UNIVERSITE PARIS VIII SAINT-DENIS VINCENNES UFR DROIT ET SCIENCES POLITIQUES Laboratoire de droit médical et de la santé 2, RUE DE LA LIBERTE – 93526 SAINT-DENIS CEDEX MISE EN PLACE D’UN PLAN DE DEVELOPPEMENT DE LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE THESE POUR LE DIPLÔME DE DOCTEUR EN DROIT PREPAREE SOUS LA DIRECTION DE MONSIEUR CYRIL CLEMENT, DOCTEUR EN DROIT, MAITRE DE CONFERENCES HABILITE A DIRIGER DES RECHERCHES. PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 17 décembre 2010 PAR YANOURGA MOUSSA SANOGO MEMBRES DU JURY Madame Francine DEMICHEL, professeur émérite des universités, présidente du jury Monsieur Paul FORNES, professeur en médecine légale, expert en anatomo-pathologie, médecin légiste du CHU de Reims Monsieur Malik BOUMEDIENE, docteur en droit, maître de conférences à l’université de Toulouse II Monsieur Cyril CLEMENT, docteur en droit, maîtres de conférences à l’université Paris VIII A MES ENFANTS Yann-Ibrahim SANOGO Kany Myriam Alyma SANOGO 2 REMERCIEMENTS Je tiens en premier lieu à dire merci à monsieur Cyril CLEMENT, docteur en droit, maître de conférences à Paris VIII, d’avoir accepté de reprendre la direction de mes travaux de recherches avec tant de patience. Monsieur, ce sont vos directives et vos conseils qui ont permis de faire aboutir cette thèse. Je voudrais donc vous exprimer tout mon respect, ma gratitude et ma reconnaissance. Je tiens aussi à travers ces mots exprimer mon respect et mon admiration au professeur Jean-Marie CLEMENT. Merci monsieur pour avoir inspiré et accepté de diriger les premiers pas de ces travaux de recherches. Aux membres du jury : A madame Francine DEMICHEL, professeur émérite des universités en droit public. Merci madame pour l’honneur que vous me faites en acceptant d’être membre et présidente du jury de cette thèse. Veuillez trouver ici l’expression de ma plus haute considération, de mon respect et de ma gratitude. A monsieur Paul FORNES, professeur en médecine légale, expert en anatomopathologie, médecin légiste au CHU de Reims. Merci d’honorer de votre présence le jury de cette thèse en temps que membre et rapporteur. Veuillez à travers ces mots, trouver l’expression de ma très haute considération et de ma reconnaissance. A monsieur Malik BOUMEDIENE, docteur en droit, maître de conférences à l’université de Toulouse II. Merci monsieur pour l’honneur que vous me faites en 3 participant en tant que membre et rapporteur au jury de cette thèse. Veuillez accepter mes remerciements les plus vifs et l’expression de mon profond respect. A monsieur Issa Malick COULIBALY, docteur en médecine en Côte d’Ivoire. Merci docteur pour votre soutien, votre aide et vos conseils. A monsieur Yaya COULIBALY, conseiller au ministère de l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire. Merci monsieur pour votre précieuse aide, que ces mots soient l’expression de mon respect et de ma reconnaissance. A monsieur Souhalio OUATTARA, professeur en médecine à la faculté de médecine d’Abidjan. A travers ces mots, je voudrais vous exprimer ma reconnaissance pour votre disponibilité, votre soutien et vos conseils. Merci professeur pour m’avoir donné l’envie et la force de rédiger cette thèse. Merci aux docteurs en médecine en Côte d’Ivoire : Solange AMETHIER, Marie-Josée POKOU-ANGUIBI et Soueidan RIDA, au docteur en ophtalmologie Abdallah OUATTARA et à monsieur Zoulo TOUALY, infirmier diplômé d’Etat, enseignant et responsable du service de scolarité à l’Infas d’ABIDJAN. Merci pour votre aide, votre disponibilité et votre contribution à mes recherches. Je souhaiterais exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à madame Fatoumata BAKAYOKO-KOROMA, secrétaire de direction au ministère de l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire. Merci madame pour votre soutien et votre aide. 4 Toute ma reconnaissance à mademoiselle Aïssatou Edith KONATE. Merci pour ta disponibilité, ton soutien et ton aide. Ces mots sont aussi l’expression du profond respect que j’ai pour toi. A Mohamed Alpha Condé, je tenais à dire merci pour m’avoir soutenu et aidé. Merci pour le résumé en anglais de ma thèse. A mes amis et frères : Lacina DOSSO, Ibrahim DOSSO, Prisca NENE, Kandiaba DOSSO, Louise DOSSO, Jean-Philippe TANOE et Bassoumarifou SANOGO. Merci pour tout. Vous m’avez soutenu et encouragé pendant toutes ces années, aujourd’hui, je souhaiterais partager ce moment de bonheur avec vous. Que les liens qui nous unissent restent forts. A Safiatou SANOGO, mon épouse. Merci, tu as été le moteur qui m’a fait avancer pendant toutes ces années. Sans toi à mes côtés, je ne serai jamais allé au bout de cette thèse. Trouve ici l’expression de ma reconnaissance, de mon respect et de l’amour que je te porte. Je ne peux terminer cette série de remerciements sans un mot à l’endroit de mes parents. A mon père et à ma mère, je dis un grand merci. Je vous dois beaucoup, que cette thèse soit le symbole de mon infinie reconnaissance. Je souhaiterais dire merci à toutes les personnes qui m’ont soutenu et que je n’ai pas citées. Qu’elles m’en excusent. Merci pour tout. 5 TABLE DES ABREVIATIONS ACPCI : Association des Cliniques Privées de Côte d’Ivoire AL : Alinéa AMM : Autorisation de Mise sur le Marché AMU : Assurance Maladie Universelle AOF : Afrique Occidentale Française BEPC : Brevet d’Etude du Premier Cycle CAA : Cour Administrative d’Appel Cass (civ) : Cour de Cassation Chambre Civile CAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle CCG : Commission Consultative de Gestion CDM : Code de Déontologie Médicale CE : Conseil d’Etat CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’0uest CES : Certificat d’Etude Spéciale Ch. Ad/Civ/Com./Jud : Chambre Administrative/ Civile/Commerciale/Judiciaire CHR : Centre Hospitalier Régional CHU : Centre Hospitalier Universitaire CI : Côte d’Ivoire CIDMEF : Conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française CJA : Cour de Justice Administrative CMU : Couverture Maladie Universelle CN FMCH : Conseil National de la Formation Médicale Continue Hospitalière 6 CNOU : Centre National des Œuvres Universitaires CP : Code Pénal CS : Cour Suprême CSP : Code de la Santé Publique DEA : Diplôme d’Etudes Approfondies DFR : Direction de la Formation et de la Recherche DGPS : Direction Générale des Prestations Sanitaires DU : Diplôme d’Université EPA : Etablissement Public Administratif EPN : Etablissement Public National F.CFA : Franc de la Communauté Française d’Afrique HG : Hôpital Général IDE : Infirmier Diplômé d’Etat IDH : Indice de Développement Humain IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers INFAS : Institut National de Formation des Agents de Santé INS : Institut National des Statistiques OMS : Organisation Mondiale de la Santé ONG : Organisation Non Gouvernementale ONIAM : Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales ONU : Organisation des Nations Unies OOAS : Organisation Ouest Africaine de la Santé ORL : Oto-rhino-laryngologie PCEM : Première Année du Premier Cycle des Etudes de Médecine 7 PIB : Produit Intérieur Brut PMI : Protection Maternelle et Infantile PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement SFDE : Sage-femme Diplômée d’Etat TIC : Technologies de l’Information et de la Communication UE : Union Européenne 8 « L’université Paris VIII n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse, ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur » 9 RESUME La bonne qualité d’un système de santé dépend en grande partie des personnes qui font ce système, c'est-à-dire les personnels de santé. Il est donc nécessaire de s’intéresser à tous ces agents : médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, aides soignant etc…lorsqu’on envisage d’améliorer le mode de fonctionnement d’un système de santé. Nos recherches portent sur la mise en place d’un plan de développement de la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Il s’agit pour nous dans un premier temps de faire un état des lieux du système de formation des personnels de santé au cours de l’histoire de la Côte d’Ivoire. L’analyser, voir ce qui a été fait, ce qui a marché et relever les difficultés qui ont pu apparaitre à certains moments. Dans un second temps, il s’agira pour nous de proposer des solutions novatrices et durables afin d’améliorer le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Ces solutions qui devront corriger nos lacunes peuvent provenir de l’observation de modèles étrangers qui ont fait leur preuve. Ces modèles étrangers seront appliqués à la Côte d’Ivoire tout en tenant compte des réalités nationales. La recherche de nouvelles solutions doit être l’occasion pour nous de prendre en compte, dans la formation des personnels de santé, de nouveaux éléments tels que le droit médical. En effet, de nos jours, le droit est une discipline incontournable dans tous les secteurs d’activités. Le droit médical permettra donc à tout personnel de santé de prendre conscience de sa responsabilité médicale face à un patient. Le droit sera perçu ici comme un élément d’équilibre et de justice dans les soins. Pour une médecine équitable, il est impératif que la Côte d’Ivoire voire l’Afrique toute entière tiennent compte du droit médical dans la formation de leurs personnels de santé. Mots clés : plan, développement, formation, personnels de santé SUMMARY A good health care system depends primarily on the quality of the professionals who built and manage it. Any attempt at bettering such a system must therefore start with improving medical training and the quality of the daily care provided by doctors, nurses, midwifes, orderlies, EMT’s, paramedics and all the other professionals, who constitute the personnel in charge of the system. The present study focuses on the “Côte d’Ivoire” (Ivory Coast), and presents a plan for improving the training of health care professionals within in this West African country. Starting with an historical overview, we first look at the evolution of heath care training, from the beginnings of a formalized allopathic tradition all the way through to the present. Throughout, we highlight programs and initiatives that have worked as well as those that have proven less successful. Our goal was to understand and assess the challenges the country has faced over time in managing the health of citizens in order to identify appropriate solutions. We then present selected innovative, sustainable health care training models derived primarily from benchmarking “best practices” in other countries re notable results were proven. In doing so, we pay particular attention to contextualizing and adapting identified benchmarked models to the specific economic, social, cultural and political environment of the Côte d’Ivoire. One major conclusion of our analysis pertains to the pivotal role of medical law training. Our research stressed the importance of solidly training all health care professional in their understanding and mastery of medical law. This is key and a precondition to virtually any improvement of the system of health care in Côte d‘Ivoire and beyond into the rest of Africa at large. A command of the legal parameters of their job not only empowers each heath care professional with a clear and conscious sense of his or her responsibilities towards patients, but it also guarantees the balance, fairness and the very quality of the overall health care system. Keywords: Plan, Development, Training, Health care professional/personnel 10 SOMMAIRE SOMMAIRE............................................................................................................................................................................... 11 INTRODUCTION ...................................................................................................................................................................... 12 PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON EVOLUTION AU COURS DE L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE .......................................................................................................................................................... 35 TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES PERIODES PRE-COLONIALE ET COLONIALE ........................................................................................................................................................................ 36 CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE TRADITIONNELLE .......... 37 SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES.............................. 37 SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION......................................................................................................... 42 CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960 ........................................................................................ 48 SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE .......................................................................... 48 SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT.................................................... 53 TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE D‘IVOIRE MODERNE...... 61 CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS DES MEDECINS ET AGENTS DE SANTE .................................................................................................................................................... 62 SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE.................................................................................................. 62 SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX ..................................................................... 88 CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE....................................................................................................................................................................... 124 SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST DEFAILLANTE............. 124 SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS ..................................................................................................... 138 CONCLUSION DE LA PARTIE I ......................................................................................................................................... 150 PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE .. 153 TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION.......................................................... 154 CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN................................................................................................. 155 SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE.................................... 155 SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN............................................................................................ 169 CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS................................................................................................... 189 SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE MATERIEL..................... 189 SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES ETUDIANTS ET LES ENSEIGNEMENTS........................................................................................................................................ 214 TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE ............................................................................................................................................................................................. 261 CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE IVOIRIENS ................ 262 SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE FORMATION......................... 262 SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME HOSPITALIER ... 278 CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT ................................................................................................................................................................ 327 SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT POUR L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL ............................................................................................. 327 SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT ................................ 352 CONCLUSION DE LA PARTIE II ........................................................................................................................................ 364 CONCLUSION........................................................................................................................................................................ 367 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................................................... 379 INDEX ALPHABETIQUE ..................................................................................................................................................... 392 TABLE DES MATIERES ...................................................................................................................................................... 395 11 INTRODUCTION 12 Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bienêtre et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de (…) maladie1… Cette proclamation du droit à la santé par les Nations Unies date de 1948. Mais nous savons tous que son application auprès des populations est quasi inexistante dans de nombreux pays à travers le monde et en première place figurent beaucoup d’Etats Africains dont la Côte d’Ivoire. Le problème, c’est qu’il faut mettre en place de très importants moyens financiers, techniques et humains pour permettre à l’ensemble des citoyens d’assurer sa santé : - aménagement et entretien de lieux où se faire soigner ; - formation et rémunération de professionnels de soins de santé ; - invention, production et commercialisation de médicaments et de technologies médicales ; - mise en place de systèmes collectifs de financement de l’ensemble. Nous pouvons constater en ce qui concerne le dernier point, que seuls les pays développés, surtout ceux d’Europe ont mis en place de véritables systèmes de santé collectifs permettant effectivement à chacun d’assurer sa santé. Un système de santé organise la rencontre entre la demande et l’offre de soins. Il s’agit, d’un côté, de donner les moyens financiers aux individus d’obtenir un revenu de remplacement en cas de maladie et de pouvoir couvrir les frais engagés par la maladie. Il s’agit, de l’autre côté, d’organiser la production des soins : les lieux de soins (hôpitaux notamment), les professions médicales et plus récemment, la production et la 1 Article 25 de la déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les Nations Unies en décembre 1948. 