Pas de transformation sans management

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Regards
cr isés
Pas de
transformation
sans management !
n°43
Février 2015
Regards
Croisés
P.
n°43
4-5
P.
Le point de
vue IDRH
INTERVIEWS
Manager sans
compliquer les
choses
P.
8 - 10
le management,
art ou
technique ?
Pierre Morin
18 - 19
11 - 13
Le management
des centres
d’appel, une
question de
confiance ?
Emmanuel Mignot
Teletech International
P.
20 - 22
Une nouvelle
ecole de
management à
strasbourg
Quel
enseignement
du management
demain ?
Pierre Laplane
Communauté de Strasbourg
Jean-Michel Blanquer
ESSEC
P.
26
P.
notre offre
6-7
Le matriciel et
le management,
une rencontre
impossible ?
Jean-Pierre Letartre
Ernst & Young
P.
APPROCHE
HISTORIQUE
P.
IDRH
27
Kaléidoscope
P.
14 - 17
Faut-il 10 ans
pour réussir
une démarche
managériale ?
Charles Lantieri
Française des Jeux
P.
23 - 25
Quand le
«Pacha» parle
de management
Olivier Lajous
P.
28
CONTACT
Diagnostic des
Systèmes de
Management
Directeur de la publication : Frédéric PETITBON
Conception et réalisation : Frédéric PETITBON, David RAZZANO, Charlotte MEASURES
Coordination : Cécile ARNAUD
Graphisme : David L Y
Regards Croisés - IDRH
Février 2015
EDITO
Pas de
transformation
sans management !
A
rrêtons d’enrober, ne m’ennuyez plus avec de la communication et des états d’âme, ne me parlez
plus de management – je veux des résultats ! » entend-on en entreprise : la fatigue et le niveau de
tension sont tels que tout ce qui apparaîtra comme « du confort » est suspect pour les directions
générales. Et le management est souvent rangé dans cette catégorie : un investissement inutile
pour faire plaisir, du « soft » pour faire accepter les décisions et les faire relayer.
«
Pourtant ce sont les mêmes directeurs généraux qui expliquent à quel point leurs managers ne sont pas
au niveau, ne relaient pas leurs impulsions et continuent à se comporter « comme avant » leur arrivée,
avant la transformation qu’ils ont engagée… et donc il faut les remplacer, en faisant venir des managers
de confiance, avec qui on a travaillé dans d’autres circonstances.
C’est maintenant qu’il faut penser management. Pas pour « faire plaisir » et développer une gentillesse
de bon aloi dans les relations humaines - mais pour mettre en phase la stratégie professée et les actes
réalisés. Il faut réduire cet écart que trop d’entreprises constatent entre les grands mots et la pratique
au quotidien, entre le langage de priorités du président et les pratiques cloisonnées, de reporting et
d’ouverture de parapluie des équipes. Et réduire l’écart entre ce qui est et devrait être, qu’est-ce que
c’est, sinon le management ?
Ce Regards Croisés IDRH contribue à cette vision du management au cœur des transformations
d’entreprise. On y verra des changements dans la durée, qui n’auraient pas eu de réalité opérationnelle
si le management n’avait pas profondément fait évoluer ses pratiques, comme à la Française des Jeux ;
on y verra des pratiques de management remarquables avec la prise de recul de leurs titulaires, tels le
Amiral Lajous ou Emmanuel Mignon ; et on prendra du recul sur le sujet avec Jean-Michel Blanquer et
Pierre Morin, qui nous feront naviguer entre 7 000 années d’histoire managériale et les questions posées
par l’enseignement du management 2.0.
« Bon management » dans vos transformations !
Jean-Luc Placet
Président
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
POINT DE VUE IDRH
Manager sans compliquer
les choses
M
anager sur fond d’incertitude et de complexité
Le contexte de crise économique dans lequel les entreprises
évoluent depuis quelques années
met celles-ci sous une tension d’autant plus difficile que l’incertitude,
qui a en fait toujours existée mais
qu’elles ont souvent ignorée, est
devenue maîtresse du jeu. Ce qui
est déstabilisant avec l’incertitude,
c’est qu’elle nous oblige non seulement à constater nos limites (celles
qu’on peut mesurer) mais aussi à
admettre que nous ne connaissons
pas les limites de notre ignorance
(que l’on ne peut pas mesurer) ce
qui caractérise tout phénomène
qualifié de complexe1 . Une organisation est par nature complexe
parce que vivante et pétrie des
forces et des faiblesses de l’humain.
L’incertitude démultiplie la perception de la complexité en ce qu’elle
génère de multiples réactions humaines impossibles à anticiper
parce que motivées par la peur, le
doute, la perte de sens ; mais aussi
en ce qu’elle pousse les dirigeants à
se rassurer en renforçant les processus de contrôle, de mesure, en multipliant les structures voire les instances de prise de décision créant
ainsi, comme le souligne Yves Morieux, « des labyrinthes organisationnels
qui brident la productivité et les capacités
d’innovation tout en démotivant les individus avec toujours plus de souffrance au
travail. Ce faisant, on gère la complexité
en rendant les choses plus compliquées
encore »2.
Manager, c’est savoir décider et
favoriser la coopération
Dans cette ultra complexité et par
manque de perspectives stables,
beaucoup de managers ont le sentiment de « piloter à vue » leurs
équipes et leur production. C’est un
mode de pilotage qui nécessite de
l’agilité, de l’adaptabilité, de l’intui-
tion et, par-dessus tout, une capacité à décider clairement. En cela,
les managers sont en constant état
de « crise » si on se réfère à l’étymologie de ce mot qui nous renvoie au
grec krisis qui signifie « jugement »,
« décision ». La responsabilité managériale consiste d’abord à savoir
poser des décisions à des moments
clés. Cela n’est pas nouveau mais
est d’autant plus aigu en ces temps
où les éclaircies sont plus que rares.
Le sociologue François Dupuy3
constate que, parce que les prises
de décision se sont dispersées, le
management s’est mis en situation
d’éloignement avec le « travail réel ».
Et d’affirmer qu’il faut « en finir
avec la standardisation de la gestion et travailler plutôt à rétablir
une société de confiance et de simplicité ». Plus de « soft » et moins de
« hard » ? Plus de liens interpersonnels et moins d’aliénation technocratique ? Pour Yves Morieux cette
distinction « est aujourd’hui obsolète
parce que ne résistant plus à la nouvelle
complexité que nous vivons au sein des
entreprises ». Selon lui c’est sur la dynamique de coopération qu’il faut
miser pour économiser du temps,
de l’équipement, des systèmes et
surtout économiser les équipes !
Parmi les règles à mettre en œuvre
pour favoriser la coopération, ce
militant pour une « simplification
1
Comme l’écrit Jacques-Antoine Malarewicz, in Systémique et entreprise – Mettre en œuvre une stratégie de changement - 2ème édition (PEARSON - Village Mondial, 2008), pg. 22 : « tout ce qui est
humain est complexe, parce que susceptible d’être l’objet d’une volonté ou d’un acte de communication, donc susceptible d’entrer dans une logique non linéaire », logique faite d’éléments que nous ignorons et ne pouvons donc pas mesurer.
2
Yves Morieux, 6 règles pour simplifier le travail de plus en plus complexe (TED@BCG San Francisco – Octobre 2013). Yves Morieux et Peter Tollman – Six simple rules : how to manage complexity without
getting complicated (Harvard Business Review Press, Avril 2014)
3
François Dupuy, sociologue des organisations, Lost in management (Seuil, 2011)
4
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
intelligente » préconise par exemple
de comprendre le travail des autres,
de donner plus de pouvoir aux managers qui favorisent la coopération, de responsabiliser les gens en
les laissant utiliser leur jugement et
leur intelligence, d’augmenter la réciprocité en accentuant les dépendances et les bénéfices liés à la coopération entre chaque fonction, de
récompenser la coopération.
S’engager sur la voie exigeante de
la confiance et de la simplicité
En résonnance avec ces réflexions et
ces constats et au regard de notre
expérience d’accompagnement des
organisations dans des démarches
de développement et de mobilisation du management très souvent
liées à des démarches de transformation, il nous semble important
de souligner les points suivants :
La confiance reste le levier managérial essentiel à activer pour
mobiliser les équipes de collaborateurs. Elle ne se décrète pas mais
se construit à pas déterminés au
fil d’un processus de concertation
et de formation qui doit engager
l’ensemble des managers de l’organisation des niveaux les plus stratégiques aux niveaux les plus opérationnels. La vision rigide - et très
française ! – du patron qui côtoie
le moins possible l’encadrement
de proximité a fait long feu. Si distance il doit y avoir, celle-ci doit
être juste, chaleureuse et féconde
plutôt qu’institutionnelle, froide
et peu engageante. Faire le pari de
la confiance, c’est miser sur le bon
sens, sur l’intelligence et la capacité d’adaptation des managers.
Pas simple ! Cela présuppose une
volonté de faire évoluer – voire de
changer – les paradigmes en place.
Pas simple… mais possible.
ne peut plus seulement se penser
en belles notions génériques, en
«bonnes pratiques » reproductibles
dans toutes les formes d’organisation. A trop l’avoir fait dans le
cadre de formations managériales «
sur étagère », il n’est pas étonnant
que les managers ne franchissent
pas le pas de la mise en œuvre de
certaines techniques par trop abstraites promues dans ces formations. Le métier de manager ne peut
être déconnecté du métier technique dans lequel il l’exerce. La «
simplicité intelligente » commence
par partir des pratiques professionnelles et des valeurs sur lesquelles
elles reposent pour élaborer les
bonnes pratiques managériales qui
favoriseront une véritable coopération.
ou de la non communication managériale sur ses collaborateurs.
Sans une communication finement
pensée et mise en œuvre, la coopération et la pollinisation des
savoirs et de l’intelligence resteront
des vœux pieux. Rien ne remplace
la qualité d’une communication
interpersonnelle. Les technologies
aujourd’hui à notre disposition
pour communiquer et faire circuler
l’information ont démontrées leurs
limites voire leur caractère nocif si
elles ne sont pas maîtrisées par une
déontologie clairement affichée.
Savoir communiquer, c’est savoir
accueillir, savoir écouter, savoir
reformuler, savoir décrire, savoir
expliquer, savoir ré-expliquer, savoir
demander, savoir répondre à la demande…
C’est dans le cadre d’une réalité
métier donnée que le management
doit pouvoir se dire, se partager,
se construire. Le management
Parce que « la complexité est inhérente à toute situation de communication », le manager doit mesurer l’impact de la communication
Les défis que contiennent ces
quelques remarques interrogent
notre art de compliquer les choses… n
5
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Le matriciel
et le management,
une rencontre impossible ?
