations du corps, de la maladie et de la santé Corps comme objet sociologique : Marcel Mauss et les techniques du corps (1934 publié en 1964), façon de nager, de marcher différentes selon les cultures Le corps au physiologique. delà de sa dimension 1 - le corps « naturel » de l’Antiquité ● La vision aériste d’Hippocrate : un corps faisant tout avec son environnement, les saisons, la lune… ont un impact sur le corps. ● La dimension binaire : le corps est pensé à partir de la dichotomie corps/esprit. Le corps apparait ainsi comme une donnée physique a contrario de l’esprit métaphysique. ● Le culte du Beau : le Beau renvoie à la Perfection. Ex : les statues grecques. ● L'hygiène est sophistiquée. Ex : les égouts 2 – Le corps religieux du Moyen-Age ● Le corps, réceptacle de la volonté divine où il n’est que la traduction des préoccupations qui doivent se focaliser sur l’âme. ● L’endurance utile : un corps endurant qui doit répondre aux sollicitations. Ex : On coupe avec les dents ● L'hygiène est réduite à ce qui se voit et se fait à sec. Peur de l'eau, la peau est perméable. Ex : Se laver consiste à se frotter les mains et le visage avec un linge sec. 3 - Evolutions Au 16° siècle ●Le changement de linge apparait progressivement, la blancheur est synonyme de propreté. ● La propreté publique commence avec le ramassage des ordures. ● la montée des autocontraintes (N. Elias) EX : on ne lave plus que ce qui est visible, on se lave pour soi ● L'eau est utilisée à partir du 17° siècle. ● Le sentiment de pudeur n existe pas. ' Ex : Les lieux d'aisance n'existent pas, utilisation de chaises percées. Nobert Elias considère que la pudeur, l'idée de vie privée s'est installée dans la continuité de la montée des autocontraintes Ex : s'épiler des zones intimes dans un souci de civilisation. ● Le corps est source de plaisir en dehors des prescriptions religieuses qui quand même organisent la pensée de l époque. ’ 4 – Le corps des hygiènistes (18°...19°) ● Le corps déviant : une morale corporelle, les découvertes sanitaires imposent des prescriptions précises, délaissant le talc, les perruques et parfum. EX : Les microbes de Pasteur (18221895) ● Le corps industriel : un corps machine au service du développement de l industrie ● Montée de l'autocontrainte (N. Elias, apparition de l'idée de pudeur, d'un corps pour soi) ’ 5 – Le corps actuel ● Le corps individuel, segmenté, silencieux. ● Le corps en 3 D : un corps moins marqué par les maladies et par les soins puisque l'on voit à l'intérieur sans ouvrir. Ex : échographie ● Le corps sexué : la place du corps au féminin et la domination masculine. EX : les jeux féminins et masculins selon E. Belotti (1973) ou la répartition des taches ménagères selon JC Kaufmann (1997). 6 – Le corps vu par les IDE . Corps excrétant : toutes les excrétions du corps sont soit des paramètres à doser soit des signes cliniques à signaler. . Corps en décomposition avec un point de vue physiopathologique . Corps mort à travers la toilette mortuaire perçue comme une corvée plus que comme un rite . Corps nu, toilette ou geste technique comme pose d'une sonde. Corps dénudé plus souvent que nécessaire, façon d'échapper à l'individu sujet. Les représentations de la maladie 1 – Les maladies du Moyen-Age Trois éléments d’autrefois : déterminent les maladies (1) le nombre de personnes touchées, (2) l’impuissance, le stoïcisme face à cet envoi divin (3) la mort rapide physique ou sociale des malades. EX : les épidémies de lèpre, de peste. La notion d'épidémie Quatre éléments : - tout le monde peut être touché indifféremment. - l'émergence d'un bouc émissaire : l'étranger - méfiance accrue vis à vis de l'Autre - discours moral sur la maladie (punition divine) 2 - La tuberculose au 19° siècle Responsable de 20% des représentations opposées : décès, deux Romantique, éthérée, synonyme de vie intérieure intense « se brûler de ses tristes passions » Laennec. EX : la dame aux camélias. - Prolétaires aux moeurs dépravés, fléau social. EX : Fantine dans les Misérables de Hugo “Intérêt” de la tuberculose - l'apparition du personnage du malade, la tuberculose ne tue plus en nombre mais tue des individus. Il ne s’agit pas d’une épidémie. - la personne meurt longuement, elle a le temps de vivre avec cette maladie, d'en faire et d'en rapporter l’expérience (Kafka…). La durée de la maladie offre un nouveau statut. Constitution un groupe social. - une identification des conditions de vie est associée à la maladie avec l'identification des groupes et des lieux étiquetés comme dangereux. Développement de l'épidémiologie. Deux types de modèles Épistémologique : savoirs scientifiques dits biomédicaux : paramètres objectifs (isoler les causes et systématiser les symptômes). Dans l'explication de la maladie n'intervient pas l’interaction du malade avec son environnement. Etiologico-thérapeutique : registre de la croyance et non celui du savoir. Le rapport qu'a le malade avec son environnement est déterminant, voire explicatif. 