13 distribution des médicaments et autres technologies médicales2. L’organisation mondiale de la santé (OMS), créée le 22 juillet 1946 en complément de l’organisation des Nations Unies (ONU, créée dès 1944 par les Etats alliés contre les puissances de l’axe mené par l’Allemagne) définit la santé comme : « un état de complet bien être, physique, mental et social ». Mais au sens médical, la santé est définie comme étant un équilibre instable entre deux états apparaissant sous diverses manifestations : entre 37° et 37,2° Celsius, température normale du corps. La santé est donc un état très particulier et les pouvoirs publics dans tous les Etats se sont efforcés depuis (et même pour les Etats beaucoup plus anciens) de protéger l’état sanitaire de leurs peuples en élaborant différents systèmes et règles de protection de la santé publique. La profession médicale constituant le métier principal de l’hôpital, il est donc normal que tout pays, toute nation porte une attention particulière à la formation scolaire et professionnelle des personnels qui auront pour mission de prodiguer les différents soins aux populations dans le but de favoriser, améliorer ou maintenir leur bien être. Les personnels de santé sont des personnes qui participent à l’éducation sanitaire, à la conservation ou au rétablissement de la santé des individus. Ces personnels peuvent agir ainsi parce qu’ils possèdent une certaine qualification, une aptitude à exercer leur métier. C’est le diplôme qui a couronné leur formation qui leur donne cette capacité. Leur lieu principal d’exercice est l’hôpital, où l’on distingue les personnels médicaux des personnels paramédicaux. Les premiers ont le droit de prescrire des médicaments tandis que les seconds exécutent les prescriptions des précédents. Les professions paramédicales sont classées en quatre catégories : les métiers du soin (infirmier, aide-soignant, puéricultrice, assistant dentaire…), les métiers 2 de la rééducation (orthoptiste, orthophoniste, Bruno PALIER, la réforme des systèmes de santé, puf, janvier 2008. P 7. 14 kinésithérapeute, ergothérapeute, pédicure-podologue, psychomotricien…), les métiers de l’appareillage médical (opticien-lunetier, audioprothésiste, prothésiste dentaire…), et les métiers de l’assistance médicale et technique (manipulateur radio, technicien de laboratoire, visiteur médical, préparateur en pharmacie…). Les sages-femmes qui appartiennent en général à la catégorie médicale sont classées en Côte d’Ivoire dans celle du personnel paramédical. Dans notre travail de recherche, nous porterons notre attention concernant le personnel paramédical sur les infirmiers, infirmières et les sages-femmes parce que étant à la fois proches des médecins et des patients). Le personnel de santé, quelle que soit sa catégorie, a besoin d’acquérir de nouvelles compétences et de conforter ses connaissances professionnelles. La formation est ainsi devenue un élément moteur de modernisation et de progrès social. En France par exemple, c’est la loi du 16 juillet 1971 qui constitue le fondement de la formation continue au plan général, mais cette loi n’était pas à l’origine directement applicable aux agents de santé publique. Il a donc fallu attendre le décret du 16 juin 1975 qui a étendu la formation continue aux hôpitaux et le décret n° 90-319 du 5 avril 1990 a posé quant à lui les conditions nouvelles de la formation continue des agents de santé en France.3 En Côte d’Ivoire c’est le décret n° 91-655 du 9 octobre 1991 qui crée et organise un établissement à caractère administratif dénommé institut national de formation des agents de santé (INFAS).4 Mais avant ce décret, il existait déjà une école nationale d’infirmiers, infirmières et de sages-femmes diplômés d’Etat ainsi qu’une école nationale supérieure de formation paramédicale créées respectivement par les décrets 77-12 et 77-13 du 05 janvier 1977. 3 Pierre LACHEZE-PASQUET, Didier STINGRE, l’administration de l’hôpital, édition Berger-Levrault septembre 1999 P 181 4 L’INFAS est placée sous la tutelle du ministère de la santé et de la protection sociale de Côte d’Ivoire. 15 Dans ce jeune pays qu’est la Côte d’Ivoire, indépendant depuis le 7 août 1960, le système de santé n’est pas aussi développé et efficace qu’en France. Selon le professeur Harris Memel-Fotê, anthropologue ivoirien, certains personnels modernes de santé avouent sans complexe entretenir des relations très professionnelles avec leurs confrères de la médecine traditionnelle (tradi-praticien ou devin-guérisseur selon les cultures) afin de venir à bout de certains maux qui minent la société ivoirienne. Il est vrai que cette collaboration est en train d’être officialisée par les autorités d’Abidjan.5 En effet depuis quelques années, nous assistons ici et là à des rencontres entre médecins modernes et « médecins traditionnels ». Abidjan a même accueilli un congrès scientifique des praticiens de la médecine traditionnelle et des professionnels de la médecine conventionnelle. Ce congrès initié par l’organisation ouest africaine de la santé (OOAS6 dont le but est d’offrir le niveau le plus élevé en matière de prestation de soins de santé aux populations de la sous région sur la base de l’harmonisation des politiques des Etats membres, de la mise en commun des ressources et de la coopération entre les Etats et les pays tiers en vue de trouver collectivement et stratégiquement des solutions aux problèmes de santé de la sous région) avait pour objectif de promouvoir le dialogue entre les participants pour améliorer la collaboration entre les praticiens des deux médecines de la CEDEAO7. L’amélioration de cette collaboration passe par la sensibilisation des différents acteurs sur l’importance de la collaboration sectorielle entre praticiens de la médecine traditionnelle et praticiens de la médecine conventionnelle. Il faudra aussi prendre en compte l’analyse des obstacles majeurs qui empêchent cette collaboration entre les deux secteurs. La proposition de nouvelles stratégies pour améliorer ce dialogue et l’initiation de 5 Harris Memel-Fotê, les représentations de la santé et de la maladie chez les Ivoiriens, édition l’Harmattan, 1998 P 85. 6 OOAS : Organisation Ouest Africaine de la Santé créée en 1987. 7 CEDEAO: Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée en 1975. 16 véritables programmes de collaboration8. C’est dire comment le pays ou plutôt les personnels de santé dans leur grande majorité veulent mettre toutes les chances de leur côté pour vaincre la maladie face aux maigres moyens dont dispose le pays. Parlant de moyens, nous savons que la Côte d’Ivoire n’est pas le seul pays au monde à faire face à d’importantes difficultés dans ce domaine. A travers le monde, ce sont des millions de personnels de santé qui sont nécessaires pour combler le manque dans le secteur. 57 pays dans le monde, situés majoritairement en Afrique subsaharienne ont besoin de 4.3 millions de travailleurs pour combler le déficit en personnels de santé. Ce sont très précisément, 2.4 millions de médecins, infirmiers, infirmières et sages-femmes qui sont nécessaires pour permettre à l’Afrique de faire face à ses carences dans le secteur médical. L’Afrique supporte 11% de la population mondiale et 23% du fardeau mondial de la maladie et comble de l’ironie, elle possède seulement 4% des personnels de santé et doit faire face à 11% des dépenses de santé9. Notons aussi que la mauvaise répartition des structures sanitaires n’arrange pas les choses. En effet, la moitié de la population vit en zone rurale, mais 60% des infirmiers et 75% des médecins vivent en zone urbaine, défavorisant ainsi les populations rurales moins bien servies que les habitants des villes. Les structures sont donc nécessaires en Afrique pour former des personnels de santé. Cette crise des ressources humaines de santé se caractérise d’une manière générale par un manque de personnel soignant très important dans les pays du sud en général et en Côte d’Ivoire en particulier. En Afrique, on considère qu’il faudrait multiplier par trois le nombre de soignants pour atteindre les normes imposées par l’OMS. En effet, le continent africain dans son ensemble a besoin selon l’OMS d’une augmentation de 8 Le Mandat : congrès de la médecine moderne et traditionnelle : les praticiens prônent le dialogue. Jeudi 22 octobre 2009. Jean Tigoune Kouika. 9 Source : Organisation Mondiale de la Santé. 17 139% du nombre total de personnels et de professionnels de santé. Nos autorités sanitaires ont tous les problèmes pour faire face à cette pénurie de personnel, et ce dans toutes les catégories de personnels et tous les secteurs d’activité de la santé. Sans structure et sans moyen pour travailler, les personnels de santé des pays à faible revenus sont tentés de fuir leur pays respectif dans l’espoir de trouver le bonheur ailleurs. Les pays occidentaux recrutent les personnels des pays pauvres pour répondre à leur propre manque. S’étant vu offrir de meilleures conditions de travail, des salaires plus élevés, et certains autres avantages (pour ceux qui ont de la chance car tous ne sont pas logés à la même enseigne), 37% des médecins SudAfricains et 7% des infirmières ont quitté leur pays. Le Ghana a perdu 29% de ses médecins et 13% de ses infirmiers. Sur 600 médecins formés en Zambie depuis 1964, seulement 50 sont restés dans leur pays. Ces chiffres alarmants et inquiétants qui devaient marquer une certaine rupture et une prise de conscience quant à la gravité de la situation ne font pas sourciller nos dirigeants. Il faut rappeler que dans nos pays, où les facultés de médecine sont financées par les deniers publics, nos autorités ne s’émeuvent pas de voir jusqu’à la moitié de leurs diplômés quitter leur pays, très souvent sous-médicalisé, à la recherche de meilleures rémunérations à l’étranger, sans s’interroger sur des actions alternatives pour les retenir. Le nombre total de structures sanitaires du pays est aujourd’hui de 1510. Il y’ avait, en 2000, 10483 professionnels de santé, dont 1684 médecins en activité (soit 1 médecin pour 9739 habitants), 6908 infirmiers (soit 1 infirmier pour 2374 habitants) et 1891 sages-femmes (soit 1 sage-femme pour 2081 femmes en âge de procréer)10. Mais ce qui est surprenant pour un pays comme le nôtre, c’est que nous ne disposons pas de chiffres concrets sur la fuite des personnels de santé vers l’étranger comme si les autorités 10 Source : Ministère ivoirien de la santé et de l’hygiène publique. 18 voulaient se voiler la face, ou plutôt cacher l’existence du fléau. Nous savons par exemple que certains jeunes médecins ivoiriens qui partent à l’étranger pour des stages hésitent à revenir au pays lorsqu’ils se rendent compte du fossé énorme qui sépare les conditions d’exercice dans leur pays et ceux du pays de leur stage. L’environnement de travail est totalement différent, tout est mis en œuvre pour que les personnels de santé accomplissent sereinement leur mission. Nous pouvons donc constater que nous sommes très éloignés par exemple en ce qui concerne les médecins des normes établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui indique un ratio d’un médecin pour 2000 habitants. La vétusté du matériel, la cherté des médicaments, l’inexistence de la sécurité sociale pour la grande majorité des ivoiriens, mais surtout les insuffisances dans la gestion des diverses ressources de santé et la faiblesse de la planification sont aussi des contraintes auxquelles il faut ajouter le poids de la croissance démographique et la paupérisation des populations (l’espérance de vie qui était de 50.9 ans en 1997 est passée à 46 années en l’an 2000).11 Afin d’enrayer l’augmentation de la mortalité et la baisse de l’espérance de vie, le personnel de santé devrait être fortement accru, mais on constate plutôt qu’il ne fait que baisser au fil des ans. Nous savons que l’Etat consacre au secteur de la santé seulement 6% son budget total, soit environ 100 milliards de FCFA (150 millions d’euros) en 2007, nous devons avouer que cette part est très insuffisante (Si l’argent et les médicaments sont nécessaires, les ressources humaines quant à elles sont indispensables pour dispenser les soins, la pénurie en personnel ne fait que s’aggraver tant quantitativement que qualitativement et cette part du budget national consacré à la santé n’arrangera pas les choses). Beaucoup d’efforts restent à faire. L’OMS recommande que les Etats Africains doivent atteindre au moins 15% de 11 Source : Ministère ivoirien de la santé et de l’hygiène publique. 19 budget national alloué à la santé.12 Surtout quand à cette liste viennent s’ajouter l’insouciance, la négligence, le favoritisme et la corruption (détournement de près de 18 milliards de FCFA d’aide de l’Union Européenne entre 1994 et 1998) de ceux qui sont chargés de veiller à la bonne santé de leur compatriotes. Ou encore l’affaire des déchets toxiques déversés dans différents endroits de la capitale économique, ayant provoqué la mort d’une dizaine de personnes dont des enfants et l’hospitalisation de plusieurs centaines d’autres. (Les responsables courent toujours, c’est aussi ça la Côte d’Ivoire). Mais les raisons de nos échecs, nous ne devons pas les chercher loin, nous les connaissons parfaitement. Les usages pervers tels que le népotisme, le tribalisme qui privilégie l’accès aux bourses et aux grandes écoles pour les uns aux dépens des autres. La pratique de la vente plus ou moins occulte des diplômes ou leur truquage, l’attribution des postes de responsabilités à des militants ou sympathisants souvent très zélés du parti au pouvoir quel qu’il soit au détriment des vrais connaisseurs, des vrais spécialistes. La priorité donnée au militantisme politique sur l’efficacité et sur la conscience professionnelle. Et enfin ce qui nous touche le plus en Côte d’Ivoire, c’est l’absence de contrôles et de sanction qui entraine un laxisme généralisé dans l’exécution de la mission publique, ou lorsque ces contrôles et sanctions interviennent, nous le peuple, nous nous rendons compte que ce n’est qu’une parodie ayant pour seul objectif de nous détourner des choses publiques, de nos affaires. L’ensemble des rouages administratifs et judiciaires sont totalement hors service, c’est à tous les niveaux que le travail ne se fait plus. Les agents publics investissent leurs efforts ailleurs, là où les rémunérations sont beaucoup plus importantes, parce que les maigres salaires ne permettent pas de joindre les deux bouts. A l’hôpital par exemple, on assiste à une baisse de la qualité des prestations 12 Le Patriote, 10 mai 2007. 20 due au déficit déontologique des personnels de santé (violence verbale sur les malades, refus de soigner même en service d’urgence tant que le patient n’a pas payé), le manque de motivation des personnels à cause des conditions de travail de plus en plus difficiles. Tous ces éléments et bien d’autres encore constituent les maux de l’Afrique en général et de la Côte d’Ivoire en particulier. Certains auteurs avant nous l’ont dit, et aujourd’hui, nous le répétons. En Côte d’Ivoire comme en France, les médecins exercent principalement dans les activités de soins, mais aussi dans la recherche, l’enseignement et l’administration de la santé. La formation des médecins est assurée au sein de la faculté de médecine de l’université d’Abidjan13 rattachée aux 4 centres hospitaliers universitaires (CHU) du pays dont 3 à Abidjan (CHU de Cocody, CHU de Treichville et CHU de Yopougon14). Le quatrième quant à lui se trouve dans la deuxième ville du pays (Bouaké), ville sous contrôle des forces rebelles depuis la tentative de coup d’état du 19 septembre 2002. On constate une très forte concentration des infrastructures sanitaires dans les grandes villes plus précisément à Abidjan. Le sud du pays regroupe 62.5% des médecins tandis que le centre-est, le nord-est, le nord-ouest, et le sud-ouest n’en comptent chacun que 2%15. Tous ces hôpitaux fonctionnent sous la responsabilité de l’Etat. L’accès aux études médicales est ouvert à tous les bacheliers de l’enseignement général orientés à la faculté de médecine de l’université d’Abidjan Cocody. C’est donc après 8 années d’étude que ces étudiants obtiennent un diplôme de doctorat en médecine et doivent s’inscrire au tableau de l’ordre des médecins. Certains se spécialisent dans un domaine précis, alors que d’autres deviennent 13 Abidjan est la première ville mais aussi la capitale économique de le la Côte d’Ivoire. Cocody, Yopougon et Treichville sont des communes de la ville d’Abidjan. 15 Marie-France JARRET et François-Régis MAHIEU, la Côte d’ Ivoire : de la déstabilisation à la refondation, édition l’Harmattan, avril 2002, P 96. 14 21 chercheurs, enseignants, professeurs agrégés, chefs de clinique des hôpitaux ou occupent des postes administratifs. Ces futurs médecins se mettent donc au service des 16 millions d’ivoiriens soit en exerçant dans des structures privées (où des problèmes existent aussi, une certaine anarchie règne dans le secteur de la santé privée dans notre pays ; « Le non respect des tarifs homologués, l’implantation anarchique des structures de santé, la multiplicité des maisons d’assurance, l’exercice illégal, le mépris pour les malades, le racket »)16 ou comme nous l’avons déjà dit au sein des 4 CHU, des 14 centres hospitaliers régionaux (CHR), des 54 hôpitaux généraux (HG) etc.… Les infirmiers, infirmières, sages femmes et tous les autres agents de santé sont formés au sein de la structure unique à savoir l’INFAS contrairement à la France où ceux-ci sont également formés dans des structures publiques rattachées à l’hôpital public ou dans des structures publiques et privées à la fois. En Côte d’Ivoire, tous ces personnels sont formés au sein d’une structure unique, à savoir l’Institut National de Formation des Agents de Santé (Infas). Cet établissement dépend du ministère de la santé publique en ce qui concerne la tutelle administrative et technique et du ministère chargé de l’économie et finances pour la tutelle économique et financière17. C’est le seul établissement autorisé à fournir ce genre de prestation. L’Infas dépend directement de la direction de la formation et de la recherche (DFR), organe rattaché à la direction générale des prestations sanitaires (DGPS). La DFR a pour mission de promouvoir une politique efficace de formation du personnel du ministère de la santé publique et cela dans le but d’assurer la bonne qualité des prestations fournies aux populations. Elle doit aussi favoriser la recherche médicale et pharmaceutique. A ce 16 Propos de Monsieur Florent AKA KROO, président de l’ordre national des médecins de CI, retranscris par Marcelline GNEPROUST. Fraternité Matin, mercredi 28 mai 2008. 