Entretien avec Jean-Pierre Letartre
PDG Ernst & Young en France
Le fonctionnement matriciel de
l’entreprise laisse-t-il une place à
l’homme dans l’organisation ?
Nous ne sommes plus dans le
matriciel mais dans un environnement multi-dimensionnel fait de
métiers, de compétences, de secteurs, de sites géographiques, etc.
Le collaborateur a une vision multi-dimensionnelle, c’est une réalité
qu’il faut accepter ! La question
pour nous est dans l’utilisation de
ces dimensions. Qu’est-ce que je
vends au client : une compétence ?
Une connaissance fine d’un secteur ?
Une relation de proximité ?... L’organisation hiérarchique ne garantie
pas un management plus humain.
Nous devons toujours avoir la
préoccupation de faire grandir le
collaborateur et d’ajuster les comportements. Dans le cadre de leurs
missions d’audit, nos managers
sont en relation avec un acteur interne, porteur de la mission et en
charge de s’occuper d’eux. La multi-
Actuellement Président d’EY en France et CEO d’EY en France, au
Luxembourg et au Magreb, Jean-Pierre Letartre a rejoint le cabinet
EY en 1985. Il est très impliqué de part ses convictions dans la promotion de l’entreprenariat en France et dans le développement de
la responsabilité sociétale des entreprises (Prix de l’Entrepreneur de
l’année, co-fondateur de l’association Citizen Entrepreneurs, soutien
actif de l’association MoovJee - Mouvement pour les Jeunes et les
Etudiants Entrepreneurs) ; il a été nommé en juillet 2013 au conseil
exécutif du Medef et est Président du pôle "France 2020".
dimensionnalité se manage par les
comportements.
Vos collaborateurs utilisent des
modes de travail virtuels. Comment « manager par les comportements » dans cette dimension ?
Il y a toujours besoin de réunions
physiques. Mais il faut relever l’intensité de ces réunions car il faut
toucher les gens. On ne peut pas
faire que du virtuel. La technologie
est encore insuffisamment développée pour rendre le virtuel moins virtuel ! Pour faire passer un peu plus
d’humanité au travers des ondes il
faut pouvoir se rencontrer physiquement de façon régulière.
Cela pose du coup la question de
la chronophagie des réunions. Sur
6
ce sujet nous devons progresser.
Il nous faut optimiser, réduire le
temps des rencontres internes en
les fixant à un rythme régulier et à
un horaire précis.
Comment comprenez-vous une
organisation « humaine » ?
Si on entend par organisation humaine le lieu du consensus mou,
telle n’est pas ma compréhension !
L’organisation « humaine » n’est
pas l’organisation molle faite de
non décision voire de lâcheté.
C’est l’organisation qui fait preuve
« d’humanité » qui est exemplaire et
qui regarde l’avenir. Là encore, c’est
une question de comportements au
quotidien : respect des autres, respect de la différence, respect de la
diversité. Pour moi, une organisa-
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
tion exemplaire doit être exigeante.
Dans un monde difficile, il faut être
exigeant et juste. C’est ça l’humanité !
La question qui se pose maintenant
est de savoir comment concilier une
organisation tournée client, génératrice de stress, avec une organisation « humaine » ? Car il y a le
stress porté par le client, et il y a
celui qu’on rajoute. Si on n’avait
que le stress client, ce serait facile !
Le problème est qu’il y a amplification du stress en interne. L’organisation est comme un entonnoir, elle
a tendance à transformer la brise
en tempête ! Ce qui est important
à mes yeux, c’est la capacité de l’associé à garder pour lui le stress du
client et à le minimiser en interne.
Le dirigeant doit être importateur de stress et exportateur de
confiance. J’en fais une qualité essentielle. Dans des postes de management, la capacité de la personne
à gérer le stress est majeure et j’essaie de me l’appliquer à moi-même.
En plus de cette qualité que vous
venez de mentionner, quelles sont,
selon vous, les autres qualités d’un
dirigeant ?
J’en vois au moins cinq autres :
1. La confiance d’abord ! La
confiance est à donner a priori
aux collaborateurs. Elle permet
de développer la responsabilité et la prise d’initiatives. Elle
est indispensable pour le cadre
dirigeant en cela qu’elle lui permet d’exercer une véritable délégation et de mieux conduire
les processus d’évaluation et de
contrôle des résultats.
2. Montrer de la disponibilité, de
l’ouverture et démontrer une
intensité d’écoute et d’empathie vis-à-vis des équipes. Il est
essentiel que le collaborateur
sache qu’il peut voir le dirigeant lorsqu’il est confronté à
un problème. Vu du collabo-
rateur, le contact direct avec le
cadre dirigeant est vécu comme
exceptionnel ! Il est pourtant
essentiel que le dirigeant ait la
capacité à entraîner et à fédérer les équipes en les rencontrant pour diffuser l’empathie
et l’énergie dont elles ont besoin. Il faut savoir « perdre » du
temps avec ses collaborateurs.
Je conviens que c’est très difficile pour un manager qui est
focalisé sur la performance, qui
compte son temps au point de
finir lui-même les phrases de
son collaborateur pour aller
plus vite !
3. S’interroger sur sa légitimité et
l’assumer vis-à-vis des équipes.
L’excès de confiance en soi est
dangereux. L’interrogation sur
sa légitimité à occuper un poste
maintient le dirigeant dans une
dynamique d’apprentissage et
l’aide à mieux écouter les autres.
4. « Porter le costume » du dirigeant. Les équipes attendent
que celui-ci incarne un comportement qui corresponde à sa
fonction. Dans cette perspective je souligne un point de vigilance qui peut sembler anodin
mais qui ne l’est pas : attention
à la façon d’utiliser l’humour !
7
Si l’humour peut être de bon
aloi et faciliter la communication, il peut parfois virer à l’ironie ce qui est pire que mieux !
5. Ne pas confondre « compromis » et « compromission ».
Quand il s’agit, dans la
conduite d’une organisation,
d’embarquer les associés, un
travail constant doit être fait
pour construire avec eux les
évolutions de l’entreprise et
faire en sorte qu’ils y adhèrent.
Le compromis, qui ne signifie
pas le reniement de ses valeurs,
est alors incontournable. Pour
atteindre les objectifs, le dirigeant doit parfois accepter que
tout ne soit pas parfait.
Quels sont les leviers humains que
vous actionnez pour rendre votre
organisation innovante ?
J’espère qu’EY est une organisation innovante. Peut-être est-ce une
question d’état d’esprit ? Je veux
surtout cultiver la capacité à se remettre en cause. Je dois me remettre
en cause sur ce que je fais tous les
jours. Et ne pas dire « ce n’est pas
possible parce que… ».
Je pense que l’innovation est stimulée dès lors qu’on « secoue » l’organisation et qu’on y met des éléments de disruption. n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
APPROCHE HISTORIQUE
7 000 ans de pensée managériale
le management,
art ou technique ?
Pierre Morin
Président d’Honneur d’IDRH, Pierre Morin est intervenu en tant que
consultant auprès d’entreprises et d’administrations françaises et
étrangères. Il a enseigné à Sciences Po et à l’IAE de Paris et publié
plusieurs ouvrages sur le fonctionnement des organisations et le management.
Le management est aussi vieux
que l’action collective organisée
Le management ne date pas d’hier.
5 000 ans avant Jésus-Christ, les
prêtres sumériens, gestionnaires
d’importantes richesses constituées de troupeaux, de propriétés,
de taxes, etc. étaient contrôlés par
les organisations religieuses. Pour
ce faire, des méthodes d’enregistrement des données ont été développées à des fins de contrôle. Et c’est
ainsi, il y a des milliers d’années,
que des soucis de contrôle de gestion vont donner naissance et essor
à l’écriture… Planifier, organiser et
contrôler : cette trilogie basique
du management se retrouve dans
des textes égyptiens remontant à
3 000 avant Jésus-Christ.
Les constructeurs des pyramides
dissertent sur l’autorité et la responsabilité, ou encore sur les avantages et les inconvénients d’une gestion centralisée ou décentralisée,
avec des arguments du même ordre
que ceux employés aujourd’hui.
A Babylone, sous le règne de Nabuchodonosor, on utilisait des techniques de contrôle de la production
et des formes stimulantes de salaire.
Les traités de stratégie chinois,
comme l’Art de la guerre de Sun
Tzu (500 avant Jésus-Christ), sont
encore aujourd’hui sources d’inspiration pour le marketing et la
conduite des affaires.
Si pour les philosophes grecs manager constitue un art distinct de
tout autre – plusieurs d’entre eux
démontrent l’intérêt des études de
mouvements pour augmenter l’efficacité d’une activité de production –
les Romains, de leur côté, insistent
sur la définition de fonction comme
moyen efficace d’organisation à
l’instar de Caton (200 avant JésusChrist) qui décrit avec une précision étonnante ce que doit faire un
agent de maîtrise.
Bien avant le BCG, les banquiers
florentins de la Renaissance pratiquaient l’analyse du portefeuille
d’activité.
8
« Pensée manageante » versus
« pensée managériale »
C’est dans les profondeurs de cette
histoire retracée ici à grands traits
que la « pensée manageante » (les
solutions disponibles à la disposition des managers) trouve ses origines. Ce savoir empirique, d’esprit stratégique et tactique, guide
l’action collective organisée en vue
d’un but à atteindre : produire,
construire, conduire une armée,
administrer une cité… La pensée
manageante va s’enrichir au fil des
temps et proposer un choix de méthodes, de démarches, de solutions
disponibles pour résoudre les habituels problèmes rencontrés dès qu’il
s’agit de conduire et d’organiser
une action collective finalisée. Mais
parce qu’il n’y a pas deux situations absolument identiques et que
la complexité inhérente à chaque
contexte génère des variables déterminantes, la pensée manageante
doit inévitablement être complétée par la « pensée managériale ».
Dit autrement, la théorie, les listes
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
de démarches et de solutions possibles, les outils, ne suffisent pas ;
le management c’est aussi l’art de
manager, d’utiliser la pensée manageante. C’est l’histoire qu’écrivent
les managers – dirigeants et managers de proximité opérationnelle –
celle de leurs pratiques (voire celle
des « managés » face au management dont ils sont l’objet). Histoire aussi des décisions prises et
influencées tant par les raisonnements et les recommandations de
la pensée manageante que par leurs
intuitions, leurs préférences et leurs
intentions personnelles face aux
situations concrètes auxquelles ils
furent quotidiennement confrontés. C’est ainsi que la pensée managériale comble « les trous » de la
pensée manageante.
