Titre I : la formation des personnels de santé et son évolution au

publicité
UNIVERSITE PARIS VIII SAINT-DENIS VINCENNES
UFR DROIT ET SCIENCES POLITIQUES
Laboratoire de droit médical et de la santé
2, RUE DE LA LIBERTE – 93526 SAINT-DENIS CEDEX
MISE EN PLACE D’UN PLAN DE DEVELOPPEMENT DE LA
FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN
CÔTE D’IVOIRE
THESE POUR LE DIPLÔME DE DOCTEUR EN DROIT PREPAREE SOUS LA
DIRECTION DE MONSIEUR CYRIL CLEMENT, DOCTEUR EN DROIT, MAITRE DE
CONFERENCES HABILITE A DIRIGER DES RECHERCHES.
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 17 décembre 2010
PAR YANOURGA MOUSSA SANOGO
MEMBRES DU JURY
Madame Francine DEMICHEL, professeur émérite des universités, présidente du jury
Monsieur Paul FORNES, professeur en médecine légale, expert en anatomo-pathologie,
médecin légiste du CHU de Reims
Monsieur Malik BOUMEDIENE, docteur en droit, maître de conférences à l’université de
Toulouse II
Monsieur Cyril CLEMENT, docteur en droit, maîtres de conférences à l’université Paris VIII
A MES ENFANTS
Yann-Ibrahim SANOGO
Kany Myriam Alyma SANOGO
2
REMERCIEMENTS
Je tiens en premier lieu à dire merci à monsieur Cyril CLEMENT, docteur en droit,
maître de conférences à Paris VIII, d’avoir accepté de reprendre la direction de mes
travaux de recherches avec tant de patience. Monsieur, ce sont vos directives et vos
conseils qui ont permis de faire aboutir cette thèse. Je voudrais donc vous exprimer
tout mon respect, ma gratitude et ma reconnaissance.
Je tiens aussi à travers ces mots exprimer mon respect et mon admiration au
professeur Jean-Marie CLEMENT. Merci monsieur pour avoir inspiré et accepté de
diriger les premiers pas de ces travaux de recherches.
Aux membres du jury :
A madame Francine DEMICHEL, professeur émérite des universités en droit public.
Merci madame pour l’honneur que vous me faites en acceptant d’être membre et
présidente du jury de cette thèse. Veuillez trouver ici l’expression de ma plus haute
considération, de mon respect et de ma gratitude.
A monsieur Paul FORNES, professeur en médecine légale, expert en anatomopathologie, médecin légiste au CHU de Reims. Merci d’honorer de votre présence le
jury de cette thèse en temps que membre et rapporteur. Veuillez à travers ces mots,
trouver l’expression de ma très haute considération et de ma reconnaissance.
A monsieur Malik BOUMEDIENE, docteur en droit, maître de conférences à
l’université de Toulouse II. Merci monsieur pour l’honneur que vous me faites en
3
participant en tant que membre et rapporteur au jury de cette thèse. Veuillez accepter
mes remerciements les plus vifs et l’expression de mon profond respect.
A monsieur Issa Malick COULIBALY, docteur en médecine en Côte d’Ivoire. Merci
docteur pour votre soutien, votre aide et vos conseils.
A monsieur Yaya COULIBALY, conseiller au ministère de l’enseignement supérieur de
Côte d’Ivoire. Merci monsieur pour votre précieuse aide, que ces mots soient
l’expression de mon respect et de ma reconnaissance.
A monsieur Souhalio OUATTARA, professeur en médecine à la faculté de médecine
d’Abidjan. A travers ces mots, je voudrais vous exprimer ma reconnaissance pour
votre disponibilité, votre soutien et vos conseils. Merci professeur pour m’avoir donné
l’envie et la force de rédiger cette thèse.
Merci aux docteurs en médecine en Côte d’Ivoire : Solange AMETHIER, Marie-Josée
POKOU-ANGUIBI et Soueidan RIDA, au docteur en ophtalmologie Abdallah
OUATTARA et à monsieur Zoulo TOUALY, infirmier diplômé d’Etat, enseignant et
responsable du service de scolarité à l’Infas d’ABIDJAN. Merci pour votre aide, votre
disponibilité et votre contribution à mes recherches.
Je souhaiterais exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à madame
Fatoumata
BAKAYOKO-KOROMA,
secrétaire
de
direction
au
ministère
de
l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire. Merci madame pour votre soutien et votre
aide.
4
Toute ma reconnaissance à mademoiselle Aïssatou Edith KONATE. Merci pour ta
disponibilité, ton soutien et ton aide. Ces mots sont aussi l’expression du profond
respect que j’ai pour toi.
A Mohamed Alpha Condé, je tenais à dire merci pour m’avoir soutenu et aidé. Merci
pour le résumé en anglais de ma thèse.
A mes amis et frères : Lacina DOSSO, Ibrahim DOSSO, Prisca NENE, Kandiaba
DOSSO, Louise DOSSO, Jean-Philippe TANOE et Bassoumarifou SANOGO. Merci
pour tout. Vous m’avez soutenu et encouragé pendant toutes ces années, aujourd’hui,
je souhaiterais partager ce moment de bonheur avec vous. Que les liens qui nous
unissent restent forts.
A Safiatou SANOGO, mon épouse. Merci, tu as été le moteur qui m’a fait avancer
pendant toutes ces années. Sans toi à mes côtés, je ne serai jamais allé au bout de
cette thèse. Trouve ici l’expression de ma reconnaissance, de mon respect et de
l’amour que je te porte.
Je ne peux terminer cette série de remerciements sans un mot à l’endroit de mes
parents. A mon père et à ma mère, je dis un grand merci. Je vous dois beaucoup, que
cette thèse soit le symbole de mon infinie reconnaissance.
Je souhaiterais dire merci à toutes les personnes qui m’ont soutenu et que je n’ai pas
citées. Qu’elles m’en excusent. Merci pour tout.
5
TABLE DES ABREVIATIONS
ACPCI : Association des Cliniques Privées de Côte d’Ivoire
AL : Alinéa
AMM : Autorisation de Mise sur le Marché
AMU : Assurance Maladie Universelle
AOF : Afrique Occidentale Française
BEPC : Brevet d’Etude du Premier Cycle
CAA : Cour Administrative d’Appel
Cass (civ) : Cour de Cassation Chambre Civile
CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle
CCG : Commission Consultative de Gestion
CDM : Code de Déontologie Médicale
CE : Conseil d’Etat
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’0uest
CES : Certificat d’Etude Spéciale
Ch. Ad/Civ/Com./Jud : Chambre Administrative/ Civile/Commerciale/Judiciaire
CHR : Centre Hospitalier Régional
CHU : Centre Hospitalier Universitaire
CI : Côte d’Ivoire
CIDMEF : Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression
française
CJA : Cour de Justice Administrative
CMU : Couverture Maladie Universelle
CN FMCH : Conseil National de la Formation Médicale Continue Hospitalière
6
CNOU : Centre National des Œuvres Universitaires
CP : Code Pénal
CS : Cour Suprême
CSP : Code de la Santé Publique
DEA : Diplôme d’Etudes Approfondies
DFR : Direction de la Formation et de la Recherche
DGPS : Direction Générale des Prestations Sanitaires
DU : Diplôme d’Université
EPA : Etablissement Public Administratif
EPN : Etablissement Public National
F.CFA : Franc de la Communauté Française d’Afrique
HG : Hôpital Général
IDE : Infirmier Diplômé d’Etat
IDH : Indice de Développement Humain
IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers
INFAS : Institut National de Formation des Agents de Santé
INS : Institut National des Statistiques
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONIAM : Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, affections
iatrogènes et infections nosocomiales
ONU : Organisation des Nations Unies
OOAS : Organisation Ouest Africaine de la Santé
ORL : Oto-rhino-laryngologie
PCEM : Première Année du Premier Cycle des Etudes de Médecine
7
PIB : Produit Intérieur Brut
PMI : Protection Maternelle et Infantile
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
SFDE : Sage-femme Diplômée d’Etat
TIC : Technologies de l’Information et de la Communication
UE : Union Européenne
8
« L’université Paris VIII n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans cette thèse, ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur »
9
RESUME
La bonne qualité d’un système de santé dépend en grande partie des personnes qui font ce système, c'est-à-dire les personnels
de santé. Il est donc nécessaire de s’intéresser à tous ces agents : médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, aides soignant
etc…lorsqu’on envisage d’améliorer le mode de fonctionnement d’un système de santé.
Nos recherches portent sur la mise en place d’un plan de développement de la formation des personnels de santé en Côte
d’Ivoire. Il s’agit pour nous dans un premier temps de faire un état des lieux du système de formation des personnels de santé
au cours de l’histoire de la Côte d’Ivoire. L’analyser, voir ce qui a été fait, ce qui a marché et relever les difficultés qui ont pu
apparaitre à certains moments. Dans un second temps, il s’agira pour nous de proposer des solutions novatrices et durables afin
d’améliorer le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Ces solutions qui devront corriger nos lacunes
peuvent provenir de l’observation de modèles étrangers qui ont fait leur preuve. Ces modèles étrangers seront appliqués à la
Côte d’Ivoire tout en tenant compte des réalités nationales. La recherche de nouvelles solutions doit être l’occasion pour nous
de prendre en compte, dans la formation des personnels de santé, de nouveaux éléments tels que le droit médical. En effet, de
nos jours, le droit est une discipline incontournable dans tous les secteurs d’activités. Le droit médical permettra donc à tout
personnel de santé de prendre conscience de sa responsabilité médicale face à un patient. Le droit sera perçu ici comme un
élément d’équilibre et de justice dans les soins. Pour une médecine équitable, il est impératif que la Côte d’Ivoire voire
l’Afrique toute entière tiennent compte du droit médical dans la formation de leurs personnels de santé.
Mots clés : plan, développement, formation, personnels de santé
SUMMARY
A good health care system depends primarily on the quality of the professionals who built and manage it. Any attempt at
bettering such a system must therefore start with improving medical training and the quality of the daily care provided by
doctors, nurses, midwifes, orderlies, EMT’s, paramedics and all the other professionals, who constitute the personnel in charge
of the system.
The present study focuses on the “Côte d’Ivoire” (Ivory Coast), and presents a plan for improving the training of health care
professionals within in this West African country. Starting with an historical overview, we first look at the evolution of heath
care training, from the beginnings of a formalized allopathic tradition all the way through to the present. Throughout, we
highlight programs and initiatives that have worked as well as those that have proven less successful. Our goal was to
understand and assess the challenges the country has faced over time in managing the health of citizens in order to identify
appropriate solutions. We then present selected innovative, sustainable health care training models derived primarily from
benchmarking “best practices” in other countries re notable results were proven. In doing so, we pay particular attention to
contextualizing and adapting identified benchmarked models to the specific economic, social, cultural and political
environment of the Côte d’Ivoire. One major conclusion of our analysis pertains to the pivotal role of medical law training.
Our research stressed the importance of solidly training all health care professional in their understanding and mastery of
medical law. This is key and a precondition to virtually any improvement of the system of health care in Côte d‘Ivoire and
beyond into the rest of Africa at large. A command of the legal parameters of their job not only empowers each heath care
professional with a clear and conscious sense of his or her responsibilities towards patients, but it also guarantees the balance,
fairness and the very quality of the overall health care system.
Keywords: Plan, Development, Training, Health care professional/personnel
10
SOMMAIRE
SOMMAIRE............................................................................................................................................................................... 11
INTRODUCTION ...................................................................................................................................................................... 12
PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON EVOLUTION AU COURS DE L’HISTOIRE
DE LA CÔTE D’IVOIRE .......................................................................................................................................................... 35
TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES PERIODES PRE-COLONIALE ET
COLONIALE ........................................................................................................................................................................ 36
CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE TRADITIONNELLE .......... 37
SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES.............................. 37
SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION......................................................................................................... 42
CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960 ........................................................................................ 48
SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE .......................................................................... 48
SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT.................................................... 53
TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE D‘IVOIRE MODERNE...... 61
CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS DES MEDECINS ET
AGENTS DE SANTE .................................................................................................................................................... 62
SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE.................................................................................................. 62
SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX ..................................................................... 88
CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS
DE SANTE EN CÔTE
D’IVOIRE....................................................................................................................................................................... 124
SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST DEFAILLANTE............. 124
SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS ..................................................................................................... 138
CONCLUSION DE LA PARTIE I ......................................................................................................................................... 150
PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE .. 153
TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION.......................................................... 154
CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN................................................................................................. 155
SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE.................................... 155
SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN............................................................................................ 169
CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS................................................................................................... 189
SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE MATERIEL..................... 189
SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES ETUDIANTS ET
LES ENSEIGNEMENTS........................................................................................................................................ 214
TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE
............................................................................................................................................................................................. 261
CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE IVOIRIENS ................ 262
SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE FORMATION......................... 262
SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME HOSPITALIER ... 278
CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU RESPECT DES DROITS
DU PATIENT ................................................................................................................................................................ 327
SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT POUR
L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL ............................................................................................. 327
SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT ................................ 352
CONCLUSION DE LA PARTIE II ........................................................................................................................................ 364
CONCLUSION........................................................................................................................................................................ 367
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................................... 379
INDEX ALPHABETIQUE ..................................................................................................................................................... 392
TABLE DES MATIERES ...................................................................................................................................................... 395
11
INTRODUCTION
12
Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bienêtre et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement,
les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la
sécurité en cas de (…) maladie1…
Cette proclamation du droit à la santé par les Nations Unies date de 1948. Mais nous
savons tous que son application auprès des populations est quasi inexistante dans de
nombreux pays à travers le monde et en première place figurent beaucoup d’Etats
Africains dont la Côte d’Ivoire. Le problème, c’est qu’il faut mettre en place de très
importants moyens financiers, techniques et humains pour permettre à l’ensemble des
citoyens d’assurer sa santé :
-
aménagement et entretien de lieux où se faire soigner ;
-
formation et rémunération de professionnels de soins de santé ;
-
invention, production et commercialisation de médicaments et de technologies
médicales ;
-
mise en place de systèmes collectifs de financement de l’ensemble.
Nous pouvons constater en ce qui concerne le dernier point, que seuls les pays
développés, surtout ceux d’Europe ont mis en place de véritables systèmes de santé
collectifs permettant effectivement à chacun d’assurer sa santé. Un système de santé
organise la rencontre entre la demande et l’offre de soins. Il s’agit, d’un côté, de
donner les moyens financiers aux individus d’obtenir un revenu de remplacement en
cas de maladie et de pouvoir couvrir les frais engagés par la maladie. Il s’agit, de
l’autre côté, d’organiser la production des soins : les lieux de soins (hôpitaux
notamment), les professions médicales et plus récemment, la production et la
1
Article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les Nations Unies en décembre 1948.
13
distribution des médicaments et autres technologies médicales2. L’organisation
mondiale de la santé (OMS), créée le 22 juillet 1946 en complément de l’organisation
des Nations Unies (ONU, créée dès 1944 par les Etats alliés contre les puissances de
l’axe mené par l’Allemagne) définit la santé comme : « un état de complet bien être,
physique, mental et social ». Mais au sens médical, la santé est définie comme étant
un équilibre instable entre deux états apparaissant sous diverses manifestations :
entre 37° et 37,2° Celsius, température normale du corps. La santé est donc un état
très particulier et les pouvoirs publics dans tous les Etats se sont efforcés depuis (et
même pour les Etats beaucoup plus anciens) de protéger l’état sanitaire de leurs
peuples en élaborant différents systèmes et règles de protection de la santé publique.
La profession médicale constituant le métier principal de l’hôpital, il est donc normal
que tout pays, toute nation porte une attention particulière à la formation scolaire et
professionnelle des personnels qui auront pour mission de prodiguer les différents
soins aux populations dans le but de favoriser, améliorer ou maintenir leur bien être.
Les personnels de santé sont des personnes qui participent à l’éducation sanitaire, à
la conservation ou au rétablissement de la santé des individus. Ces personnels
peuvent agir ainsi parce qu’ils possèdent une certaine qualification, une aptitude à
exercer leur métier. C’est le diplôme qui a couronné leur formation qui leur donne
cette capacité. Leur lieu principal d’exercice est l’hôpital, où l’on distingue les
personnels médicaux des personnels paramédicaux. Les premiers ont le droit de
prescrire des médicaments tandis que les seconds exécutent les prescriptions des
précédents. Les professions paramédicales sont classées en quatre catégories : les
métiers du soin (infirmier, aide-soignant, puéricultrice, assistant dentaire…), les
métiers
2
de
la
rééducation
(orthoptiste,
orthophoniste,
Bruno PALIER, la réforme des systèmes de santé, puf, janvier 2008. P 7.
14
kinésithérapeute,
ergothérapeute, pédicure-podologue, psychomotricien…), les métiers de l’appareillage
médical (opticien-lunetier, audioprothésiste, prothésiste dentaire…), et les métiers de
l’assistance médicale et technique (manipulateur radio, technicien de laboratoire,
visiteur médical, préparateur en pharmacie…). Les sages-femmes qui appartiennent
en général à la catégorie médicale sont classées en Côte d’Ivoire dans celle du
personnel paramédical. Dans notre travail de recherche, nous porterons notre
attention concernant le personnel paramédical sur les infirmiers, infirmières et les
sages-femmes parce que étant à la fois proches des médecins et des patients). Le
personnel de santé, quelle que soit sa catégorie, a besoin d’acquérir de nouvelles
compétences et de conforter ses connaissances professionnelles. La formation est
ainsi devenue un élément moteur de modernisation et de progrès social. En France
par exemple, c’est la loi du 16 juillet 1971 qui constitue le fondement de la formation
continue au plan général, mais cette loi n’était pas à l’origine directement applicable
aux agents de santé publique. Il a donc fallu attendre le décret du 16 juin 1975 qui a
étendu la formation continue aux hôpitaux et le décret n° 90-319 du 5 avril 1990 a
posé quant à lui les conditions nouvelles de la formation continue des agents de santé
en France.3 En Côte d’Ivoire c’est le décret n° 91-655 du 9 octobre 1991 qui crée et
organise un établissement à caractère administratif dénommé institut national de
formation des agents de santé (INFAS).4 Mais avant ce décret, il existait déjà une
école nationale d’infirmiers, infirmières et de sages-femmes diplômés d’Etat ainsi
qu’une école nationale supérieure de formation paramédicale créées respectivement
par les décrets 77-12 et 77-13 du 05 janvier 1977.
3
Pierre LACHEZE-PASQUET, Didier STINGRE, l’administration de l’hôpital, édition Berger-Levrault
septembre 1999 P 181
4
L’INFAS est placée sous la tutelle du ministère de la santé et de la protection sociale de Côte d’Ivoire.
15
Dans ce jeune pays qu’est la Côte d’Ivoire, indépendant depuis le 7 août 1960, le
système de santé n’est pas aussi développé et efficace qu’en France. Selon le
professeur Harris Memel-Fotê, anthropologue ivoirien, certains personnels modernes
de santé avouent sans complexe entretenir des relations très professionnelles avec
leurs confrères de la médecine traditionnelle (tradi-praticien ou devin-guérisseur selon
les cultures) afin de venir à bout de certains maux qui minent la société ivoirienne. Il
est vrai que cette collaboration est en train d’être officialisée par les autorités
d’Abidjan.5 En effet depuis quelques années, nous assistons ici et là à des rencontres
entre médecins modernes et « médecins traditionnels ». Abidjan a même accueilli un
congrès scientifique des praticiens de la médecine traditionnelle et des professionnels
de la médecine conventionnelle. Ce congrès initié par l’organisation ouest africaine de
la santé (OOAS6 dont le but est d’offrir le niveau le plus élevé en matière de prestation
de soins de santé aux populations de la sous région sur la base de l’harmonisation
des politiques des Etats membres, de la mise en commun des ressources et de la
coopération entre les Etats et les pays tiers en vue de trouver collectivement et
stratégiquement des solutions aux problèmes de santé de la sous région) avait pour
objectif de promouvoir le dialogue entre les participants pour améliorer la collaboration
entre les praticiens des deux médecines de la CEDEAO7. L’amélioration de cette
collaboration passe par la sensibilisation des différents acteurs sur l’importance de la
collaboration sectorielle entre praticiens de la médecine traditionnelle et praticiens de
la médecine conventionnelle. Il faudra aussi prendre en compte l’analyse des
obstacles majeurs qui empêchent cette collaboration entre les deux secteurs. La
proposition de nouvelles stratégies pour améliorer ce dialogue et l’initiation de
5
Harris Memel-Fotê, les représentations de la santé et de la maladie chez les Ivoiriens, édition l’Harmattan, 1998
P 85.
6
OOAS : Organisation Ouest Africaine de la Santé créée en 1987.
7
CEDEAO: Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée en 1975.
16
véritables programmes de collaboration8. C’est dire comment le pays ou plutôt les
personnels de santé dans leur grande majorité veulent mettre toutes les chances de
leur côté pour vaincre la maladie face aux maigres moyens dont dispose le pays.
Parlant de moyens, nous savons que la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays au monde
à faire face à d’importantes difficultés dans ce domaine. A travers le monde, ce sont
des millions de personnels de santé qui sont nécessaires pour combler le manque
dans le secteur. 57 pays dans le monde, situés majoritairement en Afrique subsaharienne ont besoin de 4.3 millions de travailleurs pour combler le déficit en
personnels de santé. Ce sont très précisément, 2.4 millions de médecins, infirmiers,
infirmières et sages-femmes qui sont nécessaires pour permettre à l’Afrique de faire
face à ses carences dans le secteur médical. L’Afrique supporte 11% de la population
mondiale et 23% du fardeau mondial de la maladie et comble de l’ironie, elle possède
seulement 4% des personnels de santé et doit faire face à 11% des dépenses de
santé9. Notons aussi que la mauvaise répartition des structures sanitaires n’arrange
pas les choses. En effet, la moitié de la population vit en zone rurale, mais 60% des
infirmiers et 75% des médecins vivent en zone urbaine, défavorisant ainsi les
populations rurales moins bien servies que les habitants des villes. Les structures
sont donc nécessaires en Afrique pour former des personnels de santé. Cette crise
des ressources humaines de santé se caractérise d’une manière générale par un
manque de personnel soignant très important dans les pays du sud en général et en
Côte d’Ivoire en particulier. En Afrique, on considère qu’il faudrait multiplier par trois le
nombre de soignants pour atteindre les normes imposées par l’OMS. En effet, le
continent africain dans son ensemble a besoin selon l’OMS d’une augmentation de
8
Le Mandat : congrès de la médecine moderne et traditionnelle : les praticiens prônent le dialogue. Jeudi 22
octobre 2009. Jean Tigoune Kouika.
9
Source : Organisation Mondiale de la Santé.
17
139% du nombre total de personnels et de professionnels de santé. Nos autorités
sanitaires ont tous les problèmes pour faire face à cette pénurie de personnel, et ce
dans toutes les catégories de personnels et tous les secteurs d’activité de la santé.
Sans structure et sans moyen pour travailler, les personnels de santé des pays à
faible revenus sont tentés de fuir leur pays respectif dans l’espoir de trouver le
bonheur ailleurs. Les pays occidentaux recrutent les personnels des pays pauvres
pour répondre à leur propre manque. S’étant vu offrir de meilleures conditions de
travail, des salaires plus élevés, et certains autres avantages (pour ceux qui ont de la
chance car tous ne sont pas logés à la même enseigne), 37% des médecins SudAfricains et 7% des infirmières ont quitté leur pays. Le Ghana a perdu 29% de ses
médecins et 13% de ses infirmiers. Sur 600 médecins formés en Zambie depuis 1964,
seulement 50 sont restés dans leur pays. Ces chiffres alarmants et inquiétants qui
devaient marquer une certaine rupture et une prise de conscience quant à la gravité
de la situation ne font pas sourciller nos dirigeants. Il faut rappeler que dans nos
pays, où les facultés de médecine sont financées par les deniers publics, nos autorités
ne s’émeuvent pas de voir jusqu’à la moitié de leurs diplômés quitter leur pays, très
souvent sous-médicalisé, à la recherche de meilleures rémunérations à l’étranger,
sans s’interroger sur des actions alternatives pour les retenir. Le nombre total de
structures sanitaires du pays est aujourd’hui de 1510. Il y’ avait, en 2000, 10483
professionnels de santé, dont 1684 médecins en activité (soit 1 médecin pour 9739
habitants), 6908 infirmiers (soit 1 infirmier pour 2374 habitants) et 1891 sages-femmes
(soit 1 sage-femme pour 2081 femmes en âge de procréer)10. Mais ce qui est
surprenant pour un pays comme le nôtre, c’est que nous ne disposons pas de chiffres
concrets sur la fuite des personnels de santé vers l’étranger comme si les autorités
10
Source : Ministère ivoirien de la santé et de l’hygiène publique.
18
voulaient se voiler la face, ou plutôt cacher l’existence du fléau. Nous savons par
exemple que certains jeunes médecins ivoiriens qui partent à l’étranger pour des
stages hésitent à revenir au pays lorsqu’ils se rendent compte du fossé énorme qui
sépare les conditions d’exercice dans leur pays et ceux du pays de leur stage.
L’environnement de travail est totalement différent, tout est mis en œuvre pour que les
personnels de santé accomplissent sereinement leur mission.
Nous pouvons donc constater que nous sommes très éloignés par exemple en ce qui
concerne les médecins des normes établies par l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS) qui indique un ratio d’un médecin pour 2000 habitants. La vétusté du matériel,
la cherté des médicaments, l’inexistence de la sécurité sociale pour la grande majorité
des ivoiriens, mais surtout les insuffisances dans la gestion des diverses ressources
de santé et la faiblesse de la planification sont aussi des contraintes auxquelles il faut
ajouter le poids de la croissance démographique et la paupérisation des populations
(l’espérance de vie qui était de 50.9 ans en 1997 est passée à 46 années en l’an
2000).11 Afin d’enrayer l’augmentation de la mortalité et la baisse de l’espérance de
vie, le personnel de santé devrait être fortement accru, mais on constate plutôt qu’il ne
fait que baisser au fil des ans. Nous savons que l’Etat consacre au secteur de la santé
seulement 6% son budget total, soit environ 100 milliards de FCFA (150 millions
d’euros) en 2007, nous devons avouer que cette part est très insuffisante (Si l’argent
et les médicaments sont nécessaires, les ressources humaines quant à elles sont
indispensables pour dispenser les soins, la pénurie en personnel ne fait que
s’aggraver tant quantitativement que qualitativement et cette part du budget national
consacré à la santé n’arrangera pas les choses). Beaucoup d’efforts restent à faire.
L’OMS recommande que les Etats Africains doivent atteindre au moins 15% de
11
Source : Ministère ivoirien de la santé et de l’hygiène publique.
19
budget national alloué à la santé.12 Surtout quand à cette liste viennent s’ajouter
l’insouciance, la négligence, le favoritisme et la corruption (détournement de près de
18 milliards de FCFA d’aide de l’Union Européenne entre 1994 et 1998) de ceux qui
sont chargés de veiller à la bonne santé de leur compatriotes. Ou encore l’affaire des
déchets toxiques déversés dans différents endroits de la capitale économique, ayant
provoqué la mort d’une dizaine de personnes dont des enfants et l’hospitalisation de
plusieurs centaines d’autres. (Les responsables courent toujours, c’est aussi ça la
Côte d’Ivoire). Mais les raisons de nos échecs, nous ne devons pas les chercher loin,
nous les connaissons parfaitement. Les usages pervers tels que le népotisme, le
tribalisme qui privilégie l’accès aux bourses et aux grandes écoles pour les uns aux
dépens des autres. La pratique de la vente plus ou moins occulte des diplômes ou
leur truquage, l’attribution des postes de responsabilités à des militants ou
sympathisants souvent très zélés du parti au pouvoir quel qu’il soit au détriment des
vrais connaisseurs, des vrais spécialistes. La priorité donnée au militantisme politique
sur l’efficacité et sur la conscience professionnelle. Et enfin ce qui nous touche le plus
en Côte d’Ivoire, c’est l’absence de contrôles et de sanction qui entraine un laxisme
généralisé dans l’exécution de la mission publique, ou lorsque ces contrôles et
sanctions interviennent, nous le peuple, nous nous rendons compte que ce n’est
qu’une parodie ayant pour seul objectif de nous détourner des choses publiques, de
nos affaires. L’ensemble des rouages administratifs et judiciaires sont totalement hors
service, c’est à tous les niveaux que le travail ne se fait plus. Les agents publics
investissent leurs efforts ailleurs, là où les rémunérations sont beaucoup plus
importantes, parce que les maigres salaires ne permettent pas de joindre les deux
bouts. A l’hôpital par exemple, on assiste à une baisse de la qualité des prestations
12
Le Patriote, 10 mai 2007.
20
due au déficit déontologique des personnels de santé (violence verbale sur les
malades, refus de soigner même en service d’urgence tant que le patient n’a pas
payé), le manque de motivation des personnels à cause des conditions de travail de
plus en plus difficiles. Tous ces éléments et bien d’autres encore constituent les maux
de l’Afrique en général et de la Côte d’Ivoire en particulier. Certains auteurs avant
nous l’ont dit, et aujourd’hui, nous le répétons.
En Côte d’Ivoire comme en France, les médecins exercent principalement dans les
activités de soins, mais aussi dans la recherche, l’enseignement et l’administration de
la santé. La formation des médecins est assurée au sein de la faculté de médecine de
l’université d’Abidjan13 rattachée aux 4 centres hospitaliers universitaires (CHU) du
pays dont 3 à Abidjan (CHU de Cocody, CHU de Treichville et CHU de Yopougon14).
Le quatrième quant à lui se trouve dans la deuxième ville du pays (Bouaké), ville sous
contrôle des forces rebelles depuis la tentative de coup d’état du 19 septembre 2002.
On constate une très forte concentration des infrastructures sanitaires dans les
grandes villes plus précisément à Abidjan. Le sud du pays regroupe 62.5% des
médecins tandis que le centre-est, le nord-est, le nord-ouest, et le sud-ouest n’en
comptent chacun que 2%15. Tous ces hôpitaux fonctionnent sous la responsabilité de
l’Etat. L’accès aux études médicales est ouvert à tous les bacheliers de
l’enseignement général orientés à la faculté de médecine de l’université d’Abidjan
Cocody. C’est donc après 8 années d’étude que ces étudiants obtiennent un diplôme
de doctorat en médecine et doivent s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins.
Certains se spécialisent dans un domaine précis, alors que d’autres deviennent
13
Abidjan est la première ville mais aussi la capitale économique de le la Côte d’Ivoire.
Cocody, Yopougon et Treichville sont des communes de la ville d’Abidjan.
15
Marie-France JARRET et François-Régis MAHIEU, la Côte d’ Ivoire : de la déstabilisation à la refondation,
édition l’Harmattan, avril 2002, P 96.
14
21
chercheurs, enseignants, professeurs agrégés, chefs de clinique des hôpitaux ou
occupent des postes administratifs.
Ces futurs médecins se mettent donc au service des 16 millions d’ivoiriens soit en
exerçant dans des structures privées (où des problèmes existent aussi, une certaine
anarchie règne dans le secteur de la santé privée dans notre pays ; « Le non respect
des tarifs homologués, l’implantation anarchique des structures de santé, la
multiplicité des maisons d’assurance, l’exercice illégal, le mépris pour les malades, le
racket »)16 ou comme nous l’avons déjà dit au sein des 4 CHU, des 14 centres
hospitaliers régionaux (CHR), des 54 hôpitaux généraux (HG) etc.…
Les infirmiers, infirmières, sages femmes et tous les autres agents de santé sont
formés au sein de la structure unique à savoir l’INFAS contrairement à la France où
ceux-ci sont également formés dans des structures publiques rattachées à l’hôpital
public ou dans des structures publiques et privées à la fois. En Côte d’Ivoire, tous ces
personnels sont formés au sein d’une structure unique, à savoir l’Institut National de
Formation des Agents de Santé (Infas). Cet établissement dépend du ministère de la
santé publique en ce qui concerne la tutelle administrative et technique et du ministère
chargé de l’économie et finances pour la tutelle économique et financière17. C’est le
seul établissement autorisé à fournir ce genre de prestation. L’Infas dépend
directement de la direction de la formation et de la recherche (DFR), organe rattaché à
la direction générale des prestations sanitaires (DGPS). La DFR a pour mission de
promouvoir une politique efficace de formation du personnel du ministère de la santé
publique et cela dans le but d’assurer la bonne qualité des prestations fournies aux
populations. Elle doit aussi favoriser la recherche médicale et pharmaceutique. A ce
16
Propos de Monsieur Florent AKA KROO, président de l’ordre national des médecins de CI, retranscris par
Marcelline GNEPROUST. Fraternité Matin, mercredi 28 mai 2008.
17
Arrêté n° 118 du 07 juin 2002 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la direction de la
formation et de la recherche
22
titre, elle est chargée de l’évaluation des besoins en formation, de la planification et de
la programmation des formations, de la commission d’attribution des bourses de
formation du secteur sanitaire, du suivi des stagiaires en formation à l’extérieur, de la
documentation et de la formation continue, de la jonction avec les établissements de
la formation initiale, c'est-à-dire les unités de formation et de recherche en ce qui
concerne la faculté de médecine et l’Infas pour tous les agents de santé.
Le système sanitaire ivoirien a reproduit de façon presque identique le modèle
français tout en essayant de l’adapter aux réalités nationales ivoiriennes. En cela,
nous avons constaté qu’en Côte d’Ivoire comme en France, les CHU sont le lieu de la
formation clinique des médecins. Dans ces hôpitaux universitaires, on retrouve les
praticiens à temps plein et à temps partiel, mais la particularité réside dans le fait que
certains médecins sont à la fois professeur d’université et praticiens hospitaliers. Nous
avons donc trois catégories de praticiens titulaires exerçant en centre hospitalier
universitaire : les professeurs d’université praticiens hospitaliers (PU-PH rang A), les
maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH de rang B) et
les praticiens hospitaliers18
Les cours sont donc assurés par des professeurs agrégés de médecine bénéficiant
des mêmes grades que leurs confrères français. Les cours pratiques, autrement dit
les travaux dirigés sont dispensés au sein des CHU.
Les agents de santé sont regroupés dans une structure décomposée en plusieurs
branches fournissant des enseignements que les structures publiques ou privées
françaises dispensent à, leurs étudiants de la même catégorie, c'est-à-dire les
infirmiers, les sages-femmes, les agents techniques de santé, les infirmiers
18
François PONCHON, l’hôpital en 100 mots clés, édition Berger-Levrault, décembre 1998, P 209 / 210
23
spécialistes, les sages-femmes spécialistes, les agents supérieurs de santé, les aidessoignants ....
Dans un pays où le sida fait un nombre très important de victimes (on estime à plus
d’un million le nombre de personnes séropositives), où le paludisme n’en finit pas de
faire des ravages, la persistance de grandes endémies telles que l’onchocercose, la
trypanosomiase et le pian (ulcère de burelli), la drogue et l’alcool achèvent
d’assombrir le tableau tout en pénalisant fortement la population dans sa totalité, on
se demande si la bonne formation de tous les personnels de santé médicaux et
paramédicaux n’est pas la solution miracle. En effet, ces personnels très proches des
malades et des biens portants et maîtrisant d’une certaine façon tous ces maux ne
sont-ils pas les mieux placés pour faire passer les messages concernant les
comportements à tenir face à la maladie ? Nous pensons que c’est à eux qu’il revient
d’éduquer les populations sur la prévention et les risques encourus pour leur santé si
elles ne font pas l’effort de se prémunir contre certaines maladies. Mais pour ce faire,
la meilleure formation s’impose donc pour ces personnels médicaux et paramédicaux
afin d’assurer la pleine efficacité de la gestion du système sanitaire dans le but aussi
de favoriser son accès à cette grande frange de la population qui ne sait plus à quel
saint se vouer. A l’instar de ce qui se passe dans la quasi-totalité des pays africains,
l’accès aux soins de santé même primaires est encore limité à la ville et aux salariés
d’un certain niveau, faute de politique sociale vraie. En effet, tous les actes médicaux
ainsi que les médicaments dans les structures sanitaires publiques sont devenus
payants, au non de la participation de la population, alors que ceux-ci étaient gratuits
pour les plus démunis. La grande majorité de la population est paysanne et donc non
salariée. En effet, près de 85% de la population se trouve hors de toute couverture
24
sociale19. Pour la plupart de ceux qui sont salariés, les salaires sont très bas et
suffisent à peine à satisfaire le besoin alimentaire quotidien. En Côte d’Ivoire, malgré
les efforts qui ont été faits pour la construction de structures sanitaires décentralisées,
les soins restent peu accessibles à la grande majorité de la population qui a alors
fréquemment recours à l’automédication d’une part et à la médecine traditionnelle
d’autre part. Ces alternatives à la médecine moderne, souvent efficaces mais pour
l’instant pas suffisamment contrôlées peuvent s’avérer dangereuses pour la santé. En
pratiquant l’automédication, le patient se met hors de tout contrôle conventionnel, il
dose lui-même ses médicaments tout en sachant qu’il n’a aucune compétence pour le
faire. La médecine traditionnelle quant à elle ne tient pas compte de l’évolution de la
science, donc de la maladie Les remèdes dispensés depuis des siècles sont les
mêmes aujourd’hui alors que les maladies évoluent et changent. La médecine
traditionnelle doit donc s’adapter à la maladie et cela ne peut se faire que dans un
cadre scientifique même si nous concédons un certain succès à cette médecine dans
la guérison de nombreux maux.
Par ailleurs, les structures sanitaires publiques, surtout les grands centres tels que les
CHU de Treichville, Cocody, Yopougon et Bouaké et les CHR n’existent si on peut le
dire que de nom, tant les infrastructures y sont désuètes et
la démotivation du
personnel soignant flagrante. Alors, la mauvaise qualité des soins poussent ceux qui
le peuvent vers les cliniques privées. Ces clinique privées qui n’existent pratiquement
pas dans les zones rurales, foisonnent dans les grandes villes et deviennent un
« eldorado » pour les jeunes médecins formés par les structures publiques, désireux
de s’installer et qui ont bien compris qu’il y’a un grand vide laissé par la qualité
dégradante des hôpitaux publics. C’est donc pour toutes ces raisons que les autorités
19
Source : Organisation Mondiale de la Santé.
25
actuelles du pays ont décidé de créer l’AMU, autrement dit l’assurance médicale
universelle sur le modèle français de la CMU (couverture maladie universelle) afin de
lutter contre les exclusions20 et permettre un accès plus facile aux soins pour les
populations les plus démunies. Cette initiative représente à nos yeux un espoir pour
de nombreux ivoiriens de bénéficier de soins gratuits ou pas chers. Cette assurance
permettra une couverture sociale étendue à toute la population, ce qui évitera à
l’avenir d’assister impuissant à l’agonie de nombreux ivoiriens venus solliciter des
soins. Elle permettra aussi une meilleure qualité de soins, car comme chacun le sait,
la sécurité sociale est à l’origine de la performance du système sanitaire français.
L’AMU devrait aussi favoriser une amélioration de la qualité de vie des agents de
santé par la revalorisation de leur traitement et enfin, cette assurance devrait à long
terme favoriser la naissance de vraies structures d’enseignement et de recherche
dans nos CHU. Mais, jusqu’à ce jour, aucun élément de cette structure n’a encore été
mis en place concrètement même si en ce qui concerne le ministère de la santé, nous
avons assisté à la fusion dudit ministère avec celui des affaires sociales afin de
donner un ministère de la solidarité, de la santé et des affaires sociales auquel est
rattaché un ministère délégué à la santé. Certaines personnes imputeront ce fait à la
crise que traverse le pays. Nous pensons plutôt que c’est un manque de volonté qui
est à l’origine de la lenteur dans la réalisation de l’AMU. Nos gouvernements en
Afrique ont tendance à faire miroiter des choses à leur population sans jamais réussir
à les mettre en œuvre. Cette bonne formation permettra aussi à cette autre partie de
la population qui y a déjà accès de pouvoir bénéficier des meilleurs soins. Mais pour
bénéficier des meilleurs soins il faut que les personnes chargées de prodiguer ces
soins aient reçu une bonne formation dans des structures adéquates.
20
Marie-France JARRET et François-Régis MAHIEU. La Côte d’Ivoire : de la déstabilisation à la refondation.
Edition l’Harmattan, avril 2002, P 95.
26
Notre travail de recherche consistera dans une première partie à parcourir le système
de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire depuis les périodes
précoloniales, coloniales jusqu’à celle
de la Côte d’Ivoire moderne, c'est-à-dire à
partir de 1960, année de l’indépendance. Nous nous intéresserons donc aux
différentes étapes de l’évolution de la médecine au cours de l’histoire du pays. Le but
de notre travail sera donc de savoir comment s’est déroulée la formation des
personnels de santé au cours de l’histoire du pays ? Qui étaient les personnels de
santé pendant cette période ? Quelles étaient les structures chargées d’accomplir ce
travail de formation ? Ensuite, nous aborderons différents aspects de cette formation
pendant la période dite moderne du pays, comment s’est déroulée la formation ? Avec
quels personnels ? Quelles structures ? Nous chercherons aussi à connaître les
problèmes liés à cette formation ? Notre travail consistant à mettre en place un plan
de développement de la formation des personnels de santé, nous essayerons dans
une seconde partie d’apporter des solutions aux difficultés rencontrées. « Car au
cours de l’histoire, l’institution universitaire a engagé des réorientations, souvent en
profondeur dans l’accomplissement de ses missions de recherche et d’enseignement
soit sous la poussée de forces extérieures, soit par l’engagement de quelques
personnes ayant une vision différentes des choses et la faculté de médecine n’a pas
échappé à cette règle »21. C’est par le biais de nouvelles solutions que la faculté de
médecine pourra satisfaire aux exigences de transparences et pour ce faire, « la
faculté devra consentir à s’ouvrir d’avantage au monde extérieur, non académique.
Elle devra notamment mieux faire connaître à toute la société sa mission, ses
engagements et son fonctionnement. Diffuser des informations sur ses actions,
partager des objectifs communs avec d’autres acteurs, extérieurs au monde
21
Propos de Charles BOELEN, consultant international en systèmes et personnels de santé. Ancien coordonnateur
du programme de l’OMS des ressources humaines pour la santé.
27
académique, évaluer sa performance au regard d’objectifs connus préalablement et
permettre à quiconque de l’apprécier. En somme, il s’agit de rendre plus explicites les
buts poursuivis et les stratégies employées »22. C’est à travers une tentative de
restructuration du système de formation des personnels de santé que nous mettrons
en œuvre ces solutions et cette volonté de changement. Nous mettrons aussi l’accent
sur un modèle étranger à travers l’étude de son système de formation: en l’espèce,
c’est le modèle Cubain qui retiendra notre attention. L’intérêt ici sera de savoir dans
quelle mesure les ivoiriens pourront s’inspirer de ce modèle, on le sait, cuba pays du
tiers monde comme le nôtre a su se hisser très haut en matière de santé. Les cubains
ont réalisé de grandes choses avec peu de moyens et dans un contexte politique
international qui ne leur était pas favorable. Ils ont su identifier leurs problèmes et au
fil des années, ils ont su leur apporter des solutions adéquates et durables afin de
garantir le bien être de leur population.
Enfin pour terminer, en tant qu’étudiant en droit, nous aborderons la question de la
place du droit, plus précisément la place du droit médical dans la formation des
personnels de santé en Côte d’Ivoire. Nous avons constaté chez nous la quasi
inexistence de débats sur les nombreuses questions soulevées par le développement
des connaissances et des pratiques biomédicales nouvelles en occident. Nous faisons
aussi face à l’inexistence de formations appropriées sur les questions de droit et
d’éthiques en matière de santé. Alors qu’on perçoit l’actualité des questions
bioéthiques, il y’a un retard dans les débats et dans l’évolution du droit dans ces
domaines. On note aussi les difficultés d’accès à l’information et à la documentation
utiles pour susciter les débats nécessaires et pour entreprendre les recherches
souhaitables et les formations requises. Nous insisterons donc sur les bienfaits que
22
Propos de Charles BOELEN.
28
pourrait apporter le droit dans notre système de santé. Le droit étant présent dans
tous les domaines et tous les secteurs d’activité, il serait aberrant qu’il n’ait pas
d’importance en matière médicale, surtout dans un pays comme la Côte d’Ivoire où la
santé n’est pas ce qu’elle devrait être. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont
changées, la société n’appréhende plus la santé, les soignants et les patients de la
même manière. Selon le professeur André DEMICHEL23 des éléments tels que l’état
de la médecine (le développement du risque, les conséquences financières, les
problèmes éthiques), l’idéologie de la santé (l’idéologie de la maladie, l’idéologie du
médecin) ont totalement bouleversé la perception qu’on avait de la médecine et de la
santé24. Le droit médical et de la santé doit donc venir réguler cet espace, ce qui est le
cas actuellement en occident et dans les pays anglo-saxons et doit l’être en Côte
d’Ivoire et en Afrique. Il est grand temps que nous nous demandions comment à
travers l’enseignement du droit médical dans nos facultés de médecine, nous
pourrions atteindre la qualité dans la pratique médicale ? L’enseignement du droit
médical dans nos structures permettra t-il à nos agents de mieux respecter et prendre
en compte l’éthique médicale ?
En résumé, la question principale à laquelle il faudra répondre est la suivante :
comment à travers la prise en considération de nouveaux éléments matériels et de
nouvelles règles morales, intellectuelles et surtout juridiques, les Ivoiriens pourront
rendre plus performant leur système de formation des personnels de santé ?
Il s’agira donc pour nous de parcourir le système de formation des personnels de
santé de notre pays, l’analyser, dire ce qui a marché et ce qui a échoué pendant
23
André DEMICHEL : agrégé des facultés de droit, professeur des universités (1935-2000). Précurseur du droit
médical et de la santé.
24
André DEMICHEL : Le droit de la santé, les études hospitalières, septembre 1998. P 22, 23,24.
29
toutes ces années et essayer enfin d’apporter des solutions novatrices et durables en
vue de l’amélioration de la formation médicale en Côte d’Ivoire.
Notre pays et le continent accusent un retard en matière de formation médicale.
Aujourd’hui, de nombreux élément peuvent nous aider à corriger ce que nous avons
mal fait dans le passé. Nous ne sommes pas obligés d’attendre, de prendre le temps
pour nous approprier ces éléments qui ont fait la grandeur du système de santé dans
de nombreux pays. Les investissements matériels, la rigueur dans l’accomplissement
de la mission, le professionnalisme des personnels, le droit médical etc… sont ces
éléments novateurs qui nous aideront à y parvenir. C’est la recherche du bien être de
nos populations qui doit prédominer, une fois cet objectif fixé, il n’y a pas de raison
que nous n’atteignions pas notre but, c'est-à-dire la santé pour tous. On a entendu ici
et là que nous n’étions pas prêts pour la démocratie, c’est peut être vrai, mais
maintenant nous devons montrer au monde que nous sommes assez mûrs pour notre
bien être à travers l’acceptation de règles morales et juridiques censées rétablir
l’équilibre et la justice dans nos institutions sanitaires.
Au cours de notre année de DEA, sous la direction de monsieur JM CLEMENT, nous
avons travaillé sur la formation des personnels de santé en CI. Il s’agissait pour nous
de parcourir le système de formation des personnels de santé en CI, analyser son
organisation et son fonctionnement.
Il ressort de ces travaux, la nécessité d’apporter à la formation des personnels de
santé en CI de nouveaux éléments en vue de son amélioration.
Ainsi, nos recherches doctorales ont consisté à réfléchir à la mise en place d’un plan
de développement de la formation des personnels de santé en CI.
C'est-à-dire, comment rendre plus efficace l’enseignement diffusé aux futurs
personnels de santé,
30
C’est à dire : les médecins à la faculté de médecine d’Abidjan et ceux que nous
appelons agents de santé (infirmiers, infirmière, sages femmes) à l’institut national de
formation des agents de santé (INFAS) en prenant en compte le droit médical.
Sans toute fois oublier que de nombreux efforts doivent être faits en ce qui concerne
différents aspects de la formation : (notamment les structures, le matériel, les finances
et les hommes.)
Pour notre étude, nous nous sommes intéressés à différentes périodes de l’histoire du
pays :
- la période traditionnelle (jusqu’en 1893) : période de la médecine traditionnelle avec
les tradipraticiens, qui tiennent encore aujourd’hui un rôle important dans la société.
- la période coloniale (1893-1960) : Début de la médecine moderne et la formation
des premiers médecins et personnels de santé ivoiriens
- la période de la CI moderne (1960- 2002) : A partir de 1960, ce sont les ivoiriens
eux-mêmes qui ont pris leur destin en main. Les jeunes formés par le colonisateur à
Dakar sont partis en France pour se perfectionnés, une fois de retour, ils étaient en
charge de la formation des jeunes qui voulaient suivre les différentes carrières
médicales.
2002, reste pour nous la date de rupture. C’est la date à laquelle a éclatée la crise
politico-militaire qui secoue le pays. Elle a provoque d’importants remous dans le
monde médical en général et dans celui de la formation des personnels de santé en
particulier. Fermeture des instituts de formation des agents de santé de Bouaké
deuxième ville du pays et Korhogo troisième ville du pays et donc de leur différents
terrains de stage pour les futurs médecins et agents de santé.
Nous nous sommes aussi intéressés à différents modèles étrangers :
31
- la France pour les liens qui unissent historiques qui unissent les deux pays. La
France a été le Pays colonisateur de la Côte d’Ivoire et de cette relation est né
un lien particulier entre les deux pays. La France reste donc sur de nombreux
plans un modèle pour la Côte d’Ivoire.
- et plus particulièrement Cuba, parce que étant un pays du tiers monde comme
le notre et vivant les mêmes difficultés que nous. Mais Cuba malgré toutes les
difficultés est en ce qui concerne la santé une « puissance mondiale ».
Mais tout ce travail de recherches nous l’avons dit avait pour objectif de répondre à
certaines questions :
. Comment s’est déroulée la formation des personnels de santé ?
. Quelles structures étaient chargées d’accomplir ce travail de formation ? Avec
quels moyens ?
. Qui étaient ces personnels de santé ?
. Quelles sont les difficultés rencontrées au cours de ces différentes étapes de
formation ?
. Mais, la question principale reste la suivante : Comment à travers la prise en
considération de nouveaux éléments structurels, matériels, financiers, humains
et surtout juridiques, les ivoiriens pourront rendre plus performant leur système
de formation des personnels de santé ?
En essayant d’apporter des réponses à toutes ces questions, nous avons rencontré
un certain nombre de difficultés.
1. L’accès limité aux informations du fait de l’éloignement (difficultés
financières).
Nous nous sommes rendus qu’à trois reprises en Côte d’Ivoire : Juillet 2006, Juin
2008 et Juillet 2010. Entre ces différentes dates, il y’a eu beaucoup de changements
32
au niveau des agents dans les services. Il a donc fallu à chaque fois rencontrer de
nouvelles personnes et dans certains cas reprendre le processus de questionnement
au début.
2. La crise politique que vit le pays depuis septembre 2002 :
Nous avons constaté un véritable bouleversement au niveau des services de l’Etat.
Lenteur et manque de volonté de certains agents
Pour rencontrer certaines personnes responsables de certains services, il fallait
revenir deux, trois voire quatre fois sans être sûr d’être reçu par ces responsables.
Néanmoins, nous avons pu rencontrer ou avoir des contacts avec certains acteurs de
premier plan avec qui nous avons échangé :
- Monsieur Issa Malick COULIBALY, docteur en médecine, ancien inspecteur de la
santé et ancien directeur du programme national de lutte contre le SIDA
- Le professeur Souhalio OUATTARA, médecin et enseignant à la faculté de
médecine d’Abidjan
- Le docteur Solange AMETHIER, médecin chef de l’hôpital général des impôts
- Monsieur Zoulo TOUALY, infirmier diplômé d’Etat, enseignant et responsable du
service de scolarité de l’institut national de formation des agents de santé (INFAS)
3. Difficultés dans la quête des informations
A ce niveau, nous avons dû faire face aux réticences de certaines personnes
rencontrées. Les gens avaient peur de parler, de crainte que ce qu’ils diront leur
cause un préjudice.
Certaines personnes pensaient même que nous menions une enquête pour la presse
ou pour divers services d’inspection de l’Etat dont celui de la santé.
4. Absence de textes juridiques en matière de droit médical (les textes sont
rares et quand ils existent, ils sont mal répertoriés)
33
5. Problèmes de statistiques (rareté ou ancienneté des chiffres)
6. Nous avons aussi constaté que de nombreux acteurs du monde médical
ivoirien ignoraient les éléments essentiels du droit médical, ce qui rendait les
choses plus difficiles.
Malgré les difficultés rencontrées, nous avons pu faire certains constats, ce qui nous a
permis d’aboutir à des propositions.
34
PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON
EVOLUTION AU COURS DE L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE
Cette partie sera consacrée dans un premier temps à la formation des personnels de
santé au cours des périodes pré coloniale et coloniale de l’histoire notre pays. Ensuite,
nous mettrons l’accent sur la formation des personnels de santé pendant la période
dite moderne de la Côte d’Ivoire (1960-2002).
35
TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES
PERIODES PRE-COLONIALE ET COLONIALE
Il s’agit pour nous de faire un état des lieux de la formation des personnels de santé
avant 1893, c'est-à-dire avant le début officiel de la colonisation d’une part. D’autre
part, nous verrons comment l’intervention de la médecine occidentale, celle du
colonisateur (1893-1960) a bouleversé le monde médical ivoirien.
36
CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE
TRADITIONNELLE
SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES
La Côte d’Ivoire étant un pays Africain, la première forme de médecine connue par les
populations est sans aucun doute la médecine traditionnelle. Avant l’arrivée
des « blancs », elle était la seule médecine vers laquelle les malades pouvaient se
tourner. Elle était celle de toutes les populations et de toutes les classes sans
exception. Elle a donc eu son heure de gloire et continue encore aujourd’hui de
focaliser l’attention d’une grande partie de la population ivoirienne.
La médecine traditionnelle est une expression assez vague désignant en général les
pratiques de soins de santé anciennes et liées à une culture qui avaient cours avant
l’application de la science aux questions de la santé par opposition à la médecine
scientifique moderne officielle ou allopathie. A l’OMS, : « l’expression médecine
traditionnelle » se rapporte aux pratiques, méthodes, savoirs et croyances en matière
de santé qui impliquent l’usage à des fins médicales de plantes, de parties d’animaux
et de minéraux, de thérapies spirituelles et d’exercices manuels -séparément ou en
association- pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la
santé. La médecine traditionnelle participe de nos jours à la couverture de soins de
santé. Cette médecine, nous pouvons la retrouver un peu partout dans le monde.
Notons qu’en 1976 l’assemblée mondiale de la santé a sérieusement examiné la
contribution de la médecine traditionnelle aux soins de santé communautaires. Le
pays a vécu sa grande époque de médecine traditionnelle et même de nos jours, cette
médecine est encore très appréciée des populations rurales mais aussi urbaines.
37
Selon l’OMS, 80% de la population noire africaine a recours à cette médecine. Ces
populations se tournent vers elle soit parce qu’elles y croient vraiment ou par manque
de moyens financiers.
Comme toutes les médecines traditionnelles du monde, la médecine africaine est
sacrée. C’est donc ce caractère sacré qui la conduit tout naturellement à traiter le
malade, considéré dans sa totalité, dans l’unité que forment son corps, son âme, son
esprit et pas seulement l’organe malade. Le caractère sacré se manifeste dans toutes
les étapes de l’art médical et pharmaceutique. Le thérapeute se considère comme un
intermédiaire entre le principe de vie d’ordre divin et le patient. Son rôle est d’orienter
et de stimuler les forces de guérison du malade par l’accueil, l’écoute, les soins, les
traitements, le réconfort, les prières et les encouragements.
Dans cette section nous essayerons de montrer comment fonctionnait la médecine
traditionnelle, son organisation, ses structures d’exercice.
I - LES PERSONNELS TRADITIONNELS DE SANTE
Avant l’intervention du colonisateur, la Côte d’Ivoire était divisée en deux sociétés,
l’une animiste et l’autre musulmane. C’est sur cette base que se fondait aussi la
médecine traditionnelle dans le pays.
38
A/ DANS LES SOCIETES ANIMISTES : SORCIERS, FETICHEURS ET
GUERISSEURS
La nation ivoirienne comme la majeure partie des pays africains a pendant de longues
années donnée la primauté à la médecine traditionnelle. Avant l’arrivée du
colonisateur et de sa médecine dite moderne avec des hommes vêtus de blanc, les
Africains et plus particulièrement les ivoiriens selon leur origine se tournaient dans les
sociétés animistes vers des sorciers ou féticheurs guérisseurs pour retrouver un
certain mieux être en cas de souffrance physique et même morale. Ce médecin
africain qu’on appelle tradipraticien est une autorité spirituelle, il soigne à la fois le
corps avec des plantes et l’équilibre mental et familial au travers de rites et de
croyances. La médecine et les croyances traditionnelles sont intimement mêlées, le
tradipraticien se faisant très souvent aidé par les génies et les ancêtres. Ces
médecins de l’époque étaient les intercesseurs auprès des puissances divines et
infernales, dépositaires des connaissances ancestrales, à la fois hommes
du
diagnostic, prescripteurs et récolteurs des drogues végétales de son environnement,
préparateurs et dispensateurs des remèdes.25
Le sorcier ou féticheur guérisseur prétend que diagnostics et traitements lui sont
révélés exclusivement au cours de son curieux dialogue avec le fétiche qui lui indique
la conduite à tenir pour chaque cas particulier. Nous devons aussi préciser que ces
pratiques animistes avaient généralement lieu dans les régions forestières du pays.
Aujourd’hui, de nombreux tradipraticiens désirent s’adapter à la médecine occidentale
sans toutefois renier leur mode de pensée et leurs croyances traditionnelles. Dans nos
Etats d’Afrique noire, l’on attribue très souvent à la sorcellerie la cause de beaucoup
25
Histoire de la médecine, de la pharmacie, collection dirigée par Jacques Poulet, Jean-Charles SOUMIA et
Marcel MARTINY. Tome IV, Albin Michel, Laffont, Tchou, 31 mars 1973. P 371
39
de maux, la conception de la maladie et de la santé est différente de celle des pays
occidentaux. Le soignant (guérisseur, sorcier ou féticheur) prend généralement en
compte non seulement les aspects purement physique de la maladie, mais aussi sa
dimension psychologique et même spirituelle, ce qui est loin de faire partie des
priorités du médecin moderne qui considère que tout mal a une origine (qui n’est pas
mystique) et que c’est à la science de permettre la guérison. Alors qu’il est impossible
pour le guérisseur africain d’envisager de guérir une fracture ou des troubles nerveux
sans un recours aux plantes, à des fétiches ou à des incantations magiques. Ces
thérapeutes des régions forestières du pays demeurent des personnalités
exceptionnelles incarnant et transmettant des savoirs occultes ancestraux. Dans le
nord du pays dominé par la savane les populations se dirigeaient plutôt vers les
marabouts.
B/ DANS LES SOCIETES MUSULMANES : LES MARABOUTS
Dans le nord de notre pays, la médecine traditionnelle avait pour principaux
intervenants les marabouts. Ces derniers sont en fait des personnes ayant une
certaine connaissance du coran, l’ensemble de leur savoir découle donc des
préceptes de l’Islam. Un marabout est donc un homme ascète, se réclamant de l’islam
ou du syncrétisme musulman. Considéré comme un saint et un sage, le marabout fait
l’objet d’un culte populaire en Afrique du nord et sous d’autres formes dans toute
l’Afrique. En Afrique sub-saharienne, les marabouts sont des personnes à qui l’on
prête des pouvoirs multiples, sorte de shaman. Le marabout rétablit la santé ou l’ordre
social à l’aide de talisman. En ce qui concerne la santé, le mal du patient pouvait être
traité après un diagnostic révélé par les cauris lancés à répétition par le marabout ou
40
après le traçage dans du sable de figures géométriques. Contrairement au féticheur
ou sorcier guérisseur qui a pour origine de son savoir un esprit puissant, une divinité
cosmique, le marabout lui, tient son savoir de Dieu. C’est Dieu qui fera disparaître le
mal du corps du patient s’il le veut, dans le cas contraire rien ni personne ne pourra
sauver le malade. Le marabout pour guérir son patient, pouvait dans certains cas
utiliser des versets du coran. Il recopiait sur une tablette certains versets du coran qu’il
lavait ensuite. Le patient pour retrouver la santé devait boire le liquide résultant de ce
mélange (Nansi djî : dans certaines sociétés musulmanes) et avoir en lui une partie du
livre saint. Ainsi absorbés, ces versets coraniques devaient protéger l’individu du mal,
du danger et de la maladie.
Sorcier, féticheur et marabout en tant que premiers responsables de la santé de leurs
concitoyens s’organisaient pour un bon fonctionnement de leur médecine. Ils avaient
donc des « cabinets médicaux » où ils recevaient leurs patients.
II - LES STRUCTURES D’EXERCICE
A cette époque, nous étions bien loin des grands laboratoires avec tous les
équipements qu’on a aujourd’hui. La Médecine dans la Côte d’Ivoire précoloniale était
pratiquée dans différents endroits. Selon qu’on soit féticheur, sorcier ou marabout, la
forêt et la savane sont les lieux principaux d’exercice de cette médecine. C’est là
qu’on est le plus proche de la divinité ou de Dieu. La nature n’est-elle pas divine ? Les
plantes et différentes herbes qui y poussent sont la base même de tous les remèdes
de cette médecine. A côté de la nature, les cases dans les villages constituent les
cabinets ou laboratoires de nos médecins. C’est en ces lieux que le praticien peut
recevoir et examiner son malade. C’est aussi cet endroit qui donne un caractère
41
confidentiel au dialogue entre le patient et son médecin. Soigner un patient pouvait
aussi être l’occasion d’effectuer un voyage de plusieurs jours dans la brousse ou la
forêt. Selon les cas, le médecin traditionnel pouvait décider de garder son patient
auprès de lui au village ou partir avec lui dans les bois afin d’être plus proche des
esprits. En général, ce genre de voyage s’avérait utile lorsque, le médecin traditionnel
connaissait l’origine du mal de son patient (exemple, envoûtement par un membre du
village), il fallait dans ce cas éloigner le patient de la source de son mal pour mieux y
mettre fin.
Après avoir identifié les personnels et leurs structures, nous nous pencherons dès à
présent sur la pratique même de la médecine traditionnelle et sa transmission au fil
des ans de génération en génération.
SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION
Il est important de savoir comment s’exerçait la médecine traditionnelle et dans
quelles conditions celle-ci pouvait être transmise aux générations futures.
I- LA PRATIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE
Les principaux domaines d’intervention des sorciers ou féticheurs guérisseurs et
marabouts étant les empoisonnements, envoûtements et exorcismes, nous pouvons
constater que la pratique de la médecine traditionnelle est totalement différente de
celle de la médecine moderne. L’être en bonne santé en ce qui concerne la médecine
traditionnelle est celui qui réalise un bon équilibre de ses forces vitales, alors que pour
42
la médecine moderne, la bonne santé est liée au parfait fonctionnement des organes
vitaux.
Les médecins traditionnels consulteront des souris, des cauris, des osselets, des
sortes de marionnettes et bien entendu, des miroirs. Parmi les devins et clairvoyants
aux miroirs, certains utiliseront une cuvette remplie d’eau. D’autres des miroirs de
bazar qui serviront à faire apparaître les personnes désirées. Sous les croyances et
pratiques fétichistes se dissimule un savoir certain. Il faut en effet reconnaître aux
guérisseurs de grandes qualités de finesse et d’observation, une profonde perception
des mentalités et du psychisme de leurs semblables, de même qu’une grande
connaissance des propriétés des plantes, ce qui conduit à exercer une médecine
psychosomatique et une phytothérapie souvent efficaces.
En dehors des maux connus (plaies, dermatoses, parasitoses etc.…), les
connaissances s’étendent sur trois plans : les maux à manifestations évidentes
(anurie, diarrhées, paralysie etc.…), les maux caractéristiques de la pathologie
générale et tropicale (d’une part, syphilis, ictères et jaunisse, blennorragie, variole,
etc.…, d’autre part, trypanosomiases, bilharziose, kwashiorkor, paludisme. Pour le
reste, la région abdominale constitue le siège des maladies inconnues et le traitement
ici consiste à administrer un purgatif. Une fois préparé, le remède peut être administré
par voie externe (la méthode qui consiste à faire pénétrer les médicaments à travers
l’épiderme par des frictions, fomentations ou onctions) ou interne (l’administration par
voie orale). Notons cependant que les actes chirurgicaux font partie du domaine
médical Africain, en effet, deux types de chirurgie ont existé et continuent d’exister en
Afrique : une chirurgie dite rituelle (mutilations dentaires, scarifications et même des
autopsies pour découvrir la cause d’une mort) et une autre dite de circonstance
(chirurgie réparatrice dans certains cas de furoncles, d’abcès ou de fracture).
43
Les médecins traditionnels ne sont donc pas démunis de moyens pour confectionner
et administrer leurs médicaments, mais ils n’ont que des notions grossières sur les
dosages et, par voie de conséquence sur la posologie qui est soumise à la loi des
nombres (trois doses pour un homme, quatre pour une femme) et aux impératifs
magiques ou religieux qu’à la logique.26
Mais le plus important pour les médecins traditionnels en Afrique en général et en
Côte d’Ivoire en particulier, c’était de veiller à la pérennité de leur médecine. Pour ce
faire, il fallait assurer la transmission du savoir aux plus jeunes qui à leur tour, un jour
seront amenés à faire de même.
II - LA FORMATION DES GENERATIONS FUTURES
Le savoir des guérisseurs, féticheurs, sorciers et marabouts développé au sein d’une
médecine sacerdotale s’est perpétué et enrichi de génération en génération telle une
mémoire collective par l’oralité. L’Afrique étant berceau de l’humanité et terre d’origine
de l’écriture, ce ne sont pas des salles de cours ou des amphithéâtres qui
accueillaient les candidats au savoir, mais plutôt la forêt, la savane, la brousse, les
cases et les mosquées qui servaient de lieu de transmission d’un message pour les
uns et d’apprentissage pour les autres.
L’initiation est une constante de la vie africaine. Elle commence à la circoncision et
continue chez les adultes qui choisissent de devenir guérisseurs ou d’entrer dans les
sociétés secrètes. Mais certaines personnes qui ne sont pas initiées ont quand même
eu accès à la formation médicale traditionnelle. C’est le cas notamment du professeur
26
Histoire de la médecine, de la pharmacie, collection dirigée par Jacques Poulet, Jean-Charles SOUMIA et
Marcel MARTINY. Tome IV, Albin Michel, Laffont, Tchou, 31 mars 1973. P 378.
44
Yvette PARES, médecin français27 qui résume en quelques mots sa formation : « la
seule école qui soit, c’est la transmission de maître à disciple. Un maître vous choisit
d’après vos aptitudes et ce qu’il juge bon en vous… l’enseignement de cette médecine
est faite d’écoute, d’observation et de patience. Le maître après avoir cueilli une
plante dit son nom, son utilisation et l’élève lui ne fait qu’écouter et observer ». Les
médecins dans nos sociétés africaines désignaient en général de leur vivant celui ou
celle qui devait les remplacer. C’était très souvent l’élève préféré, le fils bien aimé ou
le petit fils toujours présent. Ces médecins qui étaient des personnes qui détenaient
certains pouvoirs mystiques, savaient qui dans leur entourage pouvait les remplacer. Il
n’y avait pas d’examen au sens moderne du terme et si examen il y’avait, c’était plutôt
des démonstrations de sorcellerie afin de savoir qui assurerait le mieux l’héritage.
L’héritier devait à travers son savoir-faire montrer au reste de la société que son
maître était le meilleur. Il avait aussi la lourde tâche de veiller au bien être de la
population comme le faisait si bien son prédécesseur. Il devenait ainsi par le jeu de la
transmission du savoir mystique le nouveau garant de la bonne santé physique et
psychique de toute la population.
Une question nous vient à l’esprit : pouvait-on parler de l’existence d’un droit
médical à cette époque ? A priori, il n’existait pas de droit médical au sens moderne
du terme. Il existait tout de même un droit qui encadrait la pratique médicale
traditionnelle. C’étaient les règles de droit qui régissaient la communauté qui posaient
aussi les limites de la pratique médicale traditionnelle. Le féticheur, guérisseur ou le
marabout qui abusait de son pouvoir ou violait certaines règles ancestrales ou
coutumières pouvaient être sanctionné par les gardiens de la tradition pour mauvaise
27
Yvette PARES, médecin et chercheuse, anciennement responsable d’un institut en recherche bactériologique.
Auteur de : « la médecine africaine, une efficacité étonnante, témoignage d’une pionnière » Edition Yves Michel,
2004.
Membre fondateur de l’hôpital traditionnel de Keur Massar au Sénégal.
45
pratique. En effet, le médecin traditionnel n’était pas totalement libre de faire tout ce
qu’il voulait. A l’époque déjà, il y’avait une certaine éthique à respecter. Mais pouvaiton réellement parler de droit des usagers face aux soins ? Nous pensons que non,
étant donné que l’individu appartenait à la communauté et toute atteinte portée à ce
dernier impliquait de facto toute la communauté.
Mais de nos jours, quelle est la place du droit dans la médecine traditionnelle en
Côte d’Ivoire ?
Aujourd’hui, le constat est qu’il est urgent et même impératif d’encadrer les activités
de la médecine traditionnelle. L’Etat ne peut plus ignorer l’impact de cette médecine
au sein des populations. En Côte d’Ivoire, les médecines traditionnelles sont tolérées
mais s’exercent dans un cadre où les droits des usagers ne sont pas énoncés.
L’adoption d’une loi encadrant la pratique des médecines traditionnelles relève tout
d’abord d’une exigence démocratique. Nous ne pouvons nous satisfaire d’un vide
juridique dans un domaine qui concerne la vie de millions d’ivoiriens.
Les nombreux tradipraticiens (on en dénombre officiellement 850028 aujourd’hui, mais
nous pensons que ce chiffre est très en dessous de la réalité) qui exercent dans les
villes et campagnes du pays
peuvent être poursuivis pour exercice illégal de la
médecine, mais encore faut-il qu’on attribue à leur pratique le statut de médecine au
sens moderne du terme si on veut qu’elle tombe sous le coup de la loi moderne.
C’est pourquoi, beaucoup de voix s’élèvent au sein de cette corporation, appelant à
voter une loi. En plus de cela, la concurrence venue d’ailleurs, notamment la
médecine traditionnelle chinoise n’est pas faite pour arranger les choses. Il faut
absolument réguler le secteur, les tradipraticiens veulent un cadre réglementaire qui
reconnaisse leur spécificité et leur compétence.
28
Notre Voie : Journées de la médecine traditionnelle- 5 millions de malades suivis et traités au pays par an. 1
septembre 2010. Zié Oumar COULIBALY.
46
Légiférer sur les médecines traditionnelles n’est pas un exercice facile. C’est pour
cette raison qu’il faut comprendre le retard mis par les autorités ivoiriennes – malgré
les efforts de rapprochement entre médecine traditionnelle et moderne ces dernières
années-
pour satisfaire à une exigence de l’OMS qui préconise l’intégration des
médecines traditionnelles au système de santé. Mais pour ce faire, il faut que les
tradipraticiens eux-mêmes soient disposés à faire partie du système de santé
moderne. Il faut qu’ils soient reconnus par leur communauté comme travaillant par
diverses techniques à la restauration, la préservation et la promotion de la santé. Ce
sont leurs associations qui devront mettre en place les instances de légitimation de
leurs savoirs afin que les autorités en tiennent compte. Comme la médecine moderne,
les acteurs de la médecine traditionnelle devront aussi tomber d’accords sur un code
d’éthique et de déontologie. Mais tout cela devra se faire sous le couvert de l’Etat,
seul garant des institutions nationales. C’est donc à l’Etat de tout mettre en œuvre
pour convaincre les tenants et les opposants à cette législation du bien fondé de
l’intégration de la médecine traditionnelle au système de santé moderne, ce que les
colonisateurs se sont toujours refusés à faire.
Avec l’arrivée du colonisateur, les choses se sont mises à changer. Une nouvelle
forme de médecine a vu le jour dans les différents territoires colonisés, notamment en
Côte d’Ivoire. C’est l’avènement de la médecine moderne occidentale qui sonna d’une
certaine façon un léger déclin de la médecine traditionnelle.
47
CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960
SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE
Le colonisateur une fois installé entreprit de former des ivoiriens à la médecine
occidentale. Il serait donc intéressant de savoir qui étaient ces personnels et quelle a
été leur contribution à l’émergence de la médecine occidentale en Côte d’Ivoire.
I - MEDECINS AUXILIAIRES, INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES
Au début du XXème siècle, une fois les conquêtes achevées et la pacification en
cours, la France décida de doter ses différentes colonies africaines dont la Côte
d’Ivoire d’un système de santé. Les objectifs des autorités de la métropole étaient
d’apporter aux indigènes les bienfaits et avantages d’une médecine curative. Il fallait
donc mettre en place dans toutes les colonies des formations fixes de soins (hôpitaux,
infirmiers, dispensaires).
A/ LES MEDECINS AUXILIAIRES IVOIRIENS
Répartis sur tous les continents pendant presque un siècle, les 6000 médecins et
pharmaciens du corps de santé des troupes coloniales (entre 400 et 800 officiers sur
le terrain de 1900 à 1960) ont formé des auxiliaires autochtones de niveaux de plus en
plus élevés. Ce sont ces personnes qui ont permis de constituer des équipes
médicales en Indochine, aux Antilles, en Océanie et bien entendu en Afrique noire. La
48
Côte d’Ivoire qui était l’une des principales colonies de la France a donc fourni une
bonne partie de ce personnel.
Différentes catégories de personnels autochtones ont donc été créées en Afrique
subsaharienne. C’est ainsi que le corps des aides médecins indigènes a été mis en
place par le gouverneur général de l’AOF29 Roume en 1906. Le médecin Africain
appelé jusqu’en 1945 médecin auxiliaire, en général plus âgé (accès tardif à l’école) et
plus expérimenté (plus grande connaissance et maitrise du terrain d’exercice) que le
médecin métropolitain, de surcroît nouvel arrivant, le seconde dans toutes ses tâches.
Il accompagne très souvent le médecin «blanc» au cours de ses différentes tournées
ou au contraire reste au poste pour assurer le service pendant l’absence du «patron».
Certains ont à charge la salle d’opération, d’autres une subdivision sanitaire autour
d’un centre de santé rural. Leur entremise a été très précieuse en ce qui concerne la
communication avec les populations, les chefs de village ou de canton. Mieux que les
Européens, ils peuvent comprendre toutes les réticences des patients qui ne
connaissent que la médecine traditionnelle. C’est vrai qu’à cette époque, la langue
posait problèmes. Pour se faire comprendre des populations, les médecins
occidentaux avaient besoin de l’aide de ces ivoiriens. Ils devaient aussi expliquer à
leurs « frères et sœurs » le bien-fondé de cette médecine moderne qui vient de loin,
cette tâche n’était pas facile.
Parmi les plus illustres médecins auxiliaires ivoiriens, nous pouvons citer monsieur
Félix HOUPHOUËT-BOIGNY (1905-1993) premier président de la Côte d’Ivoire (19601993), major de la promotion 1925. Ou encore monsieur Jean Appagny TANOE,
médecin généraliste. Ancien ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France (1965-1978),
29
AOF : Afrique Occidentale Française.
49
major de la dernière promotion en 1953, formé par la suite à la faculté de médecine de
Bordeaux.
Vous conviendrez avec nous que ces médecins auxiliaires ne sont médecins que par
le nom. La formation reçue ne faisait pas d’eux des médecins authentiques. On leur
apprenait le minimum requis pour prendre en charge des patients ayant besoin de
« petits soins ». Pour les cas les plus graves, les malades devait s’adresser aux
véritables médecins, les français qui détenaient la science et le savoir médical au
sens moderne du terme et le vrai pouvoir de décision. Ce sont ces derniers qui
avaient pour mission de former et de diriger les différents corps médicaux indigènes
composés d’infirmiers et de sages-femmes.
B/ LES INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES
A côté des médecins auxiliaires, le système de santé africain et ivoirien à l’époque
coloniale comptait aussi des infirmiers et des sages-femmes.
Les infirmiers, à très forte prédominance masculine, sont comme partout à travers le
monde un rouage déterminant dans la marche du service de santé. Représentant 80 à
90% des personnels techniques qualifiés30, ils sont 8 à 10 fois plus nombreux que les
médecins. Non contents d’assurer les tâches habituelles dites de « nursing » auprès
des malades et blessés, ils ont des attributions beaucoup plus diversifiées et plus
importantes qu’un infirmier en Europe. Responsables souvent de « postes médicaux
de brousse », ils ont alors en charge plusieurs villages et quelques dizaines de milliers
d’habitants. Ils assurent les soins et convoquent certains patients pour la tournée du
30
Amicale Santé Navale et Outre Mer : Le personnel autochtone dans le service de santé colonial, 2001-2005.
50
médecin, ils évacuent les autres au chef-lieu etc.… Ils surveillent les accouchements
faits au village par les matrones.
Avec eux, les sages-femmes ont en charge la maternité, les grossesses, les
accouchements et leurs suites. A cela, il faut ajouter la gynécologie et le suivi des
enfants à bas âge. On pouvait parfois retrouver au sein des maternités des capitales
certaines sages-femmes européennes contractuelles. Mais toutes les autres villes et
le milieu rural plus difficiles d’accès sont desservis par les sages-femmes
autochtones.
Maintenant que nous avons terminé de présenter les différents personnels de santé
ivoiriens pendant la colonisation, nous pouvons dès à présent nous demander quelle a
été leur contribution à la bonne marche du système de santé colonial en Côte d’Ivoire.
Ces hommes et ces femmes ont-ils vraiment participé à l’introduction de la médecine
moderne en Côte d’Ivoire ? Tout laisse croire que la contribution ivoirienne au
système de santé colonial a permis à la médecine occidentale de prendre pied en
Côte d’Ivoire.
II - LA CONTRIBUTION IVOIRIENNE A LA BONNE MARCHE DU SYSTEME DE
SANTE COLONIAL
A/ UN RÔLE ESSENTIEL
Les différentes catégories de personnel autochtone ont avec compétence et
dévouement rempli leur mission. Non seulement, ils étaient de plus en plus nombreux
mais ils étaient aussi déterminants dans le dispositif sanitaire. Ils ont apporté un
second souffle à l’œuvre humanitaire du corps de santé colonial. En effet, dès le
51
milieu des années 1930, les médecins, les infirmiers et sages-femmes auxiliaires sont
plus nombreux que les personnels médicaux Français. A la veille des indépendances,
leur proportion est encore plus forte, ce qui permettra d’une certaine façon une
passation de témoin plus facile.
Les personnels médicaux des troupes coloniales pour s’imposer à l’estime et au
dévouement de leurs collaborateurs africains doivent faire preuve de compétence et
d’autorité, mais aussi de tact et de chaleur humaine. En retour, les africains ne
manquent jamais sinon à de très rares exceptions près de tenir auprès du «patron» le
rôle qu’il attend d’eux à l’hôpital ou sur le terrain. C’est cette proximité entre les
médecins occidentaux et leurs « adjoints » africains qui a permis de réussir ce
partenariat.
B/ UN PARTENARIAT REUSSI
Les médecins européens sont en grande majorité des militaires hors-cadre, aidés de
quelques contractuels civils ; Les sages-femmes et des officiers d’administration sont
très peu nombreux. Quant aux infirmiers français, bien qu’en nombre comparable à
celui des médecins, ils ne représentent qu’un effectif réduit par rapport aux infirmiers
africains qui servent à leur côtés.
Par contre, «les praticiens africains» ; sont pour la plupart composés du personnel dit
paramédical, des agents administratifs ainsi que des auxiliaires de service et des
ouvriers autochtones. Dans l’ensemble, leur rapport au bon fonctionnement des
services est déterminant. En particulier, les médecins africains sont souvent assimilés
aux docteurs en médecine militaire. Si d’inévitables heurts ou malentendus se sont
produits, ils ne portent pas ombrage au succès de l’enseignement. Il est incontestable
52
que la conjonction d’une part , de la présence prolongée sur place de tous ces
autochtones de l’équipe médicale et d’autre part de l’identité de formation et
conception des « médecins-chefs » qui se relaient tous les deux ou trois ans au
rythme des «séjours coloniaux» a assuré la continuité et la qualité des services
sanitaires coloniaux Français. Mais si les services sanitaires coloniaux ont continué
dans le temps avec une certaine qualité, c’est bien parce qu’il y avait une structure de
formation en amont qui permettait la production de personnels qualifiés.
SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT
Après des années de formation sans organisation concrète, l’administration coloniale
décida de doter ses colonies d’une structure de formation où l’enseignement médical
était beaucoup mieux organisé.
I - LA STRUCTURE DE FORMATION : L’ECOLE DE MEDECINE DE DAKAR
A/ LA CREATION
L’expansion coloniale est décidée et engagée par la troisième république. Dans
chaque territoire, le besoin de former un personnel paramédical autochtone ayant
pour mission d’assister les médecins venus de la métropole est évident. Mais bien
avant l’ouverture d’écoles officielles, les médecins de marine s’improvisent
professeurs libres : en Inde, dès le début du XIXème siècle, une école de médecine
est ouverte par ces derniers à Pondichéry en 186331.
31
Amicale Santé Navale et Outre Mer : Le personnel autochtone dans le service de santé colonial, 2001-2005.
53
Par contre, en Afrique et en Indochine, il faut prendre le temps d’enseigner la langue
Française avant d’organiser des cours spécifiques. La réalisation de ce projet en
Afrique noire sera soumise à différentes étapes étant donné que les pays de ce
continent possèdent chacun plusieurs langues vernaculaires.
Dans un premier temps, des aides quasi analphabètes sont recrutés pour accomplir
des gestes ou actes uniques ; désinfecter une plaie, poser un pansement. Plus tard,
au sortir de l’école primaire, les détenteurs du certificat d’études primaires peuvent
recevoir des formations plus générales, de type infirmier pour les garçons et sagesfemmes pour les jeunes filles. Avec le temps, les taux de scolarisation et le niveau
d’instruction s’étant élevés, il apparaît judicieux de créer une école de médecine. Le
décret du 14 janvier 1918 crée donc l’école de médecine de L’AOF à Dakar32 au
Sénégal. Cette école ouvrira ses portes le 1er novembre 1918 sous la direction de Le
DANTEC. Elle portera le nom de Jules CARDE. Elle cessera de fonctionner en juillet
1953 sou le nom d’école de médecine William PONTY33 de Dakar. Cette école a été
créée par le colonisateur pour atteindre certains objectifs en ce qui concerne le
développement de la médecine dans les différentes colonies françaises d’Afrique
noire.