17 Arrêté n° 118 du 07 juin 2002 fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la direction de la formation et de la recherche 22 titre, elle est chargée de l’évaluation des besoins en formation, de la planification et de la programmation des formations, de la commission d’attribution des bourses de formation du secteur sanitaire, du suivi des stagiaires en formation à l’extérieur, de la documentation et de la formation continue, de la jonction avec les établissements de la formation initiale, c'est-à-dire les unités de formation et de recherche en ce qui concerne la faculté de médecine et l’Infas pour tous les agents de santé. Le système sanitaire ivoirien a reproduit de façon presque identique le modèle français tout en essayant de l’adapter aux réalités nationales ivoiriennes. En cela, nous avons constaté qu’en Côte d’Ivoire comme en France, les CHU sont le lieu de la formation clinique des médecins. Dans ces hôpitaux universitaires, on retrouve les praticiens à temps plein et à temps partiel, mais la particularité réside dans le fait que certains médecins sont à la fois professeur d’université et praticiens hospitaliers. Nous avons donc trois catégories de praticiens titulaires exerçant en centre hospitalier universitaire : les professeurs d’université praticiens hospitaliers (PU-PH rang A), les maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH de rang B) et les praticiens hospitaliers18 Les cours sont donc assurés par des professeurs agrégés de médecine bénéficiant des mêmes grades que leurs confrères français. Les cours pratiques, autrement dit les travaux dirigés sont dispensés au sein des CHU. Les agents de santé sont regroupés dans une structure décomposée en plusieurs branches fournissant des enseignements que les structures publiques ou privées françaises dispensent à, leurs étudiants de la même catégorie, c'est-à-dire les infirmiers, les sages-femmes, les agents techniques de santé, les infirmiers 18 François PONCHON, l’hôpital en 100 mots clés, édition Berger-Levrault, décembre 1998, P 209 / 210 23 spécialistes, les sages-femmes spécialistes, les agents supérieurs de santé, les aidessoignants .... Dans un pays où le sida fait un nombre très important de victimes (on estime à plus d’un million le nombre de personnes séropositives), où le paludisme n’en finit pas de faire des ravages, la persistance de grandes endémies telles que l’onchocercose, la trypanosomiase et le pian (ulcère de burelli), la drogue et l’alcool achèvent d’assombrir le tableau tout en pénalisant fortement la population dans sa totalité, on se demande si la bonne formation de tous les personnels de santé médicaux et paramédicaux n’est pas la solution miracle. En effet, ces personnels très proches des malades et des biens portants et maîtrisant d’une certaine façon tous ces maux ne sont-ils pas les mieux placés pour faire passer les messages concernant les comportements à tenir face à la maladie ? Nous pensons que c’est à eux qu’il revient d’éduquer les populations sur la prévention et les risques encourus pour leur santé si elles ne font pas l’effort de se prémunir contre certaines maladies. Mais pour ce faire, la meilleure formation s’impose donc pour ces personnels médicaux et paramédicaux afin d’assurer la pleine efficacité de la gestion du système sanitaire dans le but aussi de favoriser son accès à cette grande frange de la population qui ne sait plus à quel saint se vouer. A l’instar de ce qui se passe dans la quasi-totalité des pays africains, l’accès aux soins de santé même primaires est encore limité à la ville et aux salariés d’un certain niveau, faute de politique sociale vraie. En effet, tous les actes médicaux ainsi que les médicaments dans les structures sanitaires publiques sont devenus payants, au non de la participation de la population, alors que ceux-ci étaient gratuits pour les plus démunis. La grande majorité de la population est paysanne et donc non salariée. En effet, près de 85% de la population se trouve hors de toute couverture 24 sociale19. Pour la plupart de ceux qui sont salariés, les salaires sont très bas et suffisent à peine à satisfaire le besoin alimentaire quotidien. En Côte d’Ivoire, malgré les efforts qui ont été faits pour la construction de structures sanitaires décentralisées, les soins restent peu accessibles à la grande majorité de la population qui a alors fréquemment recours à l’automédication d’une part et à la médecine traditionnelle d’autre part. Ces alternatives à la médecine moderne, souvent efficaces mais pour l’instant pas suffisamment contrôlées peuvent s’avérer dangereuses pour la santé. En pratiquant l’automédication, le patient se met hors de tout contrôle conventionnel, il dose lui-même ses médicaments tout en sachant qu’il n’a aucune compétence pour le faire. La médecine traditionnelle quant à elle ne tient pas compte de l’évolution de la science, donc de la maladie Les remèdes dispensés depuis des siècles sont les mêmes aujourd’hui alors que les maladies évoluent et changent. La médecine traditionnelle doit donc s’adapter à la maladie et cela ne peut se faire que dans un cadre scientifique même si nous concédons un certain succès à cette médecine dans la guérison de nombreux maux. Par ailleurs, les structures sanitaires publiques, surtout les grands centres tels que les CHU de Treichville, Cocody, Yopougon et Bouaké et les CHR n’existent si on peut le dire que de nom, tant les infrastructures y sont désuètes et la démotivation du personnel soignant flagrante. Alors, la mauvaise qualité des soins poussent ceux qui le peuvent vers les cliniques privées. Ces clinique privées qui n’existent pratiquement pas dans les zones rurales, foisonnent dans les grandes villes et deviennent un « eldorado » pour les jeunes médecins formés par les structures publiques, désireux de s’installer et qui ont bien compris qu’il y’a un grand vide laissé par la qualité dégradante des hôpitaux publics. C’est donc pour toutes ces raisons que les autorités 19 Source : Organisation Mondiale de la Santé. 25 actuelles du pays ont décidé de créer l’AMU, autrement dit l’assurance médicale universelle sur le modèle français de la CMU (couverture maladie universelle) afin de lutter contre les exclusions20 et permettre un accès plus facile aux soins pour les populations les plus démunies. Cette initiative représente à nos yeux un espoir pour de nombreux ivoiriens de bénéficier de soins gratuits ou pas chers. Cette assurance permettra une couverture sociale étendue à toute la population, ce qui évitera à l’avenir d’assister impuissant à l’agonie de nombreux ivoiriens venus solliciter des soins. Elle permettra aussi une meilleure qualité de soins, car comme chacun le sait, la sécurité sociale est à l’origine de la performance du système sanitaire français. L’AMU devrait aussi favoriser une amélioration de la qualité de vie des agents de santé par la revalorisation de leur traitement et enfin, cette assurance devrait à long terme favoriser la naissance de vraies structures d’enseignement et de recherche dans nos CHU. Mais, jusqu’à ce jour, aucun élément de cette structure n’a encore été mis en place concrètement même si en ce qui concerne le ministère de la santé, nous avons assisté à la fusion dudit ministère avec celui des affaires sociales afin de donner un ministère de la solidarité, de la santé et des affaires sociales auquel est rattaché un ministère délégué à la santé. Certaines personnes imputeront ce fait à la crise que traverse le pays. Nous pensons plutôt que c’est un manque de volonté qui est à l’origine de la lenteur dans la réalisation de l’AMU. Nos gouvernements en Afrique ont tendance à faire miroiter des choses à leur population sans jamais réussir à les mettre en œuvre. Cette bonne formation permettra aussi à cette autre partie de la population qui y a déjà accès de pouvoir bénéficier des meilleurs soins. Mais pour bénéficier des meilleurs soins il faut que les personnes chargées de prodiguer ces soins aient reçu une bonne formation dans des structures adéquates. 20 Marie-France JARRET et François-Régis MAHIEU. La Côte d’Ivoire : de la déstabilisation à la refondation. Edition l’Harmattan, avril 2002, P 95. 26 Notre travail de recherche consistera dans une première partie à parcourir le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire depuis les périodes précoloniales, coloniales jusqu’à celle de la Côte d’Ivoire moderne, c'est-à-dire à partir de 1960, année de l’indépendance. Nous nous intéresserons donc aux différentes étapes de l’évolution de la médecine au cours de l’histoire du pays. Le but de notre travail sera donc de savoir comment s’est déroulée la formation des personnels de santé au cours de l’histoire du pays ? Qui étaient les personnels de santé pendant cette période ? Quelles étaient les structures chargées d’accomplir ce travail de formation ? Ensuite, nous aborderons différents aspects de cette formation pendant la période dite moderne du pays, comment s’est déroulée la formation ? Avec quels personnels ? Quelles structures ? Nous chercherons aussi à connaître les problèmes liés à cette formation ? Notre travail consistant à mettre en place un plan de développement de la formation des personnels de santé, nous essayerons dans une seconde partie d’apporter des solutions aux difficultés rencontrées. « Car au cours de l’histoire, l’institution universitaire a engagé des réorientations, souvent en profondeur dans l’accomplissement de ses missions de recherche et d’enseignement soit sous la poussée de forces extérieures, soit par l’engagement de quelques personnes ayant une vision différentes des choses et la faculté de médecine n’a pas échappé à cette règle »21. C’est par le biais de nouvelles solutions que la faculté de médecine pourra satisfaire aux exigences de transparences et pour ce faire, « la faculté devra consentir à s’ouvrir d’avantage au monde extérieur, non académique. Elle devra notamment mieux faire connaître à toute la société sa mission, ses engagements et son fonctionnement. Diffuser des informations sur ses actions, partager des objectifs communs avec d’autres acteurs, extérieurs au monde 21 Propos de Charles BOELEN, consultant international en systèmes et personnels de santé. Ancien coordonnateur du programme de l’OMS des ressources humaines pour la santé. 27 académique, évaluer sa performance au regard d’objectifs connus préalablement et permettre à quiconque de l’apprécier. En somme, il s’agit de rendre plus explicites les buts poursuivis et les stratégies employées »22. C’est à travers une tentative de restructuration du système de formation des personnels de santé que nous mettrons en œuvre ces solutions et cette volonté de changement. Nous mettrons aussi l’accent sur un modèle étranger à travers l’étude de son système de formation: en l’espèce, c’est le modèle Cubain qui retiendra notre attention. L’intérêt ici sera de savoir dans quelle mesure les ivoiriens pourront s’inspirer de ce modèle, on le sait, cuba pays du tiers monde comme le nôtre a su se hisser très haut en matière de santé. Les cubains ont réalisé de grandes choses avec peu de moyens et dans un contexte politique international qui ne leur était pas favorable. Ils ont su identifier leurs problèmes et au fil des années, ils ont su leur apporter des solutions adéquates et durables afin de garantir le bien être de leur population. Enfin pour terminer, en tant qu’étudiant en droit, nous aborderons la question de la place du droit, plus précisément la place du droit médical dans la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Nous avons constaté chez nous la quasi inexistence de débats sur les nombreuses questions soulevées par le développement des connaissances et des pratiques biomédicales nouvelles en occident. Nous faisons aussi face à l’inexistence de formations appropriées sur les questions de droit et d’éthiques en matière de santé. Alors qu’on perçoit l’actualité des questions bioéthiques, il y’a un retard dans les débats et dans l’évolution du droit dans ces domaines. On note aussi les difficultés d’accès à l’information et à la documentation utiles pour susciter les débats nécessaires et pour entreprendre les recherches souhaitables et les formations requises. Nous insisterons donc sur les bienfaits que 22 Propos de Charles BOELEN. 28 pourrait apporter le droit dans notre système de santé. Le droit étant présent dans tous les domaines et tous les secteurs d’activité, il serait aberrant qu’il n’ait pas d’importance en matière médicale, surtout dans un pays comme la Côte d’Ivoire où la santé n’est pas ce qu’elle devrait être. Aujourd’hui, beaucoup de choses ont changées, la société n’appréhende plus la santé, les soignants et les patients de la même manière. Selon le professeur André DEMICHEL23 des éléments tels que l’état de la médecine (le développement du risque, les conséquences financières, les problèmes éthiques), l’idéologie de la santé (l’idéologie de la maladie, l’idéologie du médecin) ont totalement bouleversé la perception qu’on avait de la médecine et de la santé24. Le droit médical et de la santé doit donc venir réguler cet espace, ce qui est le cas actuellement en occident et dans les pays anglo-saxons et doit l’être en Côte d’Ivoire et en Afrique. Il est grand temps que nous nous demandions comment à travers l’enseignement du droit médical dans nos facultés de médecine, nous pourrions atteindre la qualité dans la pratique médicale ? L’enseignement du droit médical dans nos structures permettra t-il à nos agents de mieux respecter et prendre en compte l’éthique médicale ? En résumé, la question principale à laquelle il faudra répondre est la suivante : comment à travers la prise en considération de nouveaux éléments matériels et de nouvelles règles morales, intellectuelles et surtout juridiques, les Ivoiriens pourront rendre plus performant leur système de formation des personnels de santé ? Il s’agira donc pour nous de parcourir le système de formation des personnels de santé de notre pays, l’analyser, dire ce qui a marché et ce qui a échoué pendant 23 André DEMICHEL : agrégé des facultés de droit, professeur des universités (1935-2000). Précurseur du droit médical et de la santé. 24 André DEMICHEL : Le droit de la santé, les études hospitalières, septembre 1998. P 22, 23,24. 29 toutes ces années et essayer enfin d’apporter des solutions novatrices et durables en vue de l’amélioration de la formation médicale en Côte d’Ivoire. Notre pays et le continent accusent un retard en matière de formation médicale. Aujourd’hui, de nombreux élément peuvent nous aider à corriger ce que nous avons mal fait dans le passé. Nous ne sommes pas obligés d’attendre, de prendre le temps pour nous approprier ces éléments qui ont fait la grandeur du système de santé dans de nombreux pays. Les investissements matériels, la rigueur dans l’accomplissement de la mission, le professionnalisme des personnels, le droit médical etc… sont ces éléments novateurs qui nous aideront à y parvenir. C’est la recherche du bien être de nos populations qui doit prédominer, une fois cet objectif fixé, il n’y a pas de raison que nous n’atteignions pas notre but, c'est-à-dire la santé pour tous. On a entendu ici et là que nous n’étions pas prêts pour la démocratie, c’est peut être vrai, mais maintenant nous devons montrer au monde que nous sommes assez mûrs pour notre bien être à travers l’acceptation de règles morales et juridiques censées rétablir l’équilibre et la justice dans nos institutions sanitaires. Au cours de notre année de DEA, sous la direction de monsieur JM CLEMENT, nous avons travaillé sur la formation des personnels de santé en CI. Il s’agissait pour nous de parcourir le système de formation des personnels de santé en CI, analyser son organisation et son fonctionnement. Il ressort de ces travaux, la nécessité d’apporter à la formation des personnels de santé en CI de nouveaux éléments en vue de son amélioration. Ainsi, nos recherches doctorales ont consisté à réfléchir à la mise en place d’un plan de développement de la formation des personnels de santé en CI. C'est-à-dire, comment rendre plus efficace l’enseignement diffusé aux futurs personnels de santé, 30 C’est à dire : les médecins à la faculté de médecine d’Abidjan et ceux que nous appelons agents de santé (infirmiers, infirmière, sages femmes) à l’institut national de formation des agents de santé (INFAS) en prenant en compte le droit médical. Sans toute fois oublier que de nombreux efforts doivent être faits en ce qui concerne différents aspects de la formation : (notamment les structures, le matériel, les finances et les hommes.) Pour notre étude, nous nous sommes intéressés à différentes périodes de l’histoire du pays : - la période traditionnelle (jusqu’en 1893) : période de la médecine traditionnelle avec les tradipraticiens, qui tiennent encore aujourd’hui un rôle important dans la société. - la période coloniale (1893-1960) : Début de la médecine moderne et la formation des premiers médecins et personnels de santé ivoiriens - la période de la CI moderne (1960- 2002) : A partir de 1960, ce sont les ivoiriens eux-mêmes qui ont pris leur destin en main. Les jeunes formés par le colonisateur à Dakar sont partis en France pour se perfectionnés, une fois de retour, ils étaient en charge de la formation des jeunes qui voulaient suivre les différentes carrières médicales. 2002, reste pour nous la date de rupture. C’est la date à laquelle a éclatée la crise politico-militaire qui secoue le pays. Elle a provoque d’importants remous dans le monde médical en général et dans celui de la formation des personnels de santé en particulier. Fermeture des instituts de formation des agents de santé de Bouaké deuxième ville du pays et Korhogo troisième ville du pays et donc de leur différents terrains de stage pour les futurs médecins et agents de santé. Nous nous sommes aussi intéressés à différents modèles étrangers : 31 - la France pour les liens qui unissent historiques qui unissent les deux pays. La France a été le Pays colonisateur de la Côte d’Ivoire et de cette relation est né un lien particulier entre les deux pays. La France reste donc sur de nombreux plans un modèle pour la Côte d’Ivoire. - et plus particulièrement Cuba, parce que étant un pays du tiers monde comme le notre et vivant les mêmes difficultés que nous. Mais Cuba malgré toutes les difficultés est en ce qui concerne la santé une « puissance mondiale ». Mais tout ce travail de recherches nous l’avons dit avait pour objectif de répondre à certaines questions : . Comment s’est déroulée la formation des personnels de santé ? . Quelles structures étaient chargées d’accomplir ce travail de formation ? Avec quels moyens ? . Qui étaient ces personnels de santé ? . Quelles sont les difficultés rencontrées au cours de ces différentes étapes de formation ? . Mais, la question principale reste la suivante : Comment à travers la prise en considération de nouveaux éléments structurels, matériels, financiers, humains et surtout juridiques, les ivoiriens pourront rendre plus performant leur système de formation des personnels de santé ? En essayant d’apporter des réponses à toutes ces questions, nous avons rencontré un certain nombre de difficultés. 1. L’accès limité aux informations du fait de l’éloignement (difficultés financières). Nous nous sommes rendus qu’à trois reprises en Côte d’Ivoire : Juillet 2006, Juin 2008 et Juillet 2010. Entre ces différentes dates, il y’a eu beaucoup de changements 32 au niveau des agents dans les services. Il a donc fallu à chaque fois rencontrer de nouvelles personnes et dans certains cas reprendre le processus de questionnement au début. 2. La crise politique que vit le pays depuis septembre 2002 : Nous avons constaté un véritable bouleversement au niveau des services de l’Etat. Lenteur et manque de volonté de certains agents Pour rencontrer certaines personnes responsables de certains services, il fallait revenir deux, trois voire quatre fois sans être sûr d’être reçu par ces responsables. Néanmoins, nous avons pu rencontrer ou avoir des contacts avec certains acteurs de premier plan avec qui nous avons échangé : - Monsieur Issa Malick COULIBALY, docteur en médecine, ancien inspecteur de la santé et ancien directeur du programme national de lutte contre le SIDA - Le professeur Souhalio OUATTARA, médecin et enseignant à la faculté de médecine d’Abidjan - Le docteur Solange AMETHIER, médecin chef de l’hôpital général des impôts - Monsieur Zoulo TOUALY, infirmier diplômé d’Etat, enseignant et responsable du service de scolarité de l’institut national de formation des agents de santé (INFAS) 3. Difficultés dans la quête des informations A ce niveau, nous avons dû faire face aux réticences de certaines personnes rencontrées. Les gens avaient peur de parler, de crainte que ce qu’ils diront leur cause un préjudice. Certaines personnes pensaient même que nous menions une enquête pour la presse ou pour divers services d’inspection de l’Etat dont celui de la santé. 