Les 7 piliers du management
Depuis le milieu de XXème siècle,
le management doit ses progrès au
fait d’être devenu lui-même objet
de recherche, au point d’être reconnu comme une discipline majeure.
Sans être devenu pour autant une
science au sens strict du mot, ce
savoir empirique s’est constitué au
cours des siècles, enrichi de pratiques millénaires.
Le bilan de cette longue histoire
permet d’identifier, question mana-
gement, 7 points de repère que l’on
peut considérer comme plus importants que d’autres parce qu’ils
résistent aux modes et aux foucades
du moment :
1. L’organisation ne fonctionne
jamais comme prévu ; les individus, les groupes ont des comportements souvent imprévisibles. Partant de là, manager,
c’est favoriser la coopération
en la faisant reposer autant
sur des compromis que sur
des adhésions ; c’est assurer la
convergence, de tous les instants, entre le fonctionnement
réel et le fonctionnement désiré
par les dirigeants trop souvent
isolés dans le monde à part de
leur siège social. Agir en manager, c’est être conscient qu’il y
a toujours une distance entre le
normatif et le descriptif.
2. Appliqué aux différents niveaux hiérarchiques de management, le raisonnement cyclique est essentiel : Prévoir,
organiser, faire faire, contrôler. Chaque étape a la même
importance :
Prévoir, c’est planifier, arrêter
des orientations et des politiques, fixer des objectifs pour
9
le long et le court terme ;
Organiser n’a de sens que
par rapport aux finalités, projets, visions, objectifs issus de
la phase précédente. Ici, les
méthodes et les techniques
de la pensée manageante apportent un précieux concours
pour répondre à des questions telles que « Comment
répartir les activités ? Quelle
structure mettre en place ?
Comment organiser la gestion
du personnel, la budgétisation,
les relations entre fabricants et
commerciaux ?... » ;
Faire faire implique la complémentarité des rôles entre
les collaborateurs (exécution
des tâches conformément aux
résultats visés) et leur responsable (orientations, ordres,
conseil, assistance, soutien,
influence) qui conduit et coordonne les actions quotidiennes
dans leur mise en œuvre ;
Contrôler, c’est la phase qui
constate les écarts entre objectifs et résultats ; le but est de
décider les mesures correctives
qui seront répercutées sur le
nouveau cycle : prévoir, organiser…
Les décisions de court terme,
prises dans l’urgence ne dispensent pas de la discipline de
cette démarche basique. Par
ailleurs l’incertitude concernant l’environnement ou les
effets des choix faits accroissent
la nécessité de ce raisonnement
cyclique.
3. Distinguer le macro-management (décisions stratégiques,
fixation des politiques générales,…) du micro-management (animation d’une équipe,
problèmes quotidiens imprévus, encadrement de proximité,…) car les problèmes rencontrés en micro-management
relèvent de raisonnements, de
références, de méthodes spé-
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
cifiques. On peut rappeler à
ce sujet la remarque de Martin
Weitzman (professeur au MIT) :
« La guerre contre les difficultés économiques ne peut
être gagnée si nous la menons
seulement au plan élevé et
aseptisé de la gestion macroéconomique. La victoire sera
remportée dans les tranchées
boueuses de l’action micro-économique. » N’oublions pas les
tranchées boueuses du micromanagement, particulièrement
dans la mise en place d’un profond projet de changement.
4. Arbitrer entre les horizons de
peront toujours à quelques procédures, trucs ou méthodes que
ce soient. Le flot de relations
interpersonnelles dans lequel il
se trouve entrainé nécessite de
la part d’un manager de se fier
à sa compréhension intuitive
d’une situation.
6. Diriger par les objectifs : pensée managériale et pensée manageante se sont construites
et développées à partir de ce
concept depuis des siècles.
Force est de constater que
l’inefficacité de tant de dispositifs d’évaluation est souvent
dirigeant, cadre, technicien, a
des objectifs personnels et, derrière la conformité de bon aloi,
son comportement contient
des stratégies plus ou moins
manifestes au service de ceux-ci.
De plus, la diversité des situations concrètes individuelles
aboutit, dans une organisation
(entreprise, service administratif, parti politique, association
caritative, etc.) à une juxtaposition de rationalités différentes
du fait de cette diversité. Chacun profite du « flou » de son
environnement, des enjeux, des
temps différents et souvent difficilement conciliables des acteurs d’une organisation, court
terme des opérationnels, plus
long terme des fonctionnels.
Le rôle de régulation en durée
réelle doit être tenu par la fonction de direction. La vie quotidienne privilégie les visées de
court terme et ses critères plutôt que ceux liés au respect des
politiques générales, peu nombreux voire flous ou inexistants.
5. Maintenir un judicieux équilibre
entre le « hard » et le « soft ». Les
procédures constituent un côté
« hard » du management. Elle
« durcissent » en la formalisant
et en la systématisant la pensée
manageante. Quoique substrat
nécessaire au fonctionnement
d’une organisation, toute la
dynamique organisationnelle
ne peut cependant pas être
traduite en procédures ; tout
comme on ne peut pas mettre
en procédure l’innovation, la
réactivité, l’adaptabilité. Tout
manager se trouve en effet en
permanence confronté à des
situations imprévisibles face
auxquelles il doit montrer sa capacité d’adaptation et de réactivité. Le côté « soft » du management s’intéresse aux gens et
aux comportements qui échap-
due à l’absence d’objectifs pertinents. Un objectif indique un
horizon de temps sans lequel il
est impossible d’apprécier les
performances dans la réduction
de l’écart entre un état actuel et
un état visé. Par ailleurs, il est
capital que les objectifs organisationnels soient, à travers
macro et micro-management,
déclinés le long de toute la ligne
hiérarchique rendant ainsi chacun réellement partie prenante
du projet global.
7. Admettre l’absence de rationalité dominante... « mes objectifs ne sont pas exactement ceux
de mes collaborateurs ou de
mes collègues. » Chaque acteur,
10
opportunités et des contraintes,
pour favoriser ses objectifs personnels, individuellement (par
exemple, compétitions plus ou
moins masquées) ou collectivement (par exemple, solidarité
négative). Ceci aboutit à des
conduites estimées par les intéressés comme « raisonnables »
ou « satisfaisantes » au regard
des avantages et des inconvénients des comportements possibles dans leur situation. Sans
attendre une vaine rationalité
dominante qui s’imposerait
d’elle-même à chacun, l’art du
manager c’est aussi d’agréger,
de faire converger, de combiner
au mieux des attentes et des visées individuelles diverses.n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Le management
des centres d’appel,
une question de confiance ?
Entretien avec Emmanuel Mignot
PDG de TELETECH International
Quel est le modèle de service que
propose votre entreprise et comment êtes-vous parvenu à le faire
évoluer ?
Le métier des centres d’appels est
généralement considéré comme un
métier de prestataire qui intervient
en bout de chaîne. Nous sommes
dans un secteur où, bien souvent,
les prestations ne vont répondre
que de très loin à ce qu’attendent
les consommateurs parce qu’il faut
aller très vite, rattraper le retard pris
par tous les décideurs, et ne pas
être cher ! Nous sommes face à des
donneurs d’ordres, des acheteurs,
des responsables divers qui nous
placent dans un rôle d’exécutant.
Pour sortir de ce schéma qui génère
une certaine déconsidération pour
les centres d’appels, il faut d’abord
se poser quelques questions : estce qu’il faut changer ? Est-ce que
ça vaut le coup de changer ? Est-ce
qu’il y a une attente ? Comment
fait-on pour changer alors qu’on est
rentré dans cette frénésie du coût
Emmanuel Mignot a 58 ans. Il est le Président et fondateur du
Groupe Teletech International, spécialiste de la Relation Client et des
centres d'appels. Le groupe emploie 550 collaborateurs en France et
à l'étranger. Il a fondé l'European Social Label, dans le prolongement de son engagement reconnu pour un dialogue social rénové.
Il est l'éditeur du wiki de la Relation Client, CherClient.org et de la
webTV associée, CherClient.tv, qui sont des plates-formes ouvertes
de partage d'expériences originales en matière de Relation Clients.
Il a ouvert un Campus d'entreprise centré sur l'expertise client, Teletech Campus, dans l'ancien siège d'Amora à Dijon.
toujours plus bas ? Est-ce qu’il y a
matière à porter quelque chose de
différent ? Nos clients sont souvent
convaincus d’avoir une meilleure
idée que nous sur comment il faut
faire. Au final, cela les dessert car ils
se privent de l'expertise, qu'en tant
que spécialistes, nous pouvons leur
apporter. Il faut donc emporter la
conviction des décideurs. Ce n’est
pas simple car ils ont pris l’habitude
d'agir en fonction de faits validés,
démontrés, quantifiés, estampillés… Donc comment fait-on cela ?
Par la logique et la conviction.
Aujourd’hui, le système c’est quoi ?
N’ayant pas les moyens d’être sélectif puisque ce que je propose n’est
pas attractif, je recrute n’importe
qui ; je n’ai pas les moyens de le former, donc je le forme rapidement
en 2 jours ; je le mets en poste et il
11
faut qu’il ait des résultats ; puisqu’il
n’est pas compétent, je lui dit ce
qu’il a à faire ; je norme donc la
prestation et je la contrains avec
des superviseurs, des contremaîtres
du 21ème siècle qui mettent la
pression, qui encadrent, « engueulent », poussent, tirent etc. ;
au final, j’ai des collaborateurs pas
motivés, j’ai de l’absentéisme, du
turn-over et de la prestation qui
n’est jamais de bon niveau puisque
n’ayant pas le bon niveau de compétence. Voilà la situation d’aujourd’hui ! Quelle chance avez-vous
de produire de la qualité dans de
telles conditions ? Est-ce que le manager du Real embauche n’importe
quel type, le paye mal, « l’engueule »
et espère gagner la Coupe d’Europe
avec ça ? Ce serait un miracle, et il
s’en produit rarement !
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
d’avoir à faire au service client, des
non clients et des représentants des
collaborateurs. Puis on observe
si les courbes se ressemblent ou si
elles sont différentes, on analyse les
écarts et sur cette base on définit
avec notre client un plan d’action.
On passe par conséquent, d’une
relation client-fournisseur à une
relation collaborative, partenariale,
pour produire un meilleur service.
On le fait en définissant avec lui un
plan d’action, en décalant son regard en lui disant que ce qui est important ce n’est pas que ça se passe
bien chez nous, mais chez lui !
Comment
faites-vous
pour
« emporter la conviction » des décideurs ?
Pour emporter la conviction, il faut
travailler sur ce qui a de la valeur.
Et ce qui a de la valeur c’est ce que
les gens achètent, c'est-à-dire la
marque. Ceci nous a poussé à travailler sur une question : Quel est
l’indicateur prédictif de l’achat ou
du ré-achat du consommateur ?