B/ RAISONS DE CREATION ET OBJECTIFS
La nécessité et l’urgence sont à l’origine de la création de l’école de médecine de
Dakar. La grande guerre venait de finir, le corps de santé colonial nouvellement crée,
avait vu ses effectifs se réduire tant par l’affectation de beaucoup de ses officiers dans
32
Dakar, capitale de l’Afrique Occidentale Française en 1902 et du Sénégal dès 1958.
Amédée William Merlaud-Ponty (1866-1915). Administrateur colonial français qui fut gouverneur général de
l’AOF de 1908 jusqu’à sa mort à Dakar au Sénégal.
33
54
les troupes coloniales (et aussi la disparition des hommes au combat) que par l’effet
des épidémies successives de fièvre jaune qui avait sévi dans ses rangs. Les
péripéties ne faisaient que souligner en l’aggravant le déficit chronique en personnel
du corps de santé colonial, en particulier pour les colonies d’Afrique dont la réputation
d’inconfort et de danger éloignait des nouveaux promus.
Le passage de la grippe dite «espagnole», la nouvelle menace de la peste au Sénégal
et en Mauritanie rendaient l’appel à l’aide de plus en plus nécessaire. Le Dantec,
Nogue, Robert et Lhuerre se mettent à l’ouvrage. Les étudiants en médecine sont
donc choisis parmi les meilleurs éléments du Lycée William PONTY de Dakar. Le
corps professoral quant à lui est sélectionné parmi les médecins coloniaux exerçant
dans un premier temps pour la plupart dans les hôpitaux de Dakar et plus tard parmi
les agrégés du corps.
La durée des études est de quatre ans pour les médecins et les pharmaciens, trois
ans pour les infirmiers et les sages-femmes. Ce temps réduit de formation nous
permet en effet de constater l’urgence et la nécessité d’avoir des hommes et des
femmes opérationnels sur le terrain afin de faire face aux importantes difficultés
sanitaires de l’époque. La première promotion de ces « médecins auxiliaires » qui
deviendront très vite les «médecins africains» verra le jour en 1922.34
II - L’ENSEIGNEMENT ET L’ORGANISATION MEDICALE
L’école de médecine de Dakar était reconnue pour l’enseignement qui y était
dispensé, mais aussi pour la qualité de son organisation médicale.
34
L’enseignement médical outre-mer au temps des colonies, Palimpseste 09-15 mars 1991, N° 361.
55
A/ L’ENSEIGNEMENT DISPENSE
L’objectif de cette formation vise à insuffler aux élèves l’esprit de la médecine
scientifique. Il faut enseigner les faits et non les mots : cela est pratiquement dû à
l’urgence du besoin d’hommes sur le terrain. Les salles de cours et les laboratoires de
formation sont dans le périmètre de l’hôpital, cette unité de lieu fait de ces écoles des
centres hospitalo-universitaires (CHU) avant la lettre.
Loin des contraintes et des traditions de l’université, dès l’ouverture, l’enseignement
est orienté vers la pratique médicale ou pharmaceutique. L’équipe enseignante est en
nombre restreint et exerce une médecine de même nature que celle que les étudiants
seront appelés à exercer. Ce n’est pas le spécialiste de dermatologie ou
d’endocrinologie qui enseigne sa spécialité, c’est plutôt le généraliste qui dispense ces
matières, histoire de démystifier les spécialités et les rendre abordables à tous. C’est
donc le professeur généraliste qui donne les cours théoriques et qui reçoit dans son
service hospitalier les étudiants en stage. C’est ce que nous pouvons appeler
l’enseignement direct ou plutôt l’enseignement intégré. Les choses se font de manière
très pratique : le cours est donné au lit du malade, il n’est pas nécessaire de projeter
des diapositives, l’illustration du propos est là, présent sous les yeux de l’étudiant. La
pathologie observée à l’hôpital est celle que l’élève rencontrera tous les jours, à savoir
la lèpre, la trypanosomiase, le paludisme, la dysenterie et autres maladies tropicales.
Cet enseignement relève du « révolutionnaire » pour l’époque : en 1932-1933 à
Dakar,
l’enseignement d’amphithéâtre
est
supprimée
et
remplacée
par
un
enseignement au lit du malade. Le contrôle des connaissances se fait par
interrogations sur dossiers de malades préparés par les étudiants ayant pratiqué euxmêmes les examens complémentaires utiles. C’est ce type de formation que les
56
universités dans la quasi-totalité des pays ont perdu de nos jours, cette proximité
entre enseignants, étudiants et patients. Et contrairement à ce que l’on peut croire ou
imaginer, une fois sortis de l’école après leur formation, les étudiants ne restent pas
sur le terrain avec leur quatre années de médecine en tête toute leur vie, déjà à
l’époque, la formation médicale continue est pratiquée dans ces écoles. Le médecin
auxiliaire peut après concours revenir au centre hospitalier attaché à l’école pour y
suivre un stage de remise à niveau. A la fin de ce stage, s’il remplit les obligations, il
est promu au grade de médecin principal.
Au lendemain du second conflit mondial, les bacheliers sont nombreux et la formation
médicale franchit le dernier palier. Cette formation relèvera de l’université et de
l’éducation nationale Française. Les diplômes délivrés le sont par l’Etat. L’école
préparatoire de médecine et de pharmacie de Dakar destinée à toute l’Afrique noire
francophone assure les trois premières années d’enseignement, les trois suivantes se
déroulant en métropole, à Bordeaux essentiellement.
En 1958, l’école devient une école nationale de médecine et de pharmacie et en 1960,
une faculté délivrant des diplômes de pleine équivalence avec ceux des facultés de
médecine Françaises. Les médecins et pharmaciens coloniaux se trouvent sur place,
jouent un rôle important dans les débuts de cet enseignement universitaire, en tant
que chargés de cours ou vacataires. Plusieurs d’entre eux sont reçus à l’agrégation
des universités Françaises et leurs élèves parmi lesquels des anciens de l’école
africaine passent à leur tour les concours d’agrégation dans le but d’assurer la relève.
Ces élèves pour atteindre un si bon niveau ont bénéficié d’un enseignement rigoureux
et de qualité, mais il ne faut oublier l’organisation médicale au sein des colonies qui a
permis d’atteindre ces objectifs.
57
B/ L’ORGANISATION MEDICALE
Nous constatons un fonctionnement pyramidal de tous les services publics dans les
territoires Français.
Au sommet et à la tête des divisions ou principaux services, aux chefs-lieux des
régions et des circonscriptions, dans les emplois requérant une spécialisation ou des
diplômes et seulement à ces niveaux, des Français métropolitains. Ces derniers
assurent les tâches de direction, d’orientation générale des services, de formation du
personnel
autochtone,
du
contrôle
et
de
l’évaluation
des
activités
etc.…
progressivement, des personnels originaires des colonies ayant obtenu des diplômes
et qualifications voulus occupent certains de ces postes dits « du cadre général ».
Tous les autres personnels, de très loin les plus nombreux sont des autochtones
africains. Allant des professionnels confirmés aux manœuvres, ils appartiennent aux
cadres dits « commun supérieur fédéral » et « local » ou bien ce sont des auxiliaires,
voire des journaliers.
En conformité avec ce schéma, les médecins des troupes coloniales (en position hors
cadre) ont à mettre sur pied et à faire fonctionner dans chaque colonie le service de
santé. Ce service exclusivement civil dépend du gouverneur de la colonie et du
ministère des colonies. Il n’a par contre aucun lien avec les autorités militaires du
territoire sauf dans les hôpitaux ou dans les petites garnisons où les médecins dits
hors cadre donnent leurs soins aux militaires malades.
En Côte d’Ivoire, à la fin des années 50, les médecins et pharmaciens des troupes
coloniales représentent à peu près 4% des personnels techniques sanitaires du
territoire (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers).
58
Les médecins des forces armées et les praticiens privés ne sont pas pris en compte
dans cette gestion de la santé publique.
Le service de santé compte d’autres rouages : cadres et personnels administratifs,
aides-soignants, ouvriers et techniciens divers, ce sont exclusivement des africains.
Ces agents africains de tout grade sont au sein de l’équipe médicale en contact étroit
avec le médecin. Au cours des tournées rurales, ils vivent la même vie, se déplacent
en convoi, se complètent dans le travail, se restaurent souvent du même menu,
poussent ensemble le véhicule embourbé et s’exposent ensemble à mourir de peste
ou de fièvre jaune. Le médecin ne peut être dissocié de ses collaborateurs. Après
quelques épreuves vécues en commun, leurs relations réciproques sont forcément
empreintes de sympathie, d’estime et d’affection.
Au cours d’un siècle de médecine coloniale, le droit a-t-il eu une place ou un rôle
majeur dans le système de santé ?
De nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont été prises durant la
période coloniale. Elles visaient la protection sanitaire et sont intervenues surtout dans
le contexte de la lutte contre les épidémies et ce qu’on a appelé et qu’on continue
d’appeler encore, en milieu français les « fléaux sociaux ». La volonté d’une
codification générale dans le domaine de la santé a été affirmée assez récemment,
même dans la métropole, mais a été étendue aux colonies. Ainsi, ce n’est qu’en 1953
qu’a été publié le décret N° 53-1001 du 5 octobre 1953 portant codification des textes
législatifs concernant la santé publique qui constitue le premier code de la santé en
France35.Les dispositions des textes antérieurs, celles du code de la santé et celles de
35
Depuis 1953, date de la publication en France de la première version du code de la santé, le code a fait l’objet de
révisions ininterrompues. En 1983 sortait la cinquième édition et en 2010 la 24ème , ce qui traduit des évolutions
très rapides dans le domaine de la législation sanitaire.
59
tous les textes adoptés par la suite en métropole ont pour la plupart été rendus
applicables dans les colonies selon des modalités spécifiques et restrictives.
Les réglementations coloniales et post coloniales sont demeurées constantes jusqu’à
une période très récente dans leur ignorance des droits des personnes soignées dans
les structures sanitaires ou les professionnels de santé. Les codes de déontologie
applicables aux personnels de santé précisent certes des devoirs et des obligations
pour ceux-ci par rapport aux personnes soignées. Mais aucune évocation directe des
droits des patients n’est faite. Nous supposons que le statut même du colonisé
favorisait cette situation. Parce que, comment comprendre que certains juristes dans
les pays du nord essayaient d’élaborer une définition des droits du patient et que cette
démarche n’a eu aucun écho dans les colonies qui dépendaient de ces pays. Tout
simplement parce que les populations colonisées d’Afrique, notamment de l’AOF
n’avaient aucun droit. Alors comment définir un droit du patient pour quelqu’un qui n’a
aucun droit ? Le colonisateur s’est donc contenté de réaliser que le strict minimum
dans ses colonies. Les peuples colonisés une fois libérés devaient entreprendre de
mettre en place les règles juridiques prenant en compte les droits des patients au
cours des soins. Ce qui n’a pas été le cas, puisque malgré les éminents juristes
formés pour les uns par le colonisateur et pour les autres par nos propres structures,
nous nous sommes contentés de plagier des règles juridiques sans aucun rapport
avec notre réalité nationale et que nous avons beaucoup de mal à appliquer.
Après la médecine traditionnelle et la formation médicale sous la colonisation, il est
temps pour nous de nous intéresser à la formation du personnel de santé depuis
l’indépendance du pays en 1960.
60
TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE
D‘IVOIRE MODERNE
Nous commencerons par faire un état des lieux de la formation des médecins et agent
de santé ivoiriens à travers leurs structures de formation et leurs personnels
enseignants. Ensuite, nous relèverons et examinerons les problèmes liés à la
formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire.
61
CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS
DES MEDECINS ET AGENTS DE SANTE
L’OMS définit les personnels de santé comme étant tous ceux dont les activités
principales ont pour but d’améliorer la santé. Ce sont notamment toutes les personnes
qui fournissent des services de santé - médecins infirmiers, pharmaciens, techniciens
de laboratoire – ainsi que les personnels administratifs et d’appui tels que les agents
financiers, les cuisiniers, les chauffeurs et les agents d’entretien. A l’échelle mondiale,
on compte 59,8 millions de personnels de santé. Environs deux tiers d’entre eux (39,5
millions) assurent des services de santé. Le dernier tiers (19,8 millions)36 étant
constitué de personnel administratif et d’appui. Sans eux, ni la prévention, ni le
traitement des maladies, ni les progrès en matière de soins de santé ne sauraient
arriver jusqu’à ceux qui en ont besoin.
SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE
Ici, ce sont la structure de formation et la formation universitaire dispensée aux
étudiants en médecine qui retiendront notre attention.
I - LIEU DE FORMATION : LA FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN
Dans la plupart des pays du monde, la formation des médecins se fait au sein
d’universités, plus précisément par les facultés de médecine qui sont aussi appelées
unité de formation et de recherche. Ces entités sont les seules habilitées à délivrer un
36
Les chiffres sont ceux de l’année 2009 selon l’OMS.
62
programme national de formation de médecins selon les règles académiques
internationales. Dans d’autres pays, ces facultés portaient le nom d’école de
médecine comme ce fut le cas de la Côte d’Ivoire à la veille et juste après
l’indépendance ou de cuba où ce qualificatif est toujours utilisé pour désigner les
facultés de médecine. La faculté de médecine d’Abidjan a donc hérité concernant la
formation des médecins d’un système mis en place par les autorités coloniales de
l’époque. Les nouvelles autorités Ivoiriennes ont essayé de transformer et adapter
l’ancienne école de médecine aux réalités ivoiriennes. Mais cette transformation à
certains niveaux ne s’est pas faite comme il se devait. Selon nous, il ne devait pas
s’agir de reproduire, de copier
ou de maintenir systématiquement tout ce que le
colonisateur avait instauré. Il s’agissait pour la jeune nation d’apporter en ce qui
concerne son organisation et le contenu de la formation des éléments nouveaux en
rapport avec l’évolution de sa société, des changements qui devaient tenir compte des
mentalités des personnes appelées à dispenser les enseignements mais aussi de
celles des personnes qui étaient sensées les recevoir. Nos autorités ont voulu dès le
départ s’aligner sur le modèle français sans tenir compte de certaines réalités qui
nous rattrapent aujourd’hui et dont nous avons beaucoup de mal à corriger. Nous
essayerons dans notre travail de recherches de faire la part des choses entre ce qui a
été fait et ce qui peut être fait pour redynamiser une institution en perte réelle de
vitesse.
La faculté de médecine occupe une place très importante dans les universités. C’est
la particularité des études qu’elle organise qui lui confère ce rôle important. La faculté
de médecine est en lien étroit avec les hôpitaux, auxquels elle confie des missions
d’enseignement et de recherche. De par la pratique journalière de ses diplômés, la
faculté
dialogue
avec
les
responsables
63
de
la
santé
et
les
associations
professionnelles. La spécificité de sa mission, la forte implication de ses enseignants
dans les activités cliniques, explique sa localisation souvent à proximité des hôpitaux,
à distance des autres facultés. Ceci lui confère une certaine autonomie et donc
entraîne des responsabilités souvent importantes pour ses dirigeants.
A/ CREATION, OBJECTIFS ET ORGANISATION
1) CREATION ET OBJECTIFS
La faculté de médecine, ancienne école de médecine de l’université d’Abidjan est un
établissement de l’université nationale de Côte d’Ivoire crée et organisé par le décret
n° 66-134 du 16 avril 1966, modifié successivement par le décret n° 72-209 du 15
mars 1972 et la loi 77- 333 du 1° juin 1977.37 La faculté de médecine d’Abidjan est
depuis août 1996 une unité de formation et de recherche de l’Université de Cocody
(l’Université de Cocody a été créée en août 1996 par scission de l’Université nationale
de Côte d’Ivoire) Cette faculté ainsi créée a pour mission dans le domaine de la
médecine d’assurer la formation initiale et continue, de promouvoir la recherche
scientifique et technologique et pourvoir à la diffusion de l’information scientifique et
technique. Elle doit en outre participer à l’amélioration de
l’état de santé des
populations à travers le développement de la coopération interrégionale et
internationale.
Pour accomplir ses missions, la faculté
a été organisée en départements
d’enseignement et de recherche et comprend différents organes.
37
Règlement intérieur de la faculté de médecine.
64
2) L’ORGANISATION
On distingue donc les départements d’enseignement et de recherche et les différents
organes.
a- Les départements d’enseignement et de recherches
Les activités d’enseignement et de recherche de la faculté se déroulent au sein des
départements. Le département est un organe de réflexion et proposition. Il assure la
coordination et l’évaluation des enseignements, règle les problèmes pédagogiques,
évalue les besoins humains et matériels nécessaires à sa mission. Nous avons donc
trois grands groupes de départements subdivisés en plusieurs petits départements.
-
Le département des sciences cliniques
Le département des sciences cliniques est le premier des grands groupes de
département et il comprend 14 subdivisions, à savoir les départements d’anesthésieréanimation , cancérologie, maladies du cœur et des vaisseaux, dermatologie,
vénérologie, maladies de l’appareil digestif, endocrinologie et maladies métaboliques,
maladies de la face (ophtalmologie-ORL, stomatologie), imagerie médicale, néphrourologie, maladie du système nerveux, maladie de la mère et de l’enfant (gynécologie
obstétrique et pédiatrie), maladies des os et articulation (orthopédie, rhumatologie),
maladies de l’appareil respiratoire et pour terminer les maladies infectieuses et
tropicales. Notons cependant que les services de kinésithérapie et de rééducation
fonctionnelle sont rattachés au département des maladies des os et articulations et
ceux de la médecine d’urgence sont quant à eux rattachés au département
d’anesthésie et réanimation.
65
-
Le département des sciences fondamentales et biocliniques
Ce grand bloc comprend 7 départements qui sont : l’anatomie, l’anatomie
cytopathologie
et
cytogénétique,
la
biochimie,
l’immunologie-hématologie,
la
microbiologie (bactériologie, virologie, parasitologie), la pharmacologie et enfin la
physiologie. Ici aussi, nous pouvons constater que le service de biophysique est
rattaché au département d’imagerie médicale et celui de la médecine légale est
associé provisoirement à celui de l’anatomie-cytopathologie et cytogénétique.
-
Le département de la santé publique
Ce département couvre les 6 domaines suivants, à savoir, l’économie et système de
santé, le droit médical, l’épidémiologie, l’hygiène, la médecine du travail, la nutrition et
la santé communautaire (PMI38, santé des jeunes etc.…) On lui a aussi associé
d’autres services tels que les mathématiques et la bio statistique.
Ces différents départements ont chacun à leur tête un chef élu en son sein parmi les
enseignants de rang A au scrutin majoritaire à deux tours. A égalité de voix au second
tour, est déclaré élu le candidat le plus ancien dans le grade le plus élevé. La durée
du mandat est de 2 ans renouvelable. Le chef de département établit chaque année
un rapport d’activités et de politique générale soumis à l’assemblée de faculté.
A côté des départements, les organes de la faculté permettent de former l’ossature
même de cette structure.
38
PMI : protection maternelle et infantile
66
b- Les organes
Trois grands organes au sein de la faculté de médecine : l’assemblée de faculté, les
conseils et les commissions.
-
L’assemblée de faculté
L’assemblée de faculté est l’organe délibérant unique de la faculté de médecine selon
l’article 21 du décret n°66-134 du 16 avril 1966.
Cette assemblée comprend : le doyen de la faculté qui en est le président, les
professeurs, les maîtres de conférences, deux maîtres assistants élus par leurs pairs
pour une durée de 2 ans renouvelables, trois assistants élus par leurs pairs pour 2 ans
renouvelables également.
L’assemblée est compétente sur tout ce qui concerne l’administration de la faculté de
médecine conformément aux statuts de l’université. En particulier, elle examine et
statue sur les questions ayant directement un lien avec l’organisation de la faculté.
Elle vote le budget, repartit les crédits alloués à la faculté et établit les propositions
conférant l’honorariat. Elle veille au respect des obligations statutaires de l’ensemble
des personnels. Enfin, elle donne au doyen mission d’appliquer ses décisions et d’agir
au mieux des intérêts de la faculté.
-
Les conseils de faculté : les organes d’exécution et de propositions.
Les conseils de faculté sont composés de différents « sous conseils », à savoir le
conseil décanal, le conseil scientifique et le conseil de gestion.
Le conseil décanal se compose du doyen et de trois assesseurs. Le doyen est élu par
l’assemblée et nommé par décret pour une période de 3 ans. Son mandat est
renouvelable immédiatement une seule fois. Il est choisi parmi les professeurs et
maîtres de conférences ivoiriens de la faculté. Sa prise de fonction doit intervenir au
67
plus tard 30 jours après son élection. Les assesseurs sont élus parmi les professeurs
et maîtres de conférences et nommés par arrêté rectoral pour une période de 3 ans
renouvelables. Le conseil décanal est l’organe qui donne les pleins pouvoirs au doyen
afin qu’il agisse au nom de la faculté, la représente et veille sur ses intérêts, selon
l’orientation définie par l’assemblée de faculté. Le doyen assure donc l’administration
et la police de la faculté, il veille à l’observation des lois et règlements et institutions. Il
suit l’exercice régulier des cours, conférences et examens. Il rend compte de tous les
problèmes de sa faculté au recteur / président de l’université.
-
Le conseil scientifique quant à lui est un organe consultatif.
Sa mission principale est de favoriser le développement de la recherche en mettant en
œuvre tout ce qui est susceptible d’augmenter quantitativement et qualitativement la
production scientifique des enseignants de la faculté .Le conseil scientifique fait des
propositions à l’assemblée, aux départements et commissions sous couvert du doyen
sur des questions scientifiques et pédagogiques. Ce conseil peut solliciter l’avis de
personnes extérieures à la faculté.
Chaque année, le conseil scientifique établit un rapport d’activités et de politique
générale soumis à l’assemblée de faculté.
-
Le conseil de gestion
C’est un organe consultatif qui est chargé d’assister le doyen dans la gestion
administrative et financière de la faculté. Il doit donc recueillir les besoins, fixer les
priorités, définir la politique d’équipement et de fonctionnement. Il doit en outre
proposer un programme pluriannuel d’exécution. Il comprend le doyen (président), les
assesseurs et cinq membres élus par l’assemblée.
-
Les commissions : cellules de réflexion et de propositions
68
Les commissions sont des cellules de réflexion et de proposition chargées d’étudier
des problèmes d’ordre général communs aux départements. La commission est
composée de membres statutaires et de personnes extérieures choisies pour leur
compétence. Chaque commission élit en son sein un bureau comprenant un
président, un secrétaire et un rapporteur pour un mandat de 2 ans renouvelable. Le
président de commission est membre de droit du conseil scientifique. On distingue
donc cinq commissions :
La commission pédagogique chargée de la mise en œuvre de la
politique pédagogique définie par l’assemblée, elle supervise les activités de la
bibliothèque et de la cellule audiovisuelle et informatique de la faculté. Elle veille à la
qualité de l’enseignement et la régularité des cours magistraux qui doivent être
dispensés par les enseignants de rang A.
La commission des examens, des concours et des thèses qui statue en
première instance sur la validité des candidatures et les transmet avec avis au conseil
scientifique. Elle veille en collaboration avec l’administration à la régularité dans le
déroulement des examens, concours et soutenances de thèses organisées par la
faculté. Elle procède aussi au recensement et à l’évaluation des résultats et elle est
enfin chargée en collaboration avec la commission de pédagogie de procéder aux
adaptations nécessaires du contrôle des connaissances.
La commission des enseignements post universitaires, qui se charge
d’organiser, coordonner et évaluer l’ensemble des enseignements post universitaires,
notamment les certificats d’études spéciales (CES), les diplômes d’université (DU) et
la formation médicale continue.
La commission hospitalière et d’éthique médicale subdivisée elle-même
en deux sous commissions dont la première est la sous-commission hospitalière
69
chargée d’établir la nécessaire liaison d’une part entre la faculté et l’hôpital, d’autre
part entre la faculté et le ministère de la santé. Elle est donc chargée à ce titre
d’organiser et d’évaluer les stages hospitaliers, elle émet des avis techniques
concernant le recrutement des personnels hospitaliers et veille à l’adéquation des
structures, conformément aux impératifs de formation. Quant à la deuxième souscommission, elle est chargée de l’éthique médicale et statue sur tout acte portant
atteinte à l’honorabilité de la profession, commis par un membre de la faculté. Elle agit
conformément aux prescriptions du code de déontologie et des déclarations d’Helsinki
et de Tokyo sur l’éthique médicale.
La commission électorale et statutaire est la dernière, elle a pour mission
d’organiser les différentes élections prévues, de veiller à l’application des textes et
règlements en vigueur à la faculté. Textes et règlement qui doivent absolument être
respectés par tous les étudiants mais aussi par l’ensemble du personnel enseignant.
B/ LE PERSONNEL ENSEIGNANT
En ce qui concerne les enseignants, nous avons d’une part le personnel enseignant
de la faculté de médecine et d’autre part le personnel enseignant des établissements
associés
1) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DE FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN
Le personnel enseignant de la faculté de médecine comprend des professeurs
titulaires, des professeurs à titre personnel, des professeurs sans chaire, des maîtres
70
de conférences et des maîtres de conférences agrégés.39La Côte d’Ivoire dispose
aujourd’hui de 83 professeurs titulaires de médecine et de 76 maîtres de conférences
agrégés.40
Ils ont pour collaborateurs des maîtres de conférences suppléants, des maîtresassistants, des chefs de travaux pratiques, des assistants, des attachés, des
moniteurs et des techniciens.41 La Côte d’Ivoire ayant hérité de l’organisation du
système éducatif et universitaire Français, l’on constate que le statut administratif et la
procédure de nomination de ces personnels obéissent aux mêmes règles que celles
en vigueur dans la législation Française et ce dans les conditions et selon les
modalités prévues par les accords et conventions de coopération.
Notons que pour les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chefs de
travaux, l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de maîtres de conférences est
exigée pour les premiers et pour les seconds, on exige une inscription sur les listes
d’aptitudes correspondantes. Si des candidats présentés à ces postes par la Côte
d’Ivoire ne sont pas ivoiriens, mais disposent de diplômes français, l’université
d’Abidjan demandera leur classement par la procédure des concours d’agrégation en
fonction des postes vacants dans le pays.
A côté de ces personnels enseignants de la faculté, nous avons aussi certains
enseignants appartenant aux établissements associés.
39
Décret n° 66-134 du 16 avril 1966 portant organisation de l’université et des enseignements supérieurs.
Source : Faculté de médecine d’Abidjan.
41
Ibid.
40
71
2) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DES ETABLISSEMENTS ASSOCIES
Les établissements associés, ce sont les centres de recherches, les instituts de
formation, les écoles spécialisées etc.…
Les enseignants de ces établissements sont dans un premier temps les mêmes que
ceux qui exercent au sein de la faculté de médecine et ensuite nous avons des
chargés d’enseignement, des personnels d’enseignements spécialisés ou techniques,
recrutés conformément au statut de ces établissements.
Le recrutement et le statut des chargés d’enseignement seront fixés par référence à
l’échelle des titres et fonctions universitaires, sur la base des équivalences entre les
titres techniques et les titres universitaires. Cette équivalence est établie d’un commun
accord entre le gouvernement Ivoirien et le gouvernement Français. Il en est de même
pour toutes nominations et mutations des personnels.
Le personnel enseignant universitaire en général et celui de la faculté de médecine en
particulier bénéficie des libertés et franchises traditionnelles nécessaires à l’exercice
de ses fonctions d’enseignement supérieur. Comme nous l’avons déjà dit, tout
manquement au règlement intérieur émanant des enseignants est passible de
sanctions conformément aux décrets et lois en vigueur (conseil de discipline).42Toutes
ces mesures ont pour but de favoriser une formation universitaire de qualité.
II - LA FORMATION UNIVERSITAIRE
Le cursus de formation et les diplômes préparés par cette structure sont en général
identiques à ceux de l’Enseignement Supérieur français. Les enseignements sont
42
Décret n° 77-907 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des personnels enseignants et de recherche
de l’enseignement supérieur.
72
dispensés pratiquement dans toutes les matières médicales. Le déroulement des
études est organisé en cycle selon un rythme semestriel. Le nombre, la nature et la
durée des cycles sont les mêmes qu’en France. Le système d’évaluation de ces
apprentissages permet une capitalisation des acquis. Chaque cycle conduit à la
délivrance de diplômes nationaux sanctionnant les connaissances ou les éléments de
qualification professionnelle acquis. L’accès des différents cycles est fonction des
critères d’admission et des capacités d’accueil de la structure de formation. La
réforme pédagogique des universités a introduit le système des unités de valeur. Il
s’agit d’un découpage des enseignements et des apprentissages en petites étapes
progressives présentant chacune une cohérence scientifique et pédagogique et
répondant à un objectif particulier d’un programme de formation.
Nous verrons ici la formation des étudiants hospitaliers d’une part et d’autre part, nous
examinerons celle des internes en médecine du CHU.
A/ LA FORMATION DES ETUDIANTS HOSPITALIERS
1) DE L’APPRENTISSAGE A LA PRATIQUE
La formation des étudiants hospitaliers se déroule simultanément sous l’autorité du
personnel médical et sous la surveillance des internes.
a- Une formation sous l’autorité du personnel médical et la surveillance des internes.
En Côte d’Ivoire, les autorités ont adopté au début des années 90, le système du tronc
commun qui consiste à mettre ensemble les étudiants de 1ère et 2ème année de
73
pharmacie et de médecine. Les étudiants de ces deux filières suivent les mêmes
enseignements généraux et après les deux premières années ils rejoignent par
concours soit la faculté de pharmacie soit la faculté de médecine. Le tronc commun
permet donc de procéder à la sélection des étudiants en gardant les meilleurs et en
limitant le nombre trop élevé d’étudiants dans ces différents départements. Le
système du tronc commun correspond en quelque sorte au numerus clausus institué
en France depuis 1971pour les étudiants admis en seconde année d’études. A
l’instauration du numerus clausus, 8588 étudiant pouvaient espérer entrer en PCEM2
(deuxième année du cursus). Ce chiffre était de 3500 en 1998, il s’agit là d’une
volonté gouvernementale de maîtrise de la démographie médicale.43 Depuis donc sa
mise en place, le numerus clausus a été progressivement abaissé de 8588 étudiants
en 1972 à 3583 en 1998.44
A partir de la deuxième année du deuxième cycle des études médicales, les étudiants
en médecine participent à l’activité hospitalière pendant six semestres, durant lesquels
ils portent le titre d’étudiant hospitalier.
Ils sont sous la responsabilité du personnel médical -médecin, chirurgien, spécialiste
ou biologiste- et sous la surveillance des internes. Ces étudiants exécutent des tâches
qui leur sont confiées par les responsables du service dans lequel ils ont été affectés
lors des visites et consultations externes, des soins et des interventions, des examens
cliniques, radiologiques ou biologiques. Ils peuvent exécuter des actes médicaux de
pratique courante, sont chargés de la tenue des observations et sont associés aux
services de garde. Ils participent aux entretiens portant sur les dossiers des malades
et suivent les enseignements dispensés à l’hôpital.
43
Pierre LACHEZE-PASQUETY, Didier STINGRE, l’Administration de l’hôpital. Edition Berger-Levrault,
administration nouvelle, septembre 1999. P120.
44
Marc DURIEZ, Pierre-Jean LANCRY, Diane LEQUET-SLAMA et Simone SANDIER. Le système de santé en
France. PUF/ Que sais-je ? Mai 1999. P 31.
74
Ces étudiants évoluent dans les différents services des CHU, le cas échéant, dans
des services analogues d’autres hôpitaux, organismes de soins ou de préventions
publiques.
b- L’affectation dans les services
Ce sont les services du ministère de la santé et du ministère de l’éducation nationale
qui déterminent les services d’affectation, la durée d’affectation, le nombre d’étudiants
pouvant être affectés dans chaque service compte tenu des besoins hospitaliers des
demandes du doyen de la faculté de médecine dans la limite compatible avec l’intérêt
et le respect des patients.
Les étudiants en médecine peuvent être affectés dans différents services compte tenu
bien entendu des enseignements cliniques et pratiques dispensés à l’hôpital.
L’affectation doit tenir compte des connaissances acquises par les étudiants.
Cependant, avant toute affectation l’étudiant doit justifier par un ou plusieurs certificats
médicaux adressés aux doyens qu’il remplit les conditions exigées par la
réglementation en vigueur relative à l’immunisation obligatoire de certaines personnes
contre certaines maladies.
Une fois affecté, l’étudiant est soumis au règlement intérieur de l’établissement
d’affectation qui précise notamment ses obligations à l’égard des malades, du
personnel médical et de l’administration hospitalière et doit répondre présent à son
poste.
Le chef de service d’affectation veille au bon déroulement de la formation de
l’étudiant, et est même appelé à formuler son appréciation sur le travail et le
comportement de celui-ci.
75
L’appréciation ainsi rédigée est transmise au doyen de la faculté de médecine qui va
la consigner dans le dossier hospitalier de l’intéressé.
Cette appréciation sera prise en compte par l’autorité universitaire compétente pour la
validation de son activité hospitalière. Si l’on perçoit une certaine défaillance chez
l’étudiant, ce document peut mentionner la nécessité d’un stage complémentaire
obligatoire et non rémunéré à effectuer avant la validation du deuxième cycle de ses
études médicales. Dans certains cas, lorsque l’étudiant ne peut pas participer à
l’activité hospitalière, le recteur/président de l’université et le directeur général de la
santé publique sur proposition du doyen de la faculté de médecine et directeur du
centre hospitalier universitaire en accord avec le chef du service de formation et des
professions médicales et paramédicales, peut décider qu’au cours des deux premiers
semestres de la deuxième année du second cycle que l’étudiant participe
partiellement à l’activité hospitalière.
Enfin, nous devons noter que l’étudiant affecté ne peut rester plus de deux fois de
suite dans le même service et que la durée de l’affectation dans un même service ne
peut excéder douze mois.
2) DISPOSITIONS STATUTAIRES ET GENERALES
a- Le régime disciplinaire
En cas d’infraction disciplinaire commise par lui à l’intérieur de son établissement
d’affectation (hôpital ou organisme etc…), l’étudiant déjà soumis au règlement
76
intérieur de la faculté de médecine peut être traduit devant le conseil de discipline45 à
un régime disciplinaire applicable aux étudiants.
Le directeur de l’établissement en avertit le doyen de la faculté de médecine mais peut
de son propre chef exclure de son établissement tout étudiant dont la présence est
nuisible au bon fonctionnement du service. Dans ce cas, il doit en informer le doyen
de la faculté de médecine en vue d’un examen conjoint de la situation.
b- Rémunérations et attributs
Les étudiants hospitaliers perçoivent une rémunération annuelle dont le taux est fixé
par arrêté conjoint des ministres de la santé publique, de l’éducation nationale, de la
fonction publique et du ministre de l’économie et des finances en plus des prestations
familiales accordées aux étudiants.
C’est le ministre de la santé publique qui définit les modalités de versement de la
rémunération et des charges sociales liées à l’activité hospitalière de l’étudiant en
médecine.
Ils ont droit à un congé annuel d’un mois en cas de maladie ou d’infirmité dûment
constatées les mettant dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. Ils bénéficient
d’un congé d’un mois maximum pendant lequel ils perçoivent la totalité de leur
rémunération puis d’un autre mois où ils ne perçoivent que la moitié de leur
rémunération.
Dans tous les cas, ils conservent leurs droits à la totalité des prestations familiales.
Avant d’étudier la situation des étudiants internes en médecine du C H U, nous
devons préciser que le recrutement des externes dans les hôpitaux d’Abidjan ne se
45
Décret n° 77- 908 du 05 novembre 1977 portant régime disciplinaire des étudiants
77
fait plus en Côte d’Ivoire car ces derniers bénéficient des mêmes conditions d’accès et
de formation que les étudiants hospitaliers. Mais au terme de leur troisième année de
fonctions effectives, ils conservent leur droit au titre d’anciens externes des hôpitaux
d’Abidjan.
78
B/ LA FORMATION DES INTERNES EN MEDECINE DU CHU
Ici notre démarche sera axée autour du mode de recrutement des internes et leur
nomination au titre d’interne des hôpitaux d’Abidjan.
1) LE RECRUTEMENT DES INTERNES
Nous verrons successivement les conditions du recrutement, les épreuves du
concours et la composition et le mode constitution du jury.
a- Les conditions du recrutement
En Côte d’Ivoire comme en France, les internes c'est-à-dire les étudiants attachés à
un hôpital sont recrutés par concours, sur épreuves écrites anonymes, organisé
annuellement à Abidjan par le directeur général de la santé publique en liaison avec le
doyen de la faculté de médecine. En France, avant 2002 c’était le directeur régional
des affaires sanitaires et sociales qui était chargé de l’organisation des concours
d’internat selon les régions. Mais depuis la loi du 17 janvier 2002 dite de
modernisation sociale, il y’a deux concours d’internat, l’un pour la zone nord et l’autre
pour la zone sud. Le directeur de la santé publique détermine pour chaque concours
le nombre de postes à pourvoir, il fixe la date des épreuves et celle de la clôture des
inscriptions. Ces différentes dates doivent être annoncées au moins trois mois à
l’avance par affichage au ministère de la santé publique et dans les établissements
composant le centre hospitalier universitaire. La liste définitive des candidats autorisés
à concourir est elle aussi arrêtée par le directeur de santé publique.
79
Tous ces candidats sont généralement issus de la faculté de médecine, ce sont les
externes des hôpitaux et les étudiants hospitaliers justifiant de onze (11) mois de
fonction effective. Le dossier du candidat qui est adressé par voie hiérarchique au
directeur général de la santé publique comporte comme pour celui des étudiants
hospitaliers un certificat médical d’aptitude établi par un médecin du CHU prouvant
que ce dernier remplit les conditions exigées par la réglementation en vigueur relative
à l’immunisation obligatoire de certaines personnes contre certaines maladies.
Les candidats sont soumis à une condition de délai qui stipule qu’ils ne peuvent se
présenter aux concours organisés que dans la limite de trois années qui suivent la
date à laquelle ils remplissent les conditions. Ce délai peut être prolongé de la durée
pendant laquelle les intéressés ont été empêchés de se présenter du fait soit de
l’accomplissement de leurs obligations militaires soit d’un congé de maladie d’au
moins six (6) mois consécutifs46. La Côte d’Ivoire bénéficiant d’une certaine notoriété
en matière de formation des personnels médicaux dans la sous région ouest Africaine,
il est tout à fait normal que certains candidats étrangers se présentent au concours
d’internat du CHU d’Abidjan. Pour le faire, ils doivent remplir les conditions de
candidature exigées par les textes pour les candidats de nationalité ivoirienne. Mais,
les étrangers ne peuvent jouir que de 20% des postes d’internes mis au concours. Ils
subissent les mêmes épreuves et sont classés de la même façon que les candidats
ivoiriens et seront déclarés admis en même temps que les internes étrangers ayant
obtenu un nombre de points au moins égal à celui obtenu par le dernier des candidats
ivoiriens déclarés admis. Mais pour être déclaré admis, il faut passer des épreuves
dont nous allons à présent définir la nature, la durée et la cotation.
46
Article 20 du décret n° 71-09 du 20 janvier 1971 relatif aux fonctions hospitalières des étudiants en médecine.
80
b- Les épreuves du concours : la nature, la durée et la cotation
Les candidats devront passer cinq épreuves, à savoir, la pathologie médicale, la
pathologie chirurgicale, la biologie, l’anatomie et l’épreuve de connaissances
multidisciplinaires qui regroupe quatre questions de pathologie médicale, trois
questions de pathologie chirurgicale biologie.47 Toutes ces épreuves sont notées sur
20 et le zéro attribué à une des cinq épreuves est éliminatoire. C’est le jury qui
procède au choix des épreuves par tirage au sort dans le programme des matières sur
lesquelles peuvent porter les épreuves du concours.
En vue de préserver l’anonymat des épreuves, la lecture des copies est faite devant le
jury ou la section compétente du jury par des lecteurs désignés par le président du
jury parmi les internes en exercice du CHU. Les séances de lecture ne sont pas
publiques, mais toute fois, un fonctionnaire désigné par le directeur de la santé
publique assiste aux séances et veille à la régularité de leur déroulement. A l’issue
donc de la lecture et de la correction des épreuves et avant la levée de l’anonymat, le
jury réuni en assemblée plénière peut compte tenu de la valeur des épreuves décider
après délibération de la note moyenne nécessaire pour es candidats soient déclarés
aptes à être nommés internes. Pour cela, il faut que le jury ait déclaré définitivement
admis les candidats classés dans la limite des postes à pourvoir.
c- La composition et le mode de constitution du jury
Le jury est composé de trois (3) médecins pour juger l’épreuve de pathologie médicale
et les quatre questions de pathologie médicale. Ensuite, nous avons trois chirurgiens
47
Arrêté n° 11 MSP ; CAB du 29 janvier 1971 relatif aux conditions d’organisation du concours d’internat en
médecine du CHU d’Abidjan.
81
pour l’épreuve de pathologie chirurgicale et les trois questions de pathologie
chirurgicale ou obstétricale. Pour terminer, deux (2) biologistes se penchent sur
l’épreuve de biologie et les deux questions de biologie. Concernant l’épreuve
d’anatomie, ce sont les trois médecins qui interviennent. Les spécialistes peuvent
quant à eux être rattachés soit aux chirurgiens soit aux médecins pour la constitution
du jury.
Ces différents membres du jury sont désignés pour chaque concours par voie de
tirage au sort parmi les médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes, chefs de
service ou non chefs de service du CHU d’Abidjan. Ils doivent être également
professeurs ou maîtres de conférences agrégés à la faculté de médecine. A la suite
de ces membres « titulaires », un ou plusieurs membres suppléants sont désignés
dans les mêmes conditions. Ces derniers sont appelés à remplacer le membre dit
titulaire récuser par le directeur du CHU parce que ayant un lien de parenté ou
d’alliance jusqu’au quatrième degré avec un autre membre du jury désigné avant lui
ou avec l’un des étudiants candidats. Toutefois, sauf récusation ou empêchement de
force majeure, les fonctions de membre du jury sont obligatoires.
Terminons en disant que la présidence du jury est exercée par le membre du jury
appartenant au corps médical du CHU le plus ancien en qualité de médecin,
chirurgien ou spécialiste des hôpitaux. A ancienneté égale, la présidence revient au
plus âgé. C’est donc à ce président que revient le rôle de dresser le procès-verbal des
opérations du concours et de le soumettre à l’adoption du jury. Ensuite, il le transmet
au directeur général de la santé publique qui à son tour le transmettra au ministre de
la santé publique qui procèdera à la nomination des candidats au titre d’interne des
hôpitaux d’Abidjan.
82
Nous constatons avec regret qu’aucune mention du droit médicale ou de toute autre
matière innovante telle que l’économie ou l’informatique n’est faite à ce niveau
d’étude. Les candidats à l’internat sont donc soumis à un examen strictement médical.
L’évolution de la médecine préconiserait qu’on s’intéresse à toutes ces nouvelles
matières qui aujourd’hui ont totalement leur place dans le programme de formation
des médecins.
2) LA NOMINATION AU TITRE D’INTERNE DES HÔPITAUX D’ABIDJAN
Nous mettrons l’accent ici sur les conditions de la nomination, l’exercice des fonctions
se rattachant à cette nomination et enfin sur les modalités de rémunération et les
diverses dispositions statutaires.
a- Les conditions de la nomination
Après les épreuves du concours, les candidats déclarés reçus sont nommés par
arrêté ministériel. En France, «les internes sont rattachés administrativement à un
CHR, selon la décision du directeur des affaires sanitaires et sociales chargé de
l’organisation du concours d’internat et nommés par le directeur général du CHR
auquel ils sont rattachés»48 selon les dispositions de la loi du 23 décembre 1982. Mais
c’est le directeur des affaires sanitaires et sociales qui affecte les internes dans les
établissements hospitaliers publics ou privés à but lucratif participant au service public
48
Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, octobre 1996. P 113.
83
hospitalier ou auprès d’organismes extra hospitaliers ainsi qu’auprès de généralistes
agrées.49
Une fois nommés, ces étudiants ivoiriens appartiennent au corps des internes des
hôpitaux d’Abidjan. L’internat dure 4 ans et est effectué dans l’un des CHU de la ville
d’Abidjan. Au terme de ces 4 années, un stage supplémentaire de 6 mois peut être
effectué par l’étudiant sur avis du chef de service intéressé et avec l’accord du
directeur général de la santé publique. Mais l’accord à ce stage supplémentaire doit
être obtenu avant le classement final de fin d’étude car les meilleurs ont la possibilité
de choisir le service dans lequel ils souhaitent exercer. Cette mise au choix des
postes d’interne s’effectue aussi tous les 6 mois entre les internes et ce sous la
supervision du directeur du CHU concerné. Les internes sont donc appelés à choisir
par ordre d’ancienneté de concours et lorsque les anciennetés sont égales,
l’on tient
compte de l’ordre du classement du concours.
L’interne ayant achevé sa troisième année d’internat peut être affecté dans un service
pour y accomplir sa quatrième année à la demande du chef de service intéressé et
bien entendu avec son accord. L’interne et le chef de service dans ce cas informent le
directeur de l’établissement qui à son tour en réfère au directeur du CHU dans un
délai de quinze jours au moins avant le choix des postes.
Pendant ses trois premières années d’internat, l’étudiant ne peut choisir plus de deux
fois le même service. Le directeur du CHU devra quant à lui en rendre compte au
directeur général de la santé publique. Lorsqu’un problème de poste d’internat non
pourvu se pose, le directeur général de la santé publique sur proposition du chef de
service a plusieurs solutions pour le surmonter. Soit, il désigne pour occuper
provisoirement ce poste un candidat à l’internat inscrit au terme du concours à la suite
49
Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, septembre 2003. P 148
84
des candidats admis comme pouvant faire fonction d’interne, soit encore un stagiaire
interne ou enfin un externe ou un étudiant hospitalier50 ayant exercé ces fonctions
pendant au moins deux ans.
L’internat confère un statut important
à l’étudiant
(par exemple le droit de
prescription) est clôturé par la soutenance de la thèse avant la fin de la quatrième
année. C’est la thèse qui donnera le titre de docteur à l’étudiant qui décidera par la
suite de se spécialiser ou pas dans une branche de la médecine qu’il aura choisie.
Mais bien que ne disposant pas du doctorat en médecine, l’étudiant exerce des
fonctions proches de celles des médecins.
b- Exercice des fonctions se rattachant à la nomination
En Côte d’Ivoire, les internes remplissent leurs fonctions sous l’autorité du chef de
service auprès duquel ils sont affectés. Ils sont responsables devant lui de l’entière et
ponctuelle exécution des prescriptions des médecins et de la bonne tenue des
malades. Ils assurent notamment la contre visite des malades, participent au service
de garde et dispensent les soins dont l’urgence ne permet pas d’attendre la venue du
chef de service ou d’un de ses collaborateur, docteur en médecine. En dehors de ces
cas d’urgence, les internes ne peuvent procéder à des opérations ou interventions que
sous la surveillance directe du chef de service ou d’un de ses collaborateurs docteur
en médecine, non chef de service ou assistant ou du pharmacien de garde. Les
internes Français quant à eux exercent leurs fonctions par délégation et sous la
50
Etudiant hospitalier : terme désignant un étudiant en médecine n’ayant pas encore atteint le niveau de l’internat.
85
responsabilité du praticien auprès duquel ils sont affectés. Ils assurent des fonctions
de prévention, de diagnostic et de soins51.
L’internat étant l’étape qui précède le doctorat, les internes peuvent se voir confier par
le chef de service certaines opérations ou interventions. Cela à condition qu’une telle
délégation ne soit pas exclue par la gravité de l’acte et que le chef de service soit
assuré au préalable que l’autorisation ainsi donnée sous sa responsabilité n’est
susceptible de porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont
en droit d’attendre d’un service hospitalier public.
Comme nous l’avons déjà dit plus haut, les étudiants hospitaliers suivent une partie de
leur formation sous la surveillance des internes. Partant donc de ce fait, les internes
peuvent dans les limites compatibles avec leurs obligations hospitalières être
autorisés à donner des enseignements. Tous ces « pouvoirs » n’empêchent pas que
les internes soient soumis à des conditions de rémunérations et à des dispositions
statutaires strictes.
c- Rémunérations et dispositions statutaires générales
Les internes perçoivent une rémunération dont le taux fixé par arrêté conjoint du
ministre de la santé publique, du ministre de l’éducation nationale et du ministre de
l’économie et des finances. Ils ont droit au logement, à la nourriture et à l’éclairage
dans l’établissement où ils sont affectés. Dans le cas où l’établissement ne peut offrir
ces prestations en nature, il leur sera alloué une indemnité compensatrice. Ils ont droit
à un congé annuel d’un mois et toute interruption de l’internat (service militaire ou
stage obligatoire) donne lieu à la reprise de leurs fonctions dès leur libération ou leur
51
Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, octobre 1996, P 113.
86
retour. Ils seront donc affectés en surnombre jusqu’à la prochaine mise à choix des
postes.
Une série de sanctions disciplinaires est prévue en cas de manquement à leurs
obligations. Cela va de l’avertissement à l’exclusion définitive en passant par le blâme,
la suspension temporaire de rémunération pour une durée maximale de six (6) mois
en fonction de la gravité de la faute commise.
L’avertissement est prononcé par le directeur de l’établissement après avis du chef de
service dans lequel est affecté l’intéressé et après l’audition de ce dernier
Le blâme , la suspension de rémunération et l’exclusion définitive du CHU sont
prononcés par le ministre de la santé publique sur proposition du directeur général de
la santé après audition de l’intéressé assisté de deux internes désignés par tirage au
sort parmi six noms proposés chaque année par tous les internes du CHU d’Abidjan.
Sont aussi auditionnés deux chefs de service du CHU désignés annuellement par le
directeur général de la santé. Aucun de ces chefs de service ne doit être le
responsable de l’interne mis en cause.
Après cette première partie sur la formation des médecins, nous aborderons la
seconde partie de notre travail qui porte sur la formation des agents de santé.
87
SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX
Cette section aura pour objectif premier de présenter l’école de formation de cette
catégorie de personnels de santé et ensuite nous aborderons de manière spécifique la
formation.
I - L’ECOLE DE FORMATION : L’INSTITUT NATIONAL DE FORMATION DES
AGENTS DE SANTE (INFAS)
Ici, nous présenterons l’Infas et étudierons son organisation.
A/ L’INFAS ET SES MISSIONS
1) PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT
Le recrutement des infirmiers et autres personnels médicaux en France se fait par
voie de concours. L’admission à ce concours donne accès aux instituts de formation
en soins infirmiers (IFSI)52 par exemple. Il existe plusieurs instituts en général dans les
établissements hospitaliers importants. Quant aux sages-femmes, leur formation a lieu
dans les écoles dépendant des CHU et de quelques hôpitaux importants (Croix
Rouge, Ordre de Malte, établissements sanitaires privés).
En Côte d’Ivoire, avant 1991, le décret n° 77-12 du 05 janvier 1977 avait crée une
école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. Cette école
était placée sous la tutelle du ministre de la santé publique et de la population et
52
Pierre LCHEZE-PASQUET et Didier STINGRE, l’Administration de l’hôpital, édition Berger-Levrault,
septembre 1999, P 164.
88
rattachée à la faculté de médecine de l’université nationale de Côte d’Ivoire. Ce décret
de 1977 avait abrogé des dispositions antérieures, à savoir les décrets n° 64-273 du
31 juillet 1964 portant création d’une école nationale de sages-femmes et n° 69-325
du 8 juillet 1969 portant réorganisation de l’école nationale des infirmiers et
infirmières.
Mais, depuis 1991, il n’y a qu’un établissement habilité à former tous les agents de
santé médicaux et paramédicaux de santé : l’Institut National de Formation des
Agents de Santé. C’est un établissement public à caractère administratif (EPA) crée
par décret n° 91-655 du 09 octobre 1991. Son siège est à Abidjan la capitale
économique du pays, plus précisément au sein du CHU de Treichville. Cet
établissement dispose de deux antennes, une à Bouaké au centre et deuxième ville
du pays actuellement sous contrôle rebelle et l’autre à Korhogo dans le nord,
cinquième ville du pays aussi sous contrôle rebelle.
L’Infas est un établissement de formation à vocation sous régionale. Il est le seul
établissement agrée de formation des agents de santé en Côte d’Ivoire. L’école
accueille des élèves en provenance de divers pays d’Afrique (Gabon, Congo, Bénin,
Cameroun, Niger, Tchad, Djibouti, Rwanda…) et même d’ ailleurs (Colombie,
Comores). Au titre de l’année académique 2002-2003, l’on a enregistré 1442 étudiants
dont 1289 boursiers qui perçoivent mensuellement la somme de 49500 FCFA soit
75.46 Euros. Une prime de stage communautaire d’un montant de 30000 FCFA soit
45.73 Euros est octroyée aux étudiants boursiers de deuxième et troisième année.53
L’Infas est placé sous la tutelle administrative et technique du ministre chargé de la
santé et sous la tutelle économique et financière du ministre chargé de l’économie et
53
Arrêté interministériel n° 134/MSF/MEF du 12 juillet 2000 sur l’octroi d’une prime de stage à certains étudiants
de l’Infas.
89
des finances. C’est le décret n° 91-655 du 9 octobre 1991 portant création et
organisation de l’institut qui fixe ses missions.
2) LES MISSIONS DE L’INFAS
Selon ce décret, l’Infas est chargé dans le cadre de la politique socio-sanitaire
d’assurer :
-
la formation initiale des agents de santé (infirmiers, infirmières, sages-femmes,
techniciens
supérieurs
de
santé :
imagerie
médicale,
assainissement,
préparateur, gestionnaire en pharmacie, laboratoire médicale)
-
la formation des infirmiers, infirmières d’Etat et sages-femmes spécialistes
(anesthésiste-réanimation, ORL, cardiologie, lèpre, surveillants d’unité de
soins, ophtalmologie, psychiatrie, exploration fonctionnelle, ingénieur des
techniques sanitaires, instrumentaliste de bloc opératoire, puériculture)
-
le perfectionnement des agents de santé (séminaire de formation, recyclage,
formation continue)
-
la recherche en science infirmière et en biotechnologie
-
l’organisation des concours directs à l’Infas (les diplômes et certificats obtenus
à l’Infas sont délivrés par le ministre chargé de la santé publique).
L’Infas est organisée et fonctionne selon un mode totalement différent de la faculté de
médecine, l’institut ne dispose pas du statut de grande école qu’il revendique
désormais.
90
B/ L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L’INFAS
L’organisation et le fonctionnement de l’Infas se fait à travers les organes et le corps
enseignant.
1) LES ORGANES
L’institut comprend différents organes : la commission consultative de gestion, la
direction et les organes techniques.
a- La commission consultative de gestion
La commission consultative de gestion (CCG) est composée de 7 membres
statutaires54 :
-
le ministre d’Etat, ministre de la santé ou son représentant (qui en est le
président)
-
le ministre d’Etat, ministre de l’économie et des finances ou son représentant
-
le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale ou son représentant
-
le ministre de l’éducation nationale ou son représentant
-
le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ou son
représentant
-
le ministre d’Etat, ministre de l’environnement ou son représentant.
Dans certains cas, le contrôleur budgétaire et l’agent comptable participent avec voix
consultative aux réunions de la CCG. Toutefois, le président peut inviter aux réunions
54
Article 6 du décret n° 91- 655 du 9 octobre 1991
91
de la commission des personnes dont il estime utile d’entendre les avis, ces dernières
n’ont que voix consultative.
Cette commission a pour mission de superviser les activités du directeur de l’institut
en ce qui concerne la mise en œuvre du plan directeur et des programmes annuels
d’activités, après avis du conseil pédagogique. Elle intervient notamment dans la
fixation des tarifs des prestations et la création ou la suppression de service. Tout ce
travail se fait en collaboration avec le directeur de l’institut.
b- La direction
L’Infas est dirigée par un directeur nommé par décret pris en conseil des ministres sur
proposition conjointe des différents ministres membres de la CCG.
Cette direction est composée de services centraux et de services extérieurs.
Les services centraux comprennent une sous-direction des affaires administratives et
financières chargée de la gestion de l’ensemble du personnel, de l’élaboration et
l’exécution du budget, de la préparation des marchés, baux et conventions et du
programme d’investissement. Elle assure aussi la coordination des structures de
formation, de perfectionnement et de recherche existant au sein de l’institut, ainsi que
la gestion de l’entretien du patrimoine de l’Infas.
Le second service central est la sous-direction de la formation initiale des infirmiers,
sages-femmes et agents techniques de santé. Cette sous-direction
correspond à
l’école nationale de formation des infirmiers, infirmières et sages-femmes.
Le troisième service central est la sous-direction de la formation des infirmiers et
sages-femmes spécialistes, des agents supérieurs de santé et de la formation
continue, de la recherche au sein de l’Infas (l’école paramédicale). Ce sont donc les
92
personnes placées à la tête de ces sous-directions qui exercent le rôle de directeur
des différentes écoles qui constituent l’Infas. Leur mission est d’aider le directeur
central dans la gestion quotidienne de l’institut. Ils sont à leur tour assistés de
coordinateur des études anciennement appelés directeur des études.
Les services extérieurs de Bouaké et de Korhogo sont dirigés par des chefs d’antenne
ayant rang de sous-directeur d’administration centrale. Ces antennes ont été
relocalisées à Abidjan du fait de la crise survenue le 19 septembre 2002.
Le contrôle de l’exécution du budget de l’établissement est exercé par un contrôleur
budgétaire qui est représenté au niveau de chaque service extérieur par un contrôleur
budgétaire secondaire. Les opérations financières sont effectuées par un agent
comptable public. Pour les antennes de Bouaké et de Korhogo, ces opérations sont
effectuées par des agents comptables secondaires assumant cette fonction. Les
services extérieurs de l’Infas jouissent d’une certaine autonomie financière de gestion
avec un budget propre, un ordonnateur secondaire qui est le chef d’antenne et un
contrôleur budgétaire agent comptable secondaire. Seules leurs dépenses de
personnel et d’investissement sont centralisées et exécutées au niveau d’Abidjan.
Mais pour tout ce qui concerne la formation pédagogique, l’institut dispose de ses
propres organes de décisions.
c- Les organes techniques
Il s’agit essentiellement du conseil pédagogique qui est chargé d’émettre des avis et
recommandations sur les orientations pédagogiques et le fonctionnement de la
scolarité.
93
Pour permettre un meilleur fonctionnement de l’institut, les pouvoirs publics ont
ressenti le besoin de mettre sur pied certains organes au sein de ce conseil
pédagogique, ce sont ;
-
le service de la scolarité
-
le secrétariat général des examens et concours
-
la cellule de recherche et de documentation
-
le service statistique et informatique
Notons cependant que le conseil pédagogique est obligatoirement consulté en ce qui
concerne la mise en œuvre des programmes des concours d’entrée à l’Infas, mais
aussi lorsqu’il s’agit de préparer les programmes des études et de la recherche.
N’oublions pas pour terminer que son avis est obligatoirement requis en ce qui
concerne la constitution du règlement intérieur de l’institut.
L’Infas et ses organes ayant été présentés, nous intéresserons maintenant au
personnel enseignant de l’établissement.
2) LE CORPS ENSEIGNANT
Le personnel enseignant de l’Infas est composé des directeurs des études, des
professeurs et des moniteurs et monitrices
a- Les directeurs ou coordinateurs des études
Au sein de l’Infas, nous avons en ce qui concerne les infirmiers/ infirmières et les
sages-femmes deux sections différentes de formation et chaque section dispose d’un
directeur des études. Ces directeurs sont nommés par arrêté conjoint du ministre de la
94
santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Ils sont chargés dans l’institut
d’organiser l’enseignement, de définir les terrains de stage (les différentes zones ou
régions de stage) et d’arrêter les emplois du temps. Ils veillent donc en liaison avec le
directeur de l’école à l’application des mesures techniques arrêtées pour chaque
section.
La section des infirmiers / infirmières a pour directeur des études un professeur
titulaire ou agrégé de médecine ou de chirurgie de la faculté de médecine d’Abidjan.
Tandis que le directeur des études de la section sages-femmes est un professeur
titulaire ou agrégé de gynéco-obstétrique de la même faculté de médecine.
b- Les professeurs
Les professeurs de l’Infas sont à temps partiels et choisis en raison de leurs titres, de
leurs qualifications et de leur compétence. Ils sont nommés chargés de cours par
arrêté conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation nationale.
Ils sont chargés de dispenser aux étudiants, des enseignements dans les différentes
disciplines et siègent au conseil des professeurs où ils règlent avec le directeur de
l’institut les modalités d’exécution des programmes des études, les conditions de
stage, l’emploi du temps et délibèrent sur les résultats des examens de passage. Les
professeurs dispensent les enseignements théoriques et les travaux pratiques sont
assurés par les moniteurs et monitrices.
95
c- Les moniteurs et les monitrices
Les moniteurs et monitrices sont nommés par décision du ministre de la santé. Pour
faire partie du corps des moniteurs ou monitrices, il faut être titulaire du certificat
d’aptitude aux fonctions d’infirmiers / infirmières ou sages-femmes moniteurs ou
monitrices et présenter toutes les garanties morales et professionnelles permettant de
mener à bien sa mission.
Ils assurent la répétition de l’enseignement théorique précédemment dispensé par les
professeurs à l’école et la formation pratique des élèves. Ils sont par ailleurs chargés
de l’encadrement des futurs infirmiers / infirmières et sages-femmes pendant tout le
déroulement de leur stage. A ce titre, ils ont accès aux services hospitaliers où sont
répartis les stagiaires et collaborent avec les majors de ces services. Le nombre de
moniteurs et de monitrices est fonction de l’effectif de l’école. Chaque moniteur ne
peut encadrer que dix élèves au maximum.
Après avoir présenté l’Infas, son organisation et son personnel d’encadrement, nous
mettrons l’accent dans notre seconde section sur le déroulement de la formation de
ces personnels médicaux de santé.
96
II - LE DEROULEMENT DE LA FORMATION
Nous aborderons à la fois le contenu des études et les stages.
A/ LE CONTENU DES ETUDES
Nous verrons successivement l’enseignement et les examens.
1) L’ENSEIGNEMENT
La durée de la formation et le contrôle de connaissances sont les deux éléments qui
composent l’enseignement mais avant tout chose nous devons parler des modalités
de recrutement.
a- Les modalités de recrutement
L’entrée à l’Infas, plus précisément dans la branche de formation des infirmiers/
infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat se fait par concours direct ou par
concours professionnel.
Le concours direct était ouvert aux candidats titulaires du BEPC, du CAP sanitaire et
social ou d’un diplôme jugé équivalent. Les épreuves de ce concours direct sont au
nombre de quatre (4) : trois (3) épreuves sont fournies par les services du ministère
de l’éducation nationale et la dernière par le ministère de la défense et du service
civique, ce sont, l’épreuve de français (dissertation ou commentaire de texte),
l’épreuve de mathématiques et enfin le test psychotechnique. Toutes ces épreuves
sont notées sur/ 20 et le 0 est éliminatoire.
97
Le concours professionnel est ouvert aux infirmiers brevetés ayant accompli trois
années de service effectif, il comprend lui aussi quatre (4) épreuves : l’épreuve de
français (explication de texte), une épreuve d’hygiène, une épreuve de pathologie
médicale et enfin l’épreuve de pathologie chirurgicale.
Les candidats doivent être âgés de 16 ans au moins et de 26 ans au plus au 1er
Janvier de l’année du concours pour ceux qui se présentent au concours direct. En
outre, un certificat de visite et de contre-visite attestant que le candidat ou la candidate
est physiquement et mentalement apte à suivre l’enseignement et à exercer la
profession d’infirmier/ infirmière ou sage-femme. Certains candidats pourront être
admis sur titres par arrêté conjoint des ministres de l’éducation nationale, de la
fonction publique et de la santé publique. Une décision du Président de la République
en date du 4 juin 1986 est venue changer les conditions d’accès par concours direct
en instituant que les candidats devaient avoir poursuivi comme en France leurs études
jusqu’en classe de terminale ou au moins avoir obtenu le certificat de fin d’études
secondaires.55
Un jury est constitué, il a pour mission d’établir la liste par ordre de mérite des
candidats admissibles. Mais ce sont les ministres de l’éducation nationale et de la
santé publique qui arrêtent la liste définitive des candidats admis. Tout candidat qui ne
se présente pas à l’école dans les quinze (15) jours qui suivent la date de la rentrée
est considéré d’office démissionnaire sauf s’il peut prouver avant l’expiration de ce
délai qu’il a été empêché pour raison de maladie ou de force majeure. En cas
d’absence, les places vacantes seront attribuées par ordre de mérite aux candidats
figurant sur une liste supplémentaire de candidats admis.
55
Décret n° 86-377 du 4 juin 1986, portant fixation du niveau général des candidats aux concours directs d’entrée
à l’école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat.
98
b- La durée de la formation
La durée des études d’infirmiers/ infirmières et de sages-femmes est fixée à trois ans
comme en France56. Les élèves reçus à l’examen de sortie reçoivent le diplôme
d’infirmier ou infirmière d’Etat et de sage-femme d’Etat. Pendant les différentes
années scolaires, les élèves bénéficient de 45 jours consécutifs de grandes vacances
à temps plein.
L’enseignement comporte des cours théoriques, des démonstrations pratiques et des
stages. Mais ici, nous porterons plus l’attention sur les cours théoriques et les
démonstrations pratiques qui sont dispensés au sein de l’établissement par des
médecins et des spécialistes. Les répétitions des cours, les démonstrations, les
travaux pratiques et les travaux dirigés sont exécutés par les moniteurs et monitrices.
En première année, les cours ont lieu le matin et l’après-midi pendant le premier
trimestre. Cependant, deux matinées de stage sont organisées par semaine. Après
l’examen probatoire, les cours et les stages suivent le rythme des autres années
d’études. En deuxième et troisième année, les stages ont lieu le matin et les cours
théoriques l’après-midi.
Le programme des études d’infirmier a pour but de favoriser l’émergence de certaines
caractéristiques permettant à ce dernier de répondre aux besoins de santé d’un
individu et d’un groupe dans le domaine préventif, curatif, de réadaptation et de
réhabilitation.57L’infirmier tout en étant polyvalent doit être apte à dispenser des soins
tenant compte de l’ensemble des problèmes posés par une atteinte fonctionnelle et
une détresse physique ou psychologique du patient. Il doit faire participer l’individu ou
56
Alain HARLAY, l’aide-soignant dans le système de santé. Edition Masson, avril 1997, P 20.
G. CHAMPAULT et S. SORDELET, le métier d’infirmier : des études à la pratique. Edition Masson, novembre
1997, P 12.
57
99
le groupe en prenant en considération leur dimension culturelle et leur personnalité. Il
doit bénéficier d’une meilleure reconnaissance sociale grâce à un savoir lui permettant
d’affirmer une réelle professionnalisation.
Le programme de la formation comprend donc pour toutes les pathologies des cours
sur l’accueil des malades, la participation aux explorations fonctionnelles, la réalisation
d’actes médicaux, l’application et la surveillance des traitements, la mise en œuvre
des protocoles, les soins infirmiers spécifiques, les soins d’urgence, les soins pré et
post
opératoires,
l’application
des
règles
hygiéno-diététiques,
le
soutien
psychologique, la participation à la prise en charge sociale et les relations avec le
patient et sa famille.
Les sages-femmes quant à elles suivent une formation axée autour de trois moments
clés : avant, pendant et après la naissance. Avant la naissance, les cours leur
permettent de diagnostiquer la grossesse, surveiller son bon déroulement, prescrire et
effectuer les examens nécessaires à la surveillance de la grossesse. Une formation
en hygiène alimentaire ou en éducation sanitaire vient s’ajouter à tout cela. Mais la
formation des sages-femmes a pour but de leur permettre d’assurer la préparation de
la naissance afin que tout se déroule dans de bonnes conditions. Des séances de
relaxation, gymnastique (yoga et sophrologie en France)58 sont organisées à
l’intention des futures mères. La sage-femme accompagne la mère pendant le travail
et accueille les parents à la naissance. Elle pratique l’accouchement normal, l’examen
et les soins immédiats du nouveau-né. Après la naissance, la sage-femme assure la
surveillance et les soins de la mère et de l’enfant. Elle se doit d’être à leur écoute et
doit aider à l’allaitement. En cas de besoin, elle peut remplir sa mission avec l’aide
d’autres spécialistes hospitaliers.
58
Bruno RIONDET. Prépa sage-femme. Edition Lamarre, avril 1997. P 12.
100
c- Le contrôle de connaissances
Le contrôle de connaissances, effectué selon le système du contrôle continu ou
périodique prend toute son importance à travers le dossier de scolarité. Le dossier de
scolarité est l’ensemble des appréciations des professeurs, moniteurs et monitrices au
cours de l’année scolaire. Il comprend la moyenne des notes obtenues aux différents
contrôles de connaissances, la moyenne des stages, et une note d’aptitude générale
basée d’une part sur l’aptitude pratique et morale à la profession et d’autre part sur
l’assiduité et la conduite aux cours et aux travaux pratiques. Seuls les élèves ayant
obtenu une note moyenne égale à 10/20 au dossier de scolarité seront autorisés à se
présenter à la première session de l’un des trois examens. Les autres iront
directement à la seconde session sous réserve d’avoir accompli un stage
supplémentaire couvrant la période de leurs vacances scolaires. Le dossier de
scolarité intervient dans la note finale des examens dans la proportion de 40%. Il
assure la voie pour certains étudiants aux examens de la première session et pour
d’autres aux examens de la seconde session.
2) LES EXAMENS
Nous aborderons successivement les trois sortes d’examens : l’examen probatoire,
l’examen de passage, et l’examen de sortie.
101
a- L’examen probatoire
Le premier trimestre d’études de la première année constitue la période probatoire
durant laquelle par diverses méthodes ou épreuves et par une observation suivie, sont
décelés les candidats inaptes à la profession.
L’appréciation porte à la fin de cette période sur les résultats théoriques obtenus par
l’élève, ces résultats pratiques, son comportement en stage et son aptitude générale
évaluée par des tests psychotechniques.
Les résultats théoriques notés sur 20 comprennent la moyenne des notes des devoirs
du trimestre, y compris celles de rédaction de fiches techniques et rapports de stages.
Les résultats pratiques quant à eux, notés sur 20 comprennent la moyenne des notes
de pratique de soins élémentaires obtenues par l’élève au cours du trimestre, soit au
lit du malade soit en salle de démonstration.
Le comportement en stage pour terminer est noté lui aussi sur 20. Il comprend la
moyenne des notes attribuées par le moniteur ou la monitrice de l’institut et le chef de
service ayant participé à la formation pratique de l’élève. Cette note devra cependant
tenir compte des critères suivants :
-
sens du malade (discrétion, tact, respect de la personne, attitude au cours des
soins)
-
honnêteté (conscience de ses responsabilités, loyauté dans l’exécution du
travail)
-
aptitude pratique
-
équilibre de la personnalité
-
sens de l’équipe (intégration à un travail collectif, relations avec les divers
membres de l’équipe du service de soins).
102
L’aptitude générale de l’élève, notée sur 20 également comprend la moyenne des
notes attribuées par l’ensemble de l’équipe de l’école (directeur des études, moniteurs
et monitrices) et des notes résultant de tests psychotechniques effectués au cours du
trimestre. Cette note devra elle aussi tenir compte de certains critères :
-
attention et observation
-
jugement : conscience de ce qui est important
-
méthode dans le travail
-
aptitude à l’acquisition de connaissances nouvelles.
En ce qui concerne la sanction de la période probatoire, un tableau récapitulatif des
notes obtenues doit être dressé et communiqué au conseil des professeurs qui
pourront demander toutes les explications nécessaires et prononcera l’élimination des
candidats qui n’auraient pas obtenu au moins 40 points sur 80.
b- Les examens de passage
Les examens de passage comportent deux sessions. Ils comprennent des épreuves
écrites sur l’enseignement théorique et des épreuves pratiques, orales et cliniques.
Les épreuves écrites portent sur les matières du programme. Les copies sont
anonymes et corrigées par des professeurs de l’école. Chaque épreuve est notée de 0
à 20, toute note inférieure à 05/20 est éliminatoire. L’élève ayant obtenu une note au
moins égale à 10/20 est déclaré admissible et est autorisé à se présenter aux
épreuves pratiques, orales et cliniques.
Les épreuves pratiques, orales et cliniques sont jugées par deux examinateurs dont
un participe régulièrement à l’enseignement. Chaque épreuve étant notée sur 20,
l’élève qui obtient une note inférieure à 05/20 est éliminé. Cette note éliminatoire
103
obtenue à l’une des épreuves pratiques, orales et cliniques de la première session
permettra tout de même à l’élève de bénéficier de la moyenne acquise aux épreuves
écrites. Il pourra aussi se présenter aux épreuves pratiques de la deuxième session.
L’examen de passage est sanctionné soit par l’admission en classe supérieure soit
par l’autorisation de redoubler la classe de l’année écoulée ou l’exclusion de l’institut.
L’admission en classe supérieure résulte de la totalisation des notes obtenues aux
examens (épreuves écrites, pratiques, orales et cliniques) et celles du dossier de
scolarité dans les proportions suivantes :
-
examens 60% (épreuves écrites 30% et épreuves pratiques 30%)
-
dossier de scolarité 40%
Une note moyenne générale au moins égale à 10/20 est exigée.
L’élève ayant subi deux échecs à l’examen de passage ou qui bien que n’ayant subi
qu’un seul échec n’a pu se présenter à une session d’examen, pourra redoubler si
toute fois sa note moyenne générale est au moins égale à 07/20.
Par contre, est proposé pour l’exclusion de l’établissement l’élève ayant obtenu une
note moyenne générale inférieure à 07/20 au total de la deuxième session ainsi que
l’élève ayant obtenu la même note à une session et qui ne se serait pas présenté à
l’autre. Après quatre sessions successives, l’élève qui n’est pas reçu à l’examen est
tout simplement exclu. Tout élève ayant obtenu une note moyenne inférieure à 10/20
au dossier de scolarité ne sera admis à se présenter qu’à la seconde session des
examens de passage et de sortie. Il en sera de même pour l’élève qui aura manqué
au total un mois de cours sauf si cette absence est due à une maladie certifiée par le
médecin de l’école. La maladie ou l’hospitalisation ou la grossesse (autorisation de 45
jours) est la seule exception admise. Enfin, les élèves qui auraient échoué ou été
refusés à la première session et ceux qui pour un cas de force majeure, n’auraient pas
104
pu se présenter pourront se présenter à la seconde session de la même année après
un stage supplémentaire effectué pendant les vacances. Concernant cet examen de
passage de la première à la deuxième année les résultats de l’année scolaire 20012002 sont les suivants :
-
infirmiers et infirmières, effectif 116 et admis 112
-
sages-femmes, effectif 83 et admis 81.
Les résultats concernant les examens de passage de la deuxième à la troisième
année de la même année scolaire sont :
-
infirmières et infirmiers, effectif 136 et admis 135
-
sages-femmes, effectif 112 et admis 107.
Pour l’année scolaire 2002-2003 les résultats de l’examen de passage de la première
à la deuxième année sont les suivants :
-
infirmiers et infirmières, effectif 243 et admis 238
-
sages-femmes168 et admis 164
Les résultats concernant l’examen de passage de la deuxième à la troisième année
de cette même année scolaire sont :
-
infirmiers et infirmières, effectif 220 et admis 215
-
sages-femmes, effectif 131 et admis 12859
Pour les autres étudiants en fin de cycle, l’examen de sortie est la dernière étape
avant la remise du diplôme.
59
Source : Institut national de formation des agents de santé (INFAS).
105
c- L’examen de sortie
Au terme des études, les élèves subissent un examen de sortie sanctionné par la
délivrance du diplôme d’infirmier d’Etat (IDE) ou de sage-femme diplômée d’Etat
(SFDE). Cet examen comporte deux sessions par année scolaire. L’une à la fin de
l’année scolaire, c’est la première et l’autre à la rentrée, c’est la seconde. Les dates
des différentes sessions sont fixées par le ministre de la santé publique.
Cet examen comprend des épreuves écrites, des épreuves pratiques, orales et
cliniques. Ces épreuves portent en général sur l’ensemble du programme des trois
années de scolarité.
Les épreuves écrites durent trois heures et l’élève ayant obtenu une note moyenne au
moins égale à 10/20 est déclaré admissible et autorisé à subir les épreuves pratiques,
orales et cliniques. Celui qui n’obtient pas la moyenne à ces épreuves écrites est
autorisé à se présenter à la seconde session. En cas de nouvel échec, il est tenu de
redoubler la troisième année d’études. L’élève reçu à l’épreuve écrite devra aux
épreuves pratiques, orales et cliniques obtenir des notes au moins supérieures à
05/20 car en dessous, il encourt l’élimination. Enfin, l’admission définitive à l’examen
de sortie résulte de la totalisation des notes obtenues aux examens (épreuves écrites,
pratiques, orales et cliniques) et celles du dossier de scolarité (contrôle de
connaissances) dans les proportions suivantes :
-
examens 60% (épreuves écrites 30% et épreuves pratiques 30%)
-
dossier de scolarité 40%
Pour être donc déclaré admis au diplôme d’Etat, l’élève doit avoir obtenu une
moyenne générale au moins égale à 10/20, Pour l’année scolaire 2001 et 2002 sur
102 infirmiers et infirmières 102 ont été admis et pour les sages-femmes il y’a eu 77
106
admises sur 77 candidates. Pour l’année scolaire 2002-2003 ce sont 283 infirmiers et
infirmières qui ont été admis sur 285 candidats et 155 sages-femmes admises sur 159
candidates.60 Tout élève ayant obtenu une moyenne générale inférieure à celle
requise à la première session garde le bénéfice de l’admissibilité et accomplit un stage
supplémentaire tout en repassant les épreuves pratiques, orales et cliniques à la
seconde session. Mais en cas d’échec aux épreuves pratiques, l’élève conserve le
bénéfice de la moyenne acquise aux épreuves écrites et sera autorisé à se présenter
aux épreuves pratiques de la deuxième session. Un nouvel échec à cette session fait
perdre le bénéfice de l’admissibilité aux épreuves écrites et a pour conséquence le
redoublement de l’élève. Il sera par contre exclu définitivement de l’établissement s’il
échoue successivement à quatre sessions et aucune possibilité de stage
supplémentaire ne lui sera accordée.
B/ LES STAGES
Nous mettrons l’accent ici sur les lieux de stages et le caractère obligatoire de ces
stages.
1) TERRAINS DE STAGE ET REPORT DE STAGE
Où se déroulent ces stages et dans quelles conditions peut-on les reporter ?
60
Source : Institut national de formation des agents de santé (INFAS).
107
a- Terrains de stage
Il est important de préciser que les stages sont obligatoires pour valider l’année
scolaire. Toutes les nations qui veulent avoir des agents de santé performants
imposent ces stages à leurs étudiants. La formation médicale nécessite il est vrai des
cours théoriques de qualité, toutefois la pratique réelle qui se fait à travers les stages
est le moyen le plus simple et le plus rapide de mettre en relation le futur agent de
santé avec les patients, ou plus précisément avec la réalité du terrain.
Les terrains de stage sont définis par le ministère de la santé publique. Ainsi donc, le
territoire national a été subdivisé en terrains de stage de santé communautaire, cela
correspond à un regroupement de plusieurs centres de santé par terrain. Nous avons
à ce jour dix terrains de stage à travers tout le pays : Abidjan (sud), Adzopé, Aboisso,
Tiassalé, Bouaké (centre), Dabakala, Katiola, Sakassou, Yamoussoukro (la capitale
politique du pays) et enfin Korhogo (nord). Nous pouvons constater une concentration
des terrains de stage dans le sud du pays au détriment des régions nord est et nordouest. Aujourd’hui avec la guerre, les trois terrains de stage du nord ont beaucoup de
mal a fonctionné correctement. Le manque de moyens, la destruction de certaines
structures d’accueil et l’insécurité dans la région ne favorisaient pas un déploiement
de personnels médicaux sur ces sites.
Néanmoins, sur les autres terrains du pays toujours actifs, les élèves participent aux
activités du service dans lequel ils sont affectés en effectuant des gardes qu’ils ne
peuvent assurer seuls. Pour mener à bien leur mission, ils sont encadrés par des
moniteurs et monitrices qui ont en charge leur formation pratique. Dans certains cas,
les
élèves
peuvent
bénéficier
de
décision
108
ayant
pour
but
de
reporter
l’accomplissement de ces stages parce qu’ils se trouvent dans des situations qui ne
leur permettent pas de se présenter sur les terrains de stage.
b- Report de stage
Chaque stage fait l’objet d’interrogations notées et d’un rapport de stage. La note de
fin de stage doit comporter les notes d’interrogations et la note d’appréciation générale
(ponctualité, assiduité, tenue, conscience professionnelle, aptitude pratique, sens de
l’observation, sens du malade, moralité etc.).
Toutefois, un report de stage de 45 jours au maximum peut être accordé pour cause
de maladie ou de maternité sur présentation d’un certificat médical fourni par un
médecin de l’administration. Dans tous les cas, les intéressés doivent obligatoirement
terminer leurs stages sous contrôle direct de l’école. Ils ne peuvent recevoir le
certificat provisoire du diplôme d’Etat qu’après avoir apporté la preuve écrite et signée
du directeur des études que l’intégralité des stages prévus au programme a bien été
accompli, d’où une certaine assiduité à ces stages. La remise du certificat provisoire
du diplôme ne doit par être la seule raison qui pousse nos étudiants à suivre
correctement les stages. La conscience de réussir ses études et le sens du devoir à
venir doivent être les éléments primordiaux devant guider nos étudiants.
2) L’ASSIDUITE AUX STAGES
Cette assiduité se manifeste à travers la présence obligatoire à ces stages mais en
cas d’absence ou de retard répétés certaines mesures peuvent être prises.