4. Absence de textes juridiques en matière de droit médical (les textes sont rares et quand ils existent, ils sont mal répertoriés) 33 5. Problèmes de statistiques (rareté ou ancienneté des chiffres) 6. Nous avons aussi constaté que de nombreux acteurs du monde médical ivoirien ignoraient les éléments essentiels du droit médical, ce qui rendait les choses plus difficiles. Malgré les difficultés rencontrées, nous avons pu faire certains constats, ce qui nous a permis d’aboutir à des propositions. 34 PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON EVOLUTION AU COURS DE L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE Cette partie sera consacrée dans un premier temps à la formation des personnels de santé au cours des périodes pré coloniale et coloniale de l’histoire notre pays. Ensuite, nous mettrons l’accent sur la formation des personnels de santé pendant la période dite moderne de la Côte d’Ivoire (1960-2002). 35 TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES PERIODES PRE-COLONIALE ET COLONIALE Il s’agit pour nous de faire un état des lieux de la formation des personnels de santé avant 1893, c'est-à-dire avant le début officiel de la colonisation d’une part. D’autre part, nous verrons comment l’intervention de la médecine occidentale, celle du colonisateur (1893-1960) a bouleversé le monde médical ivoirien. 36 CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE TRADITIONNELLE SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES La Côte d’Ivoire étant un pays Africain, la première forme de médecine connue par les populations est sans aucun doute la médecine traditionnelle. Avant l’arrivée des « blancs », elle était la seule médecine vers laquelle les malades pouvaient se tourner. Elle était celle de toutes les populations et de toutes les classes sans exception. Elle a donc eu son heure de gloire et continue encore aujourd’hui de focaliser l’attention d’une grande partie de la population ivoirienne. La médecine traditionnelle est une expression assez vague désignant en général les pratiques de soins de santé anciennes et liées à une culture qui avaient cours avant l’application de la science aux questions de la santé par opposition à la médecine scientifique moderne officielle ou allopathie. A l’OMS, : « l’expression médecine traditionnelle » se rapporte aux pratiques, méthodes, savoirs et croyances en matière de santé qui impliquent l’usage à des fins médicales de plantes, de parties d’animaux et de minéraux, de thérapies spirituelles et d’exercices manuels -séparément ou en association- pour soigner, diagnostiquer et prévenir les maladies ou préserver la santé. La médecine traditionnelle participe de nos jours à la couverture de soins de santé. Cette médecine, nous pouvons la retrouver un peu partout dans le monde. Notons qu’en 1976 l’assemblée mondiale de la santé a sérieusement examiné la contribution de la médecine traditionnelle aux soins de santé communautaires. Le pays a vécu sa grande époque de médecine traditionnelle et même de nos jours, cette médecine est encore très appréciée des populations rurales mais aussi urbaines. 37 Selon l’OMS, 80% de la population noire africaine a recours à cette médecine. Ces populations se tournent vers elle soit parce qu’elles y croient vraiment ou par manque de moyens financiers. Comme toutes les médecines traditionnelles du monde, la médecine africaine est sacrée. C’est donc ce caractère sacré qui la conduit tout naturellement à traiter le malade, considéré dans sa totalité, dans l’unité que forment son corps, son âme, son esprit et pas seulement l’organe malade. Le caractère sacré se manifeste dans toutes les étapes de l’art médical et pharmaceutique. Le thérapeute se considère comme un intermédiaire entre le principe de vie d’ordre divin et le patient. Son rôle est d’orienter et de stimuler les forces de guérison du malade par l’accueil, l’écoute, les soins, les traitements, le réconfort, les prières et les encouragements. Dans cette section nous essayerons de montrer comment fonctionnait la médecine traditionnelle, son organisation, ses structures d’exercice. I - LES PERSONNELS TRADITIONNELS DE SANTE Avant l’intervention du colonisateur, la Côte d’Ivoire était divisée en deux sociétés, l’une animiste et l’autre musulmane. C’est sur cette base que se fondait aussi la médecine traditionnelle dans le pays. 38 A/ DANS LES SOCIETES ANIMISTES : SORCIERS, FETICHEURS ET GUERISSEURS La nation ivoirienne comme la majeure partie des pays africains a pendant de longues années donnée la primauté à la médecine traditionnelle. Avant l’arrivée du colonisateur et de sa médecine dite moderne avec des hommes vêtus de blanc, les Africains et plus particulièrement les ivoiriens selon leur origine se tournaient dans les sociétés animistes vers des sorciers ou féticheurs guérisseurs pour retrouver un certain mieux être en cas de souffrance physique et même morale. Ce médecin africain qu’on appelle tradipraticien est une autorité spirituelle, il soigne à la fois le corps avec des plantes et l’équilibre mental et familial au travers de rites et de croyances. La médecine et les croyances traditionnelles sont intimement mêlées, le tradipraticien se faisant très souvent aidé par les génies et les ancêtres. Ces médecins de l’époque étaient les intercesseurs auprès des puissances divines et infernales, dépositaires des connaissances ancestrales, à la fois hommes du diagnostic, prescripteurs et récolteurs des drogues végétales de son environnement, préparateurs et dispensateurs des remèdes.25 Le sorcier ou féticheur guérisseur prétend que diagnostics et traitements lui sont révélés exclusivement au cours de son curieux dialogue avec le fétiche qui lui indique la conduite à tenir pour chaque cas particulier. Nous devons aussi préciser que ces pratiques animistes avaient généralement lieu dans les régions forestières du pays. Aujourd’hui, de nombreux tradipraticiens désirent s’adapter à la médecine occidentale sans toutefois renier leur mode de pensée et leurs croyances traditionnelles. Dans nos Etats d’Afrique noire, l’on attribue très souvent à la sorcellerie la cause de beaucoup 25 Histoire de la médecine, de la pharmacie, collection dirigée par Jacques Poulet, Jean-Charles SOUMIA et Marcel MARTINY. Tome IV, Albin Michel, Laffont, Tchou, 31 mars 1973. P 371 39 de maux, la conception de la maladie et de la santé est différente de celle des pays occidentaux. Le soignant (guérisseur, sorcier ou féticheur) prend généralement en compte non seulement les aspects purement physique de la maladie, mais aussi sa dimension psychologique et même spirituelle, ce qui est loin de faire partie des priorités du médecin moderne qui considère que tout mal a une origine (qui n’est pas mystique) et que c’est à la science de permettre la guérison. Alors qu’il est impossible pour le guérisseur africain d’envisager de guérir une fracture ou des troubles nerveux sans un recours aux plantes, à des fétiches ou à des incantations magiques. Ces thérapeutes des régions forestières du pays demeurent des personnalités exceptionnelles incarnant et transmettant des savoirs occultes ancestraux. Dans le nord du pays dominé par la savane les populations se dirigeaient plutôt vers les marabouts. B/ DANS LES SOCIETES MUSULMANES : LES MARABOUTS Dans le nord de notre pays, la médecine traditionnelle avait pour principaux intervenants les marabouts. Ces derniers sont en fait des personnes ayant une certaine connaissance du coran, l’ensemble de leur savoir découle donc des préceptes de l’Islam. Un marabout est donc un homme ascète, se réclamant de l’islam ou du syncrétisme musulman. Considéré comme un saint et un sage, le marabout fait l’objet d’un culte populaire en Afrique du nord et sous d’autres formes dans toute l’Afrique. En Afrique sub-saharienne, les marabouts sont des personnes à qui l’on prête des pouvoirs multiples, sorte de shaman. Le marabout rétablit la santé ou l’ordre social à l’aide de talisman. En ce qui concerne la santé, le mal du patient pouvait être traité après un diagnostic révélé par les cauris lancés à répétition par le marabout ou 40 après le traçage dans du sable de figures géométriques. Contrairement au féticheur ou sorcier guérisseur qui a pour origine de son savoir un esprit puissant, une divinité cosmique, le marabout lui, tient son savoir de Dieu. C’est Dieu qui fera disparaître le mal du corps du patient s’il le veut, dans le cas contraire rien ni personne ne pourra sauver le malade. Le marabout pour guérir son patient, pouvait dans certains cas utiliser des versets du coran. Il recopiait sur une tablette certains versets du coran qu’il lavait ensuite. Le patient pour retrouver la santé devait boire le liquide résultant de ce mélange (Nansi djî : dans certaines sociétés musulmanes) et avoir en lui une partie du livre saint. Ainsi absorbés, ces versets coraniques devaient protéger l’individu du mal, du danger et de la maladie. Sorcier, féticheur et marabout en tant que premiers responsables de la santé de leurs concitoyens s’organisaient pour un bon fonctionnement de leur médecine. Ils avaient donc des « cabinets médicaux » où ils recevaient leurs patients. II - LES STRUCTURES D’EXERCICE A cette époque, nous étions bien loin des grands laboratoires avec tous les équipements qu’on a aujourd’hui. La Médecine dans la Côte d’Ivoire précoloniale était pratiquée dans différents endroits. Selon qu’on soit féticheur, sorcier ou marabout, la forêt et la savane sont les lieux principaux d’exercice de cette médecine. C’est là qu’on est le plus proche de la divinité ou de Dieu. La nature n’est-elle pas divine ? Les plantes et différentes herbes qui y poussent sont la base même de tous les remèdes de cette médecine. A côté de la nature, les cases dans les villages constituent les cabinets ou laboratoires de nos médecins. C’est en ces lieux que le praticien peut recevoir et examiner son malade. C’est aussi cet endroit qui donne un caractère 41 confidentiel au dialogue entre le patient et son médecin. Soigner un patient pouvait aussi être l’occasion d’effectuer un voyage de plusieurs jours dans la brousse ou la forêt. Selon les cas, le médecin traditionnel pouvait décider de garder son patient auprès de lui au village ou partir avec lui dans les bois afin d’être plus proche des esprits. En général, ce genre de voyage s’avérait utile lorsque, le médecin traditionnel connaissait l’origine du mal de son patient (exemple, envoûtement par un membre du village), il fallait dans ce cas éloigner le patient de la source de son mal pour mieux y mettre fin. Après avoir identifié les personnels et leurs structures, nous nous pencherons dès à présent sur la pratique même de la médecine traditionnelle et sa transmission au fil des ans de génération en génération. SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION Il est important de savoir comment s’exerçait la médecine traditionnelle et dans quelles conditions celle-ci pouvait être transmise aux générations futures. I- LA PRATIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE Les principaux domaines d’intervention des sorciers ou féticheurs guérisseurs et marabouts étant les empoisonnements, envoûtements et exorcismes, nous pouvons constater que la pratique de la médecine traditionnelle est totalement différente de celle de la médecine moderne. L’être en bonne santé en ce qui concerne la médecine traditionnelle est celui qui réalise un bon équilibre de ses forces vitales, alors que pour 42 la médecine moderne, la bonne santé est liée au parfait fonctionnement des organes vitaux. Les médecins traditionnels consulteront des souris, des cauris, des osselets, des sortes de marionnettes et bien entendu, des miroirs. Parmi les devins et clairvoyants aux miroirs, certains utiliseront une cuvette remplie d’eau. D’autres des miroirs de bazar qui serviront à faire apparaître les personnes désirées. Sous les croyances et pratiques fétichistes se dissimule un savoir certain. Il faut en effet reconnaître aux guérisseurs de grandes qualités de finesse et d’observation, une profonde perception des mentalités et du psychisme de leurs semblables, de même qu’une grande connaissance des propriétés des plantes, ce qui conduit à exercer une médecine psychosomatique et une phytothérapie souvent efficaces. En dehors des maux connus (plaies, dermatoses, parasitoses etc.…), les connaissances s’étendent sur trois plans : les maux à manifestations évidentes (anurie, diarrhées, paralysie etc.…), les maux caractéristiques de la pathologie générale et tropicale (d’une part, syphilis, ictères et jaunisse, blennorragie, variole, etc.…, d’autre part, trypanosomiases, bilharziose, kwashiorkor, paludisme. Pour le reste, la région abdominale constitue le siège des maladies inconnues et le traitement ici consiste à administrer un purgatif. Une fois préparé, le remède peut être administré par voie externe (la méthode qui consiste à faire pénétrer les médicaments à travers l’épiderme par des frictions, fomentations ou onctions) ou interne (l’administration par voie orale). Notons cependant que les actes chirurgicaux font partie du domaine médical Africain, en effet, deux types de chirurgie ont existé et continuent d’exister en Afrique : une chirurgie dite rituelle (mutilations dentaires, scarifications et même des autopsies pour découvrir la cause d’une mort) et une autre dite de circonstance (chirurgie réparatrice dans certains cas de furoncles, d’abcès ou de fracture). 43 Les médecins traditionnels ne sont donc pas démunis de moyens pour confectionner et administrer leurs médicaments, mais ils n’ont que des notions grossières sur les dosages et, par voie de conséquence sur la posologie qui est soumise à la loi des nombres (trois doses pour un homme, quatre pour une femme) et aux impératifs magiques ou religieux qu’à la logique.26 Mais le plus important pour les médecins traditionnels en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier, c’était de veiller à la pérennité de leur médecine. Pour ce faire, il fallait assurer la transmission du savoir aux plus jeunes qui à leur tour, un jour seront amenés à faire de même. II - LA FORMATION DES GENERATIONS FUTURES Le savoir des guérisseurs, féticheurs, sorciers et marabouts développé au sein d’une médecine sacerdotale s’est perpétué et enrichi de génération en génération telle une mémoire collective par l’oralité. L’Afrique étant berceau de l’humanité et terre d’origine de l’écriture, ce ne sont pas des salles de cours ou des amphithéâtres qui accueillaient les candidats au savoir, mais plutôt la forêt, la savane, la brousse, les cases et les mosquées qui servaient de lieu de transmission d’un message pour les uns et d’apprentissage pour les autres. L’initiation est une constante de la vie africaine. Elle commence à la circoncision et continue chez les adultes qui choisissent de devenir guérisseurs ou d’entrer dans les sociétés secrètes. Mais certaines personnes qui ne sont pas initiées ont quand même eu accès à la formation médicale traditionnelle. C’est le cas notamment du professeur 26 Histoire de la médecine, de la pharmacie, collection dirigée par Jacques Poulet, Jean-Charles SOUMIA et Marcel MARTINY. Tome IV, Albin Michel, Laffont, Tchou, 31 mars 1973. P 378. 44 Yvette PARES, médecin français27 qui résume en quelques mots sa formation : « la seule école qui soit, c’est la transmission de maître à disciple. Un maître vous choisit d’après vos aptitudes et ce qu’il juge bon en vous… l’enseignement de cette médecine est faite d’écoute, d’observation et de patience. Le maître après avoir cueilli une plante dit son nom, son utilisation et l’élève lui ne fait qu’écouter et observer ». Les médecins dans nos sociétés africaines désignaient en général de leur vivant celui ou celle qui devait les remplacer. C’était très souvent l’élève préféré, le fils bien aimé ou le petit fils toujours présent. Ces médecins qui étaient des personnes qui détenaient certains pouvoirs mystiques, savaient qui dans leur entourage pouvait les remplacer. Il n’y avait pas d’examen au sens moderne du terme et si examen il y’avait, c’était plutôt des démonstrations de sorcellerie afin de savoir qui assurerait le mieux l’héritage. L’héritier devait à travers son savoir-faire montrer au reste de la société que son maître était le meilleur. Il avait aussi la lourde tâche de veiller au bien être de la population comme le faisait si bien son prédécesseur. Il devenait ainsi par le jeu de la transmission du savoir mystique le nouveau garant de la bonne santé physique et psychique de toute la population. Une question nous vient à l’esprit : pouvait-on parler de l’existence d’un droit médical à cette époque ? A priori, il n’existait pas de droit médical au sens moderne du terme. Il existait tout de même un droit qui encadrait la pratique médicale traditionnelle. C’étaient les règles de droit qui régissaient la communauté qui posaient aussi les limites de la pratique médicale traditionnelle. Le féticheur, guérisseur ou le marabout qui abusait de son pouvoir ou violait certaines règles ancestrales ou coutumières pouvaient être sanctionné par les gardiens de la tradition pour mauvaise 27 Yvette PARES, médecin et chercheuse, anciennement responsable d’un institut en recherche bactériologique. Auteur de : « la médecine africaine, une efficacité étonnante, témoignage d’une pionnière » Edition Yves Michel, 2004. Membre fondateur de l’hôpital traditionnel de Keur Massar au Sénégal. 45 pratique. En effet, le médecin traditionnel n’était pas totalement libre de faire tout ce qu’il voulait. A l’époque déjà, il y’avait une certaine éthique à respecter. Mais pouvaiton réellement parler de droit des usagers face aux soins ? Nous pensons que non, étant donné que l’individu appartenait à la communauté et toute atteinte portée à ce dernier impliquait de facto toute la communauté. Mais de nos jours, quelle est la place du droit dans la médecine traditionnelle en Côte d’Ivoire ? Aujourd’hui, le constat est qu’il est urgent et même impératif d’encadrer les activités de la médecine traditionnelle. L’Etat ne peut plus ignorer l’impact de cette médecine au sein des populations. En Côte d’Ivoire, les médecines traditionnelles sont tolérées mais s’exercent dans un cadre où les droits des usagers ne sont pas énoncés. L’adoption d’une loi encadrant la pratique des médecines traditionnelles relève tout d’abord d’une exigence démocratique. Nous ne pouvons nous satisfaire d’un vide juridique dans un domaine qui concerne la vie de millions d’ivoiriens. Les nombreux tradipraticiens (on en dénombre officiellement 850028 aujourd’hui, mais nous pensons que ce chiffre est très en dessous de la réalité) qui exercent dans les villes et campagnes du pays peuvent être poursuivis pour exercice illégal de la médecine, mais encore faut-il qu’on attribue à leur pratique le statut de médecine au sens moderne du terme si on veut qu’elle tombe sous le coup de la loi moderne. C’est pourquoi, beaucoup de voix s’élèvent au sein de cette corporation, appelant à voter une loi. En plus de cela, la concurrence venue d’ailleurs, notamment la médecine traditionnelle chinoise n’est pas faite pour arranger les choses. Il faut absolument réguler le secteur, les tradipraticiens veulent un cadre réglementaire qui reconnaisse leur spécificité et leur compétence. 