On s’est dit que cet indicateur c’est
la préférence. La préférence individuelle est le meilleur indicateur de
ce que je vais acheter. Ce concept
est tellement solide qu'il apparaît
comme une évidence. « Je vais essayer d'acheter ce que je préfère ».
De là la question : quel est mon
indice de préférence sur mon secteur d’activité ? En fonction de cet
indicateur (selon que je suis 1er, 2d,
3ème, etc.) je vais bien ou mal gagner ma vie. Améliorer mon indice
de préférence, c’est aussi acheter
l’indulgence de mes consommateurs en cas de défaillance de ma
part. Quand les gens préfèrent
Apple, même si l’I-phone a une défaillance, les gens vont garder leur
préférence à cause de l’affection
qu’ils ont pour la marque. En gros,
ce qu’il faut, c’est essayer d’être
l’Apple de son secteur. Mon Capital
Préférence va tirer ma part de marché.
Sur quel levier agissez-vous pour
améliorer cet « indice de préférence » dont vous parlez ?
Nous avons mis en place un système qui avait l’obligation d’être
efficace, simple, robuste, peu coûteux, rapide. Un système qui apporte des éléments de conviction et
qui, en même temps, soit un mode
d’emploi. On a donc inventé « l’Empreinte Relation Clients » : on fait
comme chez le dentiste, on fait un
moule des « dents » du client. Cette
empreinte est constituée d’une dizaine d’indicateurs qui sont autant
de leviers possibles comme par
exemple : l’accessibilité : est-ce que
votre service client est accessible ?
Si le client se dit « je n’ai jamais eu
de problème pour les joindre car je
n’ai jamais eu à les joindre ! » alors
c’est clair : « best service is no service » ! La pertinence : est-ce que
ce que les gens me disent est pertinent ? La complétude du service :
le client a-t-il seulement un bout
d’information ce qui l’oblige à rappeler une seconde fois et crée en lui
le sentiment qu’on n’a pas le temps
de s’occuper de lui ? La cohérence :
est-ce que ce qu’on me dit dans le
magasin équivaut à ce qu’on me
dit sur internet ? L’éthique, l’empathie, etc. On superpose ensuite
les réponses de 4 populations :
les clients, les clients qui viennent
12
La confiance est pour vous un levier managérial essentiel.
Comment en êtes-vous arrivé à ce
qui semble être pour vous une évidence ?
L’incapacité des institutions à faire
confiance est déterminante. Les
grands groupes analysent, décortiquent, standardisent, norment
leurs comportements. Ils font cela
car au cœur du système, en dépit
des discours, les relations sont fondées sur la défiance. Leurs collaborateurs sont tellement nombreux
qu’ils se disent : « si je laisse tout
le monde faire comme il sent, ça va
être le foutoir et je vais produire un
mauvais service » ! Or le premier
message est d’arriver à dire « il faut
que je fasse confiance » et que je
démontre cette confiance. Si je dis
que je fais confiance et qu’en fait je
contrôle, le simple fait de contrôler démontre que je ne fais pas
confiance. Si je fais confiance je ne
contrôle pas. Faire passer ce message là c’est déjà une clef. Jusqu’en
2002 je n’avais jamais pris de vacances. Cette année là je suis parti
au Costa Rica, dans un endroit où
il n’y avait pas moyen de téléphoner
pendant 15 jours. Je m’attendais à
retrouver un vrai désastre en revenant mais en fait personne n’était
mort et ça marchait très bien voire
mieux ! Avant de partir je traitais
environ 350 mails/jour et j’avais
pris comme principe de me faire
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
soumettre tout document qui sortait de l’entreprise et que je validais en rentrant chez moi à Dijon
jusqu’à 3h du matin, et cela tous
les jours.
A mon retour du Costa Rica, j’ai eu
comme une révélation : en passant
de 100% à 0% ce n’était pas plus
mal ! J’ai alors décidé d’inverser les
choses. J’ai dit aux membres de mon
équipe : « vous ne me sollicitez plus
que pour des points que vous n’avez
pas réussi à traiter ensemble ».
Et puis j’ai appliqué un principe qui
était de dire que plus l’entreprise
grandit plus je supprime des postes
de direction ; si l’entreprise est vertueuse, que les gens s’organisent et
travaillent ensemble, ils n’ont pas
besoin d’être encadrés car ils savent
ce qu’ils ont à faire. Donc je suis
passé de 350 mails à 25 mails et j’ai
jugé la compétence de mes collaborateurs au niveau de ce qu’ils produisaient. En ce qui me concerne, je
ne fais plus aucune réunion avec les
IRP, j’ai tout délégué ; je n’ai aucun
reporting en provenance des sites
de prestations. C’est très simple, ils
m’appellent quand ils ont besoin
de moi. En revanche, il y a un point
non négociable : je ne dois en aucun cas découvrir un problème par
un client. Mes collaborateurs sont
payés pour gérer les problèmes,
les anticiper et les traiter. S’ils n’y
arrivent pas, ils doivent m’en parler. Pour moi, il y a un « capital
confiance », on démarre avec 100,
il peut arriver qu’on passe à zéro
mais le problème c’est qu’on ne
remonte jamais à 100. La confiance
ce n’est pas « un petit peu »
ou « presque ». On a confiance
ou on n’a pas confiance. C’est
un capital précieux car dès qu’on
passe à zéro la vie change complètement : quand quelqu’un n’a plus
confiance en vous il devient hyper
contrôlant. La vie devient alors très
pénible et en général ça ne dure pas
longtemps. Si le principe est clair
ça va. Bien sûr, je comprends tout
à fait qu’ils puissent avoir des diffi-
tions. Par ailleurs, nous sommes
très orientés sur le télétravail, travail à distance, travail collaboratif ;
c’est très intégré à notre mode de
fonctionnement. On va chercher
les compétences là où elles sont et
elles sont à la disposition du groupe
quelle que soit la localisation.
Vous avez ouvert en 2012 Teletech
Campus à Dijon. En quoi ce site
représente t’il un nouveau concept
de centre d’appel ?
Offrir un travail c’est bien, offrir un
endroit où les gens peuvent s’accomplir, s’enrichir et atteindre des
objectifs personnels, c’est mieux !
cultés voire même qu'on commette
des erreurs. Il faut être créatif, imaginatif et surtout ne pas hésiter à
parler des choses car c’est normal
de traiter ensemble les difficultés,
en adultes.
Quelles sont les conséquences de
ces partis-pris sur votre organisation en termes de management ?
En faisant comme ça on est arrivé
à une organisation très plate, avec
des gens qui ne sont pas les hiérarchiques les uns des autres, avec du
coup pas de plan de carrière ni de
gens qui visent les places du dessus.
L’organisation est là pour remplir
un objectif qui est, j’espère, à peu
près commun, à savoir de bien
travailler. Cela veut dire qu’il faut
partager cette valeur car si on vient
pour faire carrière c’est loupé ! J’ai
un directeur par centre, mais pas de
DSI, pas de Dircom, pas de directeur commercial, pas de directeur
marketing. Et j’ai une DRH. Puis j’ai
des gens qui pilotent des équipes
comme responsables d’une fonction. C’est morcelé par domaines
de compétences avec des interac-
13
En plus d’être un centre d’appels
conçu pour conjuguer le bien-être
des collaborateurs et la satisfaction
des consommateurs, nous expérimentons à Dijon un concept issu
de la « théorie des pirates » : les
pirates, au 18è Siècle, contestaient
le droit des Etats et des grandes
organisations à préempter des territoires ou des ressources ! L’intérêt
c’est de voir comment la piraterie
est source d’innovation et qu’en
fait c’est l’esprit pirate qui permet
l’innovation. L’institution en ellemême est contre productive en
matière d’innovation, elle est non
innovante dans l’absolu. Plus l’institution est grande moins elle est innovante car moins elle a de raisons
de se remettre en cause.
La vraie innovation de rupture est
toujours issue de la contestation
du droit préempté, de la piraterie.
On a donc créé un « espace pirate
» dans lequel les gens pourront présenter des projets et en être maîtres.
Ils conduiront leur projet avec un
starter impulsé par l’entreprise et…
à eux de jouer !
L’innovation est multi-factorielle et
multi-disciplinaire. Il ne suffit pas
d’être juste bon techniquement,
mais comme l’a brillamment démontré Steve Jobs, il faut être exigeant sur tout ! n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Faut-il 10 ans pour réussir
une démarche managériale ?
Entretien avec Charles Lantieri
Directeur général délégué de la Française des Jeux
En quoi a consisté votre démarche
managériale ?
Historiquement, notre mode de
management était très hiérarchique, avec une responsabilité
managériale qui était ni valorisée ni
« ancrée » dans les pratiques. Dès
2007, nous avons lancé une démarche de conception et de mise en
œuvre d’un nouveau rôle du manager. Cinq grands « principes d’action managériale » ont d’abord été
définis par la direction générale,
chacun ayant un sens et une résonnance spécifique dans le contexte
propre de la FDJ :
•
•
•
•
•
Aller à l’essentiel
Donner du sens
Jouer l’équipe
Faire preuve de courage
Agir proactivement
Ils ont ensuite été précisés concrètement – c’est-à-dire nourris d’exemples et de cas pratiques – par les
managers eux-mêmes dans des
groupes de travail ad hoc. Le programme de transformation, lancé
en 2009 pour préparer l’entreprise
Charles Lantieri est Directeur général délégué de la Française des Jeux
depuis 2006 et Président de la Fondation d’entreprise FDJ depuis la
même année.
Il conduit à la Française des Jeux la démarche d’amélioration de la
performance opérationnelle de l’entreprise, qui a doublé son résultat d’exploitation entre 2008 et 2013, dans le contexte d’une modification significative de son environnement, due notamment à l’ouverture du marché des jeux en ligne.
Il pilote également le développement de la politique de RSE de l’entreprise. La FDJ a obtenu, dans le cadre d’une notation non financière sollicitée auprès de VIGEO, la note la plus élevée déjà attribuée.
Auparavant Charles Lantieri a travaillé au Ministère de l’Economie
et des Finances. Il a été l’adjoint du Directeur du budget entre 2003
et 2006.
Administrateur du Centre National de Développement du Sport, il a
par ailleurs exercé des fonctions d’administrateur au Conseil d’Administration de plusieurs entreprises publiques (La Poste, France
Télévision, Gaz de France, …) ou établissements publics ou privés
(l’Institut Pasteur, Agence France Presse, Ecole Polytechnique …).
à l’ouverture à la concurrence d’une
partie de son activité, a été l’occasion d’engager une véritable « révolution managériale ».