109
a- La présence obligatoire aux stages
Les stages sont effectués dans les services hospitaliers et de formations sanitaires
conformément à la liste des terrains de stages retenus par le conseil technique au
début de chaque année scolaire. Ces stages se déroulent entre 7h 45 et 11h 30, les
différents services tiennent un cahier de présence que chaque élève signe à l’arrivée
et au départ. Ce cahier est enlevé à 8h et remis en place à 11h 30. Les élèves ne sont
autorisés à quitter le service que sur accord du moniteur, de la monitrice ou de
l’infirmier major. Toute absence de signature d’un élève dans le cahier sera assimilée
à une absence au stage. Pour chaque élève est tenu un livret scolaire et un carnet de
stage sur lesquels seront portés tous les contrôles écrits et oraux des connaissances
ainsi que les notes de stages. Vu le caractère obligatoire des stages, nous pouvons
donc affirmer que toute absence et tout retard sont sanctionnés.
b- Absence et retard aux stages
Comme nous l’avons vu pour les cours où les absences et les retards pouvaient
entraîner jusqu’à une radiation de l’institut de formation, trois absences non motivées
à un stage entraînent automatiquement la non validation du stage. Dans les cas où
l’absence excèdera 45 jours, l’élève devra refaire son année scolaire ou sera proposé
pour l’exclusion. En ce qui concerne les retards, ce sont trois retards au stage qui
équivaudront à une absence non motivée ainsi que tout départ du stage avant l’heure
réglementaire et toute disparition du service d’affectation.
Toutefois, une absence quel qu’en soit le motif sera récupérée et les élèves ayant subi
un échec à la première session ou ceux qui ont été ajournés d’office pour absence
110
supérieure à un mois et inférieure à 45 jours ne seront autorisés à se présenter à la
deuxième session que si leurs absences en stage ont été régulièrement récupérées.
III - LA FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL AU SEIN DE L’INFAS
Ici, nous mettrons l’accent dans un premier temps sur la présentation de l’école de
formation et dans un second temps, nous aborderons le déroulement des études.
A/
PRESENTATION
DE
L’ECOLE
DE
FORMATION
DU
PERSONNEL
PARAMEDICAL
Nous verrons successivement les conditions de création de cette école et ensuite son
organisation.
1) CREATION ET OBJECTIFS
a- La création
C’est le décret n° 77-13 du 5 Janvier 1977 qui crée l’école nationale supérieure de
formation paramédicale. Cette école est placée sous l’autorité du ministre de la santé
publique et est rattachée à la faculté de médecine de l’université nationale de Côte
d’Ivoire (faculté de médecine d’Abidjan).
Avant cette date les décrets n° 72-685 du 20 octobre 1972, n° 73-23 du 17 janvier
1973 et n°75-636 du 22 septembre 1975 avaient respectivement mis en place une
école nationale d’assistants d’assainissement, une école nationale de techniciens de
111
laboratoires de santé et enfin pour le dernier, une école nationale d’aide-anesthésisteréanimateur. C’est donc de façon tout à fait normale que le décret de 1977 soit venu
mettre un terme à toutes ces dispositions en regroupant ces trois écoles au sein d’une
seule et même structure.
Mais depuis 1991, un nouveau décret est venu créer l’Infas en faisant de cet institut, le
seul habilité à former le personnel médical de santé (infirmiers, infirmières et sagesfemmes) et le personnel paramédical. A ce jour, nous pouvons distinguer au sein de
l’Infas deux écoles distinctes : la première a déjà été étudiée et c’est la seconde qui
retiendra notre attention dans ce chapitre. Cette école est en fait la nouvelle sousdirection de la formation des infirmiers, infirmières et sages-femmes spécialistes et
des agents supérieurs de santé. Les autorités Ivoiriennes ont voulu rassembler toutes
ces différentes écoles en une seule structure tout en gardant leur schéma
organisationnel et fonctionnel d’origine. Seuls la direction et les organes de la
structure centrale ont été mis en place.
b- Les objectifs
L’école nationale de formation paramédicale est chargée de spécialisation des
infirmiers, infirmières et sages-femmes. Les étudiants présents au sein de cet
établissement sont ceux qui ont déjà effectué trois années d’études à l’école de
formation du personnel médical. L’école médicale comporte plusieurs sections qui
sont : les sections d’assistants d’assainissement, kinésithérapeutes, préparateurs
gestionnaires en pharmacie, puéricultrices, techniciens de laboratoire, spécialistes du
bloc opératoire, psychiatrie, ophtalmologie, moniteurs et pour terminer enfin la section
de spécialistes de cardiologie. Dans certaines circonstances, il peut être ouvert par
112
arrêté conjoint des ministres de la santé publique, de l’éducation nationale, et de la
fonction publique des spécialités autres que celles citées plus haut lorsque le besoin
se fait ressentir. L’école reçoit et forme des élèves qui une fois admis sont nommés
fonctionnaires et s’engage à servir l’état par un contrat et cela pour une durée de dix
ans minimum. Comme pour l’école de formation du personnel médical, l’école de
formation paramédicale peut recevoir des élèves étrangers en fonction des places
disponibles, places réservées chaque année d’un commun accord entre les Etats dont
ils relèvent et le gouvernement ivoirien. Ces élèves étrangers appartiennent en
général aux pays de la sous-région ouest africaine et parfois de pays plus éloignés
tels que la Colombie et les Comores.
2) L’ORGANISATION
L’organisation du personnel paramédical est axée autour du directeur, du directeur
des études et du personnel enseignant.
a- Le personnel de direction
Ce sont le directeur et le directeur des études.
-
Le directeur
L’école de formation paramédicale est tout d’abord placée sous l’autorité du directeur
de la formation et des professions médicales et paramédicales. Mais pour sa gestion
quotidienne, elle est administrée par un directeur, médecin, nommé par arrêté conjoint
du ministre de la santé publique et le ministre de l’éducation nationale. Il a rang de
directeur adjoint d’administration centrale. Comme tout responsable d’établissement
113
scolaire, le directeur est chargé de l’application des règlements et instructions
régissant les études, les examens, l’administration et la discipline de l’école. Pour
mener à bien sa mission, le directeur est assisté dans sa tâche par un personnel
permanent, un personnel vacataire, un conseil technique, un conseil des professeurs
et un conseil de discipline. En plus de la direction de l’établissement, sa mission
consiste aussi à élaborer les prévisions budgétaires de fonctionnement d’équipement
et d’investissement. Le directeur est à la fois président du conseil des professeurs et
du conseil de discipline. Son principal collaborateur dans la gestion des affaires
pédagogiques de l’école est le directeur des études.
-
Le directeur des études
Le directeur des études de l’école de formation paramédicale est professeur titulaire
ou agrégé en chirurgie de la faculté de médecine. Celui de la section de formation des
sages-femmes est professeur titulaire ou agrégé en gynécologie-obstétrique. Quant
au directeur des études de l’école paramédicale toutes sections confondues, il est tout
simplement professeur titulaire ou agrégé de la faculté de médecine sans être
forcément spécialiste dans un domaine de la médecine. Il est nommé par arrêté
conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Il est
chargé d’organiser l’enseignement, de définir les terrains de stages et d’arrêter les
emplois du temps. Il veille en liaison avec le directeur de l’école à l’application des
mesures techniques arrêtées pour chaque section. Il participe aux côtés du directeur
de l’établissement aux réunions du conseil technique, du conseil des professeurs et
du conseil de discipline. A côté du directeur et du directeur des études le personnel
enseignant est le deuxième pilier organisationnel de l’établissement.
114
b- Le personnel enseignant
Ce sont les professeurs, les moniteurs et monitrices qui constituent le personnel
enseignant.
-
Les professeurs
Les professeurs font partie du personnel vacataire de l’établissement, ils sont à temps
partiels et choisis en raison de leurs titres, de leurs qualifications et de leur
compétence. Ils sont nommés chargés de cours au début de chaque année scolaire
par arrêté conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation
nationale. Ils dispensent les cours théoriques aux élèves et ceux d’entre eux qui sont
responsables des disciplines d’enseignement, sont membres du conseil des
professeurs et du conseil de discipline. Ils travaillent en collaboration directe avec les
moniteurs et monitrices qui reprennent leurs enseignements au cours des travaux
dirigés.
-
Les moniteurs et monitrices
Les moniteurs assurent la répétition de l’enseignement théorique dispensé à l’école et
la formation pratique des élèves. Ils sont par ailleurs chargés de l’encadrement des
élèves au cours des stages. A ce titre, ils ont accès aux services hospitaliers où sont
répartis les stagiaires et collaborent avec les majors de ces services. Les moniteurs et
monitrices pour exercer doivent avant tout être titulaires du diplôme d’infirmier,
d’infirmière ou de sage-femme spécialité et présenter en outre les garanties morales
et professionnelles. Leur nombre est fonction de l’effectif de chaque promotion. Ils
sont membres du Conseil des professeurs à raison d’un représentant par année
d’études et membres du Conseil de Discipline à raison de deux moniteurs par
115
section61. Terminons en disant qu’ils sont nommés par décision du ministre de la
santé publique et sur proposition du conseil des professeurs.
B/ DEROULEMENT DE LA FORMATION
Nous aborderons le contenu de cette formation et ensuite les différentes modalités
d’examen.
1) MODALITES DE RECRUTEMENT, DUREE ET CONTENU DES ETUDES
a- Modalités de recrutement
L’entrée à l’école nationale de formation paramédicale se fait uniquement par
concours professionnel. Nous pouvons donc constater une différence avec le
recrutement à l’école des infirmiers, infirmières et sages-femmes qui se fait en deux
parties : le concours direct pour les candidats ayant le niveau terminal et le concours
professionnel ouvert aux brevetés ayant accompli trois années de service effectif.
Avant le concours, chaque candidat doit opter pour la section désirée. Ce concours
est ouvert aux fonctionnaires infirmiers, infirmières ou sages-femmes diplômés d’Etat
ayant accompli au moins trois années de service effectif en qualité de titulaire.
Ce concours comporte trois épreuves écrites pour chaque section. Elles sont notées
de 0 à 20 et toutes notes inférieures ou égales à 5 est éliminatoire.
Les listes de candidats admis à concourir ainsi que celles des candidats admis au
concours sont arrêtées au moins vingt jours avant la date du concours. La date, le lieu
61
Article 10 et 11 : Arrêté interministériel n°4 MESP/FP/MEN du 10 février 1981 portant sur l’organisation et le
fonctionnement de l’école nationale de fonction paramédicale.
116
et le nombre de places mises au concours d’entrée sont fixés chaque année
conjointement par le ministère de la santé publique et le ministre de la fonction
publique.
Un jury est constitué afin de valider les candidatures, il est composé du directeur de la
formation professionnelle et des stages du ministère de la fonction publique ou son
remplaçant (président), du directeur de la formation et des professions médicales et
paramédicales, du représentant du Ministère de l’éducation nationale, du directeur de
l’école, du directeur des études et de trois professeurs responsables d’enseignement
désignés par le ministère de la santé publique.
La réussite au concours d’entrée n’est valable que pour la rentrée scolaire qui suit la
réussite u concours sauf pour raisons de santé et tout candidat qui subit deux échecs
n’est plus recevable.
b- Durée des études
La durée des études à l’école nationale de formation paramédicale est fixée à deux
ans, l’année scolaire comporte en effet onze mois de cours (théoriques, de travaux
pratiques) et de stages. Les élèves bénéficient de trente jours consécutifs de grandes
vacances à temps plein. En cours d’année scolaire, les dimanche et jours fériés sont
considérés comme des jours de congés en dehors des gardes obligatoires. Pendant
toute la durée de leur formation, les élèves participent aux activités du service dans
lequel ils sont affectés. Les horaires des cours sont les mêmes que ceux de l’école
des infirmiers, infirmières et sages-femmes. Un contrôle des connaissances est
effectué selon deux modalités complémentaires : contrôle continu ou périodique. Mais,
c’est surtout à travers le dossier de scolarité que ce contrôle peut être apprécié. Le
117
dossier regroupe les appréciations des professeurs et des moniteurs au cours de
l’année scolaire et les moyennes des notes obtenues aux différents contrôles des
connaissances et aux stages.
Les élèves ne remplissant pas les conditions requises pour le dossier de scolarité ne
pourront pas se présenter à l’un ou l’autre des examens (passage et sortie). Les
élèves refusés dans ces conditions à la première session sont admis à se présenter à
la deuxième session sous réserve d’avoir accompli un stage supplémentaire couvrant
la période de leurs vacances scolaires. Ce dossier est d’autant plus important qu’il
intervient dans l’établissement de la note finale des examens dans la proportion de
30%.
Concernant donc ces stages, ils sont effectués sur les mêmes terrains. Chaque stage
fait l’objet d’un rapport et d’interrogations notés. La note de fin de stage
obligatoirement donnée par le chef de service doit comporter des notes d’interrogation
et la note d’appréciation générale (ponctualité, assiduité, tenue, conscience
professionnelle, aptitude pratique, sens de l’observation, sens de l’humain, moralité).
Un report de stage de trente jours au maximum peut être accordé pour cause de
maladie ou de maternité sur présentation d’un certificat médical fourni par un médecin
de l’administration. Dans tous les cas, les intéressés doivent obligatoirement effectuer
la totalité de leurs stages sous le contrôle direct de l’école. Ils ne peuvent recevoir
l’attestation du diplôme qu’après avoir apporté la preuve écrite et signée du directeur
des études que l’intégralité des stages prévus au programme a bien été accomplie.
118
2) LES EXAMENS
Deux sortes d’examens : les examens de passage et les examens de sortie.
a- Les examens de passage
Les examens de passage qui permettent aux étudiants de passer d’une année à une
autre comportent deux sessions et comprennent des épreuves écrites sur
l’enseignement théorique et des épreuves pratiques, orales ou cliniques suivant les
sections. Les épreuves écrites, notées chacune de 0 à 20 portent en général sur les
matières du programme. Toute note inférieure à 5 est éliminatoire, quant à l’élève qui
obtient une note au moins égale à 10/20, il est déclaré admissible et est autorisé à se
présenter aux épreuves pratiques, orales ou cliniques.
Ces épreuves sont jugées par deux examinateurs dont un participe régulièrement à
l’enseignement. Chaque épreuve est notée sur 20 et la note inférieure à 07/20
l’élimination du candidat. L’élève ayant obtenu une note éliminatoire à l’une des
épreuves pratiques, orales ou cliniques de la première session conserve tout de
même le bénéfice de la moyenne acquise aux épreuves écrites et est autorisé à se
présenter aux épreuves pratiques, orales ou cliniques de la deuxième session. Cet
examen est sanctionné soit par l’admission en classe supérieure, le redoublement ou
encore l’exclusion définitive de l’école de formation.
L’admission en classe supérieure résulte de la somme des notes obtenues aux
examens (épreuves écrites, pratiques, orales ou cliniques) et du dossier de scolarité
dans les proportions suivantes :
119
-
Examen 70% (épreuves pratiques, orales ou cliniques, 50% et épreuves
écrites, 20%)
-
Dossier de scolarité, nous l’avons déjà dit, 30%
Tout cela sous réserve d’avoir une moyenne générale au moins égale à 10/20.
Est proposé pour l’exclusion de l’école tout élève qui obtient une note moyenne
générale inférieure à 08/20 à la deuxième session dudit examen. L’élève qui obtient la
même note à la première session et qui ne se présente pas à la seconde sans
justification est aussi exclu de l’établissement. Le redoublement lui n’est toléré que
dans la limite d’un seul tout au long de la scolarité de l’élève. Quant aux élèves qui ont
obtenu une note inférieure à 10/20 au dossier de scolarité, ils ne seront admis à se
présenter qu’à la seconde session des examens de passage et de sortie. Cela vaut
aussi pour l’élève qui totalise une absence égale ou supérieure à un mois au cors de
l’année sauf pour les cas de maladie dûment constatée par un médecin de
l’administration.
Pour les élèves malchanceux n’ayant pas été reçus à la première session, ils pourront
se présenter à la seconde après avoir accompli un stage supplémentaire pendant les
vacances et en cas de grossesse et compte tenu du statut spécial de l’école, la durée
de l’absence autorisée sera de trente jours.
Concernant cet examen de passage, nous disposons de certains résultats que nous
exposerons à présent :
-
les techniciens d’assainissement, pour l’examen de passage de la première à
la deuxième année pour l’année scolaire 2001/2002, sur un effectif de 04
élèves, nous avons 04 admis. Pour le passage de la deuxième année à la
troisième, sur un effectif de 06 nous avons 06 admis.
120
-
Les techniciens de laboratoire, pour la même année scolaire et les mêmes
examens de passage nous avons respectivement sur un effectif de 27 élèves,
22 admis et 32 admis sur 35 pour le deuxième.
-
Les préparateurs et gestionnaires en pharmacie, 11 admis sur 11 pour le
premier et 13 sur 13 pour le second.
Ce sont donc tous ces admis qui se présenterons aux examens de sortie de l’école
paramédicale pour obtenir le titre d’infirmier, infirmière et sage-femme spécialiste avec
la mention de la discipline.
b- Les examens de sortie
Pour obtenir le diplôme d’infirmier, infirmière et sage-femme spécialiste avec la
mention de la discipline, les élèves devront subir un examen dit de sortie. Le diplôme
délivré à l’issue de cet examen est signé conjointement par le ministre de la santé
publique et celui de l’éducation nationale.
Cet examen comporte deux sessions qui ont lieu pour la première à la fin de l’année
scolaire et pour la seconde à la rentrée scolaire. Les dates et modalités de ces
sessions sont fixées par le ministre de la santé publique. Un jury est constitué et il a
pour mission de statuer sur les résultats qui sanctionneront les différentes épreuves. Il
est composé du directeur de la formation et des professions médicales et
paramédicales qui en assure la présidence. Le doyen de la faculté de médecine ou
son représentant, le représentant du ministre de l’éducation nationale, le représentant
du ministre de la fonction publique, le directeur de l’école, le directeur de la santé
publique, le directeur de la médecine hospitalière, le directeur des études et un
121
rapporteur pour chaque section, les professeurs responsables d’enseignement et
deux moniteurs en sont les membres.
Cet examen comme tous les examens des différentes écoles regroupées au sein de
l’Infas comprend des épreuves écrites et des épreuves pratiques, orales ou cliniques.
Toutes ces épreuves porteront évidemment sur l’ensemble du programme des deux
années de scolarité. La note de 05/20 est éliminatoire et les élèves ayant obtenu une
note moyenne égale à 10/20 sont déclarés admissibles et autorisés à subir les
épreuves pratiques, orales ou cliniques. Par contre, la note inférieure à 10/20 conduit
directement l’élève à la seconde session. Les épreuves pratiques, orales ou cliniques
sont aussi soumises à condition, l’élève ne doit pas obtenir une note inférieure 07/20
et prétendre passer le cap de ces épreuves.
Les examens représentent 70% de la note finale, 20% pour les épreuves écrites et
30% pour les épreuves pratiques, orales ou cliniques. Quant au dossier de scolarité, il
s’octroie les 30% restant. En définitive, pour être admis au diplôme d’infirmier,
infirmière et sage-femme spécialiste, l’élève devra obtenir une moyenne générale au
moins égale à 10 /20. Celui dont la moyenne générale est inférieure à celle requise à
la première session garde néanmoins le bénéfice de l’admissibilité, il se verra dans
l’obligation d’accomplir un stage supplémentaire avant de repasser les épreuves
pratiques, orales ou cliniques de la session.
Le classement des élèves reçus à cet examen de sortie se fait bien entendu par le
biais d’attribution de mentions fixées par un arrêté interministériel dans les proportions
suivantes :
-
16/20 et plus, mention très bien
-
Entre 14 et 15.99, mention bien
-
Entre 12 et 13.99, mention assez bien
122
-
Entre 11 et 11.99, mention passable
-
En dessous de 11/20, sans mention62
Concernant les résultats à l’examen de sortie, pour l’année scolaire 2001/2002, sur un
effectif de 128 élèves toutes sections confondues, 126 élèves ont été admis et pour
l’année suivantes 2002/2003 sur 90 élèves, l’école réalise 100% d’admis à cet
examen.63 Tous ces résultats sont le reflet de la qualité et de
la rigueur de la
formation des agents de santé au sein de l’Infas et de ses différentes écoles.
Au-delà de ces bons résultats et de cette apparente rigueur dans la formation des
personnels de santé, le système doit faire face à de nombreux problèmes. Ces
difficultés sont liées d’une part à la logistique (structures, matériels etc…) et d’autre
part à des raisons humaines.
62
Article 57 de l’arrêté interministériel n° 4 MESP/FP/MEN du 10 janvier 1981 portant organisation et
fonctionnement de l’école de formation paramédicale.
63
Source : Institut national de formation des agents de santé.
123
CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS
DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE
L’objectif ici est de relever les différents problèmes liés à la formation des personnels
de santé. Ces problèmes sont aussi bien structurels que matériels et humains.
SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST
DEFAILLANTE
I - Localisation des structures et capacité d’accueil
A nos yeux, l’un des problèmes majeur de la formation des personnels de santé en
Côte d’Ivoire concerne la localisation des structures et la capacité d’accueil de ces
dernières.
A/ Localisation des structures
1) STRUCTURES MAJORITAIREMENT BASEES DANS LE SUD DU PAYS ET LES
GRANDS CENTRES URBAINS
a- Abidjan, seul lieu de formation des médecins ivoiriens
S’il y’a un élément qui pose problème, c’est bien celui de la répartition des personnels
de santé et des structures de formation. On dénombre 1200 établissements publics
124
contre 812 pour le secteur privé64, mais en ce qui concerne les établissements
publics, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent servir de lieu de formation des futurs
médecins et agents de santé du pays. Une mauvaise répartition des structures sur le
terrain entre zones rurales et urbaines accroit le manque en personnel. Il ne s’agit pas
ici pour nous de proposer que l’on installe des structures de formation dans tous les
villages ivoiriens. Mais le constat est que l’on trouve en Côte d’Ivoire une très forte
concentration de structures de formation et donc d’agents de santé dans les deux plus
grandes villes du pays alors que la majorité de la population vit dans les campagnes.
La Côte d’Ivoire, divisée en 19 régions administratives et 58 départements compte de
nombreuses grandes villes. Sur toutes ces régions, il y en a au moins 5 qui ont plus
d’un million d’habitants chacune. Mais nous constatons avec un certain regret que
depuis l’indépendance du pays en 1960, c’est l’ancienne école de médecine d’Abidjan
devenue faculté de médecine qui est le seul pôle de formation des médecins, (depuis
quelques années, une faculté de médecine a vu le jour à Bouaké mais nous doutons
du fonctionnement effectif de cette structure à cause de la guerre et du refus de
certains enseignants de prendre leur fonction dans ladite ville) le sud du pays détient
pour ainsi dire 100% des infrastructures pouvant former les médecins. Au départ, le
besoin d’avoir plusieurs facultés de médecine ne se faisait pas sentir étant donné que
la population universitaire n’était pas nombreuse dans le secteur médical. Aujourd’hui,
les choses ont changé. Depuis le début des années 80 le pays vit une grave crise
économique qui a mis un frein au développement et à la poursuite de nombreux
projets. Mais n’oublions pas les années fastes de la grande nation ivoirienne (19601980) Nous estimons qu’il fallait prévoir à long terme la construction d’autres facultés
de médecine dans le pays. La faculté de médecine étant située à Abidjan, ancienne
64
Source : Ministère de la santé et de l’hygiène publique.
125
capitale politique et actuellement capitale économique, tous les bacheliers orientés en
médecine peu importe leur lycée d’origine doivent se rendre à Abidjan pour leur
formation. Nous imaginons les difficultés pour certaines familles de faire héberger
leurs enfants dans cette métropole. Le problème est d’autant plus important que les
différents campus de la ville ne peuvent pas offrir leur service à tous ces étudiants, les
différents CROU65 du pays (Abidjan, Bouaké et Daloa) offrent globalement une
capacité d’accueil de 15000 lits66 pour plus de 70000 étudiants toutes filières
confondues. A cela
ajoutons les faveurs faites à certains étudiants originaires ou
vivant auparavant à Abidjan qui au départ n’ont pas été retenus pour une chambre en
cité universitaire mais qui y seront parce que les parents de ces derniers seront
intervenus dans ce sens.
b- Les grandes villes du pays pour former les agents de santé
La formation des agents de santé doit elle aussi faire face à de nombreuses difficultés.
Pour commencer, nous avons trois écoles, la première à Abidjan, la seconde à
Bouaké (deuxième ville du pays) et la troisième à Korhogo (quatrième ville et capitale
de la région des savanes). Les mêmes problèmes se posent. Pour nous, il est
beaucoup plus important d’avoir de nombreux infirmiers, infirmières, sages-femmes
etc… que de médecins, nous pensons que c’est la norme dans tous les pays du
monde. En effet, ce sont ces personnes qui sont le plus en relation avec les patients.
En Côte d’Ivoire pour les former, on a mis en place une structure composée de trois
écoles, les autorités voulaient dans le cas précis rapprocher les populations et les
65
CROU : centre national des œuvres universitaires.
Ces chiffres sont les dernières statistiques disponibles (année universitaire 1997-1998). Certaines estimations
avanceraient même des chiffres deux fois plus importants en ce qui concerne le nombre d’étudiants inscrits dans
les universités publiques du pays.
66
126
jeunes de ce métier mais malheureusement, ces écoles sont situées dans des villes
principales et non secondaires comme nous le pensons. Ces écoles ne sont pas des
facultés de médecine, on aurait pu en construire plusieurs à travers tout le pays et les
faire fonctionner avec peu de moyen.
La preuve aujourd’hui avec la guerre qui a éclaté le 19 septembre 2002, deux de ces
écoles (Bouaké-centre et Korhogo-nord) sont dans la zone sous contrôle rebelle. Elles
ne fonctionnent plus et leurs locaux se trouvent dans un très mauvais état.
La conséquence, c’est que tous les étudiants qui suivaient leur formation dans ces
écoles se sont rabattus sur la seule qui fonctionne actuellement, c'est-à-dire celle
d’Abidjan. S’il en existait d’autres, l’engorgement de l’école d’Abidjan aurait été d’un
moindre niveau.
2) Les autres régions totalement défavorisées
Nous venons de constater que la Côte d’Ivoire qui compte 19 régions, 58
départements, 243 sous-préfectures et 197 communes a installé les différents centres
de formation de son personnel médical dans seulement 3 grandes villes appartenant à
3 régions différentes (Abidjan : région des lagunes où on retrouve la faculté de
médecine et l’Infas, Bouaké : région de la vallée du Bandama avec une antenne de
l’Infas et enfin Korhogo : région des savanes avec une autre antenne de l’Infas). Les
autres régions, centre est, nord-est, nord-ouest, et le sud-ouest ne comptent chacun
que 2% des infrastructures sanitaires et 0% de pôle de formation. Ce constat nous
conduit à dire que les autorités par faute de moyens ou par simple volonté ont décidé
de délaisser certaines régions au profit d’autres. Pour nous, en un demi siècle
d’indépendance, les pouvoirs publics auraient pu faire mieux étant donné que
127
plusieurs villes dans le pays possèdent une concentration de population et une envie
de développement économique qui auraient permis le bon fonctionnement d’une
faculté de médecine et d’une école de formation des agents de santé.
Le défaut dans la localisation des structures de formation n’est pas le seul élément qui
nous pose problème en ce qui concerne la formation des personnels de santé en Côte
d’Ivoire. En effet, nous pensons qu’il y a eu mauvaise répartition des structures sur le
territoire, mais aussi, quand ces dernières ont été construites, elles n’ont pas vraiment
tenu compte de leur réelle capacité d’accueil.
B/ CAPACITE D’ACCUEIL INSUFFISANTE
Le problème de la capacité d’accueil se pose aussi bien pour la faculté de médecine
que pour l’Infas.
1) IMPOSSIBILITE POUR LA FACULTE D’ACCUEILLIR TOUS LES ETUDIANTS
Le problème est réel dans toutes les universités et facultés du pays. L’université
d’Abidjan dont fait partie la faculté de médecine a été construite pour recevoir à
l’origine pas plus de 6000 étudiants toutes filières confondues. Aujourd’hui elle
supporte difficilement plus 70000 étudiants.
La faculté de médecine n’échappe pas à la « règle de la surpopulation universitaire ».
Les amphithéâtres et les salles de travaux dirigés sont devenus trop étroits pour
contenir le nombre des étudiants. Les autorités pour faire face à cette situation ont
décidé d’instituer une sorte de numerus clausus dans les années 90 pour limiter
l’accès à la faculté de médecine. Le principe était de regrouper tous les étudiants de
128
pharmacie et de médecine au cours des deux premières années, procéder à une
sélection draconienne, choisir les meilleurs étudiants pour les orienter définitivement
en médecine ou en pharmacie. Notre constat est que le pays a besoin de médecins et
la seule chose que les autorités trouvent à faire c’est de réduire le nombre de
médecins potentiels au lieu de construire des facultés de médecine. La faculté de
médecine est surpeuplée, c’est le moins que l’on puisse dire, certains étudiants sont
obligés de se rendre à la faculté dès 6h ou 6h 30 du matin pour espérer avoir une
place dans un amphithéâtre déjà plein à craquer pour un cours qui débutera à 7h 30.
Mais ce problème de capacité d’accueil ne concerne pas seulement la faculté de
médecine, les étudiants des écoles de formation des agents de santé rencontrent les
mêmes problèmes.
2) CAPACITE D’ACCUEIL SERIEUSEMENT LIMITE A L’INFAS
L’INFAS comptait officiellement 1442 étudiants toutes filières confondues en 2002. Ce
nombre rassemblait avec l’école d’Abidjan, les étudiants des différentes antennes de
Bouaké et de Korhogo. Déjà à cette époque, les dirigeants de l’institut se plaignaient
du manque d’amphithéâtres, de salles de travaux dirigés, d’internat etc…
Depuis septembre 2002, les antennes du centre et du nord du pays étant fermées,
seule la structure d’Abidjan est capable de toujours offrir ses services mais dans
quelles conditions. En un mot, la capacité d’accueil de l’INFAS est dépassée, les
salles sont exiguës et surchargées.
A côté de la capacité d’accueil très réduite de notre faculté de médecine et de notre
école de formation des agents de santé, d’autres problèmes liés au matériel et à la
129
formation pédagogique contribuent très fortement à dégrader le système de formation
des personnels de santé en Côte d’Ivoire.
II - LES PROBLEMES LIES AU MATERIEL ET A LA FORMATION
A / LE MATERIEL
1) INEXISTENCE ET MAUVAIS ETAT DU MATERIEL
a- Absence de sièges, d’ordinateurs… à la faculté de médecine et à l’INFAS
S’il y’a un problème qui doit sérieusement retenir l’attention des autorités politiques et
administratives ivoiriennes en ce qui concerne le système de formation des
personnels de santé en Côte d’Ivoire, c’est bien celui du matériel. Soit, il est
pratiquement inexistant dans les lieux de formation, soit il est en très mauvais état
lorsqu’il existe. Dans les 47 pays de l’Afrique subsaharienne nous pouvons dénombrer
que 87 écoles ou facultés de médecine, 11 pays n’en possèdent pas du tout et 24
dont la Côte d’Ivoire dispose d’une seule faculté de médecine. Toutes ces facultés ne
permettent pas une formation complète par manque de moyens. Rares sont celles qui
possèdent des laboratoires, des ordinateurs reliés à Internet, des abonnements à des
revues scientifiques. Les structures ivoiriennes n’échappent pas à ces difficultés.
En effet, la faculté de médecine et l’INFAS doivent faire face à une grave pénurie
d’ordinateurs, sièges, bureaux, matériels didactique et biomédical, d’équipements
audiovisuels, de bibliothèques etc… Il y a quelques années (1970 - 1980) de cela, le
problème ne se posait pas. Le pays ne comptait pas autant d’étudiants en médecine
130
et autant de personnes désireuses d’embrasser la carrière d’agent de santé. Les
moyens existants permettaient de faire face à la demande des étudiants. Le
professeur Souhalio OUATTARA (professeur agrégé de physiologie et d’explorations
fonctionnelles. Spécialiste en pneumologie, spécialiste en allergologie, et spécialiste
en biologie et médecine du sport) se souvient qu’à « l’époque, l’université de Côte
d’Ivoire était bien équipée et que les enseignants avaient un sens élevé du travail bien
fait..., Hélas, cela n’est plus le cas aujourd’hui ». En effet, les choses ont beaucoup
changé. Le docteur Abdallah OUATTARA, ophtalmologiste abonde dans le même
sens, il pense que : « la formation à la faculté de médecine était de bonne qualité mais
depuis le début des années 90, on assiste impuissant au déclin de cette formation. La
responsabilité de cette baisse de la qualité de formation appartient aux enseignants
qui refusent de transmettre ce qu’ils savent tout simplement parce qu’ils sont
préoccupés par autre chose ». Il reconnaît tout de même que leurs conditions de
travail ne sont pas faciles.
Comment peut-on former des étudiants si on ne les met pas dans les meilleures
conditions de travail ? A la faculté de médecine, il arrive très souvent que les
professeurs paient de leur poche la craie ou les feutres qu’ils utiliseront sur les
tableaux en bois ou en plastique. Ce manque de matériel est dû dans certains cas au
refus des autorités académiques de mettre la main à la poche ou dans d’autres, au
comportement peu responsable de certaines personnes chargées de gérer ce
matériel. En effet certains responsables de structure de formation se « servent » en
s’accaparant des biens publics pour leur usage personnel. Le problème ne se
rencontre pas seulement à l’Infas et à la faculté de médecine mais aussi dans de
nombreux hôpitaux du pays. Hôpitaux où les futurs médecins et agents de santé
devront poursuivre leur formation ou exercer. Ces dernières années, les responsables
131
du ministère de la santé essayent de mettre en place des procédés afin de lutter
contre le laxisme, la corruption et les autres maux qui minent le système. Ils veulent
selon le directeur de coordination des établissements publics nationaux, le professeur
Prosper DJESSOU procéder à un changement de mentalité et comportement des
agents du secteur sanitaire ivoirien.67Mais il n’y a pas que les problèmes corruption,
de laxisme ou de matériel inexistant. Quand le matériel existe, il est de mauvaise
qualité ou totalement vétuste.
b- Vétusté du matériel existant
Lorsque le matériel existe, il est en très mauvais état. Il n’est pas rare de retrouver à la
faculté de médecine ou dans nos hôpitaux publics des appareils datant des années
70. La faculté de médecine construite pour sa plus grande partie au cours des années
60 présente aujourd’hui des bâtiments aux murs fissurés, des laboratoires
d’expérimentation et de recherche dégradés. L’Infas, d’Abidjan construit au sein du
plus vieux CHU du pays a fini par se confondre en tout cas en ce qui concerne son
aspect au bâtiment qui abrite ses locaux. Pour les antennes de Bouaké et Korhogo,
les locaux et le matériel ont été pillés par la rébellion aidée d’une partie de la
population de ces deux villes. Mais pour nous, le drame, c’est que nous manquons de
matériel de première nécessité dans nos structures de formation.
67
Fraternité Matin, Marcelline GNEPROUST, vendredi 4 juillet 2008.
132
2) INEXISTENCE DU MATERIEL DE PREMIERE NECESSITE
La formation médicale nécessite beaucoup de travail de recherche. Des expériences
doivent être menées, des laboratoires et certains appareils sont donc utiles. Dans nos
laboratoires vétustes, il manque du matériel, cela est dû à l’absence de volonté des
dirigeants et au mauvais usage fait par certaines personnes. Quand dans un
laboratoire ou dans nos hôpitaux il n’y a même pas de produit pour se désinfecter les
mains avant de toucher aux patients ou à certains appareils, nous disons qu’il y’a un
sérieux problème. Nous avons des cas où les étudiants en médecine ou des écoles
de formation sont obligés
en plus de leur frais d’inscription de payer le matériel
nécessaire à leur formation. Ce sont les efforts personnels à fournir si l’on veut mettre
toutes les chances de son côté et réussir sa formation.
B/ LA FORMATION
1) UNE FORMATION INITIALE INSUFFISANTE
Au sein des structures de santé, les diverses catégories de personnels qui se côtoient
n’ont pas la même formation initiale et dépendent de ministères différents. Ainsi, les
assistants sociaux sont rattachés au ministère des affaires sociales et des
handicapés. Les membres d’ONG quant à eux sont sous la direction du ministère de
l’intérieur. Enfin, les médecins, infirmiers, sages-femmes et techniciens de laboratoire
sont sous la tutelle du ministère de la santé.68 L’accès à la faculté de médecine
nécessite que le postulant soit titulaire du baccalauréat. Concernant l’Infas, le niveau
68
Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, Entre savoirs et pratiques, sous la direction de Laurent
VIDAL, Abdoul Salam FALL et Dakouri GADOU, septembre 2005 P 151.
133
requis est le bac pour la majorité des formations. Néanmoins, pour les formations
paramédicales, un niveau inférieur au bac suffit. Certains personnels sont formés sur
le tas, sur le lieu même de travail, et généralement pas pour ce à quoi ils étaient
destinés au départ. Il s’agit, de façon générale, des gardiens, des filles et garçons de
salle qui finissent par se retrouver vendeurs en pharmacie, techniciens de laboratoire,
secrétaires etc…
Ils accomplissent souvent des actes infirmiers. Nous trouvons tout cela dangereux
parce que ces personnes n’ont pas la formation adéquate, même si à force de
pratique et au fil des ans, elles arrivent à se forger des compétences. Les
professionnels sont en nombre insuffisant, devrons nous alors prendre le risque de
laisser des personnes former sur le tas pratiquer des actes infirmiers pour combler ce
vide ?
A côté de ce problème, il faut reconnaître qu’il faut une complémentarité entre
formation théorique et formation pratique. Le problème de la formation théorique est
que les professeurs ne sont pas toujours à la hauteur. De là découlent les lacunes des
étudiants. Dans nos pays, nous constatons une prépondérance de formation théorique
au détriment de la formation pratique, une terrible insuffisance en ce qui concerne les
supports pédagogiques. Mais les étudiants eux aussi ont du mal à mettre en œuvre ce
qu’ils apprennent. Les professionnels (médecins et agents de santé) mettent en avant
l’écart trop important qui existe entre la formation reçue à l’école et la pratique sur le
terrain. Le plus grand problème est celui de la mise à jour des cours. Il n’est pas rare
dans nos écoles et universités de se retrouver en face d’un enseignant qui dispense la
même matière depuis 10 ou 15 ans, avec la même structure, en fait sans
changement. Le risque, c’est qu’aujourd’hui, nous devons faire face à un
« immobilisme intellectuel » et les premières victimes sont tous ces jeunes hommes et
134
femmes qui veulent apprendre et comprendre. Nous avons l’impression que pour nos
enseignants le travail se limite juste à déverser un flot souvent incompréhensible de
paroles dans une salle de cours et laisser les étudiants se débrouiller en allant
chercher le véritable savoir dans les bibliothèques qui n’en sont plus.
2) ABSENCE DE MECANISME DE FORMATION CONTINUE
Il fut une époque où la formation initiale suffisait au médecin pour soigner une vie
durant ses patients. La connaissance du latin, la pratique de la saignée et de
l’administration du clystère ne nécessitaient pas il est vrai, de recourir à une formation
médicale complémentaire, à plus forte raison une formation médicale continue. De
nos jours, l’évolution des moyens thérapeutiques : médicaments, techniques
chirurgicales, imagerie etc… ne permettent pas à la formation initiale de prétendre
délivrer les connaissances suffisantes à un exercice médical de qualité durant toute
une vie professionnelle.
Selon nous, il y’a un principe primordial de la médecine qu’on ne peut ignorer, c’est le
fait qu’un médecin doit être au courant des progrès de la médecine, dans tous les
domaines, cliniques, biologiques et techniques. Après une formation initiale pas
toujours parfaite, l’idéal serait que nos anciens étudiants de médecine et de l’Infas
devenus maintenant médecins ou agents de santé suivent régulièrement une
formation dite continue. En France par exemple, l’article 11 du code de déontologie
médicale de 1995 dispose que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses
connaissances ; il doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour participer à
des actions de formation continue ». Les autorités françaises ayant constaté que cette
disposition n’était pas vraiment suivie sont allées plus loin en renforçant le simple
135
devoir déontologique qu’exprime l’article 11 du code par une obligation légale pour
tout médecin de se soumettre à une formation médicale continue, elles ont aussi
prévu tout un système de règles et de contrôles du bon accomplissement de cette
obligation.69 Les médecins et agents de santé ne peuvent pas simplement se baser
sur leur formation initiale pour accomplir leur mission. Le principe même de la pratique
médicale est le changement. Les maux changent tout le temps et il faut donc y
adapter les remèdes, ce qui entraine une évolution constante de la science. Ceux
donc qui sont chargés de pratiquer les soins ne peuvent pas se tenir loin de toutes ces
évolutions. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut inciter nos personnels de santé à
s’intéresser à l’évolution de la médecine sous peine de sanctions.
Les formations continues sont organisées à l’intention des professionnels de santé et
se présentent sous forme de séminaires, d’ateliers, de congrès, d’enseignements
postuniversitaires et parfois de stages. Les propositions de formation émanent
principalement du ministère de la santé par le canal des directions centrales, de la
mission de coopération française et de plus en plus maintenant de laboratoires
pharmaceutiques.70 Pour les médecins et les agents de santé, les formations
continues permettent sans aucun doute d’accroître leurs connaissances et de
maîtriser de nombreux rouages de la science médicale. C’est très souvent l’occasion
de compléter la formation académique. De l’avis même des étudiants, les formations
continues apportent beaucoup. Mais si tout semble bien se passer, il existe
néanmoins un certain nombre de problèmes, et ce sont ces difficultés qui nous font
dire que le mécanisme de formation continue est pratiquement inexistant en Côte
d’Ivoire.
69
Ordonnance n°96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins.
Les personnels de santé en Afrique de l’ouest, Entre savoirs et pratiques. Sous la direction de Laurent VIDAL,
Abdoul Salam FALL et Dakouri GADOU. Septembre 2005, P 161.
70
136
Au sein de la grande famille des personnels de santé, nombreux sont ceux qui se
plaignent de ne pas avoir accès aux formations continues. Les infirmiers, sagesfemmes et autres agents de santé insistent plutôt sur la rareté du mécanisme et
estiment que ce sont les médecins en tant que responsables qui s’accaparent toutes
les occasions de formation. Toujours selon les agents de santé, dans les grands
hôpitaux, la priorité est donnée aux médecins tout simplement parce que le personnel
paramédical est marginalisé ou sous-estimé. Du côté des médecins, c’est pareil, ces
derniers accusent leurs supérieurs hiérarchiques : les professeurs de ne penser qu’à
eux quand les propositions de formation continues leur sont faites.
Notons enfin que certains soignants expliquent leur exclusion ou tout au moins leur
non-participation aux formations continues en raison des perdiems (argent et voyage)
distribués aux participants. En effet, il est de notoriété dans le monde médical ivoirien
que la participation à certaines formations représente pour une catégorie de
professionnels un moyen de s’enrichir. A l’échelle nationale ou internationale, les
professionnels qui participent aux formations organisées par des organismes comme
l’OMS, ou qui bénéficient de stages, reçoivent quotidiennement ou mensuellement et
sous forme de frais de missions d’importantes sommes. Il est dès lors évident que
dans ces circonstances, ce soient toujours les mêmes personnes qui sont proposées
ou qui se proposent d’y prendre part. Ce faisant, elles ne favorisent pas la diffusion du
savoir aux autres soignants qui en tirent un réel ressentiment. Ces différentes
situations nous font constater l’existence de nombreux problèmes humains dans le
système de santé en Côte d’Ivoire.
137
SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS
En ce qui concerne les problèmes humains, nous porterons une attention particulière
à ceux qui fournissent les enseignements, c'est-à-dire les formateurs d’une part et
d’autre part à ceux qui reçoivent ces enseignements, les étudiants.
I - LES PROBLEMES CONCERNANT LES FORMATEURS
En ce qui concerne les enseignants, de nombreux problèmes existent quant à leur
formation. Nous pouvons constater une certaine insuffisance d’encadrement, les
difficultés qui touchent aux effectifs, nous avons du mal à avoir de nombreux
enseignants de qualité bien formé eux-mêmes à la pédagogie. Ensuite, le problème
de documentation se pose, nos formateurs ne font presque rien pour se mettre à jour,
ce qui entraine un faible ou un mauvais fonctionnement du mécanisme de formation
continue. Pour terminer, nous pensons que l’Etat ne fait rien pour assurer la relève.
Nous n’avons pas de politique de relève, chose pourtant indispensable pour la
transmission du savoir et de la science médicale. A côté de tous ces problèmes qui ne
sont pas forcément dus au fait des enseignants mais des autorités académiques et
étatiques, deux difficultés majeures proviennent des enseignants : la légèreté dans la
conduite des cours et la non actualisation des cours dispensés.
138
A/ LEGERETE DANS LA CONDUITE DES ENSEIGNEMENTS
1) L’ENSEIGNANT, SEUL « MAITRE » DE L’AMPHITHEATRE
L’enseignant dans les pays Africains et plus particulièrement en Côte d’Ivoire est
perçu comme un petit « dieu ». Il œuvre pour que ses étudiants et les différents
assistants dépendants de lui aient cette image. Etre professeur de médecine, c’est
quelque chose de très grand. L’enseignant dans son amphithéâtre ou dans sa salle de
cours est le maître absolu, il ne tolère aucune critique parce que c’est lui et lui seul qui
détient le savoir. Les étudiants qui sont là pour apprendre ne peuvent rien lui apporter.
Sa parole est rarement mise en doute. Tout étudiant qui ne se conforme pas aux
règles établies par le professeur devient une cible à « abattre ». L’enseignant
universitaire ivoirien estime qu’il ne doit sa place qu’à son mérite personnel et qu’à ce
titre, les étudiants doivent en faire autant. Dans nos écoles et universités, les
enseignants tiennent la vie et l’avenir des étudiants au bout de leur stylo. Au sein de la
faculté de médecine et des écoles de formation des agents de santé, les étudiants
sont donc victimes d’un horrible chantage orchestré par le corps professoral.
2) LE CHANTAGE DU CORPS PROFESSORAL
Les enseignants, non seulement sont les maîtres incontestés dans leur salle de cours
mais aussi dans leurs relations avec les étudiants et surtout les étudiantes. Une
certaine forme de pression est exercée sur les étudiants dans les amphithéâtres et
souvent en dehors par leurs formateurs. Il n’est pas rare de voir des étudiants
accomplir certains travaux manuels au domicile ou au bureau de l’enseignant. En
139
contrepartie, l’étudiant bénéficiera de la clémence ou de l’aide de son professeur pour
arrondir une note pas trop avantageuse.
Le problème est beaucoup plus réel en ce qui concerne les jeunes filles. Les
enseignants ivoiriens dans leur grande majorité exercent une très grande influence sur
leurs étudiantes. C’est vrai que dans la plupart des cas, ce sont les filles qui prennent
les devants. Le « deal » est très simple : une relation sexuelle71, souvent continue
contre une note favorable pour l’obtention d’un diplôme ou d’une unité de valeur. Il y’a
des cas où la relation dure tout un cycle universitaire. Ce sont des faits que tout le
monde trouve normaux dans le pays. Les enseignants des universités et des grandes
écoles du pays constituent une véritable « mafia ». L’enseignant déçu qui n’a plus
l’étudiant ou l’étudiante dans son cours, donc sous son influence peut compter sur un
autre enseignant dont dépend le malheureux étudiant pour atteindre son but. Nous
n’allons pas rejeter la responsabilité de tout ce qui se passe sur les enseignants
uniquement. Il faut aussi reconnaitre que dans de nombreux cas, ce sont les
étudiantes qui font des avances à leurs formateurs pour obtenir ce qu’elles désirent72.
Cette mainmise des professeurs sur l’hôpital ne concerne pas seulement les étudiants
et étudiantes, mais aussi des cadres de la santé. Les CHU et les instituts de santé
sont dirigés depuis plusieurs années par des professeurs en médecine qui sont dans
le même temps chefs de service dans les structures qu’ils dirigent. Cette situation
comme on peut s’en douter crée des frustrations et plus en plus de contestations
ouvertes. C’est le décret n° 2001-650 du 19 octobre 2001 portant organisation et
fonctionnement des CHU de Cocody, Treichville, Yopougon et Bouaké qui a mis le feu
aux poudres. En effet, au terme de cette décision gouvernementale, le directeur du
71
Dans les différentes facultés du pays, les étudiants parlent de MST, autrement dit, Moyenne Sexuellement
Transmissible.
72
Le Nouveau Réveil : « la prostitution est devenue un métier florissant même en milieu scolaire et universitaire ».
Célébration du cinquantenaire de la Côte d’Ivoire/Doubé BINTY « pourquoi c’est une bêtise ». Vendredi 7 mai
2010.
140
CHU est nommé par décret en conseil des ministres sur proposition du ministre de la
santé, avec rang de directeur général. Le problème survient lorsqu’un chef de service
est nommé directeur général d’un CHU ou d’un institut, il, refuse de quitter son poste
de chef de service, empêchant du même coup l’évolution d’un autre cadre de la santé.
Ce problème trouve sa réponse dans le « mandarinat ». Le mandarinat est un
système où le maître est roi et écrase tous ses subalternes, où aucun cadet dans la
profession ou élève n’est autorisé à contredire ou à chercher à prendre la place du
mandarin73. Nous pensons que toutes ces pratiques sont d’un autre âge et qu’il est
temps que les autorités prennent des mesures afin que les jeunes médecins aient
aussi la chance de faire carrière.
Les enseignants de la faculté de médecine et des écoles de formation des agents de
santé ont tous le même problème, celui de ne pas mettre à jour leurs cours face à
l’évolution mondiale des différentes matières qu’ils sont censés enseigner.
B/ NON ACTUALISATION DES COURS
La science évolue, les enseignants devraient suivre cette évolution, non seulement ils
ne la suivent pas et plus grave, certains d’entre eux ne maîtrisent même pas les
anciens cours qu’ils dispensent depuis des années.
1) LES ENSEIGNANTS FACE A L’EVOLUTION DE LEUR MATIERE
Ce constat provient des appréciations des professionnels de santé sur leur formation.
La construction des différentes structures de formation répond au souci de doter les
73
Notre voie : CHU et instituts de santé en Côte d’Ivoire – des cadres bloqués par des professeurs cumulards.
Lundi 28 juin 2010. Coulibaly Zié Oumar.
141
hôpitaux ivoiriens de personnels qualifiés, capables d’offrir des soins de qualité aux
patients. La formation qui y est donnée comprend deux volets : un, constitué de cours
théoriques à partir desquels l’étudiant acquiert des connaissances livresques dans
son domaine et l’autre permet d’acquérir des notions pratiques. C’est la combinaison
de ces deux aspects qui fait de l’apprenant un spécialiste dans son domaine.74 Alors
comment les soignants, les formés eux-mêmes perçoivent-ils leur formation ?
Les étudiants dans leur ensemble reconnaissent la complémentarité entre formation
théorique et pratique. Mais, ils admettent tenir leurs lacunes du fonctionnement d’un
système qui engage la responsabilité des enseignants. Ces derniers en n’actualisant
pas le contenu de leurs cours théoriques ne permettent pas aux étudiants qu’ils sont
de prétendre à une formation de qualité. Un enseignement immuable est offert aux
étudiants et élèves qui à leur tour ont du mal à se mettre au niveau de la pratique. En
d’autres termes, la science évolue sans que cela se ressente dans les cours. Pour les
étudiants, les enseignants ne s’informent pas assez, ils leur livrent ce qu’ils ont
toujours donné. Il n’est pas surprenant de voir à la faculté de médecine ou dans les
écoles de formation des enseignants dispenser des cours à des étudiants alors que
dix ans auparavant d’autres étudiants ont reçu ces mêmes cours à une virgule près.
Comme si cela ne suffisait pas, les cours conservés pendant des années sans la
moindre modification sont dans bien souvent des cas mal maîtrisés et rendus en l’état
aux étudiants.
74
Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, entre savoirs et pratiques, sous la direction de L. VIDAL,
Abdou S. FALL et D. GADOU, L’HARMATTAN, septembre 2005 P 156.
142
2) LES ENSEIGNANTS FACE A LA MAITRISE DE LEUR MATIERE
L’enseignement étant un métier absorbant. Lorsqu’on choisit cette voie il y’a des
efforts à fournir pour rendre à ses étudiants les cours qu’on a soi-même préparés.
Nous avons dans nos universités et écoles de formation des enseignants qui ne
méritent pas leurs grades et titres tout simplement parce qu’on se demande comment
ils ont fait pour les obtenir. Ces enseignants pleins de carence et d’incompétence sont
les plus durs avec les étudiants. Pour exemple, on a déjà vu des professeurs à
l’université d’Abidjan distribuer autant de zéro qu’il y’a d’étudiants dans leur
amphithéâtre tout simplement parce que aucun étudiant n’a pensé, réfléchi, et traité le
sujet comme lui le voulait. Souvent les enseignants ont du mal à répondre aux
questions de leurs étudiants ou la correction d’un sujet donné ne présente pas toutes
les garanties requises pour justifier la très mauvaise note infligée à l’étudiant. Nous
avons déjà vu des enseignants en difficulté pendant leur cours parce que ne sachant
pas comment réagir face à certaines interrogations ou certains cas pratiques posés.
Ou encore, le professeur affirmant une chose et son étudiant son contraire avec
preuve à l’appui.
Autant les enseignants sont à l’origine de nombreux problèmes, autant, les étudiants
eux aussi orchestrent des difficultés plus au moins importantes au cours de leurs
années d’études.
143
II - LES PROBLEMES CONCERNANT LES ETUDIANTS
Les problèmes en ce qui concerne les étudiants des différentes structures de
formation sont liés d’une part à leur absence aux cours théoriques et aux stages et
d’autre part à l’absence de volonté et à la tricherie.
A/ ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ET AUX STAGES
1) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS
Peu importe les structures de formation, qu’on soit à la faculté de médecine ou à
l’Infas, l’absence des étudiants est la même. Les cours d’amphithéâtre sont ceux où
l’absentéisme est très élevé, tout simplement parce que les enseignants et
l’administration n’ont aucun moyen de contrôle. Avec le déficit de place dans nos
salles de cours, l’absence de quelques étudiants ne pose pas problème, bien au
contraire, c’est une sorte de solution. Les étudiants ne viennent pas le plus souvent
aux cours parce que pour eux, les cours n’ont pas besoin d’être suivis. Il suffit de
photocopier ceux d’un ami pour les avoir. De toute façon, il n’y a pas de grands
changements entre les cours (vieux de deux ou trois ans) d’un aîné et les cours
actuellement dispensés par le professeur. Et pourquoi se rendre aux cours si c’est
pour toujours écouter les mêmes choses. Pour avoir une bonne place, il faut se lever
tôt, pour les étudiants qui ne sont pas logés sur le campus universitaire ou près des
écoles de formation, emprunter les transports publics de son point de départ jusqu’à
son point d’arrivée relève d’un véritable parcours du combattant. Ces difficultés liées
aux moyens de transport sont plus difficiles à gérer lorsque l’étudiant doit se rendre à
144
des stages dont les terrains sont le plus souvent situés dans les villes de l’intérieur du
pays dépourvues de moyens de transport.
2) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX STAGES
Les stages sont comme nous l’avons déjà dit, l’occasion pour l’étudiant médecin,
infirmier ou la future sage-femme de côtoyer les malades. C’est la pratique même de
la médecine, d’où l’obligation pour l’étudiant d’être présent pendant le déroulement de
ceux-ci. Mais très souvent, bien que leurs absences soient sanctionnées, les étudiants
s’absentent quand ils veulent et comme ils veulent. Les terrains de stage sont souvent
éloignés du lieu de logement de l’étudiant. Pour les étudiants en médecine les stages
se déroulent généralement dans les grands CHU de la ville d’Abidjan. Ces étudiants
ont donc la chance de vivre et d’aller à l’école sur leur terrain de stage. Mais pour le
étudiants de l’Infas de Bouaké et Korhogo, pour ceux qui n’étaient pas originaires de
ces villes, ils devaient d’abord se trouver un logement pour assister aux cours et
ensuite, vu le déficit de structures médicales dans ces régions, lorsque le terrain de
stage se trouvait en dehors de la ville de l’établissement, ils devaient encore se
trouver un nouveau logement pour toute la période que durerait celui-ci. Mais, à côté
de toutes ces considérations de logement et de transport, nous devons dire qu’il y’a
de la part des étudiants une certaine mauvaise foi. En effet, avant eux plusieurs
générations d’étudiants se sont battus et ont réussi dans les mêmes conditions, voire
avec moins de moyens. Alors aujourd’hui pourquoi pas eux ? Tout simplement parce
qu’ils manquent de volonté et sont animés par un trop grand désir de tricherie.
145
B/ ABSENCE DE VOLONTE ET TRICHERIE DES ETUDIANTS
1) ABSENCE DE VOLONTE
Avoir la volonté est essentiel pour réussir des études. Dire que les étudiants de la
filière médicale ivoirienne n’ont pas de volonté, est-ce affirmer qu’ils n’ont pas envie
de réussir ? On ne sent pas vraiment cette envie en eux. Cela est peut-être lié à l’état
général du pays depuis des années. La question de la finalité de ces études reste
posée. Soigner des gens, sauver des vies sans soutien pour ceux qui s’y préparent
conduit à une impasse. Les pouvoirs publics disent qu’ils font ce qu’ils peuvent pour
aider ces futurs médecins et agents de santé. Bien évidemment, c’est après s’être
servis que ces messieurs des ministères pensent à la relève du pays. Comment
imaginer qu’un pays comme la Côte d’Ivoire n’ait qu’une seule faculté de médecine,
que les hôpitaux manquent du strict minimum, que des étudiants qui après huit ou dix
ans d’étude ne soient pas sûrs d’avoir du travail, ou s’ils l’ont, c’est avec un salaire de
misère. Ce sont toutes ces raisons qui font que nos étudiants, nos futurs médecins,
nos futurs infirmiers etc.… n’ont plus de volonté et n’ont plus foi en ce qu’ils font. Et
cela constitue un danger pour l’avenir de nos populations. Quand la tricherie et la
corruption s’imposent comme valeurs morales, c’est l’avenir de la nation qui se trouve
compromis.
146
2) LA TRICHERIE ET LA CORRUPTION
« Il faut vous détourner de toutes les voies de tricherie. Elle ne mène que droit dans le
mur. Seul le travail paie »75, ces propos sont ceux du ministre de l’enseignement
supérieur de Côte d’Ivoire, monsieur Ibrahim Bacongo CISSE. Nous voulons à travers
cette déclaration du ministre montrer à quel point le fléau de la tricherie gangrène le
système universitaire ivoirien. En effet, nous pensons que la tricherie est le problème
majeur de l’école ivoirienne. Elle touche tous les cycles primaires, secondaires et
universitaires. Elle se manifeste de différentes façons. De l’étudiante qui offre son
corps à un professeur moyennant une bonne note, en passant par l’étudiant
«esclave» qui fait tout ce que son professeur lui demande, et enfin l’étudiant qui
pendant les devoirs de classe ou l’examen triche avec ses cours placés sous la table
ou la jeune fille qui a certaines pages de son cours collées sur la cuisse. Il y’a aussi
l’organisation en cartel, plusieurs étudiants se partagent le cours et s’arrangent pour
s’asseoir ensemble ceci dans le but de multiplier les chances de succès à l’examen.
Pour certains examens qui ne sont pas trop contrôlés, nous avons l’intervention de
« mercenaires », ce sont des étudiants très souvent de cycle supérieur qui viennent
passer un examen à la place d’un autre.
A la tricherie, il faut ajouter la corruption de certains agents administratifs qui ont pour
mission de gérer l’argent de nos structures sanitaires. Ce problème se pose surtout
dans les structures publiques de formation ou même de soins. En Afrique
subsaharienne, 9%76 des usagers des services de santé ou du système éducatif ont
été confrontés à la corruption. Fraudes, collusion et trafic d’influence sont désormais
75
L’intelligent d’Abidjan, mardi 22 septembre 2009. Journée de l’excellence – Bacongo invite les élèves à
abandonner la tricherie.
76
Rapport de Transparency International, 23 septembre 2009.
147
des pratiques intégrées par le corps médical et enseignant. Si beaucoup
d’arrangements se soldent par une transaction financière, la corruption peut aussi se
manifester tout autrement, certains professeurs nous l’avons déjà dit pratiquent un
véritable droit de cuissage sur les étudiantes qui souhaitent passer au niveau
supérieur. Ce sont ce que l’on appelle dans le milieu universitaire les MST .
Le désengagement des personnels de santé se caractérise principalement par un
absentéisme du corps professoral. Les médecins qui doivent former certains étudiants
dans les hôpitaux ne sont presque jamais présents puisqu’ils préfèrent aller gagner de
l’argent dans le privé. A côté de cela, les agents de santé présents dans les hôpitaux
s’adonnent à des pratiques diverses pour arrondir leurs fins de mois. En effet, de
nombreux agents commercialisent souvent le matériel ou les médicaments offerts au
pays par des institutions internationales ou des pays amis, dons qui devaient
normalement être distribués gratuitement à certains patients. Nous avons par exemple
appris par le biais du quotidien abidjanais le « Nouveau Réveil » que plus de 200
millions de FCFA ont été « pompés » par l’agent comptable du trésor public à l’Infas. Il
s’agirait en fait selon un agent de la direction générale du trésor de recettes perçues
non comptabilisées. Selon l’article, l’agent mis en cause aurait été sommé de
rembourser l’argent détourné. Espérons que cet argent revienne dans les caisses de
l’Etat pour le bien-être des populations77. Le comble dans nos hôpitaux, c’est que
même les agents de santé sont corrompus. Nous assistons depuis un certain temps à
la naissance d’une forme de racket hospitalier78 qui est en train de se généraliser. Les
fonctionnaires payés pour travailler et sauver des vies réclament avant toute
77
Le Nouveau Réveil, malversations à l’Infas, plus de 200 millions pompés. Vendredi 22 août 2008.
Nord-Sud Quotidien, Cissé sindou, CHUs : les usines à cadavres d’Abidjan, la banalisation de la souffrance et
de la mort. Samedi 10- dimanche 11-lundi 12 mai 2008, P 6 et 7.
78
148
intervention de l’argent. Peu importe l’urgence du cas, la famille doit d’abord
débourser de l’argent.
La tricherie et tout ce que nous venons de citer plus haut causent un véritable
problème à la formation des personnels de santé dans notre pays, nous pensons qu’il
est urgent d’y remédier.
Des choses ont été faites pendant des années souvent avec sincérité et devoir,
d’autres par obligation et volonté d’enrichissement illicite des « bâtisseurs ».
C’est aux jeunes d’aujourd’hui de faire bouger les choses pour que les générations
futures disposent d’un système sanitaire digne de ce nom. En ce qui concerne la
formation des personnels de santé, nous pensons que la date du 19 septembre 2002
est une date de rupture. Le conflit armé qui a opposé les forces gouvernementales
aux forces rebelles venues du nord a accentué la déliquescence du système sanitaire
ivoirien. Nous avons toujours pensé que la fin du conflit qui touche le pays devait être
un nouveau départ pour rebâtir, refonder le système de formation des personnels de
santé.
149
CONCLUSION DE LA PARTIE I
Nous venons de passer en revue l’histoire de la formation des personnels de santé en
Côte d’Ivoire de 1893 à 2002. La formation qui était traditionnelle avant l’arrivée des
européens s’est au fil des ans modernisée. D’abord avec la colonisation. Les colons
ont totalement transformé les mentalités des populations ivoiriennes avec cette
nouvelle médecine dite moderne. La forêt et les sorciers n’étaient plus le lieu principal
et les acteurs principaux de cette médecine. La façon de soigner et la manière de
transmettre ce savoir devenaient totalement différentes de ce que l’on avait eu
l’habitude de faire. Les médecins coloniaux français ont aussi choisi sans distinction
de former les ivoiriens de toutes les catégories sociales, il n’y avait plus de privilégiés
ou d’élus. Tout le monde avait la chance d’accéder au savoir et à la science médicale.
Hommes et femmes pouvaient librement prétendre à la profession médicale, alors que
la médecine traditionnelle donnait quant à elle la priorité aux hommes.
A partir de 1960, avec les indépendances, les ivoiriens ont hérité du système de santé
mis en place par les français. Le moment de prendre les choses en main était arrivé. Il
fallait dès à présent montrer que nous étions capables d’assurer la relève, la gestion
des structures sanitaires et la formation des jeunes ivoiriens afin de doter le pays d’un
système de santé efficace. L’ancienne école de médecine a été transformé en faculté
de médecine, les jeunes ivoiriens formés auparavant par les français et partis se
perfectionner en France sont revenus se mettre au service de leur pays. La faculté de
médecine a dès lors été organisée par des ivoiriens pour la formation des ivoiriens
mais il est vrai toujours aidés de coopérants français. A
côté de la faculté de
médecine il fallait aussi monter des structures qui allaient permettre la formation des
150
agents qui devaient venir en appui aux médecins. Des écoles de formation d’infirmiers
et sages-femmes transformées par la suite en instituts de formation des agents de
santé ont été créées dans les trois plus grandes villes du pays. Toutes ces structures,
faculté de médecine de cocody et Infas ont eu des débuts prometteurs jusqu’à ce que
les difficultés apparaissent. Ces difficultés situées à plusieurs niveaux ont
considérablement gêné et freiné la production de médecins et d’agents de santé en
Côte d’Ivoire. Les problèmes rencontrés mettaient en vue le manque de structures de
formation, en effet, tandis que les candidats à la formation aux métiers des sciences
médicales augmentaient, les structures de formation et d’accueil elles ne suivaient
pas. Le matériel lui aussi a commencé à se faire de plus en plus rare et de mauvaise
qualité. La formation des personnels de santé ne se faisait plus dans les conditions
adéquates. Les autorités administratives et politiques n’ayant pas pris leurs
responsabilités pour faire face aux difficultés par manque de volonté ou de moyens,
ce sont tous les personnels de formation qui se sont laissés emparer par le
découragement, ce qui a eu pour conséquence de fragiliser très sérieusement le
système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Les choses se sont
dégradées à un tel point que la corruption est devenue un élément du système. Dans
les hôpitaux, à la faculté de médecine ou à l’Infas, le travail ne se faisait plus de façon
objective. Chacun voulait tirer profit de l’acte qu’il était censé poser par devoir pour la
nation. Népotisme, laxisme, irresponsabilité et incompétence se sont installés au sein
du système de santé. Formateurs, formés et autorités administrative et politiques ont
tous baissé les bras sans toutefois oublier de se rejeter les uns sur les autres la
responsabilité de ce qui se passait. En face d’eux, les populations, bénéficiaires des
services de santé ne pouvaient que constater ce spectacle désolant, elles qui devaient
151
maintenant corrompre pour se faire soigner dans les hôpitaux publics ou débourser
d’énormes sommes d’argent pour avoir accès aux cliniques privées.
L’année 2002 pour nous est l’année de la rupture. En effet, le règlement de la crise
que traverse le pays depuis cette date doit être le point de départ d’une nouvelle façon
de voir et de penser la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Pour nous,
la reconstruction du système de formation s’impose. Il faut partir sur de nouvelles
bases. Nous pensons qu’il est important et nécessaire que nous organisions en Côte
d’Ivoire « les états généraux du système de formation des personnels de santé en
Côte d’Ivoire » afin que ceux qui ont des propositions à faire les fassent et que ceux
qui ont des choses à dire les disent. Il est temps pour nous de faire les choses
autrement, nous ne pouvons pas nous permettre de rester à la traîne dans un
domaine aussi délicat que la formation de nos personnels de santé. Mise à part les
problèmes de logistiques qui nécessitent principalement de l’argent et accessoirement
une bonne gestion de la part des hommes, nous pourrons par exemple nous inspirer
de ce qui a été fait ailleurs en matière de formation des personnels de santé. Nous
pensons aussi que ce moment de dialogue entre autorités politiques et administratives
et acteurs du monde médical peut être l’occasion de pointer du doigt le problème du
comportement des personnels chargés de la formation des agents de santé et des
médecins ou des personnels de santé exerçant dans nos hôpitaux et y apporter des
solutions efficaces et durables. Tout cela aura pour seul but d’améliorer un service
public dans le seul intérêt des usagers, en l’occurrence les populations ivoiriennes
souvent impuissantes et désarmées face à tout ce qui se passe dans nos hôpitaux.
152
PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES
PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE
Dans cette partie, nous proposerons des solutions pour rebâtir le système de
formation des personnels de santé. Dans un premier temps, il s’agira pour nous
d’exposer de façon concrète, ce que nous désirons pour notre pays. Dans un second
temps, nous mettrons l’accent sur l’importance et la nécessité de l’introduction du droit
dans la formation des personnels de santé dans notre pays.
153
TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION
Le modèle cubain en matière de formation des personnels de santé apparait à nos
yeux comme l’un des plus efficaces au monde étant donné le contexte de sa mise en
œuvre. Mais s’inspirer totalement de l’étranger ne peut en aucun cas constituer une
garantie de succès, c’est pour cela que nous proposerons des solutions que nous
pensons être les bonnes pour notre pays.
154
CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN
Comme modèle étranger pouvant servir à notre pays, nous avons choisi cuba, petit
Etat d’Amérique. Mais pourquoi ce pays ? Tout d’abord parce que c’est un pays du
tiers monde comme La Côte d’Ivoire. Pour tout observateur, la santé publique est
considérée sans aucun doute comme la plus grande réussite du socialisme cubain.
Les équipes de santé sont de très bon niveau de formation et les indicateurs dans le
domaine concurrencent sans complexe ceux de nombreux pays dits développés.
Toutefois, nous ne pouvons ignorer que le pays fait face à d’énormes difficultés
économiques, politiques et sociales (manque de médicaments, absence de matériel
médical de haut niveau, maintenance difficile du matériel existant et des installations
et infrastructures médicales…) Toutes ces difficultés sont en partie dues à l’embargo
américain que subit cuba depuis de nombreuses années. Peu importe les problèmes,
nous pensons que Cuba peut servir d’exemple aux ivoiriens. Cuba est aussi la preuve
qu’avec des personnes volontaires, dévouées et peu de moyens on peut réaliser de
grandes et belles choses.
SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE
Cuba a mis la santé au cœur de ses priorités sociales et politiques. Aujourd’hui, la
santé fait partie du contexte politique, géographique, démographique et économique
de l’île.
155
I - LA SANTE, VALEUR SOCIALE ET PRIORITE POLITIQUE
A/ LA SANTE AU CENTRE DES DECISIONS POLITIQUES
1) LA SANTE, UNE DES PREOCCUPATIONS DE LA REVOLUTION CUBAINE
Dès les premières heures de la révolution de 1959, la santé et l’éducation sont
placées en tête de liste des révolutionnaires. La population doit être instruite, mais
pour cela il faut avant tout qu’elle soit en très bonne santé. C’est dans cette optique
que la santé est déclarée droit du citoyen et il est donc tout à fait normal que le
système de santé cubain se place en défenseur et garant de ce droit fondamental.
Pour les autorités sanitaires cubaines, l’Etat assume entièrement la responsabilité de
la prise en charge de la santé de ses citoyens. La santé se conçoit comme une
composante principale de la qualité de vie et comme un objectif stratégique de
développement de la société. C’est cette volonté de l’Etat cubain de fournir à tout prix
à sa population le bien être qui fait de ce pays une référence en matière de santé. La
place prépondérante donnée à la santé par toutes les autorités politiques et
administratives du pays est la preuve que l’échec d’une politique n’est pas forcément
dû au manque de moyens financiers. Tout dépend de la volonté et de la conviction
profonde des différents acteurs. Si la volonté politique n’est pas accompagnée d’une
certaine force humaine, nous pensons que l’échec est assuré. En Côte d’Ivoire, c’est
un peu cela le problème, l’on met sur pied des projets et des plans auxquels nul ne
croit. Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous obtenions des résultats
satisfaisants ? Les autorités cubaines n’ont pas attendues que toutes les aides leur
tombent du ciel pour réaliser ce qu’elles ont fait. Elles ont été soutenues par des Etats
à l’époque mais ces pays n’avaient pas la puissance et les moyens dont disposent les
156
pays vers lesquels la Côte d’Ivoire s’était tournée. Cuba a su faire avec ce qu’il avait
et ce qu’on lui a donné.
2) LA SANTE A LA BASE DU DEVELOPPEMENT CUBAIN DEPUIS 1959
Il existe de grands axes de développement de la santé à cuba79 :
-
le service médical rural (1960)
-
le développement des polycliniques communautaires (1972)
-
le programme du médecin de famille (1996)
-
la municipalisation de la santé (1996)
Dès 1960, la création du service médical rural a consisté en la création d’un réseau
d’hôpitaux ruraux, hôpitaux généraux sans activité de chirurgie dans la plupart des
cas. Les soins y sont gratuits pour l’ensemble de la population et tout médecin
terminant ses études doit accomplir une année de travail dans une structure de soins
rurale80.
Ces mesures indiquent clairement l’orientation de la politique sanitaire des autorités :
-
un service public pour l’ensemble de la population
-
un rôle central accordé au médecin (plus qu’à l’infirmière)
-
une double accessibilité géographique et financière
En 1965, ce sont les polycliniques en tant que structures de premières lignes qui sont
mises en place. Elles sont centrées à cette période sur trois spécialités de base
(pédiatrie, la gynéco-obstétrique et la médecine interne) qui correspondent à trois
groupes spécifiques (les enfants, les femmes en âge de procréer et la population
générale). En 1972, les polycliniques se tournent vers une pratique médicale plus
79
80
Rapport mission cuba, avril 2003.
Van Dormael et Dugas, 2000 P 15.
157
communautaire accordant un intérêt à d’autres groupes et en mettant l’accent sur la
prévention. La planification des services se réalise alors selon une carte sanitaire. Les
polycliniques ont été mises en place selon le découpage des aires de santé
correspondant aux provinces et aux municipalités. Cela correspond à un « niveau de
décentralisation exécutive de la politique sanitaire ».81 Ainsi donc, d’autres axes de la
politique sanitaire prennent forme :
-
l’intérêt marqué pour le développement d’une approche communautaire
-
le renforcement du rôle du médecin généraliste et son orientation vers les
spécialisations touchant la famille
-
la décentralisation progressive de l’organisation du système.
Dès le début des années 80, on assiste à une profonde réforme du système de santé.
Elle débute avec la mise en place du programme de médecin de famille en 1984.
L’organisation de la pratique médicale repose sur un mode de fonctionnement en
équipes de base constituées du médecin et de l’infirmière. Le médecin de famille dont
la fonction essentielle est d’assurer un suivi actif et un monitorage de la santé de la
totalité de sa population doit à ce niveau tenir compte de la famille et de la
communauté et pas uniquement des malades.
En 1996, le mouvement de santé communautaire marque une nouvelle étape en
insistant sur la participation de la population dans la définition de ses besoins, la
dimension préventive et en mettant l’accent sur la promotion de la santé de manière
globale. Ce mouvement sera suivi dans la même année de la municipalisation de la
santé, faisant de la municipalité un niveau de décision et d’organisation. Ici, une
équipe est responsable de l’ensemble des structures de soins au niveau municipal sur
les
81
plans
administratif
et
technique,
sans
Van Dormael et Dugas. 2000, P 16.
158
fonction
clinique,
détenant
un
« rôle d’administration, de répartition des ressources (matérielles et humaines)
d’organisation et coordination des services, de gestion de l’information sanitaire, ainsi
qu’un rôle technique d’appui ». La décentralisation est de type exécutif : le service
municipal de santé est essentiellement responsable de l’application de la politique
sanitaire décidée au niveau central. Il y’a cependant une marge de manœuvre en
termes d’adaptation de la politique nationale au contexte municipal, et dans l’utilisation
du budget annuel.82 La consolidation du système s’est donc réalisée autour de ces
principaux axes que sont :
-
la triple accessibilité financière, géographique et sociale
-
la formation massive et de haut niveau de professionnel de la santé
-
la participation de l’ensemble de la communauté
-
la définition de stratégies claires établies sur la base de données du terrain et
mises en œuvre à travers des programmes planifiés.
B/ LES DEUX PRINCIPES DE LA SANTE PUBLIQUE CUBAINE
1) LE FINANCEMENT DU SYSTEME DE SANTE PAR L’ETAT
La force du système de santé cubain provient de la volonté des autorités de tout
mettre en œuvre pour que les populations bénéficient des meilleurs soins possibles.
Pour réaliser ce projet ambitieux, les autorités ont donc décidé de financer à 100% la
santé des cubains. Ce financement part de la création des instituts de formation et
facultés de médecine, de la construction d’hôpitaux, maternités et dispensaires à
travers tout le pays. Ensuite, c’est la formation des personnels de santé (toutes
82
Van Dormael et Dugas, 2000. P 16
159
catégories confondues) qui est prise en charge par l’Etat, et aussi pour ces élèves et
étudiants en formation, la garantie d’obtenir du travail à la fin des études. Enfin le
symbole même du financement du système par l’Etat est l’accessibilité aux services
de santé à toute la population à travers des services gratuits. Les patients cubains ne
déboursent pas un centime quand ils se rendent à l’hôpital, même s’il est vrai que le
manque de certains matériels de haute technologie vient un peu assombrir ce beau
tableau. Dans tous les cas, les autorités cubaines ont montré au monde entier qu’en
matière de santé, elles respectent les droits du citoyen cubain.
2) LE MAINTIEN DE LA COUVERTURE DE SOINS ET L’ACCESSIBILITE AUX
SERVICES DE SANTE A TOUTE LA POPULATION A TRAVERS DES SOINS
GRATUITS
Tous les citoyens ont droit aux soins de santé et aux soins médicaux de leur choix.
Partout où ils se trouvent, les habitants d’un pays doivent jouir de ce droit. L’OMS
recommande aux différents gouvernements d’assurer la couverture des soins de
santé sur l’ensemble de leur territoire, mais transformer un tel principe en action
concrète est une tâche difficilement surmontable pour de nombreux pays. Mais avec
cuba, on constate une réussite dans la mise en place et le maintien de la couverture
de soins sur la totalité du territoire. Du coup, dire que la couverture des soins est
assurée à cuba, c’est dire que les soins sont facilement accessibles. La couverture est
faite par la présence des structures médicales et des personnels médicaux sur tout le
territoire. Cuba avec ses 67128 médecins (un médecin pour 167 habitants), ses 84232
personnels paramédicaux, ses nombreux hôpitaux et polycliniques83 a su mettre en
83
Léo-Paul LAUZON, cuba et le conte des mille et une nuits. Août 2003.
160
œuvre les moyens de favoriser cette couverture pour le bien de sa population.
D’autant plus que les soins dispensés sont entièrement gratuits pour le patient et
totalement à la charge de l’Etat.
II - LE SYSTEME DE SANTE AU REGARD DU CONTEXTE POLITIQUE,
GEOGRAPHIQUE, DEMOGRAPHIQUE ET ECONOMIQUE
A/
LE
SYSTEME
DE
SANTE
FACE
AU
CONTEXTE
POLITIQUE
ET
GEOGRAPHIQUE
1) LES GRANDES ETAPES DE LA VIE POLITIQUE DE CUBA
Le 28 octobre 1452, Christophe COLOMB débarque à cuba et se lance dans la
conquête de l’île après le génocide des indigènes. L’île restera sous la couronne
espagnole jusqu’à son indépendance en 1902. A partir de cette date, elle est placée
sous protectorat instauré par les USA. Différents gouvernements et présidents se
succèdent et en 1934, cuba est sous la dictature du colonel Batista. Le renversement
de ce dernier a lieu le 7 janvier 1959 par l’entrée à la Havane des révolutionnaires
dont Camilo CIENFUEGO, Ernesto GUEVARA et Fidel CASTRO. Le dernier nommé
dirigera le pays de 1959 au 18 février 2008, jour où il remet le pouvoir à son frère
cadet Raul CASTRO.
Dès 1959, les révolutionnaires engagent une redistribution des ressources
et le
développement des secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture et du domaine
technico-scientifique. L’Etat se définit comme une démocratie sociale axée sur la
décentralisation du pouvoir notamment lorsqu’il s’agit du système de santé et des
161
secteurs économiques ; cela consiste à promouvoir la participation populaire dans le
processus de décision aux différents niveaux via les conseils populaires, les
municipalités, le parlement et ses commissions dont la commission de la santé84
En 1961, le blocus économique des USA est instauré85, il sera renforcé plus
récemment par les lois Torricelli (1992) et Helms-Burton86 (1996). La disparition du
soutien soviétique par le changement de gouvernement de l’URSS et des pays de
l’Europe de l’est a amené Cuba à déclarer en 1990 le début de la « période
spéciale ».
2) LE PROFIL GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIF
L’archipel cubain est formé de l’île de cuba, de l’île de la jeunesse et de nombreux
îlots adjacents. Administrativement, l’île est composée de 14 provinces (l’île de la
jeunesse) et de 169 municipalités. Les conseils populaires, plus petite division
politique sont au nombre de 1497. Cuba compte 11 millions d’habitants87 pour
110 860 km2 (longueur 1250 km, largeur entre 36 et 191 km). La densité de la
population est de 100 habitants au km2. Le Pib par habitant est de 4519 dollar US (en
France il est de 26920 dollar par habitant). Le taux d’alphabétisation de l’île est 96,9%
(99% en France) et l’espérance de vie est de 76,7 ans (78,9 en France). Cuba compte
596 médecins pour 10 000 habitants (330 en France).
Les deux principales villes cubaines sont la Havane (capitale avec 2 millions
d’habitants), Santiago de cuba (420 000 habitants).
84
Ministère cubain de la santé publique 1999.
Déclaration de l’embargo commercial le 19 octobre 1959, embargo total le 3 janvier 1961 suivi de la rupture
des relations diplomatiques.
86
Robert TORRICELLI, sénateur démocrate. Jesse HELMS et Dan BURTON, sénateur et représentant
républicains.
87
Au 30 juin 1998, la population est 11 122 308 habitants (ministère de la santé publique 1999). Selon les données
d’un premier recensement, en 1774, cuba comptait 171 600 habitants.
85
162
Les centres urbains cubains regroupent 75% de la population, un quart de la
population vit dans les régions rurales et montagneuses.
En matière de soins de santé, l’accessibilité géographique est au moins aussi
importante que l’accessibilité financière. La notion de proximité est centrale, on peut
dire que sans se tromper que dans le cas de cuba, ce n’est pas la population qui se
rend chez le médecin mais, c’est plutôt ce dernier qui se déplace vers les populations
dans toutes les régions du pays, une sorte de véritable exportation de la santé.