28 Notre Voie : Journées de la médecine traditionnelle- 5 millions de malades suivis et traités au pays par an. 1 septembre 2010. Zié Oumar COULIBALY. 46 Légiférer sur les médecines traditionnelles n’est pas un exercice facile. C’est pour cette raison qu’il faut comprendre le retard mis par les autorités ivoiriennes – malgré les efforts de rapprochement entre médecine traditionnelle et moderne ces dernières années- pour satisfaire à une exigence de l’OMS qui préconise l’intégration des médecines traditionnelles au système de santé. Mais pour ce faire, il faut que les tradipraticiens eux-mêmes soient disposés à faire partie du système de santé moderne. Il faut qu’ils soient reconnus par leur communauté comme travaillant par diverses techniques à la restauration, la préservation et la promotion de la santé. Ce sont leurs associations qui devront mettre en place les instances de légitimation de leurs savoirs afin que les autorités en tiennent compte. Comme la médecine moderne, les acteurs de la médecine traditionnelle devront aussi tomber d’accords sur un code d’éthique et de déontologie. Mais tout cela devra se faire sous le couvert de l’Etat, seul garant des institutions nationales. C’est donc à l’Etat de tout mettre en œuvre pour convaincre les tenants et les opposants à cette législation du bien fondé de l’intégration de la médecine traditionnelle au système de santé moderne, ce que les colonisateurs se sont toujours refusés à faire. Avec l’arrivée du colonisateur, les choses se sont mises à changer. Une nouvelle forme de médecine a vu le jour dans les différents territoires colonisés, notamment en Côte d’Ivoire. C’est l’avènement de la médecine moderne occidentale qui sonna d’une certaine façon un léger déclin de la médecine traditionnelle. 47 CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960 SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE Le colonisateur une fois installé entreprit de former des ivoiriens à la médecine occidentale. Il serait donc intéressant de savoir qui étaient ces personnels et quelle a été leur contribution à l’émergence de la médecine occidentale en Côte d’Ivoire. I - MEDECINS AUXILIAIRES, INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES Au début du XXème siècle, une fois les conquêtes achevées et la pacification en cours, la France décida de doter ses différentes colonies africaines dont la Côte d’Ivoire d’un système de santé. Les objectifs des autorités de la métropole étaient d’apporter aux indigènes les bienfaits et avantages d’une médecine curative. Il fallait donc mettre en place dans toutes les colonies des formations fixes de soins (hôpitaux, infirmiers, dispensaires). A/ LES MEDECINS AUXILIAIRES IVOIRIENS Répartis sur tous les continents pendant presque un siècle, les 6000 médecins et pharmaciens du corps de santé des troupes coloniales (entre 400 et 800 officiers sur le terrain de 1900 à 1960) ont formé des auxiliaires autochtones de niveaux de plus en plus élevés. Ce sont ces personnes qui ont permis de constituer des équipes médicales en Indochine, aux Antilles, en Océanie et bien entendu en Afrique noire. La 48 Côte d’Ivoire qui était l’une des principales colonies de la France a donc fourni une bonne partie de ce personnel. Différentes catégories de personnels autochtones ont donc été créées en Afrique subsaharienne. C’est ainsi que le corps des aides médecins indigènes a été mis en place par le gouverneur général de l’AOF29 Roume en 1906. Le médecin Africain appelé jusqu’en 1945 médecin auxiliaire, en général plus âgé (accès tardif à l’école) et plus expérimenté (plus grande connaissance et maitrise du terrain d’exercice) que le médecin métropolitain, de surcroît nouvel arrivant, le seconde dans toutes ses tâches. Il accompagne très souvent le médecin «blanc» au cours de ses différentes tournées ou au contraire reste au poste pour assurer le service pendant l’absence du «patron». Certains ont à charge la salle d’opération, d’autres une subdivision sanitaire autour d’un centre de santé rural. Leur entremise a été très précieuse en ce qui concerne la communication avec les populations, les chefs de village ou de canton. Mieux que les Européens, ils peuvent comprendre toutes les réticences des patients qui ne connaissent que la médecine traditionnelle. C’est vrai qu’à cette époque, la langue posait problèmes. Pour se faire comprendre des populations, les médecins occidentaux avaient besoin de l’aide de ces ivoiriens. Ils devaient aussi expliquer à leurs « frères et sœurs » le bien-fondé de cette médecine moderne qui vient de loin, cette tâche n’était pas facile. Parmi les plus illustres médecins auxiliaires ivoiriens, nous pouvons citer monsieur Félix HOUPHOUËT-BOIGNY (1905-1993) premier président de la Côte d’Ivoire (19601993), major de la promotion 1925. Ou encore monsieur Jean Appagny TANOE, médecin généraliste. Ancien ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France (1965-1978), 29 AOF : Afrique Occidentale Française. 49 major de la dernière promotion en 1953, formé par la suite à la faculté de médecine de Bordeaux. Vous conviendrez avec nous que ces médecins auxiliaires ne sont médecins que par le nom. La formation reçue ne faisait pas d’eux des médecins authentiques. On leur apprenait le minimum requis pour prendre en charge des patients ayant besoin de « petits soins ». Pour les cas les plus graves, les malades devait s’adresser aux véritables médecins, les français qui détenaient la science et le savoir médical au sens moderne du terme et le vrai pouvoir de décision. Ce sont ces derniers qui avaient pour mission de former et de diriger les différents corps médicaux indigènes composés d’infirmiers et de sages-femmes. B/ LES INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES A côté des médecins auxiliaires, le système de santé africain et ivoirien à l’époque coloniale comptait aussi des infirmiers et des sages-femmes. Les infirmiers, à très forte prédominance masculine, sont comme partout à travers le monde un rouage déterminant dans la marche du service de santé. Représentant 80 à 90% des personnels techniques qualifiés30, ils sont 8 à 10 fois plus nombreux que les médecins. Non contents d’assurer les tâches habituelles dites de « nursing » auprès des malades et blessés, ils ont des attributions beaucoup plus diversifiées et plus importantes qu’un infirmier en Europe. Responsables souvent de « postes médicaux de brousse », ils ont alors en charge plusieurs villages et quelques dizaines de milliers d’habitants. Ils assurent les soins et convoquent certains patients pour la tournée du 30 Amicale Santé Navale et Outre Mer : Le personnel autochtone dans le service de santé colonial, 2001-2005. 50 médecin, ils évacuent les autres au chef-lieu etc.… Ils surveillent les accouchements faits au village par les matrones. Avec eux, les sages-femmes ont en charge la maternité, les grossesses, les accouchements et leurs suites. A cela, il faut ajouter la gynécologie et le suivi des enfants à bas âge. On pouvait parfois retrouver au sein des maternités des capitales certaines sages-femmes européennes contractuelles. Mais toutes les autres villes et le milieu rural plus difficiles d’accès sont desservis par les sages-femmes autochtones. Maintenant que nous avons terminé de présenter les différents personnels de santé ivoiriens pendant la colonisation, nous pouvons dès à présent nous demander quelle a été leur contribution à la bonne marche du système de santé colonial en Côte d’Ivoire. Ces hommes et ces femmes ont-ils vraiment participé à l’introduction de la médecine moderne en Côte d’Ivoire ? Tout laisse croire que la contribution ivoirienne au système de santé colonial a permis à la médecine occidentale de prendre pied en Côte d’Ivoire. II - LA CONTRIBUTION IVOIRIENNE A LA BONNE MARCHE DU SYSTEME DE SANTE COLONIAL A/ UN RÔLE ESSENTIEL Les différentes catégories de personnel autochtone ont avec compétence et dévouement rempli leur mission. Non seulement, ils étaient de plus en plus nombreux mais ils étaient aussi déterminants dans le dispositif sanitaire. Ils ont apporté un second souffle à l’œuvre humanitaire du corps de santé colonial. En effet, dès le 51 milieu des années 1930, les médecins, les infirmiers et sages-femmes auxiliaires sont plus nombreux que les personnels médicaux Français. A la veille des indépendances, leur proportion est encore plus forte, ce qui permettra d’une certaine façon une passation de témoin plus facile. Les personnels médicaux des troupes coloniales pour s’imposer à l’estime et au dévouement de leurs collaborateurs africains doivent faire preuve de compétence et d’autorité, mais aussi de tact et de chaleur humaine. En retour, les africains ne manquent jamais sinon à de très rares exceptions près de tenir auprès du «patron» le rôle qu’il attend d’eux à l’hôpital ou sur le terrain. C’est cette proximité entre les médecins occidentaux et leurs « adjoints » africains qui a permis de réussir ce partenariat. B/ UN PARTENARIAT REUSSI Les médecins européens sont en grande majorité des militaires hors-cadre, aidés de quelques contractuels civils ; Les sages-femmes et des officiers d’administration sont très peu nombreux. Quant aux infirmiers français, bien qu’en nombre comparable à celui des médecins, ils ne représentent qu’un effectif réduit par rapport aux infirmiers africains qui servent à leur côtés. Par contre, «les praticiens africains» ; sont pour la plupart composés du personnel dit paramédical, des agents administratifs ainsi que des auxiliaires de service et des ouvriers autochtones. Dans l’ensemble, leur rapport au bon fonctionnement des services est déterminant. En particulier, les médecins africains sont souvent assimilés aux docteurs en médecine militaire. Si d’inévitables heurts ou malentendus se sont produits, ils ne portent pas ombrage au succès de l’enseignement. Il est incontestable 52 que la conjonction d’une part , de la présence prolongée sur place de tous ces autochtones de l’équipe médicale et d’autre part de l’identité de formation et conception des « médecins-chefs » qui se relaient tous les deux ou trois ans au rythme des «séjours coloniaux» a assuré la continuité et la qualité des services sanitaires coloniaux Français. Mais si les services sanitaires coloniaux ont continué dans le temps avec une certaine qualité, c’est bien parce qu’il y avait une structure de formation en amont qui permettait la production de personnels qualifiés. SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT Après des années de formation sans organisation concrète, l’administration coloniale décida de doter ses colonies d’une structure de formation où l’enseignement médical était beaucoup mieux organisé. I - LA STRUCTURE DE FORMATION : L’ECOLE DE MEDECINE DE DAKAR A/ LA CREATION L’expansion coloniale est décidée et engagée par la troisième république. Dans chaque territoire, le besoin de former un personnel paramédical autochtone ayant pour mission d’assister les médecins venus de la métropole est évident. Mais bien avant l’ouverture d’écoles officielles, les médecins de marine s’improvisent professeurs libres : en Inde, dès le début du XIXème siècle, une école de médecine est ouverte par ces derniers à Pondichéry en 186331. 31 Amicale Santé Navale et Outre Mer : Le personnel autochtone dans le service de santé colonial, 2001-2005. 53 Par contre, en Afrique et en Indochine, il faut prendre le temps d’enseigner la langue Française avant d’organiser des cours spécifiques. La réalisation de ce projet en Afrique noire sera soumise à différentes étapes étant donné que les pays de ce continent possèdent chacun plusieurs langues vernaculaires. Dans un premier temps, des aides quasi analphabètes sont recrutés pour accomplir des gestes ou actes uniques ; désinfecter une plaie, poser un pansement. Plus tard, au sortir de l’école primaire, les détenteurs du certificat d’études primaires peuvent recevoir des formations plus générales, de type infirmier pour les garçons et sagesfemmes pour les jeunes filles. Avec le temps, les taux de scolarisation et le niveau d’instruction s’étant élevés, il apparaît judicieux de créer une école de médecine. Le décret du 14 janvier 1918 crée donc l’école de médecine de L’AOF à Dakar32 au Sénégal. Cette école ouvrira ses portes le 1er novembre 1918 sous la direction de Le DANTEC. Elle portera le nom de Jules CARDE. Elle cessera de fonctionner en juillet 1953 sou le nom d’école de médecine William PONTY33 de Dakar. Cette école a été créée par le colonisateur pour atteindre certains objectifs en ce qui concerne le développement de la médecine dans les différentes colonies françaises d’Afrique noire. B/ RAISONS DE CREATION ET OBJECTIFS La nécessité et l’urgence sont à l’origine de la création de l’école de médecine de Dakar. La grande guerre venait de finir, le corps de santé colonial nouvellement crée, avait vu ses effectifs se réduire tant par l’affectation de beaucoup de ses officiers dans 32 Dakar, capitale de l’Afrique Occidentale Française en 1902 et du Sénégal dès 1958. Amédée William Merlaud-Ponty (1866-1915). Administrateur colonial français qui fut gouverneur général de l’AOF de 1908 jusqu’à sa mort à Dakar au Sénégal. 33 54 les troupes coloniales (et aussi la disparition des hommes au combat) que par l’effet des épidémies successives de fièvre jaune qui avait sévi dans ses rangs. Les péripéties ne faisaient que souligner en l’aggravant le déficit chronique en personnel du corps de santé colonial, en particulier pour les colonies d’Afrique dont la réputation d’inconfort et de danger éloignait des nouveaux promus. Le passage de la grippe dite «espagnole», la nouvelle menace de la peste au Sénégal et en Mauritanie rendaient l’appel à l’aide de plus en plus nécessaire. Le Dantec, Nogue, Robert et Lhuerre se mettent à l’ouvrage. Les étudiants en médecine sont donc choisis parmi les meilleurs éléments du Lycée William PONTY de Dakar. Le corps professoral quant à lui est sélectionné parmi les médecins coloniaux exerçant dans un premier temps pour la plupart dans les hôpitaux de Dakar et plus tard parmi les agrégés du corps. La durée des études est de quatre ans pour les médecins et les pharmaciens, trois ans pour les infirmiers et les sages-femmes. Ce temps réduit de formation nous permet en effet de constater l’urgence et la nécessité d’avoir des hommes et des femmes opérationnels sur le terrain afin de faire face aux importantes difficultés sanitaires de l’époque. La première promotion de ces « médecins auxiliaires » qui deviendront très vite les «médecins africains» verra le jour en 1922.34 II - L’ENSEIGNEMENT ET L’ORGANISATION MEDICALE L’école de médecine de Dakar était reconnue pour l’enseignement qui y était dispensé, mais aussi pour la qualité de son organisation médicale. 34 L’enseignement médical outre-mer au temps des colonies, Palimpseste 09-15 mars 1991, N° 361. 55 A/ L’ENSEIGNEMENT DISPENSE L’objectif de cette formation vise à insuffler aux élèves l’esprit de la médecine scientifique. Il faut enseigner les faits et non les mots : cela est pratiquement dû à l’urgence du besoin d’hommes sur le terrain. Les salles de cours et les laboratoires de formation sont dans le périmètre de l’hôpital, cette unité de lieu fait de ces écoles des centres hospitalo-universitaires (CHU) avant la lettre. Loin des contraintes et des traditions de l’université, dès l’ouverture, l’enseignement est orienté vers la pratique médicale ou pharmaceutique. L’équipe enseignante est en nombre restreint et exerce une médecine de même nature que celle que les étudiants seront appelés à exercer. Ce n’est pas le spécialiste de dermatologie ou d’endocrinologie qui enseigne sa spécialité, c’est plutôt le généraliste qui dispense ces matières, histoire de démystifier les spécialités et les rendre abordables à tous. C’est donc le professeur généraliste qui donne les cours théoriques et qui reçoit dans son service hospitalier les étudiants en stage. C’est ce que nous pouvons appeler l’enseignement direct ou plutôt l’enseignement intégré. Les choses se font de manière très pratique : le cours est donné au lit du malade, il n’est pas nécessaire de projeter des diapositives, l’illustration du propos est là, présent sous les yeux de l’étudiant. La pathologie observée à l’hôpital est celle que l’élève rencontrera tous les jours, à savoir la lèpre, la trypanosomiase, le paludisme, la dysenterie et autres maladies tropicales. Cet enseignement relève du « révolutionnaire » pour l’époque : en 1932-1933 à Dakar, l’enseignement d’amphithéâtre est supprimée et remplacée par un enseignement au lit du malade. Le contrôle des connaissances se fait par interrogations sur dossiers de malades préparés par les étudiants ayant pratiqué euxmêmes les examens complémentaires utiles. C’est ce type de formation que les 56 universités dans la quasi-totalité des pays ont perdu de nos jours, cette proximité entre enseignants, étudiants et patients. Et contrairement à ce que l’on peut croire ou imaginer, une fois sortis de l’école après leur formation, les étudiants ne restent pas sur le terrain avec leur quatre années de médecine en tête toute leur vie, déjà à l’époque, la formation médicale continue est pratiquée dans ces écoles. Le médecin auxiliaire peut après concours revenir au centre hospitalier attaché à l’école pour y suivre un stage de remise à niveau. A la fin de ce stage, s’il remplit les obligations, il est promu au grade de médecin principal. Au lendemain du second conflit mondial, les bacheliers sont nombreux et la formation médicale franchit le dernier palier. Cette formation relèvera de l’université et de l’éducation nationale Française. Les diplômes délivrés le sont par l’Etat. L’école préparatoire de médecine et de pharmacie de Dakar destinée à toute l’Afrique noire francophone assure les trois premières années d’enseignement, les trois suivantes se déroulant en métropole, à Bordeaux essentiellement. En 1958, l’école devient une école nationale de médecine et de pharmacie et en 1960, une faculté délivrant des diplômes de pleine équivalence avec ceux des facultés de médecine Françaises. Les médecins et pharmaciens coloniaux se trouvent sur place, jouent un rôle important dans les débuts de cet enseignement universitaire, en tant que chargés de cours ou vacataires. Plusieurs d’entre eux sont reçus à l’agrégation des universités Françaises et leurs élèves parmi lesquels des anciens de l’école africaine passent à leur tour les concours d’agrégation dans le but d’assurer la relève. Ces élèves pour atteindre un si bon niveau ont bénéficié d’un enseignement rigoureux et de qualité, mais il ne faut oublier l’organisation médicale au sein des colonies qui a permis d’atteindre ces objectifs. 57 B/ L’ORGANISATION MEDICALE Nous constatons un fonctionnement pyramidal de tous les services publics dans les territoires Français. Au sommet et à la tête des divisions ou principaux services, aux chefs-lieux des régions et des circonscriptions, dans les emplois requérant une spécialisation ou des diplômes et seulement à ces niveaux, des Français métropolitains. Ces derniers assurent les tâches de direction, d’orientation générale des services, de formation du personnel autochtone, du contrôle et de l’évaluation des activités etc.