En effet, l’adhésion de notre ligne
managériale à ce programme était
fondamentale pour franchir le cap
que nous nous étions fixés, et il fallait revisiter nos modes de management pour y parvenir.
Vous avez déployé toute une série
de formations managériales dédiées. Quel en fut le bénéfice ?
14
Sur cette base, nous avons bâti et
mis en œuvre un dispositif de séminaires – je n’aime pas appeler cela
« formation » car c’était plus que
cela – d’une durée de 2 jours auxquels tous nos managers, par
groupe de 12-15, doivent impérativement participer. Ce qui fait l’originalité, et certainement la réussite,
de ces modules, c’est notre niveau
d’investissement en interne, tant
pour la conception que pour l’animation. Nous ne voulions pas de
produits achetés « sur étagère ».
Nous avons donc choisi de tout
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
construire nous-mêmes pour que le
« cœur », la façon dont on décline
ces principes de management, soit
le plus en lien possible avec nos
métiers, notre activité, nos valeurs
et nos pratiques. L’animation a également été soignée : chaque séminaire était introduit par un membre
du comité exécutif de la FDJ ; personnellement, je participais systématiquement au déjeuner du 2ème
jour ; toutes les séquences étaient
portées conjointement par le DRH
et un consultant.
Le grand bénéfice de ces séminaires
a été de rendre ce corpus de principes d’action managériale « opposable » à tous : aucun manager ne
pouvait plus dire qu’il ne savait pas
ce qu’on attendait de lui.
ces modules ont été déclinés par
métiers. Des modules optionnels
sont venus compléter cette offre pédagogique. Nous avons voulu sortir
du sempiternel catalogue de formations, trop souvent déconnecté
des vrais besoins et impliquer directement un maximum de managers
dans la conception et l’animation
de nos modules : cela a permis de
mieux cibler, voire d’individualiser,
les points de progrès.
Comment vous y êtes vous pris
pour ancrer les pratiques managériales ?
Au-delà de ces séminaires, nous
avons bâti tout un parcours de formation pour approfondir et faire
évoluer les pratiques managériales,
y compris sur des thèmes tels que
la gestion de la diversité ou la responsabilité sociale. Selon les sujets,
Nous avons également souhaité
faire preuve d’innovation tant sur le
plan pédagogique que dans le choix
des sujets abordés. C’est comme
cela que nous nous sommes trouvés être en avance par rapport à
d’autres entreprises sur certaines
thématiques : notre 3ème module a
été dédié au « bien-être au travail »
bien avant que tout le monde n’en
Cela a aussi permis de répondre
plus précisément aux besoins spécifiques de montée en maturité
managériale de la FDJ et de susciter
une adhésion, et surtout un engagement fort, de tous, du top management aux managers de proximité.
parle. J’ajoute que toutes ces formations ont d’abord été suivies par
le top management de l’entreprise
car l’escalier se balaie toujours en
partant du haut !
Enfin, nos modules ne sont plus
orientés vers le strict transfert de
connaissances et l’inculcation des
bonnes façons de penser ou d’agir.
Nous mettons nos managers en
situation de vivre des cas concrets
pour qu’ils comprennent, par euxmêmes les bonnes postures qu’ils
doivent adopter et les bonnes questions qu’ils doivent se poser. Cette
forme d’apprentissage s’est avérée
bien meilleure pour faire découvrir
et ancrer de nouvelles pratiques.
Quels autres outils avez-vous mis
en place pour soutenir les managers ?
Parallèlement, nous avons mis
en place tout un panel d’outils en
appui du management notamment
autour des entretiens de fixation
d’objectifs et d’évaluation de la
performance. Cela existait évidemment déjà dans l’entreprise, mais
était plus vécu comme une obligation « bureaucratique » que comme
un réel outil « de management ».
Nous avons donc reconstruit un
dispositif d’évaluation de la performance complétement articulé
avec nos principes d’action managériale et donc avec ce qui est spécifiquement attendu d’eux en termes
de postures et de comportements.
Un autre enjeu fut la mise en pratique d’un principe d’équité pour
l’ensemble des managers quant
à la détermination de la partie variable de leur rémunération. Nous
avons revu à cet effet le classement
des positions managériales, sur une
base harmonisée, afin de pouvoir
comparer n’importe quel poste de
n’importe quelle entité, en interne
comme en externe. Nos entretiens
annuels de développement et de
15
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
performance s’en sont trouvés largement objectivés.
Nos instruments de mesure nous
montraient que nous progressions,
– mais que ce n’était pas encore
assez. D’où l’idée d’entrer dans une
démarche encore plus individuelle.
Nous avons donc progressivement
introduit les 360 – en allant comme
d’habitude, du « haut vers le bas » :
d’abord au niveau du Comité de
Direction, ensuite sur 140, puis enfin sur 220 managers. Cet exercice
est réalisé tous les 18-24 mois, juste
avant l’entretien annuel pour définir les axes de développement de
nos managers.
Notre budget consacré au coaching
est aussi assez largement utilisé !
Nous proposons souvent un accompagnement individuel aux moments clés du « cycle de vie managériale » (prise de poste, évolution
organisationnelle, lancement de
nouveaux projets, besoin personnel
spécifique, etc.). Nous développons
également les coachings collectifs ;
par exemple pour faciliter la mise en
route d’une nouvelle organisation
ou aider des équipes de direction à
mieux fonctionner.
Les premiers résultats obtenus sont
très probants.
de l’importance des projets transverses que nous menons pour préparer la FDJ « de demain » : digitalisation de l’entreprise, réforme
commerciale ou encore transformation des SI. Ceci implique de
travailler prioritairement sur la
construction, à tous niveaux, de
collectifs performants en levant
une double contrainte.
D’abord, la contrainte « métier »,
afin que chacun prenne les meilleures décisions en sachant dépasser ses propres enjeux pour intégrer
les contraintes des autres. Ensuite,
la contrainte « hiérarchique »,
pour faire que chaque collaborateur s’implique pleinement dans
des projets transversaux sans être
seulement un représentant de son
entité d’appartenance rapportant à son supérieur hiérarchique.
Tout ceci a évidemment des conséquences fortes sur les postures et les
pratiques managériales. Le rôle du
manager doit en effet se déplacer
vers celui d’animateur et de coach,
au service de toutes les équipes
(pas seulement les siennes). Il doit
savoir créer les conditions pour que
Concrètement, on a supprimé notre
intranet au profit d’un véritable
Réseau Social d’Entreprise favorisant la communication transversale directe et la constitution de
communautés,
professionnelles
puis par la suite également en lien
avec les centres d’intérêt plus personnels des collaborateurs. Nos
deux premières communautés ont
d’abord été « Digital » et « Managers », cette dernière leur permettant d’échanger informations et
bonnes pratiques.
On a aussi créé des situations de
travail dans lesquelles on « brouille
les pistes ». Par exemple, des ateliers de créativité où la règle du jeu
est que chacun contribue au même
niveau, quelle que soit sa position
dans l’organisation. Ces évolutions
sont même tangibles physiquement
au travers du réaménagement de
nos espaces de travail. On a bougé
les cloisons, ouvert les espaces et
créé des lieux collectifs conviviaux :
L'Orchestre symphonique, Pierre Masmoulin - 2013. Aquarelle sur papier Montval
– grain fin – 300 gr – Format Raisin 50 cm x 65 cm
Concrètement,
comment avez-vous
fait évoluer le système vers plus de
transversalité ?
Pour la période la
plus récente, nos
efforts sont dévolus
au développement
d’un
fonctionnement interne plus
collaboratif. Notre
baromètre interne
nous a montré que
la transversalité est
perfectible,
alors
qu’il s’agit d’un enjeu capital compte
tenu du nombre et
les collaborateurs contribuent au
mieux à un projet, en étant créatifs
et forces de proposition.
16
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
la salle du Conseil
d’Administration a
même été transformée en cafétéria, lieu
de convivialité et de
« transversalisation »
par excellence qui
manquait à la FDJ.
Enfin, une salle a
été consacrée à la
mise en œuvre, très
structurée, de démarches de créativité ou de résolution
de problèmes « stratégiques » ou complexes : c’est l’AZAP,
pour « zone d’accélération de projets »,
qui fonctionne à
plein.
5
Les
principes d'action managériale
Enfin, à la croisée
de la rénovation des
pratiques managériales et de la promotion de la transversalité, nous sommes
en train de multiplier
les sessions de « codéveloppement
»
permettant aux managers, en petits
groupes, d’échanger
sur leurs problématiques concrètes et,
avec un vrai effet
d’apprentissage collectif, de régler leurs
difficultés d’ordre
managérial.
Et finalement, quels
résultats ?
Ce sujet est vraiment
pris au sérieux par les
managers. Ils y accordent de l’intérêt ; mais il reste cependant difficile
de mesurer précisément l’impact de
tous nos dispositifs sur l’évolution
des comportements… Le point positif et incontestable, c’est que nous
partageons aujourd’hui un référentiel commun et que chaque manager peut désormais se positionner et
évaluer son propre comportement
au regard de nos 5 principes d’action managériale. Par ailleurs, tout
le travail mené a permis de développer le sentiment d’appartenance
et l’attachement à l’entreprise : les
progrès sont notables dans notre
baromètre interne.
Mais, pour être complètement hon-
17
nête, les pratiques et les comportements évoluent lentement.
Il est vrai que nous touchons à l’humain, à la culture : nous travaillons
donc à inventer de nouveaux dispositifs, de nouveaux outils, de nouvelles formes d’accompagnement
de notre ligne managériale. n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Une nouvelle école de
management à Strasbourg
Entretien avec Pierre Laplane
Directeur général des services de la Ville de Strasbourg
et de la Communauté urbaine
Depuis 1972, la Ville de Strasbourg et la
Communauté Urbaine de Strasbourg – la
CUS (28 communes) ont la particularité
d'avoir à leur service une seule administration et un siège commun. Ce sont 7
000 agents (dont 1 200 managers) qui,
chaque jour, font vivre le service public.
A l’initiative de l’administration communautaire, une Ecole du management est
ouverte en interne pour rendre les managers partie prenante des projets communautaires.
Quels sont les problématiques et
les enjeux managériaux d’une collectivité comme la CUS ?