B/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE ECONOMIQUE
1) LA SITUATION ECONOMIQUE
Le PIB88 qui est un indicateur de la richesse d’un pays (tout ce qui est produit sur le
territoire
national),
ne
donne
cependant
aucune
indication
du
niveau
de
développement de ce pays : répartition des richesses produites, utilisation de ces
richesses, possibilités et conditions d’importation et d’exportation sur le marché
mondial, et enfin sur le développement social.
Le PNUD89 considère l’indice de développement humain (IDH) qui tient compte non
seulement PIB par habitant (lequel mesure le standard de vie) mais également de la
longévité (mesurée par l’espérance de vie à la naissance) et de l’éducation (mesurée
par une combinaison du taux d’alphabétisation et du ratio d’inscriptions dans les
niveaux d’enseignements primaire, secondaire et supérieur).
Le niveau de développement humain dépasse largement la question du revenu
national. Il repose sur la santé, l’éducation, l’accès aux ressources nécessaires pour
88
89
PIB : Produit intérieur brut.
PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement
163
une vie décente et la capacité de participer à la vie de la communauté. Afin de cerner
le niveau de développement d’un pays, d’autres mesures sont aussi prises en compte
comme l’indice de pauvreté, la mesure de l’inégalité entre les sexes ou encore la
participation politique. Le Human development Report, se référant à l’indice de
développement humain présente cuba au 55ème rang parmi les 173 pays comparés. Il
est positionné entre le Mexique et le Panama. Les USA sont au 6ème rang et Haïti au
146ème. De par sa situation économique, cuba peut être comparé au pays en voie de
développement mais, de par sa situation sociale (niveau d’éducation, de la culture et
des indicateurs de santé) cuba rivalise avec les pays les plus développés de la
planète.90
Les années d’embargo n’ont pas entamé la détermination des dirigeants cubains dans
leur volonté d’offrir au peuple cubain santé et éducation. Le blocus économique,
commercial et financier des USA envers cuba a des répercussions dans tous les
domaines et plus particulièrement dans celui de la santé. Malgré l’adoption par
l’assemblée générale des Nations Unies de la résolution 47/19 qui pour la première
fois déclare la nécessité de mettre fin au blocus économique, le 24 novembre 1992,
sont votées à Washington deux nouvelles lois91 n’ayant pour d’autres buts que le
renforcement dudit blocus.
-
La loi Torricelli de 1992 : elle est mise en place au moment où cuba tentait de
réorienter son commerce extérieur vers l’Europe, le Canada, l’Amérique latine
et les caraïbes, à la suite de la chute et de l’éclatement du bloc des états
socialistes d’Europe de l’est. Cette loi concerne l’interdiction du commerce
entre cuba et les filiales de compagnies nord-américaines établies dans un
pays tiers ; elle intervient dans le déroulement du transport maritime en
90
91
Source: Human development report.
Loi Torricelli (Cuban democracy act). Loi Helms-Burton (Cuban liberty and democracy solidarity act).
164
interdisant l’entrée des ports américains (pendant 180 jours) aux navires qui
transportent des marchandises en provenance ou à destination de cuba.
-
La loi Helms-Burton de 1996 : c’est un ensemble de mesures visant à
dissuader les investissements étrangers. Elle définit aussi les conditions
nécessaires à la levée de l’embargo dont la tenue d’élections libres et
démocratiques et la restitution des propriétés américaines nationalisées depuis
1959. Pour terminer, cette loi tente aussi d’internationaliser le blocus en
imposant à la communauté internationale les règles et normes du
développement des relations économiques avec cuba et en établissant des
sanctions envers les pays qui soutiennent le commerce avec l’île. Cette loi
laisse donc supposer l’extraterritorialité du droit américain en permettant de
poursuivre devant les tribunaux les sociétés étrangères et en refusant un visa
d’entrée aux USA aux personnels de ces entreprises. Les dirigeants cubains,
sans vraiment bénéficier de façon importante de l’aide internationale ont su
financer le système de santé pour le hisser parmi les meilleurs au monde.
Nous devons notifier que ces deux lois ont eu pour conséquence à un moment donné
d’empirer les conditions de développement du système sanitaire cubain. De mai 2009
à avril 2010, les préjudices causés à la santé publique se sont montés à plus de 15
millions de dollars. Cela est dû au fait que le pays doit acheter des médicaments, des
pièces détachées pour certains équipements médicaux, des instruments, du matériel
de formation pour les étudiants etc… sur des marchés éloignés et bien souvent à
travers des intermédiaires, ce qui renchérit les coûts92.
Néanmoins, un article publié le 30 avril 2010 par des professeurs de l’école de
médecine de l’université de Standford dans la revue science, une des plus
92
Rapport de Cuba sur la résolution 64/6 de l’assemblée générale des Nations Unies : « nécessité de lever le
blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les USA », juillet 2010.
165
prestigieuses dans le monde scientifique, affirme toutefois que : « malgré l’impact des
restrictions sur l’approvisionnement en médicaments et matériel médical, les résultats
sanitaires de Cuba sont comparables à ceux des pays développés ».
Nous tenons à préciser que si nous avons choisi Cuba comme modèle pouvant
inspirer les ivoiriens ce n’est pas vraiment pour son aspect économique et financier
même si nous nous y intéressons dans notre travail. Nous avons décidé de travailler
sur Cuba parce que nous croyons en la qualité de son système de formation. Le
système de formation et le programme de formation mis en place par les autorités
académiques cubaines restent des exemples à exploiter selon nous. Du début à la fin
du processus de formation, les autorités accompagnent les futurs personnels de
santé. Les programmes de formation sont à la fois efficaces et novateurs. Au terme de
la formation, l’obligation faite aux personnels d’exercer dans les zones rurales du pays
démontrent à quel point les autorités cubaines tiennent à mettre les personnes formés
au service de la population.
2) LE FINANCEMENT DE LA SANTE
S’agissant du financement de la santé, il faut distinguer la période avant 1990 et la
période spéciale depuis le début des années 90. Malgré les importantes difficultés
économiques du pays, le financement de la santé repose sur la volonté politique de
faire de la santé de la population une priorité, de maintenir les acquis et de développer
certains secteurs en mettant l’accent sur la qualité des ressources humaines. En
relation avec ces principes, les coûts des soins et du système de santé continuent à
être totalement assumés par l’Etat cubain.
166
Pendant les moments les plus forts de la crise, en 1993, la part des budgets alloués
au secteur de la santé a été maintenue. Cuba est face à la nécessité absolue d’obtenir
des devises pour l’importation de médicaments, matériels et tout autre produit
nécessaire dans le secteur de la santé.
En 1989, le financement du secteur de la santé est de 227,3 millions de dollars,
budget qui s’est vu réduire à son niveau le plus bas en 1993 avec une diminution de
30%. A partir de 1994, la décision a été prise d’assigner au secteur sanitaire un apport
en devises provenant des rentrées financières du secteur de la production et des
services ayant accès aux devises (comme le tourisme). De cette manière, grâce à la
disponibilité de monnaie librement convertible, a pu s’initier un lent processus de
récupération financière qui uni à une stratégie de développement, a permis d’identifier
et de concentrer les forces sur les principales et nouvelles formes d’organisation
impulsées par la nécessité de nationalisation.93
En 2000, le budget consacré à la santé est de 1.857.035.500 pesos cubains, soit
68 800 000 dollars (en fonction du cours actuel) ce qui représente 166 pesos cubains
par habitant.94
A partir de 1985, commencent à apparaître des activités qui témoignent d’une
nouvelle préoccupation en matière d’évolution du système de santé publique, à savoir
celle qui concerne les facteurs influençant les dépenses de la santé et l’efficience
dans l’utilisation des ressources. Dès les années 1990, le ministère de la santé a
décidé de voir l’économie et le financement de la santé comme discipline scientifique
avec comme effet la création de la « sociedad cubana de economia de la salud » ainsi
qu’un « diplomado en economia de la salud » en 1997.95
93
Sources : ministère de la santé publique de cuba, 1999.
Sources : ministère de la santé publique de cuba, 2001.
95
Sources : ministère de la santé publique de cuba, 1999.
94
167
Ces perspectives économiques de la santé ont contribué à rendre le secteur plus
efficient avec comme principales lignes d’action :
-
le perfectionnement des processus de décentralisation
-
le
« redimensionnement »
des
services
de
santé
par
une
meilleure
rationalisation et utilisation optimale des ressources disponibles
-
la poursuite du développement des soins de santé primaires
-
la priorisation au niveau des médicaments et des technologies essentielles
-
la possibilité du secteur de contribuer à son financement en devises (dollar)
-
la poursuite du processus de formation des professionnels et l’accroissement
des ressources humaines dans les secteurs de l’économie de la santé.
Ainsi,
des
termes
comme
« coût-opportunité »,
« redimensionnement économique »
apparaissent
économistes cubains de la santé.
168
« évaluation
dans
le
économique »,
vocabulaire
des
SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN
Le système de santé cubain est caractérisé par sa bonne marche essentiellement due
selon nous aux différentes réformes et stratégies de développement mises en œuvre
par les autorités et à la qualité de la formation dont bénéficient ses agents.
I - LES RAISONS DE LA REUSSITE DU SYSYEME DE SANTE CUBAIN
A/ LE SYSTEME DE SANTE, ENTRE REFORMES ET STRATEGIES DE
DEVELOPPEMENT
Le système de santé cubain déjà performant n’a jamais cessé de se remodeler.
Actuellement, un nouveau mouvement de réformes est lancé dans le secteur avec
pour objectif : atteindre une certaine perfection. Ces réformes sont dues à la crise
économique de ces dernières années, aux changements du contexte national et
international et enfin au processus d’évolution de l’Etat dans la décentralisation et la
participation collective. Ces réformes ont pour but final de favoriser la poursuite du
développement et de la qualité des services, de garantir le soutien financier du
système et éliminer les inégalités qui pourraient encore exister dans le recours aux
services dans certaines régions ou pour certains groupes de population. Ces réformes
sont basées sur certains piliers tels que l’intersectorialité (agir sur tous les secteurs),
la multidisciplinarité et la participation de la population. En plus de ces éléments, les
cubains ont établi diverses stratégies pour développer leur système :
169
-
la réorientation du système de santé vers les soins de santé primaires (en
privilégiant l’apport de ressources matérielles aux médecins et aux infirmières
de la famille et en développant la participation de la communauté)
-
la revitalisation des hôpitaux (pour une mise au point économique du travail
hospitalier en vue d’accroitre la qualité de l’attention médicale, l’efficience du
travail et la satisfaction de la population)
-
la réanimation des programmes de technologie de pointe des instituts de
recherche
-
le
développement
du
programme
médicament
et
médecine
naturelle
traditionnelle (nécessité de production de médicament et nouveau regard sur la
médecine traditionnelle)
-
l’attention portée aux éléments vitaux du système (la stomatologie et la santé
buccale, l’optique, le système des urgences médicales et notamment lors des
situations exceptionnelles : cyclones).
Cuba a organisé son système de santé en le faisant reposer sur une gestion
administrative rigoureusement encadrée. Le pouvoir central a beaucoup délégué afin
que les populations ne se sentent pas éloignées de ceux qui décident.
B/ UNE STRUCTURATION ENTIEREMENT ADMINISTRATIVE
Le système de santé est structuré en trois niveaux correspondant à la division
administrative du pays : les niveaux national, provincial et municipal. A ces différents
niveaux, il faut également ajouter le niveau local. L’assemblée nationale du pouvoir
populaire (parlement), l’assemblée provinciale et l’assemblée municipale fonctionnent
en commission de travail. Le niveau national est représenté par le ministère de la
170
santé publique (MINSAP)96, chargé de la méthodologie, des normes, de la
coordination et du contrôle. Le niveau provincial est représenté par des directions
provinciales de la santé, subordonnées administrativement et financièrement au
conseil d’administration provincial du pouvoir populaire. Quant au niveau municipal, il
est constitué par les directions municipales de la santé publique dépendant des
conseils d’administration municipaux. L’activité de ce troisième niveau se concentre
sur les polycliniques et les aires de santé qui constituent l’unité géo-administrative de
base. Les conseils des différents niveaux constituent les organes de coordination
intersectorielle afin de réaliser une véritable décentralisation, participation sociale et
mobilisation des ressources.
C/ UNE ORGANISATION ECHELONNEE
Le premier échelon ou atencion primaria de salud (soins de santé primaires) concerne
les 30000 consultations du médecin et de l’infirmière de famille (mis en place en 1984
et dont l’objectif vise la disponibilité d’une consultation pour 600 à 700 patients et une
approche délibérément centrée sur la famille et
la communauté) et les 440
polycliniques réparties dans tout le pays. La consultation du médecin et de l’infirmière
de la famille étroitement articulée à la polyclinique constitue le noyau de base du
système de santé. Le domaine de la atencion primaria couvre les dimensions de
promotion, de prévention et curatives que l’on retrouve dans les différentes structures
telles que le foyer maternel, le centre de santé mentale, le centre d’accueil de jour
pour personnes âgées, mais également la polyclinique et certaines consultations de
services hospitaliers.
96
Minsap : ministerio nacional de la salud publica.
171
Le deuxième échelon compte 442 polycliniques (soit 1/25200 habitants) réparties
dans 169 municipalités. Premier relais pour le médecin et l’infirmière de la famille. Les
relations entre médecins de famille et spécialistes des cliniques sont très étroites et
les contacts sont quotidiens (connaissance de la population, réponse aux demandes
des médecins de la famille, statistiques). La polyclinique est considérée comme le
centre opérationnel de la première ligne pour une aire de santé dont la population
moyenne est de 20 000 à 30 000 habitants. Ce sont aussi les polycliniques qui
assurent les fonctions de soins, de support technique, de support formatif,
d’encadrement et d’évaluation. Les polycliniques ont permis la réduction des
consultations hospitalières et le désengorgement des urgences de l’hôpital.
Le troisième échelon est constitué par un ensemble d’instituts de recherche. En effet,
depuis quelques années, cuba s’intéresse à la recherche dans de nombreux
domaines tels que ceux du sida, cancer. La recherche dans le domaine psychiatrique
et dans celui de grossesse à risque pour certaines femmes sont en plein
développement.
Ce sont donc ces réformes, cette structuration et cette organisation qui sont à la base
de la réussite de cuba en matière de santé. Nous constatons que le plus important à
Cuba c’est la formation des hommes et des femmes en quantité mais aussi en qualité.
La transmission de l’information et des savoirs est fortement encouragée. En effet,
pour maintenir un système entièrement financé par l’Etat avec une telle couverture
territoriale et une accessibilité maintenant la gratuité des soins, un investissement
dans les ressources humaines s’avère plus que nécessaire. C’est ce qui a été fait, les
autorités ont donc pu envoyer dans les endroits les plus reculés de l’île des hommes
et des femmes pour prendre soin de la population. Cette proximité entre les
professionnels de santé eux-mêmes et entre le professionnel et la population
172
contribue énormément à la réussite cubaine dans le domaine de la santé. Cuba à
défaut d’être une puissance économique ou militaire ambitionne d’être une
« puissance médicale » selon le vœu du président Fidel CASTRO RUIZ.97
II - LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE CUBAINS
Concernant la formation des personnels de santé, nous nous intéresserons à la
formation des infirmiers/infirmières et à celle des médecins.
A/ LA FORMATION DES INFIRMIERES/ INFIRMIERS CUBAINS
1) LES DIFFERENTES CATEGORIES D’INFIRMIERES
A cuba, l’on distingue deux catégories d’infirmières selon le type de formation reçue :
-
la formation de base (infirmière technicienne, 3 ans d’étude)
-
la formation universitaire qui existe depuis 1980 (infirmière licenciée, 5 ans
d’étude).
Le cursus scolaire est constitué d’une obligation scolaire à l’âge de 6 ans (l’école
maternelle n’est pas obligatoire). L’école primaire ou basicas se déroule entre 6 et 12
ans et le secondaire ou secundarias se fait de 12 à 15 ans.
Le corps infirmier cubain est donc constitué de 22% d’infirmières licenciées et de 78%
d’infirmières techniciennes. Ces dernières au nombre de 67 000 actuellement
travaillent dans de nombreux secteurs tels que la dentisterie, les laboratoires cliniques
97
Allocution prononcée par le président cubain le 17 octobre 2002.
173
et de microbiologie, la pharmacie, les statistiques de santé, l’épidémiologie et
l’hygiène et enfin, le travail social.
Le pays dispose de 24 instituts polytechniques de santé où se forment les infirmières,
14 instituts polytechniques de santé uniquement de soins infirmiers et de 2 écoles de
formation pour cours accélérés. Ce sont donc 40 établissements (8 en 1958) à travers
le pays qui ont pour mission de former les infirmières cubaines, nous sommes bien
loin des deux instituts de formation que compte la Côte d’Ivoire. Nous pouvons aussi
constater qu’un travail important a été réalisé dans le secteur en 50 ans à cuba, ce qui
n’a pas été le cas en Côte d’Ivoire sur la même période.
Le pays faisant face aujourd’hui à une carence en personnel infirmier (besoin
immédiat de 2000 agents), due à différents facteurs tels que la création de nouveaux
services médicaux et de santé, le choix des jeunes pour d’autres professions, les
conditions souvent difficiles de travail. Face à cette situation, le gouvernement cubain
a décidé d’inciter les jeunes à s’intéresser à cette profession, pour cela, il a inauguré
deux écoles de formation accélérée ou école de formation « d’urgence » des
infirmières.
2) LA FORMATION DES INFIRMIERES / INFIRMIERS CUBAINS : ACCES ET
DEROULEMENT
Cuba comptait 8 modestes écoles d’infirmiers en 1958, elle compte aujourd’hui 24
instituts polytechniques de santé où se forment des infirmiers, 14 instituts
polytechniques de santé uniquement en soins infirmiers et 2 écoles pour cours
accélérés, soit un total de 40 centres de formation de personnel infirmier.
174
a- L’accès à la formation
Depuis quelques années, les différentes écoles forment de jeunes étudiants à la
profession de manière rapide. Les étudiants commencent leur formation à l’âge de 1516 ans, donc au secondaire, pour une durée de deux ans. Au terme de cette
formation, ils acquièrent le diplôme de technicien moyen avec baccalauréat. Nous
constatons que le jeune âge de l’étudiant n’est pas un handicap à la formation. C’est
donc pour cette raison que nous proposerons plus loin dans notre travail que les
autorités ivoiriennes reviennent sur les conditions d’accès des jeunes à l’Infas. En
effet, les jeunes ivoiriens pouvaient accéder à l’école avec le niveau de la classe de
troisième il y’a quelques années. Aujourd’hui, il leur faut le baccalauréat pour entrer
dans cet institut (comme en France). Nous jugeons que pour un pays comme le nôtre,
qui a besoin de personnel infirmier, demander à des jeunes de famille souvent
modeste d’obtenir le baccalauréat avant d’entrer à l’Infas, c’est poser sur leur chemin
des obstacles souvent infranchissables. La majorité légale étant passée de 21 à 18
ans en Côte d’Ivoire, nous pensons que si les autorités jugent que les jeunes de 18
ans sont assez responsables pour choisir leurs dirigeants (président, députés, maires)
et répondre de leurs actes devant les juridictions, alors ils le sont aussi pour recevoir
une formation et travailler pour leur pays. Soyons francs, combien de nos jeunes
atteignent la terminale et obtiennent le baccalauréat ? Il ne faut pas faire de ces
jeunes des laissés-pour-compte.
Le niveau de la classe de troisième offrira une chance à de nombreux jeunes dont les
parents n’ont pas les moyens pour les suivre et les guider jusqu’à l’obtention du
baccalauréat, d’autant plus que l’école pour l’instant n’est pas gratuite dans notre pays
malgré les nombreuses promesses des hommes politiques.
175
b- Le déroulement de la formation
Les étudiants vivent en internat (plus de souci de résidence et de transport). Les
journées commencent à 5h et se terminent à 23h, entrecoupées de périodes de repos,
de repas, de loisirs et d’activités culturelles.
La première activité qui débute à 6h est une activité politique (régime politique de l’île
oblige) suivie des cours et stages. Les sessions théoriques se déroulent plutôt le
matin et les stages ont lieu l’après-midi, nécessitant des déplacements à l’extérieur de
l’école (tous les déplacements des étudiants sont assurés par des bus scolaires, ce
qui représente une autre difficulté en moins). Encore une chose importante que nous
devons souligner, c’est le fait que tous les étudiants des instituts cubains bénéficient
d’une bourse d’étude du gouvernement.
Sur 1050 étudiants inscrits en 2001, 741 infirmiers/infirmières sont diplômés, ils
poursuivent leur formation en travaillant dans un service de deuxième ligne à La
Havane. Cours théoriques et stages pratiques sont étroitement liés avec un système
d’encadrement (« tuteur »), de personnel soignant qualifié détaché pour cette fonction.
Un lien étroit est entretenu entre les praticiens et le personnel académique. Après une
durée de travail de 3 ans dans les hôpitaux, les infirmières peuvent poursuivre leur
formation à l’université et obtenir le diplôme de licencié en soins infirmiers.
Concernant la formation, le problème est le même à cuba et en Côte d’Ivoire, la
documentation pose problème. Les étudiants des écoles de formation d’infirmiers
cubains se plaignent de l’inexistence de rapports, livres, documents et dossiers
pouvant les aider au cours de leur formation.
176
B/ LA FORMATION DES MEDECINS A CUBA
1) PRESENTATION DU SYSTEME DE FORMATION DES MEDECINS CUBAINS
a- Les structures : les écoles de médecine
A cuba, les facultés de médecine portent le nom d’école de médecine. Le premier
constat que nous pouvons faire, c’est qu’elles existent en très grand nombre, ce qui
permet donc d’accueillir un nombre impressionnant d’étudiants.
-
Des structures en très grand nombre
S’agissant des structures de formation des médecins, nous pouvons constater que par
rapport à 1959 où il n’existait qu’une seule école de médecine, le pays compte
actuellement 21 écoles de médecine, un institut des sciences médicales, 21 filiales et
plus de 2220 établissements de soins qui sont aussi des centres universitaires. A côté
de ces établissements de formation supérieure, 12 facultés forment spécialement des
infirmiers, infirmières et techniciens de santé. Ces différentes structures accueillaient
en 2007 près de 159000 étudiants selon le ministère cubain de la santé.
Mais pour rendre la formation des médecins beaucoup plus proche des populations,
les autorités cubaines ont décidé il y’a quelques années de
se servir des
polycliniques dont nous avons précédemment parlé comme centres d’études
universitaires, ce qui constitue une révolution dans l’enseignement médical. Les
étudiants en médecine dès la première année se retrouvent sur le terrain et étant
donné que les polycliniques se trouvent partout sur le territoire, on peut dire que les
autorités cubaines ont fait de la proximité entre le personnel médical et la population
leur plus grand défi. Aujourd’hui, lorsqu’on voit les bons résultats du système de santé
177
cubain, on se rend compte que c’est cette proximité qui en est à l’origine. Enfin pour
terminer, nous devons dire que le pays a le mérite d’avoir crée des structures de
formation médicales dans toutes les villes et communes du pays, ce qui a favorisé la
couverture totale du territoire national.
-
Une capacité d’accueil impressionnante
S’il y’a une chose qui attire l’attention lorsqu’on parle de l’enseignement supérieur à
cuba de manière générale ou de la formation des médecins en particulier, c’est bien
l’impressionnante capacité d’accueil des établissements cubains. Lorsqu’on prend
toutes les filières universitaires cubaines, on dénombre près 600 000 étudiants. Les
différentes écoles de médecine comptaient quant à elles près de 40 000 étudiants en
octobre 2002. Les étudiants cubains représentaient plus de 50% de ce chiffre et le
reste revenait aux milliers de jeunes venus de pays étrangers dont 6000 pour l’école
latino-américaine de sciences médicales (des jeunes étudiants issus en majorité des
pays d’Amérique latine) et des centaines de jeunes Africains, Haïtiens et du reste des
Antilles. Ce sont donc près de 20 000 étudiants venant de plus de 80 pays à travers le
monde qui viennent se former à Cuba. Il arrive parfois que l’on retrouve parmi ces
étudiants quelques américains, même s’ils sont en général issus des communautés
afro-américaine, asiatique et latine, le symbole reste tout de même fort. Nous
constatons donc que les infrastructures mises en place par les autorités cubaines
depuis le début de la révolution ont permis d’accueillir et de former des milliers de
jeunes étudiants cubains et étrangers. En plus, les structures cubaines permettent
dans les écoles de médecine d’accueillir lors des cours magistraux des groupes de
120 étudiants et lors des travaux dirigés, les enseignants ont à leur charge un effectif
vraiment réduit (30 étudiants). Avec ce système il n’y a aucun doute sur la qualité de
l’enseignement donné et sa compréhension par les étudiants d’autant plus que tous
178
les étudiants vivent en résidence universitaire et que les livres et fournitures
universitaires sont prêtés par l’école de médecine et doivent être rendus en fin
d’année. Le système d’enseignement cubain essaie d’éviter de mêler étude et
politique, mais chaque année, les étudiants choisissent les dirigeants de leur
organisation (FEU : la fédération des étudiants universitaires). Ces élus sont
automatiquement membres du conseil de gestion de l’institution au sein de laquelle ils
étudient. Le représentant des étudiants en médecine participe régulièrement à des
réunions avec les différents ministres de la santé et de l’enseignement supérieur afin
de discuter de leurs problèmes et de leurs besoins. Ces différentes rencontres entre
autorités politiques et académiques d’une part et les étudiants d’autre part permettent
ainsi d’éviter incompréhensions et malentendus. C’est ce genre de dispositif que nous
devons mettre en place en Côte d’Ivoire et faire fonctionner de façon correcte, nous
ne pouvons et nous ne devons pas invoquer le manque de moyens pour justifier notre
incapacité à former de nombreux médecins chez nous. Comme nous ne cessons de le
répéter, c’est la volonté humaine qui permet de réaliser de grandes choses. Cuba est
et demeure un pays du tiers monde comme la Côte d’Ivoire, son histoire récente avec
l’embargo américain qu’il subit depuis des années n’a pas empêché ce pays de se
hisser à la première place de la « production de médecins et de personnels de santé »
dans le monde avec les meilleurs indicateurs en
matière de santé. Les pouvoirs
politiques et publics de l’île se sont réellement préoccupés de la santé de leurs
populations et ont cherché avec leurs maigres moyens à satisfaire les besoins dans le
secteur. Nous devons nous inspirer de ces actes afin de réaliser le bonheur de nos
étudiants et de nos populations. Cette réalisation du bonheur repose à Cuba comme
en Côte d’Ivoire non seulement sur les pouvoirs publics mais aussi sur le personnel
179
enseignant. Personnel qui pour réussir sa mission doit être conscient de son rôle dans
le développement de la société.
b- Le personnel enseignant
A Cuba, les cours de médecine sont dispensés par des enseignants titulaires d’une
part et par des non titulaires d’autre part.
-
Les enseignants titulaires
Les enseignants titulaires de médecine sont des professeurs des universités qui sont
comme dans presque tous les pays du monde médecins, chirurgiens, spécialistes ou
biologistes des hôpitaux. Ils sont aussi pour les plus qualifiés d’entre eux les chefs des
différents services hospitaliers.
Ces enseignants ont été en grande partie formés
dans le pays et depuis la révolution leur nombre ne cesse d’augmenter.
-
Les enseignants non titulaires
Les enseignants non titulaires à Cuba sont des agents temporaires dont l’activité
première n’est pas l’enseignement. Ils sont en général chef de clinique des
universités, assistants des hôpitaux (discipline clinique ou discipline biologique). Toute
personne qualifiée dans un domaine ayant un rapport avec la médecine peut être
enseignant non titulaire de médecine. Il suffit seulement que son domaine d’activité et
ses compétences puissent servir la santé.
Ce sont donc près de 12000 enseignants (titulaires et non titulaires) qui exercent dans
le secteur de la santé à Cuba. Ces enseignants se répartissent entre les 21 facultés
de médecine, les 12 facultés qui forment les infirmiers, infirmières et techniciens de
santé et enfin, les 2220 centres de soins du pays qui servent de lieu de stage et de
formation aux 159 000 étudiants (toutes filières confondues) du pays.
180
2) L’enseignement au sein des écoles de médecine
Depuis la révolution, les choses ont beaucoup évolué à cuba. La formation des
médecins a radicalement changé. Avant la révolution, les cours étaient dispensées à
des centaines d’étudiants dans des salles exigües. Les cours pratiques étaient réduits
à leur plus simple expression. Il était possible qu’un étudiant en médecine termine son
cursus sans avoir une seule fois au cours de sa formation examiné un malade,
participé à un accouchement. Les programmes visaient notamment l’action curative
du patient et l’exercice privé de la profession sans prendre en considération les
problèmes de santé que rencontrait le pays. Le mot prévention n’était pratiquement
pas mentionné.
Avec la révolution, les choses ont été faites autrement. Les pouvoirs publics ayant
décidé de mettre en œuvre une médecine beaucoup plus proche des populations, il
était donc urgent de bien former des jeunes capables dès la première année de se
rapprocher des patients.
a- Un enseignement divisé en trois cycles
L’enseignement dans les écoles de médecine à cuba est divisé en trois cycles de
deux ans chacun.
-
Le premier et le second cycle
Dès le premier cycle, avec les cours d’amphithéâtre et les travaux dirigés, les
étudiants se rendent déjà aux côtés des malades. Ils participent aux soins mineurs
dans les polycliniques, les dispensaires et même les maternités sous la direction des
enseignants et du personnel infirmier. A l’issue de cette formation de deux ans et la
181
validation des 8 matières qu’il a par semestre pour le premier cycle, l’étudiant obtient
le diplôme de travailleur sanitaire. Ce premier diplôme constitue à lui tout seul une
différence majeure avec le système de formation ivoirien et par ricochet français.
L’étudiant désireux de poursuivre sa formation de médecin accède au second cycle
qui dure aussi deux ans avec 6 matières par semestre. En plus des cours, les travaux
dirigés s’effectuent pendant plus de temps dans des hôpitaux plus importants, toujours
sous la direction des enseignants et des personnels infirmiers licenciés. Au terme de
ce cycle de formation, l’étudiant obtiendra le diplôme d’infirmier. Ici il aura donc la
possibilité s’il veut commencer à travailler de le faire en tant qu’infirmier ou même en
effectuant une année supplémentaire en institut de formation en soins infirmiers. Il
décrochera son diplôme de licencié en soins infirmiers.
-
Le troisième cycle
Le troisième cycle est l’aboutissement en ce qui concerne les études. L’étudiant ayant
déjà obtenu deux diplômes devra valider ces études au cours de ces deux années qui
composent le cycle. Ici, le futur médecin exerce pratiquement avec toutes les
prérogatives du médecin. Mais sa carrière commencera obligatoirement à la
campagne. Cette période de deux années en tant que médecin en zone rurale est
perçue comme un stage qu’il faudra à tout prix valider pour prétendre à autre chose.
En effet, ces deux années à la campagne sont nécessaires pour pouvoir entreprendre
des études de spécialisation. On a l’impression que pour les autorités, les nouveaux
médecins doivent faire leur preuve pour prétendre à une spécialisation.
La réussite du système cubain de formation des médecins repose il est vrai sur les
nombreuses structures que l’on retrouve à travers tout le pays mais aussi sur le
nombre important d’étudiants pouvant être formés par les écoles de médecine.
Chaque année, ce sont plus de mille médecins qui sortent de ces écoles, ces chiffres
182
sont le fruit des efforts importants consentis par les autorités depuis la révolution. On
nous dira que le système politique cubain est en grande partie responsable de ce
succès. Mais nous pensons utile de rajouter que ce sont aussi les hommes qui
permettent de réussir de telles choses. La volonté, l’intégrité et le dynamisme de la
population ont permis en grande partie de construire un système aussi performant.
b- Les avantages du système cubain
Le système cubain offre incontestablement certains avantages pour les jeunes
étudiants formés et pour toutes les populations. La durée des études est de six ans.
Cette durée nous parait raisonnable au vu de l’évolution de la médecine et des
techniques d’apprentissage. La possibilité d’obtenir un diplôme intermédiaire ainsi que
l’obligation de pratiquer dans le pays et la formation permanente des médecins
retiennent notre attention.
-
La possibilité d’obtenir un diplôme intermédiaire
Contrairement au système ivoirien de formation des médecins où il faut attendre la fin
de la troisième année d’étude pour que l’étudiant se sente à l’abri d’une éventuelle
exclusion définitive de la faculté, le système cubain lui offre la possibilité aux étudiants
d’obtenir des diplômes intermédiaires tout au long de leur cursus. En effet, les six
années d’études étant divisées en trois cycles de deux ans, à la fin de chaque cycle,
l’étudiant obtient un diplôme. A la fin du premier cycle, l’étudiant se voit délivrer le
diplôme de travailleur sanitaire, une fois le deuxième cycle terminé, il devient infirmier
et au terme du troisième cycle, il obtient son diplôme définitif de médecin. Les deux
premiers diplômes obtenus à la fin du premier et second cycle permettent donc à
l’étudiant qui n’arrive pas au terme de sa formation de pouvoir prétendre à un emploi.
183
Ainsi, contrairement à la Côte d’Ivoire, l’étudiant ne se retrouvera pas à la rue à ne
rien faire, il aura la possibilité d’intégrer un service sanitaire pour y faire valoir ses
compétences. C’est aussi la même chose pour les infirmiers cubains qui peuvent
obtenir une licence en soins infirmiers et par la suite s’inscrire dans une école de
médecine. Nous pouvons constater que le système cubain fait tout pour garder les
jeunes dans le secteur de la santé d’une part parce qu’il en a besoin et d’autre part
parce que le but d’une formation universitaire n’est pas d’anéantir des générations de
jeunes comme c’est malheureusement le cas chez nous, mais plutôt d’assurer l’avenir
d’une nation.
-
L’obligation d’exercer dans les zones rurales pour les nouveaux médecins
Une fois ses études terminées, l’étudiant cubain avant toute prétention à une
formation de spécialiste doit obligatoirement exercer dans les zones rurales du pays.
Pour nous, cette obligation signifie une chose très importante, à savoir que tous les
nouveaux médecins cubains obtiennent un emploi à la fin de leurs études. Cette
obligation participe aussi à nos yeux à la réussite du système de santé de cuba.
Débuter sa carrière dans les zones rurales, loin des fastes et du luxe des grandes
villes forge sans aucun doute un caractère. Cette obligation faite aux nouveaux
médecins participe au besoin de rapprocher les médecins des populations. Cette
proximité entre le corps médical et les populations s’exprime à travers le
« consultario », sorte de petite clinique au rez-de-chaussée de laquelle se trouve le
cabinet médical, au premier étage l’appartement du médecin et au deuxième celui de
l’infirmière. Faire débuter les nouveaux médecins à la campagne engendre une
concentration de médecins même dans les régions les plus éloignées du pays, ce qui
fait qu’aucun cubain ne vit à plus de vingt minutes d’un consultario, donc d’une équipe
médicale.
184
En Côte d’Ivoire comme dans le reste de l’Afrique, nous formons très peu de
médecins par an. Pour exemple, selon l’ancien président cubain Fidel CASTRO,
l’Afrique subsaharienne avec 700 millions d’habitants compte 50 000 médecins alors
que son pays avec ses 11 200 000 habitants en compte 70 000. L’absence des
médecins dans les régions les plus reculées de la Côte d’Ivoire est due au refus des
nouveaux médecins de se rendre dans ces régions parce que craignant de ne pas
disposer de toutes les commodités de la vie. En plus, pour nos jeunes, une grande
carrière se bâtit dans les grandes villes. Nous pensons qu’il est tant que les autorités
compétentes prennent toutes les dispositions pour que le système de santé se
rapproche des populations les plus éloignées qui sont parfois les plus défavorisées.
Nous devons tout mettre en œuvre pour que la santé soit au quotidien avec les
populations des villes et villages de l’intérieur du pays. Si nous voulons un système de
santé efficace, il faut que nous sachions que certains sacrifices sont nécessaires, les
futurs médecins doivent apprendre à se mettre au service des populations. Nous
pensons très sincèrement qu’il est temps de prendre des dispositions obligeant les
nouveaux médecins et agents de santé à commencer à exercer dans les zones
rurales comme à cuba. Dans le même ordre d’idées, travailler en ville ou dans les
villages ne doit pas être un handicap à la formation permanente des personnels de
santé. Cuba oblige tous ses médecins sans exception à suivre une formation
permanente, ce qui est loin d’être le cas chez nous où une fois le titre de docteur en
médecine obtenu aucun perfectionnement n’est envisagé.
-
La formation permanente pour tous les médecins sans exception
Un autre élément que nous considérons comme étant un avantage du système de
formation des médecins cubains, c’est la formation permanente dont bénéficie tous les
médecins mais aussi les professionnels de santé du pays. Cette formation
185
permanente se traduit par des cours de perfectionnement, des séminaires, des stages
à cuba ou à l’étranger. Ainsi, plus de 25 000 professionnels de la santé font des
maîtrises, quelques 11 000 à Cuba, 13 000 au Venezuela et le reste dans d’autres
pays. Actuellement, le pays dispose de 574 docteurs ès sciences et compte bien
augmenter ce chiffre.
Une formation initiale parfaite fait un médecin, mais c’est la formation continue qui fait
un bon médecin. Nul médecin ne peut se contenter de ce qu’il a appris à la faculté, il
doit tout au long de sa carrière entretenir les connaissances acquises, les parfaire et
en acquérir de nouvelles. Le gouvernement cubain qui sait que le maintien de la
réussite de son système de santé passe par un entretien et un perfectionnement des
connaissances de ses médecins a pris toutes les dispositions pour que les médecins
et agents de santé bénéficient d’un système de formation permanente. Les ivoiriens
nous l’avons déjà dit invoquent le manque de moyens, la mauvaise foi de certains
hauts fonctionnaires pour masquer l’absence de mécanisme étatique de formation
permanente. Nous savons qu’en Côte d’Ivoire, il arrive que des médecins ou agents
de santé paient de leur poche leur perfectionnement parce que les pouvoirs publics
sont défaillants en la matière. En somme, si Cuba réussit brillamment dans le secteur
de la santé, c’est parce que les médecins cubains qu’ils soient aux pays ou à
l’étranger ne terminent jamais vraiment leur formation. On peut dire que c’est le
système politique plus ou moins contraignant qui oblige les médecins cubains à
travailler dans ces conditions, sous peine de sanctions, mais comme nous n’avons
cessé de le dire tout au long de notre travail, ce sont les menaces de sanctions qui
font avancer les choses sous les tropiques. Si les cubains acceptent de travailler dans
ces conditions, c’est par amour pour leur pays et pour garder la place importante qui
est la leur dans le domaine de la santé. Si le pays détient les meilleurs indices au
186
monde en matière de santé (formation, nombre de personnel, qualité des soins, bonne
espérance de vie, faible taux de mortalité et proximité entre populations et médecins)
alors qu’il subit depuis plus de 40 ans un embargo très dur, c’est parce que les
autorités politiques et administratives se sont fixées des objectifs, les ont atteints et
ont décidé de s’y maintenir. Ce que Cuba a réalisé en matière de santé doit servir
d’exemple aux autorités ivoiriennes et à tous les autres pays du continent qui aspirent
à se prendre réellement en charge en ce qui concerne la santé de leur population. Il
est temps pour les Africains d’apprendre à voler de leurs propres ailes, parce que
comme nous le savons, dépendre des autres n’assure pas la liberté. Cuba a su
montrer qu’avec peu de moyens, l’on peut décider de ne plus tendre la main aux
puissants mais s’inscrire avec eux dans une relation où le respect et la dignité
primeront. C’est donc pour favoriser ce nouveau partenariat nord/sud que nous nous
permettrons dans le chapitre qui suit de proposer aux autorités ivoiriennes des
solutions. Nous ne voulons absolument pas passer pour les donneurs de leçons, mais
nous voulons contribuer au changement des mentalités dans notre pays. Les choses
ne peuvent rester comme elles sont. La santé est ce qu’un peuple a de plus cher,
avant même la liberté, la bafouer serait condamner ce peuple à vivre sans espoir
d’avenir.
Il nous faut tout de même mentionner un fait très important à cuba. L’absence de droit
médical reste un véritable handicap pour un système de santé qui se veut moderne et
égal aux différents systèmes occidentaux. Le régime politique d’une part et la volonté
des dirigeants de se maintenir au pouvoir sont les deux principaux obstacles à la mise
en place de toutes sortes de droits au sens occidental du terme. Il n’est pas possible
de vouloir le bien-être physique de son peuple et du même coup, le priver de certains
éléments qui contribuent largement à ce bien-être. Le système de santé cubain pour
187
être beaucoup plus performant a besoin de bonnes règles juridiques. Ainsi, il pourra
vraiment concurrencer de façon légitime et sans être remis en cause les systèmes de
santé européens et anglo-saxons.
188
CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS
Les solutions que nous proposerons ici concerneront d’une part la logistique
(infrastructures et matériel) et d’autre part, les problèmes humains, c'est-à-dire tout ce
qui est lié à l’action des différentes catégories de personnes concernées par la mise
en œuvre de la formation.
SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE
MATERIEL
I - LES INFRASTRUCTURES
Comme nous l’avons vu précédemment, nous savons que pour une meilleure
formation des médecins et agents de santé en Côte d’Ivoire, les autorités sanitaires
ont besoin de nouvelles structures. Pour nous, la délocalisation des organismes de
formation et la construction de nouvelles structures s’avèrent nécessaires pour
améliorer la formation.
A/ DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DE NOUVELLES STRUCTURES
Pour nous ici, le plus important est de mettre l’accent sur la construction de nouvelles
structures mais aussi sur la séparation des lieux de formation. C’est une donnée
historique résultant des circonstances de création et de promotion des différents corps
professionnels qui ont successivement intégré l’hôpital. Les aides-soignants(es) ont
leur école, les infirmiers et infirmières leur institut, tout comme les sages-femmes…
189
Les médecins viennent des facultés et le personnel administratif a été formé dans des
filières scolaires et universitaires générales et les techniciens dans les lycées
techniques ou de plus en plus, dans des instituts universitaires spécialisés98. En
suivant ces indications, notre pays fera d’une pierre deux coups : posséder de
nombreuses infrastructures sur le territoire national d’une part et rapprocher les
hommes de santé des populations qui vivent dans les zones les plus reculées du
pays. Au sein du ministère de la santé, c’est à la direction générale des moyens
(chargée de concevoir la politique de développement du système sanitaire au plan
des ressources humaines, des équipements et des infrastructures sanitaires, de veiller
à la mobilisation, à l’orientation et à la gestion rationnelles des ressources allouées à
la santé, elle anime et coordonne les activités des directions centrales placées sous
son autorité) qui devra effectuer ce travail. La Direction des Infrastructures, des
Equipements et de Maintenance devra elle se charger de réaliser des études pour la
construction, l’équipement et l’entretien des infrastructures sanitaires mais aussi, elle
assurera la programmation des investissements, le suivi et le contrôle des
programmes de construction et d’entretien des infrastructures. Si ce travail est
correctement fait en amont il n’y a pas de raison que la Côte d’Ivoire ne dispose pas
dans les années à venir d’infrastructures en grand nombre et de meilleure qualité.
1) DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DES CENTRES DE FORMATION
La Côte d’Ivoire est divisée en 19 régions administratives, et nous pouvons constater
que les trois écoles de formation des agents de santé du pays se situent dans le sud,
à Abidjan
98
(région des lagunes 34% de la population), dans le centre, à Bouaké
Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE. Réussir le changement de l’hôpital. Inter Editions, juin 1996. P 36.
190
(région de la vallée du Bandama 10,8% de la population) et pour la dernière dans le
nord du pays à Korhogo ( région des savanes 9,8% de la population).
Cette répartition découle de la volonté des autorités administratives et politiques de
rapprocher ces centres de formation des zones urbaines et rurales, ce qui aurait pour
conséquence de favoriser le développement des dites régions. Ces centres étant
installés dans des villes capitales régionales qui regroupent 54,6% de la population,
nous pouvons donc dire qu’une frange très importante des ivoiriens, population et
élèves ayant envie d’embrasser une carrière d’agent de santé sont bien loin de
toucher à leur objectif. Il est vrai que pour les autorités, un centre de formation dans
ces différentes capitales régionales devait permettre aux populations des autres
régions qui gravitent autour d’en profiter. Seulement, en Côte d’Ivoire comme dans de
nombreux autres pays africains, l’accès et l’hébergement pour les étudiants issus
d’une région donnée à une autre sont très difficiles. Ces trois grandes villes étant
situées sur le même axe, c’est avec désolation que nous constatons l’absence de
centre de formation dans le sud est et ouest, dans le centre est et ouest et dans le
nord est et ouest du pays. C’est vrai, dans nos pays Africains les moyens financiers
manquent, nous ne demandons pas qu’il y ait un centre de formation dans chaque
grande ville. Mais nous souhaitons qu’un effort soit fait afin que des villes telles que
San Pedro capitale de la région sud-ouest 3,6% de la population, Aboisso, capitale de
la région sud est 4,3% de la population , Abengourou capitale de région centre est
3,9% de la population, Bouna, capitale de la région nord est 6,8% de la population,
Odienné capitale de la région nord-ouest 2,2% de la population et enfin Man capitale
de la région centre ouest 9,1% de la population bénéficient chacune d’un centre de
formation des agents de santé. Ce serait, près de 84,5% de la population touchée, ce
qui permettrait à plus d’élèves de se rapprocher du métier d’agent de santé.
191
La jeunesse du pays d’une certaine façon ne sera plus obligée de descendre sur
Abidjan pour se préparer un avenir. L’accès d’une école devra être ouvert
prioritairement aux jeunes issus de la région où se situe l’école. Et à la fin de leur
formation, ces jeunes devront être les premiers à accéder aux hôpitaux et aux centres
de santé de leur région respective. Comme le fait Cuba, les agents de santé et les
futurs médecins devront exercer obligatoirement dans le pays pendant un ou deux ans
avant l’obtention définitive de leur diplôme. Cette mesure que nous proposons ne doit
pas être considérée comme arbitraire ou limitant les droits des individus concernés.
Elle doit plutôt être vue comme un service que doit rendre un citoyen à son pays.
Nous jugeons qu’il est tout à fait normal que des personnes formées par le pays
rendent à ce dernier un tel service. Il faut éviter de laisser partir nos jeunes médecins
et agents de santé fraichement sortis des écoles et universités vers l’étranger.
Les salles polyvalentes, les amphithéâtres, les laboratoires polyvalents, les salles
d’informatique, les bureaux, cafétéria et internats nécessaires a une meilleure prise
charge des étudiants devront être construits dans ces différentes régions. Les
pouvoirs publics pourraient même décider de repartir les centres de formation par
spécialité, ce qui permettrait de mieux gérer la formation de nos agents de santé.
2) UNE FACULTE DE MEDECINE DANS LES GRANDES VILLES DU PAYS
Pour ce qui est de la formation des médecins, nous déplorons le fait qu’un pays
comme la Côte d’Ivoire ait qu’une seule faculté de médecine. C’est vrai que mettre en
place des facultés de médecine nécessite beaucoup de moyens, financiers, humains
et logistiques. En Afrique, des pays comme le Nigéria, l’Afrique du sud, le Maroc et
l’Algérie possèdent plusieurs facultés de médecine et autant de grands hôpitaux. Alors
192
pourquoi notre pays qui rivalise avec ces nations sur le plan des richesses et sur le
plan économique ne peut-il pas se ranger
au même niveau qu’elles en ce qui
concerne le nombre et la qualité de ses facultés de médecine ? Tout n’est qu’une
question de gestion et de volonté des différents acteurs de la vie de la nation
Ivoirienne. Nous n’allons pas demander aux autorités politiques et administratives de
nous construire une faculté de médecine dans tous les coins du pays. Nous ne
voulons pas non plus que ces futurs bâtiments soient les plus grands et les plus
prestigieux du monde, ils devront simplement être mis en œuvre selon nos moyens.
Ces moyens nous savons que nous les avons et avec un peu de bonne foi, les choses
se réaliseront. Nous préconisons seulement que chacune des grandes villes
suivantes, Abidjan, Bouaké, Korhogo deviennent les futures bases de la formation des
médecins ivoiriens. A ce sujet, le président de la république monsieur Laurent
GBAGBO99 lors d’un discours à la jeunesse a affirmé vouloir fonder dix régions
universitaires s’il était réélu100. Ce grand projet s’il venait à voir le jour, permettrait au
pays de disposer de dix nouvelles universités composées de différentes facultés dont
celle de médecine. Nous espérons pour notre part que ces promesses du président ne
sont pas qu’électorales. L’ancien président Henri Konan BEDIE101 préconisait quant à
lui en 1995 qu’il était nécessaire et même impératif pour l’Etat de doubler d’ici l’an
2000 le nombre d’étudiants. Aujourd’hui en 2010, nous pensons que cette proposition
est plus que d’actualité. Pour ce faire, la réhabilitation des cités universitaires pour
offrir les meilleures conditions de vie et d’études s’avère nécessaire. La construction
de nouveaux centres universitaires autonomes doit être la priorité des autorités selon
le président BEDIE. Mais en raison des différences existant entre les régions, toutes
99
Laurent GBAGBO, président de la république depuis octobre 2000.
Discours du président de la république Laurent GBAGBO à la jeunesse, samedi 31 octobre 2009 à Yopougon
(commune d’Abidjan).
101
Henry Konan BEDIE président de la république de décembre 1993 à décembre 1999.
100
193
les universités ne peuvent pas tirer à effet égal un égal bénéfice de l’autonomie. Pour
monsieur BEDIE, l’Etat doit donc intervenir pour rétablir l’équilibre en accordant
davantage de moyens aux universités dont l’environnement économique n’est pas
porteur.102
Le choix des autorités pour l’implantation des instituts de formation des agents de
santé qui date de 1991 doit inspirer la répartition des futures facultés de médecine du
pays. Contrairement aux écoles de formation des agents de santé, la faculté qui est
une entité de l’université, restera universelle. C'est-à-dire que les étudiants provenant
de tout le pays pourront être orientés dans l’une ou l’autre faculté de médecine. Les
pouvoirs publics devront mettre les moyens afin qu’à l’issue de leur formation nos
médecins aient envie de rester au pays. Pourquoi ne pas instaurer une sorte de
contrat qui stipulerait que les futurs médecins ont obligation de travailler pour le
compte de l’Etat pendant un certain nombre d’années qui restent à déterminer. Et en
retour, l’Etat Ivoirien s’engagerait d’une part à leur offrir une rémunération à la hauteur
de la valeur de leurs longues études, et d’autre part, l’Etat devra mettre à leur
disposition tous les moyens pour accomplir leur mission dans les meilleures
conditions.
Ce sont les conditions de travail qui font défaut. S’il y’a un manque criard de médecins
et d’agents de santé c’est tout simplement pour une question de moyens. Nous avons
besoin de personnels de santé, nous devons donc créer les conditions du très bon
épanouissement de la profession en améliorant aussi la capacité d’accueil des
structures existantes.
102
Le Repère, vendredi 11 décembre 2009. Henri Konan BEDIE : « Comment je vais réhabiliter l’école
ivoirienne »
194
B/
AMELIORATION
DE
LA
CAPACITE
D’ACCUEIL
DES
STRUCTURES
EXISTANTES
L’amélioration
de
la
capacité
d’accueil
des
structures
existantes
passe
nécessairement par la multiplication des salles de cours, des amphithéâtres,
laboratoires etc… et par l’augmentation du nombre de logement devant recevoir
élèves et étudiants.
1) MULTIPLICATION DES SALLES DE COURS
Les différentes structures de formation déjà en activité ont des besoins qu’il faut
impérativement satisfaire.
La faculté de médecine d’Abidjan a du mal à contenir le nombre de ses étudiants.
Pour se faire une idée, il faut tout simplement imaginer une faculté où tous les
bacheliers du pays orientés en médecine se retrouvent chaque année.
Il faut agrandir la faculté de médecine, construire de nouveaux amphithéâtres et de
nouvelles salles de cours. Ces nouvelles infrastructures doivent non seulement tenir
compte du nombre d’étudiants déjà présent au sein de la faculté mais aussi, elles
doivent être mises en place en fonction du nombre d’étudiants susceptibles d’intégrer
la structure à long terme. Nous manquons de médecins, si nous décidons d’agrandir
et de moderniser notre faculté de médecine, cela doit aller de pair avec notre volonté
de former sérieusement plus de médecins.
Du côté de l’Infas, l’institut d’Abidjan et ses antennes de Bouaké et Korhogo ont
depuis quelques années élevé la voix auprès des autorités administratives et
politiques pour réclamer une amélioration de leur condition de travail. Cette
195
amélioration portait à l’époque sur la construction de salles polyvalentes,
d’amphithéâtres, de laboratoires, de bureaux pour les enseignants etc… mais avec la
crise de 2002, force est de constater que seul l’institut d’Abidjan tient encore debout.
Les antennes de Bouaké et Korhogo ont été saccagées. Il faudra donc pour ces deux
antennes tout reconstruire en y ajoutant le surplus demandé par ceux qui y travaillent.
La construction de salles de cours et d’amphithéâtres n’est pas la seule manière de
créer les conditions idéales de la formation des personnels de santé. Lorsqu’on prend
en considération l’implantation des structures et la provenance des élèves et des
étudiants, nous constatons un véritable mouvement de population à travers le pays. Il
faut donc prévoir l’hébergement de toutes ces personnes. Cet hébergement existe
depuis toujours, mais depuis quelques années, il est défaillant, il faut donc y remédier.
2) AUGMENTATION ET MEILLEURE REPARTITION DES LOGEMENTS
Pour bien étudier, il faut être dans de bonnes conditions. Autant les salles de cours et
les amphithéâtres doivent donner envie d’étudier, autant les bâtiments qui servent de
lieu de résidence aux élèves et étudiants doivent être agréables. En Côte d’Ivoire, il
existe plusieurs résidences universitaires pour les futurs médecins, toutes localisées à
Abidjan. Sur ces campus, les chambres construites depuis des années ont été
réhabilitées il y’a quelque temps pour certaines d’entre elles. Tous les étudiants sont
logés sans distinction de leur filière d’origine. Les étudiants en médecine doivent donc
partager les chambres existantes avec leurs amis des autres facultés.
Le problème, c’est que très souvent les chambres sont occupées par des personnes
qui n’y ont pas droit. On trouve un peu de tout sur nos campus : fonctionnaires,
étudiants d’écoles supérieures privées, des personnes totalement déscolarisées. Ces
196
personnes se retrouvent là tout simplement parce que certains étudiants officiellement
admis à résider sur le campus préfèrent sous-louer leur chambre. Ces étudiants ont la
possibilité d’habiter chez des parents en ville, alors pourquoi garder une chambre en
cité, lorsqu’on sait que certains étudiants qui viennent de l’intérieur du pays ne sont
pas logés sur les campus. Les autorités devraient tout faire pour répertorier ces
étudiants là et les privilégier dans la répartition des chambres.
Nous avons aussi le cas où un étudiant possède à lui seul deux chambres sur le
même campus ou sur deux campus différents, tout simplement parce que
d’intervention en intervention il a fini par obtenir deux chambres au lieu d’une alors
qu’il n’en a même pas droit. Tout cela est possible parce qu’il n’y a pas de contrôle
assez efficace quant à la répartition des chambres, et une fois celle-ci effectuée, il n’y
a pas de contrôle de gestion. Hier c’était l’administration universitaire qui était à
l’origine des magouilles, aujourd’hui avec la crise, ce sont les étudiants membres de la
Fesci103 qui attribuent et gèrent les chambres et les campus universitaires d’Abidjan
sans que les autorités ne disent mot. Les choses rentreront peut-être dans l’ordre,
puisque selon le président de l’université d’Abidjan, la Fesci vient de restituer 530
chambres104 occupées illicitement au CNOU105.
En ce qui concerne les élèves de l’Infas, qu’ils soient à Abidjan ou à l’intérieur du
pays, ils sont logés dans des internats. Pour ceux qui sont issus de la région où se
trouve l’école, le problème ne se pose pas vraiment. Pour les autres, les internats
représentent le lieu de résidence par excellence. Le nombre de candidats est
beaucoup plus important que le nombre de place disponibles. Les différents
responsables de ces écoles ont depuis quelques années demandé aux autorités de
103
FESCI : Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire.
Fraternité-Matin, mardi 4 mars 2008.
105
CNOU : Centre National des Œuvres Universitaires.
104
197
construire des internats pouvant recevoir les élèves Ivoiriens et étrangers. Depuis le
début de la crise politique dans le pays, nous pouvons imaginer le calvaire enduré par
une partie des élèves de l’Infas (les élèves de Bouaké et Korhogo qui ont dû venir sur
Abidjan pour continuer leur formation).
Nous recommandons aux autorités de tout mettre en œuvre pour que, chaque faculté
de médecine ou chaque institut de formation des agents de santé publique qui verra le
jour soit accompagné d’une résidence universitaire ou un internat pouvant recevoir au
moins la moitié des étudiants ou élèves orientés au sein dudit établissement. Nous
savons que cet effort peut être fait car le pays dispose d’énormes ressources très mal
réparties ou utilisées106. Nous pensons aussi que tout ne peut pas reposer sur le dos
de l’Etat, il faut s’adresser aux personnes physiques ou morales disposant de grands
moyens afin de réaliser des résidences et internats privés. C’est dans ce sens que le
ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a lancé le mardi
15 janvier 2008 un appel à manifestation d’intérêt pour la réalisation de résidences
universitaires privées à Abidjan et à l’intérieur du pays.
Construire et redistribuer les chambres, les salles de cours, et les lits des résidences
universitaires et des internats sont deux choses qui ne règleront pas définitivement le
problème de l’accueil des futurs personnels de santé, c’est pourquoi, nous
préconisons aussi que soit retiré à l’Etat le monopole de la formation des personnels
de santé en Côte d’Ivoire. Nous assistons depuis quelques années à la création de
nombreuses universités privées. Il est temps que nous mettions en place une
université privée de médecine et une école privée de formation des agents de santé
comme cela se fait dans certains pays développés.
106
Entre 1994 et 1998, le pouvoir a érigé une clôture autour du campus de l’université de cocody, l’objectif était
de contenir les étudiants en cas de manifestation anti-gouvernementale. Le coût de ce chef- d’œuvre : 600 millions
de F CFA (900000 Euros).
198
C/ RETRAIT DU MONOPOLE DE LA FORMATION A L’ETAT
Pour nous, parler de retrait du monopole de la formation des personnels de santé,
c’est lancer l’idée de la création d’instituts privés de la formation des agents de santé
d’une part et de facultés privées de médecine d’autre part.
1) FAVORISER LA CREATION D’INSTITUTS PRIVES DE FORMATION
Il est évident pour nous que l’Etat ne peut pas tout faire en Côte d’Ivoire, il ne peut pas
être sur tous les fronts. Les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement
supérieur ont de tout temps eu du mal à gérer les écoles, collèges, lycées, et
universités du pays malgré les 40 % du budget national qu’ils engrangent. C’est pour
cela que nous pensons qu’il est temps , comme pour les écoles, les lycées et collèges
privés qu’il a autorisés, et qu’il subventionne parfois, que l’Etat autorise des
organismes, des personnes morales ou même des personnes physiques ayant de très
grands moyens à mettre sur pieds des instituts privés de formation des agents de
santé en divers endroits du pays. Ces instituts pourront être montés sur le modèle
Français. La France compte des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) qui
forment les infirmiers, sages-femmes, aides-soignants etc.…
En France, il existe des instituts publics mais aussi privés. Concernant les instituts
publics, la formation est financée et prise en charge par l’Etat. Toutefois, les concours,
les frais d’inscription, le matériel et autres sont à la charge de l’étudiant. Au niveau de
la formation, les cours dispensés suivent un programme national selon une
organisation qui est propre à chaque Ifsi, et les stages s’effectuent en majeur partie
dans des hôpitaux publics sinon exclusivement.
199
Quant aux Ifsi privés, ce sont des instituts qui appartiennent à la Croix-Rouge
Française, à l’université catholique, à la fondation Léonie Chaptal etc.…
Sur les 330 Ifsi que compte la France, nous en avons 265 qui relèvent du public, 63
qui sont privés à but non lucratif (la précision est de taille) et 2 qui appartiennent à
l’éducation nationale.
Les cours dispensés dans ces instituts sont les mêmes que dans le public, l’institut
appartient à un groupe privé et les stages peuvent se faire aussi bien dans des
hôpitaux publics que dans des cliniques privées. Les étudiants qui accèdent à ces
instituts sont titulaires du baccalauréat et peuvent bénéficier de bourse ou d’aide
gouvernementale. Enfin pour terminer, les diplômes obtenus à l’issue de la formation
ont la même valeur que ceux des étudiants sortis du public.
Nous pensons que pour le bon fonctionnement d’un tel système, l’Etat doit apporter
sa contribution et son total soutien à ceux qui décideront de faire fonctionner ces
instituts. Des lois et des subventions doivent donc accompagner la naissance et
l’organisation de ces écoles. Il faudra aussi faciliter la coopération avec les pays déjà
avancés dans le domaine afin de faire de ces instituts non pas des concurrents de
l’Infas mais plutôt des alliés. Il faut que nos autorités donnent à nos universités et nos
instituts la place qui est la leur dans le système de santé. Les étudiants de ces
différents lieux de formation le revendiquent. Il est important pour eux d’être regardés
comme de vrais professionnels à la fin de leur formation. A l’Infas par exemple, les
syndicats infirmiers entament souvent des mouvements de grève pour obtenir
la
signature d’un décret portant sur le statut de grande école pour l’institut, c’est aussi ce
caractère que pourrait apporter les instituts privés de formation au système de
formation des agents de santé. A côté de cette revendication, il y’a aussi celle du
statut des infirmiers formateurs. Ces derniers souhaiteraient obtenir le statut
200
d’enseignant du secondaire avec un profil de carrière clair et motivant. Nous pensons
que la compétition entre différentes structures publiques et privées permettra de faire
ressortir la compétence et la valeur de nos agents de santé.
A côté des instituts privés de formation, nous proposons aussi la mise en place
d’universités privées de médecine.
2) FAVORISER LA CREATION D’UNIVERSITES PRIVEES DE MEDECINE
Cette proposition de création d’universités privées de médecine peut paraître un peu
déplacée pour un pays en voie de développement. C’est vrai que la mise en œuvre
d’une telle entreprise nécessite d’énormes moyens financiers, logistiques et humains.
L’Etat, dans certains domaines de l’enseignement supérieur a permis au secteur privé
de fonder des écoles afin de compenser son déficit dans les dits secteurs de
l’enseignement. Nous avons déjà dans le pays de très grandes écoles supérieures de
commerce, des universités privées de droit etc.…
La création de ces facultés privées de médecine sera d’un apport bénéfique en ce qui
concerne la compétitivité. Dans de nombreux pays, on voit éclore des facultés de
médecine privées, alors que leur majorité relevait jusque-là du domaine public. On
peut penser que ce phénomène continuera à se développer pour différentes raisons
selon les pays. Le besoin urgent de main d’œuvre médicale découlant de l’incapacité
des pouvoirs publics à satisfaire la demande, (Le nombre de diplômés en médecine
demeure insuffisant pour couvrir les besoins des populations, la fuite de près d’un
quart d’entre eux vers les pays riches n’est pas faite pour arranger les choses. La
SFI107 estime que dans les dix ans à venir, il faudra former 90000 médecins en plus
107
SFI : Société Financière Internationale.
201
de ceux déjà prévus)108 la délocalisation de la formation médicale par des pays riches
vers des pays émergents, le souci d’améliorer la qualité par l’émulation. Il ne s’agira
pas pour le gouvernement de simplement favoriser la création de ces facultés, il
faudra mettre en place une instance nationale de régulation sérieuse, qui avec l’appui
des pouvoirs publics s’imposera pour garantir un service d’égale qualité et de la
sécurité du public. Des normes spécifiques à la Côte d’Ivoire et conformes aux bonnes
pratiques reconnues internationalement devront être formulées et appliquées. Avec
des moyens permettant ainsi une plus juste appréciation de la performance,
notamment par un système d’accréditation, on peut s’attendre à un encouragement
vers une démarche de qualité, mais aussi à une lutte entre facultés de médecine pour
obtenir de l’ensemble des ressources disponibles une meilleure part pour leur
fonctionnement et leur développement.
Le financement peut provenir d’entreprises ivoiriennes, associées comme pour les
universités privées de droit à des enseignants de l’université d’Abidjan. En effet, ce
sont des professeurs de la faculté de droit des universités d’Abidjan et de Bouaké qui
ont monté ces universités de droit. Pour les universités privées de médecine, une fois
la structure établie, nous pensons que le personnel proviendra des nombreux
médecins et enseignants de la faculté de médecine sous-payés et désireux de gagner
plus.
Les bâtiments de l’université devront servir pour les cours théoriques, les hôpitaux
publics et les cliniques privées de la ville d’Abidjan pour les cours pratiques et les
stages. Etant donné que les universités privées de médecine auront du mal à mettre
sur pieds tout le dispositif nécessaire au bon fonctionnement d’une faculté de
médecine associée à un hôpital, nous pensons que dans un premier temps,
108
Jeune Afrique, Formation : lourde déficience en diplômés. Julien CLEMENCOT, du 15 au 28 août 2010, p 128.
202
l’université privée en accord avec le gouvernement utilisera les hôpitaux publics pour
dispenser les cours pratiques à ces étudiants. Ces mêmes hôpitaux serviront de
terrain de stage comme en France (les Ifsi privés qui envoient leurs étudiants en stage
dans les hôpitaux publics).
Les enseignants seront dans leur grande majorité issus de la faculté de médecine
d’Abidjan, de nombreux médecins seront sans aucun doute intéressés par cette
aventure. Les facultés de médecine du continent et celle d’Abidjan n’étant pas en
mesure de faire face aux grands défis qui les attendent, nous jugeons opportun de
mettre en place ces facultés privées de médecine dans le but de désengorger les
facultés publiques. La Côte d’Ivoire ne doit pas rester en marge de l’évolution. Elle a
déjà permis l’ouverture de facultés privées de droit, de grandes écoles d’économies et
de gestion etc… Alors, pourquoi s’arrêter là et ne pas relever ce nouveau défi comme
au Sénégal, au Cameroun ou au Tchad.
Toutes ces nouvelles structures privées (universités et instituts de formation) seront
bien évidemment sous la tutelle des pouvoirs publics. L’Etat aura pour mission de
faciliter la création de ces structures, il devra aussi valider et reconnaître les diplômes
délivrés par ces écoles et devra aussi faciliter l’accès des étudiants ivoiriens à ces
structures. En effet, les tarifs de formation devront être à la portée des étudiants, des
bourses d’étude devront venir en appui à certains étudiants n’ayant pas suffisamment
de moyens pour subvenir aux frais liés à leur formation.
Bâtir des structures pour la formation est nécessaire. Il y’a un autre élément que nous
ne devons pas omettre, c’est lui qui permet de conduire ladite formation jusqu’à son
terme. Cet élément, c’est le matériel.
203
II - LE MATERIEL
Un bon système de santé dépend de la qualité de la formation des agents censés
administrer les soins aux patients. Cette formation de qualité est obtenue grâce au
bon état du matériel de formation qui en même temps doit être conforme aux
avancées technologiques. L’acquisition de ce matériel doit faire l’objet en Côte d’Ivoire
comme dans de nombreux pays Africains d’une budgétisation sérieuse de son
financement.
A/ MISE A JOUR DU MATERIEL VETUSTE
Aujourd’hui, il suffit seulement de faire un tour à la faculté de médecine d’Abidjan,
dans nos instituts de formation et nos hôpitaux pour constater avec regret que plus
rien n’est en bon état. Des murs qui risquent de s’effondrer, des sièges qui manquent
dans nos salles de cours et nos amphithéâtres, des tableaux qui n’en sont plus, des
ordinateurs quasiment invisibles, des laboratoires qui ne méritent pas leur nom. C’est
vrai que la France, modèle par excellence de la Côte d’Ivoire vit dans certaines de ses
universités ce genre de problèmes. Mais il faut préciser que ce pays consacre 6700
Euros (près de 4500000 FCFA) par an et par étudiant, cela ne représente rien face à
la Suède un autre pays Européen qui consacre 10000 Euros par an et par étudiant
(près de 6500000 FCFA). Et loin devant, nous avons les USA avec plus de 20000
Euros par an et par étudiant (13 millions de FCFA même si ces fonds proviennent du
privé pour une bonne part).109
109
Thierry FABRE, comment sauver nos universités du désastre, capital, octobre 2006 p 26.
204
En Côte d’Ivoire, nous sommes incapables de chiffrer le coût annuel d’un étudiant, et
vue l’état général du pays, tout ce qui intéresse les autorités, c’est de savoir que les
universités fonctionnent. Où va la part du budget octroyée à l’enseignement supérieur
n’est pas un problème, quel est l’usage qui en est fait, peu importe. Dans nos pays
Africains, l’université fonctionne une fois que les enseignants sont payés et les
bourses versées aux étudiants. Nous ne cherchons pas encore à savoir pourquoi nos
universités, instituts de formation et hôpitaux sont en si mauvais état et souvent même
dangereux.
Lorsque le matériel existe, il est en très mauvais état. Il n’est pas rare de retrouver à la
faculté de médecine ou dans nos hôpitaux publics des appareils datant des années
60-70. La faculté de médecine construite pour sa plus grande partie au cours des
années 60 présente aujourd’hui des bâtiments aux murs fissurés, des laboratoires
d’expérimentation et de recherche dégradés. L’Infas d’Abidjan construit au sein du
plus vieux CHU du pays a fini par se confondre en tout cas en ce qui concerne son
aspect au bâtiment qui abrite ses locaux. Pour les antennes de Bouaké et Korhogo,
les locaux et le matériel ont été pillés depuis le 19 septembre 2002 par la rébellion
aidée d’une partie de la population de ces deux villes. Mais le drame pour nous, c’est
lorsque ce que nous considérons comme matériel de première nécessité manque
dans nos structures de formation. Les médecins à travers leur syndicat indiquent qu’il
est important que les établissements sanitaires du pays aient des plateaux techniques
améliorés, adéquats et de qualité. Les différents CHU, CHR et hôpitaux généraux du
pays ont des plateaux techniques obsolètes selon le syndicat et des dispositions ont
été prises en accord avec le gouvernement toujours selon le syndicat des cadres
supérieurs de santé pour que les plateaux techniques soient rénovés et restaurés. Ce
205
travail une fois effectué permettra aux personnels de santé de travailler
convenablement pour une meilleure prise en charge des patients110.
Nous proposons donc aux autorités qui considèrent l’achat de matériel neuf comme
difficile dans cette période de crise de faire l’effort de remettre à jour le matériel
existant. Le problème des murs et des structures provient du mauvais entretien et
dans certains cas de l’absence totale de propreté. Repeindre et nettoyer au quotidien
n’est pas la mer à boire, les moyens et les hommes peuvent être trouvés et mis en
œuvre pour satisfaire cet aspect du problème. C’est dans ce sens que nous retenons
la proposition du ministère de la santé. En effet, la direction de la promotion de
l’hygiène publique a décidé d’instituer désormais un concours annuel dénommé
« hôpital propre ». Selon le Pr Alexandre N’Guessan, directeur de l’hygiène publique,
l’insalubrité généralisée dans les hôpitaux et la gestion approximative des déchets
médicaux
constituent
une
source
d’infection
pour
les
patients
(infections
nosocomiales). Partant de ce constat, il est donc nécessaire d’instituer un concours
pour inciter les responsables des centres de santé à assurer la propreté de leur
établissement. « Il faut donc que les responsables des hôpitaux développent des
programmes de sensibilisation du personnel à l’usage de la blouse uniquement dans
les locaux de l’hôpital, veillent à la bonne désinfection des unités de soins et au
respect du code de procédure » pour le directeur de l’hygiène, la négligence de ces
règles élémentaires d’hygiène constitue pour les patients un danger. Il faut aussi
rappeler que selon l’OMS, 20% des déchets médicaux sont considérés comme un
facteur d’infection.111
Par contre, le problème devient plus délicat lorsqu’il s’agit du matériel technique de
formation, les différents appareils de haute technologie utilisés par les médecins au
110
111
L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008.
Le Patriote, jeudi 22 mars 2008.
206
cours de leur travail et par les étudiants et élèves lors de leur formation. Ces appareils
ont été achetés par l’Etat Ivoirien ou offerts à celui-ci par d’autres Etats ou
organismes. Il revenait donc aux autorités de tout mettre en œuvre afin que ces
appareils soient biens utilisés et entretenus, ce qui n’a apparemment pas été le cas.
Aujourd’hui, nous trouvons souvent du matériel de qualité inutilisable dans nos
hôpitaux et centres de formation. Aux autorités, nous disons que lorsqu’on acquiert du
matériel de qualité, il faut avoir en même temps des hommes qui maîtrisent l’utilisation
et la technologie nouvelle pour une bonne marche de l’appareil. Sans ces personnes
spécialement formées, tout médecin, étudiant ou agent de santé viendra toucher à
l’appareil sans véritable connaissance, ce qui à long terme provoquera inévitablement
le mauvais fonctionnement de l’appareil. Selon nous, d’une bonne formation des futurs
médecins et agents de santé en amont, résulte une bonne formation des personnels
censés piloter et entretenir le matériel de qualité et les locaux hospitaliers.
Il est temps de lancer un plan d’urgence pour remettre en états nos locaux, et le
matériel de nos salles de cours, amphithéâtres et laboratoires. Il faut commencer par
sensibiliser nos enseignants, étudiants d’université et d’instituts de formation et nos
médecins sur le fait qu’en tant que premiers utilisateurs de ces structures et du
matériel, ils ont tout intérêt à ce que ces biens restent en bon état. Ensuite pour les
dégradations dues au temps ou à la nature, c’est aux autorités qu’il incombe de tout
mettre en œuvre pour assurer le bon entretien du matériel acheté ou souvent offert
par des pays amis. Pour une formation efficace et de qualité, il ne suffit pas d’acheter
du matériel à tout va. Il faut que nos autorités se procurent des appareils en fonction
des besoins médicaux tout en s’assurant qu’ils sont conformes aux avancées
technologiques.
207
B/
NECESSITE
DE
LA
CONFORMITE
DU
MATERIEL
AUX
AVANCEES
TECHNOLOGIQUES
La formation médicale nécessite beaucoup de travail de recherche, des expériences
doivent être menées, des laboratoires et certains appareils sont donc utiles. Dans nos
laboratoires vétustes, il manque du matériel, cela est dû à l’absence de volonté des
dirigeants et au mauvais usage fait par certaines personnes. Mais très souvent,
lorsque le matériel existe, il est d’une toute autre époque.
En 2007-2008, nous ne pouvons pas nous permettre de former nos étudiants avec
des appareils et des méthodes des années 60. L’Afrique, nous ne le nions pas accuse
un retard très considérable en ce qui concerne la recherche médicale par rapport aux
pays occidentaux. Nous pensons que ce fait n’est pas une raison pour que les
Africains dans la formation de leurs personnels de santé fassent le choix de rester loin
derrière les occidentaux. L’utilisation d’une nouvelle technologie médicale nécessite
des hommes formés à cette technologie. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas
ces hommes que nous allons nous contenter des appareils datant de la colonisation
ou des années d’indépendance. Il nous faut en Côte d’Ivoire comme dans toute
l’Afrique envoyer nous médecins et agents de santé à l’étranger, là où la technologie
médicale est avancée pour leur permettre de comprendre et maîtriser le
fonctionnement des nouvelles sciences médicales. Nous devons nous imprégner des
méthodes sérieuses de travail. Une fois cet acte accompli, ces personnes devront
revenir dans leur pays et faire profiter à leur population leurs connaissances.
Les pouvoirs publics devront donc acquérir des appareils de haute technologies, les
moyens existent, il suffit simplement d’y mettre un tout petit peu de volonté et de
bonne foi. Une fois les appareils et les hommes sur le terrain, il n’y a pas de raison
208
que les choses ne se passent pas comme en occident. Les populations ivoiriennes,
les médecins et agents de santé doivent choquer les dirigeants, exiger d’eux un
meilleur système de santé pour les uns et de meilleures condition de travail et de
formation pour les autres. Il faut qu’on se le dise, nos dirigeants quand ils sont
malades se rendent là où la médecine est la meilleure, c'est-à-dire en Europe aux
USA tout simplement parce qu’ils ne croient absolument pas en la médecine de chez
eux. Ils sont conscients qu’en Côte d’Ivoire la technologie dans certains domaines de
la médecine n’est pas au rendez-vous.
La conformité du matériel aux avancées technologiques doit être une exigence du
peuple ivoirien. Si le gouvernement ivoirien peut se permettre d’investir des milliards
de FCFA dans l’achat d’armement pour faire la guerre à des ivoiriens, nous pensons
qu’il est de son devoir d’injecter autant de milliards pour le bien être médical de ses
populations (un hélicoptère MI 24 d’occasion vaut beaucoup plus qu’un scanner de
haute technologie ou un appareil permettant de réaliser des échographies à des
femmes enceintes).
Sur les 100 milliards de FCFA versés à titre d’indemnisation à l’Etat ivoirien pour les
populations ayant subi des dommages lors de l’affaire des déchets toxiques, nous
savons que pas plus de 20 milliards seront distribués aux familles des morts (16) et
des malades. Le reste devra servir à améliorer et à remettre à neuf certains de nos
hôpitaux. C’est ce que le gouvernement a laissé entendre, les populations se doivent
de rester vigilantes dans cette affaire, il y va de leur santé. Les populations veulent un
système de santé qui prenne en compte tous leurs besoins, pour ce faire, les autorités
doivent mettre tout en œuvre pour y parvenir. Dans certains pays africains, atteindre
les objectifs de qualité et d’efficacité relève du parcours de combattant pour des
209
raisons de financement. La Côte d’Ivoire n’échappe pas à ces considérations même si
des efforts en matière de financement de la santé ont été réalisés.
C/ LE FINANCEMENT DE LA SANTE EN COTE D’IVOIRE
1) UN FINANCEMENT NECESSITANT AUJOURD’HUI DES REFORMES
La question du financement de la santé en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux
pays africains a fait et continue de faire l’objet d’un débat. Dans notre pays, pendant
les vingt premières années de l’indépendance, les autorités ont fourni dans un cadre
de capitalisme d’Etat, à la population, des traitements gratuits et payés sur le revenu
des impôts. Les services publics qui constituent 62% des infrastructures sanitaires
nationales sont les principaux dispensateurs de soins (l’Etat ivoirien alloue 7% de son
budget national à la santé soit environ 88 milliards de Fcfa, somme que nous jugeons
dérisoire face à l’immensité des besoins dans le secteur).
Mais depuis quelques années, l’augmentation des coûts, la réduction drastique des
recettes publiques due à la détérioration des termes de l’échange et un taux de
croissance démographique sans précédent (3,8%) ont beaucoup affaibli la capacité
des services publics à fournir des soins de qualité subventionnés pour toute la
population. Ce sont toutes ces raisons qui font que nous avons un taux d’accessibilité
aux soins très faible (35%). Face à cette situation, il est donc urgent de lancer un
processus de réformes qui aura pour objectif de redynamiser le système de santé
national. L’Etat ne pouvant plus faire face tout seul aux dépenses de santé, il est donc
obligé de demander à la population de participer aux coûts de la santé. La question
qui se pose donc n’est plus celle de la gratuité des soins mais plutôt celle de la
210
répartition des dépenses de santé entre l’Etat et les ménages (ce qui se fait dans de
nombreux pays à travers le monde, même si nous souhaitons un financement total de
l’Etat, comme à cuba).
En 1987, la Banque Mondiale, recommandait d’inclure le principe du recouvrement
des coûts dans les stratégies de financement des prestations de santé du secteur
public dans les pays en voie de développement. Cette recommandation visait
particulièrement le secteur pharmaceutique qui accusait un déficit chronique,
occasionnant une irrégularité dans la fourniture des médicaments.
Le pays a mis en place des politiques ayant pour but de faire participer les populations
au financement et à la gestion de la santé. Ces politiques se traduisent par le
recouvrement du coût des actes et par l’assurance maladie autofinancée.
Face à l’escalade des coûts de la santé et à la capacité limité des budgets du
ministère de la santé publique à financer les services de santé, tout le monde
s’accorde à reconnaître la nécessité du partage des couts entre l’Etat et les ménages.
Cette participation des ménages si elle est bien encadrée et gérée devrait permettre
de rendre les soins de santé meilleurs et équitables.
Quant à l’assurance maladie autofinancée, elle est conçue comme étant le
prolongement naturel du recouvrement des coûts dont elle vise à pallier les
insuffisances. L’objectif affiché est de créer une solidarité autour des populations en
vue de promouvoir l’équité et la viabilité des services de santé. L’assurance maladie
présente également d’autres avantages comme celui de constituer le seul outil dont
dispose le gouvernement pour échapper à la pratique coûteuse des subventions
générales pour soins hospitaliers, libérant ainsi les fonds pour financer des
programmes de santé publique ainsi que la mise en place des services de soins
préventifs et primaires dont bénéficient les moins nantis. Mais tout ce financement ne
211
sera efficace que si en amont des équipes d’experts se penchent avec l’accord des
autorités sur les besoins en matériel et en argent du secteur de la santé.
2) BUDGETISATION SERIEUSE DU FINANCEMENT DU MATERIEL
Les appareils médicaux coûtent extrêmement chers. Un pays comme le notre ne peut
pas se permettre de laisser entre les seules mains d’un ministre de la santé ou du
directeur des services financiers du même ministère le soin de choisir ce qu’il faut
comme matériel pour nos hôpitaux, centres de formation et faculté de médecine. Il est
temps de mettre sur pied une commission parlementaire composée de députés de
divers bords politiques pour qu’il y’ait une véritable transparence. Cette commission
nationale sera chargée de répertorier le matériel dans nos hôpitaux, de l’expertiser,
voir ce qui est en bon état et ce qui ne l’est pas. Cette commission estimera ensuite
en accord avec les dirigeants des hôpitaux, les besoins et le coût des appareils
nécessaires.
Une fois ce travail accompli, la commission présentera un rapport au ministère de la
santé qui après examen et avis demandera au parlement le vote des sommes
nécessaires au moment de l’établissement du budget annuel national.
En résumé, dans le budget attribué à la santé, une part considérable doit être
réservée spécifiquement à l’achat du matériel permettant un fonctionnement correct
de nos hôpitaux.