… progressivement, des personnels originaires des colonies ayant obtenu des diplômes et qualifications voulus occupent certains de ces postes dits « du cadre général ». Tous les autres personnels, de très loin les plus nombreux sont des autochtones africains. Allant des professionnels confirmés aux manœuvres, ils appartiennent aux cadres dits « commun supérieur fédéral » et « local » ou bien ce sont des auxiliaires, voire des journaliers. En conformité avec ce schéma, les médecins des troupes coloniales (en position hors cadre) ont à mettre sur pied et à faire fonctionner dans chaque colonie le service de santé. Ce service exclusivement civil dépend du gouverneur de la colonie et du ministère des colonies. Il n’a par contre aucun lien avec les autorités militaires du territoire sauf dans les hôpitaux ou dans les petites garnisons où les médecins dits hors cadre donnent leurs soins aux militaires malades. En Côte d’Ivoire, à la fin des années 50, les médecins et pharmaciens des troupes coloniales représentent à peu près 4% des personnels techniques sanitaires du territoire (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et infirmiers). 58 Les médecins des forces armées et les praticiens privés ne sont pas pris en compte dans cette gestion de la santé publique. Le service de santé compte d’autres rouages : cadres et personnels administratifs, aides-soignants, ouvriers et techniciens divers, ce sont exclusivement des africains. Ces agents africains de tout grade sont au sein de l’équipe médicale en contact étroit avec le médecin. Au cours des tournées rurales, ils vivent la même vie, se déplacent en convoi, se complètent dans le travail, se restaurent souvent du même menu, poussent ensemble le véhicule embourbé et s’exposent ensemble à mourir de peste ou de fièvre jaune. Le médecin ne peut être dissocié de ses collaborateurs. Après quelques épreuves vécues en commun, leurs relations réciproques sont forcément empreintes de sympathie, d’estime et d’affection. Au cours d’un siècle de médecine coloniale, le droit a-t-il eu une place ou un rôle majeur dans le système de santé ? De nombreuses dispositions législatives et réglementaires ont été prises durant la période coloniale. Elles visaient la protection sanitaire et sont intervenues surtout dans le contexte de la lutte contre les épidémies et ce qu’on a appelé et qu’on continue d’appeler encore, en milieu français les « fléaux sociaux ». La volonté d’une codification générale dans le domaine de la santé a été affirmée assez récemment, même dans la métropole, mais a été étendue aux colonies. Ainsi, ce n’est qu’en 1953 qu’a été publié le décret N° 53-1001 du 5 octobre 1953 portant codification des textes législatifs concernant la santé publique qui constitue le premier code de la santé en France35.Les dispositions des textes antérieurs, celles du code de la santé et celles de 35 Depuis 1953, date de la publication en France de la première version du code de la santé, le code a fait l’objet de révisions ininterrompues. En 1983 sortait la cinquième édition et en 2010 la 24ème , ce qui traduit des évolutions très rapides dans le domaine de la législation sanitaire. 59 tous les textes adoptés par la suite en métropole ont pour la plupart été rendus applicables dans les colonies selon des modalités spécifiques et restrictives. Les réglementations coloniales et post coloniales sont demeurées constantes jusqu’à une période très récente dans leur ignorance des droits des personnes soignées dans les structures sanitaires ou les professionnels de santé. Les codes de déontologie applicables aux personnels de santé précisent certes des devoirs et des obligations pour ceux-ci par rapport aux personnes soignées. Mais aucune évocation directe des droits des patients n’est faite. Nous supposons que le statut même du colonisé favorisait cette situation. Parce que, comment comprendre que certains juristes dans les pays du nord essayaient d’élaborer une définition des droits du patient et que cette démarche n’a eu aucun écho dans les colonies qui dépendaient de ces pays. Tout simplement parce que les populations colonisées d’Afrique, notamment de l’AOF n’avaient aucun droit. Alors comment définir un droit du patient pour quelqu’un qui n’a aucun droit ? Le colonisateur s’est donc contenté de réaliser que le strict minimum dans ses colonies. Les peuples colonisés une fois libérés devaient entreprendre de mettre en place les règles juridiques prenant en compte les droits des patients au cours des soins. Ce qui n’a pas été le cas, puisque malgré les éminents juristes formés pour les uns par le colonisateur et pour les autres par nos propres structures, nous nous sommes contentés de plagier des règles juridiques sans aucun rapport avec notre réalité nationale et que nous avons beaucoup de mal à appliquer. Après la médecine traditionnelle et la formation médicale sous la colonisation, il est temps pour nous de nous intéresser à la formation du personnel de santé depuis l’indépendance du pays en 1960. 60 TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE D‘IVOIRE MODERNE Nous commencerons par faire un état des lieux de la formation des médecins et agent de santé ivoiriens à travers leurs structures de formation et leurs personnels enseignants. Ensuite, nous relèverons et examinerons les problèmes liés à la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. 61 CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS DES MEDECINS ET AGENTS DE SANTE L’OMS définit les personnels de santé comme étant tous ceux dont les activités principales ont pour but d’améliorer la santé. Ce sont notamment toutes les personnes qui fournissent des services de santé - médecins infirmiers, pharmaciens, techniciens de laboratoire – ainsi que les personnels administratifs et d’appui tels que les agents financiers, les cuisiniers, les chauffeurs et les agents d’entretien. A l’échelle mondiale, on compte 59,8 millions de personnels de santé. Environs deux tiers d’entre eux (39,5 millions) assurent des services de santé. Le dernier tiers (19,8 millions)36 étant constitué de personnel administratif et d’appui. Sans eux, ni la prévention, ni le traitement des maladies, ni les progrès en matière de soins de santé ne sauraient arriver jusqu’à ceux qui en ont besoin. SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE Ici, ce sont la structure de formation et la formation universitaire dispensée aux étudiants en médecine qui retiendront notre attention. I - LIEU DE FORMATION : LA FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN Dans la plupart des pays du monde, la formation des médecins se fait au sein d’universités, plus précisément par les facultés de médecine qui sont aussi appelées unité de formation et de recherche. Ces entités sont les seules habilitées à délivrer un 36 Les chiffres sont ceux de l’année 2009 selon l’OMS. 62 programme national de formation de médecins selon les règles académiques internationales. Dans d’autres pays, ces facultés portaient le nom d’école de médecine comme ce fut le cas de la Côte d’Ivoire à la veille et juste après l’indépendance ou de cuba où ce qualificatif est toujours utilisé pour désigner les facultés de médecine. La faculté de médecine d’Abidjan a donc hérité concernant la formation des médecins d’un système mis en place par les autorités coloniales de l’époque. Les nouvelles autorités Ivoiriennes ont essayé de transformer et adapter l’ancienne école de médecine aux réalités ivoiriennes. Mais cette transformation à certains niveaux ne s’est pas faite comme il se devait. Selon nous, il ne devait pas s’agir de reproduire, de copier ou de maintenir systématiquement tout ce que le colonisateur avait instauré. Il s’agissait pour la jeune nation d’apporter en ce qui concerne son organisation et le contenu de la formation des éléments nouveaux en rapport avec l’évolution de sa société, des changements qui devaient tenir compte des mentalités des personnes appelées à dispenser les enseignements mais aussi de celles des personnes qui étaient sensées les recevoir. Nos autorités ont voulu dès le départ s’aligner sur le modèle français sans tenir compte de certaines réalités qui nous rattrapent aujourd’hui et dont nous avons beaucoup de mal à corriger. Nous essayerons dans notre travail de recherches de faire la part des choses entre ce qui a été fait et ce qui peut être fait pour redynamiser une institution en perte réelle de vitesse. La faculté de médecine occupe une place très importante dans les universités. C’est la particularité des études qu’elle organise qui lui confère ce rôle important. La faculté de médecine est en lien étroit avec les hôpitaux, auxquels elle confie des missions d’enseignement et de recherche. De par la pratique journalière de ses diplômés, la faculté dialogue avec les responsables 63 de la santé et les associations professionnelles. La spécificité de sa mission, la forte implication de ses enseignants dans les activités cliniques, explique sa localisation souvent à proximité des hôpitaux, à distance des autres facultés. Ceci lui confère une certaine autonomie et donc entraîne des responsabilités souvent importantes pour ses dirigeants. A/ CREATION, OBJECTIFS ET ORGANISATION 1) CREATION ET OBJECTIFS La faculté de médecine, ancienne école de médecine de l’université d’Abidjan est un établissement de l’université nationale de Côte d’Ivoire crée et organisé par le décret n° 66-134 du 16 avril 1966, modifié successivement par le décret n° 72-209 du 15 mars 1972 et la loi 77- 333 du 1° juin 1977.37 La faculté de médecine d’Abidjan est depuis août 1996 une unité de formation et de recherche de l’Université de Cocody (l’Université de Cocody a été créée en août 1996 par scission de l’Université nationale de Côte d’Ivoire) Cette faculté ainsi créée a pour mission dans le domaine de la médecine d’assurer la formation initiale et continue, de promouvoir la recherche scientifique et technologique et pourvoir à la diffusion de l’information scientifique et technique. Elle doit en outre participer à l’amélioration de l’état de santé des populations à travers le développement de la coopération interrégionale et internationale. Pour accomplir ses missions, la faculté a été organisée en départements d’enseignement et de recherche et comprend différents organes. 37 Règlement intérieur de la faculté de médecine. 64 2) L’ORGANISATION On distingue donc les départements d’enseignement et de recherche et les différents organes. a- Les départements d’enseignement et de recherches Les activités d’enseignement et de recherche de la faculté se déroulent au sein des départements. Le département est un organe de réflexion et proposition. Il assure la coordination et l’évaluation des enseignements, règle les problèmes pédagogiques, évalue les besoins humains et matériels nécessaires à sa mission. Nous avons donc trois grands groupes de départements subdivisés en plusieurs petits départements. - Le département des sciences cliniques Le département des sciences cliniques est le premier des grands groupes de département et il comprend 14 subdivisions, à savoir les départements d’anesthésieréanimation , cancérologie, maladies du cœur et des vaisseaux, dermatologie, vénérologie, maladies de l’appareil digestif, endocrinologie et maladies métaboliques, maladies de la face (ophtalmologie-ORL, stomatologie), imagerie médicale, néphrourologie, maladie du système nerveux, maladie de la mère et de l’enfant (gynécologie obstétrique et pédiatrie), maladies des os et articulation (orthopédie, rhumatologie), maladies de l’appareil respiratoire et pour terminer les maladies infectieuses et tropicales. Notons cependant que les services de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle sont rattachés au département des maladies des os et articulations et ceux de la médecine d’urgence sont quant à eux rattachés au département d’anesthésie et réanimation. 65 - Le département des sciences fondamentales et biocliniques Ce grand bloc comprend 7 départements qui sont : l’anatomie, l’anatomie cytopathologie et cytogénétique, la biochimie, l’immunologie-hématologie, la microbiologie (bactériologie, virologie, parasitologie), la pharmacologie et enfin la physiologie. Ici aussi, nous pouvons constater que le service de biophysique est rattaché au département d’imagerie médicale et celui de la médecine légale est associé provisoirement à celui de l’anatomie-cytopathologie et cytogénétique. - Le département de la santé publique Ce département couvre les 6 domaines suivants, à savoir, l’économie et système de santé, le droit médical, l’épidémiologie, l’hygiène, la médecine du travail, la nutrition et la santé communautaire (PMI38, santé des jeunes etc.…) On lui a aussi associé d’autres services tels que les mathématiques et la bio statistique. Ces différents départements ont chacun à leur tête un chef élu en son sein parmi les enseignants de rang A au scrutin majoritaire à deux tours. A égalité de voix au second tour, est déclaré élu le candidat le plus ancien dans le grade le plus élevé. La durée du mandat est de 2 ans renouvelable. Le chef de département établit chaque année un rapport d’activités et de politique générale soumis à l’assemblée de faculté. A côté des départements, les organes de la faculté permettent de former l’ossature même de cette structure. 38 PMI : protection maternelle et infantile 66 b- Les organes Trois grands organes au sein de la faculté de médecine : l’assemblée de faculté, les conseils et les commissions. - L’assemblée de faculté L’assemblée de faculté est l’organe délibérant unique de la faculté de médecine selon l’article 21 du décret n°66-134 du 16 avril 1966. Cette assemblée comprend : le doyen de la faculté qui en est le président, les professeurs, les maîtres de conférences, deux maîtres assistants élus par leurs pairs pour une durée de 2 ans renouvelables, trois assistants élus par leurs pairs pour 2 ans renouvelables également. L’assemblée est compétente sur tout ce qui concerne l’administration de la faculté de médecine conformément aux statuts de l’université. En particulier, elle examine et statue sur les questions ayant directement un lien avec l’organisation de la faculté. Elle vote le budget, repartit les crédits alloués à la faculté et établit les propositions conférant l’honorariat. Elle veille au respect des obligations statutaires de l’ensemble des personnels. Enfin, elle donne au doyen mission d’appliquer ses décisions et d’agir au mieux des intérêts de la faculté. - Les conseils de faculté : les organes d’exécution et de propositions. Les conseils de faculté sont composés de différents « sous conseils », à savoir le conseil décanal, le conseil scientifique et le conseil de gestion. Le conseil décanal se compose du doyen et de trois assesseurs. Le doyen est élu par l’assemblée et nommé par décret pour une période de 3 ans. Son mandat est renouvelable immédiatement une seule fois. Il est choisi parmi les professeurs et maîtres de conférences ivoiriens de la faculté. Sa prise de fonction doit intervenir au 67 plus tard 30 jours après son élection. Les assesseurs sont élus parmi les professeurs et maîtres de conférences et nommés par arrêté rectoral pour une période de 3 ans renouvelables. Le conseil décanal est l’organe qui donne les pleins pouvoirs au doyen afin qu’il agisse au nom de la faculté, la représente et veille sur ses intérêts, selon l’orientation définie par l’assemblée de faculté. Le doyen assure donc l’administration et la police de la faculté, il veille à l’observation des lois et règlements et institutions. Il suit l’exercice régulier des cours, conférences et examens. Il rend compte de tous les problèmes de sa faculté au recteur / président de l’université. - Le conseil scientifique quant à lui est un organe consultatif. Sa mission principale est de favoriser le développement de la recherche en mettant en œuvre tout ce qui est susceptible d’augmenter quantitativement et qualitativement la production scientifique des enseignants de la faculté .Le conseil scientifique fait des propositions à l’assemblée, aux départements et commissions sous couvert du doyen sur des questions scientifiques et pédagogiques. Ce conseil peut solliciter l’avis de personnes extérieures à la faculté. Chaque année, le conseil scientifique établit un rapport d’activités et de politique générale soumis à l’assemblée de faculté. - Le conseil de gestion C’est un organe consultatif qui est chargé d’assister le doyen dans la gestion administrative et financière de la faculté. Il doit donc recueillir les besoins, fixer les priorités, définir la politique d’équipement et de fonctionnement. Il doit en outre proposer un programme pluriannuel d’exécution. Il comprend le doyen (président), les assesseurs et cinq membres élus par l’assemblée. - Les commissions : cellules de réflexion et de propositions 68 Les commissions sont des cellules de réflexion et de proposition chargées d’étudier des problèmes d’ordre général communs aux départements. La commission est composée de membres statutaires et de personnes extérieures choisies pour leur compétence. Chaque commission élit en son sein un bureau comprenant un président, un secrétaire et un rapporteur pour un mandat de 2 ans renouvelable. Le président de commission est membre de droit du conseil scientifique. On distingue donc cinq commissions : La commission pédagogique chargée de la mise en œuvre de la politique pédagogique définie par l’assemblée, elle supervise les activités de la bibliothèque et de la cellule audiovisuelle et informatique de la faculté. Elle veille à la qualité de l’enseignement et la régularité des cours magistraux qui doivent être dispensés par les enseignants de rang A. La commission des examens, des concours et des thèses qui statue en première instance sur la validité des candidatures et les transmet avec avis au conseil scientifique. Elle veille en collaboration avec l’administration à la régularité dans le déroulement des examens, concours et soutenances de thèses organisées par la faculté. Elle procède aussi au recensement et à l’évaluation des résultats et elle est enfin chargée en collaboration avec la commission de pédagogie de procéder aux adaptations nécessaires du contrôle des connaissances. La commission des enseignements post universitaires, qui se charge d’organiser, coordonner et évaluer l’ensemble des enseignements post universitaires, notamment les certificats d’études spéciales (CES), les diplômes d’université (DU) et la formation médicale continue. La commission hospitalière et d’éthique médicale subdivisée elle-même en deux sous commissions dont la première est la sous-commission hospitalière 69 chargée d’établir la nécessaire liaison d’une part entre la faculté et l’hôpital, d’autre part entre la faculté et le ministère de la santé. Elle est donc chargée à ce titre d’organiser et d’évaluer les stages hospitaliers, elle émet des avis techniques concernant le recrutement des personnels hospitaliers et veille à l’adéquation des structures, conformément aux impératifs de formation. Quant à la deuxième souscommission, elle est chargée de l’éthique médicale et statue sur tout acte portant atteinte à l’honorabilité de la profession, commis par un membre de la faculté. Elle agit conformément aux prescriptions du code de déontologie et des déclarations d’Helsinki et de Tokyo sur l’éthique médicale. La commission électorale et statutaire est la dernière, elle a pour mission d’organiser les différentes élections prévues, de veiller à l’application des textes et règlements en vigueur à la faculté. Textes et règlement qui doivent absolument être respectés par tous les étudiants mais aussi par l’ensemble du personnel enseignant. B/ LE PERSONNEL ENSEIGNANT En ce qui concerne les enseignants, nous avons d’une part le personnel enseignant de la faculté de médecine et d’autre part le personnel enseignant des établissements associés 1) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DE FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN Le personnel enseignant de la faculté de médecine comprend des professeurs titulaires, des professeurs à titre personnel, des professeurs sans chaire, des maîtres 70 de conférences et des maîtres de conférences agrégés.39La Côte d’Ivoire dispose aujourd’hui de 83 professeurs titulaires de médecine et de 76 maîtres de conférences agrégés.40 Ils ont pour collaborateurs des maîtres de conférences suppléants, des maîtresassistants, des chefs de travaux pratiques, des assistants, des attachés, des moniteurs et des techniciens.41 La Côte d’Ivoire ayant hérité de l’organisation du système éducatif et universitaire Français, l’on constate que le statut administratif et la procédure de nomination de ces personnels obéissent aux mêmes règles que celles en vigueur dans la législation Française et ce dans les conditions et selon les modalités prévues par les accords et conventions de coopération. Notons que pour les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chefs de travaux, l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de maîtres de conférences est exigée pour les premiers et pour les seconds, on exige une inscription sur les listes d’aptitudes correspondantes. Si des candidats présentés à ces postes par la Côte d’Ivoire ne sont pas ivoiriens, mais disposent de diplômes français, l’université d’Abidjan demandera leur classement par la procédure des concours d’agrégation en fonction des postes vacants dans le pays. A côté de ces personnels enseignants de la faculté, nous avons aussi certains enseignants appartenant aux établissements associés. 