Tout d’abord, notre dimension et
la complexité de notre organisation : 7 000 postes de travail et
près de 8 000 collaborateurs. Cela
représente une grande diversité
de métiers dans une administration qui est mutualisée, qui a une
culture de régie très forte. L’organisation administrative a un certain
niveau de complexité avec un grand
nombre de niveaux hiérarchiques
et avec cela il nous faut assurer la
cohérence du déploiement des politiques publiques. Cette verticalité
est interrogée par le renforcement
de l’intercommunalité, par le redécoupage des régions, par les pro-
Administrateur territorial, titulaire d’une maîtrise d’économie et
d’une maîtrise de droit public, Pierre Laplane a débuté sa carrière
comme chargé de mission économique et a assuré successivement
les fonctions d’assistant parlementaire et de chef de cabinet du Président de région Picardie, de DGA puis de DGS de la Ville de Beauvais. DGS de la Ville de Chambéry, il a ensuite été DGS de la Ville de
Mulhouse et de sa communauté d’agglomération avant de rejoindre
Strasbourg dont il dirige les services de la Ville et de la Communauté
urbaine depuis le 1er juillet 2010. Il préside cette année le jury du
concours d’administrateur.
blématiques des pôles métropolitains mais aussi par la question des
ressources car cette organisation
représente des charges. Les collectivités territoriales sont de plus en
plus amenées à être animatrices
du développement local et à avoir
une plus grande synergie avec de
nombreux partenaires (Chambres
de Commerce, industries, entreprises, réseaux, coopération dans le
cadre de l’euro district transfrontalier avec les allemands pour le cas
de Strasbourg,…). La CUS participe à des projets transversaux qui
doivent associer des compétences
internes et externes. Ces évolutions
impactent l’organisation et le rôle
des managers.
Ensuite, le niveau de formation
de nos collaborateurs est de plus
en plus élevé. Naturellement, ils
veulent des responsabilités et
travailler dans des relations de
confiance, ce qui, dans une organisation toujours trop fondée sur la
notion de contrôle, est un vrai sujet.
18
Enfin, nous avons un territoire qui
a une forte identité. Strasbourg,
par son caractère frontalier et son
statut de siège des instances européennes, est une ville internationale. Beaucoup de nos collaborateurs sont issus de la région. Il
faut donc que notre organisation
incarne cette pérennité de culture
forte et, en même temps, qu’elle ait
une image d’ouverture et une capacité à intégrer des compétences et
des savoir-faire extérieurs.
Quelles demandes des managers
entendez-vous ?
D’abord, une attente forte d’évolution des rapports ; qu’on leur fasse
confiance, qu’ils puissent assumer
des responsabilités. Un certain
nombre de cadres jeunes ayant
connu des expériences dans le privé
ont une culture d’entreprise davantage fondée sur la responsabilité et
l’évaluation a postériori que sur le
contrôle a priori. Ils ont une forme
d’impatience liée à la complexité de
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
la décision propre aux collectivités
compte tenu de la double dimension administrative et politique.
Ensuite, une attente de fluidité pour
construire des parcours personnels.
Les jeunes ingénieurs de haut niveau
ne sont pas formatés pour attendre
15 ans avant qu’on leur confie des
responsabilités. C’est là une forte
exigence.
Enfin, la dimension de reconnaissance et de prise en compte de
l’ensemble des « gents » : plus on
monte dans la hiérarchie moins la
gente féminine est représentée : Si
40% des chefs de service sont des
femmes, les postes de directeur ne
sont occupés que par 20% d’entre
elles. Etre cadre c’est certes un statut de la fonction publique mais
c’est avant tout une fonction, des
responsabilités et une posture.
Quelles sont selon vous les pratiques managériales stables et essentielles ?
Tout d’abord, le socle que sont les
valeurs. Pour n’en citer que deux
parmi d’autres : l’engagement ; être
engagé car la notion d’exemplarité
doit être essentielle. Le cadre a un
rayonnement qui protège et encourage. Et puis la responsabilité ; le
cadre assume ses responsabilités ;
il sait dire oui / non et assume
ses choix dans la durée. C’est une
forme de stabilité incarnée.
Viennent ensuite les compétences
professionnelles. C’est un pré-requis. Le cadre s’attache à les décliner et à les entretenir.
Enfin, service public oblige, le cadre
croit aux vertus du service public sinon il lui est impossible d’encadrer
les missions de mise en œuvre des
politiques publiques.
L’école du management : pourquoi
ce projet ?
Ce projet s’insère dans une réflexion plus large impulsée en 2010,
la démarche « AECUS », acronyme
pour « agir ensemble pour la CUS ».
« Aecus » est un terme latin qui
signifie « équitable ». Ce projet est
partagé avec l’exécutif, les élus y ont
été associés, mais il est clairement
à l’initiative de l’administration
communautaire. Notre posture est
d’apporter aux élus des réponses
appropriées aux enjeux et d’alimenter ainsi le processus de décision.
Avec ce projet, il s’agit de permettre
aux plus de 1 200 cadres de se sentir
pleinement parties prenantes. C’est
la question de la reconnaissance.
Ce qui m’a frappé à mon arrivée
en 2010, c’est le fait que le travail
des cadres était par trop morcelé.
Or le cadre qui manage contribue
à l’animation, à la transversalité et
au rayonnement de notre organisation. Le collectif des cadres est un
vecteur important de rayonnement.
Notre premier chantier a été de coproduire une Charte des valeurs.
Puis nous avons travaillé sur un plan
d’action plus large. Il en est ressorti
quelques éléments clefs sur lesquels
il s’avérait essentiel pour nous de
progresser : l’accueil des cadres ;
l’accompagnement des cadres dans
leur carrière ; l’égalité des genres
et la formation professionnelle des
cadres aux compétences d’encadrement.
L’Ecole du management est un outil qui doit nous permette de diffuser les valeurs et les pratiques, d’incarner ces pratiques en essayant de
dépasser les niveaux hiérarchiques
d’où le fait d’associer dans des promotions des DGA, des directeurs,
des chefs de service, des chefs de
projet, etc… J’avais senti une certaine segmentation de la perception
et de l’identité des cadres en fonction de leur niveau hiérarchique. Or
ce qui nous uni est plus fort que ce
qui nous distingue. L’enjeu est de
pousser l’ensemble de ces managers à « voir plus haut », à renforcer leur dimension stratégique de
façon à ce que nous anticipions
davantage les évolutions vécues par
les usagers.
En quoi l’école du management
va-t-elle impulser des modes de
management innovants ?
J’attends d’abord de ce parcours
qu’il permette de réinterroger nos
19
propres pratiques de management
et de direction, de pilotage des
services. En associant différents
niveaux hiérarchiques, nous faisons
le choix du partage, démarche en
elle-même innovante pour nous !
Le caractère transdisciplinaire des
promotions permettra à la diversité
qui caractérise les métiers d’une
collectivité comme la nôtre de se
retrouver.
Ensuite, nous allons amender les
formations à l’endroit des cadres
pour qu’elles se nourrissent des
fondamentaux que nous aurons pu
décliner dans le parcours de l’école
du management. Cette école est
le début d’un processus impulsé
et porté par la direction générale
mais qui, progressivement, doit
permettre aux managers de ne pas
toujours dire « c’est la DG qui… ». Il
s’agira donc de se saisir des acquis
pour revoir les process de formation et d’organisation. Ce parcours
de formation doit faire d’eux des
acteurs de leur propre évolution, les
aider à progresser individuellement
et collectivement.
Par ailleurs, et c’est peut-être là que
se situe pour nous l’élan d’innovation, il nous faut faire preuve d’agilité et de flexibilité. On ne sait pas
comment sera configuré le territoire dans les années qui viennent.
Il faudra accompagner cette évolution et non pas la subir. Rester sur
son quant-à-soi et dans la rigidité
c’est rester de côté.
Je pense enfin qu’il s’agit de constituer des réseaux à l’intérieur de
l’administration, de faire en sorte
que les cadres se connaissent pour
échanger, partager, sur des panels
et des champs de compétences
souvent différents de ceux qu’ils
mobilisent au quotidien. L’école
du management leur permettra de
le faire à travers un projet collectif
soumis aux stagiaires. Le caractère
innovant, c’est la diffusion d’une
culture de management de projet
qui doit se superposer à l’organisation hiérarchique classique de notre
administration. n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Quel enseignement du
management demain ?
Entretien avec Jean-Michel Blanquer
Directeur Général du Groupe ESSEC
Que parvenez-vous à faire comprendre sur le management des
hommes et des femmes à vos
étudiants, quand on sait qu'apprendre le management avant
d'avoir travaillé est une gageure ?
Le management est en effet avant
tout une affaire de pratique. Cela
pose indéniablement une question
à l’enseignement, qui peut avoir une
dimension très théorique. Par sa
tradition et par ce qu’elle développe
au travers du « design learning »,
l’ESSEC insiste beaucoup sur la
pratique. Je rappelle que c’est notre
maison qui a inventé, il y a 20 ans,
l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, une démarche faite
d’aller retour entre théorie et pratique. Nous n’opposons donc pas
les deux, ils s’influencent mutuellement.
Directeur Général du Groupe ESSEC depuis le 1er juillet 2013.
Docteur en droit de l’Université Paris II et Professeur agrégé de droit
public, il est également titulaire d’une maîtrise de philosophie et
d’un DEA d’études politiques obtenu à l’IEP de Paris et a été Special
student à Harvard University.
Il a occupé plusieurs responsabilités administratives et scientifiques
dans le milieu de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. De 1998 à 2004, il est directeur de l’Institut des hautes études
de l’Amérique latine à l'université Paris 3, puis recteur de Guyane.
En 2006, il est nommé directeur adjoint du cabinet du ministre de
l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la recherche
puis recteur de l’Académie de Créteil de 2007 à 2009 et directeur
général de l’Enseignement scolaire de 2009 à 2012. Il est également
Président de l’Institut des Amériques depuis 2004.
Auteur de nombreux ouvrages et articles sur le droit constitutionnel, la théorie du droit, l’éducation et l’Amérique latine ainsi que
d’ouvrages non-universitaires.
Par conséquent, le parcours de nos
étudiants est spécifique, avec toujours de l’expérience de terrain non
seulement en entreprise mais aussi
dans des organisations non gouver-
20
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
cours de cette semaine, l’étudiant
établit son plan de scolarité pour sa
dernière année ; il peut même demander la création d’un cours dont
il a besoin. Cette démarche oblige
nos étudiants à se responsabiliser.
Avec le « design learning » une autre
dimension nous semble importante, celle de la pluridisciplinarité.
Le management du futur sera multi
factoriel et il est essentiel que l’étudiant comprenne les grands enjeux
des organisations complexes. Nous
l’incitons par conséquent à être
pluridisciplinaire. C’est ce à quoi
s’attache la nouvelle « Chaire Edgar
Morin de la complexité » dont l’ambition est d’ouvrir des voies originales
pour comprendre la complexité
du monde contemporain et aider
nos étudiants à prendre en compte
cette complexité et donner du sens
à leur futures mission. Nous venons
de mettre en place notre premier
MOOC intitulé « l’avenir de la décision » consacré à la prise de décision dans des situations complexe.
nementales et dans des structures
travaillant dans le champ du social.