En cours d’année, la commission devra parcourir les hôpitaux, voir si les appareils ont
été achetés, livrés et vérifier l’usage qu’en font les praticiens. Ou mieux encore, on
pourrait créer une structure unique qui sera chargée de l’achat et de l’entretien du
matériel médical et de tout autre matériel nécessaire à nos hôpitaux, centres de
212
formation et faculté de médecine. Ainsi, on saura avec précision où va l’argent
décaissé par le gouvernement. Cette structure devra aussi gérer les dons et aides des
pays amis et étrangers. Le contrôle de l’argent, des dons et des aides sera sans doute
beaucoup plus facile et l’usage des différentes sommes mises à disposition se fera en
toute clarté si les personnes chargées de les gérer sont de bonne foi.
Dans tous les cas, ce contrôle devra permettre de sanctionner les dirigeants des
hôpitaux où les appareils ont été mal entretenus ou utilisés, féliciter et récompenser
ceux où l’usage et l’entretien ont été corrects. A côté de cette commission, nous
suggérons de créer un autre organisme, celui-là composé de personnalités
appartenant à d’autres institutions étatiques afin de respecter le principe de séparation
des pouvoirs. Cette seconde commission sera chargée de contrôler le travail de la
première de telle sorte que ce ne soit pas ceux qui ont acheté le matériel qui soient
charges de « s’autocontrôler ». C’est l’un des problèmes majeurs de la Côte d’Ivoire,
les contrôles administratifs souffrent d’interventions partisanes et complaisantes. La
première commission veillera au bon fonctionnement des institutions sanitaires, et elle
sera à son tour surveillée par un organisme encore plus puissant afin que chacun
sache qu’il n’est pas vraiment le maître du jeu. Nous souhaitons cela parce que, nous
constatons depuis quelques années un certain laisser aller dans l’administration
ivoirienne, surtout depuis le début de la guerre qu’a connue le pays. En parlant
d’administration, là aussi nous pouvons constater des problèmes en ce qui concerne
le patrimoine et la logistique, de nombreux services administratifs différents sont
chargés de gérer le secteur de la santé et de la formation et ces services ne disposent
pas des moyens nécessaires pour mener à bien leur mission. Ces problèmes sont
l’unité des lieux pour commencer, l’insuffisance et la vétusté des locaux, le manque de
mobiliers et d’équipements et une forte carence des moyens de transport notamment
213
pour le transport des étudiants vers les lieux de stage. A cela, il faut ajouter le manque
de ressources humaines en nombre et en qualité. Et enfin, le manque de moyens
financiers dus aux problèmes budgétaires, ce qui entraine des difficultés dans la
résolution des problèmes concernant les besoins pédagogiques et sociaux. Il faut
donc apporter à tous ces problèmes des solutions adaptées. Il nous faut un personnel
administratif de qualité et efficace. Pour l’obtenir, les autorités doivent mettre les
moyens sur la table. Quand nous voyons ce qui se passe actuellement dans le pays,
nous avons peur et nous pensons très sincèrement que l’avenir sera sombre. Des
gens payent pour entrer à l’école nationale d’administration (ENA), ils sortiront très
probablement de cette école avec les diplômes nécessaires, mais auront-ils la
compétence qui va avec. Ce sont ces personnes qui seront un jour appelées à diriger
les structures administratives en rapport avec nos hôpitaux, universités et instituts de
formation. Le problème de l’administration en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en
particulier, ce sont les hommes, il y’a trop de laisser aller et de laisser faire. Réussir la
mise en place d’un système de santé efficace, c’est d’abord et avant tout mettre les
hommes qu’il faut aux places qu’il faut, mais ces hommes, il nous faut les trouver.
SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES
ETUDIANTS ET LES ENSEIGNEMENTS
Toute faculté de médecine, toute école de formation devrait pouvoir se distinguer par
des médecins et agents de qualité formés en nombre suffisant, des programmes de
formation pertinents et performants, un soutien à la formation médicale continue, des
protocoles de bonne pratique, des modèles de fonctionnement de services et des
recherches améliorant les prises de décisions dans chacun de ces domaines.
214
Nous le savons, le succès de l’école dépend aussi et surtout des hommes. La qualité
de l’enseignement repose entre les mains des maîtres. La formation et le moral de ces
derniers sont liés au sort matériel qui leur est fait et à, la place qui leur est reconnue
dans la société. Pour reconstruire durablement une école de la réussite, il faut
restaurer la considération que le corps enseignant est en droit de mériter. La
démocratisation de l’enseignement ne doit pas être le contraire de la qualité et de
l’excellence. L’image et la condition de l’enseignant doivent être revalorisées car il est
celui en qui la société se reconnait.
Toute amélioration de notre système éducatif passe par la revalorisation du noble
métier d’enseignant sur le double plan de leur formation et de leur condition. Notre
volonté de voir notre université redevenir le creuset de l’excellence passe par l’effort
particulier qui sera accompli en termes de rémunération et de carrière pour nos
enseignants et nos chercheurs du supérieur.
I - LES SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION
A/ MOTIVATION FINANCIERE PLUS IMPORTANTE
Ce n’est un secret pour personne, les enseignants toutes catégories confondues sont
très mal rémunérés en CI. Un assistant à la faculté de médecine doit avoir comme
salaire entre 300000 et 400000 FCFA (entre 500 et 600 euros). Un nouveau médecin
en début de carrière gagne entre 180000 et 250000 FCFA (entre 275 et 380 euros).
Un enseignant des instituts de formation doit gagner approximativement 200000
FCFA. Avec de tels salaires, comment voulez-vous que ces personnes exercent leur
mission de formation avec le plus grand sérieux. Ces bas salaires font que les
215
médecins à l’Infas et les professeurs de médecine à la faculté s’accaparent toutes les
occasions de formation continue et toutes les missions pour les frais qui en découlent,
histoire d’arrondir les fins de mois. A côté de cela, il ne faut pas oublier l’intervention
intempestive des pouvoirs publics dans la gestion du syndicat des médecins ivoiriens.
Durant le mois d’août 2007, les médecins ivoiriens se sont mis en grève pour réclamer
l’annulation d’une décision de justice nommant un administrateur provisoire à la tête
de leur syndicat. Ils remettaient aussi en cause un protocole d’accord relatif à la
revalorisation salariale et à l’entrée des médecins à la fonction publique signé avec la
tutelle le 14 août 2007. Les médecins estimant le protocole d’accord caduc, ils
exigeaient la signature d’un décret qui devait reconnaitre le doctorat comme titre
d’entrée à la fonction publique et prendre aussi en compte la question de la
revalorisation salariale112.
Nous sommes en face de personnes qui après huit années d’études pour certains
voire dix ou douze pour d’autres dans des conditions difficiles, doivent passer un
concours pour avoir accès à un emploi dans la fonction publique où, ils exerceront
dans des conditions désastreuses pour une rémunération médiocre. Nous pensons
que la question de la revalorisation salariale est primordiale. Ne dit-on pas que l’argent
est le nerf de la guerre ? Une chose est certaine, en ce qui concerne cet aspect du
problème, les autorités ont accepté les revendications des médecins en signant au
début du mois de janvier 2008 un décret qui triple le salaire des médecins ivoiriens (de
180000 à 540000 FCFA environ 800 euros). A côté de ces salaires, nous souhaitons
l’instauration d’une prime trimestrielle ou semestrielle qui viendra en appui au salaire
récompenser les médecins enseignants ou agents de santé les plus dévoués,
consciencieux et travailleurs. Dans cet ordre d’idées, l’initiative du ministre de
112
Fraternité Matin, Nimatoulaye BA, 12 septembre 2000. P 10.
216
l’enseignement supérieur de décorer des agents et enseignants du monde de
l’enseignement supérieur est à saluer. Avec ce genre d’acte, c’est le travail accompli
qui est reconnu et pris en considération113. Il est aussi très important de ne pas oublier
le problème du statut des personnels de santé. Jusqu’à ce jour, les personnels de
santé ivoiriens dépendent du statut général de la fonction publique nationale. Mais
nous estimons qu’étant donné qu’ils exercent un métier particulier, ils sont en droit de
réclamer un statut particulier, en l’espèce, celui de la fonction publique hospitalière.
Selon le docteur Ernest Boka ATTE secrétaire général du syndicat national des
cadres supérieurs de santé de Côte d’Ivoire, la mise en place de ce statut sera
effective au cours de l’année 2009114. Ce statut qui conférera aux différents
personnels de santé un profil de carrière particulier permettra aussi à l’intérieur de
chaque profession d’évoluer du grade initial jusqu’au grade supérieur, le dernier avant
la retraite. Ainsi, on viendra à bout d’un problème sérieux qui mine le fonctionnement
de la fonction publique en général et du corps des personnels de santé en particulier :
l’avancement des agents. Aujourd’hui dans nos hôpitaux, il arrive que l’on ne sache
pas qui fait quoi, qui est médecin, infirmier. Ce statut viendra en tant que règle
juridique mettre de l’ordre au cœur d’un système totalement opaque.
Par ailleurs, toutes ces mesures auront pour but de mettre fin à la fuite des cerveaux
dans le domaine de la santé en Côte d’Ivoire. C’est un fait réel, de nombreux
médecins ivoiriens sont tentés d’aller monnayer leur savoir à l’étranger dès que
l’occasion se présente. Une fois en Europe, les choses sont souvent très difficiles. Le
médecin ivoirien peut devenir infirmier en France ou garder son rang de médecin mais
être sous rémunéré. Certains préfèrent cette situation que de rester pratiquer en Côte
113
585 agents décorés. Le ministre Ibrahima CISSE « c’est une marque de reconnaissance et de considération
envers le personnel ». Sources : service de communication du ministère de l’enseignement supérieur, mercredi 26
mai 2010.
114
L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008.
217
d’Ivoire, pour d’autres, intégrer une clinique privée est la solution pour vivre de son
métier et travailler dans de bonnes conditions. De plus, l’espoir d’une évolution de
carrière pour améliorer leurs revenus et voir leur investissement reconnu est vain,
puisque les conditions d’avancement et de gestion des carrières ne sont pas
soumises à des critères clairs. L’obtention d’un poste plus élevé dans la hiérarchie
dépend plus souvent du réseau relationnel que des compétences ou de la qualité des
services rendus. Ce manque à gagner conduit de nombreux agents de santé à avoir
recours à d’autres moyens de subsistance comme l’exercice de la pratique privée
nous l’avons déjà dit, durant des heures qui devaient normalement être consacrées au
service public. D’autres méthodes sont souvent utilisées pour compenser les manques
à gagner, comme le recours à des formations ou des missions payées par des
institutions internationales. Alors dans ce cas, comment n’allons-nous pas assister à la
défaillance et au délabrement de notre système de santé ? Le pire dans l’histoire,
c’est que c’est la population qui est la première à pâtir de cette détérioration du
secteur public au profit du secteur privé.
Quant aux agents de santé, aux dernières nouvelles, ils poursuivaient une grève
entamée depuis déjà un certain temps pour obtenir des salaires et avantages plus
conséquents. Nous espérons très fortement que leur lutte aboutisse. Les problèmes
sont toujours les mêmes. Pour les infirmiers par exemple, il est inadmissible que le
ministère de tutelle les méprise au point de rétrograder leur corps en y reversant les
aides soignants tout en gardant un mutisme sur leur profil de carrière. Les syndicats
d’infirmiers entendent par ces différents et répétés débrayages obtenir la signature de
trois décrets, l’un portant sur le statut de grande école pour l’Infas et les deux autres
relatifs au statut d’enseignant du secondaire pour les infirmiers formateurs à l’Infas et
un profil de carrière clair et motivant. Ils réclament également l’annulation de tous les
218
projets de décrets prévoyant l’ouverture d’un cycle de formation des aides-soignants à
l’Infas et leur reversement dans l’emploi d’infirmier ainsi que la nomination d’une
compétence infirmière, sage-femme ou biotechnologique à la tête de l’école et la
réintégration des sous directeurs révoqués par le directeur de l’Infas115. Pour nous, il
serait déplacé de satisfaire les médecins et oublier les agents de santé, ceux qui
suivent et contrôle l’application des prescriptions des médecins, donc plus proches
des patients. Ces agents de santé rencontrent les mêmes difficultés que les médecins
et réagissent face à elles de la même manière.
Aux dernières nouvelles, un protocole d’accord a été signé entre le syndicat des
cadres supérieurs de santé et le gouvernement. Cet accord se traduit par un projet
d’octroi d’une majoration de 400 points d’indice en faveur des cadres supérieurs de la
santé et la prise de deux décrets à compter de janvier 2009 :
- décret portant régime indemnitaire particulier des cadres supérieurs de la santé et
des personnels des emplois techniques de la santé ;
- décret portant situation administrative et financière des praticiens hospitaliers ;
Seulement, selon le gouvernement, ces mesures ne seront effectives dans leur totalité
qu’à compter de janvier 2010. Cela tient toujours selon le gouvernement à la situation
financière difficile que traverse le pays116. Nous espérons pour notre part que ces
mesures seront réellement appliquées, et qu’il ne s’agit pas de simples décisions
gouvernementales pour calmer les esprits et ainsi gagner du temps.
115
L’intelligent d’Abidjan : Grève des infirmiers, les services de médecine et de pédiatrie paralysés. Jeudi 11
décembre 2008.
116
Le Temps, vendredi 13 février 2009.
219
B/ ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS
1) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR DES SEMINAIRES DE MISE A
NIVEAU
Le constat en Côte d’Ivoire est que les personnels de formation pour des raisons
pécuniaires ne donnent que ce qu’ils ont. Les problèmes financiers font que de
nombreux formateurs refusent d’acheter de leur poche des revues médicales pour se
documenter et améliorer leurs connaissances. Selon eux, avec le peu qu’ils ont, ils ne
peuvent pas s’offrir « d’extra pédagogique » pour le bien de leurs étudiants. La
solution serait de renforcer le rôle des délégués médicaux qui grâce à leur travail
d’information participent à l’amélioration de la formation des agents de santé en
comblant le vide crée par la non-participation aux formations continues masquant ainsi
les lacunes les plus importantes.
Les enseignants doivent donc adhérer à un système de formation continue. Pour cela,
il faudra multiplier les formations, les ouvrir à toutes les catégories professionnelles
sans exception tout en étant diversifiées (informatique, pratique managériale,
linguistique et juridique).
Il faudra aussi mettre en place un mode de facilité de paiement pour les revues et
installer des bibliothèques et des salles informatiques au sein des structures sanitaires
et de formation. Ces bibliothèques devront faire la part belle aux revues mettant en
exergue les dernières avancées dans le monde médical. Les ordinateurs doivent
permettre au personnel de se connecter à internet, une ouverture vers le monde
extérieur qui se fait en quelques secondes.
220
Faciliter l’accès des formateurs à la connaissance et au savoir doit être un objectif
primordial pour les autorités académiques et politiques.
Les séminaires en Côte d’Ivoire et à l’étranger, les rencontres entre les différentes
catégories de personnels hospitaliers, le dialogue entre personnel soignant et autorité
administrative, l’évaluation des chefs de service par la direction de la coordination des
EPN (en vue de leur remplacement ou de leur maintien au bout de trois années à la
tête du service) doivent se faire fréquemment. Les différents syndicats et associations
de médecins et agents de santé devront mettre leurs efforts en commun afin de mettre
en place des programmes de formation continue pour leurs membres ou adhérents. Il
faut que les personnels de santé eux-mêmes commencent à se prendre en charge,
parce qu’attendre des autorités qu’elles interviennent pour régler ce genre de
difficultés, c’est prendre le risque de ne jamais voir se réaliser ces projets surtout en
ce moment où la crise que traverse le pays est le principal alibi derrière lequel se
cachent toutes les incompétences politiques et administratives.
La nécessité de mettre en place une structure pédagogique chargée d’assurer
l’acquisition et le développement des compétences pédagogiques des enseignants
s’impose. L’objectif principal serait d’aider les enseignants à optimiser l’apprentissage
des étudiants et d’aider ceux-ci à développer des stratégies d’apprentissage qui leur
seront utiles toute la vie. Les activités de formation doivent prendre en compte les
niveaux de compétence pédagogique des enseignants tels que recommandés par la
CIDMEF117, en l’occurrence :
-
un niveau I de compétences minimales communes concernant tout postulant à
un emploi, même transitoire d’enseignant ;
117
CIDMEF : conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française.
221
-
un niveau II de capacités à planifier, réaliser et évaluer une action ou un temps
de formation (il concerne tout universitaire ou professionnel de santé qui vise à
une fonction pédagogique permanente) ;
-
un niveau III de compétences approfondies dans un domaine spécifique de la
pédagogie (personne ressource dans son institution).
Cette structure pédagogique pourrait aussi conseiller les instances décisionnelles de
la faculté, par exemples lors l’élaboration
de politiques d’évaluation des
enseignements et des enseignants, de critères pédagogiques visant la promotion des
enseignants, etc.
La structure pédagogique devra veiller à faire des recommandations, principalement
aux responsables de la faculté, afin que les ressources nécessaires à l’organisation
d’un enseignement de qualité et à l’apprentissage soient disponibles. Elle pourra par
exemple, être sollicitée par les conseils pédagogiques sur la qualité didactique des
supports d’enseignement et d’apprentissage (note de cours, modules d’autoapprentissage, supports audiovisuels, productions multimédias, etc…). Elle pourra
aussi jouer un rôle conseil dans l’implantation et le développement d’un centre de
documentation pédagogique pour les enseignants ou d’un centre de ressources à
l’apprentissage pour les étudiants. La structure devra pour terminer contribuer à
développer la recherche à caractère pédagogique via la mise sur pied de projets, le
soutien des professeurs effectuant de telles recherches, la rédaction d’articles, etc…
Ce sont tous ces échanges entre personnes détenant le savoir qui permettent aux uns
et aux autres de se rendre compte des efforts qu’ils doivent fournir pour être à la
pointe de leur métier. Le monde de la médecine étant en perpétuelle évolution, ce
sont ces rencontres, séminaires, conférences et débats qui permettront aux
personnels de santé d’atteindre le niveau de compétence attendue et de s’y maintenir.
222
2) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR LE SUIVI DE LEUR
CARRIERE
L’objectif sera ici d’offrir aux enseignants un parcours pour leur permettre de franchir
le plus rapidement possible les différents obstacles qui se dressent sur le chemin de
leur carrière universitaire. La légitimité professionnelle que cela engendrerait pour eux
serait une source supplémentaire de motivation. La structure pédagogique devrait
donc travailler à l’harmonisation des profils au recrutement, mais surtout à rendre
disponible la formation et l’information sur les perspectives de carrière. Des
mécanismes d’aide et de conseil devraient également être mis en œuvre pour faciliter
la préparation et l’acheminement des dossiers administratifs d’avancement mais aussi
la préparation aux épreuves du concours d’agrégation.
Il faudra mettre en place un système qui gèrera tout ce processus afin d’éviter que les
enseignants ne sombrent dans la routine. Pour ce faire, la mise en place d’un
programme d’évaluation de formation des enseignants est préconisée. Les projets
d’innovations pédagogiques seront encouragés par une distinction et une valorisation
devant tous les autres enseignants et les étudiants. Un dispositif de soutien aux
enseignants en difficulté devra venir en appui pour éviter toute marginalisation. Toutes
ces mesures devraient motiver les enseignants qui deviendraient du coup acteurs et
fervents partisans des changements souhaités. Mais il est évident que tout cela ne
sera possible que si des moyens suffisants sont débloqués pour le bon
fonctionnement de la structure (pédagogique) mise en place pour la concrétisation de
ces mesures.
223
C/ MISE EN PLACE D’UN PROCESSUS DE SANCTION EFFICACE
Une fois toutes ces mesures mises en place, il n’y a pas de raison que les choses se
passent mal. Afin de mieux veiller à la bonne marche de la formation de nos futurs
médecins et agents de santé, les autorités politiques et administratives devront mettre
en œuvre un mode de sanction efficace ayant pour but de sanctionner tout
manquement grave pouvant influer sur le bon déroulement de la formation de nos
étudiants et élèves. L’Etat ivoirien devra sanctionner sans complaisance ses
enseignants affairistes, ces derniers doivent prendre conscience du rôle important
qu’ils jouent dans la formation des futurs personnels de santé. Les étudiants protégés
par un règlement efficace ne devront plus percevoir l’enseignant comme un « demidieu ». Le favoritisme, le droit de cuissage, la corruption et le harcèlement sexuel,
l’attribution de notes complaisantes, l’inefficacité des enseignants sont des maux qu’il
faudra bannir de nos facultés et instituts.
Nous pensons que des sanctions financières doivent venir s’ajouter aux sanctions
disciplinaires (les autorités ne doivent pas hésiter à prononcer la radiation immédiate
des enseignants récidivistes) déjà existantes : suspension de salaire, imposition d’une
amende à payer par l’enseignant une fois que certains faits sont avérés. Dans les cas
les plus graves, l’arrêt définitif de paiement du salaire et annulation totale de la
retraite. Ici, nous pouvons envisager que le ministère de l’éducation en collaboration
avec celui de la santé se réserve le droit de poursuivre les enseignants indélicats
devant les tribunaux ivoiriens.
Les pouvoirs publics devront donc donner beaucoup aux formateurs et attendre d’eux
des résultats satisfaisants pour ne pas que nos étudiants et élèves ne soient des
laissés pour compte. Nous devons tout faire pour que nos étudiants et élèves aient
224
envie, d’apprendre en Côte d’Ivoire, d’aller se perfectionner en occident et de revenir
pratiquer dans leur pays. Nos personnels de santé toutes catégories confondues
demandent plus de moyens (matériel et financier). En ce qui concerne les moyens
financiers, en l’occurrence les augmentations de salaire, nous pensons qu’ils doivent
se montrer plus compétents, être à la hauteur de la dignité publique pour justifier
cette demande.
En ce qui concerne les facultés privées de médecine et les écoles privées de
formation des agents de santé dont nous souhaitons la création, nous pensons que la
qualité des enseignements dispensés dans ces instituts doit être au premier plan des
préoccupations des autorités
du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche scientifique. Dans certains de ces instituts privés, ce sont les étudiants qui
notent leurs enseignants sur leurs compétences et la qualité de leurs enseignements.
Nous avons appris que le premier responsable du ministère de l’enseignement
supérieur a annoncé son intention de mettre en place un système d’évaluation des
enseignants par leurs étudiants dans les structures publiques. C’est selon nous un
acte qui procurera une certaine efficacité à nos universités publiques (dont la faculté
de médecine) et nos écoles de formation. Dans ce contexte donc, le ministre de
l’enseignement supérieur estime que pour : « les enseignants qui seront mal évalués,
nous allons leur retirer l’autorisation d’enseigner. Nous allons nous appuyer sur le
modèle de l’UIGB118 pour relever le niveau des enseignants dans le supérieur en
général et le supérieur privé en particulier ».119 Dans ce même contexte et dans le
cadre de l’amélioration de l’image du système de santé dans le secteur public par une
hygiène des établissements de soins et un changement de mentalité, le ministre de la
santé et de l’hygiène publique a décidé d’envoyer des missions sur le terrain. Le
118
119
UIGB : Université Internationale de Grand Bassam.
Le patriote, samedi 22 novembre 2008. Anzoumana CISSE.
225
ministre s’est rendu compte après sa prise de fonction de l’inadéquation des plateaux
techniques de certains centres de santé publique, de la mauvaise hygiène dans les
centres de santé et surtout du mauvais accueil dont sont victimes les patients et leurs
parents. Selon lui : « Le personnel de santé est techniquement compétent, c’est au
niveau du comportement qu’il y’a problème »120. Nous pensons que si le premier
responsable de la santé dans le pays tire une telle conclusion 107 jours après sa prise
de fonction c’est que la situation est vraiment catastrophique. L’agent public est au
service de l’Etat, donc des citoyens qui contribuent chacun à leur niveau à l’entretenir.
Avoir un comportement déplacé vis-à-vis d’un citoyen usager de l’hôpital est
inadmissible. Nous espérons très sincèrement que ce problème de l’insubordination,
de l’indiscipline face à la hiérarchie et du manque de respect face à l’usager du
service public sera traité de façon efficace par les autorités administratives. Il ne faut
pas hésiter à prendre des sanctions, mieux vaut travailler avec peu de personnes
efficaces et compétentes que de s’entourer de centaines de gens qui n’ont que du
mépris pour les patients et leur propre devoir. Aux étudiants qui sont en formation
aujourd’hui, il faut apprendre il est vrai la médecine, mais aussi le respect du patient.
II - SOLUTIONS CONCERNANT LES ETUDIANTS
Avant toute chose, nous devons préciser qu’étant donné le contrat qui lie la faculté,
l’enseignant et l’étudiant au sein de la faculté, il est primordial que les instances
représentatives des étudiants puissent dans la mesure du possible intervenir à tous
les niveaux et participer aux prises de décision selon les domaines. Les étudiants
doivent jouer un certain rôle au sein des structures chargées de l’organisation des
120
Le Mandat : assainissement des services de santé publique – le ministre AKA Aouélé lance deux missions sur
le terrain. Lundi 258 juin 2010.
226
études et de l’évaluation interne. Cette présence pourrait être considérée comme un
gage de succès de la planification des études et comme une garantie en ce qui
concerne l’acceptation (par les étudiants) des décisions émanant de ces structures.
A/ AMELIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ETUDIANTS
Nous le savons tous, pour obtenir les meilleurs résultats, il faut être dans de bonnes
conditions. Les étudiants, qu’ils soient de premier ou second cycle, assistants ou
internes en formation, doivent être de véritables partenaires de leur propre formation
en vue de son amélioration. Ils doivent désormais s’impliquer dans des commissions
de programme d’évaluation. Ils doivent dialoguer avec les enseignants et les autorités
académiques dans un premier temps et pour les internes, le dialogue doit se faire
également avec les responsables des hôpitaux dans lesquels ils effectuent leur
formation et participent souvent à l’évaluation des stages dans un second temps. Pour
les étudiants de la faculté de médecine d’Abidjan et de l’Infas, améliorer leurs
conditions de vie, c’est améliorer leur quotidien, logement, salles de cours et
amphithéâtres, transport et pour terminer leur condition financière. En ce qui concerne
le logement et les structures de travail, nous avons proposé la construction de
résidences universitaires dans le pays. Elles peuvent être du fait de l’Etat ou de
particuliers. Le rapprochement des résidences des lieux de formation doit être
primordial, l’exemple cubain doit nous aider à entrevoir des solutions. Pour les
structures de travail, la solution est la même, il faut construire des facultés de
médecine dans certains endroits du pays. Nous pensons aussi qu’il est temps que le
secteur privé s’intéresse à nos facultés de médecine et nos instituts de formation.
227
Ensuite, il faut considérablement améliorer les conditions financières des étudiants.
Pour les autorités, le pays manque de moyens pour pouvoir octroyer la bourse à tous
les étudiants comme c’est le cas à Cuba. Mais en Côte d’Ivoire, nous voulons un
montant élevé de la bourse pour le plus grand nombre ou pour un très grand nombre.
Sans une bourse correcte, certains étudiants en médecine et ceux de l’Infas
pourraient s’adonner à des pratiques d’exercice parallèle de la médecine comme
l’avortement illégal ou se faire passer pour des médecins détenant tout le savoir
histoire d’arrondir certaines fins de mois difficiles. Nous voulons pour notre faculté de
médecine des étudiants sérieux et responsables. Des étudiants qui font face aux
difficultés que traversent leur pays comme ce fut le cas lors de l’affaire des déchets
toxiques. Face à cette crise, les étudiants en médecine de Côte d’Ivoire à travers leur
association nationale ont réagi très rapidement et construit un projet pour essayer de
gérer ce problème à leur niveau. Le but de l’opération était de monter des centres de
soins urgents pour aider la population et venir en appui aux institutions sanitaires déjà
en place. Des étudiants qui s’organisent afin de gérer une situation donnée, cela rend
beaucoup plus facile le travail des autorités de la faculté, parce que avoir des
personnes sensées et sérieuses en face de soi permet d’éviter de nombreux
problèmes tout en laissant ouverte la voie du dialogue en cas de crise majeure.
Enfin, les transports. Le plus grand nombre d’étudiants ne logeant pas en résidence
universitaire, il est donc évident que pour se rendre aux cours, ces derniers doivent
emprunter les transports en commun : en Côte d’Ivoire, c’est un véritable parcours du
combattant et un véritable calvaire. L’Etat il y’a quelques années a mis à la disposition
des étudiants des autobus qui reliaient les différentes résidences universitaires au
campus de Cocody (université d’Abidjan) ou à celui d’Abobo lieu du tronc commun
(première et deuxième année de médecine, biologie et pharmacie). Aujourd’hui, 80%
228
de ces autobus ne fonctionne plus. Se rendre sur les campus est donc très difficile
pour les étudiants. Il faut remettre de l’ordre dans les conditions de transport des
étudiants en particulier et des ivoiriens en général. Nous pensons que la meilleure
solution pour les étudiants c’est la proximité entre les résidences universitaires et les
lieux d’enseignement. Nous ne devons pas oublier que pour les constructions de
structures à l’intérieur du pays il faudra auparavant tenir compte de l’accessibilité du
lieu, donc prévoir des conditions de transport satisfaisantes. Ici, le cas de Cuba doit
nous interpeller. Dans ce pays les autorités ont fait en sorte que les étudiants vivent à
proximité des lieux de formation grâce à la construction de résidences gratuites pour
tous les étudiants sur les campus et pour les écoles de médecine qui n’ont pas de
résidence. Toutes les dispositions ont été prises pour assurer le transport des
étudiants des différents lieux d’habitation aux facultés de médecine. Un certain espoir
est entrain de naître à ce niveau. En effet, à Bouaké par exemple où une faculté de
médecine pas vraiment opérationnelle a vu le jour il y’a quelques années, les
étudiants en général et ceux de médecine en particulier avaient demandé en 2001 aux
autorités municipales d’avoir à l’instar de leurs camarades d’Abidjan, des autobus
pour les transporter à moindre coût. Cette revendication estudiantine a été prise en
compte et la fin de la guerre permettra dans un futur proche la création d’une
compagnie de transport dans la ville. Cette compagnie aurait dû voir le jour selon le
maire de la ville au cours du premier trimestre de l’année 2009, ce qui aurait été un
véritable réconfort pour les étudiants de Bouaké. Cette initiative doit être reprise dans
une moindre mesure dans les différentes villes accueillant des structures de formation
médicale afin de soulager le plus grand nombre d’étudiants.
Sur un autre plan, nous pensons qu’il est important de faire quelque chose : celui de
l’orientation en faculté de médecine et dans les écoles doit se faire en fonction des
229
places disponibles dans les différents établissements afin d’éviter « une surpopulation
estudiantine ». Il ne faut plus orienter des jeunes vers ces filières tout simplement par
ce qu’on a du monde sous les bras mais en fonction des places disponibles et des
besoins en personnels de santé. Souvent de nombreux jeunes sont orientés dans
cette faculté parce que les autorités savent que ce lieu est un véritable « mouroir », y
envoyer des étudiants, c’est avoir l’assurance qu’ils n’y seront plus au bout de deux
ans. Chaque année, les services de l’orientation devront mener des enquêtes et des
études pour chiffrer ces besoins, et essayer de prévoir combien de jeunes pourraient
sortir diplômés de ces écoles sans que l’examen ne devienne un concours.
En ce qui concerne la coopération avec les pays étrangers, il faut à notre niveau
mettre en place un système de prix pour les meilleurs étudiants et élèves. Par la suite,
ces étudiants devront bénéficier d’une bourse soit nationale soit étrangère afin de se
rendre à l’étranger pour approfondir leurs connaissances. Ici, ce sont les autorités
académiques qui doivent se mettre en contact avec les universités et écoles
étrangères afin d’obtenir des places pour nos jeunes. C’est aussi à ces mêmes
autorités qu’il revient de faciliter l’accès au savoir tout en favorisant l’animation
pédagogique.
230
B/
FACILITER
L’ACCES
AU
SAVOIR
ET
FAVORISER
L’ANIMATION
PEDAGOGIQUE
1) FACILITER L’ACCES AU SAVOIR
Nous savons que la Côte d’Ivoire a un besoin urgent de médecins et d’agents de
santé. Ce que nous ne comprenons pas c’est cette sorte de sélection faite avant
l’entrée dans nos structures de formation.
Lorsque, nous prenons le cas de l’Infas, nous constatons que l’accès aux différents
instituts se fait de nos jours après l’obtention du baccalauréat. Il y’a quelques années,
l’entrée à l’Infas se faisait après le BEPC. Nous pensons qu’il est urgent de revenir à
ce niveau d’étude et à ce diplôme. Plusieurs raisons nous confortent dans cette idée.
Nous savons tous que atteindre le niveau bac est très difficile pour nos élèves, à côté
de cela, de nombreux bacheliers et bachelières ne se voient pas devenir infirmier,
sage-femme etc… du coup pour certains d’entre eux, lorsqu’ils sont orientés à l’Infas,
ils refusent d’y aller. C’est vrai qu’en France, l’entrée dans les instituts de formation en
soin infirmier se fait après le bac, mais n’oublions pas qu’à une certaine époque c’était
le BEPC qui était requis pour accéder à cette formation. La société française a
considérablement évolué et elle s’est au fil des années adaptée à son évolution. Nous
avons chez nous certaines réalités que nous ne pouvons pas oublier. Le pays a
besoins de personnels de santé et il est en même temps submergé par un nombre
impressionnant de chômeurs. Nous pouvons affirmer que plus de la moitié des
chômeurs (dans la tranche d’âge 18-25 ans) sont des jeunes gens qui ont dû arrêter
leurs études entre la seconde et la terminale. Alors pourquoi ne pas leur offrir la
chance de pouvoir entrer dans la vie active après la troisième, bien sûr, pour ceux qui
231
voudront. Ces jeunes qui sortent de la troisième ont une moyenne d’âge de 17 ans, si
on y ajoute les 3 années de formation à l’Infas, cela fera 20 ans pour entrer dans la vie
active. Les autorités ayant ramené la majorité légale de 21 à 18 ans, nous pensons
que si l’on vous considère comme pouvant être indépendant, autonome à 18 ans c’est
qu’on peut et on doit vous permettre de travailler à cet âge. Nous devons faire
confiance à notre jeunesse et lui confier certaines responsabilités le plus tôt possible.
Le pays a besoin de personnels de santé et le BEPC offre plus d’étudiants que le bac,
et face aux difficultés de leurs familles, de nombreux jeunes préfèrent entrer beaucoup
plus tôt dans la vie active. En plus cette entrée à l’Infas avec le BEPC ou le niveau de
la classe de troisième devra permettre à l’étudiant après un certain nombre d’années
d’étude (4 ans) de sortir de l’institut avec un diplôme de type baccalauréat infirmier
comme c’est le cas à cuba. Nous pensons que pour parfaire la formation, les élèves
de l’institut devront au cours des trois ou quatre premières années suivre une
formation générale. Celle-ci leur permettra d’acquérir dans un premier temps de
nombreuses connaissances médicales et dans un autre, de compenser les années
« perdues » de lycée. A l’issue donc de ces trois années, on pourra par exemple leur
attribuer un diplôme (équivalent du baccalauréat) avec le titre d’infirmier/ infirmière/
sage-femme première catégorie. Ensuite les deux ou trois années suivantes seront
consacrées à la spécialisation dans un domaine des sciences médicales infirmières,
ce qui leur permettra d’obtenir un diplôme d’agent de santé supérieur (équivalent à la
licence), diplôme qu’on pourrait aussi appeler licence en soins infirmiers. On pourrait
même au cours de ces cinq ou six années de formation que nous préconisons, prévoir
un semestre consacré au droit médical et un autre à l’enseignement de certaines
langues étrangères afin que bien avant d’être sur le terrain, l’étudiant en maîtrise
certains rouages. Ensuite, ce diplôme équivalent à la licence permettra aux étudiants
232
de l’institut qui le désirent, de poursuivre des études supérieures pourquoi pas en
médecine, ce qui pourrait leur offrir l’opportunité d’obtenir dans un premier temps le
diplôme intermédiaire de médecine pour lequel nous militons. Il faut aussi ajouter
qu’en France par exemple, certaines épreuves du concours d’accès à l’école des
infirmiers requièrent le niveau de la classe de troisième parce que certains candidats
titulaires du bac même avec mention peinent à réussir les dites épreuves. Il faut donc
avoir conscience que le bac quel qu’il soit ne garantit pas forcément la réussite au
concours. Une bonne préparation, voire une remise à niveau est indispensable pour
triompher au concours, et cela, tout élève consciencieux peut le faire.
En ce qui concerne la faculté de médecine, il faut qu’on se le dise, si nos structures
sont incapables de recevoir un certain nombre de bacheliers en faculté de médecine,
il faut dès l’orientation fixé un nombre précis pouvant être reçu. Nous disons cela
parce que nous pensons qu’il faut arrêter avec ce système de tronc commun qui sert
de filtre (on met ensemble au cours des deux premières années tous les étudiants de
médecine, pharmacie et biologie) et c’est au terme de ces deux années que l’on
oriente l’étudiant soit en médecine ou pharmacie soit en biologie. Ils sont censés
être les meilleurs, nous dirons plutôt les « rescapés » parce que de l’aveu même des
étudiants et de certains enseignants, le tronc commun est un véritable abattoir. Le
problème avec ce système, c’est qu’on fait croire aux étudiants qui échouent qu’ils
sont « idiots » et à ceux qui réussissent qu’ils sont des « petits génies ». Le tronc
commun, c’est le numérus clausus à l’ivoirienne avec une dose de vice et de
perversité. Il faut dès le bac orienter des étudiants en médecine. En plus avec le tronc
commun, les autorités profitent de la difficulté que représente ce dispositif pour se
débarrasser de milliers de bacheliers puisqu’on ne sait pas où les orienter, on les
envoie au tronc commun et là-bas c’est sûr qu’on pourra au bout d’une ou deux
233
années renvoyer une très grande partie et réduire ainsi le nombre d’étudiants de la
faculté de médecine.
Il faut aussi créer un diplôme intermédiaire en médecine entre les différents cycles
d’étude de médecine. De nombreux étudiants qui n’ont pas réussi à franchir le cap du
premier cycle se retrouvent à la rue après 3 ans d’études supérieures, sans aucun
diplôme. Il faut donner la possibilité à ces personnes de se diriger vers d’autres filières
médicales.
Nous pensons aussi que les études de médecine sont très longues, neuf ans d’études
pour devenir médecin généraliste, dix à douze pour prétendre au titre de spécialiste.
Autant dire que pour se lancer, une motivation à toute épreuve s’impose. Ensuite,
après la thèse, de nombreux médecins approfondissent leurs connaissances par des
diplômes complémentaires qui peuvent durer 1 à 3 années. La médecine détient sans
aucun doute le plus long cursus des études de santé (pharmacie 6 à 9 ans ; dentiste 6
à 8 ans et au plus 5 ans pour devenir infirmier, infirmière ou sage-femme diplômé
d’Etat).
Imaginez un étudiant qui entre à la faculté de médecine après le bac à 18 ans, il
sortira généraliste si tout va bien à 26-27 ans et spécialiste à 31-32 ans. En Côte
d’Ivoire, il y’a quelques années, les jeunes obtenaient le bac tardivement (entre 20 et
22 ans) donc il finissait leurs études universitaires ou plus précisément de médecine
très tard. Même si ce n’est plus vraiment le cas de nos jours, nous proposons de
réduire le nombre d’années d’étude de médecine de 8 à 6 ans comme à cuba.
Aujourd’hui, les avancées de la science, de la technologie et de l’information peuvent
nous permettre de concentrer les connaissances, ainsi, nos étudiants n’auront plus
vraiment besoin d’apprendre et de travailler comme ceux des générations passées.
En médecine, on pourrait leur apprendre le plus important et le plus difficile et en
234
améliorant comme nous le souhaitons les formations continues, ils pourraient au fil
des années de pratique parfaire leurs connaissances. Nous pensons que le cursus de
notre faculté de médecine n’est pas adapté aux réalités, aux problèmes que rencontre
le pays. Ce cursus a été inspiré de ceux des pays occidentaux au lendemain des
indépendances et si aujourd’hui, nous voulons faire un pas vers la modernité et le
développement, nous devrons faire preuve d’initiative et de créativité. En plus, ces
cursus à l’occidental privilégient trop souvent la théorie sur la pratique. En Côte
d’Ivoire, nous ne pouvons plus attendre, avec le manque de personnels, de moyens et
les nombreux patients que nous devons traiter, ce sont les actes concrets, donc la
pratique que nous devons mettre en avant. Et dans ce contexte, ce que les
responsables universitaires ont trouvé de mieux à faire, c’est de chercher à augmenter
les tarifs de frais d’inscription à la faculté de médecine (on passera donc de 6000
FCFA à 50 000 FCFA)121, cette augmentation sans aucun doute s’étendra aux instituts
de formation des agents de santé. Une telle augmentation demande à ces étudiants
issus de famille modeste de consentir à des sacrifices énormes. Nous considérons
que ces problèmes économiques contribuent à obstruer l’accès à la formation pour
certains étudiants.
Enfin pour terminer, faciliter l’accès au savoir, c’est mettre en œuvre les moyens pour
que les étudiants et élèves de l’Infas puissent travailler dans de bonnes conditions.
Pour ce faire, ils doivent avoir à leur disposition des bibliothèques équipées en livres
de tout genre, des salles d’informatique avec des ordinateurs connectés à internet.
Pour terminer, les autorités devront trouver un accord avec les librairies ou les
maisons d’édition afin que les étudiants puissent s’approvisionner en ouvrages avec
121
Fraternité matin, UFR des sciences de la santé : Des étudiants refusent de payer 50000 f CFA. Vendredi 30
janvier 2009. Casimir DJEZOU.
235
une certaine facilité de paiement. Afin d’apaiser les entreprises qui prendront part au
projet, le gouvernement devra se porter garant des éventuels défauts de paiement.
2) FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE
Il s’agira ici de favoriser des activités de formation et d’information par :
-
L’organisation de séminaires de rentrée pour partager toutes les informations
portant sur l’organisation des études à la faculté. Ainsi, les nouveaux étudiants
y trouveront réponse à leurs questions et pourront y rencontrer les enseignants
et échanger avec eux. L’objectif de ces journées sera de montrer aux étudiants
la
place
importante
qu’on
leur
accorde
d’enseignement/apprentissage. Les étudiants
dans
le
dispositif
pourront au cours de ces
forums mettre le doigt sur certaines insuffisances comme par exemple la non
communication des objectifs d’éducation et des plans de cours par certains
enseignants. Ce dialogue entre étudiants et professeurs devrait permettre de
faire tomber certaines barrières et changer la vision qu’ont les étudiants de
leurs maîtres.
-
L’organisation de conférences à thèmes destinées à former les étudiants sur
des sujets comme les stratégies d’apprentissage, la recherche documentaire,
l’utilisation des TIC dans leur formation, l’évaluation des enseignements et des
enseignants. Un autre volet portera sur l’importance de la planification du retour
de l’information (feed-back) sur les évaluations de formation mises en œuvre
grâce notamment à la participation des étudiants. La valorisation des
professeurs de qualité pourra être faite pendant ces restitutions avec seulement
236
la recherche de l’exemplarité pédagogique et de la motivation des enseignants
à mieux faire. Il faudra par tous les moyens éviter la stigmatisation des
enseignants en difficulté. Le but de ces animations est d’obtenir des étudiants
bien
informés
et
motivés,
donc
acteurs
de
leur
propre
processus
d’enseignement/apprentissage.
C/ SANCTIONNER LES ETUDIANTS INDISCIPLINES
Depuis le début des années 90, le campus de l’université de cocody et tous les autres
campus du pays sont devenus de véritables champs de bataille. La politique ayant fait
son entrée dans nos amphithéâtres, non pas comme matière enseignée mais comme
activité première de nos étudiants. Les différentes facultés ont été victimes des
soubresauts de l’université ivoirienne : grèves à répétition, année blanche, bagarre
généralisée entre différents syndicats étudiants. Le résultat de tout cela fut le blocage
de l’université pendant des années. La faculté de médecine n’a pas échappé à tous
ces problèmes. Mais très tôt, elle en est sortie en décidant de bannir la politique de
son « programme universitaire ». Aujourd’hui, les étudiants semblent être revenus à
de meilleurs sentiments.
Le savoir s’acquiert dans la discipline, il existe des mesures disciplinaires, nous
pensons qu’il faut les renforcer et les appliquer avec la plus grande fermeté. Il faut
arrêter d’être complaisants avec les étudiants, ce sont des sanctions rigoureuses qui
pourront enrailler la tricherie, la violence et la corruption de notre université. Mais un
problème se pose, comment sanctionner sévèrement des étudiants indisciplinés
lorsque ceux qui doivent édicter et faire appliquer ces sanctions sont eux-mêmes
totalement défaillants ? Il est évident que lorsque le maître ne montre pas le bon
237
chemin à suivre, l’élève a toutes les chances de faire fausse route. Le niveau de
qualité de l’enseignement dans nos universités a considérablement baissé, c’est la
faute il est vrai aux étudiants mais nous pensons que les premiers responsables sont
les enseignants qui ont à un moment donné aidé les étudiants à dévier de leur
trajectoire. Aujourd’hui, les lois et les règles sont bafouillées dans le pays, vouloir
instaurer une véritable discipline sur nos campus sera un travail titanesque mais nous
pensons aussi qu’avec la volonté et les personnes qu’il faut aux bonnes places, tout
changera.
III - SOLUTIONS CONCERNANT LES ENSEIGNEMENTS
A/
AMELIORER
LA
FORMATION
INITIALE,
INSTAURER
UN
SYSTEME
D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION
ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES ET METTRE EN PLACE UN
PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT
1) AMELIORER LA FORMATION INITIALE
Avant toute chose, nos universités et écoles de formation pour être de qualité doivent
mettre à profit leur potentiel intellectuel pour concevoir, formuler, expérimenter et
évaluer des modèles d’organisation sanitaire. C’est donc à travers leur qualité
académique, leur rigueur méthodologique, leur capacité à mesurer de manière
objective les progrès, leur influence sur les futures générations de médecins et de
personnel de santé, leur prestige auprès des associations professionnelles que ces
institutions pourront revendiquer un rôle plus important dans le processus de
238
décisions des politiques de santé et dans la direction du système de santé. La
formation initiale doit permettre de réaliser toutes ces choses lorsqu’elle est bien
dispensée. C’est elle qui permet aux futurs médecins et agents de santé d’acquérir le
potentiel intellectuel mais aussi technique dont nous venons de parler.
La formation initiale est la formation académique de base, elle doit être dispensée
dans les meilleures conditions avec le plus grand sérieux. L’améliorer, c’est d’abord
avoir des enseignants de qualité conscients de leur rôle de formateur. Ce sont leurs
enseignements qui feront de nos étudiants et élèves des futurs médecins et agents de
santé de qualité.
La qualité des enseignants va de pair avec celle des étudiants. L’acceptation du
message par ceux qui le reçoivent, lui confère toute son importance.
Améliorer la formation initiale, c’est aussi parfaire les conditions de stage des
étudiants en médecine et des élèves de l’Infas. Ces stages sont l’apprentissage de
leur futur métier. Ils doivent être assurés avec la plus grande rigueur et suivis
sérieusement par tous les étudiants et élèves de façon obligatoire. Cette formation
initiale doit permettre d’obtenir des personnels qualifiés, capables d’offrir des soins de
qualité aux patients. La formation comprend donc deux volets ; le premier est
constitué de cours théoriques à partir desquels l’étudiant acquiert des connaissances
dans son domaine et le second permet d’acquérir les notions pratiques. C’est la
combinaison de l’aspect théorique et pratique qui fait de l’apprenant un spécialiste
dans son domaine.122
Pour une bonne formation, il faut donc éviter d’offrir aux étudiants et élèves un
enseignement immuable qui les empêchera de se mettre au niveau de la pratique. La
formation nous l’avons dit doit évoluer en même temps que la science et cela doit se
122
Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, entre savoirs et pratiques : Laurent VIDAL, Abdou Salam
Fall, Dakouri GADOU. Septembre 2005 P 156, Ed .L’harmattan.
239
ressentir dans les cours dispensés par les enseignants. C’est pourquoi, nous avons
parlé de séminaires, de congrès, de voyage d’étude à l’étranger pour nos formateurs
afin qu’ils atteignent un niveau d’excellence et restent au faîte de la science. Ainsi, ils
pourront offrir à leurs étudiants des cours de qualité, qui permettront à ces derniers de
devenir de futurs bons médecins et agents de santé. Nous préconisons donc la mise
en place de comités de réformes pédagogiques, l’adaptation des programmes de
formation aux besoins de la population en matière de santé tout en respectant les
normes internationales. Nous pensons aussi que la priorité doit être donnée à la
formation pratique et aux stages hospitaliers et communautaires par la validation
obligatoire des enseignements et des stages. Nous pensons aussi qu’il serait très utile
d’augmenter la durée des stages tout en les rendant obligatoires à tous les niveaux du
cursus universitaire et scolaire. Le renforcement des supports pédagogiques,
permettra un accès
plus grand et plus facile des étudiants aux équipements
audiovisuels, informatiques et aux manuels médicaux.
La formation initiale doit aussi permettre aux étudiants de la faculté de médecine et
aux élèves des instituts de formation de maîtriser la méthodologie de rédaction de
leurs thèses pour les premiers et mémoires de fin d’études pour les seconds. Pour ce
faire, nous jugeons nécessaire de :
-
mettre en place des structures d’encadrement pour les activités de recherche
-
former à la recherche à travers le partage de projets, des ateliers etc.
-
former à la communication scientifique
-
mettre à la disposition des étudiants des guides sur l’élaboration des thèses et
mémoires
-
améliorer la qualité de la formation par l’insertion de la formation en ligne.
240
La formation reçue à la faculté de médecine et à l’Infas ne peut servir pendant toute
une carrière si elle n’est soutenue, entretenue et approfondie par une formation
continue régulière. La formation continue est un prolongement, un perfectionnement
de ce qui a été appris initialement.
2) INSTAURATION D’UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE
MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES
MEDICALES
L’évaluation des programmes des études médicales est devenue une obligation pour
les facultés de médecine, tout comme pour les universités. Elle devrait l’être aussi en
ce qui concerne la Côte d’Ivoire pour les instituts de formation des agents de santé.
Cette évaluation doit vérifier l’adéquation entre les besoins de la société, les objectifs
de formation des médecins, les moyens utilisés (programme) et les ressources
disponibles. Elle doit aussi permettre de s’assurer qu’au terme de leur formation les
étudiants en médecine et les élèves de l’Infas ont atteint les objectifs de formation.
a- Les buts de l’évaluation
La faculté de médecine a la responsabilité sociale de former des médecins aptes à
satisfaire les besoins de santé de la société, du pays dans lequel exerceront les futurs
médecins et agents de santé. Elle devrait d’ailleurs être partie prenante à la définition
des ces besoins. Les objectifs de la formation médicale doivent être cohérents avec
les besoins, selon les régions et le pays. Sur cette base, les structures de formation
241
doivent définir le profil et les compétences attendues de l’étudiant au terme de ses
études.
L’évaluation doit :
-
Situer la faculté de médecine dans son environnement sociopolitique: besoins
de la population, situation sanitaire, priorités nationales, main d’œuvre
sanitaire, médicale et autre.
-
Vérifier la concordance entre les besoins de la société, les compétences
attendues chez l’étudiant au terme de ses études et les programmes d’études
(objectifs
pédagogiques,
contenu
et
organisation
des
enseignements,
méthodes pédagogiques et d’évaluation, ressources humaines et matérielles
disponibles).
-
Vérifier l’atteinte de ces objectifs par les médecins et les agents de santé
formés.
Selon la politique actuelle de la CIDMEF, cette évaluation concerne la formation ; elle
n’a aucun caractère de sanction, ou de comparaison, ni souci d’uniformisation. Elle
vise l’amélioration de la qualité de la formation par un processus dynamique qui
mobilise la faculté, les instituts, les enseignants et les étudiants et par le
développement d’une culture d’évaluation dans les structures de formation.
En effet, l’évaluation des programmes d’études permet de développer et d’entretenir
chez les enseignants, les étudiants et les administrateurs un sens critique, grâce à la
phase d’auto-évaluation qui doit comporter des jugements de valeur et ainsi favoriser
la mise en place de mécanismes et de stratégies d’évaluation et de changement.
C’est l’université ou sa faculté de médecine, selon les politiques institutionnelles et
régionales, qui demandent cette évaluation en s’adressant à la CIDMEF, directement
ou par l’intermédiaire de la conférence régionale dont elle fait partie. La faculté de
242
médecine de l’université de cocody en Côte d’Ivoire a fait l’objet d’une évaluation en
avril 2000. Cela fait 9 ans que les autorités de la faculté de médecine n’ont plus
demandé à être évaluer, ce que nous trouvons très dommageable pour les structures,
les enseignants et les étudiants de ladite faculté.
b- L’objet de l’évaluation
L’évaluation du programme d’études porte sur les trois cycles de la formation
médicale professionnelle, mais principalement sur le premier et le deuxième cycle des
études médicales (le tronc commun). Elle prend aussi en compte le troisième cycle,
particulièrement le programme de formation en médecine générale, ainsi que les
programmes de spécialisation dans les grandes disciplines cliniques (chirurgie
générale, médecine interne, gynécologie-obstétrique, pédiatrie, santé publique).
L’évaluation de chacun des programmes du troisième cycle professionnel pourrait
éventuellement faire l’objet d’un processus d’évaluation comparable, lorsque les
circonstances le justifient.
Nous souhaiterions que cette évaluation s’étende aux instituts de formation des
agents de santé. Les autorités sanitaires ivoiriennes, sous régionales, régionales et
même Africaines pourraient en accord avec la CIDMEF ou d’autres organismes mettre
en place une structure qui serait chargée d’évaluer les écoles de formation des
personnels de santé. Il doit sans doute exister au niveau de la Côte d’Ivoire une
structure publique chargée de l’évaluation de l’Infas, mais nous doutons de sa
crédibilité et de son fonctionnement.
Cette évaluation touche d’autres champs d’activité universitaire des facultés de
médecine tels que la recherche, la formation médicale continue, la formation des
243
autres professionnels de la santé, la coopération internationale sont pris en
considération et font l’objet d’examen, principalement dans la mesure où ils ont, ou
devraient avoir, des répercussions sur les activités de formation médicale
professionnelle, en particulier aux deux premiers cycles (tronc commun) et sur la
disponibilité des ressources.
L’évaluation porte sur tous les aspects de la formation médicale : connaissances
théoriques et pratiques, habiletés cliniques, attitudes et comportements, notamment
sur la maîtrise de la relation médecin-malade et la préoccupation éthique. La
démarche doit ainsi tenter de vérifier si, au terme de ses études, le nouveau médecin
a atteint les objectifs de formation visés.
3) MISE EN PLACE D’ UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT
Parmi les besoins incontournables de la population, les prestations médicales
occupent une place de choix. L’évolution technologique a apporté beaucoup de
progrès sur le plan diagnostique et thérapeutique et met par conséquent, d’avantage
la pression sur l’exercice médical dans le sens large du terme. En effet, dans le
domaine médical, l’évolution rapide des connaissances représente un défi
considérable pour les facultés de médecine et pour l’ensemble des structures de
formation médicale dans l’exécution de leur mission. Cette formation peur être révisée
en un apprentissage dans trois domaines de compétences complémentaires :
-
le savoir (connaissance et raisonnement thérapeutique)
-
le savoir être (attitudes et aspect relationnel)
-
le savoir-faire (apprentissage pratique)
244
Une fois diplômé, le médecin est en droit d’exercer son métier, c'est-à-dire de prendre
en charge des vies humaines avec tout ce que cela comporte comme conséquences
pratiques et éthiques. Ainsi, le nouveau diplômé doit avoir acquis la compétence
suffisante pour assurer, avec la sécurité et l’efficacité requises, les différents gestes et
actes médicaux nécessaires au diagnostic et à la prise en charge thérapeutique de
l’intéressé. Une formation pratique adaptée et de qualité pour les futurs médecins et
agents de santé trouve donc toute son importance et tout son intérêt.
B/ REFORMER LE SYSTEME DE FORMATION CONTINUE
Proposer que l’on réforme le système de formation continue en Côte d’Ivoire, c’est
affirmer d’une certaine façon l’existence d’un tel système. Mais nous savons que dans
notre pays, la formation continue se fait au gré et selon le bon vouloir des
responsables des structures médicales. Même si elle n’existe pas vraiment, il est de
notre devoir de mettre l’accent sur la nécessité d’un bon fonctionnement de la
formation continue afin que nos autorités en tiennent compte.
1) METTRE L’ACCENT SUR LA FORMATION CONTINUE
La science médicale n’étant pas une science figée mais en perpétuelle évolution, elle
est donc sujette a de nombreux changements. Devenir médecin demande des études
longues et difficiles, avec une formation médicale qui requiert de nombreuses
assimilations de connaissances. Le médecin qui dispose de son cabinet ou travaille
en hôpital ou en clinique n’applique pas forcément toutes les connaissances acquises
dans l’exécution de sa mission. La formation continue permet de ne pas oublier, elle
245
peut être l’occasion de cibler tel ou tel point plus ou moins bien assimilé pendant les
études et le remémorer au praticien. La formation continue a pour objectif l’évaluation
des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l’amélioration
de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de
santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses. Elle constitue donc une
obligation pour tous les médecins et tous les agents de santé évoluant à l’hôpital
public et aussi pour tous ceux qui exercent dans les établissements privés
accomplissant une mission de service public.
Nous venons de le dire, les techniques et les médicaments évoluant régulièrement, la
formation médicale continue est donc indispensable pour proposer aux patients les
meilleures techniques de soins. En ce qui concerne les infirmiers, infirmières et sagesfemmes, il faut accompagner les changements pouvant intervenir dans la profession
en donnant à ces agents de santé les moyens de maîtriser les évolutions de leur
environnement professionnel. Il est aussi nécessaire de créer une véritable culture de
la formation continue qui est bien loin d’être une préoccupation de nos agents de
santé. Il faudra leur apporter de nouvelles compétences de travail, de méthodologie
qu’ils devront s’approprier. Tout cela ayant pour objectif de leur permettre d’accéder à
un épanouissement professionnel authentique. Les différents séminaires, ateliers,
congrès, enseignements post- universitaires et stages organisés à l’intention des
enseignants et soignants doivent leur permettre de mettre à jour leurs connaissances.
Les formations continues constituent pour les personnels de santé une occasion
d’apprendre réellement les pratiques dont ils n’ont pas bénéficié pendant leur
formation académique. Le dernier congrès du syndicat national des cadres supérieurs
de santé de Côte d’Ivoire a décidé de faire de la formation continue de ses membres
une priorité. Les médecins de ce syndicat ont décidé de placer leur mandat sous le
246
signe de la contribution des cadres supérieurs de santé à l’avènement d’un système
sanitaire national de qualité. Atteindre la qualité pour les cadres supérieurs de la
santé, c’est entretenir la formation initiale reçue par une formation continue régulière,
constante et de qualité. A côté de la formation continue, l’existence des revues
médicales et les activités des visiteurs médicaux sont d’un grand apport pour les
soignants. Autrement dit, l’acquisition du savoir à travers l’information médicale est
faite par les nombreuses revues
et par les visiteurs médicaux qui font ainsi la
promotion de leurs produits. Les autorités doivent donc intervenir pour faire baisser les
prix des revues afin que le plus grand nombre de soignants ait accès à celles-ci. La
collaboration des soignants et des délégués médicaux permet aussi d’élargir la portée
de la formation continue. Ces derniers participent pour une grande part à la formation
des agents de santé avec en contrepartie le souhait que leurs produits soient les plus
prescrits dans les structures de santé. Les informations livrées aux soignants et
enseignants par ces délégués médicaux viennent combler le vide crée par la nonparticipation aux formations continues.
L’objectif premier est d’apporter aux
médecins, agents de santé et enseignants de la faculté de médecine et de l’Infas les
principales innovations du monde médical. Ce travail permettra de trouver des
solutions aux lacunes les plus importantes. Pour les médecins et agents de santé,
combler les lacunes revient à sauver des vies, et nous pensons qu’il est impératif de
rendre obligatoire la formation continue comme cela se fait dans de nombreux pays,
notamment la France.
247
2) DONNER UN CARACTERE OBLIGATOIRE A LA FORMATION CONTINUE
Nous avons constaté que dans notre pays, la formation médicale continue est
secondaire pour nos personnels de santé. Une fois le diplôme obtenu, l’on pense
posséder tout le savoir. Le seul doctorat donne le droit d’exercer la médecine. Les
médecins
ivoiriens
professionnellement
exercent
et
sans
leur
métier
l’obligation
sans
juridique
être
de
vraiment
mettre
à
contrôlé
jour
leurs
connaissances. Mais ce que l’on oublie, c’est que sans entretien, tout ce qui est
acquis peut s’envoler. Nous savons que le code de déontologie médicale exige des
médecins une formation continue, mais ce code peut-il mettre la pression sur ceux qui
le conçoivent ? Il est donc impératif pour le bien de notre système de santé que des
mécanismes juridiques viennent encadrer l’organisation de la formation médicale
continue comme c’est le cas dans de nombreux pays dont la
France. En effet,
plusieurs textes réglementaires ont été édictés pour encadrer la formation continue en
France et ces textes prévoient :
- un plan de formation « arrêté dans chaque établissement par le directeur sur
proposition de la commission médicale consultative » (décret du 24 février 1984
portant statut des praticiens hospitaliers-articles 46 et 63) ;
- un droit à congé de formation d’une durée de 15 jours ouvrables par an, cumulable
sur 2 ans et rémunéré par l’établissement hospitalier dont relève le praticien en
formation (décret du 24 février 1984-articles 46 et 63). Les modalités d’exercice de ce
droit à congé de formation sont fixées par arrêté du 23 mai 1985 ;
- un financement de la formation continue à hauteur de 0,5% (pour les centres
hospitaliers universitaires) ou 0,75% (pour les centres hospitaliers généraux) de la
248
masse salariale brute hors charge (loi du 10 juillet 1989 portant diverses propositions
relatives à la sécurité sociale-titre II).
S’agissant du plan de formation, la circulaire du 28 août 1986 relative aux congés de
formation des praticiens hospitaliers (chapitre 2) reprend le décret de 1984 et précise
que « son contenu fait l’objet d’une étude de la commission médicale consultative, qui
examine les actions de formation projetées et établit ses propositions sur les actions à
financer en fonction des crédits disponibles. Le plan de formation est alors arrêté par
le directeur ».
Mais, c’est l’ordonnance du 24 avril 1996, relative à la maîtrise médicalisée des
dépenses de soins, en son titre II, qui prévoit de rendre obligatoire la formation
continue : « L’entretien et le perfectionnement de ses connaissances constituent pour
chaque médecin un devoir professionnel. Tout médecin, qu’il exerce à titre libéral ou
dans un établissement de santé public ou privé participant au service public
hospitalier, doit justifier du respect de cette obligation […] » (article L.367-2).
Des instances professionnelles – les commissions médicales d’établissement –
doivent délivrer une attestation tous les 5 ans pour les médecins hospitaliers. Les
contrevenants s’exposent à des sanctions professionnelles disciplinaires.
Toutefois, l’ordonnance oublie dans ses dispositions les biologistes, odontologistes et
pharmaciens des établissements de santé. Le texte ne prévoit pas non plus d’instance
nationale pour la formation des hospitaliers, alors qu’il instaure un conseil national de
la formation médicale continue des médecins libéraux, pour les 100 000 médecins
concernés. Ce conseil a fait l’objet d’u décret le 6 décembre 1996. Pris en application
de cette ordonnance, de 1996, plusieurs décrets du 31 mai 1997 apportent des
précisions sur les personnels médicaux hospitaliers concernés par l’obligation de
249
formation médicale continue : praticiens hospitaliers, praticiens à temps partiel,
praticiens contractuels, attachés et attachés associés, assistants des hôpitaux.
Une deuxième ordonnance de 1996, l’ordonnance du 24 avril portant réforme de
l’hospitalisation publique et privée (titre VIII), confie à la commission médicale
d’établissement le rôle d’organiser la formation la formation continue des praticiens.
C’est donc à cette instance que revient la responsabilité de conduire formellement la
politique de formation des praticiens de l’hôpital. Une situation logique, compte tenu
de la prééminence de la part d’expertise dans l’activité médicale.
L’arrêté du 6 mai 1997 portant création du Conseil National de la Formation Médicale
Continue Hospitalière (CN FMCH), paru au journal officiel du 13 mai, introduit deux
points pour la formation des praticiens hospitaliers :
- les règles de formation continue doivent être établies, pour les 60 000 praticiens
concernés, par une instance spécifique, le CN FMCH ;
- les biologistes, odontologistes et pharmaciens des établissements de santé,
catégorie de professionnels oubliés par l’ordonnance de 1996, sont intégrés au
dispositif et relèvent, pour leur formation continue, du CN FMCH nouvellement crée
par l’arrêté. Les membres de ce conseil ont été nommés par un arrêté du 27 mai
1997.
Et tout récemment, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité
du système de santé reprend les principes posés par l’ordonnance du 24 avril 1996
(article 59) : « La formation médicale continue a pour objectif l’entretien et le
perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la
personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé
publique.
250
Elle constitue une obligation pour tout médecin tenu pour exercer sa pratique de
s’inscrire à l’ordre des médecins […] ».
La loi de 2002 va plus loin dans sa volonté d’améliorer la santé des Français en
s’intéressant à tous les domaines de la santé. Ainsi, elle n’exclut aucune catégorie de
médecins : « les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens exerçant leurs
fonctions dans les établissements publics de santé, ainsi que ceux exerçant leurs
fonctions dans les établissements de santé privés participant au service public
hospitalier sont soumis à une obligation de formation continue […] ».123
Nous le voyons, cet encadrement par la loi de la formation continue des médecins en
France assure un bon fonctionnement du processus. La loi fait obligation aux
médecins de suivre une formation continue sous peine de sanction, c’est ce dont nous
avons besoin en Côte d’Ivoire, pas seulement pour les médecins, mais pour
l’ensemble du corps hospitalier : médecins, agents de santé, enseignants de la faculté
de médecine et des instituts de formation et mêmes certaines catégories d’agents
administratifs hospitaliers. La loi viendra réglementer la formation continue afin d’éviter
certains abus tels que la mainmise ou la « dictature » de certains chefs de service
(médecins ou enseignants) dans les hôpitaux et dans nos structures de formation sur
le modeste système de formation médicale continue que nous avons chez nous.
Pour terminer, nous pensons qu’il est très important d’évaluer la formation des
personnels de santé. Celle-ci devra être faite non seulement par le responsable de la
structure ou par ses services ou par les personnels eux-mêmes.
123
Rapport du CN FMCH sur la formation médicale continue des praticiens hospitaliers. Président et
rapporteur, professeur Dominique BERTRAND, janvier 2005.
251
3) EVALUATION DES FORMATIONS
a- L’évaluation par le responsable
Cette évaluation doit porter sur les compétences et les aptitudes des personnels de
santé à accomplir leur mission. Ainsi, tous les personnels de santé selon la catégorie
à laquelle ils appartiennent (médecins ou agents de santé) doivent faire l’objet d’une
telle évaluation. Il est tout à fait normal que l’hôpital mette un accent particulier sur le
potentiel de chacun des personnes qui exercent en son sein. Les structures sanitaires
pourraient charger un organisme indépendant mais qui détient de réelles
compétences en matière médicale de la formation continue de ses personnels,
médecins et agents de santé. Nous insistons sur le caractère privé de l’organisme afin
que le travail se fasse de façon professionnelle. Un organisme privé sous contrat avec
l’administration sera selon nous plus efficace qu’un organisme public qui aura une
relation plus ou moins étroite avec l’univers
hospitalier public. Le risque serait
d’assister à un mélange des genres qui réduirait les chances de succès de l’opération.
A la fin de la formation, le responsable de la structure ou le chef d’un service donné
doit entrer en possession des résultats de la formation et avec l’organisme formateur,
il pourra en tirer les conséquences. Le responsable doit se garder de toute conclusion
hâtive quant à la réussite ou à l’échec de la formation. Mais s’il constate un
changement positif marqué après la formation ou, au contraire, une absence
d’évolution évidente, il doit en avertir l’organisme de formation et prendre les
dispositions nécessaires afin d’améliorer le fonctionnement de sa structure ou de son
service.
252
Le responsable doit mener cette évaluation à court terme, soit immédiatement après
le retour de l’agent, puis à moyen terme, soit quelques mois après. Le responsable
peut en effet noter un réel succès de la formation dans l’immédiat, puis une
détérioration progressive de l’attitude des agents formés (retour à la norme ou au
comportement initial) qui peut amener à recommander une séance supplémentaire de
rappel au bout de quelques mois, laquelle incitera l’agent à retrouver sa vigilance. Le
but de cette démarche est de ne pas isoler l’agent, il faut lui montrer qu’on est prêt à
l’aider s’il fait des efforts. Dans le cas contraire, si l’agent ne montre aucun signe de
progrès, il faudra prendre les mesures nécessaires.
b- L’évaluation par les personnels
Le but de cette évaluation est, de valoriser la formation aux yeux des personnels de
santé en leur faisant prendre conscience de l’apport qu’elle représente. Ce genre de
démarche peut s’avérer très positive étant donné qu’elle renforce l’utilité de la
formation et lui permet de rester vivace dans l’esprit de l’agent. Les effets prévisibles
de la formation lorsqu’ils sont à moyen terme, elle permet à l’agent de ne pas céder au
découragement et l’encourage plutôt à la patience (tel le cas d’une formation de type
relationnel où l’agent formé le premier ne peut la mettre en pratique immédiatement
face à l’équipe qui n’a pas encore suivi le stage).
Ensuite, autant l’évaluation que mène le responsable de service se veut objective,
autant celle de l’agent est subjective et relève davantage de la perception de celui-ci.
Si en revanche, la quasi-totalité des agents formés ne se montre pas capable
d’apprécier les apports de la formation suivie, il faut là aussi analyser pour quelles
raisons, analyse qui peut conduire à une remise en cause de la formation ou du choix
253
effectué par le service de formation124. Toujours est- il que l’agent doit porter une
appréciation sur sa formation, s’il n’y arrive pas, son responsable doit l’y aider. L’aide
ici doit consister à réfléchir à l’appréciation ou tout simplement à la formuler. Le
responsable ne doit pas mettre de pression sur l’agent pour obtenir les réponses qu’il
attend, elles doivent venir de l’agent et traduire ainsi ce qu’il a compris et retenu de la
formation. Mais en cas d’absence totale d’appréciation, le responsable doit déterminer
si elle résulte d’une incapacité de l’agent à prendre du recul ou de l’échec de la
formation.
C/ INTRODUCTION DE NOUVELLES MATIERES
La faculté de médecine et l’Infas mettent l’accent pendant la formation sur les
sciences médicales, ce qui est tout à fait normal. Concernant les médecins, ceux qui
veulent se spécialiser peuvent le faire sur place ou à l’étranger. A l’Infas, la
spécialisation se fait au sein même de l’institut.
Mais, nous pensons qu’au 21° siècle, la bonne médecine ne se limite pas aux
sciences médicales exclusivement. Pour nous, il est grand temps d’introduire dans le
programme de formation de nos personnels de santé de nouvelles matières telles que
la pratique managériale, la gestion des hôpitaux et l’économie de la santé,
l’informatique, les langues étrangères, la sociologie, la psychologie et surtout le droit
médical.
La pratique managériale permettra aux futurs médecins et agents de santé de savoir
gérer leur temps, leurs équipes, le matériel et les différents produits utilisés dans leur
structure. La maîtrise de la gestion du personnel doit être un acquis pour nos futurs
124
Hervé LETEURTRE, Michel VAYSSE : les tableaux de bord de la gestion hospitalière. Editions
Berger-Levrault, mai 1994, p 157.
254
médecins au terme des huit années d’études passées à la faculté. Certains d’entre
eux deviendront des chefs de service qui auront sous leur responsabilité des patients,
des médecins et des agents de santé. Savoir utiliser, organiser et répartir les
ressources humaines, le matériel et le temps devient primordial. D’importantes
décisions seront prises en peu de temps et dans des situations souvent très difficiles.
La capacité de réaction du personnel hospitalier dans ces conditions doit se faire de
façon immédiate. Apprendre à diriger une équipe doit faire partie du programme de
formation des médecins et des agents de santé. Le retard de l’Afrique en général et
de notre pays en particulier réside dans ce fait. Nous sommes incapables de mettre
en place des équipes, de les organiser et de tirer d’elles le meilleur. La gestion du
personnel, lorsqu’elle est bien faite permet, elle d’optimiser les coûts et de gagner du
temps. Nous avons tendance à organiser nos services avec beaucoup de personnel là
où il n’en faut pas et très peu là où on en a vraiment besoin. Nous nous plaignons de
manquer de personnels de santé dans nos hôpitaux, mais est ce que nous utilisons de
manière efficace ceux que nous avons ? Avoir un bon système de santé, ce n’est pas
seulement disposer du matériel sophistiqué, de la science et d’un personnel en grand
nombre. Un bon système de santé se traduit bien évidemment par une certaine
avancée technologique mais aussi par l’orientation juste, équilibrée et réfléchie d’un
personnel de qualité et efficace.
L’informatique, nous le savons investit tous les secteurs d’activité de nos jours,
l’ignorer, c’est aller droit vers un échec irréversible. Les personnels de santé doivent
maîtriser cet outil qui permettra de faciliter leur travail. La Côte d’Ivoire pourrait par
exemple demander avec l’appui de ses amis occidentaux une aide technique pour le
développement d’Internet, de téléconférence, d’enseignement à distance parce que
aujourd’hui, une nouvelle forme de médecine est en train de voir le jour : la
255
télémédecine, (un médecin donné grâce à Internet est en contact avec l’un de ces
confrères spécialiste d’un domaine de la médecine qui lui donne conseils et avis lors
des consultations si le cas en l’espèce nécessite l’avis d’un expert). Cette pratique
nouvelle est en plein essor en France et en Afrique subsaharienne. Plus proche de
nous, c’est le Burkina Faso qui en fait l’expérience, pourquoi pas la Côte d’Ivoire.
Cette nouvelle façon de pratiquer la médecine doit être l’occasion de faire travailler les
médecins du sud avec leurs confrères du nord. Partager les connaissances et s’entre
aider si nécessaire. Nous n’allons pas nier le fait que dans cette relation, c’est le
médecin du sud qui sollicite le plus souvent les conseils et les avis du médecin
Européen. Nous pensons que ce rapport doit être considéré comme une sorte de
formation continue, parce que, le médecin Africain sera le premier bénéficiaire de cet
échange. Il exposera à son collègue des cas qu’il ne maîtrise pas, et grâce à
l’avancée de la médecine occidentale, le médecin Européen apportera dans la mesure
du possible des réponses à celui du sud. Cette relation permettra aussi au médecin du
nord de rencontrer des cas qu’il ne connaît pas. La télémédecine sera donc une
véritable rencontre qui permettra l’échange et le partage, Y’a-t-il une meilleure
manière d’apprendre et de consolider les acquis, surtout lorsque les protagonistes
sont à des milliers de kilomètres l’un de l’autre ?
Mais avec la télémédecine, le problème de la responsabilité se pose. Qui du médecin
demandeur ou du médecin donneur de conseils sera responsable en cas de
dommage causé à un patient ? La responsabilité sera-t-elle commune aux deux
médecins ? Il faudra donc mettre en place tout un dispositif de contrôle de la
responsabilité des différents acteurs intervenant dans la télémédecine.
A côté de la télémédecine, la formation à distance sous toutes ses formes doit être
prise en compte. Nous savons par exemple que la faculté de médecine de Nancy en
256
France propose à de nombreux professionnels de santé et aux médecins de suivre un
cours en santé publique (préparation de licence et master). Les deux tiers des inscrits
sont originaires de pays francophones dont la Côte d’Ivoire. Nous savons aussi que
les ivoiriens qui suivent ce cours ont constitué des groupes de travail afin d’étudier
ensemble. Cette formation ne doit pas être uniquement l’affaire des médecins et des
professionnels de santé. Les autorités administratives, universitaires et sanitaires
doivent s’intéresser à ce genre de formation et tout mettre en œuvre pour que les
conditions soient réunies pour un développent et une amélioration de ce modèle de
coopération nord sud en matière de formation médicale et paramédicale.
Les langues étrangères permettront de communiquer plus facilement avec des
patients anglais, allemands, espagnols… qui se présenteront dans nos hôpitaux.
La psychologie afin que les médecins soient capables de tenir compte du parcours
psychologique du patient. Face à un diagnostic trop grave, le médecin doit faire
preuve de tact et de psychologie dans l’annonce de la situation.
Le droit pour nous est indissociable de la médecine. Etre médecin ou agent de santé,
c’est avoir un jour sous sa responsabilité un patient. Dès cet instant, la relation
juridique se crée, il faut donc situer les responsabilités, les droits et devoirs de chaque
acteur de cette relation. C’est dans cette optique que nous consacrerons le dernier
chapitre de notre travail à la place du droit dans la formation des personnels de santé
en Côte d’Ivoire. Pour nous l’enseignement du droit médical est l’élément primordial
qui fera changer les choses dans notre pays. La santé à l’heure actuelle « bat de
l’aile » en Côte d’Ivoire, c’est l’enfant pauvre des plans gouvernementaux. A cela, il y’a
plusieurs causes. La législation en matière sanitaire et sociale est désuète quand elle
existe. Certains textes datent de l’époque coloniale. Des textes de portée juridique
limitée existent, mais ils ne concernent surtout que l’organisation de l’administration,
257
c'est-à-dire le ministère de la santé et de la protection sociale. Les textes qui existent
sont dispersés, ce qui ne facilite pas les recherches et l’information de ceux qui s’y
intéressent. De plus, la réglementation ne présente aucune originalité, c’est une copie
conforme du droit de la santé français. L’illustration en est l’emploi du code de
déontologie médicale et du code de la santé publique français. Mais ces textes n’ont
jamais été mis en application. Il n’existe pas de décision des tribunaux remplissant la
fonction démonstrative d’un droit médical ivoirien125.
Mais, nous le savons, l’introduction de ces nouvelles matières entrainera des
problèmes, des difficultés au sein des différentes équipes académiques et
administratives de notre faculté de médecine et de nos écoles de formation. Et c’est à
Charles BOELEN126 que nous emprunterons les stratégies possibles pour
l’introduction des ces nouvelles matières.
La première stratégie, celle de l’autocariste, dans laquelle un autocar surchargé avec
même un passager sur le toit parmi les bagages et les autres pourtant ordonnés dans
l’habitacle (enseignants et chercheurs) et de marchandises avance péniblement. Le
moteur s’essouffle, les pneus sont écrasés, la carrosserie grince mais le pilote (doyen
de la faculté de médecine) est confiant. Mais voilà qu’un autostoppeur (nouvelle
matière, ici l’éthique médicale) se présente. Que va-t-il se passer ? D’abord, l’autocar
va-t-il s’arrêter ? Quelle décision prendra le chauffeur, considérant que le véhicule est
surchargé. Que diraient les autres passagers ? Ils sont déjà pressés comme des
sardines en boîte ! Supposons que le chauffeur décide de s’arrêter, pensant que la
nouvelle discipline a le droit de monter à bord, il faudra prendre des décisions quant
au réaménagement de l’espace. Plusieurs options sont possibles : soit certains
125
Alphonse DAGO-CAILLARD (thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire : pratiques et problèmes
juridiques. Septembre 1997, sous la direction d’André DEMICHEL.
126
Charles BOELEN : docteur en médecine Belge qui a consacré sa carrière au développement des ressources
humaines en santé. Chargé de la formation des personnels de santé au siège social de l’OMS à Genève dans les
années 1988-1999.
258
passagers dont les affaires peuvent attendre seront priés de descendre pour attendre
un prochain véhicule, soit chacun pense avoir de bonnes raisons pour faire partie du
voyage et le nouvel arrivé se tassera tant bien que mal contre les autres passagers,
soit encore, à la suite d’un mécontentement général, le chauffeur est expulsé de
l’autocar et remplacé par plus déterminé que lui. On peut encore imaginer d’autres
scénarios.
Certains traits de cette stratégie peuvent être communs à notre système de formation.
Le contenu du programme des études et le processus éducatif se réforment souvent
par touches successives, par compromis, par mouvements d’humeur ou coups de
force. Il se peut même que la finalité de la réforme soit occultée par les défis à gérer la
convivialité à l’intérieur de l’institution.
De même dans l’autocar, chacun semble tellement soucieux à défendre ses intérêts
particuliers que l’on néglige de s’interroger sur la destination et l’itinéraire.
La deuxième stratégie est celle du paysagiste. Ici, par contre, chacun est soucieux
d’appréhender le contexte dans lequel l’institution va devoir se développer. On part du
principe que la finalité de l’action est clairement déclarée et admise par la faculté de
médecine et par ses principaux partenaires. En somme dans cette stratégie, la faculté
de médecine se positionne dans le « paysage » de la santé : rend explicite son
adhésion à une cause commune, revoit son agenda en fonction de celle-ci, identifie
des acteurs adhérant aux mêmes principes, crée avec eux des partenariats pour faire
aboutir son action. Cette stratégie a été décrite par l’OMS sous le nom VUPS127 et a
fait l’objet de plusieurs expérimentations sur le terrain128.
127
VUPS : Vers l’Unité Pour la Santé.
Charles BOELEN, Vers l’unité pour la santé. Défis et opportunités des partenariats pour le développement de
la santé, OMS, Genève, Suisse, 2002. 93 pages.
128
259
Alors que par la stratégie de l’autocariste, la faculté navigue à vue, au gré
d’accommodements tactiques sans garantie de pérennité de ses avancées, la
stratégie du paysagiste permet une vision à long terme, crée des alliances avec
d’autres institutions, cherche à valider ses progrès par le mondes extérieur.
Bien que la stratégie de l’autocariste soit encore la plus utilisée parmi les facultés de
médecine, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire, où tout changement est l’occasion
pour les différents partenaires de l’enseignement supérieur de se disputer, de
rechercher à satisfaire leurs intérêts personnels, et de retarder l’évolution
de notre faculté de médecine, nous demandons aux autorités académiques de la
faculté et de nos écoles de formation de s’inspirer de la stratégie paysagiste lors des
différents changements devant intervenir dans nos institutions universitaires.
Beaucoup plus moderne, sage et réfléchie, cette stratégie de toutes les façons, est en
train de gagner un nombre croissant de facultés de médecine à travers le monde sous
l’impulsion de quelques visionnaires, visionnaires qui tardent à sortir de l’ombre.
