Agro-écologie : La Prairie Céréalière Des prairies qui produisent des céréales et donnent de l’herbe fraîche de 5 semaines au mois d’août ? C’est la prairie céréalière... Cela fait plusieurs années que Luc Friconneau s’essaie à la pratique de semis de mélanges céréaliers dans ses prairies. Bon an mal an, il perfectionne petit à petit cette technique qui préserve la fertilité de ses sols tout en lui garantissant une grande autonomie, des fourrages de qualité et des faibles coûts de production. Nous avons décortiqué pour vous cette technique qui a toute sa place dans les systèmes herbagers pâturants. Nous sommes face à une prairie verdoyante qui attend d’être pâturée. Le trèfle est présent, du ray gras, de la fétuque aussi. On y trouve aussi un peu de pissenlit, mais Luc ne s’en alarme pas du tout. Que dire de son âge? 3 à 4 ans ? Une prairie temporaire dans la fleur de l’âge ? Et bien non, nous sommes devant une prairie céréalière, une vieille-rajeunit dont 20 qx/ha de mélange céréaliers, 4 t/ha de paille et 2,7 t/ha de paille de bouche viennent de sortir cette année. Le tout sans labour, engrais, pesticides ni semences achetées. « Et encore, ça avait versé, normalement, ce sont 30 qx/ha attendus ». Comment est-ce possible ? Remontons ensemble l’historique de cette parcelle pour comprendre ce qui a été fait… En fin d’été 2013, cette prairie présente des signes de dysfonctionnement, elle commence par être envahit par du pissenlit, signe d’un excédent d’éléments fertilisants, mais aussi des problèmes d’anaérobie dans le sol. Luc 1 L’ATOUT TRÈFLE 75 décide donc de la passer en prairie céréalière. Il rase donc bien la prairie en juillet/août, passe le rotalabour puis sème un mélange céréalier en direct. Tout se passe bien, la prairie, détruite à plus de 90 %, se régénère petit à petit, tandis que le mélange céréalier lève et se développe, accompagné d’autres espèces fourragères présentes dans le stock de semences du sol (Luc laisse monter en graine ses prairies). Au printemps, le mélange céréalier est bien développé et n’a pas souffert de la concurrence avec la prairie. Luc décide donc de ne pas intervenir et attend l’été pour moissonner. Début juillet, les céréales versent sous le poids de l’eau et à cause du pois qui a dominé le mélange. Luc décide donc de moissonner à 15 cm de haut (20 qx + paille) et attends 5 semaines que la prairie ai repoussée avant de faucher à 5 cm et de récupérer une paille de bouche (mélange de paille et de foin). Ailleurs, Luc avait procédé de la même manière sur une ancienne prairie avec du dactyle. La prairie gagne sur le mélange Automne 2014 céréalier au printemps et il décide de faucher. Il obtient un mélange de méteil et de foin, avec un rendement estimé à 7,5 t brut/ha. 15 à 20 jours après, cette prairie était pâturée par ses vaches. Voilà pour les exemples pratique de cette année. Dans le détail, la maîtrise de cette technique repose sur 4 moments cruciaux : - Juillet-août : Que fais-je de mes prairies ? Je laisse ou je passe en céréales ? - Mai : Qui a gagné ? Je fauche ou je laisse pour moissonner ? - Juillet : Quelle hauteur de coupe ? Quelle vitesse de ventilation ? - Août : Je pâture, je fauche ou je ressème la prairie ? Pour que vous soyez capable de reproduire cette technique si vous le souhaitez, mais aussi car ces questions sont riches en enseignement, nous allons les expliciter l’une après l’autre. Q°1 : Comment choisir les prairies à rajeunir ? Agro-écologie : La Prairie Céréalière Le choix des prairies repose en premier lieu sur vos besoins, chez Luc, environ 1/4 de son assolement doit être en prairiecéréalière pour qu’il soit autonome. Partant de ça, il analyse l’ensemble de ses parcelles et choisit celles qui présentent des déséquilibres tels que : compaction, anaérobie, blocage des nutriments ou encore excès d’azote. Le recours aux plantes bioindicatrices, permet de dresser ce diagnostique avec précision. Par exemple, s’il y a beaucoup de chardons et de pissenlit, c’est que le sol est compacté et ne respire pas (anaérobiose) mais est néanmoins riche en éléments fertilisant (rapport C/N faible). Le passage en prairie céréalière permettra au sol de s’aérer (possibilité de décomptacter si besoin) et à la prairie de se régénérer. La culture va agir comme une pompe à nutriments et le rapport C/N va augmenter. Le schémas ci-dessous résume les principaux cas rencontrés. n’y a pas trop à craindre. Mais la concurrence n’est pas le seul critère de choix, s’il y a beaucoup de plantes indésirables, la décision sera de faucher pour ne pas laisser le tout monter en graine. Cette année par exemple, le dactyle a dominé une des parcelles, Luc ne voulait pas laisser cette plante grainer et il a donc décider de faucher. Par contre, si la prairie contient des plantes à bonne valeur fourragère et qu’elle n’étouffe pas le mélange céréalier, il est alors intéressant de laisser aller jusqu’à maturité. Ici aussi la connaissance des plantes bioindicatrices aide à prendre la bonne décision. Q°3 : Comment moissonner ? Au moment de moissonner, la question de la hauteur de coupe et de la vitesse de ventilation se pose. En ce qui concerne la hauteur, plus on coupe bas, plus on a d’herbe et l’on s’oriente alors vers une paille de bouche. Plus on monte, et plus on aura de paille. Quelques chiffres (2013/2014) Charges opérationnelles Prairies temporaires : 29 €/ha Mélange céréalier : 182 €/ha (61 €/t) Produits prairie céréalière Rendements : 30 qx/ha 3 t paille/ha 1,5 t paille de bouche/ha pâturage d’août = 2 000 kg Lait /ha Au niveau de l’exploitation Coût alimentaire = 79 €/1000 L Marge brute = 427 €/1000 L = 1 572 €/ha SFP de récupérer des graines que l’on peut supposer de bonne qualité fourragère. Q°4 : Pâturer, faucher ou ressemer ? Dernière étape, dernière question. Après la moisson, le sol est humide, la prairie retrouve la lumière et la chaleur. En 4 à 5 semaine, la prairie céréalière est couverte d’une herbe fraîche. Un bonus d’herbe qui tombe à pic en été sec. Pas besoin de parcelle parking, car un nouveau cycle de pâturage peu commencer. Par contre si l’été est humide et qu’on dispose de surfaces encore pâturable, il faudra peut-être en faucher une partie. Enfin, si la prairie n’est pas bien repartie et que la densité de fourrage est faible, Luc décide parfois de pâturer bien ras et de sursemer des espèces fourragères (environ 10kg de mélange). T.S. Q°2 : Qui a gagné? Au printemps, il faut analyser la prairie céréalière pour voir si le mélange céréalier est en train de se faire dominer. De manière générale, si, de visu, la prairie présente plus de 50 % de la surface, la décision de faucher est prise. Si elle est dense, mais basse, il Les besoins en paille et fourrage, mais aussi la hauteur de pousse de l’herbe sous le couvert définissent alors cette hauteur. En ce qui concerne la ventilation, cela dépend des besoins en semences fourragère et de l’historique de la parcelle. Si elle fournissait un fourrage de qualité pour les vaches, diminuer la vitesse permet alors La rédaction de cet article a été soutenu par le FEADER. L’ATOUT TRÈFLE 75 Automne 2014 2