39 Décret n° 66-134 du 16 avril 1966 portant organisation de l’université et des enseignements supérieurs. Source : Faculté de médecine d’Abidjan. 41 Ibid. 40 71 2) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DES ETABLISSEMENTS ASSOCIES Les établissements associés, ce sont les centres de recherches, les instituts de formation, les écoles spécialisées etc.… Les enseignants de ces établissements sont dans un premier temps les mêmes que ceux qui exercent au sein de la faculté de médecine et ensuite nous avons des chargés d’enseignement, des personnels d’enseignements spécialisés ou techniques, recrutés conformément au statut de ces établissements. Le recrutement et le statut des chargés d’enseignement seront fixés par référence à l’échelle des titres et fonctions universitaires, sur la base des équivalences entre les titres techniques et les titres universitaires. Cette équivalence est établie d’un commun accord entre le gouvernement Ivoirien et le gouvernement Français. Il en est de même pour toutes nominations et mutations des personnels. Le personnel enseignant universitaire en général et celui de la faculté de médecine en particulier bénéficie des libertés et franchises traditionnelles nécessaires à l’exercice de ses fonctions d’enseignement supérieur. Comme nous l’avons déjà dit, tout manquement au règlement intérieur émanant des enseignants est passible de sanctions conformément aux décrets et lois en vigueur (conseil de discipline).42Toutes ces mesures ont pour but de favoriser une formation universitaire de qualité. II - LA FORMATION UNIVERSITAIRE Le cursus de formation et les diplômes préparés par cette structure sont en général identiques à ceux de l’Enseignement Supérieur français. Les enseignements sont 42 Décret n° 77-907 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des personnels enseignants et de recherche de l’enseignement supérieur. 72 dispensés pratiquement dans toutes les matières médicales. Le déroulement des études est organisé en cycle selon un rythme semestriel. Le nombre, la nature et la durée des cycles sont les mêmes qu’en France. Le système d’évaluation de ces apprentissages permet une capitalisation des acquis. Chaque cycle conduit à la délivrance de diplômes nationaux sanctionnant les connaissances ou les éléments de qualification professionnelle acquis. L’accès des différents cycles est fonction des critères d’admission et des capacités d’accueil de la structure de formation. La réforme pédagogique des universités a introduit le système des unités de valeur. Il s’agit d’un découpage des enseignements et des apprentissages en petites étapes progressives présentant chacune une cohérence scientifique et pédagogique et répondant à un objectif particulier d’un programme de formation. Nous verrons ici la formation des étudiants hospitaliers d’une part et d’autre part, nous examinerons celle des internes en médecine du CHU. A/ LA FORMATION DES ETUDIANTS HOSPITALIERS 1) DE L’APPRENTISSAGE A LA PRATIQUE La formation des étudiants hospitaliers se déroule simultanément sous l’autorité du personnel médical et sous la surveillance des internes. a- Une formation sous l’autorité du personnel médical et la surveillance des internes. En Côte d’Ivoire, les autorités ont adopté au début des années 90, le système du tronc commun qui consiste à mettre ensemble les étudiants de 1ère et 2ème année de 73 pharmacie et de médecine. Les étudiants de ces deux filières suivent les mêmes enseignements généraux et après les deux premières années ils rejoignent par concours soit la faculté de pharmacie soit la faculté de médecine. Le tronc commun permet donc de procéder à la sélection des étudiants en gardant les meilleurs et en limitant le nombre trop élevé d’étudiants dans ces différents départements. Le système du tronc commun correspond en quelque sorte au numerus clausus institué en France depuis 1971pour les étudiants admis en seconde année d’études. A l’instauration du numerus clausus, 8588 étudiant pouvaient espérer entrer en PCEM2 (deuxième année du cursus). Ce chiffre était de 3500 en 1998, il s’agit là d’une volonté gouvernementale de maîtrise de la démographie médicale.43 Depuis donc sa mise en place, le numerus clausus a été progressivement abaissé de 8588 étudiants en 1972 à 3583 en 1998.44 A partir de la deuxième année du deuxième cycle des études médicales, les étudiants en médecine participent à l’activité hospitalière pendant six semestres, durant lesquels ils portent le titre d’étudiant hospitalier. Ils sont sous la responsabilité du personnel médical -médecin, chirurgien, spécialiste ou biologiste- et sous la surveillance des internes. Ces étudiants exécutent des tâches qui leur sont confiées par les responsables du service dans lequel ils ont été affectés lors des visites et consultations externes, des soins et des interventions, des examens cliniques, radiologiques ou biologiques. Ils peuvent exécuter des actes médicaux de pratique courante, sont chargés de la tenue des observations et sont associés aux services de garde. Ils participent aux entretiens portant sur les dossiers des malades et suivent les enseignements dispensés à l’hôpital. 43 Pierre LACHEZE-PASQUETY, Didier STINGRE, l’Administration de l’hôpital. Edition Berger-Levrault, administration nouvelle, septembre 1999. P120. 44 Marc DURIEZ, Pierre-Jean LANCRY, Diane LEQUET-SLAMA et Simone SANDIER. Le système de santé en France. PUF/ Que sais-je ? Mai 1999. P 31. 74 Ces étudiants évoluent dans les différents services des CHU, le cas échéant, dans des services analogues d’autres hôpitaux, organismes de soins ou de préventions publiques. b- L’affectation dans les services Ce sont les services du ministère de la santé et du ministère de l’éducation nationale qui déterminent les services d’affectation, la durée d’affectation, le nombre d’étudiants pouvant être affectés dans chaque service compte tenu des besoins hospitaliers des demandes du doyen de la faculté de médecine dans la limite compatible avec l’intérêt et le respect des patients. Les étudiants en médecine peuvent être affectés dans différents services compte tenu bien entendu des enseignements cliniques et pratiques dispensés à l’hôpital. L’affectation doit tenir compte des connaissances acquises par les étudiants. Cependant, avant toute affectation l’étudiant doit justifier par un ou plusieurs certificats médicaux adressés aux doyens qu’il remplit les conditions exigées par la réglementation en vigueur relative à l’immunisation obligatoire de certaines personnes contre certaines maladies. Une fois affecté, l’étudiant est soumis au règlement intérieur de l’établissement d’affectation qui précise notamment ses obligations à l’égard des malades, du personnel médical et de l’administration hospitalière et doit répondre présent à son poste. Le chef de service d’affectation veille au bon déroulement de la formation de l’étudiant, et est même appelé à formuler son appréciation sur le travail et le comportement de celui-ci. 75 L’appréciation ainsi rédigée est transmise au doyen de la faculté de médecine qui va la consigner dans le dossier hospitalier de l’intéressé. Cette appréciation sera prise en compte par l’autorité universitaire compétente pour la validation de son activité hospitalière. Si l’on perçoit une certaine défaillance chez l’étudiant, ce document peut mentionner la nécessité d’un stage complémentaire obligatoire et non rémunéré à effectuer avant la validation du deuxième cycle de ses études médicales. Dans certains cas, lorsque l’étudiant ne peut pas participer à l’activité hospitalière, le recteur/président de l’université et le directeur général de la santé publique sur proposition du doyen de la faculté de médecine et directeur du centre hospitalier universitaire en accord avec le chef du service de formation et des professions médicales et paramédicales, peut décider qu’au cours des deux premiers semestres de la deuxième année du second cycle que l’étudiant participe partiellement à l’activité hospitalière. Enfin, nous devons noter que l’étudiant affecté ne peut rester plus de deux fois de suite dans le même service et que la durée de l’affectation dans un même service ne peut excéder douze mois. 2) DISPOSITIONS STATUTAIRES ET GENERALES a- Le régime disciplinaire En cas d’infraction disciplinaire commise par lui à l’intérieur de son établissement d’affectation (hôpital ou organisme etc…), l’étudiant déjà soumis au règlement 76 intérieur de la faculté de médecine peut être traduit devant le conseil de discipline45 à un régime disciplinaire applicable aux étudiants. Le directeur de l’établissement en avertit le doyen de la faculté de médecine mais peut de son propre chef exclure de son établissement tout étudiant dont la présence est nuisible au bon fonctionnement du service. Dans ce cas, il doit en informer le doyen de la faculté de médecine en vue d’un examen conjoint de la situation. b- Rémunérations et attributs Les étudiants hospitaliers perçoivent une rémunération annuelle dont le taux est fixé par arrêté conjoint des ministres de la santé publique, de l’éducation nationale, de la fonction publique et du ministre de l’économie et des finances en plus des prestations familiales accordées aux étudiants. C’est le ministre de la santé publique qui définit les modalités de versement de la rémunération et des charges sociales liées à l’activité hospitalière de l’étudiant en médecine. Ils ont droit à un congé annuel d’un mois en cas de maladie ou d’infirmité dûment constatées les mettant dans l’impossibilité d’exercer leurs fonctions. Ils bénéficient d’un congé d’un mois maximum pendant lequel ils perçoivent la totalité de leur rémunération puis d’un autre mois où ils ne perçoivent que la moitié de leur rémunération. Dans tous les cas, ils conservent leurs droits à la totalité des prestations familiales. Avant d’étudier la situation des étudiants internes en médecine du C H U, nous devons préciser que le recrutement des externes dans les hôpitaux d’Abidjan ne se 45 Décret n° 77- 908 du 05 novembre 1977 portant régime disciplinaire des étudiants 77 fait plus en Côte d’Ivoire car ces derniers bénéficient des mêmes conditions d’accès et de formation que les étudiants hospitaliers. Mais au terme de leur troisième année de fonctions effectives, ils conservent leur droit au titre d’anciens externes des hôpitaux d’Abidjan. 78 B/ LA FORMATION DES INTERNES EN MEDECINE DU CHU Ici notre démarche sera axée autour du mode de recrutement des internes et leur nomination au titre d’interne des hôpitaux d’Abidjan. 1) LE RECRUTEMENT DES INTERNES Nous verrons successivement les conditions du recrutement, les épreuves du concours et la composition et le mode constitution du jury. a- Les conditions du recrutement En Côte d’Ivoire comme en France, les internes c'est-à-dire les étudiants attachés à un hôpital sont recrutés par concours, sur épreuves écrites anonymes, organisé annuellement à Abidjan par le directeur général de la santé publique en liaison avec le doyen de la faculté de médecine. En France, avant 2002 c’était le directeur régional des affaires sanitaires et sociales qui était chargé de l’organisation des concours d’internat selon les régions. Mais depuis la loi du 17 janvier 2002 dite de modernisation sociale, il y’a deux concours d’internat, l’un pour la zone nord et l’autre pour la zone sud. Le directeur de la santé publique détermine pour chaque concours le nombre de postes à pourvoir, il fixe la date des épreuves et celle de la clôture des inscriptions. Ces différentes dates doivent être annoncées au moins trois mois à l’avance par affichage au ministère de la santé publique et dans les établissements composant le centre hospitalier universitaire. La liste définitive des candidats autorisés à concourir est elle aussi arrêtée par le directeur de santé publique. 79 Tous ces candidats sont généralement issus de la faculté de médecine, ce sont les externes des hôpitaux et les étudiants hospitaliers justifiant de onze (11) mois de fonction effective. Le dossier du candidat qui est adressé par voie hiérarchique au directeur général de la santé publique comporte comme pour celui des étudiants hospitaliers un certificat médical d’aptitude établi par un médecin du CHU prouvant que ce dernier remplit les conditions exigées par la réglementation en vigueur relative à l’immunisation obligatoire de certaines personnes contre certaines maladies. Les candidats sont soumis à une condition de délai qui stipule qu’ils ne peuvent se présenter aux concours organisés que dans la limite de trois années qui suivent la date à laquelle ils remplissent les conditions. Ce délai peut être prolongé de la durée pendant laquelle les intéressés ont été empêchés de se présenter du fait soit de l’accomplissement de leurs obligations militaires soit d’un congé de maladie d’au moins six (6) mois consécutifs46. La Côte d’Ivoire bénéficiant d’une certaine notoriété en matière de formation des personnels médicaux dans la sous région ouest Africaine, il est tout à fait normal que certains candidats étrangers se présentent au concours d’internat du CHU d’Abidjan. Pour le faire, ils doivent remplir les conditions de candidature exigées par les textes pour les candidats de nationalité ivoirienne. Mais, les étrangers ne peuvent jouir que de 20% des postes d’internes mis au concours. Ils subissent les mêmes épreuves et sont classés de la même façon que les candidats ivoiriens et seront déclarés admis en même temps que les internes étrangers ayant obtenu un nombre de points au moins égal à celui obtenu par le dernier des candidats ivoiriens déclarés admis. Mais pour être déclaré admis, il faut passer des épreuves dont nous allons à présent définir la nature, la durée et la cotation. 46 Article 20 du décret n° 71-09 du 20 janvier 1971 relatif aux fonctions hospitalières des étudiants en médecine. 80 b- Les épreuves du concours : la nature, la durée et la cotation Les candidats devront passer cinq épreuves, à savoir, la pathologie médicale, la pathologie chirurgicale, la biologie, l’anatomie et l’épreuve de connaissances multidisciplinaires qui regroupe quatre questions de pathologie médicale, trois questions de pathologie chirurgicale biologie.47 Toutes ces épreuves sont notées sur 20 et le zéro attribué à une des cinq épreuves est éliminatoire. C’est le jury qui procède au choix des épreuves par tirage au sort dans le programme des matières sur lesquelles peuvent porter les épreuves du concours. En vue de préserver l’anonymat des épreuves, la lecture des copies est faite devant le jury ou la section compétente du jury par des lecteurs désignés par le président du jury parmi les internes en exercice du CHU. Les séances de lecture ne sont pas publiques, mais toute fois, un fonctionnaire désigné par le directeur de la santé publique assiste aux séances et veille à la régularité de leur déroulement. A l’issue donc de la lecture et de la correction des épreuves et avant la levée de l’anonymat, le jury réuni en assemblée plénière peut compte tenu de la valeur des épreuves décider après délibération de la note moyenne nécessaire pour es candidats soient déclarés aptes à être nommés internes. Pour cela, il faut que le jury ait déclaré définitivement admis les candidats classés dans la limite des postes à pourvoir. c- La composition et le mode de constitution du jury Le jury est composé de trois (3) médecins pour juger l’épreuve de pathologie médicale et les quatre questions de pathologie médicale. Ensuite, nous avons trois chirurgiens 47 Arrêté n° 11 MSP ; CAB du 29 janvier 1971 relatif aux conditions d’organisation du concours d’internat en médecine du CHU d’Abidjan. 81 pour l’épreuve de pathologie chirurgicale et les trois questions de pathologie chirurgicale ou obstétricale. Pour terminer, deux (2) biologistes se penchent sur l’épreuve de biologie et les deux questions de biologie. Concernant l’épreuve d’anatomie, ce sont les trois médecins qui interviennent. Les spécialistes peuvent quant à eux être rattachés soit aux chirurgiens soit aux médecins pour la constitution du jury. Ces différents membres du jury sont désignés pour chaque concours par voie de tirage au sort parmi les médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes, chefs de service ou non chefs de service du CHU d’Abidjan. Ils doivent être également professeurs ou maîtres de conférences agrégés à la faculté de médecine. A la suite de ces membres « titulaires », un ou plusieurs membres suppléants sont désignés dans les mêmes conditions. Ces derniers sont appelés à remplacer le membre dit titulaire récuser par le directeur du CHU parce que ayant un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au quatrième degré avec un autre membre du jury désigné avant lui ou avec l’un des étudiants candidats. Toutefois, sauf récusation ou empêchement de force majeure, les fonctions de membre du jury sont obligatoires. Terminons en disant que la présidence du jury est exercée par le membre du jury appartenant au corps médical du CHU le plus ancien en qualité de médecin, chirurgien ou spécialiste des hôpitaux. A ancienneté égale, la présidence revient au plus âgé. C’est donc à ce président que revient le rôle de dresser le procès-verbal des opérations du concours et de le soumettre à l’adoption du jury. Ensuite, il le transmet au directeur général de la santé publique qui à son tour le transmettra au ministre de la santé publique qui procèdera à la nomination des candidats au titre d’interne des hôpitaux d’Abidjan. 