L’enseignement de la médecine doit s’adapter à l’air du temps. Il faut révolutionner
l’enseignement de la médecine de façon douce et non dans la précipitation. Il nous
faut acquérir dans notre pays un enseignement moderne, centré sur l’apprenant,
l’enseignant doit devenir un facilitateur qui maîtrise les nouvelles technologies
éducatives. Il doit utiliser ces technologies pour accélérer les processus de
transmission et d’acquisition des connaissances. Ce changement devra aussi donner
à l’étudiant une place de choix : celle d’un responsable acteur de sa propre formation,
ce qui devrait lui procurer une certaine motivation.
260
TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE
SANTE EN CÔTE D’IVOIRE
Autant nous pensons qu’il est important d’introduire le droit dans la formation des
personnels de santé en Côte d’Ivoire, autant nous jugeons utile et important de former
les personnels de santé au respect de ce droit et à celui des patients.
261
CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE
IVOIRIENS
L’absence du droit ou de sa prise en compte dans nos structures de formation est en
partie à l’origine de l’inefficacité du fonctionnement de notre système hospitalier.
SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE
FORMATION
I - FACULTE DE MEDECINE ET INFAS, LE DROIT MEDICAL ABSENT DES
PROGRAMMES
A/ FACULTE DE MEDECINE, UN COURS DE DROIT MEDICAL SANS REELLE
IMPORTANCE
Au cours de nos recherches, nous avons constaté que la Côte d’Ivoire a sur le plan
académique fait de très gros efforts afin de donner à ces futurs personnels de santé
les moyens d’acquérir les connaissances nécessaires pour un exercice correct de leur
métier. Seulement, nous avons aussi constaté que nos autorités n’ont pas suivi
jusqu’au bout le modèle français qui les a inspiré. Au début des années 1990, de
nombreux enseignants et juristes Français mettaient en place le droit médical dans le
but de rendre beaucoup plus fluide les relations entre patients et médecins. Ce qui ne
signifie pas que le droit en tant que tel n’existait pas dans le monde médical avant les
années 90. Avec le temps, le droit médical a pris une très grande importance dans le
système juridique hexagonal. Par conséquent, il devient une matière importante dans
262
le système universitaire Français. Dans de nombreuses universités, cette matière est
enseignée aux étudiants. Les facultés de médecine en France organisent des
séminaires en collaboration avec les facultés de droit afin que leurs étudiants
s’intéressent à l’outil juridique qu’est le droit médical. L’intervention d’avocats, de
juristes chevronnés, de directeurs d’hôpitaux montrent l’importance que les autorités
universitaires Européennes et plus particulièrement Françaises accordent à cette
matière. Même si le droit médical n’a pas encore envahi toutes les facultés de
médecine en France, il est sur le point de le faire. Une chose est certaine, cette
nouvelle matière est enseignée dans de nombreuses facultés de droit dans
l’hexagone. Nous pensons très sincèrement qu’il faut bien commencer quelque part,
et le lieu tout désigné est bien évidemment la faculté de droit.
En Côte d’Ivoire, le constat est clair, le droit médical n’a pour l’instant aucune place ni
dans nos facultés de droit, encore moins à la faculté de médecine. A la faculté de
médecine, pendant les huit années d’études les étudiants n’ont qu’un cours intitulé
droit médical en deuxième année. Ce cours n’est pratiquement pas dispensé, nous
pensons même qu’il ne l’a jamais été. Avec le recul, nous avons pu nous rendre
compte que ce cours qui existe sur le papier, non seulement est négligé par les
étudiants et les enseignants mais en plus son contenu n’a rien à voir avec le droit
médical sensé réguler les relations entre patients, médecins, agents de santé et
établissements hospitaliers. C’est plutôt un cours de droit qui a pour but de donner
aux étudiants des informations juridiques concernant leur futur statut de fonctionnaire
et leurs différents droits face à l’administration. C’est donc un cours qui a pour unique
but de fournir aux futurs médecins des informations pouvant leur permettre d’améliorer
leurs conditions personnelles sans tenir compte des intérêts des patients qu’ils auront
sous leur responsabilité.
263
Pour preuve, certains médecins interrogés ne se souviennent pas avoir suivi un cours
de droit médical pendant leurs études. Le professeur Souhalio OUATTARA affirme ne
jamais avoir suivi de cours de droit médical pendant sa formation et ce avec beaucoup
de regret. A l’Infas, le constat est le même : jamais le droit médical en tant que tel n’a
été abordé. Nous jugeons qu’il est nécessaire et même impératif que le droit médical
prenne une part importante dans cette formation. Le droit pénètre aujourd’hui tous les
secteurs d’activité et tous les métiers. La médecine et l’hôpital ne peuvent échapper à
cette réalité. Dès l’instant où une personne fait son entrée dans un hôpital ou une
clinique privée, un lien juridique se crée entre ladite personne, l’établissement qui
l’accueille et le personnel traitant exerçant au sein de la structure. Nous pensons qu’il
est absolument nécessaire que les étudiants en médecine et les élèves de l’Infas
soient au fait de l’évolution de la société. L’Afrique ne pourra pas se tenir éloignée
plus longtemps des nouvelles valeurs qui caractérisent l’évolution mondiale. Le droit
en général et le droit médical en particulier font partie intégrante de ces valeurs. La
fragilité de notre système de santé et les nombreux abus commis dans nos hôpitaux
rendent plus que jamais urgent l’instauration du droit médical afin que les patients
lorsqu’ils se présentent dans un établissement de santé se sentent en sécurité. Le
droit médical sera l’arbitre nécessaire et indispensable à la relation patient/ médecin.
B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL INEXISTANT
A l’institut national de la formation des agents de santé, avec tous les problèmes de
logistique et de moyen (des salles de cours prévues pour 15 élèves en reçoivent très
souvent plus de 40) qu’il y’a, les responsables académiques n’ont pas encore trouvé
nécessaire de se pencher sur le droit médical. A la question que pensez-vous du droit
264
médical ? Les responsables et enseignants répondent à l’unisson qu’ils ont quelques
notions de droit administratif. Selon Monsieur ZOULO Toualy enseignant et
responsable du service de scolarité à l’Infas d’Abidjan, le droit médical est totalement
inconnu au sein de l’établissement. Même s’il reconnaît que le droit médical permettra
à l’agent de santé de travailler de manière plus consciencieuse. Il explique aussi
l’absence du droit médical dans son école par le fait que la grande majorité des
patients qu’ils ont l’habitude de traiter sont ignorants, alors pourquoi chercher à
instaurer un droit entre patient et soignant étant donné que les premiers ne s’y
intéressent pas et les seconds n’en ont pas besoin pour accomplir leur devoir.
Pourquoi instaurer des règles qui auront pour seul but de faire perdre à certains leurs
privilèges et pouvoirs au sein de l’institution sanitaire ? Le droit médical est perçu
comme étant un pavé dans la « mare des personnels médicaux ». Toujours selon lui,
l’avis du patient qui vient se faire soigner ne compte pas, on ne demande absolument
rien au patient et s’il pense trouver la solution à son mal ailleurs tant mieux pour lui.
Au final, le droit médical ne risque t-il pas d’être source de problèmes pour le corps
enseignant et les agents de santé sur le terrain face aux patients qui sauront
maintenant réclamer la qualité dans les soins et le respect de leur personne ?
Cet enseignant est néanmoins clair sur un point. Il pense et affirme que les choses ne
peuvent pas continuer ainsi. Selon lui, un pays comme la Côte d’Ivoire qui accueille de
nombreux élèves infirmiers et sages-femmes venus de toute la sous-région et même
de l’Afrique doit fournir une formation de qualité à ces derniers. Le droit médical sera
donc ce plus qui permettra à l’école de conserver la réputation qu’elle a en Afrique. A
ses yeux, le monde évolue, la Côte d’Ivoire doit donc entrer dans la marche et tout
mettre en œuvre pour satisfaire les usagers du service public hospitalier. Encore fautil avoir conscience de ce qu’est le service public hospitalier ? Dans leur formation
265
scolaire, nous pensons que les élèves de l’Infas n’ont pas assez d’informations sur
leur rôle dans la société, leurs devoirs et leurs obligations. Le droit en général et le
droit médical en particulier doivent être ces éléments de pression qui apporteront une
certaine clarté dans nos services publics. Parce que, les agents de santé ne peuvent
pas continuer à bafouer les droits des patients tout simplement parce qu’ils ne
connaissent pas leurs propres droits. La pratique médicale est très subtile, le danger
est donc permanent. Que ce soit au cours d’un acte de soin, d’un acte chirurgical ou
tout simplement du fait de sa présence à l’hôpital, le patient doit être protégé par des
règles. Certaines sont élémentaires et d’autres beaucoup plus importantes. Toutes
ces règles dans leur application doivent être protégées par un personnel censé les
maîtriser. Mais avant, il faut les apprendre et ensuite, accepter de les respecter et les
appliquer, tout est question de mentalité, de volonté et de conscience dans l’exercice
de sa mission. Nous ne possédons pas les moyens et le matériel des personnels des
pays occidentaux mais nous avons la capacité d’apprendre et de comprendre des
règles et des principes juridiques comme eux, alors pourquoi ne pas compenser notre
retard par la maîtrise de cet nouvel outil et ainsi nous hisser en ce qui concerne la
compétence intellectuelle au même niveau que nos confrères des pays développés. Il
est temps pour nous de nous défaire de cette étiquette qui nous colle à la peau et qui
laisse croire que les africains et donc les ivoiriens ne veulent pas évoluer, même
lorsqu’ils ont les moyens pour y parvenir. Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe dans
nos établissements de santé, le droit médical, qui équivaut à la justice et à l’ordre
dans le domaine de la santé s’avère plus que jamais nécessaire. Et qu’on soit
enseignant ou étudiant à la faculté de droit, à la faculté de médecine, à l’Infas ou
qu’on soit tout simplement patient, il est temps de s’intéresser au droit médical et faire
de cette matière un élément majeur de notre système de santé.
266
II - LA NECESSITE DU DROIT MEDICAL
A/ LES FUTURS MEDECINS DESIREUX DE MAITRISER LE DROIT MEDICAL
La Côte d’Ivoire forme des personnels de santé qui n’ont aucune notion de droit
médical. Les jeunes médecins que nous avons rencontrés nous ont tous dit la même
chose, à savoir qu’ils ne connaissent pas le droit médical comme il est enseigné en
France. Ils disent aussi que toutes les notions de droit médical qu’ils ont pu acquérir
relèvent du fait personnel. Idem pour les étudiants encore inscrits à la faculté de
médecine. Mais ces médecins et futurs médecins de la nouvelle génération veulent
apprendre et connaître le droit médical. Le Dr ANGUIBI-POKOU Marie-Josée, docteur
en médecine de santé publique, expert en recherches cliniques, se rappelle avoir suivi
un cours de droit « médical » en première année mais ne sait plus exactement de quoi
il était question. D’autres jeunes médecins abondent dans le même sens, notamment
le Dr Soueidan RIDA, médecin généraliste qui affirme n’avoir jamais suivi de cours de
droit médical au cours de ses études. Il va même plus loin en affirmant que le droit
médical ne faisait pas partie à l’époque et même aujourd’hui des priorités des
autorités universitaires de sciences médicales. Le Dr Solange AMETHIER, médecin
généraliste, médecin chef du centre médical du trésor public de l’Etat Ivoirien qui a
effectué tout son cursus à la faculté de médecine d’Abidjan reconnaît n’avoir jamais
suivi de cours de droit médical en tant que tel. Les seules notions de droit qu’elle a
apprises à l’époque portaient sur le droit du travail et les droits se rapportant aux
fonctionnaires. Le professeur Souhalio OUATTARA lui aussi reconnaît n’avoir jamais
suivi de cours de droit médical pendant toute la durée de sa formation et il le regrette
fortement. Il considère même que l’absence de cette matière au programme des futurs
267
médecins ivoiriens constitue pour eux
un sérieux handicap. Le docteur Abdallah
OUATTARA, médecin ophtalmologiste affirme qu’il n’a eu aucune notion de droit
médical pendant ses cours. Il se rappelle cependant avoir assisté à des conférences
et séminaires avec des juristes, où le droit médical était l’objet du débat.
Nous
pouvons donc conclure que le droit médical n’existe pas dans nos structures de
formation sanitaire et n’a jamais été envisagé par les responsables académiques des
dites structures.
Les docteurs AMETHIER et OUATTARA affirment cependant qu’il est impératif et
urgent que les facultés de droit et de médecine s’intéressent au droit médical. Selon
eux, les patients des cliniques privées commencent déjà à demander des explications
sur les traitements qu’on leur administre. Ils posent beaucoup de questions et veulent
savoir ce qu’on va leur faire. Ils ne veulent plus être considérés comme les ignorants
de l’hôpital, appelés uniquement à subir les décisions d’une équipe médicale qui se
croit tout permis. Nous trouvons cela normal, étant donné les sommes astronomiques
qu’il faut décaisser pour se faire hospitaliser dans une clinique privée de la place. Par
contre, toujours selon les docteurs ANGUIBI-POKOU et RIDA, c’est dans le public que
les choses traînent. Les patients des hôpitaux publics sont en général des personnes
qui n’ont pas les moyens, donc selon nos médecins interrogés, ils « subissent » les
soins sans dire un mot et très souvent, ne savent même pas qu’ils peuvent réagir.
Cela est dû selon le Dr ANGUIBI-POKOU au manque de moyen et à la crainte que les
médecins, agacés par trop de questions et de caprices du patient refusent de
dispenser les soins ou ne fassent pas tout ce qu’il faut pour guérir le mal. Vous
comprenez donc que ces personnes issues en général de classe moyenne ou pauvre
n’ont aucune notion du serment d’Hippocrate socle même de la médecine qui engage
les médecins à procurer les soins sans distinction et en toute égalité aux patients.
268
Mais une question reste en suspend. Doit on commencer l’enseignement du droit
médical dans nos facultés de droit ou à la faculté de médecine ? Nous pensons que
face au déclin du système de santé ivoirien il serait plus judicieux de ne plus attendre
et commencer à fournir aux étudiants en médecine les éléments de base du droit
médical. Nos enseignants des facultés de médecine pourront suivre des cours
accélérés afin de s’imprégner de cette matière et se mettre au niveau requis pour
diffuser ce message. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que soient
formés des étudiants en droit qui par la suite seront chargés de dispenser ce cours à
la faculté de médecine. Cela nous prendra de nombreuses années, et ce temps nous
ne l’avons plus. Face à la catastrophe sanitaire que vit notre pays, nous pensons qu’il
est sérieusement temps de situer les responsabilités, chacun doit assumer ses actes.
Le système a assez couvert certains (médecins) au détriment d’autres (patients).
Pourtant, ce sont les seconds qui devaient être protégés, car étant les plus faibles
dans cette relation. La protection du patient, c’est aussi l’une des missions majeure du
droit médical.
Les étudiants inscrits à la faculté de médecine veulent eux aussi apprendre et
maîtriser le droit médical dans tout ce qu’il a de plus subtil car ils savent que dans
l’exercice de leur mission ils seront tôt ou tard confrontés à des confrères étrangers,
acteurs majeurs du droit médical et face à cette réalité, il faudra bien réagir. La
complexité de la science médicale
effraie surtout dans les pays africains. Alors
pourquoi ne pas l’éclaircir à travers l’enseignement du droit médical qui apportera que
du bien à tous, patients et soignants.
269
B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL POUR VALORISER LA PROFESSION
S’il y’a une profession au sein de l’hôpital qui ne jouit d’aucune considération en Côte
d’Ivoire, c’est bien celle d’agent de santé (infirmier, infirmière, sage-femme). Ces
personnes malgré le travail énorme qu’elles effectuent ne sont considérées que
comme du petit personnel mis au service du médecin. Pourtant ce sont ces agents qui
jour et nuit sont au chevet des patients, connaissent souvent le cas du patient
beaucoup mieux que les médecins et sont à l’hôpital les premiers à entrer en contact
avec eux.
En Côte d’Ivoire, nous l’avons déjà dit, c’est l’Infas qui forme les infirmiers, infirmières
d’état et sages-femmes (agents de santé). Mais nous devons aussi dire que tout le
personnel paramédical y est formé, notamment les techniciens de laboratoire, les
techniciens d’imagerie médicale, les préparateurs en gestion de pharmacie et les
kinésithérapeutes. Nous avons focalisé nos recherches en ce qui concerne les agents
de santé sur les infirmiers et sages-femmes parce que, nous pensons que ce sont eux
qui sont le plus en contact avec les patients. Mais, pour l’ensemble des agents de
santé, le droit médical a sa place dans le système de formation des agents. Ils disent
vouloir connaître le droit médical, ils en ont besoin dans l’exercice de leur métier. Le
droit médical viendra donner une certaine valeur à leur formation. Les agents de santé
se sentent négligés et rabaissés. Ils sont en général traités de « petit personnel » du
monde médical ivoirien par les patients et souvent même par les médecins. Pourtant
ce sont eux qui sont les plus proches des patients et au fil des ans, ils finissent parfois
par poser certains actes réservés aux médecins. Selon eux, le droit médical viendra
combler un vide. Très souvent face aux patients, ils ne savent pas quoi répondre
lorsque ces derniers refusent certains soins ou demandent obligatoirement la
270
présence d’un médecin avant de suivre tel ou tel traitement. Il faut donc leur donner
les moyens de pouvoir répondre et se défendre en cas de questions plus ou moins
pertinentes des patients. Avoir un personnel de qualité, c’est donner à ce personnel
les moyens de faire son travail dans de bonnes conditions et de manière efficace. Le
droit médical viendra situer les responsabilités et ainsi chacun saura à quoi s’en tenir.
Et nous jugeons inadmissible qu’une école de la stature de l’Infas ne s’intéresse pas à
une matière telle que le droit médical. L’école forme des agents venus de pays
étrangers, et dans la sous-région elle est la seule à offrir une formation de ce type.
Alors pourquoi ne pas pousser plus loin ses compétences et sa qualité. Nous le
répétons sans cesse, le droit médical n’existe pas dans ces structures non pas par
ignorance de leurs dirigeants mais par le manque de volonté de ces derniers à mettre
tout en œuvre pour son inscription au programme de formation de l’école. Nous
savons que le pays regorge de juristes et de médecins qui ont effectué une grande
partie de leurs études à l’étranger, notamment en France. Ces personnes ont eu à
suivre ce cours et savent de quoi il s’agit. Nous pourrions commencer à demander à
celles-ci leur contribution afin d’asseoir les bases de l’organisation du droit médical
dans notre pays, et ensuite l’Etat pourrait envoyer en France des étudiants ou même
des médecins qui viendront suivre des cours ou des stages en rapport avec le droit
médical. Le but de cette opération serait de familiariser nos personnels en exercice ou
nos futurs médecins à cette matière. Une fois ce travail effectuer, ce sera à ces
personnes de diffuser le message à leurs confrères restés au pays. Notre pays
compte parmi ses fils et filles d’éminents juristes et médecins qui pourraient accomplir
ce travail.
271
III - RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE D’UNE RELATION JURIDIQUE ENTRE
SOIGNANTS ET PATIENTS
A/ LES PATIENTS PLUS AU FAITE DES LIENS QUI LES UNISSENT AUX
MEDECINS DANS LE PRIVE
De nombreux médecins bien qu’étant formés à la faculté de médecine sont appelés à
exercer dans des structures privées. Nous ne pouvons donc les ignorer. Une grande
partie de ces cliniques privées sont gérées par des sociétés qui ont mis en place des
méthodes efficaces de gestion budgétaire et de rationalisation des coûts. Elles ont en
même temps accéléré le rythme de modernisation des équipements médicotechniques et offert des conditions salariales attractives à leurs personnels. Ceux ci,
plus motivés, ont donc le devoir de satisfaire la clientèle qui paie chère pour recevoir
dans les meilleures conditions des soins de qualité. Ces établissements reçoivent des
patients souvent aisés qui veulent absolument savoir ce qu’on leur fera et pourquoi.
Les médecins doivent être en mesure de donner à leurs patients les réponses
appropriées.
Médecins et patients sont liés en médecine libérale par un contrat civil d’une nature
spécifique, conclu en considération de la personne. C’est un contrat synallagmatique,
comportant pour le médecin l’obligation d’informer le malade, de le conseiller, de
recueillir son consentement et de donner des soins. Le patient doit en contrepartie
renseigner le médecin dans la mesure où il le peut sur ses antécédents et son état.
Enfin, celui ci doit verser des honoraires à son médecin. C’est donc l’acte médical qui
unit médecins et patients. Cette relation est établie sur un double libre choix : celui du
médecin par le patient et celui du patient par le médecin. Dans tous les cas, on
272
suppose la liberté de consentement
des deux parties au contrat. Mais dans ce
contrat, nous savons que la partie la plus faible est celle qui vient chercher à établir la
relation, c'est-à-dire le malade. Son consentement serait libre s’il était totalement
éclairé, or le malade ne connaît pas sa maladie et se trouve donc influencé tant par
son entourage que par le médecin. Dans cette relation, l’obligation qui pèse sur le
médecin est une obligation de moyen, c'est-à-dire que le médecin ne s’engage pas à
guérir le malade, mais à lui donner des soins consciencieux, attentifs et réserve faite
de circonstances exceptionnelles, conformes aux données actuelles ou acquises de la
science selon la formule de la jurisprudence. L’article L.1110-5 du code de la santé
publique (CSP) parle de « connaissances médicales avérées ». C’est aussi ce que
nous disent les articles 3 et 27 alinéa 1 du code de déontologie médicale (CDM) de
Côte d’Ivoire : art 3 « le médecin doit soigner avec la même conscience… », L’article
27 alinéa 1 « le médecin dès qu’il est appelé à donner des soins à un malade…
s’oblige à lui assurer aussitôt tous les soins médicaux en son pouvoir… ».
Cependant, dans certains cas, le médecin est tenu à une obligation de résultat. Dans
certaines hypothèses limitées : prélèvement et transfusion de sang, analyses
biologiques simples, fourniture de prothèse dentaire, le médecin est tenu à une
obligation de résultat. Il doit atteindre le but convenu. L’obligation de résultat à la
charge du médecin et de la clinique s’élargit et touche tout ce qui tient à la sécurité du
malade : le matériel ne doit pas représenter un danger pour le malade.
Nous venons donc de voir que médecins et patients sont liés par un partenariat très
fort où l’un a pour mission de procurer les meilleurs soins à l’autre et ce dernier doit
faire en sorte que les soins se passent bien en donnant à son médecin toutes les
informations nécessaires.
273
Dans le privé en Côte d’Ivoire, les médecins doivent donc être en mesure de donner
aux patients les réponses qu’ils attendent. Il est révolu le temps où une femme pouvait
perdre la vie au cours d’un accouchement sans que la famille de cette dernière ne
cherche à savoir comment et pourquoi cela a pu se produire. Aujourd’hui en Côte
d’Ivoire, les personnes disposant de moyens financiers se tournent vers les cliniques
privées en espérant bénéficier de soins beaucoup plus appropriés que ceux dispensés
dans les hôpitaux publics. Les médecins de leur côté savent très bien que travailler
dans des cliniques privées, c’est travailler avec un matériel de qualité et jouir d’une
rémunération importante. C’est pourquoi, ils prennent en considération les liens qui les
unissent à leurs patients et sont disposés à leur fournir toutes les informations qu’ils
réclament. Dans ce contexte, de clinique privée, le respect des règles juridiques de
base n’est qu’une formalité. Le médecin sait que tous les avantages qu’il tirera de
l’exercice de la médecine dans une clinique privée sont suspendus à la qualité des
soins qu’il dispensera et au respect des principes élémentaires du droit médical. Les
frais acquittés par le patient engendrent une pression sur les professionnels de santé.
Du coup, le médecin exerçant dans une clinique privée mettra toutes les chances de
son côté. Il le fera d’autant plus que le non respect de certaines règles médicales et
juridiques peut lui coûter sa place. La clinique fonctionnera donc sur la base du
respect scrupuleux de règles de droit médical et fera obligation au médecin de les
suivre. Elle mettra tout en œuvre pour l’aider à y parvenir. La plupart des médecins
ivoiriens exercent à la fois dans les hôpitaux publics et dans les cliniques privées.
Nous avons du mal à admettre que certains ne fassent aucun effort pour appliquer les
règles de droit médical, du code de la santé publique et du code de déontologie
médicale dans les établissements publics dans lesquels ils exercent alors qu’ils ont
une pratique respectueuse une fois dans le privé. Mais nous ne devons pas exposer
274
que le bon aspect des choses. Les cliniques privées ne sont pas toutes des hôpitaux
où tout se passe bien. Selon le docteur Joseph BOGUIFO, responsable de
l’association des cliniques privées de Côte d’Ivoire (ACPCI), sur les 1254 cliniques
privées du pays, 847 exercent sans autorisation. Concernant les 854 infirmeries
privées de pays, 514 n’ont pas d’agrément de travail. Pour le docteur
BOGUIFO : « ces structures boutiques salissent la réputation des cliniques et font
prospérer des pratiques mafieuses dans la corporation »129. En effet, comment peuton estimer prodiguer des soins de qualité, respecter les droits élémentaires des
patients, avoir conscience de ses propres devoirs si on n’est pas soi même dans la
légalité ? C’est cette légalité que les pouvoirs publics ont du mal à faire respecter dans
les hôpitaux publics.
B/ HOPITAUX PUBLICS, REPONDRE AUX INTERROGATIONS DES PATIENTS
Les établissements publics de santé sont des personnes morales de droit public
dotées de l’autonomie administrative et financière. Leur objet principal n’est ni
industriel,
ni
commercial.
Ils
peuvent
être
communaux,
intercommunaux,
départementaux, interdépartementaux ou nationaux. Donc, dans ces hôpitaux, les
soins sont gratuits. Disons qu’à la belle époque de la Côte d’Ivoire, c’était le cas.
Aujourd’hui, tout a changé. Nos hôpitaux sont délabrés, le matériel en mauvais état et
les médicaments sont rares. Les patients dans la plupart des cas doivent rapporter
eux-mêmes les médicaments, les matelas et la nourriture. Ce sont très franchement
des « hôpitaux pour pauvres ». C’est dans ce contexte que médecins et patients se
côtoient. Dans ce genre de relation où le patient dépend totalement de son médecin, il
129
L’intelligent d’Abidjan : médecine privée, assainissement du secteur. 847 cliniques exercent sans autorisation.
Lundi 7 décembre 2009. Olivier GUEDE.
275
n’a pas son mot à dire. Certains principes élémentaires comme le droit du malade aux
soins, le libre choix de son médecin par le patient (article 8 du CDM) ou encore le
respect de la vie et de la personne humaine (article 2 du CDM) ne sont pas respectés.
Il est rare de voir des patients dans nos hôpitaux choisir leur médecin. Cette possibilité
n’existe pas. Le patient qui veut se faire soigner n’a d’autre choix que d’accepter le
médecin présent ou celui qu’on lui propose. En ce qui concerne par exemple le droit
des malades aux soins, il peut arriver que l’on rencontre dans nos hôpitaux des
malades couchés à même le sol, souffrant le martyr et espérant qu’un médecin croise
leur regard. Sans moyens nos malades représentent peu de chose. Ces
comportements indignes d’un lieu comme l’hôpital ne font que confirmer le manque de
respect de nos soignants pour la vie et la personne humaine. Les propos tenus par
monsieur Joël N’GUESSAN, ancien ministre ivoirien des droits de l’homme lors d’une
conférence illustrent bien ce que nous disons : « je ne sais pas s’il est nécessaire de
parler de droit à la santé en Côte d’Ivoire. Il n’y a qu’à observer la prolifération des
pharmacies par terre et le développement constant des lieux de prière pour
comprendre. Quand on ne peut se soigner par manque de moyens ou d’hôpitaux, on
se confie à Dieu et à tous les charlatans vendeurs d’illusions. Je vous invite à faire un
trou dans nos salles d’urgences médicales et dans nos hôpitaux pour vous rendre
compte de la réalité. Elle est écœurante »130. Pourtant aujourd’hui avec l’évolution de
la société mondiale en général et africaine en particulier, l’hôpital doit être à l’écoute
des patients. En effet, qu’on le veuille ou pas, le patient qui souffre conserve dans de
nombreux cas son sens critique. Il veut savoir et il faut l’informer. De plus en plus de
patients considèrent la santé comme un droit et la prestation de santé comme un
130
Le patriote : Joël N’GUESSAN, ex ministre des droits de l’homme : « les droits de l’homme n’existent pas au
pays ». Vendredi 26 mars 2010.
276
service qui leur est dû. Le droit doit permettre au patient de porter une certaine
attention à l’accueil, la durée de l’attente et la façon dont l’hôpital gère le problème de
l’information. Le droit doit permettre d’éviter de laisser le patient dans l’incertitude
quant à son état de santé et aux traitements qui lui seront administrés. Pour les
personnes disposant de moyens financiers, l’accès à l’information est plus facile. Par
l’intermédiaire des médias, elles ont une certaine connaissance des thérapeutiques en
rapport avec leur maladie, elles attendent donc des soins qu’elles subiront des
résultats satisfaisants. Ce que nous venons de dire concerne très précisément
certaines catégories de personnes aisées qui prennent vraiment le temps de chercher
à savoir, à avoir des réponses. Malheureusement, pour plus de la majorité des
patients ce n’est pas le cas. C’est ce que nous voulons que le droit favorise
maintenant.
Dans nos hôpitaux, les médecins et agents de santé parlent entre eux des différents
cas qu’ils traitent ou qu’ils ont eu à traiter. Ces discussions qui ont souvent lieu dans
les couloirs de l’hôpital en présence parfois de visiteurs ou de personnes étrangères
au service qui ne doivent absolument pas être dans la confidence concernent des
patients qui voient ainsi certains de leurs droits bafoués. On peut entendre ici et là que
monsieur A de telle chambre est séropositif ou madame B hospitalisée dans tel autre
service est atteinte d’un cancer et que ses jours sont comptés. Le comble, c’est que
les personnes concernées ne savent pas exactement de quoi elles souffrent, et de
bouche à oreille, la nouvelle se déverse en ville. Ce sont toutes ces dérives que le
droit médical doit aider à arrêter. Avoir des agents de santé formés au droit médical,
c’est avoir des hommes et des femmes pouvant fournir des réponses précises aux
interrogations des patients, garder pour eux les informations confidentielles
concernant les patients et respecter les droits de ces derniers. Le droit médical leur
277
permettra de se comporter d’une certaine façon avec leurs patients, parce qu’ils
sauront qu’en cas de dérives dans leur comportement professionnel, en plus des
sanctions disciplinaires, des plaintes suivies de poursuites devant les tribunaux
pourront être engagées. Avec cette « épée de Damoclès » au dessus de leur tête,
nous ne doutons pas un instant que le travail se fera de manière consciencieuse.
SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME
HOSPITALIER
I - LE DROIT POUR METTRE FIN AU LAXISME DANS NOS HOPITAUX
A/ LE DROIT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS
L’article 27 CDM en ses articles1 et 2 dispose que : « le médecin dès qu’il est appelé
à donner des soins à un malade et qu’il a accepté de remplir cette mission s’oblige :
-
à lui assurer aussitôt tous les soins médicaux en son pouvoir et désirables en
circonstance, personnellement ou avec l’aide de tiers qualifiés ;
-
à agir toujours avec correction et aménité envers le malade et à se montrer
compatissant avec lui »
Le bon sens vaudrait que les choses se passent comme le recommande le code de
déontologie médicale. Malheureusement ce n’est pas le cas dans nos hôpitaux où
médecins et agents de santé règnent en « maîtres absolus ». Le problème se pose
généralement dans les établissements publics. Les malades disposant de moyens
financiers se détournent des établissements publics pour bénéficier de plus de
278
rapidité, de qualité et de sécurité dans la prise en charge de leur cas au sein des
structures de santé privées qui fleurissent dans le pays depuis quelques années.
Ces personnes n’ont pas tort, prenons par exemple les décès maternels : selon
l’OMS, environ 90% des 585000 décès maternels dans le monde surviennent en
Afrique subsaharienne et en Asie. Le risque de décès est de 1 sur 13 pour une femme
enceinte en Afrique subsaharienne contre 1 pour 4000 en Europe toujours selon
l’OMS. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces chiffres : Notons dans un premier
temps l’inaccessibilité géographique et financière aux soins obstétricaux. Mais ce
facteur ne peut à lui seul justifier tant de morts. Il y’a aussi la problématique de la
qualité des soins. Celle-ci contribue à la charge de la morbidité et de la mortalité
maternelle mais également à la démotivation de la population à consulter à temps les
structures de référence. Mais à nos yeux, les facteurs le plus important restent les
dysfonctionnements dans la bonne marche de la structure sanitaire. Le personnel de
santé et l’organisation des services sont les principaux éléments à l’origine des
dysfonctionnements. Le laxisme ou le manque de rigueur du personnel dans la prise
en charge des patients et l’organisation insuffisante du travail intra et inter service sont
les causes que nous retrouvons dans nos hôpitaux publics. En Côte d’Ivoire, les
anciens (comme on les appelle dans les hôpitaux) mettent en garde les jeunes contre
certains malades qu’ils « ne prennent plus au sérieux ». On peut souvent entendre
ces anciens agents de santé dire à leurs collègues plus jeunes « tu penses que ces
malades là sont des anges, tu n’a rien vu encore ! ». Autrement dit, c’est parce que ce
jeune soignant vient d’arriver dans la profession qu’il se montre aussi dévoué mais,
plus tard, la routine s’installant, sa perception des malades de même que son
comportement vis-à-vis d’eux changera. Toujours dans le même registre, certains
soignants attribuent leur négligence au fait qu’en plus de la routine, il y’a la surcharge
279
de travail. Ils évoquent parfois le fait qu’ils aient été seuls au sein d’une unité de
traitement et c’est pourquoi, les fiches de soin ne sont pas bien remplies, ou qu’on
observe des numéros identiques sur deux fiches distinctes ou encore que des patients
reçoivent des médicaments qui ne leur sont pas destinés. Les mauvaises conditions
de travail conduisent souvent les personnels de santé à ne pas respecter les droits
des patients, les chartes et autres textes en vigueur dans les hôpitaux.
Pour certains personnels qualifiés comme les infirmiers, la prise en charge de
certaines maladies apparaît souvent comme une activité dévalorisante. On comprend
dès lors pourquoi cette activité est confiée aux personnels subalternes (garçon de
salle, aide-soignant) à qui la gestion d’une unité de traitement permet d’acquérir un
certain statut et de développer des compétences réelles dans la prise en charge de la
maladie. Très souvent, dans le milieu hospitalier ivoirien, lorsque les personnels
médicaux et paramédicaux se mettent en grève, ce sont les malades qui en font les
frais. En effet, le service minimum devant être assuré est pratiquement inexistant dans
de nombreux hôpitaux publics. Dans ceux où il fonctionne, il est très mal mis en
œuvre et parfois pas respecté. Les malades se retrouvent donc livrés à eux-mêmes
en cas de grève des personnels131 de santé alors que les autorités jurent avoir tout fait
pour une bonne exécution du service minimum. Avant nous certains étudiants ont
effectué des recherches sur le système sanitaire ivoirien, ils disent la même chose
que nous : « les CHU de Treichville et de Yopougon, principaux hôpitaux du pays, les
plus accessibles aux populations démunies, sont ceux qui fonctionnent avec le plus de
difficultés. Souffrant souvent de pénurie, manque d’anesthésie, réanimateur, de bloc
131
Nord-Sud : hôpitaux publics- les malades livrés à eux-mêmes. Mardi 16 décembre 2008, Raphael TANOH.
280
opératoire, de plus cessant de recevoir les malades aux urgences à partir d’une
certaine heure (17 h) et parfois en fonction de l’humeur des médecin de service »132.
Le droit médical doit venir mettre de l’ordre dans tout ce cafouillage. Il y va de l’intérêt
des patients. On ne peut plus accepter que des femmes enceintes meurent pendant
l’accouchement, que des actes médicaux soient dispensés contrairement à la
procédure ou encore que des patients ressortent beaucoup plus malades de l’hôpital
qu’ils ne l’étaient à l’entrée133. Tout cela par la faute de médecins et agents de santé
qui se sentent couverts parce que le droit ne fonctionne pas efficacement.
Dans la prise en charge des patients, nous pouvons aussi faire état du cas de la
maltraitance dans nos hôpitaux. En effet, la maltraitance des patients existe. Les
malades et les personnels médicaux n’en parlent pas, c’est pour cela que nous
devons la dénoncer.
En France par exemple, depuis quelques années, les cas de maltraitance et de
violence dans les hôpitaux sont en très nette augmentation134. Mais notons que la
maltraitance ne concerne pas que les patients. Les agressions et les injures à
l’encontre des personnels médicaux font partie du quotidien, mais ce qui retient plus
l’attention, ce sont les plaintes des patients concernant la maltraitance et le manque
de tact des soignants. En 2009, près de 5000 plaintes ont été déposées auprès du
médiateur de la république135.
Qu’on soit en Côte d’Ivoire ou en France, nous
pensons que l’origine de ce problème est la même : le manque de personnels et donc
la surcharge de travail. Cette situation nous inquiète d’autant plus que la France est
un pays de droit, où le droit médical est avancé. La Côte d’Ivoire devra donc redoubler
d’efforts afin de faire face à ce problème qu’on essaie d’étouffer par tous les moyens.
132
Alphonse DAGO-CAILLARD ( thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire : pratiques et problèmes
juridiques. Septembre 1997, sous la direction d’André DEMICHEL.
133
La notion d’infection nosocomiale n’est pas encore connue de tous.
134
Rapport du médiateur de la république sur la maltraitance dans les hôpitaux en France, 27 janvier 2010.
135
Rapport ci-dessus cité.
281
Il nous faut mettre en place les structures adéquates qui permettront de lutter contre
ce problème. Création de services censés écouter patients et soignants parler de ce
qu’ils vivent au quotidien à l’hôpital. Mener des enquêtes en se basant sur les textes
juridiques et sanctionner (les soignants) ou faire payer des amendes ou des
dommages et intérêts (aux patients) lorsque les faits de maltraitances ou d’agressions
sont établis.
Les personnes soignées ne doivent pas perdre de vue que le bon déroulement des
soins repose fondamentalement sur le respect réciproque. Si le malade, personne
vulnérable par excellence, demeure une victime « privilégiée », les soignants
constituent eux-mêmes désormais une catégorie de victimes potentielles. Si le patient
et ses proches disposent de droits, ils ne doivent jamais oublier qu’ils ont aussi des
devoirs, au même titre que les professionnels de santé.
B/ LE DROIT POUR UN EXERCICE RIGOUREUX DE LA MEDECINE
« J’annonce que désormais, tout agent de santé qui s’adonnerait à des pratiques
répréhensibles, répondra de ses actes devant les juridictions compétentes »136, ces
propos sont de l’inspecteur général de la santé. Le ministère de la santé et de
l’hygiène publique ne compte plus tolérer les manquements de ses collaborateurs.
L’inspecteur général va même plus loin en affirmant : « …l’Etat attend de vous que
vous dispensiez des soins de qualité, vous respectiez les droits des usagers des
établissements sanitaires ».137 Pourquoi des propos aussi durs de l’inspecteur général
de la santé ? Tout simplement parce que des morts de patients ont été enregistrées
dans plusieurs structures sanitaires du pays. Et le corps médical a été mis à l’index
136
137
Fraternité matin, Marcelline Gneproust, vendredi 22 février 2008, P 4.
Ibid
282
pour racket ou faux diagnostic. Dans certains cas, des femmes enceintes sont mortes
pour n’avoir pas pu s’acquitter des sommes exigées par les médecins indélicats138.
Nous sommes là en face de cas précis de violation des droits des patients par des
agents de santé qui n’ont apparemment aucune notion de droit médical. En plus de
cela, un vrai système de corruption et d’affaires est en train de voir le jour dans nos
hôpitaux, les gardes des médecins et des sages-femmes sont devenues de vrais
rendez-vous d’affaires. Pourtant nous savons tous que le but premier de l’hôpital
public n’est pas de faire de l’argent sur le dos des patients et en l’espèce lorsque cet
argent est perçu, il ne va pas dans les caisses de l’Etat. Certains médecins et agents
de santé exigent de l’argent aux malades avant tout acte chirurgical, peu importe l’état
dans lequel se trouvent ces personnes. Citons en exemple, la mort d’un jeune homme
au sein du CHU de Treichville parce que le médecin de garde aurait refusé de
l’opérer. Les parents de la victime ne se seraient pas acquittés des frais d’opération.
Selon monsieur Donatien ROBE, président de orphelins secours Côte d’Ivoire, une
association qui se bat contre les abus en tout genre dans nos hôpitaux : « chaque
jour, de nombreux ivoiriens perdent leur vie dans les hôpitaux pour des raisons
financières… c’est la conséquence d’un système anti-social instauré depuis 1990 »139.
Les montants parallèles pour avoir accès aux soins instaurés par le dictat de certains
agents véreux varient de 20 000 à 30 000 FCFA (30 à 45 euros) pour qu’une sagefemme s’occupe d’une femme enceinte en travail. De 140 000 à 240 000 FCFA (210 à
310 euros) pour une césarienne.
Tous ces faits nous montrent que certains
personnels de santé ne se soucient pas des droits des patients et des devoirs qu’euxmêmes doivent avoir à l’égard de ces derniers, encore moins de l’article18 du CDM
qui interdit en ses alinéas 3 « tout versement, acceptation ou partage clandestin
138
139
Ibid
L’intelligent d’Abidjan : affaire « un homme meurt dans un hôpital ». Mercredi 28 octobre 2009.
283
d’argent entre praticiens » et 5 « l’acceptation d’une commission pour un acte médical
quelconque et notamment pour examen, prescriptions de médicaments… ».
La médecine étant l’une des professions qui inspirent le plus de confiance chez les
populations, pour que cette confiance ne s’érode pas, les médecins doivent maintenir
leur compétence et adopter des normes élevées d’éthique personnelle. C’est ici qu’il
faut tenir compte de toutes les valeurs exprimées par le droit médical. Les médecins
doivent aussi entretenir avec leurs patients des relations empreintes d’humanisme en
dépit des conditions de travail difficiles.
Un encadrement rigoureux de l’exercice de la médecine par l’inspection générale de la
santé et de l’hygiène publique doit favoriser la pérennité de cette confiance de la
population. Mais pour que ce processus aboutisse aux meilleurs résultats, il faut aussi
donner aux médecins et agents de santé l’assurance que leurs droits seront aussi
respectés, notamment le droit à la confidentialité de leur dossier professionnel.
Le droit médical à travers le code de déontologie sera donc présent dès l’accès du
patient à l’hôpital, c'est-à-dire au moment de l’établissement du diagnostic jusqu’à la
fin du traitement. Certaines obligations comme :
-
l’obligation de comportement qui consiste à accorder une attention aux
symptômes que présente le malade, en consacrant le temps et l’intérêt
nécessaires pour interpréter ce tableau symptomatique et le discours du
patient. Il s’agit d’une obligation de diligence.
-
L’obligation de référence scientifique qui oblige le médecin à effectuer son
diagnostic en fonction des enseignements de la science médicale (remis à
jour), et en utilisant des méthodes scientifiques.
-
L’obligation de modestie, également appelée obligation de réserve, elle
consiste pour le médecin à admettre que sa compétence n’est pas illimitée et
284
que, dans certains cas, il devra faire appel à un confrère (dans la plupart des
cas, c’est le généraliste qui appelle un confrère plus spécialisé).
Il peut arriver qu’un médecin ne réussisse pas son diagnostic, il peut avoir failli à ses
obligations que nous avons énumérées, mais il peut aussi les avoir respectées, mais
s’être quand même trompé. Dans ce cas, on dira que le travail a été bien fait mais il
y’a eu erreur dans le résultat. Si les obligations ont été respectées, le médecin ne sera
pas poursuivi (le diagnostic dans ce cas n’a pas de statut). On peut aussi dire que le
médecin a rempli ses obligations mais que s’il s’est trompé, c’est qu’il a peut être
commis une faute, ce qui renvoie à dire qu’il n’a pas sérieusement observé les
obligations (ici le diagnostic aura donc un statut, celui d’une pratique à réprimer). Dans
certains cas, il peut arriver que le médecin respecte les obligations mais il y’a quand
même mauvais diagnostic pour faute ou simple erreur, dans ce cas, la distinction
entre faute et erreur doit être faite. Le médecin peut s’être trompé comme tout bon
citoyen qui a agit en bon père de famille et en bon médecin (on dira alors que le
médecin peut avoir droit à l’erreur et non à la faute. L’erreur sera prise en compte s’il a
observé toutes les règles en vigueur dans l’établissement du diagnostic, s’il est au
faîte des avancées de la science médicale qu’il doit maîtriser. L’erreur devient donc
tolérable, mais plusieurs erreurs dans les mêmes circonstances constitueraient une
faute et la faute ici sera synonyme de négligence, d’incompétence et d’absence de
maîtrise de l’outil médical. Le droit médical doit limiter ces erreurs, ces fautes dans
l’établissement du diagnostic. Les règles du droit médical une fois connues des
personnels de santé permettront nous n’en doutons pas une prise de conscience,
parce que la médecine ne doit pas être exercée de manière expéditive. Les médecins
en dispensant leurs actes de soins doivent prendre toute la mesure des actes qu’ils
posent. C’est la rigueur qui doit prédominer dans la prise de décision. Nous ne
285
montrons pas du doigt tous les médecins et agents de santé de Côte d’Ivoire, mais
nous voulons indexer cette catégorie de soignants qui ont fait de la négligence dans
l’exécution de leur mission une seconde nature. Il faut qu’ils comprennent que tôt ou
tard, ça sera la fin de l’impunité dans nos hôpitaux parce que les patients
commenceront à ouvrir les yeux et la justice sera saisie dès le premier manquement à
l’obligation des personnels de santé de dispenser les soins selon les règles sanitaires
en vigueur. Pour revenir à l’exemple que nous avons cité, précisons que la famille du
jeune homme décédé, aidée de l’association orphelins secours Côte d’Ivoire a porté
plainte devant les tribunaux compétents et nous espérons que cette plainte aboutira à
une condamnation. Une lueur d’espoir est tout de même entrain de voir le jour. Le
nouveau ministre de la santé à décidé de mettre fins aux maux qui minent le système
sanitaire ivoirien. Le mauvais état des locaux, la précarité de l’hygiène des agents et
l’inexistence du tri de déchets médicaux (toutes choses qui entrainent l’accroissement
de la prévalence des infections nosocomiales). Problèmes, auxquels il faut ajouter
l’accueil discourtois et antipathique des patients, des ordonnances préétablies par
certains délégués médicaux et des tarifs variables très souvent majorés et des
médecins qui s’érigent en régisseurs de recettes, sont aujourd’hui dans le viseur du
ministre. Pour faire face, le ministère de la santé a décidé d’assurer la formation du
personnel en milieu hospitalier, de faire un plaidoyer pour la création d’une ligne
budgétaire affectée à l’hygiène hospitalière et à la gestion des déchets. Le ministère a
aussi pris des dispositions en vue de diffuser les textes régissant les établissements
sanitaires publics (nous jugeons inadmissible l’inexistence de la charte du patient
hospitalisé dans de nombreux hôpitaux publics du pays). Le ministère a également
pris l’engagement de sanctionner les agents responsables d’infraction et d’octroyer
une prime au meilleur agent de santé de chaque service (mesures que nous
286
partageons sans aucune réserve). Ces recommandations seront suivies grâce à la
mise en place d’un organe de veille qui constituera une voie de recours aussi bien
pour les usagers que pour les agents de santé140. Nous pouvons constater que le
ministère de la santé veut mettre les patients et les personnels de santé devant leur
responsabilité. Cet organe doit non seulement permettre d’améliorer les relations en
médecins et patients, mais il doit aussi favoriser la bonne marche de la structure
hospitalière en facilitant les rapports entre les différents acteurs du monde médical
ivoirien.
II - LE DROIT POUR REGULER L’EXERCICE DE LA MEDECINE ENTRE SES
DIFFERENTS ACTEURS
A/ LE DEVOIR DE CONFRATERNITE ENTRE MEDECINS
La notion de confraternité est liée aux professions libérales. Elle ne fait pas l’objet
d’une définition précise, mais on peut dégager deux aspects :
Premièrement, c’est un code de bonnes relations entre membres d’une même
profession libérale, qui provient de la concurrence et de la nécessité de l’organiser.
C’est pourquoi, lorsqu’il reçoit un patient qui vient d’abandonner un confrère, le
médecin doit théoriquement prendre contact avec ce dernier.
Deuxièmement, il n’y a pas de hiérarchie entre médecin. Le diagnostic ou la
thérapeutique de l’un vaut celui ou celle d’un autre. Cette indépendance a aussi un
aspect économique puisque les médecins ne doivent pas avoir de relations
financières entre eux. La dichotomie (partage des honoraires versés par un patient
140
Fraternité Matin : AKA Ouelé fait mettre le doigt sur les maux qui minent les structures sanitaires. Jeudi 01
juillet 2010. Franck YEO.
287
entre son médecin et celui d’une clinique où son médecin l’a incité à faire tel examen,
par exemple) est une faute professionnelle grave. Cette absence de relations
hiérarchiques et financières a été un élément de blocage pour la création des cabinets
de groupe, qui impliquent des relations financières entre plusieurs médecins141.
Dans l’exercice de leur mission, les médecins travaillent très souvent les uns avec les
autres. Cette situation peut être par moment difficile à gérer. Nous savons tous que
pour qu’un travail d’équipe soit efficace, il faut une certaine entente entre les membres
de ladite équipe. Le milieu hospitalier est le lieu où l’union des personnels médicaux
fait sans aucun doute leur force. Aucun médecin, aucun professeur de médecine,
aucune infirmière ou sage femme ne peut réaliser seul ce travail complexe sans
l’appui des autres. La nécessité d’unir tous les esprits dans l’entente et la cohésion
doit être le premier objectif des différents personnels précités, cela dans l’intérêt des
patients. C’est pourquoi, le CDM142 ensemble de règles morales autrefois, ayant
aujourd’hui une réelle force juridique se charge de définir les devoirs et garantir les
droits des médecins. Le CDM « … s’impose aux médecins inscrits au tableau de
l’ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à
l’article L. 4112-7 du code de la santé publique ou par une convention internationale,
ainsi qu’aux étudiants en médecine effectuant un remplacement ou assistant
un
médecin »143. Ce code s’applique aussi bien aux médecins exerçant à titre libéral (en
cabinets de ville ou en cliniques privées) qu’aux médecins exerçant en milieu
hospitalier.
En Côte d’Ivoire, c’est donc le CDM qui fixe les conditions d’exercice des médecins.
En son titre IV, il fait état des devoirs de confraternité que doivent avoir les médecins
141
André DEMICHEL, le droit de la santé, les Etudes Hospitalières. Septembre 1998, p 25.
Code de Déontologie Médicale.
143
Droit de la santé publique, Jacques MOREAU, Didier TRUCHET. Dalloz 6° édition, janvier 2004, P 199.
142
288
les un envers les autres. Il parle des bonnes relations que doivent entretenir les
médecins, de leurs relations face à certaines situations plus ou moins difficiles. Il
règlemente la gestion de la clientèle médicale. Enfin lorsque deux médecins se
retrouvent sur un même dossier, le CDM tranche en faveur du bien être du patient.
Mais le code ne dit pas comment doit réagir un médecin face à une violation des droits
d’un patient par l’un de ses confrères ? Doit-il le dénoncer ? Ou s’abriter sous le
devoir de confraternité et dissimuler les faits venus à sa connaissance ? Le devoir de
confraternité sous entend qu’un médecin commettrait une faute déontologique s’il
critiquait la manière dont l’un de ses confrères a soigné un patient. En Côte d’Ivoire, le
droit du secret médical, le droit du patient dans le choix de son médecin, les droits les
plus élémentaires du patient sont constamment violés par le personnel hospitalier. Le
devoir de confraternité entre médecins ne doit pas selon le CDM servir à cacher des
faits et gestes déplacés des médecins ni à protéger ces derniers lorsqu’ils commettent
des actes répréhensibles à l’égard de leurs clients et patients. Le droit et plus
précisément le droit médical doit non seulement servir à régir les relations entre
médecins et patients mais il doit aussi être au centre des relations entre médecins et
enfin, il doit rendre plus fluides les relations entre les médecins et les autres
professions paramédicales surtout les agents de santé : (infirmiers, infirmières et
sages-femmes) qui par moment sont banalisées par les médecins.
B/ LE DROIT POUR REGLEMENTER LES RELATIONS ENTRE LES MEDECINS ET
LES AUTRES PROFESSIONS PARAMEDICALES
Nous le redisons encore une fois, les professeurs de la faculté de médecine et les
médecins exerçant dans nos hôpitaux détiennent un très grand pouvoir face à leurs
289
étudiants pour les premiers et face à leurs patients pour les seconds. Cette place
originale des médecins par rapport aux autres personnels de l’hôpital leur procure un
véritable pouvoir parce que bénéficiant d’un traitement spécifique. Au sein des
hôpitaux, ce sont très souvent les infirmiers, les infirmières, les sages-femmes, les
garçons
et
filles
de
salle
et
certains
auxiliaires
médicaux
qui
subissent
quotidiennement les foudres des médecins. Avec leurs collègues pharmaciens et
chirurgiens dentistes, les relations
sont par moment concurrentielles ou même
conflictuelles alors qu’elles ne le devraient pas. Le CDM en son article 72 fixe des
règles afin que les médecins au cours de l’exercice de leur profession n’empiètent pas
sur les prérogatives des autres professions paramédicales et respectent celles-ci.
Ceci dans l’intérêt et pour le bien-être des patients. Selon l’article 72 du CDM, les
médecins
doivent
respecter
l’indépendance
des
membres
des
professions
paramédicales, notamment les pharmaciens, les chirurgiens dentistes, les sagesfemmes, les infirmiers et infirmières. Ils doivent éviter tout agissement injustifié
tendant à leur nuire et se montrer courtois à leur égard. L’article 72 précise aussi que
le médecin et le pharmacien doivent vivre en bonne harmonie pour le bien être du
public. D’où l’impartialité que doit observer le médecin à l’égard des différents
pharmaciens installés dans la localité où il exerce. Il ne doit donc pas conseiller à ses
patients un pharmacien donné mais plutôt laisser au patient le choix de son
pharmacien. Le médecin ne doit porter aucune critique ou jugement sur tel ou tel
pharmacien. Concernant encore les pharmaciens, deux décisions de justice font état
de l’introduction récente du droit dans les règlements des conflits opposant l’ordre des
pharmaciens à ses membres. En effet, par un pourvoi du 20 juillet 2000, un
pharmacien attaque une décision du conseil de discipline de l’ordre national des
pharmaciens de Côte d’Ivoire qui vient de lui interdire d’exercer pendant deux ans
290
parce qu’il détient deux pharmacies, l’une en Côte d’Ivoire et l’autre au Mali. La Cour
Suprême dans une première décision144 annule la sanction de l’ordre et du même
coup la décision du ministre de la santé de fermer la pharmacie se trouvant sur le
territoire ivoirien au motif que selon l’article L 575 du CSP, le pharmacien ne peut être
propriétaire que d’une seule officine sur le territoire national.
Mais dans une seconde décision la même Cour Suprême répond favorablement à une
requête
en rétractation de l’arrêt du 26 décembre 2001 émise par l’ordre des
pharmaciens au motif que le pharmacien au moment de son recours était forclos145.
Nous pouvons nous rendre compte que les affaires arrivent à la justice en général
parce que les demandeurs et les défendeurs sont eux-mêmes du corps médical. Les
uns désireux de protéger leurs intérêts et les autres défendant la corporation. Mais
dès lors que ces affaires concernent la partie du peuple mal instruite et peu informée,
elles restent très souvent dans les tiroirs des ministères ou des hôpitaux.
Les rapports des médecins avec les agents de santé doivent être fondés sur certains
principes. Le respect et la courtoisie doivent régir ces relations. Ce sont les agents de
santé infirmiers, infirmières et sages-femmes qui sont chargés de suivre et faire
appliquer les prescriptions des médecins auprès des patients. Tout conflit avec ces
derniers ne fera que rendre plus difficile la tâche des médecins et par la suite
dégrader leur image dans l’opinion. Dans ces relations, il faut favoriser la
communication. Dans de nombreux cas, les infirmiers et infirmières se plaignent de ne
pas être souvent informés de ce que les médecins disent aux personnes
hospitalisées. Mais dans l’autre sens, les infirmiers doivent eux aussi rendre compte
des observations faites lors des visites. Le droit doit donc s’installer très
confortablement dans la gestion de nos hôpitaux et faire partie intégrante des rapports
144
145
C Sup, Ch. Ad, 26 décembre 2001. DOUMBIA Mohamed/l’ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire.
C Sup Ch Ad, 26 mai 2004. Conseil national de l’ordre des pharmaciens/DOUMBIA Mohamed.
291
entre les différents acteurs du monde médical. Toute violation de ces règles doit
conduire à la prononciation des sanctions prévues telles que l’interdiction temporaire
d’exercice ou même la radiation définitive du médecin indiscipliné. Pour une
application rigoureuse de tous ces principes, il faut que le droit médical soit enseigné
dans nos facultés de médecine, de droit et dans nos instituts de formation afin que
nos étudiants, élèves et futurs personnels de santé prennent conscience de leur rôle
dans la relation entre soignants et patients.
III - L’ENSEIGNEMENT DU DROIT MEDICAL POUR UN EQUILIBRE DANS LES
RELATIONS ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS
L’enseignement du droit médical dans les structures de formation ivoiriennes a pour
but de situer les responsabilités. Celles du corps médical dans un premier temps, et
celles des patients ensuite. Elles n’ont pas la même importance parce que dans ce
rapport les premiers ont plus de probabilité de commettre un acte répréhensible. En
effet, c’est sur le corps médical que repose en grande partie la bonne marche de la
relation entre soignants et patients. C’est donc le droit médical qui à travers son
enseignement doit permettre à nos personnels de santé d’acquérir une certaine
conscience professionnelle qui facilitera la relation. Le droit médical il est vrai permet
de situer les responsabilités, mais il offre aussi l’occasion de régler les conflits pouvant
naître de la relation entre médecins et patients. La Côte d’Ivoire nous l’avons déjà dit
n’est pas vraiment avancée en matière de droit médical. Il y’a dans notre système de
santé une totale ignorance en ce qui concerne les règles liées à la sécurité des
patients. Selon monsieur Adama YEO, auteur d’un article sur le sujet : « le constat est
que la sécurité du patient n’est pas toujours la priorité des professionnels de la santé
292
ni celle des pouvoirs publics. L’illégalité qui marque l’exercice de la médecine et la
sécheresse des actions en réparation contre les services hospitaliers soutiennent
cette affirmation »146. C’est pourquoi nous préconisons la mise en place d’un système
juridique qui aura pour but d’encadrer l’exercice de la médecine et ses conséquences
dans le pays. Nous prendrons comme modèle d’appui le système français. Nous
pensons très sérieusement que la France est très avancée dans ce domaine et son
expérience doit servir de source d’inspiration à notre pays. De nombreuses lois ont été
édictées en France pour régir le secteur, mais la loi du 4 mars 2002 (dite loi
KOUCHNER) relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est
celle qui se rapproche le plus de ce que nous voulons pour notre nation. Cette loi,
enseignée dans les facultés de droit et de médecine en France pose les bases de la
relation soignants/soignés tout en situant les responsabilités. Elle essaie de faire un
équilibre afin de ne léser personne. C’est ce que nous devons apprendre et faire
comprendre à nos futurs personnels de santé si nous voulons obtenir de meilleurs
résultats. Mais avant d’étudier cette loi Kouchner, nous examinerons comment les
médecins au cours de leur formation devaient faire face à leurs responsabilités dans
leur relation avec les patients avant son entrée en vigueur.
A/ LES RELETIONS MEDECINS /PATIENTS FACE AU DROIT
1) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE AVANT LA LOI DU 4 MARS 2002
« Les lacunes de la réflexion sur les questions juridiques et éthiques autour de la
santé caractérisent non seulement le Sénégal, mais aussi la plupart des autres pays
146
Adama YEO. La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte d’Ivoire. Revue
générale de droit médical n° 28, septembre 2008, p 229.
293
francophones d’Afrique. Elles s’expliquent en très grande partie par l’absence de
formations académiques spécialisées dans le droit de la santé. Elles se traduisent par
des retards notables dans les débats scientifiques, par l’absence de codes de la santé
dignes de ce nom dans la plupart des pays africains francophones et par des vides
juridiques notables… »147. Ces mots du rapport de présentation du décret instituant le
DEA148 en droit de la santé à l’université Cheikh ANTA-DIOP de Dakar illustrent bien
la situation de la Côte d’Ivoire et des autres pays du continent en matière de droit de
la santé. Nous ne possédons pas encore ou plutôt nous ne voulons pas faire l’effort de
posséder le savoir nécessaire permettant de mettre en place tout ce qui entoure la
mise en œuvre du droit de la santé. Le droit de la santé est une nouvelle discipline
que s’accaparent les juristes et les médecins, mais aussi beaucoup d’autres
professions. Le développement du droit de la santé est donc fondamental pour
permettre l’implication des citoyens dans un accès juste et équitable à la santé. Pour
cela, il est nécessaire aujourd’hui pour nous Ivoiriens et Africains de développer des
enseignements appropriés de haut niveau, destinés à former des spécialistes qui
seront en mesure de favoriser une mise à jour et une harmonisation des législations. Il
faudra aussi mettre en place les structures qui permettront l’application de ces
nouvelles règles et contribuer ainsi à la consolidation de l’Etat de droit. Mais pour
atteindre ces objectifs, nous pensons qu’il est important de s’inspirer de modèles, qui
n’ont peut être pas résolus tous les problèmes mais qui ont quand même fait leurs
preuves. L’enseignement du droit médical et de la santé en France peut dans ce
contexte nous apporter quelques éléments de réponse.
147
Droit et santé en Afrique : actes du colloque international de Dakar, 28 mars – 1 avril 2005. Première animation
scientifique régionale du réseau « droit de la santé » de l’AUF (agence universitaires de la francophonie). Les
Etudes Hospitalières. P 19.
148
DEA : Diplôme d’Etudes Approfondies.
294
Avant la loi de 2002 qui pose les bases d’une relation équilibrée entre personnels de
santé et patients, le droit médical était enseigné en France selon d’autres principes.
Les médecins n’avaient pas tous des notions de droit médical. En plus, les règles
juridiques qui existaient donnaient l’impression d’être du côté des médecins. Mais
depuis quelques années et surtout avec l’avènement de la loi du 4 mars 2002,
différentes juridictions interviennent dans la relation entre le corps hospitalier et les
patients. Il nous semble aujourd’hui que procurer des soins à un patient ou vouloir lui
sauver la vie n’est plus une chose aisée. Les patients n’hésitent plus à traduire les
médecins ou les hôpitaux devant la justice dès qu’une erreur ou un accident médical
se produit au cours d’une intervention. Cet état de fait vaut pour la France et nous
souhaiterions que cela soit le cas en Côte d’Ivoire.
Dans l’accomplissement de leur mission, les personnels de santé « prennent certains
risques ». Qu’ils soient français ou ivoiriens, ceux-ci doivent être formés aux règles
juridiques qui régissent leur univers de travail. Certains diront que les médecins et les
personnels de santé ont déjà énormément de connaissances à acquérir lors de leur
formation initiale, pourquoi vouloir y ajouter le droit ? Tout simplement parce que le
monde de la médecine comme de nombreux autres secteurs d’activité n’échappent
pas à la déferlante juridique.
Au cours des années, la responsabilité médicale et hospitalière a connu une évolution
considérable. Les patients en France n’hésitent plus à demander des comptes.
Chaque année, à l’hôpital ou dans les cabinets de ville, des malades contractent des
infections au cours de leur séjour à l’hôpital. Des opérations peuvent mal se passer.
Plus de 600.000 accidents médicaux sont recensés et plus de 100.000 procédures
sont engagées devant les tribunaux, les commissions de conciliation, devant le conseil
295
de l’ordre également garant de la déontologie des médecins.149 Tous ces problèmes
touchent le système de santé ivoirien. L’ignorance des patients sur leurs droits est très
importante dans le pays. Compte tenu du fait que les médecins et les agents de santé
ne maîtrisent pas vraiment leurs droits, il est très rare, voire même inimaginable à ce
jour qu’un patient ou un groupe de patients décident d’entamer une action en justice
pour obtenir réparation après avoir été victime d’infection nosocomiale ou à la suite
d’un accident médical. Néanmoins, certaines personnes osent porter les affaires les
concernant devant les tribunaux. Mais les choses avancent lentement parce que les
organismes ou les institutions chargés de suivre ces procédures ne sont pas mis en
place ou s’ils le sont, ils ne fonctionnent pas correctement pour traiter ou même
prendre en considération ces faits. Les bases n’ont pas été posées et nous pouvons
sans risque de nous tromper dire que nous naviguons à vue. La connivence de nos
dirigeants politiques avec les responsables hospitaliers permet d’étouffer les
procédures lorsqu’elles sont engagées. Les patients très souvent ne pensent même
pas un instant porter ce genre de problème devant les juridictions compétentes, parce
qu’ils savent qu’au bout du compte ils n’auront jamais gain de cause. Si les étudiants
au cours de leur formation avaient eu quelques notions de droit médical, de droit en
tant qu’élément d’équilibre ou de droit en tant qu’élément de rigueur nous n’en serions
pas là aujourd’hui. Il faut le reconnaître, notre système de santé dans son ensemble
est « pourri »150. Les autorités ne font pas leur travail et ceux qui sont censés
bénéficier du savoir ne peuvent pas aller au fond des choses par manque de moyens
ou tout simplement parce que la formation en elle-même est viciée. Cela provoque un
retard chez nos étudiants qui ne savent que soigner, qui ne font que soigner sans se
149
L’EXPRESS, Estelle SAGET, Delphine SAUBABER et Anne VIDALIE. 30 novembre 2006. P 40.
Les maux qui gangrènent le système de santé : corruption, négligence et incompétence de certains personnels
de santé.
150
296
préoccuper de tout ce qui gravite autour, à savoir la gestion des relations avec les
malades. Le droit permet une sorte de partenariat entre patients et médecins. Il ne doit
pas être perçu comme un objet de conflit mais plutôt comme un élément d’apaisement
en cas de problème.
En Côte d’Ivoire, les patients sont donc livrés à eux même face à un système qui ne
les protège pas, qui ne leur offre pas de garantie ou tout simplement les ignore. Si les
médecins étaient formés au droit en général et au droit médical en particulier, nous
pensons que les choses se passeraient différemment.
Le juge judiciaire et le juge administratif ont orienté leur jurisprudence en France dans
un sens généralement favorable à la victime. Selon eux, le patient a droit à la
réparation d’un préjudice « anormal » au regard de son état de santé, de son évolution
prévisible et des risques du traitement. Cette façon de voir des juges a sans doute
donné aux médecins, agents de santé et aux établissements de santé le sentiment
d’être automatiquement condamnés. Même si la responsabilité à laquelle ils doivent
faire face reste une responsabilité pour faute prouvée. Prouver la faute pour nos
compatriotes en cas de dommage est un exercice où ils sont sûrs de sortir perdants.
Les victimes veulent comprendre ce qui leur arrive, cette situation peut même
entrainer des dommages psychologiques. Pour que tout le monde sorte satisfait de ce
genre de situation, les procédures devant conduire à une probable réparation ne
doivent donc pas être bâclées.
Les personnels de santé et les établissements de santé doivent faire face à trois
juridictions différentes, juridictions qui existent en France mais aussi en Côte d’Ivoire.
Nous avons décidé de mettre l’accent sur ces juridictions afin de familiariser les
personnels de santé de Côte d’Ivoire à celles-ci. Nous pensons que plus de la majorité
297
des personnels de santé de notre pays ne connaissent
pas ou ignore même
l’existence de ces juridictions.
a- Les juridictions compétentes
-
Le juge judiciaire civil
Il compétent pour connaître des actions intentées par les victimes contre les
professionnels et établissements de santé privés y compris ceux participant au service
public hospitalier. Il est également pour les actions visant les professionnels de santé
délivrant exceptionnellement des soins à titre libéral dans des établissements de santé
public ainsi que pour les fautes personnelles qui sont d’une certaine gravité et souvent
intentionnelles (qui s’opposent à faute de service) des professionnels de santé des
établissements publics. Il est enfin, pour l’hospitalisation d’office abusive des malades
mentaux même lorsqu’elle est due à un vice de l’arrêté préfectoral. Nous sommes ici
dans le cadre de la responsabilité médicale en droit privé. Il s’agit de la responsabilité
des cliniques privées. Ces cliniques, nous l’avons déjà dit sont de plus en plus
nombreuses dans notre pays, cela est dû à la défaillance de nos hôpitaux publics.
Cette responsabilité contractuelle entre le médecin, la clinique et le patient a pour
base l’arrêt Mercier151.
-
Le juge judiciaire pénal
Il compétent pour infliger des sanctions pénales aux professionnels de santé et depuis
1994, aux établissements de santé dans les conditions de l’article 121-2 du code
pénal (C.pén).
-
Le juge administratif
151
Arrêt Mercier, Cass, civ. 1, 20 mai 1936 pose le principe de la nature contractuelle des obligations du médecin
à l’égard de son patient.
298
Il compétent pour connaître des actions intentées contre les établissements de santé
publics par les patients, sauf les cas déjà pris en compte par les juridictions
précédemment citées. Le juge administratif est compétent pour les cas de
responsabilité extracontractuelle, ce qui n’est pas non plus une responsabilité
individualisée. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas le médecin, l’infirmier, la sagefemme etc… c’est la personne morale de droit public qui est l’hôpital. A une certaine
époque, le juge administratif se montrait peu généreux à l’égard des victimes parce
qu’il paraissait très difficile de mettre en cause l’administration. Mais les choses se
passent différemment actuellement.
A côté de ces juridictions, il est important pour nous de faire comprendre à notre
population mais aussi au corps médical que les médecins et les agents de santé ou
selon les cas les établissements qui les emploient peuvent commettre des erreurs ou
des fautes et faire ainsi objet de poursuite. Ces notions de faute et d’erreur si elles
avaient été inculquées et apprises au cours de la formation soit à la faculté de
médecine soit dans nos instituts de formation auraient évité de nombreux
désagréments au sein de nos structures de soins.
b - La responsabilité médicale devant le juge judiciaire
-
La responsabilité civile du médecin
La responsabilité civile du médecin envers le malade est appréciée par le juge
judiciaire dans les conditions du droit privé commun. Elle est contractuelle lorsqu’il y’a
contrat médical (article 1147 du code civil), délictuelle ou quasi délictuelle dans les
autres cas (article 1382- 1384 du code civil).
-
La responsabilité pour faute (La responsabilité du médecin).
299
La responsabilité pour faute est engagée lorsqu’une faute même légère est
susceptible d’engager la responsabilité du médecin. La faute résulte dans ce cas d’un
manquement à l’obligation qui pèse sur le médecin, elle est appréciée cas par cas en
fonction du comportement qu’a le médecin. Ici, on se pose la question de savoir quel
comportement aurait adopté dans les mêmes conditions un autre médecin
normalement compétent et consciencieux. La jurisprudence tient compte ici des
difficultés de l’art médical : ainsi, une erreur de diagnostic n’est fautive que si elle
révèle une méconnaissance de la pathologie élémentaire, ou résulte d’une négligence
manifeste.
Le choix d’une indication thérapeutique qui se révèle malheureuse est rarement
considéré comme une faute en raison de la liberté de prescription du médecin.
La mauvaise exécution du traitement et l’insuffisance des précautions nécessaires
fournissent des exemples nombreux de fautes : citons par exemple la maladresse du
chirurgien qui est aujourd’hui systématiquement considérée comme une faute au point
que beaucoup d’auteurs l’analysent comme un manquement à une obligation de
résultat. Il y’a aussi faute lorsque le médecin n’a pas suffisamment informé le malade
ou a négligé d’en recueillir le consentement. D’une manière générale, la jurisprudence
s’inspire des données actuelles de la science et considère qu’un médecin doit agir
conformément, non pas aux découvertes les plus récentes, mais aux enseignements
diffusés dans la littérature récente152. Dans un pays où la formation continue est dans
la majeure partie des cas due à la seule initiative du médecin, l’unique défense de ce
dernier sera d’évoquer l’accès difficile à l’information parce que les autorités en amont
n’auront pas joué leur rôle. C’est aux médecins de se tenir informer de l’évolution de la
science qu’il exerce, mais c’est aussi aux autorités de permettre un accès plus facile à
152
Droit de la santé publique, Jacques MOREAU, Didier TRUCHET, P 227. Edition Dalloz, janvier 2004.
300
la formation continue à travers l’organisation de séminaires, colloques, conférences
entre les médecins de ivoiriens et ceux de pays plus avancés dans le secteur.
-
La responsabilité de l’établissement privé
En ce qui concerne l’établissement de soin privé, il répond des fautes commises dans
l’exécution des obligations que lui impose le contrat d’hébergement et de soins qu’il a
conclu avec le patient. L’établissement peut être déclaré responsable des fautes de
son médecin nonobstant l’indépendance professionnelle de ce dernier, mais à
condition que celui-ci soit son salarié. Toutefois, l’établissement pourra engager une
action récursoire, c'est-à-dire qu’il pourra se retourner contre le médecin ou son
assureur. Nous l’avons déjà dit, les patients qui contractent avec les cliniques privées
sont pour la plupart instruits et disposent de moyens financiers. Ils ont donc les
moyens de poursuivre ces cliniques parce que, étant souvent en rapport avec des
avocats. Ils n’ignorent pas les règles juridiques et s’intéressent de très près à ce qu’on
leur fait à l’hôpital contrairement aux patients qui se tournent vers les hôpitaux publics,
plus modestes et moins instruits.
-
La charge de la preuve
Pour tous ces cas, c’est à la victime qu’il revient d’établir la preuve des faits
reprochés, ce qui n’est pas évident en matière médicale, la victime n’étant pas dans
de nombreux cas professionnelle de santé. Le juge peut donc ici recourir à une
expertise pour alléger la tâche de la victime. Mais dans les années 1990, la
jurisprudence a renversé la charge de la preuve en la faisant peser sur le médecin ou
l’établissement lorsque prouver la faute était très difficile pour la victime (le cas des
infections nosocomiales). Pour la jurisprudence, le contrat d’hospitalisation et de soins
conclu entre le patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier une
301
obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve
d’une cause étrangère.
c- La responsabilité hospitalière devant le juge administratif
La responsabilité de l’établissement d’hospitalisation du fait de dommages subis par
les usagers est appréciée conformément au droit commun de la responsabilité
administrative. Elle incombe exclusivement à l’établissement de santé public, et
jamais à ses agents, quand bien même la faute de service à l’origine du dommage
serait de leur fait. Il n’en va autrement que dans le cas, en pratique très rare, où ils
auraient commis une faute personnelle.
-
La responsabilité pour faute de service simple
Deux arrêts de section du Conseil d’Etat, Mme veuve Loiseau et Philiponneau, du 8
novembre 1935 avaient imposé une distinction : la mauvaise organisation du service
et « l’acte de soin ou acte courant et de caractère bénin » engageaient la
responsabilité de l’établissement pour faute simple. Ces actes sont tous ceux réalisés
par les infirmiers, aides soignants (injection, pansement, le nettoyage d’une plaie par
exemple). A côté, l’« acte médical », acte d’une particulière difficulté, accompli le plus
souvent mais pas forcément par un médecin ou un chirurgien ou sous la
responsabilité de ces derniers engageait cette responsabilité pour faute lourde. Cette
dichotomie entre actes médicaux et actes de soins remonte à un arrêt de 1935 Dame
veuve Loiseau. Pendant près de 60 ans, la jurisprudence n’a plus bougé.
Il a fallu attendre les années 1990 pour voir l’important arrêt madame V rendu en
assemblée le 10 avril 1992 pour assister à un revirement de jurisprudence. Cet arrêt a
renoncé à l’exigence d’une faute lourde. Désormais, toute faute de service (sans
302
condition particulière de gravité) est susceptible d’engager la responsabilité de
l’hôpital public, quelle que soit l’activité au cours de laquelle elle a été commise. En
résumé, la responsabilité de l’hôpital quel que soit l’acte à l’origine du dommage peut
être engagée pour faute simple. Ainsi, une décision rendue par la Cour Suprême de
Côte d’Ivoire dans une affaire qui concerne une clinique privée, donc le droit privé
pour essayer de faire le lien avec ce que nous venons de dire, affirme que : « une
clinique est responsable civilement du préjudice du fait du matériel et de son
personnel dès lors que d’une part, la preuve des brûlures subies par le patient et le
lien de causalité entre celles-ci et son opération exécutée dans les locaux de la
clinique sont établis et que d’autre part, une faute pour inobservation de l’obligation
générale de prudence et de diligence pèse sur le personnel infirmier ; Par conséquent,
la clinique doit réparer le préjudice »153.
La responsabilité n’est pas automatique. Le juge prend en considération toutes les
circonstances de l’affaire pour décider de la responsabilité de l’établissement. Il tient
aussi compte de la difficulté de l’activité au cours de laquelle est survenu
ce
dommage.
Les hypothèses de mauvaise organisation ou de fonctionnement défectueux du
service sont très diverses et étroitement liées aux circonstances de fait. On y trouve
par exemple les erreurs administratives (telles que le mauvais acheminement d’un
dossier), des retards (à l’admission, dans les soins, dans la réaction à l’aggravation de
l’état du malade), des relations défectueuses entre les médecins et le personnel, la
mauvaise utilisation du matériel ou les défectuosités de celui-ci, des défauts de
surveillance (hypothèse fréquente, notamment dans les hôpitaux psychiatriques),
153
C Sup Ch. Jud, 08 octobre 1999. Clinique Médicale Trade Center/Dame Costa Bibiana.
303
l’absence d’un agent qualifié qui aurait dû être présent (en particulier, d’un médecin
anesthésiste).
Le juge tient compte des moyens de toute nature que possédait l’établissement
lorsque, ces moyens sont ceux dont il disposait en fonction de sa catégorie. Une
insuffisance à ce niveau ne constituant pas une faute. En revanche, l’absence ou la
mauvaise utilisation de moyens par l’hôpital peut constituer une faute. Les erreurs,
maladresses, négligences au cours des actes de soins (injections, perfusions,
administration des médicaments prescrits, massages et actes de rééducation, toilette
du malade) constituent aussi une faute.
Pour les actes médicaux, erreurs et négligences lors d’un traitement ou une opération
que n’excusent ni l’état du patient, ni la difficulté de l’acte tel que l’oubli d’instrument
dans le corps du malade le juge est moins tolérant. Il l’est aussi pour les maladresses
des chirurgiens et pour les erreurs de diagnostic surtout si le médecin a ignoré des
signes cliniques qui auraient dû normalement attirer son attention ou s’il a négligé de
prescrire les examens et investigations recommandés dans le cas traité.
La mauvaise indication thérapeutique n’est pas systématiquement sanctionnée par le
juge puisque ici, il prend en compte la difficulté technique. Mais cela varie souvent en
fonction du cas d’espèce. Le juge ne sanctionne pas les choix illégitimes même
malheureux, les risques pris dans la limite du raisonnable, les erreurs vénielles,
surtout lorsque l’urgence, l’état du malade, la difficulté particulière de l’acte ou
l’absence d’alternative thérapeutique expliquent le comportement du praticien. En
revanche, les attitudes désinvoltes, les négligences, les imprudences caractérisées, la
méconnaissance des usages et de la littérature médicale, une appréciation très
défectueuse du rapport « avantages / risques » du traitement l’inclinent à la
condamnation.
304
En ce qui concerne la preuve, conformément aux principes généraux, la preuve de la
faute et celle du lien de causalité entre celle-ci et le dommage incombent à la victime,
qui doit également établir l’existence et la gravité du dommage. En première instance,
le juge ordonne toujours des expertises.
Le juge administratif qui a allégé la charge de la preuve de manière plus précoce et
importante que le juge judiciaire se contente parfois pour condamner l’établissement
d’une présomption de faute ou d’une présomption de causalité. Il ne le fait pas
systématiquement, mais de plus en plus fréquemment lorsque le dommage dont
l’origine précise n’a pu être établie de manière certaine apparaît à ce point anormal
qu’il révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service (c’est le cas
des infections nosocomiales et des dommages provoqués par des actes courants et
normalement sans danger).
-
L’application jurisprudentielle de la responsabilité sans faute de l’établissement
La jurisprudence administrative est réticente à appliquer la responsabilité sans faute
en matière hospitalière. Elle l’a longtemps confinée d’une part aux collaborateurs
bénévoles du service public hospitalier (membres d’une association d’aide aux
malades : Conseil d’Etat, 31 mars 1999, hospices civils de Lyon) et d’autre part aux
dommages subis par les donneurs de sang, et à ceux que provoquent des malades
psychiatriques bénéficiant d’une sortie alors qu’ils sont hospitalisés sans leur
consentement.154 La jurisprudence a par la suite étendu cette responsabilité dans
deux décisions au champ d’application étroit mais spectaculaire :
La première, celle de l’arrêt concernant les époux Gomez, dans laquelle la cour établit
que : « L’utilisation non fautive d’une thérapeutique nouvelle dont les conséquences
ne sont pas encore entièrement connues, sans que des raisons vitales aient
154
Ibid, P 230.
305
commandé cette utilisation, ayant eu des conséquences particulièrement graves et
anormales engagent la responsabilité de l’établissement public (cour administrative
d’appel CAA Lyon, 21 décembre 1990, époux Gomez) ». La seconde en rapport avec
l’arrêt Bianchi où « l’acte médical nécessaire, créant un risque dont l’existence est
connue mais la réalisation exceptionnelle ayant provoqué un dommage extrêmement
grave sans rapport avec l’état initial du patient et son évolution prévisible engage la
responsabilité du service si l’exécution de cet acte est la cause directe du dommage.
Peu importe que le dommage soit en rapport avec l’état initial du patient ou avec
l’évolution prévisible dudit état, présentant un caractère d’extrême gravité (Conseil
d’Etat, 9 avril 1993, Bianchi) ».
Aujourd’hui les choses ont pris une tournure différente. En effet, depuis l’entrée en
vigueur de la loi de 2002, la priorité est donnée à l’équilibre dans les relations
médecins/patients. L’équilibre, c’est cela même le droit. C’est pourquoi nous insistons
pour que nos personnels de santé s’imprègnent de ces éléments juridiques pour
mieux servir les populations.
2) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE DEPUIS LA LOI DU 4 MARS 2002
La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner constitue la première intervention du
législateur dans la responsabilité médicale et hospitalière. Avant, il n’avait institué que
des régimes spéciaux et c’était la jurisprudence judiciaire et administrative qui
appliquait et adaptait le régime de droit commun. Cette loi intégrée au code de la
santé publique aux articles L 1142-1 à L 1142-28 et D 1142-1 à R 1142-58, chapitre
intitulé « risques résultant du fonctionnement du système de santé » (CSP) confirme,
aménage ou innove totalement les règles jurisprudentielles.
306
La santé n’est plus en ce début de millénaire ce qu’elle était il y’a quinze ou vingt ans.
Le patient entend dorénavant jouer un rôle essentiel dans la prise de décisions qui
affectent sa santé. Le malade se voit à présent placé au cœur du processus
décisionnel, érigé en consommateur de soins, il revendique davantage de sécurité
sanitaire et certains droits que le législateur vient de lui accorder.
De son côté, le professionnel de santé est tenu d’exercer une activité soumise à des
contraintes à la fois scientifiques et juridiques sans cesse croissantes. L’ignorance
(dans certains cas) ou le non respect des ces obligations est source de nombreuses
responsabilités que le praticien appréhende souvent mal.
a- Observations générales
-
Unité de règles et dualité de juridictions
La loi de 2002 concerne les professionnels de santé et tout établissement ou service
ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de préventions, de
diagnostics ou de soins selon l’article L 1142-1- I du CSP. La loi concerne donc le
système de santé privé et public dans son ensemble. Chacun des juges judiciaire et
administratif continuent de connaître des affaires qui relevaient de lui. Chaque juge
peut donc interpréter différemment la loi nouvelle, ainsi les règles uniques voulues par
le législateur pourraient diverger dans la jurisprudence future.
-
Eviter le recours au juge
En l’état actuel du texte, rien n’interdit à une victime de saisir directement le juge d’une
demande d’indemnité sauf à respecter la règle générale de la décision préalable qui
ne permet de s’adresser au juge administratif qu’après avoir obtenu une décision
défavorable de l’autorité administrative : art R 421-1 CJA.155 Cependant, on verra que
155
CJA : code de justice administrative
307
le législateur a institué des procédures de conciliation et de règlement amiable qui
devraient éviter le recours au juge si elles fonctionnent bien.
-
Le rôle des assureurs
Le législateur connaissant le rôle des compagnies d’assurance a pris en compte leurs
intérêts lors de l’élaboration de la loi. Entre les intérêts des établissements et des
professionnels assurés, ceux de leurs victimes et ceux des assureurs il fallait trouver
un équilibre afin que les assureurs puissent couvrir les risques en toute connaissance
de cause. C’est ce qu’a fait la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité
médicale qui définit la notion de sinistre au sens de l’art L 1142-2 du CSP et limite
certaines obligations des assureurs. Cet article impose aux professionnels et
établissements de santé de souscrire « une assurance destinée à les garantir pour
leur responsabilité civile ou administrative ». Seuls l’Etat et certains établissements de
santé publics (sur autorisation ministérielle) échappent à cette obligation d’assurance
parce qu’ils disposent d’assez de ressources financières pour être leur propre
assureur.
-
Délai de prescription
L’ article 1141-28 du CSP fixe à 10 ans à compter de la consolidation du dommage
(date à laquelle on sait quelle sera l’étendue du dommage) les actions tendant à
mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements
de santé publics et privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin.
Cette date à partir de laquelle le dommage est définitivement installé est parfois très
postérieure au dommage lui-même. En matière administrative, cette prescription
décennale se substitue à la déchéance quadriennale des créances sur les personnes
publiques (Conseil d’Etat, avis 19 mars 2003, Haddad).156
156
Ibid, P 232.
308
b- La responsabilité de droit commun pour faute
-
Règles de fond
Ces règles ont pour base l’art 1142-1-I, alinéa 1 du CSP qui dispose que : « hors le
cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé »,
les professionnels et établissements de santé « ne sont responsables des
conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin qu’en
cas de faute ». Cet article confirme dans un premier temps le principe de
responsabilité pour faute qu’avait affirmé la jurisprudence judiciaire et administrative
antérieure. Ensuite, il empêche que le juge étende dans le champ qu’elle concerne la
responsabilité sans faute en matière médicale et hospitalière. Il met également fin aux
cas dans lesquels il avait appliqué cette responsabilité dans le champ d’application de
la loi : il en est ainsi des jurisprudences Epoux Gomez et Bianchi.
Le législateur confirme également que la preuve d’un dommage résultant d’une
infection nosocomiale obéit à des règles particulières, mais substitue une présomption
de responsabilité à la présomption de faute qu’avait adoptée la jurisprudence : les
établissements et non les professionnels en sont responsables. Pour se dégager de
cette responsabilité, ils doivent rapporter la preuve d’une cause étrangère. Selon
l’article L 1142-1-I, al 2 du CSP, cette preuve est généralement impossible en
pratique.
-
Règles de procédure
Dans un premier temps, l’article L 1142-4 du CSP pose comme principe que la victime
doit être informée. En effet, quiconque s’estime victime d’un dommage (ou son
représentant légal ou ses ayants droit) doit être informé par le professionnel ou
l’établissement de santé sur les circonstances et les causes de ce dommage. Cette
information est délivrée dans les 15 jours au cours d’un entretien. Ensuite, une
309
commission régionale de conciliation et d’indemnisation prend le relais. Elle est
chargée de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux,
aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales et aussi aux litiges entre
usagers et professionnels de santé et établissements de santé etc.… (Article L 1142-5
CSP), cet article définit les compétences très larges de la commission. La commission
peut être saisie avant le juge, mais en l’absence de conciliation, la personne qui
s’estime victime d’un dommage causé par une activité de prévention, de diagnostic ou
de soins peut saisir le juge.
c- L’indemnisation
- Le champ d’application
Il concerne les préjudices d’accidents (événements indissociables consécutifs aux
soins) affections iatrogènes (dus aux médicaments) et d’infections nosocomiales
(étrangères à l’évolution de la maladie mais contractées à l’occasion des soins). Mais
selon l’article L 1142-1-II CSP, trois conditions sont à remplir : premièrement, le
préjudice doit être directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou
de soin. Ensuite, il doit avoir eu pour le patient des conséquences anormales au
regard de son état de santé tout comme l’évolution de celui-ci. Enfin, le préjudice doit
toujours présenter un caractère de gravité fixé par décret apprécié au regard de la
perte de capacité fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et
professionnelle mesurée en tenant compte des taux d’incapacité permanente ou de la
durée de l’incapacité temporaire. Pour tous les autres préjudices, l’indemnisation se
fait selon les règles du droit commun.
- Engagement de la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de
santé
310
Lorsqu’une faute est à l’origine de l’accident, de l’affection ou de l’infection, la loi du 30
décembre 2002 (avec l’article L1142-1-1 CSP) a fixé un taux d’incapacité permanente.
Lorsque ce taux est supérieur à 25%, ou au pire en cas de décès, la réparation
incombe à l’ONIAM157. C’est aussi le cas si ces dommages sont dus à une faute des
établissements, services ou organismes qui réalisent des actes individuels de
prévention, de diagnostic ou de soins. Lorsque le taux est inférieur à 25%, ces
organismes et services sont responsables des infections nosocomiales sauf s’ils
peuvent prouver la cause étrangère.
- Désengagement de la responsabilité du professionnel ou de l’établissement
de santé
Ici, les victimes sont indemnisées au titre de la solidarité nationale. Les professionnels
et les établissements de santé et leurs assureurs n’interviennent pas. La solidarité
nationale est mise en œuvre lorsqu’une faute du professionnel ou de l’établissement
de santé n’a été établie ou présumée dans l’accident médical, l’affection iatrogène ou
l’infection nosocomiale. L’article D1142-1, du CSP en son premier alinéa fixe à 24% le
taux d’invalidité, en dessous, l’invalidité n’est pas indemnisée. Ensuite, lorsque
l’infection nosocomiale est due à une faute de l’établissement (et non à celle du
professionnel) et ayant entraîné soit une incapacité permanente supérieure à 25% soit
un décès. Sous le seuil de 25%, la victime est indemnisée pour faute (présumée)
selon la procédure de droit commun. Pour terminer, en cas de dommage résultant de
l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles d’un professionnel, d’un
établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de
prévention, de diagnostic ou de soin. La solidarité nationale n’intervient donc que de
157
ONIAM : Office national d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections
nosocomiales. (Établissement public à caractère administratif de l’Etat placé sous la tutelle du ministère de la
santé).
311
manière subsidiaire pour des dommages d’une part d’une gravité particulière et
d’autre part étrangers aux risques que comporte normalement le processus de soin.
C’est donc à l’ONIAM qu’il revient de mettre en œuvre la solidarité nationale : article
L1142-22 à 23 et R 1142-42 à 54 CSP.
- Interférences entre la procédure juridictionnelle de droit commun et la
procédure spéciale
La victime peut saisir à la fois la juridiction compétente d’une action de droit commun
contre le professionnel ou l’établissement qu’elle estime responsable de son
dommage et la commission régionale de conciliation et d’indemnisation. Elle doit dans
ce cas informer la commission et le juge ainsi que l’office lorsqu’il est amené à
intervenir (dans les cas où l’office se substitue à l’assureur défaillant au titre de la
solidarité nationale, article L1142-7 et 19 CSP). Dans le même temps, si le juge saisi
par une action de droit commun et d’une demande d’indemnisation estime que
cette dernière devrait être assurée au titre de la solidarité nationale, il appelle l’office
en la cause. Celui-ci devient alors défendeur en la procédure (article L1142-21 CSP)
Toutes ces mesures, ces procédures et ces institutions participent à l’efficacité du
système de santé en France. En Côte d’Ivoire, l’amélioration du système devrait
passer par certaines mesures, notamment : l’instauration à terme d’un système de
sécurité sociale, généralisée à l’ensemble de la population, l’amélioration du niveau de
la couverture sociale, par la création de nouvelles branches d’assurance (assurance
maladie, assurance chômage), l’amélioration des prestations existantes à travers la
clarification et l’harmonisation du cadre juridique et institutionnel, cela afin de
promouvoir la sécurité sociale.
Face à cette question, en l’occurrence celle de la sécurité sociale, la réforme majeure
envisagée par l’Etat Ivoirien est la décision prise en janvier 2001 confirmée par la loi
312
N° 2001-636 du 9 octobre 2001 d’instaurer un système d’assurance maladie
universelle (AMU). L‘adhésion de l’ensemble de la population à ce projet novateur est
clairement affirmée dans les résultats des « enquêtes sur la pauvreté » conduites en
2002 par l’Institut National des Statistiques (INS).
L’AMU, même si elle n’est qu’en gestation est connue de tous les ivoiriens. Il s’agit
d’une assurance qui comme son nom l’indique, concernera pour une fois toute la
population : les salariés du public et du privé (retraités, paysans, commerçants,
artisans…). Elle prendra en charge les actes médicaux, les hospitalisations et les
médicaments contrairement à la seule forme de solidarité sanitaire publique qui existe
à l’heure actuelle dans le pays et qui porte le nom de MUGEF-CI (mutuelle générale
des fonctionnaires de Côte d’Ivoire) qui ne couvrait que les frais de médicaments en
officine privée. Sa caisse sera alimentée par les retenues sur les ventes de matières
premières, les cultures d’exportation (le cacao dont nous sommes le premier
producteur mondial, le café dont nous sommes le troisième producteur mondial et
autres). Elle sera également alimentée selon les autorités par une retenue de 6% du
salaire des fonctionnaires et des salariés du privé. La part patronale de ces 6% est en
cours de négociation et sera probablement de 50%. Les professionnels de la santé et
les populations attendent beaucoup de cette assurance car elle permettra :
-
une couverture sociale étendue à tout le monde, ce qui nous évitera à l’avenir
d’assister impuissant à l’agonie de nos parents malades et venus solliciter notre
aide financière
-
une normalisation de la tarification (maîtrise des coûts)
-
une évaluation permanente de la qualité des services
-
une équité dans la distribution des soins (respect du principe d’équité), par la
réduction des disparités régionales et sociales
313
-
une meilleure qualité des soins, car ce n’est un secret pour personne que c’est
la sécurité sociale qui est à l’origine de la performance du système sanitaire
français
-
une amélioration de la qualité de vie des personnels de santé par la
revalorisation de leur traitement
-
la naissance de nouvelles et vraies structures d’enseignement et de recherche
dans nos CHU
-
le financement de la santé par la solvabilité de la demande
-
pour terminer, elle permettra de réaliser une solidarité nationale et une
cohésion sociale.
Comme nous pouvons le constater, l’AMU est un projet novateur, un instrument de
lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Mais à aucun moment ce vaste projet de
changement ne prend en compte l’indemnisation des accidents médicaux en Côte
d’Ivoire. Dans nos hôpitaux, de nombreux patients sont victimes d’accidents médicaux
qui pour la plupart sont passés sous silence. Ces patients s’ils ne meurent pas
repartent chez eux sans la possibilité de se faire indemniser ni par l’hôpital, ni par les
assurances des médecins. En France par exemple, chaque année, les services
hospitaliers réalisent plusieurs millions d’actes médicaux (8 millions pour la seule
région parisienne), les contentieux entre les malades ou leurs familles et les
établissements de soins (hôpitaux et cliniques) ne cessent d’augmenter. Hygiène
défaillante, diagnostics erronés, interventions ratées, les cas de « bavures » parfois
mortelles restent encore trop importants. Les estimations les plus prudentes chiffrent à
dix mille le nombre de ces victimes des risques liés à l’hospitalisation. Par contre,
nous ne disposons d’aucun chiffre se rapportant aux accidents médicaux dans notre
pays, ce qui n’est pas fait pour donner une image d’évolution de notre système de
314
santé. Nous pensons, qu’étant donné que nos autorités ont décidé de fournir aux
ivoiriens des soins de qualité dans des structures bien équipées, qu’il est temps que le
pays se dote d’un organisme chargé de la gestion des cas d’accidents médicaux en
relation avec la nouvelle AMU et les assurances privées des personnels de santé.
D’autant plus que la Cour Suprême estime que : « l’établissement hospitalier est
responsable du préjudice subi dès lors que ledit préjudice provient du traitement
médical effectué par un médecin, en l’espèce un pédiatre de la structure hospitalière.
Par conséquent, il appartient à l’établissement hospitalier et à la compagnie
d’assurance d’exercer une action récursoire contre le médecin (pédiatre) s’ils estiment
que sa responsabilité aurait dû être engagée La Cour suprême estime que le
préjudice subi est suffisamment justifié dès lors qu’il résulte de la suroxygénation
retenue par les experts médicaux. Dès lors, l’argument relatif à l’utilisation d’une seule
couveuse pour prendre soin de deux jumeaux était superfétatoire et n’avait aucune
incidence sur la responsabilité de l’établissement médical »158. Nous constatons la
volonté de la Cour Suprême de faire face à l’insolvabilité des médecins afin que les
victimes d’accidents médicaux soient rapidement indemnisées.
Le législateur ivoirien doit dès à présent se pencher sur la question et édicter des lois
qui auront pour but d’organiser le système d’indemnisation des accidents médicaux en
Côte d’Ivoire. Nous ne comprenons pas que les autorités sanitaires se fondent sur le
code français de la santé publique et qu’en matière d’indemnisation d’accidents
médicaux elles ne daignent même pas se référer aux articles de ce code en la
matière.
Il faudra commencer par définir l’accident médical, le reconnaître et lui
apporter les solutions adéquates. Il faut que les ivoiriens puissent saisir les juridictions
158
C Sup Ch. Jud, 09 mai 2001. AXA-CI et la polyclinique Avicennes / GHASSANI Hamed Ali Sabbah Olla
épouse GHASSANI.
315
et réclamer justice lorsque des cas d’accidents médicaux seront avérés, nous devons
cesser de plaisanter avec la santé des ivoiriens.
L’exemple d’un pays comme la France pourra dans un premier temps servir de base
de travail. Par la suite, une fois que l’idée d’indemnisation des accidents médicaux
sera ancrée dans l’esprit des professionnels de la santé, des autorités politiques et
administratives et des populations, il faudra avec l’aide des experts français en la
matière adapter le système français à notre pays. Nous le disons et le répétons, il n’y
pas de honte ou de gêne à demander conseil à un pays ou faire comme un pays qui à
réussi dans un certain domaine. Il est temps pour nous qui voulons réussir certaines
choses de mettre de côté nos complexes.
Notons que dans la relation entre médecins et patients, il n’y a pas que les premiers
qui doivent faire face à leurs responsabilités, les seconds aussi sont entièrement
responsables pour certains actes majeurs qu’ils posent et cela, les personnels de
santé doivent le savoir afin de ne pas penser qu’ils sont l’unique source de tous les
malheurs de l’hôpital.
Nous venons de voir comment les conflits de responsabilité son gérés en France,
c’est ce genre de système juridique que nous voulons pour la Côte d’Ivoire. Il est vrai
que la jurisprudence en matière médicale dans notre pays et en Afrique connait une
gestation difficile. Trois raisons peuvent expliquer cette situation selon le professeur
Babacar KANTE159 juriste sénégalais. En effet, pour monsieur KANTE, la rareté des
recours juridictionnels, conséquence de l’ignorance par les populations de leurs droits
constitue la raison principale de ce manque de jurisprudence. Ensuite, la crainte de
s’attaquer au pouvoir qui revêt encore aujourd’hui dans l’esprit d’un bon nombre de
personnes, surtout des zones rurales un caractère sacro-saint. Enfin, la troisième
159
Professeur Babacar KANTE, doyen de la faculté de sciences juridiques et politiques de l’université Gaston
Berger de Saint-Louis au Sénégal.
316
raison est la conséquence du tempérament peu procédurier et fataliste de larges
couches de la population africaine en général. Toutes ces raisons nous poussent à
demander aux patients de prendre aussi leurs responsabilités. C’est à eux de
s’informer, connaitre leurs droits et les défendre.
B/ LES PATIENTS FACE A LEURS RESPONSABILITES
Le but ici est de mettre les patients face à leurs responsabilités, c'est-à-dire, évoquer
toutes les situations qui permettront de ne pas systématiquement tenir les personnels
de santé pour responsables de tous les accidents qui surviennent lors des soins.
Certaines situations, actes ou comportement émanant des patients feront naître un
risque considérable pour leur santé et même leur survie. Ainsi, le refus pour un patient
de se soumettre à des soins ou de suivre comme il se doit son traitement et
accessoirement la nécessité de faire connaitre ses antécédents médicaux au
personnel hospitalier sont des éléments qui engagent la responsabilité du patient tout
en atténuant ou dégageant celle du médecin.
1) LE REFUS DE SOINS PAR LE PATIENT : LE DESENGAGEMENT DU MEDECIN
Le principe voudrait que le patient consente de manière libre et éclairée aux soins.
Toutefois, un patient peut s’exposer en toute connaissance de cause à une mort
certaine ou à une invalidité, soit pour des raisons personnelles, soit sous l’influence de
doctrines philosophiques ou religieuses. Il refuse de manière catégorique de se
soumettre aux soins tout en sachant que ce refus pourrait entraîner une complication
de son état ou même son décès. Ce refus a pour conséquence immédiate de
317
soustraire le médecin et son équipe de leur responsabilité. Nous pouvons ainsi
prendre le cas des témoins de Jéhovah qui n’admettent ni l’apport d’un sang étranger,
ni celui de ses dérivés. En l’espèce, ils refusent au nom de la religion toute forme de
transfusion sanguine. Pour les médecins, ce comportement est inadmissible. Le
médecin ayant pour mission de lutter contre l’aggravation du mal de son patient ou sa
mort essaie dans certains cas de justifier une intervention non autorisée (l’obligation
de porter secours à une personne en péril), mais cet argument a été écarté : en effet,
un médecin peut proposer un traitement palliatif après refus de transfusion sanguine
par le malade à moins qu’il ait commis une faute. Ce refus était implicite sous l’ancien
code de déontologie médicale française de 1979 puisqu’il se déduisait de l’ancien
article 7 qui préconisait le respect de la volonté du patient.
Mais comment celui qui a prêté serment de tout faire dans la mesure de ses forces et
de ses connaissances, de conseiller aux malades le régime de vie capable de les
soulager et d’écarter d’eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible160 peut-il
laisser son patient aller vers une mort certaine ? Face à une telle situation, que peut
faire le médecin à qui de nombreux textes de loi imposent un devoir d’assistance
envers son patient ? S’il ne l’assiste pas, l’article 223-6 al 2 du code pénal punit
« quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance
que sans risque pour lui ou pour les tiers, il pourrait lui, prêter soit par son action
personnelle soit en provoquant un secours ». Et en cas de décès du patient, l’article
221-6 du même code ouvre la voie à des poursuites contre le médecin pour
« homicide involontaire du fait d’une négligence ou d’une imprudence ».
160
Serment d’Hippocrate
318
Mais le législateur ayant rejoint le médecin dans sa volonté de préserver la vie du
patient, plusieurs textes son venus renforcer et encourager les personnels de santé
dans l’accomplissement de leur noble mission :
-
La charte du patient hospitalisé et surtout l’article 60 du décret n° 74-27 du 14
janvier 1974, relatif aux centres hospitaliers et aux hôpitaux locaux en son
article 42 dispose que : «lorsque les malades n’acceptent pas le traitement,
l’intervention ou les soins qui leur sont proposés, leur sortie sauf urgence
médicalement constatée nécessitant des soins immédiats, est prononcée par le
directeur général après signature par l’hospitalisé d’un document constatant
son refus d’accepter les soins proposés. Si le malade refuse de signer ce
document, un procès-verbal de ce refus est dressé ».161
-
Code de déontologie du 6 septembre 1995 article 36 al 2 « lorsque le malade,
en état d’exprimer sa volonté, refuse les interventions ou le traitement proposé,
le médecin doit respecter le refus, après avoir informé le malade de ses
conséquences ». Le médecin doit tout faire pour convaincre le patient
d’accepter les soins car il y va de son intérêt.
Dans un cas plus précis où le patient témoin de Jéhovah a fait connaître son refus
catégorique d’une transfusion sanguine même si cela devait lui coûter la vie, la CAA
de Paris a répondu négativement à la question de savoir si le refus de soins opposé
par le malade devait être rigoureusement respecté162. Les juges d’appel avaient
considéré que l’obligation de sauver la vie d’un patient l’emporte sur la volonté de
celui-ci. Mais le CE saisi d’un pourvoi par l’épouse du défunt a annulé l’arrêt de la
CAA en admettant que l’obligation pour le médecin de sauver la vie ne saurait
161
La responsabilité médicale, données actuelles. D Malicier, A Minas, P Feuglet, P Faivre. Octobre 1998, édition
ESKA. P 62.
162
Arrêt de rejet, CAA paris, 9 janvier 1998.
319
prévaloir de façon générale sur celle de respecter la volonté du malade (le CE fait
comprendre aux médecins qu’ils ne peuvent pas dans tous les cas vouloir sauver la
vie des patients. C’est une façon de pousser les personnels de santé à violer le
serment qu’ils ont fait de sauver des vies). Selon monsieur Cyril CLEMENT, docteur
en droit, maître de conférences : « la solution du juge suprême rejoint celle de la
juridiction d’appel. La solution du Conseil d’Etat diffère en revanche au plan de la
motivation ». Selon le docteur CLEMENT, le Conseil d’Etat rappelle l’exigence d’un
principe : le respect du consentement du patient. Il faut protéger le patient du pouvoir
biomédical, en clair, il faut le protéger de toute immixtion inopportune sur sa personne.
C’est un verrou contre « l’impérialisme médical ». Toujours selon le docteur
CLEMENT, lorsque le patient refuse de consentir à l’acte médical, les textes ne
prévoient pas la possibilité pour le médecin de passer outre la volonté du patient. Si le
patient refuse les soins proposés par le médecin, ce dernier ne peut agir163. Alors si
comme le dit le doyen Roger NERSON : « le malade contrairement à ce qui peut être
soutenu dans un certain milieu médical, n’est pas soumis à l’obligation de se faire
soigner »164. Dans ce cas, pourquoi se rendre à l’hôpital (quand on est encore
conscient) ou se laisser conduire à l’hôpital (quand on n’est plus conscient, quoique,
on aurait pu signaler à ses proches sa volonté de ne pas aller à l’hôpital), si c’est pour
refuser de se soumettre à des soins. On nous opposera ici les cas d’urgence où le
patient n’a pas eu le temps de faire cas de sa volonté. Ce sont bien entendu ces cas
d’urgence qui justifient le geste instinctif des médecins à sauver la vie.
-
Plus proche de nous, la loi du 4 mars 2002 en son article L1111-4 al 2
préconise le respect de la volonté du patient en insistant sur le fait qu’en cas de
163
Cyril CLEMENT, note sous CE. « Le médecin, son obligation de soins et la volonté du malade ». Petites
affiches, 15 janvier 2002 N° 11, p 18.
164
Doyen Roger NERSON, ancien doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de Lyon.
320
mise en danger de la vie du patient, le médecin doit tout mettre en œuvre pour
convaincre ce dernier d’accepter les soins.
En ce qui concerne les mineurs ou les majeurs incapables, le médecin devant
procurer des soins à ces personnes doit s’efforcer de prévenir les parents ou le
représentant légal et obtenir leur consentement. En cas d’urgence, le médecin donne
les soins nécessaires sans attendre l’avis de ces derniers. Si l’avis de l’intéressé peut
être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible (CDM
article 42).
Lorsqu’il y’a un problème avec l’obtention du consentement des parents ou du
représentant légal, le médecin peut saisir le procureur de la république afin de
provoquer les mesures d’assistance éducative permettant de donner les soins qui
s’imposent. Le médecin doit être dans tous les cas le défenseur de l’enfant mineur ou
de l’incapable majeur lorsqu’il estime que ses intérêts et sa santé sont mal compris
ou préservés par son entourage (CDM article 43). Le code de la santé publique stipule
même que le médecin dans ce cas peut délivrer les soins indispensables malgré l’avis
contraire des parents ou du tuteur légal (article L 1111-4 CSP). Nous constatons que
la responsabilité des patients en cas de refus de soins joue surtout pour les patients
majeurs. Toutefois, les médecins doivent tout mettre en œuvre pour leur faire
entendre raison.
Faire la part des choses à ce niveau de la relation médecin/patient n’est pas une
chose aisée pour les premiers. Le problème devient plus complexe lorsque les
médecins ne maîtrisent pas ces règles juridiques qui en plus de leur donner du
pouvoir les renforcent dans leur volonté d’aller au bout de l’accomplissement de leur
mission. Le serment d’Hippocrate qui leur demande de sauver coûte que coûte des
vies n’est pas une règle juridique, mais dans l’univers médical il en prend tout le sens.
321
Et lorsque le législateur vient en appui avec des lois allant dans le même sens, le
médecin ne peut qu’être satisfait. La mission du médecin est de sauver des vies, c’est
ce qu’il apprend à la faculté. Mais aujourd’hui, nous jugeons utile et même impératif
qu’en plus de cette mission, qu’on apprenne aux médecins soit à la faculté ou au
cours de formations continues à faire face de façon plus professionnelle au refus de
soins par le patient. Demander aux médecins de tout faire pour convaincre un patient
qui refuse les soins de les accepter ou de lui faire signer une décharge et le laisser
partir est irresponsable selon nous. En effet, plusieurs questions restent en suspend :
le médecin a-t-il été formé à ce genre de situation ? A-t-on mesuré les conséquences
d’un échec (la mort par exemple du patient) sur l’état du médecin qui n’arrive pas à
convaincre un patient d’accepter les soins ?
Nous pensons que la loi dans ce domaine doit être claire et précise. Le patient qui
refuse les soins doit le faire savoir clairement. S’il n’est pas en état, une personne
désignée par lui doit le certifier. Le médecin ne doit pas être ce bouc émissaire qui
portera la responsabilité morale d’un décès voulu et souvent prémédité par le patient.
Dans le même ordre d’idées, le patient pour une meilleure prise en charge de son cas
doit faire connaitre ses antécédents médicaux à son médecin.
2) NECESSITE DE FAIRE CONNAITRE SES ANTECEDENTS MEDICAUX ET DE
SUIVRE CORRECTEMENT LE TRAIEMENT PRESCRIT
En France, les antécédents médicaux des patients sont généralement connus des
médecins. Ils sont le plus souvent mentionnés dans le dossier médical, dossier qui
comporte des informations ayant contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic, du
traitement ou d’une action de prévention. Le dossier médical fait aussi l’objet
322
d’échanges écrits entre professionnels de santé. Il contient donc des informations
provenant d’autres praticiens. Il peut arriver qu’un patient ne possède pas de dossier
médical. C’est donc à ce dernier de fournir le plus grand nombre de renseignements
au médecin en ce qui concerne ses antécédents médicaux. Très souvent le même
problème revient, comment savoir qu’on ne supporte pas un médicament qu’on n’a
jamais pris ? L’ignorance des antécédents médicaux risque de conduire à la
prescription de traitement inefficace, voire dangereux. Dans ce cas, le médecin ne
pourra pas être tenu pour responsable en cas d’accident. Cela ne signifie pas pour
autant que le médecin même s’il ne connait pas les antécédents médicaux de son
patient ne doit pas s’y intéresser. C’est à lui de demander au patient les traitements
déjà subis et les médicaments déjà rejetés par ce dernier. C’est au médecin de poser
certaines questions concernant la santé du patient et c’est à celui ci d’apporter les
meilleures réponses possibles.
Le problème du dossier médical est une réalité dans nos hôpitaux Africains.
L’analphabétisme et l’ignorance font que de nombreux patients sont incapables de
définir ou d’expliquer les problèmes médicaux qu’ils ont eus dans le passé. A ce
niveau, nous jugeons nécessaire que le patient devienne un véritable partenaire pour
le médecin. Il faut donner la parole aux patients afin de sensibiliser les soignants au
vécu des personnes qui souffrent. Pour ce faire, il faut au préalable apprendre aux
patients les termes médicaux de leur maladie pour qu’ils puissent expliquer plus
facilement leurs maux passés ou actuels. Ainsi, le patient pourra par exemple faire
état de son mal devant les étudiants en médecine et les élèves infirmiers. Le corps
médical verra il est certain la maladie autrement, de façon plus pratique, ce qui le
conduira également à envisager un traitement différent et pour le patient qui connaît et
sait expliquer sa maladie, la coopération sera plus facile.
323
L’inexistence de dossier médical n’est pas faite pour arranger les choses. En effet,
rares sont les personnes qui disposent de médecin traitant ou de médecin de famille
comme en occident. Les patients « volent de médecin en médecin et d’hôpital en
hôpital ». Du coup, il y’a de fortes chances que le dossier médical s’il existe se perde.
Selon l’art 1111-7 CSP (de la loi du 4 mars 2002) le dossier médical qui doit
comporter les résultats d’examen, les comptes rendus de consultation, d’intervention,
d’exploration ou d’hospitalisation, de protocoles et de prescriptions thérapeutiques
permettrait de faciliter le travail de nos médecins, de faire gagner du temps et de
l’argent à notre système de santé. Le plus important ici, c’est que certaines
informations peuvent ne pas être mentionnées dans le dossier. Dans ce cas, c’est au
patient qu’il revient de fournir les informations supplémentaires et nécessaires à une
bonne prise en charge de son mal. Toute information fausse ou erronée engagera la
responsabilité du patient et non celle du praticien qui aura fait que demander ce qu’il
ne sait pas avant de procurer les soins ou les prescriptions.
Une fois le mal diagnostiqué et le traitement prescrit, c’est au patient de tout mettre
en œuvre afin de bien suivre les instructions données par son médecin.
Le médecin une fois le diagnostic établi formule ses prescriptions avec toute la clarté
nécessaire. Le patient doit absolument savoir quel traitement le médecin va lui faire
suivre. Il doit veiller à la bonne compréhension de celles-ci par le malade et son
entourage. Il doit s’efforcer d’obtenir la bonne exécution du traitement. La
transgression de ces recommandations de l’article 34 du CDM équivaut à une
mauvaise exécution du contrat de soins. En revanche, le médecin n’engage pas sa
responsabilité si malgré un traitement conforme aux données acquises de la science,
un accident se produit. C’est aussi le cas lorsqu’une réaction inexplicable à un
traitement conforme aux données de la science se produit. Le médecin, lorsqu’il
324
formule sa prescription au patient doit lui remettre en même temps une ordonnance
explicative qui doit indiquer clairement et avec précision la posologie des
médicaments prescrits. Le médecin et l’ensemble du personnel médical verront leur
responsabilité désengagée si ces différentes règles sont respectées.
Mais lorsque les manquements émanent des patients eux-mêmes, lorsqu’ils refusent
de se soumettre au traitement prescrit par leur médecin, ne respectent pas ou
modifient la posologie recommandée pour les médicaments qu’ils devront utiliser, ils
engagent leur responsabilité personnelle. La Cour d’appel de Daloa a ainsi confirmé le
jugement du tribunal de Divo, estimant que : « lorsqu’une faute professionnelle
évidente ne peut être relevée à l’encontre du personnel traitant, la responsabilité de
l’Etat ne peut être engagée à la suite des complications qui ont entraîné l’amputation
de la jambe du malade surtout lorsque la jambe amputée a été gangrénée de toute
évidence du fait d’un retard d’exécution des prescriptions médicales et non des actes
thérapeutiques »165. Mais que doit faire le médecin lorsque le traitement comporte des
risques ? Le médecin doit-il révéler ce fait à son patient ? Le droit français donne une
réponse relativement équilibrée à cette question : les risques d’un traitement doivent
être précisés au malade lorsque ces risques sont déjà connus et ont une chance
réelle de se produire. Dans le cas où la réalisation des risques est faible, le médecin
peut et doit même taire toute envie de révélation pour ne pas alarmer inutilement son
patient.
Mais en Côte d’Ivoire, nous estimons que la Cour Suprême n’est pas allée au bout de
sa logique en ce qui concerne cet aspect de la mise en œuvre de la responsabilité du
patient. En effet, dans l’une de ses décisions, elle a estimé que le médecin n’était en
aucun cas responsable du décès d’une patiente suite à un accouchement qui
165
CA de Daloa, deuxième Ch. Civ et Comm, le 20 février 2002. Dame N’guessan Amoin/hôpital général de
Divo.
325
présentait des complications dues à une rétention placentaire, le médecin ayant
délivré aux parents une ordonnance pour l’achat des médicaments devant servir à une
délivrance artificielle sous anesthésie générale suivie d’une révision utérine ; que les
parents n’ayant pu malheureusement fournir les médicaments prescrits la patiente
décédait166. Nous estimons pour notre part comme la cour que cette situation ne fait
pas honneur à notre système de santé. L’hôpital public étant placé sous la
responsabilité de l’Etat, c’est donc à l’Etat d’assurer la santé de ces citoyens. Ne pas
détenir certains médicaments de base pouvant soulager des femmes qui viennent
accoucher relève d’un manque d’organisation, de sérieux et d’une trop grande
incompétence. La Cour Suprême ne peut pas se contenter de fonder sa décision sur
le fait que seuls les manquements à ses obligations commis par un fonctionnaire
justifient une sanction disciplinaire pour disculper le médecin. Elle devait aller plus loin
en établissant clairement la responsabilité de l’Etat qui cherche à cacher ses
faiblesses en faisant reposer toutes les fautes sur les médecins qui travaillent dans
des conditions difficiles.
Le but de la médecine est de guérir les malades et non de les effrayer. Former le
personnel de santé à la maîtrise et au respect de toutes ces règles permet
assurément d’éviter de nombreux problèmes. Et c’est en respectant la personne et les
droits du patient que le médecin fait la preuve qu’en plus de savoir soigner, il se
distingue par la qualité de la relation qu’il entretient avec ses patients.
166
C Sup Ch. Ad, 28 janvier 1998. Dr SOUME Bi-Kacou/ministère de la fonction publique, de l’emploi et de la
prévoyance sociale.
326
CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU
RESPECT DES DROITS DU PATIENT
Le droit des patients devant constituer une partie de la formation médicale, il, est donc
impératif que les personnels de santé ivoiriens maîtrisent les éléments qui le
constituent afin de mieux servir les populations et le pays.
SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS
DU PATIENT POUR L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL
Le droit médical n’existe pas en Côte d’Ivoire. Nous disposons d’un code de la santé
publique et d’un code de déontologie médicale (le seul document qui fait état selon
nous des droits des patients et des devoirs des médecins) entièrement calqués sur
ceux de la France. Tout ceci fait partie de l’héritage colonial. Mais est-il opportun
aujourd’hui pour un pays comme le nôtre de faire référence à l’ancienne puissance
coloniale dans un domaine aussi sensible que celui de la santé tout en ignorant nos
propres réalités ? La France dispose de l’un des meilleurs systèmes de santé au
monde. Appliquer des textes français chez nous sans tenir compte de nos réalités ne
sert à rien. La déontologie rassemble les éléments d’un discours sur les devoirs du
médecin, ce qui suppose une certaine autonomie de pratique et de régulation. C’est
cette autonomie de pratique et de régulation qui doit nous mener à transformer le
modèle français comme le modèle cubain en modèle ivoirien. Les lois ivoiriennes
doivent soutenir et encadrer le code de déontologie élaboré par les médecins. Ce
texte doit être soumis à l’administration, aux institutions judiciaires et au
gouvernement, à charge pour chacun d’eux de vérifier sa conformité avec les lois et
327
autres règlements régissant la société ivoirienne. Enfin, la possibilité d’y apporter des
modifications en fonction de nos difficultés et de nos moyens. Lorsque la loi du 4 mars
2002 a subit des bouleversements en France du fait de problèmes spécifiques à ce
pays, aurait il fallu que nous bouleversions nos textes en la matière ?
C’est donc le code de déontologie médicale de 1962 qui nous permettra de mieux
analyser les droits et devoirs des personnels soignants dans notre pays. Nous nous
référerons bien entendu à certains textes français qui constituent le modèle d’origine.
Ce code est nécessaire pour les professionnels de santé parce que les médecins ne
sont pas des citoyens comme les autres. Ils ont outre le devoir général de respecter la
loi (code civil et code pénal etc…), des devoirs particuliers qu’ils tiennent de leur état
professionnel. Exercer une profession libérale réglementée en laquelle le public a
traditionnellement confiance confère une dignité professionnelle qu’il convient de
respecter soi-même si l’on souhaite qu’elle continue à être respecter par les autres167.
Le code de déontologie édicté par les médecins n’est pas et ne peut être en
concurrence avec tous les autres codes nationaux. La déontologie est strictement
réservée à la profession. En effet les règles de déontologie sont sans efficacité
juridique à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à la profession médicale qu’elles
régissent. La décision prise par le conseil de déontologie médicale est indépendante
des décisions prises par les juridictions civiles ou pénales pour les mêmes faits.
Aucune règle ne s’oppose à l’application cumulative à l’action d’un même fait, de
peines disciplinaires sanctionnant une faute déontologique et de peines frappant un
crime, un délit ou une contravention par l’effet d’une décision des tribunaux répressifs.
Le principe de non cumul des peines n’a pas de place dans les rapports entre les
167
DANHO. DA. VT, GUINAN. J-C, SAMBA. M. « Quelle déontologie pour le corps médical en Côte d’Ivoire ?
Confraternité et relations entre chirurgiens dentistes et les autre professionnels de la santé ». Revue Ivoirienne
d’odonto-stomatologie, volume 8, n° 2. 2006, p 6-9.
328
sanctions disciplinaires et les peines de droit commun. Les médecins qui risquent
d’une certaine façon la « double peine », en l’occurrence, l’interdiction d’exercer ou la
radiation de l’ordre médical et des poursuites judiciaires sont donc tenus d’observer
scrupuleusement les recommandations de leur code, c’est à eux d’appliquer et de
respecter les règles qu’ils se sont eux-mêmes fixées.
Aujourd’hui donc, les personnels de santé doivent suivre l’évolution des droits du
patient de très près et son impact sur leur propre régime juridique. Les personnels de
santé doivent être à mesure de comprendre, de réaliser une analyse professionnelle
et d’expliquer des textes de nature diverse (lois, décrets et chartes) qui constituent le
socle sur lequel se fonde les droits des patients. Et parmi ces droits, le droit à la vie
est le plus important, il est donc normal qu’il fasse l’objet d’une attention particulière.
I - LE PERSONNEL DE SANTE ET LA VIE DU PATIENT
L’objectif premier de tout médecin et agent de santé est de préserver la vie du patient
pris en charge. Cette difficile mission doit se faire dans le respect de la vie et de la
personne humaine en mettant l’accent sur la qualité des soins et des actes à procurer.
A/ RESPECTER LA VIE ET LA PERSONNE HUMAINE
Toute faculté de médecine ou toute institution de formation en santé doit inclure dans
son programme de formation un cours de droit médical avec un chapitre sur le respect
de la vie humaine. Le patient qui se rend dans un hôpital y va pour qu’on lui sauve la
vie, la vie devient donc l’objet principal de toutes les attentions. Selon l’article 2 du
CDM de Côte d’Ivoire : « le respect de la vie et de la personne humaine constitue en
329
toute circonstance le devoir primordial du médecin ». Ici, le droit rejoint le serment
d’Hippocrate, c’est comme si le droit médical avait toujours existé. Les médecins en
prononçant ce serment se soumettaient, s’imposaient un devoir, celui de prendre soin
des patients. Nous considérons que tout devoir d’une corporation envers un groupe de
personnes octroie des droits à celui-ci. C’est pourquoi, nous pensons que
nos
médecins doivent tenir compte de ce principe pendant l’exécution de leur mission.
Aujourd’hui, former les personnels de santé au respect de la vie privée et de l’intimité
du patient doit être une priorité au sein de nos facultés de médecine
et de nos
instituts de formation.
1) FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE
DU PATIENT
C’est à travers l’exercice de ce devoir (celui de respecter) très important du médecin
et du personnel hospitalier que le patient acquiert
ce qui est pour lui un droit
fondamental : le droit au respect de la vie privée. Tout le monde exige le respect de sa
vie privée, ce que nous trouvons tout à fait normal. Nous pensons même que les
personne les plus faibles, c'est-à-dire les malades doivent faire l’objet d’une protection
accrue en ce qui concerne ce droit. Ce droit du patient engage le médecin lorsque le
dit patient a demandé à ce que sa présence en cas d’hospitalisation ne soit pas
divulguée. La chambre du patient dans ce cas devient une sorte de second domicile.
L’art 1110-4 al 1 du CSP dispose que : « Toute personne prise en charge par un
professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme
participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et au secret
des informations la concernant ». Nous estimons donc que l’art 7 du CDM de Côte
330
d’Ivoire qui stipule que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf
dérogations par la loi » est la version ivoirienne du respect de la vie privée puisqu’il
impose le silence au médecin et à travers lui à tout le personnel hospitalier jusqu’à
« nouvel ordre ». Ici, il faut que le médecin et son équipe soient auparavant formés au
droit des patients. En effet, plusieurs éléments rentrent dans le cadre de ce droit et le
personnel hospitalier sans formation préalable ne peut pas deviner quel élément se
trouve sous le coup de la loi. La confidentialité des informations (personnelles,
médicales, administratives, financières) qui le concerne font l’objet de protection de la
loi. La personne hospitalisée peut recevoir dans sa chambre les visites de son choix
en respectant l’intimité et le repos des autres patients. Elle a le droit à la confidentialité
de son courrier, de ses communications téléphoniques, de ses entretiens avec des
visiteurs et avec les professionnels de santé. L’accès des journalistes, photographes,
démarcheurs publicitaires et représentants de commerce auprès des patients ne peut
avoir lieu qu’avec l’accord express de ceux-ci et sous réserve de l’autorisation écrite
donnée par le directeur de l’établissement.168 Cet accès doit être utilisé avec mesure
afin d’éviter tout abus susceptible d’agir de manière négative sur la santé des patients.
Mais respecter la vie privée ne suffit pas, la loi va plus loin en imposant au personnel
hospitalier le respect de la personne et de son intimité.
2) FORMATION DU PERSONNEL HOSPITALIER AU RESPECT DE LA PERSONNE
ET DE SON INTIMITE
Pour nos étudiants en médecine ou nos élèves des instituts de formation qui ne sont
pas juristes, il nous faut faire une distinction entre la vie privée d’une part et la
168
Guide du patient, vos droits et vos démarches. Isabelle GALLAY. Edition Eyrolles pratique, mai 2005. P20.
331
personne et son intimité d’autre part. La vie privée, c’est tout ce qui encadre
l’existence de la personne, ce qu’elle fait, avec qui elle le fait, comment elle le fait et
où elle le fait. C’est donc un ensemble d’éléments qui se rattachent à la vie de la
personne
et finissent par en faire partie. L’Etre humain en tant que personne
physique et certains éléments qui font partie de lui constituent la personne et son
intimité. Il s’agit de l’intimité physique et morale de la personne.
Pendant son séjour à l’hôpital, l’intimité du patient doit être préservée lors des soins,
des toilettes, des consultations et des visites médicales, des traitements pré et postopératoires, des radiographies, des brancardages. Il faut donc traiter le patient avec
respect et courtoisie, éviter les propos blessants et les attitudes maladroites.
Dans les établissements servant de lieu d’enseignement aux étudiants, avant toute
présentation de cas à ces derniers, il faut auparavant s’assurer de l’accord du patient.
Les mêmes prescriptions doivent être respectées en ce qui concerne les actions de
formation initiale et continue des personnels médicaux et paramédicaux se déroulant
auprès des patients. En Côte d’Ivoire, nous pensons que le principe du respect de la
personne et de son intimité n’est pas encore bien ancré dans l’esprit des personnels
de santé. Nous avons en effet eu connaissance de faits où des femmes enceintes se
faisaient « insulter » par des sages-femmes dans certaines maternités lors des
accouchements, ou encore des patients se faisant insulter parce qu’ils n’ont pas les
moyens de subvenir aux frais occasionnés par leurs soins.
L’établissement de santé doit respecter les croyances et convictions des personnes
accueillies.
Le patient doit dans la mesure du possible suivre les préceptes de sa religion
(recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté
d’action et d’expression…). Ces différents droits s’exercent dans le respect de la
332
liberté des autres. Tout prosélytisme est interdit, qu’il soit le fait d’une personne
accueillie dans l’établissement, d’une personne bénévole, d’un visiteur ou d’un
membre du personnel. C’est donc aux établissements de prendre toutes les mesures
devant assurer la tranquillité des patients. Le bruit et la lumière doivent être réduits
aux heures de repos et de sommeil des patients. Une fois ces principes respectés,
nous pensons qu’il n’ya pas de raison pour que les soins se passent mal étant donné
que l’un des buts du droit médical est d’assurer la qualité des soins et des actes.
B/ ASSURER LA QUALITE DES SOINS ET DES ACTES
La vie et la personne humaine ne peuvent être préservées et respectées si les soins
et les actes fournis dans les hôpitaux ne sont pas de qualité. Pour obtenir des soins
de qualité, il faut prendre en compte les attentes des personnels en matière de
conditions de travail et de déroulement de carrière. Que ce soit dans les pays pauvres
ou riches, la santé est devenue un enjeu majeur. L’accès aux soins est de plus en
plus considéré comme un droit fondamental si ce n’est un « droit de l’homme ». Mais
les soins de santé coûtent aussi de plus en plus chers. Les médecins d’aujourd’hui et
de demain doivent être sensibilisés aux coûts de la santé, raison pour laquelle nous
avons proposé l’instauration de cours sur l’économie de la santé. Par ailleurs, le
concept de droit du patient devient de plus en plus présent et la responsabilité,
individuelle ou collégiale des médecins est très souvent évoquée. La législation évolue
également puisque des lois sur les droits des patients s’observent dans de nombreux
pays développés. La formation au sens clinique doit se doubler d’une formation au
sens de la santé publique et de l’éthique, que l’on se trouve en occident ou en Afrique.
Les facultés de médecine doivent s’interroger sur leur rôle dans la société : de quel
333
type de praticien la société a-t-elle besoin ? Quelles sont les priorités du pays vis-à-vis
de sa population en matière de santé ? Les facultés doivent non seulement participer
au débat en tant qu’expertes dans le domaine mais aussi former des acteurs de santé
capables d’appliquer la politique voulue par la société. Pour atteindre ces objectifs, les
autorités devront donc mettre l’accent sur le recrutement de personnels hautement
qualifiés, d’où l’importance d’une formation sérieuse et de haut niveau. Ensuite, il
faudra prévoir des possibilités de promotions plus ouvertes aux personnels,
l’avancement doit se faire au mérite, d’où un contrôle régulier du travail. En plus,
l’octroi de primes conséquentes aux meilleurs agents doit venir boucler ce processus.
Les conditions matérielles elles aussi contribuent à la qualité des soins, nous l’avons
déjà dit. Les personnels hospitaliers dénoncent des matériels inadaptés, le manque de
petit matériel et de certains équipements médicaux sophistiqués. Cette lenteur du
rythme d’amélioration des conditions de travail est l’une des raisons du retard de
l’évolution de la médecine dans notre pays. La nécessité d’instaurer dans le pays un
plan d’amélioration de l’ensemble des problèmes de fonctionnement et d’organisation
de l’hôpital. L’objectif sera de provoquer un engagement de l’ensemble des
personnes, en tête desquelles, les médecins et agents de santé. Une meilleure
organisation, une utilisation optimale des moyens humains et techniques permet
d’affecter une partie plus importante du budget au financement des investissements,
ainsi qu’à la réalisation des innovations souhaitées des pratiques et des
équipements.169 La recherche de la qualité des soins doit être le moment d’ouvrir un
dialogue permanent et franc entre médecins et patients. De plus en plus
d’associations de patients se créent dans les pays développés, souvent autour d’une
maladie précise. Ces associations deviennent des interlocuteurs des médecins et des
169
Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE. Réussir le changement de l’hôpital, juin 1996. Inter Éditions P221.
334
chercheurs dans le but d’aboutir à des soins de qualité. En Europe comme chez nous,
le médecin ne doit pas seulement être le professionnel de l’administration des soins,
mais il doit contribuer à l’information et à la formation des patients. Cette relation doit
permettre au médecin d’aider le patient à comprendre ce qu’il a et souvent relativiser
certaines informations qu’il a pu recueillir au cours de recherches personnelles.
C’est sans aucun doute dans un cadre juridique favorable et clairement défini que
l’assurance de prodiguer des soins de qualité peut prendre tout son sens. Les
personnels de santé doivent maitriser le minimum juridique requis pour faire face à
leur mission. Etre un bon médecin est une chose, mais être un médecin ayant le sens
du travail bien fait, dans le respect des règles juridiques et déontologique est tout à fait
différent. Ce n’est pas sur le terrain médical, c'est-à-dire à l’hôpital que le personnel de
santé doit apprendre le droit médical. C’est au cours de sa formation que l’étudiant
doit s’imprégner du droit médical, élément qui fera naitre en lui la volonté d’accomplir
sa mission avec une certaine conscience. La volonté d’assurer la qualité des soins
doit faire partie du médecin ou de l’agent de santé et nous pensons que c’est le droit
médical qui permettra aux personnels de santé de toujours avoir à l’esprit le souci de
servir dignement son patient. C’est vrai que nos pays manquent très souvent du
minimum requis mais nous n’arrêtons pas de le dire avec peu de moyens et une
volonté de fer, nous pourrons déplacer des montagnes.
Pour les personnels de santé, assurer la qualité des soins et des actes revient aussi à
traiter le patient tout en respectant son état. Préalablement, l’information du malade
sur son état doit aussi être faite dans le strict respect de certains principes et règles
juridiques.
335
II - LE SECRET MEDICAL ET L’INFORMATION DU PATIENT
Les personnels de santé dans l’accomplissement de leur mission doivent faire preuve
de discrétion vis-à-vis de leur patient et eu égard aux informations qu’ils détiennent.
Informations qui dans une certaine mesure doivent être communiquées aux patients.
A/ LE RESPECT DU SECRET MEDICAL
Tout patient, quel qu’il soit, a droit au respect du secret médical. Néanmoins, le
personnel médical a la possibilité de déroger à ce droit sous certaines conditions.
1) Le principe du secret médical
Les personnels de santé, qu’ils soient médecins, agents de santé, agents
administratifs ou étudiants en médecine doivent obligatoirement observer les règles
du secret médical. « Admis à l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui
s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés »170, tel sera la devise du
corps médical durant l’accomplissement de sa mission.
Le respect du secret médical permet d’instaurer la confiance dans la relation entre
patient et médecin. Dans cette relation, le patient doit se sentir protégé, il lui sera ainsi
plus facile de faire état du mal dont il souffre à son médecin. Ce dernier se basera à
son tour sur les informations reçues pour offrir à son patient les soins les plus
diligents.
170
Serment d’Hippocrate
336
La maladie est propre à la personne malade, c’est pourquoi, elle refuse que les autres
sachent de quoi elle souffre. C’est donc une information uniquement partagée avec
soi-même, des proches qu’on a soigneusement choisi d’informer ou un professionnel
compétent et digne de confiance. Ce caractère intime de la maladie a une origine
religieuse et provient de l’idée selon laquelle que plus le cas est grave, plus il est
associé à un sentiment de culpabilité. Le malade se sent coupable d’avoir contracté
une maladie, donc de s’être mal conduit en quelque sorte (le cas du sida par exemple
où les gens pensaient que tous ceux qui avaient cette maladie étaient des personnes
sexuellement instables, infidèles, frivoles ou s’adonnant à des pratiques sexuelles
contre nature, d’où le procès fait aux homosexuels). La maladie devenait donc une
honte qu’il fallait à tout prix cacher aux autres.
Le respect du secret médical est l’un des problèmes de l’hôpital en Côte d’Ivoire. Dès
qu’une personnalité, un artiste entre dans un hôpital, il suffit de peu de temps pour
que la ville ou le pays commence à raconter des histoires concernant son état de
santé. Le personnel hospitalier est sans aucun doute à l’origine des fuites qui par la
suite alimenteront les plus folles rumeurs à travers tout le pays. L’art 7 du CDM
ivoirien dispose que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf
dérogations par la loi » et l’art L 1110-4 al 2 du CSP dispose quant à lui que :
« excepté dans les cas de dérogations, expressément prévus par la loi, ce secret
comme l’ensemble des informations concernant la personne venues à la
connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces
établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses
activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de
santé ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ».
337
Ce texte nous donne des informations sur les personnes sujettes à cette obligation et
sur l’étendue de ce secret.
-
Les personnes concernées sont donc les professionnels de santé avec en tête
les médecins (généralistes ou spécialistes qu’ils soient du public ou du privé),
les étudiants en médecine (internes et externes).
Ensuite, les sages-femmes, les infirmiers, infirmières, pharmaciens, les personnels
des laboratoires, le personnel non médical dans l’exercice de sa profession, le
personnel administratif, le personnel technique. En somme, ce sont tous les
personnels officiant à l’hôpital qui sont concernés.
L’art 72 du CDM français invite le médecin à veiller à ce que les personnes qui
travaillent avec lui soient au fait de leur obligation en la matière : « le médecin doit
veiller à ce que les personnes qui l’assistent dans son exercice soient instruites de
leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment ». Nous
pouvons donc constater que le médecin devient le garant du respect du secret au sein
de son équipe, il a par la même occasion le devoir de veiller sur les étudiants dont il
assure la formation.
L’art 73 al 1 du même code fait jouer quant à lui au médecin le rôle de gardien des
informations et des documents qui concernent les personnes qu’il a soignées ou
examinées. L’alinéa 3 de cet article interdit au médecin lorsqu’il publie un livre
concernant les cas traités de citer nominativement ses patients, le médecin doit donc
veiller à ce que l’identification des personnes ne soit pas possible.
-
L’étendue du secret, l’information couverte a une double nature selon le CSP, il
s’agit :
D’une part des informations purement médicales, c'est-à-dire le diagnostic, les
résultats d’examens biologiques et radiologiques, les traitements, les dossiers, mais
338
aussi les conversations surprises au domicile lors d’une visite, les confidences des
familles etc….
D’autre part, ce sont des informations personnelles, c'est-à-dire celles concernant la
vie du patient qu’un médecin peut être amené à connaître du fait de sa fonction.
Mais l’art 1110-4 du CSP va plus loin en affirmant que « le secret médical couvre
l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du
professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou
organismes et de toute autre personne en relation de par ses activités avec ces
établissements ». Par ailleurs, le CDM français en son article 4 dispose que : « le
secret comme tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de
sa profession, c'est-à-dire, non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a
vu entendu ou compris ».
Notons pour terminer que toute divulgation en dehors des circonstances autorisées ou
permises par la loi est sanctionnable. En effet, le délit de violation du secret est
constitué dès lors que la révélation est effective et intentionnelle. Peu importe que son
objet soit de notoriété publique ou pas, ou qu’elle n’entraine aucun préjudice pour la
personne concernée. Dans tous les cas, les sanctions peuvent être disciplinaires en
raison de la violation du CDM (ici, la radiation définitive peut être envisagée), civiles
(s’il est résulté de l’infraction un préjudice), ou pénales (peines d’amendes ou de
prison).
Le personnel hospitalier pour être à l’abri de toute poursuite doit en cas de divulgation
du secret, faire la preuve que cette « violation » a été possible parce que les règles
déontologiques et la loi l’autorisaient.
339
2) Les dérogations au principe du secret médical
En dehors des hypothèses où il y a été autorisé par son patient, il existe des cas où le
médecin est autorisé à faire certaines divulgations. Différents professionnels de santé
peuvent échanger sur le cas d’un patient mais avec l’accord de ce dernier. Cet
échange se fait en général dans le souci d’assurer la continuité des soins (CSP article
L1110-4 al 3).
Toutefois, la révélation du secret peut se faire à trois niveaux. La divulgation peut se
faire dans l’intérêt du patient, ce qui est tout à fait normal puisque le patient est la
première et principale personne concernée par le secret. Elle peut aussi se faire aux
proches du patient lorsque ce dernier se trouve dans l’incapacité totale de recevoir
l’information concernant son état de santé. Et enfin, le secret peut et doit être révélé
pour protéger la santé publique, c'est-à-dire la population dans son ensemble, ce qui
permet d’éviter des catastrophes.
Analysons à présent les différents cas où le secret médical peut faire l’objet de
divulgation.
-
Divulgations dans l’intérêt du patient
Le rôle du médecin n’est pas seulement de soigner un patient. Le médecin doit aussi
prendre soin et veiller aux intérêts de son malade, le protéger et éviter qu’il fasse
l’objet de contrainte physique ou morale. C’est donc pour matérialiser ce caractère de
protecteur du médecin que l’article 44 CDM français stipule que : « lorsqu’un médecin
discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou
de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger
en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de 15 ans
ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de
340
son état physique ou psychique, il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie
en conscience alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives ». C’est
au vu de tous ces éléments que l’article 226-14 du CP donne au médecin le droit de
signaler les mauvais traitements. Le médecin devient le gardien de l’intimité du
patient, en plus de devoir le soigner, il doit le protéger et veiller sur lui. Les étudiants
en médecine ne doivent pas se contenter de maitriser la médecine. Ils doivent aussi
apprendre à s’intéresser au patient en tant qu’être humain. Leur mission les conduira
à certains moments à poser des actes qui vont au-delà de la médecine. La volonté de
respecter le secret ne doit pas entraver ce devoir de protection qu’ils ont envers les
patients.
-
Divulgations aux proches du patient.
Entre le médecin qui défend les intérêts de son patient et la famille de ce dernier, les
relations doivent être cordiales. Dans la majeure partie des cas, c’est à la famille que
le médecin s’adressera lorsque son patient se trouvera dans l’incapacité de recevoir
certaines informations le concernant. Pour ce faire, il faudrait que le patient ne se soit
pas opposé à ce que soient divulguées des informations sur son état de santé à sa
famille. En effet, lorsque les proches du patient s’inquiètent de l’état de ce dernier, le
médecin doit en principe leur opposer le secret médical. Toutefois, l’article 35 al 3 du
CDM français indique que le médecin doit les avertir d’un pronostic fatal sauf si le
patient lui « a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle
doit être faite ». L’article 33 du CDM ivoirien quant à lui dispose que : « un pronostic
grave peut légitimement être dissimulé au malade. Un pronostic fatal ne peut lui être
révélé qu’avec la grande circonspection, mais il doit l’être généralement à sa famille, à
moins que le malade ait probablement interdit cette révélation ou désigné les tiers
auxquels elle doit être faite ». Le code de la santé publique article L1110-4 vient
341
appuyer ces articles en affirmant que : « en cas de diagnostic grave, le secret médical
ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la
personne de confiance (…) reçoivent les informations destinées à leur permettre
d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part ». Dans ce cas de
figure, le médecin n’a pas besoin du consentement express du patient pour informer
les proches, il suffit que ce dernier ne s’y oppose pas. Mais qu’en est il des ayants
droit du patient, le secret médical doit-il leur être opposé ? L’article L1110-4 du CSP
estime que sauf opposition du malade exprimée avant son décès, les informations le
concernant peuvent être données à ses ayants droit dans la meure où elles leur sont
nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la
mémoire du défunt ou encore de faire valoir leurs droits (décès dû à une erreur
médicale).171
-
Divulgations pour protéger la santé publique.
L’article L 3113-1 du CSP prévoit la déclaration obligatoire des maladies contagieuses
(par exemple tuberculose, méningite, typhoïde, maladie de Creutzfeldt Jakob…) par
tout médecin qui en a constaté l’existence. La loi ivoirienne de 1961 relative à la
protection de la santé concernant certaines maladies endémo-épidémiques prévoyait
aussi la déclaration, le traitement obligatoire et des sanctions pénales en cas de refus
de se soumettre aux soins de tout patient atteint d’une maladie à caractère
épidémique.
Le CSP rend obligatoire la transmission de données individuelles concernant des
maladies qui nécessitent une intervention urgente et internationale. Il impose
également aux médecins et responsables des services, aux laboratoires de biologie
171
Isabelle GALLAY. Guide du patient, vos droits et démarches. Edition Eyrolles Pratique, mai 2005. P 69
342
médicale publics et privés, la transmission de données pour permettre la conduite et
l’évaluation de la politique de santé publique.
En ce qui concerne les maladies vénériennes, le médecin n’est pas tenu d’indiquer le
nom du malade sauf lorsque ce dernier refuse d’entreprendre ou de poursuivre le
traitement nécessaire.
Le médecin doit protéger son patient, mais il doit aussi assurer la bonne santé
publique. Un risque pour la santé publique est beaucoup plus important que la
protection d’une seule personne. La loi du plus grand nombre oblige donc le médecin
à passer outre le secret médical. Le secret médical s’impose au médecin et à tout le
personnel hospitalier. Il s’agit tout faire pour éviter de dévoiler les informations qu’on
détient. Mais certaines informations doivent être de manière impérative et
professionnelle divulguées au patient par le médecin.
B/ LE DROIT A L’INFORMATION DU PATIENT
Les patients qui se rendent dans les hôpitaux doivent être informés sur leur état de
santé, c'est-à-dire sur le mal dont ils souffrent d’une part et sur les risques encourus
pour les soins qu’ils recevront d’autre part.
1) L’information du patient sur son état de santé
Le devoir d’information du patient est une obligation légale et déontologique qui
s’impose à tout médecin. De nombreux textes existent en la matière :
-
le CDM français article 35 al 1 stipule que : « le médecin doit à la personne qu’il
examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et
343
appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au
long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses
explications et veille à leur compréhension ». La relation entre le médecin et
son patient dépasse les limites du cadre contractuel pour aller vers une relation
beaucoup plus basée sur la confiance. Mais, pour que la relation fonctionne
ainsi, il faut que médecin et patient se respectent et se considèrent égaux.
Nous l’avons déjà dit, en Côte d’Ivoire, il y’a des patients qui se sentent
bafoués par l’attitude des soignants. Ces patients parce qu’ils n’ont pas les
moyens ou se font traiter dans des hôpitaux publics n’ont ni droit à la parole ni
droit à l’information. Nous estimons que pour réussir à transformer notre
système de santé, pour l’aider à atteindre de meilleurs objectifs, il est important
que nous inculquions à nos étudiants et élèves l’importance de ce dialogue
médecin /patient. Les lois dans le pays ne protègent pas encore assez bien nos
patients pour la plupart ignorants des règles. C’est donc à ceux qui les
apprennent, qui les connaissent de faire l’effort de favoriser leur correcte
application.
-
La charte du patient hospitalisé : « le médecin doit donner une information
simple, accessible, intelligible et loyale à tous les patients. Il répond avec tact et
de façon adaptée aux questions de ceux-ci ». Cette charte pose les principes
de fonctionnement de l’hôpital. Mais, nous pensons qu’elle n’est pas prise en
compte dans la plupart de nos grands hôpitaux nationaux et dans certaines
cliniques du pays. Le rôle des médecins et des personnels de santé doit aller
beaucoup plus loin. Ils doivent être ceux qui favorisent l’application des textes
de loi dans les hôpitaux. Ce sont eux qui sont le plus souvent en contact avec
les patients et c’est aussi à eux que s’adressent ces textes. La charte nous le
344
voyons, leur fait injonction de se mettre au service de leurs patients. C’est cela
leur devoir. Cette prise de conscience de nos personnels de santé doit se faire
depuis la première année à la faculté ou à l’Infas. Les enseignants doivent faire
comprendre aux étudiants que choisir la médecine c’est pour servir sans
réserve toutes les populations d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient.
-
Le CSP en son article L1111-2 al 1er stipule que : « toute personne a le droit
d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes
investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur
utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou
graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres
solutions possibles et sur les conséquences prévisibles de ce refus. Lorsque,
postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de
prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit
en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver ».
-
La cour de cassation : elle définit les caractéristiques de l’information que doit
le médecin à son patient : celle-ci doit « être loyale, claire et appropriée »172.
C’est le professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect
des règles professionnelles qui lui sont applicables (CSP article L1111-2, al 2) qui est
chargé d’informer le patient au cours d’un entretien individuel. En cas de pluralité de
médecins, la collaboration entre ceux-ci est établit par
l’article 64 al 1 du CDM
français qui précise que : « lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au
traitement du malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des
praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du
malade ».
172
Cass. Civ 1ère, 14 octobre 1997. JCP 1997 éditions G, N° I 22942, rapport Pierre SARGOS.
345
Cette information doit se faire auprès du patient tout au long de la maladie et c’est en
fonction d’elle que le patient donne son accord pour tel ou tel traitement.
Dans certains cas, c’est à la personne de confiance désignée par le malade, les
titulaires de l’autorité parentale pour les enfants (parents ou à défaut le tuteur, mais le
mineur s’il est en mesure de comprendre doit lui-même être informé, article 42 CDM et
article R 4127-42 du CSP. Le mineur peut aussi s’opposer à la consultation du
détenteur de l’autorité parentale pour garder le secret sur son état, article L1111-5
CSP). Pour les majeurs incapables, c’est le représentant légal, toutefois, l’incapable
doit recevoir lui-même l’information adaptée à ses facultés de discernement et enfin
les proches du malade lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté (article
36 al 3 du CDM) et lorsque la révélation d’un pronostic fatal a de grande chances
d’être nuisible, voire dangereuse pour l’état de santé du patient (article 35 al 3 CDM).
L’article 33 du CDM de Côte d’Ivoire estime qu’un pronostic grave peut légitimement
être dissimulé au malade, un pronostic fatal ne peut lui être révélé qu’avec une grande
circonspection.173 L’appréciation de l’opportunité et de l’étendue de l’information en
cas de pronostic grave ou fatal est laissée au bon soin du médecin qui se décide en
toute conscience, évaluant à cet égard les effets et conséquences du caractère
traumatisant de la révélation, mais aussi les inconvénients de toute nature découlant
de l’absence de communication du diagnostic.174
Mais combien de fois, des patients hospitalisés dans nos hôpitaux ignoraient la vérité
sur le mal qui les rongeait ? Dans certains cas, c’est après le décès du patient que la
famille apprenait la réalité sur la maladie de celui qui vient de rendre l’âme. La faute
revenait au médecin qui ne jugeait pas utile dans certains cas de partager ce qu’il
173
Cf., commentaire Hoerni B, Bénézech M. L’information en médecine, évolution, éthique. Masson, 1994.
Le médecin, le patient et le droit. Frédéric-Jérôme PANSIER, Alain GARAY. Edition ENSP, septembre 1999.
P 27.
174
346
savait avec le patient ou sa famille, puisque chez nous, le concept de personne de
confiance n’est pour l’instant pas ancré dans les esprits. Soit parce qu’on ignore que
l’on peut désigner quelqu’un d’autre que son épouse ou son époux ou tout simplement
parce qu’on juge que le médecin sait ce qu’il fait et qu’on s’en remet entièrement à lui.
Le problème du manque d’information dans nos hôpitaux est dans la plupart des cas
partagé entre médecins qui ne trouvent pas important d’informer correctement leurs
patients et des patients qui ne savent même pas qu’ils ont le droit de demander et
d’obtenir toutes les informations sur leur état de santé.
2) L’information sur les soins et les risques
Nous le savons, le médecin sauf le cas d’urgence (loi 4 mars 2002, article L1111-2, al
2 et 4 CSP)175 doit solliciter le consentement du patient. Il doit donc exposer
clairement la nature de son mal afin que le patient comprenne le traitement qu’il lui
propose, son utilité, son urgence et les conséquences : loi du 4 mars 2002
(recherches et investigations, soins médicaux, chimiothérapie, radiologie, intervention
chirurgicales). La durée de l’hospitalisation et la période d’incapacité doivent être
communiquées (suites normales d’un traitement ou d’une intervention). La loi du 4
mars 2002 impose aux établissements publics et privés d’informer le malade, lorsqu’il
en fait la demande des frais auxquels il pourrait être exposé à l’occasion d’actes de
soins, de prévention et de diagnostic ainsi que sur les conditions de leur prise en
charge.
175
Cass, civ 1ère 7 octobre 1998 JCP 1998, II, N° 10179, note Pierre SARGOS.
CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, II N° 20271, note J MOREAU, LPA, 2000 N° 40, note C CLEMENT.
347
Rien ne doit être caché, les souffrances à endurer, l’échec possible, les risques
opératoires, les séquelles, tout doit être dit.
La partie la plus délicate des informations concerne les risques, c'est-à-dire que le
médecin doit faire ressortir les avantages et les inconvénients des soins et traitements
qu’il propose. Il est tenu d’expliquer le pour et le contre, exclure le charlatanisme
(c'est-à-dire ne pas proposer des remèdes ou des procédés illusoires et
insuffisamment éprouvés (article 9 CDM), il doit mettre en garde contre une
obstination thérapeutique déraisonnable, article 37 CDM. Quant aux risques, le
médecin ne doit faire état que des risques normaux, prévisibles et il lui appartient de
convaincre le malade qu’ils sont justifiés par les bienfaits retirés du traitement (article
40 CDM).
Comment prouver l’existence de l’information ? Avant la loi du 4 mars 2002, les
juridictions judiciaires et administratives françaises ont jusqu’en 1997 mis à la charge
du patient qui se prétendait victime d’un défaut ou dune insuffisance d’information, la
preuve de la faute de son médecin. En raison des difficultés rencontrées par le patient
pour apporter cette preuve, la jurisprudence a opéré un revirement qui a conduit au
renversement de la charge de la preuve176. La loi (article L1111-2 al 7) est venue par
la suite confirmer cette jurisprudence en disposant qu’il « appartient au professionnel
ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée au
patient intéressé dans les conditions prévues (…) cette preuve peut être apportée par
tout moyen ».
Enfin pour terminer, à défaut d’information de la part du médecin ou si ce dernier
n’arrive pas à prouver qu’il a bien informé son patient des risques encourus du fait du
traitement proposé, ou encore s’il ne justifie pas l’absence d’information par un cas
176
Cass 1ère ch. civ 25 février 1997
CE, 5 janvier 2000
348
d’urgence, une contre-indication… sa responsabilité civile peut être engagée. Le
médecin nous venons de le voir prend de nombreux risques en dispensant les soins
aux patients. Il doit donc le faire avec une très grande conscience professionnelle.
C’est cette conscience professionnelle qui doit conduire les personnels de santé en
Côte d’Ivoire à ne pas faire de distinction entre les patients, ce qui revient à les traiter
tous de la même façon.
III- EQUITE ET JUSTICE DANS LES SOINS : LE PRINCIPE DE NONDISCRIMINATION
A/ L’EGALITE DES PATIENTS : AU NIVEAU DE L’ACCUEIL
L’accueil dans les hôpitaux est un problème qui mérite qu’on s’y attarde. L’hôpital est
ouvert à tous. Les personnels de santé doivent être informés et sensibilisés sur leurs
devoirs et obligations dans ce domaine lorsqu’ils sont en poste. Mais aussi en amont
au cours de leur formation. Les établissements qui assurent le service public
hospitalier doivent être accessibles à toutes personnes, quels que soient leur origine,
leur sexe, leur situation familiale, leur âge, leur état de santé, leurs opinions politiques,
syndicales, philosophiques ou religieuses (charte du patient hospitalisé). Cette charte
que connaissent et doivent connaître tous les personnels de santé doit être affichée à
différents endroits de l’établissement afin que les agents ne l’oublient pas et les
patients en prennent connaissance à chaque fois qu’ils entreront dans un hôpital.
Cette charte prévoit un accueil de jour comme de nuit et en cas de problème de place,
l’établissement où s’est présenté le patient doit tout mettre en œuvre pour permettre
sa réadmission dans un autre établissement. Les personnes souffrant d’un handicap
349
physique, mental ou sensoriel doivent bénéficier des aménagements auparavant
réalisés par les établissements pour les accueillir. Il en va de même pour les difficultés
linguistiques. Le recours à un interprète s’impose. En Côte d’Ivoire ce n’est pas
vraiment un problème lorsque le patient est ivoirien ou de la sous région ouest
africaine. Mais, lorsqu’il est anglais, espagnol etc.… l’affaire devient plus compliquée
parce que très rares sont nos agents qui maîtrisent ces langues étrangères. Nous
pensons donc qu’il est très important de mettre aussi l’accent sur certaines langues
étrangères au cours de la formation universitaire ou dans nos centres de formations
des agents de santé. L’idéal serait de faire en sorte que nos étudiants et personnels
de santé d’effectuer des stages dans des pays non francophone afin qu’ils acquièrent
des notions pouvant leur permettre de mieux accueillir des patients d’origine étrangère
ne parlant pas le français. Nous pouvons terminer en disant que, l’accès au service
public hospitalier est donc garanti à tous et en particulier aux personnes les plus
démunies, celles qui font le plus souvent l’objet de préjugés lorsqu’elles doivent être
prises en charge pour des soins.
B/ LE REJET DES PREJUGES : AU NIVEAU DES SOINS
Le code de déontologie français en son article 7 déclare que: « le médecin doit
écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les
personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur
appartenance ou leur non appartenance à une ethnie, une nation ou une religion
déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il
peut éprouver à leur égard ». Cet article a pour but de combattre les préjugés dont
sont souvent victimes certains patients lorsqu’ils se présentent dans nos hôpitaux.
350
Dans bien de cas, des médecins et agents de santé dans nos hôpitaux sont souvent
réticents à prendre en charge des patients atteints de certaines maladies graves et
contagieuses comme la tuberculose ou des malades développant le VIH-sida. La
réputation de gangster, voleur ou pédophile reconnu d’un patient peut être un frein à
sa prise en charge dans nos hôpitaux. L’article 1110-3 du CSP fait aussi mention du
principe de non discrimination en mentionnant qu’aucune personne ne peut faire
l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins. Pour terminer,
l’article 225-1 al 1 du code pénal (CP) précise les cas de discrimination pénalement
sanctionnés. Cet article prend en compte l’origine, le sexe, la situation de famille,
l’appartenance physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, l’orientation
sexuelle.
Comme l’article 7 du CDM français, l’article 3 du CDM en Côte d’Ivoire dispose
que : « le médecin doit soigner tous ses malades quels que soient leur condition, leur
nationalité, leur religion, leur réputation et les sentiments qu’ils lui inspirent ». Nous
nous rendons compte que les deux articles sont pratiquement identiques, leur
application est elle la même dans les deux pays ? Etant patient des deux systèmes de
santé, nous sommes en mesure d’affirmer que la France offre une lecture et une
application rigoureuse de cet article. En Côte d’Ivoire, nous le répétons encore, c’est
le manque de formation qui est à l’origine de notre retard en la matière. Non
seulement les étudiants ne reçoivent pas la formation adéquate, et sur le terrain le
manque de contrôle de l’application des choses apprises favorisent toutes les dérives
qu’on rencontre aujourd’hui dans le système de santé. Notre plus grand problème,
c’est la formation inefficace nos étudiants et élèves
sensibilisation au respect du patient.
351
mais aussi l’absence de
SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT
Les malades étant des personnes fragilisées, nous trouvons tout à fait normal que les
pouvoirs publics prennent toutes les dispositions permettant de les accueillir et de les
accompagner dans de bonnes conditions.
I- TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ET PROFESSIONNELLE
A/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE
Traiter le patient de manière consciente, c’est prendre soin du patient dont on a la
charge avec le souci unique de lui procurer tout le bien être possible. C’est tout faire
pour que le patient s’en sorte. Le médecin et son équipe doivent prendre
l’engagement de ne pas comme le signifie l’article 6 du CDM : « abandonner ses
malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel, donné par écrit des autorités
qualifiées ». C’est aussi ce que stipule l’article 3 du même code : « le médecin doit
soigner avec la même conscience tous ses malades ». Il doit donc les soigner comme
si c’était à lui-même ou à l’un de ses proches qu’il administrait les soins, comme un
bon père de famille prend soin de ses enfants. La loi doit condamner et sanctionner
les actes répréhensibles qui mettent en danger les personnes vulnérables que sont
les malades. Les patients ont des droits, les personnels de santé des devoirs, nos
institutions (ministères et administrations) des engagements à respecter pour la
dignité et la sécurité des usagers des services de santé. Nous nous ne pouvons pas
nous permettre de prendre notre retard technologique en matière de santé, la
défaillance de notre plateau technique comme prétextes pour justifier les
352
manquements dans les actes que nous posons. La conscience professionnelle doit
faire partie des qualités indispensables à nos personnels de santé, peu importe les
conditions dans lesquelles ils accomplissent leur mission, leur but premier est de
réussir ce qu’ils entreprennent. Et bien faire son travail dans des conditions difficiles,
c’est faire preuve de professionnalisme.
B/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE PROFESIONNELLE
Ici, c’est tout le processus de traitement qui doit se dérouler de manière
professionnelle. Le médecin doit élaborer son diagnostic avec la plus grande attention,
sans compter le temps que lui coûte ce travail et s’il y’a lieu, en s’aidant ou se faisant
aider, dans toute la mesure du possible des conseils les plus éclairés et des méthodes
scientifiques les plus appropriées. C’est donc l’occasion de mettre en œuvre toutes les
choses apprises pendant les longues années d’études. La technologie permet
aujourd’hui de diagnostiquer des maux souvent cachés, mais l’expérience acquise
depuis les années de formation et de pratique doit permettre au médecin et son
équipe de mieux cerner leurs patients et la maladie. Le manque d’effectifs et le déficit
dans la formation sont des éléments auxquels sont souvent confrontés les personnels
de santé, ce qui a pour conséquence de les éloigner quelque fois de l’éthique de leur
métier. Mais travailler de manière professionnelle, n’est ce pas surmonter les
obstacles qui se mettent sur le chemin ? Les autorités demandent des résultats, pour
les obtenir, il faut qu’elles remplissent elles même leur part du contrat en permettant à
leurs agents de travailler dans de bonnes conditions. Les personnels de santé sur le
terrain doivent fournir il est vrai certains efforts mais si rien n’est fait au niveau des
autorités en ce qui concerne la qualité et le bon état du plateau technique, la
353
législation et enfin le statut des agents, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Le
pays fait face depuis des années à une grave crise dans le domaine de la santé, le
manque d’effectifs, le déficit dans la formation des personnels de santé, le manque de
matériel et surtout l’absence de volonté politique des autorités sont autant de
problèmes qui freinent les personnels de santé dans l’exercice de leur mission. A tout
cela, si nous ajoutons la multiplication de la corruption dans nos hôpitaux nous nous
rendons compte que nous ne pouvons compter que sur la prise de conscience des
personnels de santé sur leur rôle dans la société et sur leur professionnalisme pour
que le pays s’en sorte. Mais entre la nécessité absolue d’être des agents conscients
et professionnels pour réussir leur travail, les personnels de santé ivoiriens doivent
respecter la liberté de leurs patients à choisir leur médecin tout en préservant la leur.
II - RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTE
A/ LIBRE CHOIX DU MEDECIN POUR LES PATIENTS
Pour le patient comme pour le médecin les soins doivent se faire dans une certaine
harmonie. Il doit y avoir une entente cordiale entre les deux parties en relation pour
que le médecin d’une part administre ses soins en toute sérénité et le patient d’autre
part les accueille en toute confiance. L’article 8 du CDM de Côte d’Ivoire évoque le
libre choix du médecin par le malade comme étant un principe qui s’impose à tout
médecin, sauf dans les cas où l’observation dudit principe est incompatible avec une
prescription législative ou réglementaire (l’exemple de l’urgence). Le système de santé
français est lui aussi caractérisé par ce principe de libre choix, le code de déontologie
affirme que : « le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de
354
choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit ». Le CSP
indique quant à lui en son article L1110-8 al 1 que : « le droit du malade au libre choix
de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la
législation sanitaire ». Avec le libre choix, le patient pourra donc changer de médecin
s’il est mécontent de lui. Le médecin devra donc accepter ce changement sans
amertume et sans tenir rigueur à son patient d’avoir pris un autre avis que le sien. Le
libre choix s’étend aussi au choix de l’établissement où le patient souhaite être
hospitalisé. Ainsi, le malade ne sera pas obligé d’être hospitalisé dans l’hôpital le plus
proche de chez lui ou dans celui qui lui a été recommandé par son médecin (article
1110-8 CSP). Ce principe bien qu’étant prévu par certains textes en Côte d’Ivoire est
difficilement applicable, le manque criard de médecins et de structures ne donne pas
beaucoup de choix aux malades. La faible connaissance des patients de leurs droits
et la vision qu’ont les malades des médecins ne leur permettent pas d’oser choisir
librement leur médecin. Chez nous, les patients « confient leur vie et leur santé » aux
médecins qu’ils ont en face d’eux et espèrent leur guérison.