Parce que nous prêtons une grande
attention à ce que disent les entreprises sur le management, nous accordons une réelle importance au
rôle des praticiens et nous nous inscrivons dans une recherche orientée
vers la pratique.
Le « design learning » consiste,
pour l’étudiant, à dessiner son
propre chemin, son parcours d’apprentissage dans le choix des cours,
mais aussi à se projeter dans le
futur. En stimulant sa capacité à se
projeter, l’étudiant apprend à dire
non à l’immédiateté. Il dispose aujourd’hui d’un outil, la carte cognitive, destiné à recenser les compétences et expériences acquises et à
identifier celles qui restent à acquérir pour s’orienter et construire son
projet d’avenir. Cet outil joue le rôle
d’un simulateur de parcours.
Et puis en début de dernière année,
l’étudiant participe à une semaine
du futur que nous avons appelée l’«
innovation and research week ». L’étudiant y rencontre des professionnels
et des experts qui partagent avec
lui les dernières tendances de la recherche et de la vie économique. Au
21
Ce sont donc à ces réflexes que
nous éduquons nos étudiants : état
d’esprit et méthode qui ouvrent
à toute à la vie. Ils sont désireux
d’être acteurs du futur, d’être dans
des organisations qui font sens. Ils
veulent sentir leur utilité dans les
organisations où ils travaillent.
Cette demande de sens demande
également que l’entreprise soit capable de se raconter sur ce qu’elle
est, ce qu’elle fait, en quoi elle
contribue à un monde meilleur. La
responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) devient clé dans cette
perspective - Et l’ESSEC doit ellemême pratiquer cela ! C’est ce que
nous nous attachons à faire au
travers de notre projet stratégique
« ESSEC 3i » qui se structure autour de trois forces : l’innovation,
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
l’implication et l’internationalisation. Ce projet souligne notre ambition d’être une organisation apprenante, engageante et rayonnante !
Quelles sont vos méthodes et
approches les plus efficaces dans
l'enseignement du management
vis à vis de vos publics ?
Nos professeurs sont à la pointe de
l’innovation scientifique. Ils ont été
fortement associés à l’évolution de
la pédagogie – nous essayons d’être
nous-mêmes une organisation apprenante. Par exemple, la stratégie
a été conçue de manière participative : nous avons mis en place douze
groupes de travail mixant staff et
enseignants mais aussi étudiants
et alumni – ce qui est essentiel chez
nous, car il y a toujours un risque
de dichotomie entre les uns et les
autres.
Cette démarche fut particulièrement inspirante pour nos étudiants.
Il y a là une dimension qui peut être
parfois répliquée dans l’entreprise :
l’élaboration participative de la
stratégie, dans une entreprise apprenante.
Quel est l’état d’esprit de vos étudiants vis-à-vis du management ?
Ce que nous disent nos étudiants
est très hétérogène. J’ai le sentiment
que se jouent pour eux des sujets
d’avenir, des questions technologiques importantes, des enjeux d’efficacité sur le marché. Inversement,
certains expriment leur surprise au
sujet du retard des entreprises sur
quelques problématiques clés. Par
exemple sur les réseaux sociaux ;
nos étudiants sont bien sûr au fait
de ce type d’interaction sociale, et
ils constatent parfois des retards
considérables dans les entreprises.
Par ailleurs, ils sont moins enclins à
travailler dans une relation hiérarchique. On inaugure cette semaine
22
notre « knowledge lab » : tout est fait
pour y encourager le travail collaboratif. On insiste beaucoup sur
la relation ingénieur - manager. On
encourage les étudiants à travaille
de manière transversale. Là encore,
quand ils rencontrent des entreprises en retard, ils le constatent et
nous le disent...
Je vois ici deux enjeux pour les entreprises : d’abord un enjeu de réflexivité - comment être dans le « faire
ce que je dis, et dire ce que je fais »
– notamment sur le volet RSE. Le
second enjeu concerne la prise en
compte de la révolution digitale
avec, comme question centrale :
comment les réseaux sociaux sont
utilisés de manière active pour un
vrai travail collaboratif ? n
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
INTERVIEW
Quand le « Pacha »
parle de management
Entretien avec Olivier Lajous
Dirigeant d’une société de conseil aux entreprises
Marin de l’Etat pendant 38 ans, ayant navigué pendant 17 ans, commandé trois navires et participé à la résolution de nombreux conflits
entre 1980 et 2003, ancien directeur de la communication puis DRH
de la marine nationale, DRH de l'année 2012, Olivier Lajous est aujourd’hui dirigeant d’une société de conseil aux entreprises.
Vous avez écrit un ouvrage intitulé
« L’art de diriger ? » : pourquoi
cette forme interrogative ?
Parce que parmi les fondamentaux
de la vie, il y a d’abord l’incertitude. Ma vie de marin m’a amené
à diriger des équipages de plus en
plus grands, enfermés dans l’univers très particulier d’un bateau où
il faut accepter que ce soit la mer
qui commande avec ses caprices,
ses vents, ses courants, etc. Il faut
vivre dans cet environnement incertain ! En deuxième partie de carrière, je me suis retrouvé Directeur
de la communication de la marine,
puis en cabinet ministériel, puis
DRH de la Marine Nationale. C’est
ainsi que dans la vie, on avance et
on ne sait pas de quoi va être fait
l’instant d’après. J’ai avancé sans
« savoir » : j’ai dû apprendre à travailler avec des journalistes et avec
des politiques, et à être DRH d’une
entreprise qui emploie 45 000 personnes, du matelot à l’amiral, avec
1000 métiers différents, des talents
extraordinaires. Toute ma vie, je me
suis interrogé : « qu’est-ce qui me
donne le droit de diriger les autres ?
Et si je souhaite diriger les autres,
comment puis-je le faire en étant
légitime et reconnu comme tel ?
Qu’est-ce que l’autorité ? Comment
s’exerce-t-elle pour éviter d’être autoritaire ? ». L’incertitude est là ;
plutôt que de la traiter en ennemie
il faut s’en faire une alliée. Cela rend
extrêmement créatif et nous invite
à l’optimisme, à aller de l’avant. Il
faut apprendre à avoir un rapport
apaisé à l’incertitude, ce à quoi
tous les textes sacrés s’attachent à
nous sensibiliser.
Vous qui avez l’expérience du commandement, comment comprenez-vous le « management » ?
Les mots ne s’opposent pas, ils se
conjuguent : on commande dans
l’action, on manage dans la préparation de l’action et tout ça, ça
fait la direction. Car il s’agit bien de
diriger, de donner le cap, de mobiliser les équipes, de les maintenir
en énergie, en questionnement, en
mouvement. La vie c’est le mouvement et le questionnement c’est en
23
permanence se dire « pourquoi tout
ça ? ». Il s’agit donc régulièrement
de redonner le sens. Commander,
diriger, manager, des mots cousins
qui prennent une tonalité différente si on se trouve dans l’urgence
- il faut alors commander - ou si,
ayant un peu de temps devant soi,
on prépare l’action – il faut alors
manager. Mais ce qui me semble
primordial dans le fait de diriger,
c’est le regard porté sur les collaborateurs. Pour moi, avant d’être une
« ressource », l’homme, la femme,
est une « richesse », quelqu’un de
« rare », d’unique. L’essentiel n’est
pas d’abord dans la gestion d’une
« ressource » mais dans la gestion
d’une « relation ». L'être humain
n'est pas une machine, mais une
sorte d'alchimie complexe ; il est
d’abord une émotion et pas une
équation.
Cette question ouvre par ailleurs le
sujet de l’exercice de l’autorité et
du leadership. L’autorité ce n’est
pas l’exercice du pouvoir, c’est
celui de la reconnaissance par les
autres comme étant celui ou celle
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
qui peut, à un instant donné, guider, tracer la route. Sur le navire, le
commandant trace la route, fixe le
cap, mais il sait que le chemin sera
sinueux selon les caprices de la mer
et des courants. Cependant, il est là
et il laisse les équipiers adapter l’allure en fonction des conditions de
la météorologie. Ce qui est continu,
c’est la mission à remplir. Les leaders eux, tournent. Plus il y aura de
leaders prêts, plus l’entreprise ira
loin. Si l’entreprise repose sur un ou
deux leaders très charismatiques,
elle vivra le temps de ces leaders
là puis elle déclinera, les exemples
ne manquent pas ! Beaucoup ont
une image d’Epinal de ce qu’est la
réalité du commandement dans
les Armées ! A aucun moment le
chef militaire ne peut se permettre
d’être autoritaire, et quand il l’est,
ça se termine toujours mal. Plus
vous grimpez dans la hiérarchie
militaire et plus vous apprenez que
vous n’êtes rien sans les autres. Et
vous ne pouvez pas arriver au sommet sans avoir vécu cette alternance
leader / équipier / leader / équipier.
Pendant mes 38 ans de carrière, je
n’ai pas cessé de passer de postes à
responsabilité à des postes d’équipier en étant un parmi les autres. La
maladie chronique de notre pays,
c’est de cloner les systèmes au détriment de la diversité. Il faut oser
sortir d’un monde où seul compte,
à côté du diplôme, le positionnement relatif des uns par rapport aux
autres. Il faut remettre la personne
au centre pour avoir toutes les options possibles. Cela demande de
l’humilité mais aussi de l’amour de
la part des managers, ce que j’aime
appeler « l’HU – MOUR » des managers ! Aussi longtemps que je fais
de mon mieux en toute humilité et
avec amour, cette humilité qui vous
conduit à dire « je ne sais pas tout,
je peux me tromper » et cet amour
24
qui vous conduit à faire de votre
mieux sans chercher à dominer, à
combattre, à écraser l’autre mais
plutôt à grandir en faisant grandir
les autres, alors je ne me trompe
pas. Sortir du corps à corps permanent pour oser le cœur à cœur qui
nous conduira à trouver ensemble
les manières de résoudre les difficultés qui se présentent à nous.
Ceux qui restent dans la domination et la castration meurent inexorablement un jour, seuls face à leurs
frustrations.
Que préconisez-vous pour un management pertinent et catalyseur
de la performance ?
Je vois au moins deux notions
clefs : d’abord la mobilisation
par le sens, ensuite la discipline
comme vecteur de renforcement
de l’équipe.