3 – les maladies modernes - Prototype : le cancer et ses représentations. Pourtant, "un cancer est une tumeur causée par une humeur mélancolique qui ronge les parties du corps" (1958). Longtemps maladie honteuse dont on taisait le nom. Associé à la mort, Tumeur = tu meurs. Les fantasmes de pourriture s’attachent à cette maladie. L’image du crabe grignotant l’organe atteint et proliférant sournoisement. Soudaineté, brutalité, imprévisibilité. EX : une personne découvre au détour d'un RDV chez le médecin qu'elle a un cancer. Elle en mourra quelques semaines plus tard dans de terribles souffrances - Le sida 1980 : les groupes à risques 1985 : identification des modes de transmission, comportements à risques : sang, sexe et maternité : tout ce qui relève de la reproduction de façon plus ou moins symbolique. 1990 : vulnérabilité (minorités, femmes, étrangers, le Sud…) le Sida reprend bien les inégalités sociales, les rapports de dominations. Accès à l’info, possibilité de protection, possibilité de suivi médical… “Intérêt” du Sida - Réintroduction de la notion d'épidémies, depuis 1920 dernière grippe espagnole, 60 ans sans épidémie. - IST vision moralisatrice, le VIH proviendrait d’une utilisation déviante du corps, punition divine parfois même. - Latence : Introduit la notion d’attente, d’épée de Damoclès. Mais suppose une vie possible. 4 - Les maladies chroniques - la maladie se médicalise. Etre malade s’est parfois un taux ou une formule biochimique qui le révèle (ex diabétiques). C’est alors la médecine qui détecte la maladie avant tout symptomatologie. - gestion de la maladie, le malade a un rôle actif. Mais le choc n’est pas tant de se savoir menacé dans son corps (bien que les malades chroniques évoquent leur angoisse de se voir diminuer, déshumanisé) que de savoir qu’il va falloir sans relâche surveiller sa maladie, suivre un traitement, accepter les contraintes médicales associées. - identité offensive, attitude revendicative contre la monopolisation du savoir par les professionnels. Les représentations de la santé ● Une opposition entre nature/artifice autrefois/aujourd’hui et EX de représentations profanes : Avant le monde était naturel et on était moins malade. C'est la modernité qui nous ronge. ● Médiatisation de la santé et “sanitarisation” des médias. ● Une nouvelle responsabilité : gérer son capital santé. ● De la prévention au principe de précaution. La santé est l'absence de maladie que l'on prévient (on s'en prémunit) EX : dévelloppement des vaccins. La santé est une valeur et un enjeu social où sa gestion est de l'ordre de la responsabilité citoyenne. EX : On enlève du marché un médicament qui pourrait avoir des effets nocifs. On passe donc du principe de la prévention développée tout au long du 20° siècle au principe de précaution au 21° siècle. Ici la gestion du risque se situe en amont du danger. Nota Bene : Concepts abordés Représentation du corps Représentation de la maladie Représentation de la santé Intimité, pudeur Risque Bibliographie Isabelle Bianquis, David Le Breton, Colette Méchin (ss dir), Les usages culturels du corps, L’Harmattan, 1997 Carmel Camilleri, Margalit Cohen-Emerique, Chocs de culture : concepts et enjeux pratiques de l’interculturel, L’Harmattan, 1989 Malek Chebel, Le corps dans la tradition au Maghreb, PUF, 1981 Georges Devereux, Essais d’ethnopsychiatrie générale, Gallimard, 1971 Anne Dutruge, Rites initiatiques et pratiques médicales en France, L’Harmattan, 1994 Didier Fassin, « Les politiques de l’ethnopsychiatrie », in L’Homme, n°153, 2000, pp. 231 à 250 Didier Fassin, « L’ethnopsychiatrie et ses réseaux - L’influence qui grandit », in Genèse, n°35, 1999, pp. 146 à 171 Michel Foucault, Naissance de la clinique, une archéologie du regard médical, Paris, PUF, 1963 Claudine Herzlich, Santé et maladie, analyse d’une représentation sociale, Paris-La Haye, Mouton, 1969 Claudine Herzlich, Médecine, maladie et société, Paris-La Haye, Mouton, 1970 Claudine Herzlich, Malades d’hier, malades d’aujourd’hui. De la mort collective au devoir de guérison, Paris, Payot, 1984 Victor Hugo, Les misérables, dans Les œuvres complètes, (1881)