Ce principe, qu’on soit en occident ou en Afrique peut être remis en cause. Il faut dans
les soins une certaine cohérence. Il est donc préférable de se faire suivre par un seul
médecin pendant un bon moment. C’est pourquoi en France les autorités sanitaires
ont mis en place le système du médecin traitant afin qu’un médecin précis traite un
patient donné. Ce médecin habitué au patient est censé connaître le dossier médical
du patient et en cas de problème, c’est à lui qu’on doit s’adresser pour obtenir des
informations sur les antécédents médicaux du patient. Ce système du médecin traitant
a pour but d’éviter ou de réduire les comportements de certains patients qui
s’adonnent à un véritable « nomadisme médical ».177 Certains patients seraient tentés
177
Droit de la santé publique. Jacques MOREAU, Didier TRUCHET. Dalloz, janvier 2004, p 206.
355
de changer fréquemment de médecins, histoire de trouver celui qui fera le miracle
dès la première consultation. Ce phénomène qui engendre inévitablement un
bouleversement dans le traitement et certainement des risques importants dans le
suivi du cas. Mais nous pensons aussi que dans certaines situations, ce ne sont pas
les patients qui changent de médecin mais plutôt différents médecins qui viennent au
chevet du même patient. En général, cette situation se rencontre dans les hôpitaux.
Lorsque le cas du patient présente des complications nécessitant l’intervention de
différents spécialistes, le patient n’a plus le choix de son médecin, c’est ce qui fait dire
au docteur Thomas PERCIVAL178 que : « le libre choix n’existe pas à l’hôpital ». Face
à cette situation, doit-on parler de violation des droits du patient ? Ou doit-on assimiler
l’intervention de tous ces médecins à un cas d’urgence, une nécessité absolue ? Nous
pensons qu’ici, il n’y a pas lieu de parler de violation du droit parce que, le rôle premier
des médecins est de faire du mieux qu’ils peuvent pour venir à bout du mal du patient.
Si un travail en équipe peut permettre de soulager le patient, alors toutes ces
interventions sont nécessaires.
Autant le patient est libre d’aller vers le médecin de son choix, autant les médecins
eux aussi sont libres de leurs prescriptions et des honoraires qu’ils fixent aux patients.
178
Thomas PERCIVAL (1740-1804) médecin anglais, inventeur de l’expression « l’éthique médicale ».
356
B/ LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ET DES HONORAIRES
1) LIBERTE DES PRESCRIPTIONS
C’est une liberté très importante en ce qui concerne l’exercice de la médecine.
Toutefois, elle est sujette à deux sortes de limites. Ces limites portent sur la qualité et
la quantité. Concernant la première, le médecin ne peut pas prescrire n’importe quoi.
Par exemple il ne peut prescrire un produit qui ne bénéficie plus d’autorisation de mise
sur le marché (AMM) ou qui n’en a pas du tout. Pour la seconde limite, le médecin ne
peut allonger de manière inconsidérée la liste des médicaments qu’il prescrit. Ces
différentes limites ont été mises en place pour éviter que les médecins et certains
professionnels de santé tels que les pharmaciens
se mettent en « affaire » pour
gagner de l’argent au détriment des mutuelles. Prescrire de nombreux médicaments,
c’est faire gagner de l’argent aux pharmacies. Mais dans un pays comme la Côte
d’Ivoire, les ordonnances posent beaucoup de problèmes aux patients et à leur
famille. La cherté du coup de la vie et par conséquent des médicaments fait que les
patients ont du mal à faire face à certaines prescriptions des médecins. Nous n’avons
pas encore de système de sécurité sociale comme en France où de nombreux
médicaments son pris en charge par l’Etat ou les mutuelles privées. Même si certains
fonctionnaires (103 000 en 2003) et employés d’entreprises privées (116 880) et leurs
ayants droit179 sont totalement pris en charge. Vous voyez que ces chiffres ne
représentent absolument rien face aux 17 millions de personnes qui vivent dans le
pays. C’est pourquoi, nous pensons qu’il est impératif que l’assurance maladie
179
Source : ministère de la solidarité, de la sécurité sociale et des handicapés de Côte d’Ivoire.
357
universelle (AMU) promise par les autorités depuis maintenant dix ans voit
effectivement le jour.
Le médecin est donc libre de ses prescriptions (art 8 du CDM). Tout médecin, quelle
que soit sa spécialité, peut pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention ou de
traitement, mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, « entreprendre ou
poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent
ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose » (article 70, CDM).
Il peut appeler un confrère en consultation (article 58 à 62 du CDM). Nous voyons que
le code de déontologie à travers ses articles favorise l’unité et la coopération entre
médecins pour le bien des patients. C’est un aspect du devoir de confraternité que
doivent entretenir les médecins entre eux.
Les prescriptions concernent donc le traitement avant, pendant et après les soins.
Elles doivent être dispensées très consciencieusement et suivies tout au long de la
maladie. Liberté de prescription ne signifie pas que le médecin doit faire ce qu’il veut,
comme il le veut. Il doit agir selon certaines règles et respecter une certaine éthique.
Tous les médecins ne peuvent pas prescrire tous les médicaments, depuis un décret
n° 94-1030 du 2 décembre 1994 (article R. 5143-5-1 à R. 5143-5-6 CSP), il existe des
médicaments à prescription restreinte qui ne peuvent être prescrits que par quelques
catégories de médecins : hospitaliers, spécialistes ou qualifiés. Il est donc important
que les futurs médecins maîtrisent tous ces paramètres avant d’exercer. Ce sont en
général des règles de droit qui encadrent l’exercice de la médecine et non des règles
médicales, d’où l’importance du droit dans la pratique médicale.
Le travail médical n’étant pas bénévole, il est tout à fait normal que les médecins
perçoivent une rémunération. Pour les médecins exerçant dans le public, le salaire est
358
fixé en fonction du statut et de la qualification du médecin. Mais dans le privé, cette
rémunération est fixée par le médecin et elle est appelée « honoraires ».
2) DROIT AUX HONORAIRES
Dans la théorie classique du droit médical, la rémunération du médecin était
dénommée « honoraires » parce que le patient ne payait pas le médecin, qui eut été
déshonoré de monnayer son savoir, il « honorait » plutôt son talent en lui versant une
somme d’argent180.
Les honoraires médicaux ont toujours fait l’objet d’une mention au serment
d’Hippocrate. Il est tout à fait normal que le médecin se fasse payer pour le travail
qu’il a effectué. Le CDM français de 1995 en son article 55 recommande tout de
même au médecin le tact et la mesure dans la fixation de ses honoraires. Il écarte
aussi la possibilité d’imposer au patient un forfait ou la demande d’une provision avant
les soins. L’article 39 du CDM ivoirien quant à lui dispose que : « le médecin doit
toujours établir lui-même sa note d’honoraires ; il doit le faire avec tact et mesure. Les
éléments d’appréciation sont la situation de fortune du malade, la notoriété du
médecin, les circonstances particulières » et l’article 8 de ce code énonce comme
principe la nécessité d’une entente directe entre le malade et le médecin en matière
d’honoraires et le payement direct des honoraires par le malade au médecin.
L’article 53 du code de déontologie de 1995 en France édicte des règles d’ordre public
qui stipulent que :
- L’honoraire n’est dû
qu’à l’occasion d’un acte médical réellement effectué
(consultation, visite, acte chirurgical) ;
180
Le droit de la santé. André DEMICHEL, les Etudes Hospitalières, septembre 1998, p 59.
359
-
la notion de tact et mesure s’adresse aux médecins qui ne sont pas
conventionnés et dont les honoraires sont librement débattus avec le patient
ou sa famille (en Côte d’Ivoire, il n’existe pas à ce jour un système de
conventionnement comme en France. Les médecins libéraux fixent leurs
honoraires en se basant notamment sur l’article 39 du CDM précité).
-
Le code de déontologie interdit le charlatanisme (article 39 en France et 23 en
Côte d’Ivoire), le compérage (article 22 en France et 20 en Côte d’Ivoire)181
l’utilisation de méthodes publicitaires, tout comportement à caractère
commercial.
Les médecins qui exercent en collaboration, en association ou en société doivent
établir des notes d’honoraires personnelles et distinctes et dans les cas où le
traitement a été effectué avec l’appui d’aides opératoires (infirmiers, assistant…)
choisis par les médecins, leur rémunération ne peut être réclamée séparément, elle
doit être incluse dans les honoraires du médecin.
Nous voyons bien qu’en dehors de tous ces cas, les médecins qu’ils soient du public
ou du privé ne doivent pas demander d’argent à leurs patients. Nous savons que
certains personnels de santé en Côte d’Ivoire, ne se contentent pas seulement
d’attendre leur salaire à la fin du mois ou de fixer des honoraires raisonnables. Ils
essaient par tous les moyens de soutirer de l’argent à des patients le plus souvent
démunis. Ce comportement inadmissible jette l’opprobre sur toute la profession. Ces
personnes font semblant d’ignorer les règles de droit qui encadre la pratique médicale
et la morale censée faire des personnels de santé des personnes ayant un sens du
devoir irréprochable.
181
Charlatanisme : proposition de traitements insuffisamment éprouvés et de procédés illusoires.
Compérage : partage d’honoraires avec des pharmaciens et auxiliaires médicaux, intelligence entre ces différentes
personnes pour obtenir des avantages au détriment des patients.
360
III - LE REFUS DE SOINS PAR LE MEDECIN
A/ LE MEDECIN CONDAMNER A SOIGNER
Un médecin peut-il refuser de soigner un patient ? A cette question la réponse parait
évidente. Le NON en l’espèce prend toute son importance. L’article 5 du CDM nous
indique que « le médecin doit soigner avec la même conscience tous ses malades,
quelque soit leur condition, leur nationalité, leur représentation et les sentiments qu’ils
lui inspirent ». Ensuite, les articles 225-1 à 225-3 du nouveau CP répriment le refus de
prestation de service fondée sur l’état de santé. En effet, aucun membre du corps
médical (médecin, infirmier etc.…) ne peut refuser de soigner un patient. Un tel refus
constituerait
une
discrimination
et
une
violation
des
règles
juridiques
et
déontologiques. Sans affirmer que le médecin devient esclave de sa profession, nous
pensons que s’il a choisi ce noble métier, il doit en accepter toutes les contraintes. Un
refus de soins par le personnel hospitalier dans les pays occidentaux est inimaginable
tant les lois et règles juridiques ont été correctement établies et leur application
totalement assurée.
En Côte d’Ivoire, le refus de soins par certains personnels médicaux est une réalité.
Sans argent déboursé auparavant, des patients se voient souvent refuser les soins les
plus élémentaires. Nous pensons que l’absence ou l’ignorance des règles juridiques
en rapport avec le refus de soins dans le milieu hospitalier ivoirien en est la principale
responsable. A côté de cela, il faut noter la mauvaise foi et le manque de
professionnalisme de certains personnels de santé qui ne pensent qu’à faire de
l’argent sur la santé des patients. Nous pensons qu’il est temps que le droit médical et
le droit en général mettent de l’ordre dans l’organisation et la gestion du système de
361
santé ivoirien. L’instauration et la prise en compte du droit médical dans nos structures
sanitaires incombent aux autorités administratives et politiques. C’est à elles de fournir
les efforts nécessaires pour le bien être des populations. Nous devons tout mettre en
œuvre pour que certaines catégories d’ivoiriens ne se voient plus refuser les soins,
même si dans certaines situations le refus de soins de la part du personnel hospitalier
peut trouver une justification.
B/ RAISONS PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES POUR JUSTIFIER LE
REFUS.
En effet, les articles 47 (CDM français) et 34 (CDM de Côte d’Ivoire) prévoient dans
une formule identique que : « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses
devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons
professionnelles et personnelles ». Ainsi, il est interdit au médecin de refuser de
soigner un malade par discrimination, mais s’agissant d’un contrat intuitu personae
(contrat où les qualités du cocontractant sont prises en considération), il peut (sauf
l’urgence et le devoir d’humanité) refuser les soins en cas de mésentente avec son
patient ou d’incompétence compte tenu de la spécificité de la maladie. En définitive, le
code de déontologie médicale n’accorde aux médecins et au corps médical le droit de
refus de soigner que s’ils se considèrent incompétents, c’est le cas où le médecin
atteint les limites de sa compétence et doit faire appel à un confrère spécialiste ou à
l’hôpital, ce qui n’est pas un droit mais plutôt un devoir pour lui. Le médecin peut aussi
refuser ses soins à un patient en cas de désaccord avec ce dernier. Ce désaccord
peut porter sur la manière de soigner (raisons professionnelles) ou sur des raisons
personnelles (idées politiques) mettant en péril la relation de confiance. Dans ce cas
362
dans l’intérêt du patient et pour permettre la continuité des soins, le médecin et son
équipe doivent orienter le malade vers un autre médecin. Mais ici, c’est surtout
l’indiscipline du patient qui ne suit pas les conseils du médecin qui sert de base à ce
refus. Nous constatons ici que la loi elle-même n’ose pas dire de manière catégorique
aux médecins : ne soignez pas si vous n’en avez pas envie. Elle laisse médecins et
patients dans une situation ambiguë où l’intérêt du patient prédomine toujours, elle dit
plutôt : ne soignez pas si le patient n’a pas confiance en vous. Au nom de quel
principe, de quelle idée politique, de quelle raison personnelle un médecin pourrait
refuser d’administrer des soins à un patient, que le cas soit urgent ou pas ? Nous n’en
voyons pas et le droit nous laisse dans le doute. Même dans les cas où elle autorise
ce refus, la loi fait obligation au médecin de renvoyer son patient vers un de ses
confrères spécialiste ou non.
363
CONCLUSION DE LA PARTIE II
L’efficacité d’un système de santé passe nécessairement par le bon niveau de
formation des agents chargés de le faire fonctionner. Nous pensons que la Côte
d’Ivoire doit saisir l’occasion de la fin de la crise politico-militaire qu’elle a connue pour
rebâtir son système de formation des personnels de santé. Il est impératif que les
autorités administratives et politiques et tous les autres acteurs du monde de la santé
fassent des efforts afin que les choses changent. Depuis des années beaucoup de
choses ont été faites, mais le manque de volonté de certains et la négligence d’autres
ont favorisé l’écroulement du système de santé ivoirien en général et au système de
formation des personnels de santé en particulier. Aujourd’hui, nous pensons que la
Côte d’Ivoire peut et doit même s’inspirer de modèles étrangers qui ont réussi. Pour
nous, le savoir faire cubain en la matière n’est pas du tout négligeable. En effet, ce
pays du tiers monde comme le notre est la preuve que de grandes choses peuvent se
faire lorsqu’on y met de la volonté. Les chiffres cubains en matière de formation des
personnels de santé sont impressionnants. Cuba possède de nombreuse facultés de
médecine et plusieurs écoles de formation du personnel paramédical qui produisent
chaque année le plus grand nombre de médecins et d’agents de santé au monde.
Tout cela a pu être possible parce que les autorités cubaines et les responsables de
toutes les structures précédemment citées ont décidé de bien remplir la mission qu’on
leur a confiée. Qu’est ce qu’il nous faut pour améliorer notre système de formation des
personnels de santé en Côte d’Ivoire? Des moyens, c'est-à-dire des structures bien
réparties sur l’ensemble du territoire, du matériel et des hommes et des femmes
soucieux du bien être de leurs concitoyens. En effet, il ne sert à rien d’avoir tous les
moyens si les personnes qui doivent s’en occuper n’ont pas le sens du devoir et
364
l’envie de réaliser de grandes et belles choses. Les jeunes qui doivent aussi assurer la
relève doivent aussi prendre conscience de leur rôle dans tout ce dispositif.
Chacun dans cette chaîne doit être conscient de son rôle et de ses devoirs. Les
autorités administratives et politiques doivent mettre au service des personnels tous
les moyens pour que ces derniers accomplissent leur mission dans les meilleures
conditions. Les personnels de santé en retour doivent faire un bon usage de ces
moyens, de telle sorte que les populations en ressentent les bienfaits. Dans ce
contexte, la coopération avec d’autres Etats plus avancés dans le domaine médical ou
des ONG ou associations doit être encouragée. Parce que seul il est très difficile
d’aboutir à certains résultats. Nous demandons des moyens et un changement de
mentalité des personnels dans nos structures de formation et nos hôpitaux. Mais, pour
y arriver, il nous faut mettre en place de nouvelles règles, de nouveaux éléments.
C’est dans ce sens que nous appelons de tous nos vœux l’introduction de nouvelles
matières dans les études médicales pour ne pas cantonner nos personnels aux seuls
actes de soins. Nous avons proposé des matières comme l’économie de la santé,
l’introduction de l’apprentissage de langues étrangères, l’informatique, le droit médical
etc… Toutes ces matières devront nous aider à relever les nouveaux défis auxquels
nous ferons face dans le monde médical qui se transforme au fil des ans. Notre
mission aujourd’hui est de former nos jeunes à toutes ces sciences afin de leur
permettre d’être efficaces et compétitifs. Mais s’il y’a une nouvelle matière qui retient
particulièrement notre attention, c’est bien le droit médical. Nous sommes en Afrique
et nous savons que les populations sont en grande majorité rurales. Elles ignorent
leurs droits en ce qui concerne la vie de tous les jours, alors imaginons ces
populations lorsqu’il s’agit de médecine. Nous estimons que les personnels de santé
doivent être formés au droit en général et au droit médical en particulier. Le droit
365
médical leur permettra de travailler avec plus de conscience et d’équité. Ils auront une
toute autre vision de leur mission avec le droit en plus dans leur formation. Nous
espérons que le droit médical favorisera l’émergence d’une nouvelle catégorie de
personnels de santé. C'est-à-dire des personnels réellement soucieux du bien être de
des populations. Les médecins, infirmiers et sages-femmes ne doivent pas percevoir
le droit médical comme un élément de contrainte censé les obliger à bien accomplir
leur mission mais plutôt comme le moyen de penser autrement les relations entre
soignants et soignés. Le droit médical doit rétablir l’équilibre dans ces relations afin
que les personnels de santé accomplissent de façon consciencieuse leur mission
d’une part et d’autre part que les patients déjà démunis dans la majeure partie des cas
gardent le peu de dignité qui leur reste face à ceux qui doivent leur fournir des soins.
366
CONCLUSION
367
Bien que formant des personnels médicaux et paramédicaux, la Côte d’Ivoire doit
faire face à de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de ses divers
programmes et projets de formation. Le problème de l’hôpital ou plus précisément de
la santé dans ce pays est lié sans aucun doute à celui de la formation de ses
personnels. La faculté de médecine d’Abidjan par exemple a connu pendant quelques
années des difficultés (année blanche) du fait de manifestations et revendications
estudiantines qui débouchaient bien entendu sur des grèves, parfois illimitées qui
avaient pour but de paralyser la faculté et du même coup de freiner la production de
médecins. Certains étudiants étaient tout de même formés dans ces conditions
difficiles. Ont-ils bénéficié de toute la compétence et de toute la rigueur de leurs
professeurs ? Les mauvaises conditions de vie et de travail des médecins et des
professeurs de médecine constituent aussi un élément majeur dans les problèmes de
santé en Côte d’Ivoire. Beaucoup de bacheliers ne veulent plus se diriger vers une
filière trop longue et trop sélective (l’étudiant qui n’a pas encore passé le cap de la
troisième année
peut être exclu de la faculté sans aucune chance d’obtenir un
diplôme intermédiaire qui lui permettrait de se recycler dans un autre domaine). Ici, le
modèle cubain serait une belle alternative selon nous. Six années d’étude et la
possibilité pour les étudiants d’obtenir des diplômes intermédiaires qui leur
permettront en cas de « coup dur » de se diriger vers un autre secteur de la santé. En
plus le tronc commun, sorte de numérus clausus ivoirien doit être revu et corrigé. Ce
système de sélection des étudiants en première et deuxième année doit disparaître si
nous voulons donner la chance aux étudiants d’arriver au bout de leur formation. Si
les autorités désirent filtrer l’entrée à la faculté de médecine, qu’elles le fassent dès
l’orientation après le bac, afin d’éviter de donner l’espoir à des jeunes pour le leur
368
retirer un ou deux ans plus tard. Nous ne pouvons nous plaindre de manquer de
médecins et du même coup « assassiner » ceux qui veulent prétendre à la fonction.
La France face aux mêmes difficultés a décidé d’augmenter son numérus clausus de
1000 à la fin de la première année actuellement pour atteindre 3500 dans deux ans.
La France ouvre donc les vannes pour permettre à plus d’étudiants d’accéder un jour
au titre de médecin et ce parce qu’elle en a besoin. Ce pays peut se le permettre
parce qu’il est habitué à ce système de sélection des étudiants et sait gérer ce genre
de situation.
Il y’a aussi le problème de La faible rémunération des médecins du secteur public qui
n’encourage pas ces derniers à servir l’Etat pendant bien longtemps, ils se dirigent
tous vers le secteur privé où la paie bien qu’elle ne soit pas extraordinaire est quand
même conséquente. Toutes ces difficultés nous font croire que les problèmes des
personnels de santé sont internationaux puisque la France, maître à penser de la
Côte d’Ivoire dans de nombreux domaines vit les mêmes galères. Le professeur J-M
CLEMENT constate que le problème de l’hôpital en France vient il est vrai d’une
démission des médecins qui « fuient » vers des établissements privés à but lucratif ou
non lucratif. Cela est dû selon lui au peu d’attractivité de la carrière de PH-PU ou aux
rémunérations trop statiques. A tout cela, nous pouvons aussi ajouter le poids d’une
administration de plus en plus mal supportée par les médecins182. En effet, le
problème comporte aussi un aspect administratif que nous ne pouvons pas négliger. Il
faut des hommes neufs ayant la volonté de bâtir de belles choses et de réaliser de
véritables bouleversements dans le secteur de l’éducation en général et de
l’enseignement supérieur en particulier. La conséquence est qu’aujourd’hui, les
182
J-M CLEMENT, la crise de confiance hospitalière. Editions Les Etudes Hospitalières. Mars 2003, P 33.
369
chirurgiens menacent de s’expatrier à Londres en Angleterre pour travailler dans de
meilleures conditions et gagner beaucoup plus d’argent.
Mais le problème de la santé en Côte d’Ivoire ne concerne pas seulement les
médecins. Les agents médicaux et paramédicaux qui comptent parmi les principaux
acteurs hospitaliers sont aussi au cœur du problème. La France selon le professeur
CLEMENT pour faire face à la pénurie des personnels infirmiers et des aidessoignants se tourne vers les pays étrangers. Aujourd’hui par exemple, ce sont des
milliers d’Espagnoles, Italiens et Allemands qui sont recrutés mais la demande reste
tout de même très forte. Ces personnels étrangers acceptent de travailler dans des
conditions sans doute meilleures que celles de leur pays d’origine et la rémunération
offerte, refusée parfois par les français fait probablement l’affaire de ces étrangers.
Entre cinq et dix mille infirmiers seraient nécessaires pour combler les déficits
immédiats, mais c’est certainement le double voire plus qu’il faudrait embaucher
immédiatement pour permettre un fonctionnement normal des établissements tant
publics que privés »183.
En Côte d’Ivoire les autorités n’ont pour le moment pas besoin d’embaucher des
étrangers pour combler leurs déficits de personnels puisque le problème vient du fait
qu’ils n’en forment pas assez pour couvrir les besoins du pays. Cela s’explique par
plusieurs raisons, que ce soit à Abidjan, Bouaké ou Korhogo, l’Infas a besoin
d’infrastructures et de matériels. Amphithéâtres, laboratoires polyvalents équipés,
appareils informatiques (micro-ordinateurs et imprimantes), internats pour loger les
étudiants étrangers, matériel didactique et biomédical, bibliothèques etc.… sont
nécessaires pour le bon fonctionnement de l’institut. Pour l’instant, des décisions
encourageantes des autorités sont en train de voir le jour. En effet, le premier ministre
183
Ibid. P49.
370
ivoirien Guillaume SORO (secrétaire général des forces nouvelles, l’ex rébellion) lors
d’une rencontre avec plusieurs organisations professionnelles et religieuses de la ville
de Bouaké a affirmé que la présence des personnels de santé a contribué à redonner
la vie à ladite ville. Dans la même foulée, il a demandé au directeur de cabinet du
secrétariat général de forces nouvelles de mettre tout en œuvre pour libérer les locaux
de l’Infas pour que les élèves de cet établissement puissent avoir leurs locaux et
reprendre dans les meilleures conditions leur formation. Les agents de santé ont à
leur tour demandé au premier ministre le renforcement de l’effectif du personnel
soignant, l’amélioration des structures sanitaires déjà existantes et surtout la libération
des locaux de l’Infas184. A côté de cela, les enseignants et les étudiants rentrent dans
la danse des revendications. Pour les premiers, le fait de former des étudiants
titulaires du baccalauréat de l’enseignement secondaire devrait faire bénéficier
l’établissement du statut de grande école de formation. Cette reconnaissance, tous les
agents de santé la veulent. En France, d’ici peu, les infirmières et infirmiers qui ont
comme en Côte d’Ivoire le baccalauréat pourront au terme de leur formation obtenir le
niveau licence comme à Cuba s’ils le désirent. Ils auront la possibilité d’obtenir un
master ou même un doctorat selon la ministre de la santé Roselyne BACHELOT. Ces
mesures tendent à revaloriser la profession et à accroitre l’attractivité du métier
d’infirmier. En Côte d’Ivoire, l’absence de reconnaissance de la profession d’infirmier
ou d’agent de santé constitue un motif de démotivation des élèves et surtout des
enseignants qui ne voient pas de profil de carrière. On constate par exemple un arrêt
total de la formation des formateurs, les enseignants qui sont admis à la retraite ne
sont pas remplacés. Il n’y a plus de suivi, ce qui laisse présager un avenir sombre.
Elèves et enseignants ne se ruent pas vers les métiers proposés à l’Infas.
184
Fraternité matin. Sortie de crise : Soro ordonne à son mouvement de rendre son QG à l’Infas. Mardi 20 janvier
2009, Adjé Jean-Alexis.
371
Les étudiants quant à eux, ne comprennent pas qu’après trois années passées au
sein de l’institut ils doivent encore passer un concours pour avoir accès à certains
emplois de la fonction publique. Cette injustice selon eux n’est pas faite pour arranger
les choses. C’est même un frein à l’envie d’intégrer l’institut.
La résolution de ces difficultés passe nécessairement par une stabilité politique forte
et durable. Dans un contexte de guerre latente tel que le vit la Côte d’Ivoire rien ne
pourra être fait de façon concrète, la réussite des réalisations dépend de la situation
politique.
De nombreux efforts devront être faits pour une bonne gestion et une meilleure
répartition des ressources du pays. Ce sont ces ressources bien gérées et
équitablement réparties qui permettront de développer notre système de santé d’une
part et la formation des personnels de santé d’autre part. Pour ce faire, toutes les
autorités politiques et administratives devront s’impliquer dans le respect des règles
de gestion administrative et financière. Il ne faudra pas hésiter à sanctionner les
agents, enseignants, médecins et étudiants qui transgresseront les règles qui leur
sont imposées. Il y va du succès de ce plan. Des progrès réels, mais encore
insuffisants ont été vraisemblablement accomplis pour que les choses changent. La
corruption et le laxisme n’ont hélas pas encore disparus mais, nous pensons qu’ils
sont en recul. Les menaces de sanctions les rendent plus difficiles à réaliser. Il faut
bien sûr persévérer dans cette voie jusqu’à les rendre quasiment impossibles et faire
en sorte que leurs effets soit marginaux sur la santé des ivoiriens. Il faut stigmatiser et
sanctionner sévèrement ceux qui s’en rendent coupables ; il faut éduquer les
personnels de santé pour qu’ils abandonnent ces pratiques afin que disparaissent les
maux qui minent le système de santé ivoirien.
372
A côté de cela, il faut faire comprendre aux futurs médecins et agents de santé qui
doivent prendre le pays en charge que l’effort personnel a son importance. Ils ne
peuvent pas et ne doivent pas croire que « l’effort personnel et le mérite ne sont
d’aucune utilité, et qu’une vie réussie ne peut être bâtie que sur la corruption et le
favoritisme »185.
C’est pour cette raison que nous estimons que celui qui dirige
l’hôpital ou toute structure de formation doit avoir les mains libres. Il doit bénéficier du
soutien de ses supérieurs hiérarchiques et être lui-même irréprochable. Les choses ne
seront pas faciles, parce que la Côte d’Ivoire depuis toujours est dirigée au gré des
interventions des uns soit pour favoriser les autres ou pour les anéantir.
Concernant la gestion financière et administrative, nous préconisons la création d’une
agence nationale d’évaluation des hôpitaux pour veiller à la réalisation effective du
service hospitalier. Celui ci se définit par l’accès de tous à des soins de santé
d’urgence et des soins de référence de qualité au meilleur coût. L’évaluation de la
qualité des soins reste un véritable levier de l’amélioration de la performance des
établissements hospitaliers. Elle doit constituer un défi majeur à relever par tous ceux
qui se sentent impliqués dans l’amélioration du système de santé ivoirien. L’évaluation
ne pourra atteindre son objectif d’amélioration de qualité des soins fournis aux
populations que si l’allocation des ressources aux établissements hospitaliers est axée
sur les performances réalisées. Il est vrai que l’hôpital public n’est pas censé faire des
bénéfices sur le dos des patients, mais il ne doit pas non plus perdre sans raison les
sommes importantes investies pour son bon fonctionnement. Il est donc tout à fait
normal que l’injection d’argent dans les hôpitaux soit conditionnée par des résultats
satisfaisants. Ces résultats ne seront obtenus que par le bon usage de l’argent déjà
introduit dans l’hôpital. L’agence nationale de l’évaluation devra aussi avoir le droit de
185
Propos de Karamoko KANE, Jeune Afrique 27 septembre au 3 octobre 2009, p 32. Auteur de la corruption des
fonctionnaires Africains. Editions clé, Yaoundé, 2009.
373
regard sur la gestion financière de l’hôpital. Cette agence devra être composée de
tous les acteurs du secteur de la santé. Il faut que les médecins, infirmiers,
enseignants de la faculté de médecine et de l’Infas, les étudiants et enfin les autorités
administratives puissent donner de façon collective leur avis pour l’amélioration de
leurs conditions de travail.
La mise en place de nouveaux contrats pour attirer les jeunes vers les formations
médicales s’avère nécessaire. Ces contrats devront prendre en compte l’évolution des
carrières, la rémunération, et les conditions de travail. Une fois toutes les conditions
réunies, il n’y a pas de raison pour que le travail ne se fasse pas de façon sérieuse et
professionnelle.
Concernant le volet économique, depuis 1992, les passifs cumulés de l’Infas s’élèvent
à ce jour à 240 millions de FCFA soit environ 365880 d’Euros. Un plan d’apurement
des passifs a été mis en place par la direction de l’institut.
Mais la crise survenue le 19 septembre 2002 a occasionné de nouveaux passifs. Les
antennes de Bouaké et Korhogo sont fermées. Certains matériels ont été pillés
(véhicules, appareils électroniques et informatiques). La Côte d’Ivoire qui manque déjà
de personnels médicaux et paramédicaux n’est actuellement plus en mesure d’en
former pour ses besoins. Du fait de la guerre, la grande majorité du personnel médical
et paramédical a fuit le nord du pays pour le sud, laissant les populations face à ellesmêmes. On imagine la misère de ces milliers d’enfants, de femmes et de vieillards
pour avoir accès rien qu’à des soins de base.
Le sud du pays qui bénéficiait d’une très forte concentration de personnels de santé
se retrouve avec à peu près tout ce que la Côte d’Ivoire compte de médecins et
d’agents de santé. Aujourd’hui, tous les ivoiriens attendent le lancement de l’AMU, qui
374
selon ses concepteurs doit apporter des réponses aux différents problèmes que
connaît le système de santé en.
Cette assurance renferme de nombreux points qui font d’elle un projet totalement
novateur. Elle permettra si sa mise en place et son fonctionnement se font de manière
professionnelle et consciencieuse, de relancer un système de santé en perte totale de
vitesse. Nous espérons pour notre part que ce projet d’assurance prendra en compte
certains aspects oubliés, notamment celui de l’indemnisation des accidents médicaux
que nous souhaitons voir se réaliser.
Dans notre travail, nous avons longuement évoqué Cuba et sa magnifique réussite en
matière de santé. Ce pays est le premier au monde en ce qui concerne la production
de médecins et d’agents de santé. Avec ses petits moyens, Cuba a réalisé de grandes
choses, nous souhaitons que la Côte d’Ivoire s’inspire du modèle Cubain. Il est
important pour nous de coopérer avec les pays du nord, mais nous ne devons en
aucun cas ignorer les pays du sud qui vivent les mêmes difficultés que nous mais qui
arrivent à réussir dans des domaines où nous avons du mal. Cuba s’est inspiré du
système occidental de formation des personnels de santé. Il a ensuite adapté ce
système à ses propres réalités afin d’obtenir des résultats concrets, ce que nous
constatons aujourd’hui. Même si nous déplorons l’absence de droit médical dans la
formation des personnels de santé cubains, nous devons saluer son efficacité.
Si nous souhaitons l’introduction du droit médical dans le programme de formation des
médecins et des agents de santé en Côte d’Ivoire, c’est parce que nous croyons très
sincèrement que le droit apportera un véritable changement de mentalité dans le
milieu hospitalier. Il y’a trop d’abus, de violations de droits, d’indiscipline dans nos
hôpitaux, et cela ne peut plus durer.
375
Il faut impérativement que les choses changent, que chacun à son niveau prennent
ses responsabilités. Un patient qui se rend dans un hôpital ou une clinique privée ne
s’y rend pas pour mourir ou se faire humilier. Il va rechercher le bien être, la guérison
auprès de personnes sensées être des professionnels. Il peut donc réclamer le droit
de se faire soigner dans la dignité, le respect. Il a des droits, mais aussi des devoirs.
En face de lui, le personnel hospitalier a lui aussi des droits et des devoirs. Il ne s’agit
pas de mettre en concurrence les droits et devoirs de chacune des parties dans cette
relation mais plutôt de les faire converger. Il faut pour nous qui commencerons à
appliquer et à suivre les préceptes du droit médical dans notre pays, rechercher à
réaliser l’équilibre des droits entre patients et personnels de santé même si nous
reconnaissons que les seconds ont un léger avantage sur les premiers. Le droit
médical que nous désirons tant doit être l’élément majeur des changements que nous
voulons pour la formation médicale des personnels de santé et pour le système de
santé dans son ensemble.
Nous pensons que la CI comme nous l’avons dit a besoin que les autorités
administratives et politiques s’investissent plus dans la santé. Il y’a beaucoup de
choses à faire. Pour une formation de qualité, il faut des moyens, au niveau
structurel, du matériel et du personnel.
Notons que tous ces moyens logistiques et financiers ne serviront à rien si les
hommes chargés d’animer le système de formation des personnels de santé d’une
part et le système médical d’autre part ne prennent pas conscience de leur rôle et de
l’importance de leur mission pour la société.
Autorités administratives et politiques, personnels de santé (médecins et agents de
santé), personnels enseignants de la faculté de médecine et des instituts de formation
376
doivent faire preuve de volonté. C’est à eux de maîtriser certains outils et de les faire
connaitre aux populations.
Mais, le plus important pour nous est qu’aujourd’hui, aucun système de santé ne peut
être efficace sans prendre en considération les éléments juridiques en rapport avec le
monde médical ou la médecine. L’intérêt de nos recherches est de former les
différents acteurs du monde médical (ceux déjà en exercice et les étudiants appelés à
exercer) aux grands principes du droit médical et de la santé :
-
le droit au respect de la vie et de la personne humaine
-
le droit au secret médical
-
le consentement du patient
-
le droit à l’information etc…
Le droit médical permettra de situer les responsabilités entre les différents acteurs du
monde médical ivoirien. Le droit médical devra être l’arbitre dans la relation qui unit
patients et médecins et ce dans le but de rendre plus performant le système de santé.
Mais nous avons trouvé utile de dénoncer et de faire état de tous les
dysfonctionnements du système médical ivoirien afin de pouvoir mieux le reconstruire.
Si certaines analyses apparaissent ainsi particulièrement vigoureuses ou virulentes :
« situation pourrie, système mafieux, réalité écœurante… ». Nous nous en excusons,
sans toutefois nous renier parce que nous pensons que pour que les choses changent
et avancent, dans notre pays, il nous faut dire la vérité.
Nous pensons que pour l’instant, nous n’avons pas besoin d’entrer dans les subtilités
du droit médical parce que nous souhaitons que les choses se fassent
progressivement pour une meilleure relation soignants /soignés.
L’objectif pour nous sera de faire entendre et comprendre le message du droit médical
aussi bien par les professionnels et personnels de santé dans leur ensemble mais
377
aussi par les juristes et futurs juristes ivoiriens. La mise en œuvre d’un programme
d’enseignement du droit médical s’avère donc nécessaire dans les différentes
structures d’enseignement (faculté de droit et faculté de médecine). Nous pensons
avoir eu la chance d’apprendre le droit médical auprès des personnes qui maîtrisent le
mieux cette discipline. Aujourd’hui, nous jugeons important de transmettre ce savoir à
nos jeunes compatriotes qui désirent le maîtriser. Pour ce faire nous auront donc
besoin de l’appui et du soutient des différentes autorités administratives, politiques,
académiques, juridiques et médicales de Côte d’Ivoire.
378
BIBLIOGRAPHIE
LES OUVRAGES GENERAUX
1. J-M. CLEMENT : Mémento de droit hospitalier. Edition Berger- Levrault,
septembre 2003.
2. J-M. CLEMENT : Mémento de droit hospitalier. Edition Berger-Levrault,
octobre1996.
3. J-M.
CLEMENT : la crise de confiance hospitalière. Edition Les Etudes
Hospitalières, mars 2003.
4. J-M. CLEMENT : 1900-2000 : la mutation de l’hôpital. Edition Les Etudes
Hospitalières, janvier 2001. 224 p.
5. J-M. CLEMENT : réflexion pour l’hôpital, proximité, coopération, pouvoirs.
Edition Les Etudes hospitalières, février 2004. 144 p.
6. J-M. CLEMENT : précis de droit hospitalier à l’usage de ceux qui n’aiment
pas le droit mais veulent comprendre le système hospitalier. Edition Les
Etudes Hospitalières, mai 2008. 200 p.
7. J-M. CLEMENT : la nouvelle loi hôpital patients santé territoires. Analyse,
critique et perspectives. Edition Les Etudes Hospitalières, octobre 2009. 134
p
8. . CLEMENT : l’évolution de la responsabilité médicale de l’hôpital public, les
grands arrêts de la jurisprudence. Edition Les Etudes Hospitalières, octobre
1995. 184 p.
9. C. CLEMENT : la responsabilité du fait de la mission de soins des
établissements publics et privés de santé, édition les Etudes Hospitalières,
2001.
379
10. C. CLEMENT : Le contrat d’activité libéral des praticiens hospitaliers, les
Etudes Hospitalières, février 2008.
11. F. PONCHON : L’hôpital en 100 mots clés, édition Berger-Levrault,
décembre1998.
12. C. CHEVANDIER : Les métiers de l’hôpital, Repères/ la découverte, mai
1997.
13. H. MEMEL-FOTÊ : Les représentations de la santé et de la maladie chez les
Ivoiriens, édition l’Harmattan 1998.
14. M-F. JARRET et F-R MAHIEU : la Côte d’Ivoire, de la déstabilisation à la
refondation, L’Harmattan, avril 2002.
15. André DEMICHEL : droit de la santé. Edition les études hospitalières,
septembre 1998.
16. Bruno PALIER : la réforme des systèmes de santé. Edition puf, janvier 2008.
LES OUVRAGES SPECIALISES
1. G. CHAMPAULT et S. SORDELET : les métiers d’infirmières, des études à la
pratique, édition Masson, novembre 1997.
2. B. RIONDET
: Prépa sage-femme, édition Lamarre, avril 1997.
3. M. DURIEZ, P-J. LANCRY, D. LEQUET-SLAMA : le système de santé en
France, édition Puf/ que sais-je ?, mai 1999.
4. A. HARLAY, l’Aide-soignant dans le système de santé, édition Masson, avril
1997.
5. H. LETEURTRE, M. VAYSSE : les tableaux de bord de gestion hospitalière,
édition Berger-Levrault, mai 1994.
380
6. P. LACHEZE-PASQUET, D. STINGRE : l’Administration de l’hôpital, édition
Berger-Levrault/ l’administration nouvelle, septembre 1999.
7. L. VIDAL, ABDOU S. FALL, D GADOU : les professionnels de santé en Afrique
de l’ouest, entre savoirs et pratiques, édition L’HARMATTAN, septembre 2005.
8. P. OSENAT : Manuel de l’aide-soignant, prépa au CAFAS (concours d’accès à
la formation d’aide-soignant), édition Masson, avril 1993.
9. D. MALICIER, A. MIRAS, P. FEUGLET, P. FAIVRE : Responsabilité médicale,
données actuelles, édition ESKA, octobre 1998.
10. Emmanuel TERRIER : Déontologie médicale et droit : thèse de droit privé
soutenue à l’université de Montpellier I le 25 octobre 2002. collection thèses,
les études hospitalières décembre 2003.
11. Sylvie WELSCH : responsabilité du médecin, risques et réalités judiciaires.
Edition Litec, 2000.
12. Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE : réussir le changement de l’hôpital. Inter
éditions, juin 1996.
13. Jean-Marie BONMATI : Europe, hôpital et formations. Les études hospitalières,
septembre 2002.
14. Frédéric-Jérôme PANSIER, Alain GARAY : le médecin, le patient et le droit.
Edition ENSP, septembre 1999.
15. Jacques MOREAU, Didier TRUCHET : droit de la santé publique. Edition
Dalloz, janvier 2004.
16. Isabelle GALLAY : vos droits et vos démarches. Edition Eyrolles/ pratique, mai
2005.
381
17. Josette HART et Alex MUCCHIELLI : soigner l’hôpital diagnostics de crise et
traitement de choc. Edition Lamarre, septembre 2002.
18. Jacques POULET : histoire de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire
et de l’art vétérinaire. Edition Albin Michel/ Laffont/ Tchou, 1977.
19. J BARRIER, P POTVIN : l’organigramme dans les facultés de médecine : son
importance pour un développement pédagogique durable. Pédagogie médicale,
2003.
20. J BARRIER : enjeux et risques de la formation initiale des médecins dans les
années futures. Ann Med Interne, 2001.
21. CIDMEF : la structure pédagogique d’une faculté de médecine : mission,
fonctions et conditions d’efficacité - Elaboration d’un consensus. Pédagogie
médicale, 2001.
22. Droit et santé en Afrique : actes du colloque international de Dakar, 28 mars – 1
avril 2005. Les Etudes Hospitalières.
23. Léon LAPEYSSONIE : La médecine coloniale, mythes et réalités. Edition
Robert LAFFONT, collection médecine et histoire. 01 février 1988, 310 p.
24. Alphonse MATIP (thèse) : Le droit français de la responsabilité civile des
médecins est-il applicable au Cameroun. 20 septembre 2006, 264 p. Université
Paris VIII. Sous la direction du professeur J-M CLEMENT.
25. Guy LE GALL (thèse) : Le corps médical dans la structure hospitalière :
problèmes et perspectives. 26 mai 2004, 343 p. Université Paris VIII. Sous la
direction du professeur J-M CLEMENT.
382
26. Sonia KANOU (thèse) : Information médicale et médicaments à usage humain.
Des essais cliniques à la mise sur le marché du médicament à usage humain.
26 novembre 2008, 346 p. Université Paris VIII. Sous la direction de monsieur
C. CLEMENT (maître de conférences).
27. Dominique PELJAK (thèse) : Les finances publiques hospitalières. 2009, 778 p.
Université Paris VIII. Sous la direction de monsieur C. CLEMENT (maître de
conférences).
28. Mariame YALLOU HAZOUARD (thèse) : L’organisation mondiale de la santé :
rôle normatif dans le droit international de la santé. 2006, Université Paris VIII.
Sous la direction du professeur Francine DEMICHEL.
29. Cyrille HOUNDJO (thèse) : Accès du patient aux soins : apports de la
télémédecine. 2005, Université Pari VIII. Sous la direction du professeur
Francine DEMICHEL.
30. Alphonse DAGO-CAILLARD (thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire :
pratiques et problèmes juridiques. Septembre 1997, Université Paris VIII. Sous
la direction du professeur André DEMICHEL.
LOIS, DECRETS ET ARRETES MINISTERIELS
LES LOIS
•
Loi n° 60-272 du 31 juillet 1960, portant création d’un ordre national des
pharmaciens de la république de CI.
•
Loi n°60-284 du 10 septembre 1960, portant création d’un ordre national des
médecins de la république de CI.
383
•
Loi n° 61-320 du 17 octobre 1961 relative à la protection de la santé publique
en matière de certaines maladies endémo-épidémiques.
•
Loi n° 62-248 du 31 juillet 1962 instituant un code de déontologie médicale.
•
Loi n° 62-249 du 31 juillet 1962 instituant un code de déontologie
pharmaceutique.
•
Loi n° 76-519 du 12 août 1976 portant création d’un ordre national des
chirurgiens-dentistes.
•
Loi n° 76-818 du 26 novembre 1976 relative à l’institution d’un code de
déontologie des chirurgiens-dentistes.
•
Loi du 4 mars 2002 (France).
•
Loi du 10 juillet 1985 portant diverses propositions relatives à la sécurité sociale
(France).
LES DECRETS
•
Décret n° 66-134 du 16 avril 1966, portant organisation de l’université et des
enseignements supérieurs.
•
Décret n° 62-227 du 29 juin 1962, portant institution d’un ordre de la santé
publique, modifié par le décret n° 64-101 du 17 février 1964.
•
Décret n° 68-132 du 13 mars 1968, portant érection en faculté de l’école de
médecine de l’université d’Abidjan.
•
Décret n° 71-09 du 2 janvier 1971, relatif aux fonctions hospitalières des
étudiants en médecine, au statut des externes en médecine et au recrutement
et au statut des internes en médecine du centre hospitalier d’Abidjan.
384
•
Décret n° 72-148 du 23 février 1972, réglementant l’exercice de la profession
d’infirmier et d’infirmière.
•
Décret n° 72-149 du 23 février 1972, réglementant l’exercice de la profession
de masseur-kinésithérapeute, modifié par le décret n° 97-699 du 10 décembre
1997.
•
Décret n° 72-685 du 20 octobre 1972, portant sur la création d’une école
nationale d’assistants d’assainissement.
•
Décret n° 73-23 du 17 janvier 1973, portant création d’une école nationale de
techniciens de laboratoires de santé.
•
Décret n° 75-636 du 22 septembre 1975, portant nationale d’aide-anesthésisteréanimateur.
•
Décret n° 77-12 du 5 janvier 1977, portant création d’une école nationale
d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat.
•
Décret n° 77-13 du 5 janvier 1977, portant création d’une école nationale
supérieure de formation paramédicale.
•
Décret n° 77-907 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des
personnels enseignants et de recherche de l’enseignement supérieur.
•
Décret n° 77-908 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des
étudiants.
•
Décret n° 86-377 du 4 juin 1986, portant fixation du niveau général des
candidats aux concours directs d’entrée à l’école nationale des infirmiers,
infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat.
385
•
Décret n° 91-655 du 9 octobre 1991, portant création et organisation d’un
établissement public à caractère administratif dénommé Institut National de
Formation des Agents de Santé (INFAS).
•
Décret n° 96-878 du 25 octobre 1996, fixant les conditions d’autorisation et
d’immatriculation pour l’installation des professions de santé dans le secteur
privé.
•
Décret n° 2001-12 du 3 janvier 2001, portant organisation du ministère de la
santé publique
•
Décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers (France).
LES ARRETES MINISTERIELS
•
Arrêté n° 11 MSP. CAB du 29 janvier 1971, relatif aux conditions d’organisation
du concours d’internat en médecine du centre hospitalier universitaire
d’Abidjan.
•
Arrêté interministériel n° 126 MES PAS/ MEN/FP du 28 septembre 1977,
portant organisation et fonctionnement de l’école nationale d’infirmiers,
infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat.
•
Arrêté n° 127 MES PAS. DFPM. Du 28 septembre 1977, portant règlement
intérieur de l’école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés
d’Etat.
•
Arrêté interministériel n° 4 MESP/FP/MEN du 10 janvier 1981, portant
organisation et fonctionnement de l’école nationale de formation paramédicale.
386
•
Arrêté n° 186 /MESRS/DESUP du 1 octobre 1999, portant réglementation du
régime des études du premier et deuxième cycle des filières académiques et
du système des unités de valeur (UV)
dans les universités de Côte
d’Ivoire.
•
Arrêté n° 115 /MSP/CAB/DGL/DRH du 7 juin2002, fixant les attributions et le
fonctionnement de la direction des ressources humaines du ministère de la
santé publique.
•
Arrêté n° 117 /MSP/CAB/DGPS/DEPS du 7 juin 2002, fixant les attributions,
l’organisation et le fonctionnement de la direction des établissements et des
professions sanitaires.
•
Arrêté n° 118/MSP/CAB/DGPS/DFR du 7 juin 2002, fixant les attributions,
l’organisation et le fonctionnement de la direction de la formation et de la
recherche.
•
Arrêté n° 121 /MSP/CAB/OB du7 juin 2002 portant organisation et
fonctionnement de l’observatoire des bénéficiaires.
•
Arrêté n° 122 MSP/CAB. SJ du 7 juin 2002, portant organisation du service
juridique du ministère de la santé publique.
•
Arrêté du 6 mai 1997 portant création du Conseil National de la Formation
Médicale Continue Hospitalière (CN FMCH). France.
AUTRES DOCUMENTS
•
Code de déontologie médicale de CÔTE D’IVOIRE (1962)
•
Code de déontologie médicale de FRANCE (1995 modifié en 1997)
387
•
Document : les grands principes du droit de la santé, Jean-Marie CLEMENT,
professeur associé université Paris VIII. Novembre 2003.
•
Document : la passation de service à l’INFAS, ministère d’Etat, ministère de la
santé et de la population (Côte d’Ivoire), 29 janvier 2004.
•
Règlement intérieur de la faculté de médecine d’Abidjan.
•
Document : Stratégie de changement dans une faculté de médecine (CIDMEF).
•
Rapport sur la formation médicale continue des praticiens hospitaliers, janvier
2005 (CN FMCH).
ARTICLES DE PRESSE
PRESSE IVOIRIENNE
1. Fraternité matin, 12 septembre 2000, P 10. Nimatoulaye BA.
2. Fraternité matin, vendredi 22 février 2008, P 4. Marcelline GNEPROUST
3. Fraternité matin, mardi 4 mars 2008.
4. Fraternité matin, mercredi 28 mai 2008. Marcelline GNEPROUST.
5. Fraternité matin, vendredi 4 juillet 2008.
6. Le patriote, jeudi 10 mai 2007
7. Le patriote, jeudi 22 mars 2008
8. Le patriote, samedi 22 novembre 2008. Anzoumana CISSE
9. Le patriote, vendredi 26 mars 2010. Joël N’GUESSAN, ex ministre des droits de
l’homme : « les droits de l’homme n’existent pas au pays ».
388
10. Le Nouveau Réveil : malversations à l’Infas, plus de 200 millions CFA
11. Le Nouveau Réveil : « la prostitution est devnue un métier particulièrement
florissant même en milieu scolaire et universitaire ». Célébration du cinquantenaire
de la Côte d’Ivoire, pourquoi c’est de la bêtise. Vendredi 7 mai 2010. Doubé
BINTY.
12. Pompés. Vendredi 22 août 2008.
13. Notre Voie : CHU et instituts de santé en Côte d’Ivoire – des cadres bloqués par
des professeurs cumulards. Lundi 28 juin 2008. Zié Oumar COULIBALY.
14. Notre Voie : Journées de la médecine traditionnelle- 5 millions de malade traités au
pays par an. Mercredi 1 septembre 2010. Zié Oumar COULIBALY.
15. L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008.
16. L’intelligent d’Abidjan, jeudi 11 décembre 2008.
17. L’intelligent d’Abidjan : Journée de l’excellence à Treichville – Bacongo invite les
élèves à abandonner la tricherie. Mardi 22 septembre 2009.
18. L’intelligent d’Abidjan : affaire : « un homme meurt dans un hôpital ». Mercredi 28
octobre 2009.
19. L’intelligent d’Abidjan : Médecine privée : assainissement du secteur, 847 cliniques
exercent sans autorisation. Lundi 7 décembre 2009, Olivier GUEDE.
20. Nord-sud quotidien : CHUs, les usines à cadavres d’Abidjan : la banalisation de la
souffrance et de la mort. Samedi 10 mai 2008, Sindou CISSE.
21. Nord-sud : hôpitaux publics- les malades livrés à eux-mêmes. Mardi 16 décembre
2008, Raphael TANOH.
389
22. Le Temps : fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire- déclaration
relative à la grève du synacass-ci, vendredi 13 février 2009.
23. Le Mandat : congrès de la médecine moderne et traditionnelle : les praticiens
prônent le dialogue. Jeudi 22 octobre 2009. Jean Tigoune Kouika.
24. Le Mandat : assainissement des services de santé publique – le ministre AKA
Aouélé lance deux missions sur le terrain. Lundi 28 juin 2010.
25. Le Repère : Henri Konan BEDIE : « Comment je vais réhabiliter l’école
ivoirienne ». Vendredi 11 décembre 2009.
PRESSE FRANCAISE ET INTERNATIONALE
1. L’express : médecine, les nouveaux droits des patients. Estelle SAGET, Delphine
SAUBABER et Anne VIDALIE. 30 novembre 2006, p 40.
2. Aujourd’hui en France : bavures, infections… dangers à l’hôpital. Lundi 12 janvier
2004, p 2 et 3.
3. Aujourd’hui en France : dépenses de santé, les Français lèvent le pied. Jean Marc
PLANTADE. Mercredi 20 octobre 2004, p 10.
4. Aujourd’hui en France : bavure médicale, l’infirmière condamnée. Christian
THOMAS. Mercredi 1 février 2006, p 2.
5. Aujourd’hui en France : 6000 postes à pourvoir en île de France. Mercredi 1 février
2006, p 3.
6. Aujourd’hui en France économie : la révolution managériale des hôpitaux de Paris.
Olivier JAY. Lundi 3 avril 2006, p 9.
390
7. Aujourd’hui en France : les médecins de l’est débarquent. Pierre SAUVEY. Lundi
17 décembre 2007, p 10.
8. Le figaro : un hôpital Lyonnais condamné après une erreur de diagnostic. Serge
PUEYO, janvier 2005.
9. France soir : hygiène, trop d’hôpitaux s’en lavent les mains. Dossier réalisé par
Alice MAHLBERG. Lundi 18 février 2008.
10. Jeune Afrique : Afrique, les nouveaux visages de la corruption. Théo MARCEL. Du
27 septembre au 3 octobre 2009, p 32.
11. Jeune Afrique : Formation, lourde déficience en diplômés. Julien CLEMENCOT.
Du 15 au 28 août 2010, p 128.
391
INDEX ALPHABETIQUE
A
Accidents médicaux · 294, 313, 314, 315, 374
Actes répréhensibles · 288, 351
Action récursoire · 314
Administration du clystère · 134
Affections iatrogènes · 7, 309
Allopathie · 37
Animistes · 39
Anthropologue · 15
Ascète · 40
Automédication · 24
C
Cauris · 40, 43
Charlatanisme · 347, 359
Compérage · 359
Connaissances livresques · 141
Consultario · 183
Coran · 41
D
Débrayages · 217
Dichotomie · 286, 301
E
Eldorado · 25
Endémies · 23
Endocrinologie · 56, 65
F
Favoritisme · 19, 223, 372
Féticheurs · 39, 42
G
Guérisseurs · 39, 42, 43, 44
392
H
Harcèlement sexuel · 223
Helms-Burton · 161, 163, 164
Honorariat · 67
I
Infections nosocomiales · 304, 309, 310
Intersectorialité · 168
L
Laxisme · 20, 131, 150, 278, 371
M
Mandarin · 140
Mandarinat · 140
Marabouts · 40, 42, 44
Matrones · 51
N
Népotisme · 20
O
Obligation de comportement · 283
Obligation de modestie · 283
Obligation de référence scientifique · 283
P
Parodie · 20
Paupérisation des populations · 19
Perdiems · 136
Personne ressource · 221
Phytothérapie · 43
Pian · 24
Pratique managériale · 253
Présomption de faute · 304, 308
Présomption de responsabilité · 308
Prosélytisme · 331
Protocoles · 213, 323
Psychosomatique · 43
393
S
Serment d’Hippocrate · 267, 320
Solidarité nationale · 310, 313
Sophrologie · 99
Stratégie de l’autocariste · 258, 259
Stratégie du paysagiste · 259
Superfétatoire · 314
Syncrétisme · 40
T
Torricelli · 161, 163
Tradipraticien · 39
Tribalisme · 20
Tronc commun · 73, 227, 232, 242, 243, 367
U
Unité géo-administrative · 170
394
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE............................................................................................................................................................ 11
INTRODUCTION ................................................................................................................................................... 12
PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON EVOLUTION AU COURS DE
L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE ............................................................................................................... 35
TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES PERIODES PRECOLONIALE ET COLONIALE ....................................................................................................................... 36
CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE
TRADITIONNELLE ..................................................................................................................................... 37
SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES.............................. 37
I - LES PERSONNELS TRADITIONNELS DE SANTE.................................................................................. 38
A/ DANS LES SOCIETES ANIMISTES : SORCIERS, FETICHEURS ET GUERISSEURS ............... 39
B/ DANS LES SOCIETES MUSULMANES : LES MARABOUTS........................................................... 40
II - LES STRUCTURES D’EXERCICE ............................................................................................................. 41
SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION......................................................................................................... 42
I- LA PRATIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ............................................................................ 42
II - LA FORMATION DES GENERATIONS FUTURES ................................................................................. 44
CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960...................................................................... 48
SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE .......................................................................... 48
I - MEDECINS AUXILIAIRES, INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES ............................................................ 48
A/ LES MEDECINS AUXILIAIRES IVOIRIENS ......................................................................................... 48
B/ LES INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES............................................................................................... 50
II - LA CONTRIBUTION IVOIRIENNE A LA BONNE MARCHE DU SYSTEME DE SANTE COLONIAL
............................................................................................................................................................................... 51
A/ UN RÔLE ESSENTIEL............................................................................................................................. 51
B/ UN PARTENARIAT REUSSI ................................................................................................................... 52
SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT.................................................... 53
I - LA STRUCTURE DE FORMATION : L’ECOLE DE MEDECINE DE DAKAR........................................ 53
A/ LA CREATION ........................................................................................................................................... 53
B/ RAISONS DE CREATION ET OBJECTIFS........................................................................................... 54
II - L’ENSEIGNEMENT ET L’ORGANISATION MEDICALE ......................................................................... 55
A/ L’ENSEIGNEMENT DISPENSE.............................................................................................................. 56
B/ L’ORGANISATION MEDICALE............................................................................................................... 58
TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE D‘IVOIRE
MODERNE ........................................................................................................................................................ 61
CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS DES
MEDECINS ET AGENTS DE SANTE...................................................................................................... 62
SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE.................................................................................................. 62
I - LIEU DE FORMATION : LA FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN ..................................................... 62
A/ CREATION, OBJECTIFS ET ORGANISATION .................................................................................. 64
1) CREATION ET OBJECTIFS............................................................................................................... 64
2) L’ORGANISATION............................................................................................................................... 65
a- Les départements d’enseignement et de recherches............................................................ 65
b- Les organes ..................................................................................................................................... 67
B/ LE PERSONNEL ENSEIGNANT ............................................................................................................ 70
1) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DE FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN .......................... 70
II - LA FORMATION UNIVERSITAIRE ......................................................................................................... 72
A/ LA FORMATION DES ETUDIANTS HOSPITALIERS...................................................................... 73
1) DE L’APPRENTISSAGE A LA PRATIQUE ...................................................................................... 73
a- Une formation sous l’autorité du personnel médical et la surveillance des internes. ............ 73
b- L’affectation dans les services ...................................................................................................... 75
2) DISPOSITIONS STATUTAIRES ET GENERALES......................................................................... 76
a- Le régime disciplinaire.................................................................................................................... 76
b- Rémunérations et attributs............................................................................................................. 77
395
B/ LA FORMATION DES INTERNES EN MEDECINE DU CHU ........................................................... 79
1) LE RECRUTEMENT DES INTERNES.............................................................................................. 79
a- Les conditions du recrutement ...................................................................................................... 79
b- Les épreuves du concours : la nature, la durée et la cotation .................................................. 81
c- La composition et le mode de constitution du jury...................................................................... 81
2) LA NOMINATION AU TITRE D’INTERNE DES HÔPITAUX D’ABIDJAN................................... 83
a- Les conditions de la nomination.................................................................................................... 83
b- Exercice des fonctions se rattachant à la nomination................................................................ 85
c- Rémunérations et dispositions statutaires générales................................................................. 86
SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX ..................................................................... 88
I - L’ECOLE DE FORMATION : L’INSTITUT NATIONAL DE FORMATION DES AGENTS DE SANTE
(INFAS) ................................................................................................................................................................. 88
A/ L’INFAS ET SES MISSIONS ................................................................................................................... 88
1) PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT ...................................................................................... 88
2) LES MISSIONS DE L’INFAS .............................................................................................................. 90
B/ L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L’INFAS ........................................................... 91
1) LES ORGANES .................................................................................................................................... 91
a- La commission consultative de gestion ....................................................................................... 91
b- La direction....................................................................................................................................... 92
c- Les organes techniques ................................................................................................................. 93
2) LE CORPS ENSEIGNANT.................................................................................................................. 94
a- Les directeurs ou coordinateurs des études ............................................................................... 94
b- Les professeurs ............................................................................................................................... 95
c- Les moniteurs et les monitrices..................................................................................................... 96
II - LE DEROULEMENT DE LA FORMATION ................................................................................................ 97
A/ LE CONTENU DES ETUDES ................................................................................................................ 97
1) L’ENSEIGNEMENT.............................................................................................................................. 97
a- Les modalités de recrutement ....................................................................................................... 97
b- La durée de la formation ................................................................................................................ 99
c- Le contrôle de connaissances ..................................................................................................... 101
2) LES EXAMENS .................................................................................................................................. 101
a- L’examen probatoire ..................................................................................................................... 102
b- Les examens de passage ............................................................................................................ 103
c- L’examen de sortie........................................................................................................................ 106
B/ LES STAGES........................................................................................................................................... 107
1) TERRAINS DE STAGE ET REPORT DE STAGE......................................................................... 107
a- Terrains de stage .......................................................................................................................... 108
b- Report de stage ............................................................................................................................. 109
2) L’ASSIDUITE AUX STAGES ............................................................................................................ 109
a- La présence obligatoire aux stages............................................................................................ 110
b- Absence et retard aux stages...................................................................................................... 110
III - LA FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL AU SEIN DE L’INFAS .................................... 111
A/ PRESENTATION DE L’ECOLE DE FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL ............... 111
1) CREATION ET OBJECTIFS............................................................................................................. 111
a- La création ..................................................................................................................................... 111
b- Les objectifs ................................................................................................................................... 112
2) L’ORGANISATION............................................................................................................................. 113
a- Le personnel de direction............................................................................................................. 113
b- Le personnel enseignant.............................................................................................................. 115
B/ DEROULEMENT DE LA FORMATION................................................................................................ 116
1) MODALITES DE RECRUTEMENT, DUREE ET CONTENU DES ETUDES ............................ 116
a- Modalités de recrutement ............................................................................................................ 116
b- Durée des études.......................................................................................................................... 117
396
2) LES EXAMENS .................................................................................................................................. 119
a- Les examens de passage ............................................................................................................ 119
b- Les examens de sortie ................................................................................................................. 121
CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS
DE SANTE
EN CÔTE D’IVOIRE.................................................................................................................................. 124
SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST DEFAILLANTE............. 124
I - Localisation des structures et capacité d’accueil ..................................................................................... 124
A/ Localisation des structures..................................................................................................................... 124
1) STRUCTURES MAJORITAIREMENT BASEES DANS LE SUD DU PAYS ET LES GRANDS
CENTRES URBAINS ............................................................................................................................. 124
a- Abidjan, seul lieu de formation des médecins ivoiriens ........................................................... 124
b- Les grandes villes du pays pour former les agents de santé.................................................. 126
2) Les autres régions totalement défavorisées................................................................................... 127
B/ CAPACITE D’ACCUEIL INSUFFISANTE ............................................................................................ 128
1) IMPOSSIBILITE POUR LA FACULTE D’ACCUEILLIR TOUS LES ETUDIANTS .................... 128
2) CAPACITE D’ACCUEIL SERIEUSEMENT LIMITE A L’INFAS ................................................... 129
II - LES PROBLEMES LIES AU MATERIEL ET A LA FORMATION......................................................... 130
A / LE MATERIEL......................................................................................................................................... 130
1) INEXISTENCE ET MAUVAIS ETAT DU MATERIEL .................................................................... 130
a- Absence de sièges, d’ordinateurs… à la faculté de médecine et à l’INFAS......................... 130
b-
Vétusté du matériel existant .................................................................................................... 132
2) INEXISTENCE DU MATERIEL DE PREMIERE NECESSITE..................................................... 133
B/ LA FORMATION...................................................................................................................................... 133
1) UNE FORMATION INITIALE INSUFFISANTE .............................................................................. 133
2) ABSENCE DE MECANISME DE FORMATION CONTINUE....................................................... 135
SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS ..................................................................................................... 138
I - LES PROBLEMES CONCERNANT LES FORMATEURS ..................................................................... 138
A/ LEGERETE DANS LA CONDUITE DES ENSEIGNEMENTS .......................................................... 139
1) L’ENSEIGNANT, SEUL « MAITRE » DE L’AMPHITHEATRE..................................................... 139
2) LE CHANTAGE DU CORPS PROFESSORAL.............................................................................. 139
B/ NON ACTUALISATION DES COURS ................................................................................................. 141
1) LES ENSEIGNANTS FACE A L’EVOLUTION DE LEUR MATIERE ......................................... 141
2) LES ENSEIGNANTS FACE A LA MAITRISE DE LEUR MATIERE............................................ 143
II - LES PROBLEMES CONCERNANT LES ETUDIANTS.......................................................................... 144
A/ ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ET AUX STAGES....................................................... 144
1) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ............................................................................... 144
2) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX STAGES ............................................................................. 145
B/ ABSENCE DE VOLONTE ET TRICHERIE DES ETUDIANTS......................................................... 146
1) ABSENCE DE VOLONTE................................................................................................................. 146
2) LA TRICHERIE ET LA CORRUPTION ........................................................................................... 147
CONCLUSION DE LA PARTIE I...................................................................................................................... 150
PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES ..................................................................... 153
PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE.......................................................................................... 153
TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION ...................................... 154
CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN .............................................................................. 155
SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE.................................... 155
I - LA SANTE, VALEUR SOCIALE ET PRIORITE POLITIQUE ................................................................ 156
A/ LA SANTE AU CENTRE DES DECISIONS POLITIQUES ............................................................... 156
1) LA SANTE, UNE DES PREOCCUPATIONS DE LA REVOLUTION CUBAINE ....................... 156
2) LA SANTE A LA BASE DU DEVELOPPEMENT CUBAIN DEPUIS 1959 ................................. 157
B/ LES DEUX PRINCIPES DE LA SANTE PUBLIQUE CUBAINE....................................................... 159
1) LE FINANCEMENT DU SYSTEME DE SANTE PAR L’ETAT..................................................... 159
2) LE MAINTIEN DE LA COUVERTURE DE SOINS ET L’ACCESSIBILITE AUX SERVICES DE
SANTE A TOUTE LA POPULATION A TRAVERS DES SOINS GRATUITS................................ 160
II - LE SYSTEME DE SANTE AU REGARD DU CONTEXTE POLITIQUE, GEOGRAPHIQUE,
DEMOGRAPHIQUE ET ECONOMIQUE ....................................................................................................... 161
A/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE POLITIQUE ET GEOGRAPHIQUE ............... 161
1) LES GRANDES ETAPES DE LA VIE POLITIQUE DE CUBA..................................................... 161
2) LE PROFIL GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIF ................................................................... 162
397
B/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE ECONOMIQUE ................................................ 163
1) LA SITUATION ECONOMIQUE....................................................................................................... 163
2) LE FINANCEMENT DE LA SANTE ................................................................................................. 166
SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN............................................................................................ 169
I - LES RAISONS DE LA REUSSITE DU SYSYEME DE SANTE CUBAIN ............................................. 169
A/ LE SYSTEME DE SANTE, ENTRE REFORMES ET STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT.... 169
B/ UNE STRUCTURATION ENTIEREMENT ADMINISTRATIVE ........................................................ 170
C/ UNE ORGANISATION ECHELONNEE ............................................................................................... 171
II - LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE CUBAINS ............................................................. 173
A/ LA FORMATION DES INFIRMIERES/ INFIRMIERS CUBAINS ...................................................... 173
1) LES DIFFERENTES CATEGORIES D’INFIRMIERES ................................................................. 173
2) LA FORMATION DES INFIRMIERES / INFIRMIERS CUBAINS : ACCES ET DEROULEMENT
................................................................................................................................................................... 174
a- L’accès à la formation................................................................................................................... 175
b- Le déroulement de la formation .................................................................................................. 176
B/ LA FORMATION DES MEDECINS A CUBA....................................................................................... 177
1) PRESENTATION DU SYSTEME DE FORMATION DES MEDECINS CUBAINS.................... 177
a- Les structures : les écoles de médecine.................................................................................... 177
b- Le personnel enseignant.............................................................................................................. 180
2) L’enseignement au sein des écoles de médecine......................................................................... 181
a- Un enseignement divisé en trois cycles..................................................................................... 181
b- Les avantages du système cubain ............................................................................................. 183
CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS ................................................................................ 189
SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE MATERIEL..................... 189
I - LES INFRASTRUCTURES ......................................................................................................................... 189
A/ DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DE NOUVELLES STRUCTURES............................... 189
1) DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DES CENTRES DE FORMATION......................... 190
2) UNE FACULTE DE MEDECINE DANS LES GRANDES VILLES DU PAYS ............................ 192
B/ AMELIORATION DE LA CAPACITE D’ACCUEIL DES STRUCTURES EXISTANTES ............... 195
1) MULTIPLICATION DES SALLES DE COURS .............................................................................. 195
2) AUGMENTATION ET MEILLEURE REPARTITION DES LOGEMENTS .................................. 196
C/ RETRAIT DU MONOPOLE DE LA FORMATION A L’ETAT ............................................................ 199
1) FAVORISER LA CREATION D’INSTITUTS PRIVES DE FORMATION.................................... 199
2) FAVORISER LA CREATION D’UNIVERSITES PRIVEES DE MEDECINE .............................. 201
II - LE MATERIEL .............................................................................................................................................. 204
A/ MISE A JOUR DU MATERIEL VETUSTE ........................................................................................... 204
B/ NECESSITE DE LA CONFORMITE DU MATERIEL AUX AVANCEES TECHNOLOGIQUES ... 208
C/ LE FINANCEMENT DE LA SANTE EN COTE D’IVOIRE ................................................................. 210
1) UN FINANCEMENT NECESSITANT AUJOURD’HUI DES REFORMES.................................. 210
2) BUDGETISATION SERIEUSE DU FINANCEMENT DU MATERIEL......................................... 212
SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES ETUDIANTS ET
LES ENSEIGNEMENTS........................................................................................................................................ 214
I - LES SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION............................................. 215
A/ MOTIVATION FINANCIERE PLUS IMPORTANTE ........................................................................... 215
B/ ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS .................................................................................. 220
1) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR DES SEMINAIRES DE MISE A NIVEAU
................................................................................................................................................................... 220
2) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR LE SUIVI DE LEUR CARRIERE ........... 223
C/ MISE EN PLACE D’UN PROCESSUS DE SANCTION EFFICACE................................................ 224
II - SOLUTIONS CONCERNANT LES ETUDIANTS.................................................................................... 226
A/ AMELIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ETUDIANTS........................................................... 227
B/ FACILITER L’ACCES AU SAVOIR ET FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE................ 231
1) FACILITER L’ACCES AU SAVOIR.................................................................................................. 231
2) FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE............................................................................... 236
C/ SANCTIONNER LES ETUDIANTS INDISCIPLINES ................................................................... 237
III - SOLUTIONS CONCERNANT LES ENSEIGNEMENTS ....................................................................... 238
A/ AMELIORER LA FORMATION INITIALE, INSTAURER UN SYSTEME D’EVALUATION DES
FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES
MEDICALES ET METTRE EN PLACE UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT 238
1) AMELIORER LA FORMATION INITIALE ....................................................................................... 238
2) INSTAURATION D’UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES
ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES ......................... 241
a- Les buts de l’évaluation................................................................................................................ 241
398
b- L’objet de l’évaluation ................................................................................................................... 243
3) MISE EN PLACE D’ UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT ...................... 244
B/ REFORMER LE SYSTEME DE FORMATION CONTINUE.............................................................. 245
1) METTRE L’ACCENT SUR LA FORMATION CONTINUE............................................................ 245
2) DONNER UN CARACTERE OBLIGATOIRE A LA FORMATION CONTINUE......................... 248
3) EVALUATION DES FORMATIONS................................................................................................. 252
a- L’évaluation par le responsable .................................................................................................. 252
b- L’évaluation par les personnels................................................................................................... 253
C/ INTRODUCTION DE NOUVELLES MATIERES ................................................................................ 254
TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE
D’IVOIRE ......................................................................................................................................................... 261
CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE IVOIRIENS
...................................................................................................................................................................... 262
SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE FORMATION......................... 262
I - FACULTE DE MEDECINE ET INFAS, LE DROIT MEDICAL ABSENT DES PROGRAMMES ........ 262
A/ FACULTE DE MEDECINE, UN COURS DE DROIT MEDICAL SANS REELLE IMPORTANCE 262
B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL INEXISTANT ........................................................................................ 264
II - LA NECESSITE DU DROIT MEDICAL..................................................................................................... 267
A/ LES FUTURS MEDECINS DESIREUX DE MAITRISER LE DROIT MEDICAL ............................ 267
B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL POUR VALORISER LA PROFESSION............................................ 270
III - RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE D’UNE RELATION JURIDIQUE ENTRE SOIGNANTS ET
PATIENTS .......................................................................................................................................................... 272
A/ LES PATIENTS PLUS AU FAITE DES LIENS QUI LES UNISSENT AUX MEDECINS DANS LE
PRIVE ............................................................................................................................................................ 272
B/ HOPITAUX PUBLICS, REPONDRE AUX INTERROGATIONS DES PATIENTS ......................... 275
SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME HOSPITALIER ... 278
I - LE DROIT POUR METTRE FIN AU LAXISME DANS NOS HOPITAUX.............................................. 278
A/ LE DROIT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS................................. 278
B/ LE DROIT POUR UN EXERCICE RIGOUREUX DE LA MEDECINE ............................................. 282
II - LE DROIT POUR REGULER L’EXERCICE DE LA MEDECINE ENTRE SES DIFFERENTS
ACTEURS........................................................................................................................................................... 287
A/ LE DEVOIR DE CONFRATERNITE ENTRE MEDECINS................................................................. 287
B/ LE DROIT POUR REGLEMENTER LES RELATIONS ENTRE LES MEDECINS ET LES AUTRES
PROFESSIONS PARAMEDICALES ......................................................................................................... 289
III - L’ENSEIGNEMENT DU DROIT MEDICAL POUR UN EQUILIBRE DANS LES RELATIONS ENTRE
SOIGNANTS ET PATIENTS............................................................................................................................ 292
A/ LES RELETIONS MEDECINS /PATIENTS FACE AU DROIT ......................................................... 293
1) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE AVANT LA LOI DU 4 MARS 2002 ......................................... 293
a- Les juridictions compétentes ....................................................................................................... 298
b - La responsabilité médicale devant le juge judiciaire............................................................... 299
c- La responsabilité hospitalière devant le juge administratif ...................................................... 302
2) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE DEPUIS LA LOI DU 4 MARS 2002........................................ 306
a- Observations générales ............................................................................................................... 307
b-
La responsabilité de droit commun pour faute...................................................................... 309
c-
L’indemnisation.......................................................................................................................... 310
- Le champ d’application................................................................................................................... 310
B/ LES PATIENTS FACE A LEURS RESPONSABILITES .................................................................... 317
1) LE REFUS DE SOINS PAR LE PATIENT : LE DESENGAGEMENT DU MEDECIN............... 317
2) NECESSITE DE FAIRE CONNAITRE SES ANTECEDENTS MEDICAUX ET DE SUIVRE
CORRECTEMENT LE TRAIEMENT PRESCRIT............................................................................... 322
CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU RESPECT DES
DROITS DU PATIENT.............................................................................................................................. 327
SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT POUR
L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL ............................................................................................. 327
I - LE PERSONNEL DE SANTE ET LA VIE DU PATIENT.......................................................................... 329
A/ RESPECTER LA VIE ET LA PERSONNE HUMAINE ....................................................................... 329
1) FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DU
PATIENT .................................................................................................................................................. 330
2) FORMATION DU PERSONNEL HOSPITALIER AU RESPECT DE LA PERSONNE ET DE
SON INTIMITE ........................................................................................................................................ 331
B/ ASSURER LA QUALITE DES SOINS ET DES ACTES ................................................................... 333
399
II - LE SECRET MEDICAL ET L’INFORMATION DU PATIENT................................................................. 336
A/ LE RESPECT DU SECRET MEDICAL ................................................................................................ 336
1) Le principe du secret médical ........................................................................................................... 336
2) Les dérogations au principe du secret médical.............................................................................. 340
B/ LE DROIT A L’INFORMATION DU PATIENT ..................................................................................... 343
1) L’information du patient sur son état de santé ............................................................................... 343
2) L’information sur les soins et les risques ........................................................................................ 347
III- EQUITE ET JUSTICE DANS LES SOINS : LE PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION ................. 349
A/ L’EGALITE DES PATIENTS : AU NIVEAU DE L’ACCUEIL.............................................................. 349
B/ LE REJET DES PREJUGES : AU NIVEAU DES SOINS .................................................................. 350
SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT ................................ 352
I- TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ET PROFESSIONNELLE ............................... 352
A/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ...................................................................... 352
B/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE PROFESIONNELLE ............................................................ 353
II - RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTE .................................................................................................. 354
A/ LIBRE CHOIX DU MEDECIN POUR LES PATIENTS....................................................................... 354
B/ LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ET DES HONORAIRES ............................................................. 357
1) LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ................................................................................................... 357
2) DROIT AUX HONORAIRES ............................................................................................................. 359
III - LE REFUS DE SOINS PAR LE MEDECIN............................................................................................. 361
A/ LE MEDECIN CONDAMNER A SOIGNER ......................................................................................... 361
B/ RAISONS PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES POUR JUSTIFIER LE REFUS. ......... 362
CONCLUSION DE LA PARTIE II..................................................................................................................... 364
CONCLUSION..................................................................................................................................................... 367
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................................................ 379
INDEX ALPHABETIQUE.................................................................................................................................. 392
TABLE DES MATIERES ................................................................................................................................... 395
400
RESUME
La bonne qualité d’un système de santé dépend en grande partie des personnes qui font ce système, c'est-à-dire les personnels
de santé. Il est donc nécessaire de s’intéresser à tous ces agents : médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, aides soignant
etc…lorsqu’on envisage d’améliorer le mode de fonctionnement d’un système de santé.
Nos recherches portent sur la mise en place d’un plan de développement de la formation des personnels de santé en Côte
d’Ivoire. Il s’agit pour nous dans un premier temps de faire un état des lieux du système de formation des personnels de santé
au cours de l’histoire de la Côte d’Ivoire. L’analyser, voir ce qui a été fait, ce qui a marché et relever les difficultés qui ont pu
apparaitre à certains moments. Dans un second temps, il s’agira pour nous de proposer des solutions novatrices et durables afin
d’améliorer le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Ces solutions qui devront corriger nos lacunes
peuvent provenir de l’observation de modèles étrangers qui ont fait leur preuve. Ces modèles étrangers seront appliqués à la
Côte d’Ivoire tout en tenant compte des réalités nationales. La recherche de nouvelles solutions doit être l’occasion pour nous
de prendre en compte, dans la formation des personnels de santé, de nouveaux éléments tels que le droit médical. En effet, de
nos jours, le droit est une discipline incontournable dans tous les secteurs d’activités. Le droit médical permettra donc à tout
personnel de santé de prendre conscience de sa responsabilité médicale face à un patient. Le droit sera perçu ici comme un
élément d’équilibre et de justice dans les soins. Pour une médecine équitable, il est impératif que la Côte d’Ivoire voire
l’Afrique toute entière tiennent compte du droit médical dans la formation de leurs personnels de santé.
Mots clés : plan, développement, formation, personnels de santé
SUMMARY
A good health care system depends primarily on the quality of the professionals who built and manage it. Any attempt at
bettering such a system must therefore start with improving medical training and the quality of the daily care provided by
doctors, nurses, midwifes, orderlies, EMT’s, paramedics and all the other professionals, who constitute the personnel in charge
of the system.
The present study focuses on the “Côte d’Ivoire” (Ivory Coast), and presents a plan for improving the training of health care
professionals within in this West African country. Starting with an historical overview, we first look at the evolution of heath
care training, from the beginnings of a formalized allopathic tradition all the way through to the present. Throughout, we
highlight programs and initiatives that have worked as well as those that have proven less successful. Our goal was to
understand and assess the challenges the country has faced over time in managing the health of citizens in order to identify
appropriate solutions. We then present selected innovative, sustainable health care training models derived primarily from
benchmarking “best practices” in other countries re notable results were proven. In doing so, we pay particular attention to
contextualizing and adapting identified benchmarked models to the specific economic, social, cultural and political
environment of the Côte d’Ivoire. One major conclusion of our analysis pertains to the pivotal role of medical law training.
Our research stressed the importance of solidly training all health care professional in their understanding and mastery of
medical law. This is key and a precondition to virtually any improvement of the system of health care in Côte d‘Ivoire and
beyond into the rest of Africa at large. A command of the legal parameters of their job not only empowers each heath care
professional with a clear and conscious sense of his or her responsibilities towards patients, but it also guarantees the balance,
fairness and the very quality of the overall health care system.
Keywords: Plan, Development, Training, Health care professional/personnel
401
Téléchargement