Dans mon livre je réfléchis sur la
question « qu’est-ce qui fait qu’une
entreprise réussit ? » Ma conviction
c’est qu’elle ne peut réussir que si
les hommes et les femmes qui y
viennent chaque matin en y apportant leurs talents et pour s’y réaliser
sont heureux de le faire. Prenez le
travail comme une « torture » - selon sa source latine, vous n’obtiendrez pas la performance. Considérez-le dans sa forme anglo-saxonne
dérivée du grec « ergon », le travail
c’est alors « faire œuvre », c’est « se
réaliser » ; le travail devient du coup
quelque chose d’excitant et de passionnant. C’est la question du sens,
de l’être et de l’ « être ensemble »,
du grandir et du faire grandir, à
laquelle « l’œuvre » nous renvoie,
ce qui n’a rien d’antinomique avec
la notion de performance. L’entreprise est avant toute autre chose
une aventure humaine qui contribue à répondre aux besoins de l’humanité. Les entreprises qui ont l’humain au cœur vont de l’avant. Vous
n’aurez pas de performance si vous
n’avez que des « traine pieds », des
gens qui n’ont pas envie d’y aller,
qui ne comprennent pas pourquoi
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
il faut y aller. La performance est
en revanche au rendez-vous quand
les gens se mobilisent, quand ils
s’impliquent et n’en sont plus à
décompter s’ils sont à 35 heures
ou 50 heures, s’ils gagnent 100 ou
1000… Ils viennent mobilisés, solidaires, en ayant la conviction que
ce qu’ils font apporte un plus à tout
le monde.
Vu sous l’angle de la discipline
qu’il défend, le militaire est perçu
comme quelqu’un d’un peu limité
et pas forcément rêveur. Pour pouvoir naviguer en sécurité en mer et
être capable de vivre en équipage
il faut une grande discipline. Une
discipline faite de règles qui doivent
éviter qu’on en arrive au triste
épisode du Bounty. La discipline
conditionne la résistance dans les
moments difficiles. En termes de
résistance, il y a des forts et des
faibles. Or, la première force d’un
équipage c’est son maillon le plus
faible. On ne le vire pas, on lui dit
qu’il n’a pas le droit de nous lâcher.
Et c’est comme ça que vient la performance, en faisant comprendre
à chacun, quelle que soit sa place
dans la chaine de production ou
dans l’organisation, que si un des
maillons est faible tout dérape.
Chacun doit tenir sa place et à partir de là la performance est garantie. Permettez-moi ici un détour
par une illustration quelque peu
décalée : lorsque l’enfant pygmée
(plus vieille civilisation connue dans
notre humanité) arrive au monde,
on ne lui dit pas « fait ci et fait pas
ça ». On lui dit « sois toi ! » On lui
apprend qu’entre la tête et le ventre
il y a une corde vocale. Pour partager tout ce qu’ils savent touchant
n’importe quel sujet, les pygmées
utilisent le chant. Chacun rentre
dans la mélodie en s’apportant lui.
On ne demande pas d’apprendre
un solfège mais de rentrer en harmonie dans le groupe en insérant sa
propre vocalise : « sois toi et rentre
en nous… en étant toi, tu feras
grandir le groupe… et en rentrant
dans le nous, tu pourras compter
sur notre solidarité ». Cet exemple
décalé est magique ! Permettre à
chacun d’être lui, non pas contre les
autres mais dans et avec le groupe,
avec sa richesse propre et sa rareté,
avec ses forces et ses faiblesse, cela
génère un bouillonnement. C’est
ce que j’appelle être « libre en équipage ».
Tout système qui oppose les gens
en laissant croire qu’il y a des supérieurs et des inférieurs est un système qui, inéluctablement ne peut
pas atteindre la performance. Le
« supérieur » comme « l’inférieur »
commettra des tas d’erreurs. La
place que l’on tient est parfois celle
d’un dirigeant, parfois celle d’un
équipier à l’image des oiseaux migrateurs qui partagent la pole posiBibliographie
•
•
•
tion lors de leur vol migratoire. La
solidarité, le partage du pouvoir,
de la responsabilité, permet de traverser le monde. En étant régulièrement appelé à être dirigeant puis
équipier, on reste humble, on reste
« soi » au sens de la vision absolue
de l’homme. Le manager doit résolument admettre qu’il n’est qu’une
des cigognes du vol. Savoir être
« soi », au-delà de ce que les autres
font de nous en nous voyant au travers de nos diplômes, c’est se faire
du bien. Et les collaborateurs sont
bien si je suis bien ! Il ne s’agit pas
de dire que c’est facile ; c’est plein
de doute, plein de combats en soimême parce qu’on est secoué dans
cette démarche, parce que parfois
la pilule est un peu amère.
Quels seraient les modes de management innovants à promouvoir
aujourd’hui ?
L’innovation, c’est tout le temps !
Etre en vie, c’est être en mouvement,
c’est être innovant ! Parce qu’à
chaque instant de notre vie il nous
faut nous adapter et admettre qu’il
y a des multitudes de possibles. A
un moment c’est le grand rendezvous du choix où « il faut avoir le
courage d’être soi » comme le disait
Marguerite Yourcenar. L’innovation
est le résultat de ce que nous choisissons ! Manager à l’ère du numérique, c’est réinventer le temps et
réinventer les relations au travers,
par exemple, de la création de
« communautés » qui sont de plus
en plus nombreuses. Tout est alors
relation à l’autre, au rythme d’une
instantanéité plurielle, celle du
numérique, qui nous invite à être
libres ensemble, autonomes, solidaires, exigeants et bienveillants. n
Zeraq, la mer sur le vif, L’Elocoquent éditeur, avril 2011
L’art de diriger ? L’Harmattan, avril 2013
Bras de fer à Moruroa, L’Elocoquent éditeur, novembre 2013
Préfaces
Le travail à distance (Dunod, septembre 2013), Management, l’armée
un modèle à suivre (Focus RH, mars 2013), et Dialogue social, prenez la
parole (ESF Editeur août 2014).
25
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
OFFRE IDRH
Offre Diagnostic des Systèmes de Management
Les difficultés rencontrées dans les transformations d’entreprise sont avant tout des difficultés de management :
les managers continuent à se comporter « comme avant », continuent à se laisser déborder par trop d’actions non
prioritaires, par du reporting inutile au détriment d’un « vrai travail de management » et des bonnes interactions
avec leur équipe…
Faire bouger les choses ne va pas de soi – les injonctions ou la formation montrent tous les jours leurs limites…
et c’est normal, les pratiques de management sont insérées dans un corset de règles, de modes opératoires, de
systèmes de gestion qui les déterminent (voir schéma)
Il s’agit donc d’avoir une approche « grand angle » des questions de développement et de transformation managériale et d’ouvrir le champ des possibles en matière de leviers d’actions.
5
Les leviers
de developement
3
Parcours de formation
t
en
lo
ve
é
-d
Co
m
pe
Exemplarité
managériale
(Pratique et comportements
observés)
Eléments
d'annimation
et de soutien
(fonctionnement
ligne managériale,
séminaires, etc.)
Ou
tils
d'a
uto
dia
gn
os
tic
2
Objectifs et système
d'évaluation
co
m
in pag
di
vid ne
ue me
nt
l
Référentiel des
compétences
Ambition
Stratégie
Valeurs
Rôles attendus
du manageur
Degré d'impact sur
les collaborateurs
(reconnaissance, sanctions,
responsabilisation, etc.)
Politique de
rémunération
360°
Gestion
des carrières
et promotions
s
pe s
ou
Gr ange
ch
d'é
4
Les facteurs
de motivation à agir
Ac
Fiches de
poste
1
Le cadre d'action,
les règles (politiques
et processus RH)
Baromètres sociaux
Nos convictions
•
•
•
Faire évoluer le management requiert une approche systémique et nécessite d’actionner différents leviers
On ne réussit une transformation d’entreprise qu’en construisant un système de management cohérent,
qui permettra de faire évoluer les comportements managériaux de manière concrète et pérenne
Une culture managériale forte et adaptée à la stratégie de l’entreprise est un élément clé de la
performance
LA PLUS-VALUE D’IDRH
•
•
•
Un diagnostic rapide, multi-facettes, permettant de voir les bonnes pratiques de management / les
blocages pour réussir la transformation engagée par l’entreprise
L’identification des leviers sur lesquels agir – de modes de gestion, de comportements des dirigeants, de
montée en niveau de compétence
Une feuille de route opérationnelle pour faire converger les pratiques de management et les impératifs du
business model
Missions menées en un / deux mois par une équipe de consultants experts
26
IDRH - Regards croisés n°43 - Pas de transformation sans management !
KALEIDOSCOPE
DE NOS OFFRES PHARES EN 2015
IDRH accompagne ses clients dans le développement de leur compétitivité, sur leurs problématiques à forts enjeux humains.
Notre ambition est de créer de la valeur durable, en embarquant toutes les parties prenantes.
Nos interventions sont orientées résultats. Elles s'appuient sur des solutions soigneusement
adaptées aux spécificités culturelles et stratégiques de nos clients.
QUALITE
DE VIE
AU TRAVAIL
« Utiliser la QVT
comme levier
de performance »
« Créer une
dynamique de compétitivité
pour votre entreprise »
GESTION DES
EFFECTIFS /
COMPETENCES
« Accompagner les
changements de
business model »
FONCTION RH
AGENDA RH
« Concilier les
impératifs d’efficacité
et d’efficience »
« Accompagner la
prise de poste d’un
dirigeant en mettant
en place son projet
pour l’entreprise »
« Mettre en
mouvement les
ressources
de l’entreprise »
AGENDA SOCIAL
« Tenir compte des
impératifs sociaux dans
vos projets de
transformation »
GESTION
SOCIALE DE LA
TRANSFORMATION
« Eviter la casse sociale
dans vos projets de
réduction des coûts »
DIAGNOSTIC DE
TRANSFORMATION
MUTUALISATION /
CSP
« Mobiliser le potentiel
de transformation
« Mettre à plat les processusd’une organisation et
clés de vos fonctions
de ses acteurs »
centrales et définir
FUSION /
le périmètre de
INTEGRATION
vos CSP »
« Faire des facteurs
humains une clé
du succès pour
votre intégration »
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PROJET
D’ENTREPRISE /
PMO
« Déployer votre Projet
d’Entreprise en intégrant les nécessités
d’efficacité de
l’entreprise »
AGENDA
MANAGEMENT
« Intégrer les grandes
tendances de design
organisationnel
dans vos réflexions
d’efficacité »
PERFORMANCE
DES FONCTIONS
TRANSVERSES
ON BOARDING
LES 100 JOURS
« Réussir votre
Stratégie en RH en
actionnant les leviers
adéquats »
AGENDA
ORGANISATION /
TRANSFORMATION
« Positionner
la Fonction RH
comme partenaire
de la
transformation »
COMPETITIVITE
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cr isés
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