82 Nous constatons avec regret qu’aucune mention du droit médicale ou de toute autre matière innovante telle que l’économie ou l’informatique n’est faite à ce niveau d’étude. Les candidats à l’internat sont donc soumis à un examen strictement médical. L’évolution de la médecine préconiserait qu’on s’intéresse à toutes ces nouvelles matières qui aujourd’hui ont totalement leur place dans le programme de formation des médecins. 2) LA NOMINATION AU TITRE D’INTERNE DES HÔPITAUX D’ABIDJAN Nous mettrons l’accent ici sur les conditions de la nomination, l’exercice des fonctions se rattachant à cette nomination et enfin sur les modalités de rémunération et les diverses dispositions statutaires. a- Les conditions de la nomination Après les épreuves du concours, les candidats déclarés reçus sont nommés par arrêté ministériel. En France, «les internes sont rattachés administrativement à un CHR, selon la décision du directeur des affaires sanitaires et sociales chargé de l’organisation du concours d’internat et nommés par le directeur général du CHR auquel ils sont rattachés»48 selon les dispositions de la loi du 23 décembre 1982. Mais c’est le directeur des affaires sanitaires et sociales qui affecte les internes dans les établissements hospitaliers publics ou privés à but lucratif participant au service public 48 Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, octobre 1996. P 113. 83 hospitalier ou auprès d’organismes extra hospitaliers ainsi qu’auprès de généralistes agrées.49 Une fois nommés, ces étudiants ivoiriens appartiennent au corps des internes des hôpitaux d’Abidjan. L’internat dure 4 ans et est effectué dans l’un des CHU de la ville d’Abidjan. Au terme de ces 4 années, un stage supplémentaire de 6 mois peut être effectué par l’étudiant sur avis du chef de service intéressé et avec l’accord du directeur général de la santé publique. Mais l’accord à ce stage supplémentaire doit être obtenu avant le classement final de fin d’étude car les meilleurs ont la possibilité de choisir le service dans lequel ils souhaitent exercer. Cette mise au choix des postes d’interne s’effectue aussi tous les 6 mois entre les internes et ce sous la supervision du directeur du CHU concerné. Les internes sont donc appelés à choisir par ordre d’ancienneté de concours et lorsque les anciennetés sont égales, l’on tient compte de l’ordre du classement du concours. L’interne ayant achevé sa troisième année d’internat peut être affecté dans un service pour y accomplir sa quatrième année à la demande du chef de service intéressé et bien entendu avec son accord. L’interne et le chef de service dans ce cas informent le directeur de l’établissement qui à son tour en réfère au directeur du CHU dans un délai de quinze jours au moins avant le choix des postes. Pendant ses trois premières années d’internat, l’étudiant ne peut choisir plus de deux fois le même service. Le directeur du CHU devra quant à lui en rendre compte au directeur général de la santé publique. Lorsqu’un problème de poste d’internat non pourvu se pose, le directeur général de la santé publique sur proposition du chef de service a plusieurs solutions pour le surmonter. Soit, il désigne pour occuper provisoirement ce poste un candidat à l’internat inscrit au terme du concours à la suite 49 Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, septembre 2003. P 148 84 des candidats admis comme pouvant faire fonction d’interne, soit encore un stagiaire interne ou enfin un externe ou un étudiant hospitalier50 ayant exercé ces fonctions pendant au moins deux ans. L’internat confère un statut important à l’étudiant (par exemple le droit de prescription) est clôturé par la soutenance de la thèse avant la fin de la quatrième année. C’est la thèse qui donnera le titre de docteur à l’étudiant qui décidera par la suite de se spécialiser ou pas dans une branche de la médecine qu’il aura choisie. Mais bien que ne disposant pas du doctorat en médecine, l’étudiant exerce des fonctions proches de celles des médecins. b- Exercice des fonctions se rattachant à la nomination En Côte d’Ivoire, les internes remplissent leurs fonctions sous l’autorité du chef de service auprès duquel ils sont affectés. Ils sont responsables devant lui de l’entière et ponctuelle exécution des prescriptions des médecins et de la bonne tenue des malades. Ils assurent notamment la contre visite des malades, participent au service de garde et dispensent les soins dont l’urgence ne permet pas d’attendre la venue du chef de service ou d’un de ses collaborateur, docteur en médecine. En dehors de ces cas d’urgence, les internes ne peuvent procéder à des opérations ou interventions que sous la surveillance directe du chef de service ou d’un de ses collaborateurs docteur en médecine, non chef de service ou assistant ou du pharmacien de garde. Les internes Français quant à eux exercent leurs fonctions par délégation et sous la 50 Etudiant hospitalier : terme désignant un étudiant en médecine n’ayant pas encore atteint le niveau de l’internat. 85 responsabilité du praticien auprès duquel ils sont affectés. Ils assurent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins51. L’internat étant l’étape qui précède le doctorat, les internes peuvent se voir confier par le chef de service certaines opérations ou interventions. Cela à condition qu’une telle délégation ne soit pas exclue par la gravité de l’acte et que le chef de service soit assuré au préalable que l’autorisation ainsi donnée sous sa responsabilité n’est susceptible de porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d’attendre d’un service hospitalier public. Comme nous l’avons déjà dit plus haut, les étudiants hospitaliers suivent une partie de leur formation sous la surveillance des internes. Partant donc de ce fait, les internes peuvent dans les limites compatibles avec leurs obligations hospitalières être autorisés à donner des enseignements. Tous ces « pouvoirs » n’empêchent pas que les internes soient soumis à des conditions de rémunérations et à des dispositions statutaires strictes. c- Rémunérations et dispositions statutaires générales Les internes perçoivent une rémunération dont le taux fixé par arrêté conjoint du ministre de la santé publique, du ministre de l’éducation nationale et du ministre de l’économie et des finances. Ils ont droit au logement, à la nourriture et à l’éclairage dans l’établissement où ils sont affectés. Dans le cas où l’établissement ne peut offrir ces prestations en nature, il leur sera alloué une indemnité compensatrice. Ils ont droit à un congé annuel d’un mois et toute interruption de l’internat (service militaire ou stage obligatoire) donne lieu à la reprise de leurs fonctions dès leur libération ou leur 51 Jean-Marie CLEMENT, mémento de droit hospitalier, édition Berger-Levrault, octobre 1996, P 113. 86 retour. Ils seront donc affectés en surnombre jusqu’à la prochaine mise à choix des postes. Une série de sanctions disciplinaires est prévue en cas de manquement à leurs obligations. Cela va de l’avertissement à l’exclusion définitive en passant par le blâme, la suspension temporaire de rémunération pour une durée maximale de six (6) mois en fonction de la gravité de la faute commise. L’avertissement est prononcé par le directeur de l’établissement après avis du chef de service dans lequel est affecté l’intéressé et après l’audition de ce dernier Le blâme , la suspension de rémunération et l’exclusion définitive du CHU sont prononcés par le ministre de la santé publique sur proposition du directeur général de la santé après audition de l’intéressé assisté de deux internes désignés par tirage au sort parmi six noms proposés chaque année par tous les internes du CHU d’Abidjan. Sont aussi auditionnés deux chefs de service du CHU désignés annuellement par le directeur général de la santé. Aucun de ces chefs de service ne doit être le responsable de l’interne mis en cause. Après cette première partie sur la formation des médecins, nous aborderons la seconde partie de notre travail qui porte sur la formation des agents de santé. 87 SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX Cette section aura pour objectif premier de présenter l’école de formation de cette catégorie de personnels de santé et ensuite nous aborderons de manière spécifique la formation. I - L’ECOLE DE FORMATION : L’INSTITUT NATIONAL DE FORMATION DES AGENTS DE SANTE (INFAS) Ici, nous présenterons l’Infas et étudierons son organisation. A/ L’INFAS ET SES MISSIONS 1) PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT Le recrutement des infirmiers et autres personnels médicaux en France se fait par voie de concours. L’admission à ce concours donne accès aux instituts de formation en soins infirmiers (IFSI)52 par exemple. Il existe plusieurs instituts en général dans les établissements hospitaliers importants. Quant aux sages-femmes, leur formation a lieu dans les écoles dépendant des CHU et de quelques hôpitaux importants (Croix Rouge, Ordre de Malte, établissements sanitaires privés). En Côte d’Ivoire, avant 1991, le décret n° 77-12 du 05 janvier 1977 avait crée une école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. Cette école était placée sous la tutelle du ministre de la santé publique et de la population et 52 Pierre LCHEZE-PASQUET et Didier STINGRE, l’Administration de l’hôpital, édition Berger-Levrault, septembre 1999, P 164. 88 rattachée à la faculté de médecine de l’université nationale de Côte d’Ivoire. Ce décret de 1977 avait abrogé des dispositions antérieures, à savoir les décrets n° 64-273 du 31 juillet 1964 portant création d’une école nationale de sages-femmes et n° 69-325 du 8 juillet 1969 portant réorganisation de l’école nationale des infirmiers et infirmières. Mais, depuis 1991, il n’y a qu’un établissement habilité à former tous les agents de santé médicaux et paramédicaux de santé : l’Institut National de Formation des Agents de Santé. C’est un établissement public à caractère administratif (EPA) crée par décret n° 91-655 du 09 octobre 1991. Son siège est à Abidjan la capitale économique du pays, plus précisément au sein du CHU de Treichville. Cet établissement dispose de deux antennes, une à Bouaké au centre et deuxième ville du pays actuellement sous contrôle rebelle et l’autre à Korhogo dans le nord, cinquième ville du pays aussi sous contrôle rebelle. L’Infas est un établissement de formation à vocation sous régionale. Il est le seul établissement agrée de formation des agents de santé en Côte d’Ivoire. L’école accueille des élèves en provenance de divers pays d’Afrique (Gabon, Congo, Bénin, Cameroun, Niger, Tchad, Djibouti, Rwanda…) et même d’ ailleurs (Colombie, Comores). Au titre de l’année académique 2002-2003, l’on a enregistré 1442 étudiants dont 1289 boursiers qui perçoivent mensuellement la somme de 49500 FCFA soit 75.46 Euros. Une prime de stage communautaire d’un montant de 30000 FCFA soit 45.73 Euros est octroyée aux étudiants boursiers de deuxième et troisième année.53 L’Infas est placé sous la tutelle administrative et technique du ministre chargé de la santé et sous la tutelle économique et financière du ministre chargé de l’économie et 53 Arrêté interministériel n° 134/MSF/MEF du 12 juillet 2000 sur l’octroi d’une prime de stage à certains étudiants de l’Infas. 89 des finances. C’est le décret n° 91-655 du 9 octobre 1991 portant création et organisation de l’institut qui fixe ses missions. 2) LES MISSIONS DE L’INFAS Selon ce décret, l’Infas est chargé dans le cadre de la politique socio-sanitaire d’assurer : - la formation initiale des agents de santé (infirmiers, infirmières, sages-femmes, techniciens supérieurs de santé : imagerie médicale, assainissement, préparateur, gestionnaire en pharmacie, laboratoire médicale) - la formation des infirmiers, infirmières d’Etat et sages-femmes spécialistes (anesthésiste-réanimation, ORL, cardiologie, lèpre, surveillants d’unité de soins, ophtalmologie, psychiatrie, exploration fonctionnelle, ingénieur des techniques sanitaires, instrumentaliste de bloc opératoire, puériculture) - le perfectionnement des agents de santé (séminaire de formation, recyclage, formation continue) - la recherche en science infirmière et en biotechnologie - l’organisation des concours directs à l’Infas (les diplômes et certificats obtenus à l’Infas sont délivrés par le ministre chargé de la santé publique). L’Infas est organisée et fonctionne selon un mode totalement différent de la faculté de médecine, l’institut ne dispose pas du statut de grande école qu’il revendique désormais. 90 B/ L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L’INFAS L’organisation et le fonctionnement de l’Infas se fait à travers les organes et le corps enseignant. 1) LES ORGANES L’institut comprend différents organes : la commission consultative de gestion, la direction et les organes techniques. a- La commission consultative de gestion La commission consultative de gestion (CCG) est composée de 7 membres statutaires54 : - le ministre d’Etat, ministre de la santé ou son représentant (qui en est le président) - le ministre d’Etat, ministre de l’économie et des finances ou son représentant - le ministre d’Etat, ministre de l’administration territoriale ou son représentant - le ministre de l’éducation nationale ou son représentant - le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique ou son représentant - le ministre d’Etat, ministre de l’environnement ou son représentant. Dans certains cas, le contrôleur budgétaire et l’agent comptable participent avec voix consultative aux réunions de la CCG. Toutefois, le président peut inviter aux réunions 54 Article 6 du décret n° 91- 655 du 9 octobre 1991 91 de la commission des personnes dont il estime utile d’entendre les avis, ces dernières n’ont que voix consultative. Cette commission a pour mission de superviser les activités du directeur de l’institut en ce qui concerne la mise en œuvre du plan directeur et des programmes annuels d’activités, après avis du conseil pédagogique. Elle intervient notamment dans la fixation des tarifs des prestations et la création ou la suppression de service. Tout ce travail se fait en collaboration avec le directeur de l’institut. b- La direction L’Infas est dirigée par un directeur nommé par décret pris en conseil des ministres sur proposition conjointe des différents ministres membres de la CCG. Cette direction est composée de services centraux et de services extérieurs. Les services centraux comprennent une sous-direction des affaires administratives et financières chargée de la gestion de l’ensemble du personnel, de l’élaboration et l’exécution du budget, de la préparation des marchés, baux et conventions et du programme d’investissement. Elle assure aussi la coordination des structures de formation, de perfectionnement et de recherche existant au sein de l’institut, ainsi que la gestion de l’entretien du patrimoine de l’Infas. Le second service central est la sous-direction de la formation initiale des infirmiers, sages-femmes et agents techniques de santé. Cette sous-direction correspond à l’école nationale de formation des infirmiers, infirmières et sages-femmes. Le troisième service central est la sous-direction de la formation des infirmiers et sages-femmes spécialistes, des agents supérieurs de santé et de la formation continue, de la recherche au sein de l’Infas (l’école paramédicale). Ce sont donc les 92 personnes placées à la tête de ces sous-directions qui exercent le rôle de directeur des différentes écoles qui constituent l’Infas. Leur mission est d’aider le directeur central dans la gestion quotidienne de l’institut. Ils sont à leur tour assistés de coordinateur des études anciennement appelés directeur des études. Les services extérieurs de Bouaké et de Korhogo sont dirigés par des chefs d’antenne ayant rang de sous-directeur d’administration centrale. Ces antennes ont été relocalisées à Abidjan du fait de la crise survenue le 19 septembre 2002. Le contrôle de l’exécution du budget de l’établissement est exercé par un contrôleur budgétaire qui est représenté au niveau de chaque service extérieur par un contrôleur budgétaire secondaire. Les opérations financières sont effectuées par un agent comptable public. Pour les antennes de Bouaké et de Korhogo, ces opérations sont effectuées par des agents comptables secondaires assumant cette fonction. Les services extérieurs de l’Infas jouissent d’une certaine autonomie financière de gestion avec un budget propre, un ordonnateur secondaire qui est le chef d’antenne et un contrôleur budgétaire agent comptable secondaire. Seules leurs dépenses de personnel et d’investissement sont centralisées et exécutées au niveau d’Abidjan. Mais pour tout ce qui concerne la formation pédagogique, l’institut dispose de ses propres organes de décisions. c- Les organes techniques Il s’agit essentiellement du conseil pédagogique qui est chargé d’émettre des avis et recommandations sur les orientations pédagogiques et le fonctionnement de la scolarité. 93 Pour permettre un meilleur fonctionnement de l’institut, les pouvoirs publics ont ressenti le besoin de mettre sur pied certains organes au sein de ce conseil pédagogique, ce sont ; - le service de la scolarité - le secrétariat général des examens et concours - la cellule de recherche et de documentation - le service statistique et informatique Notons cependant que le conseil pédagogique est obligatoirement consulté en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes des concours d’entrée à l’Infas, mais aussi lorsqu’il s’agit de préparer les programmes des études et de la recherche. N’oublions pas pour terminer que son avis est obligatoirement requis en ce qui concerne la constitution du règlement intérieur de l’institut. L’Infas et ses organes ayant été présentés, nous intéresserons maintenant au personnel enseignant de l’établissement. 2) LE CORPS ENSEIGNANT Le personnel enseignant de l’Infas est composé des directeurs des études, des professeurs et des moniteurs et monitrices a- Les directeurs ou coordinateurs des études Au sein de l’Infas, nous avons en ce qui concerne les infirmiers/ infirmières et les sages-femmes deux sections différentes de formation et chaque section dispose d’un directeur des études. Ces directeurs sont nommés par arrêté conjoint du ministre de la 94 santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Ils sont chargés dans l’institut d’organiser l’enseignement, de définir les terrains de stage (les différentes zones ou régions de stage) et d’arrêter les emplois du temps. Ils veillent donc en liaison avec le directeur de l’école à l’application des mesures techniques arrêtées pour chaque section. La section des infirmiers / infirmières a pour directeur des études un professeur titulaire ou agrégé de médecine ou de chirurgie de la faculté de médecine d’Abidjan. Tandis que le directeur des études de la section sages-femmes est un professeur titulaire ou agrégé de gynéco-obstétrique de la même faculté de médecine. b- Les professeurs Les professeurs de l’Infas sont à temps partiels et choisis en raison de leurs titres, de leurs qualifications et de leur compétence. Ils sont nommés chargés de cours par arrêté conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Ils sont chargés de dispenser aux étudiants, des enseignements dans les différentes disciplines et siègent au conseil des professeurs où ils règlent avec le directeur de l’institut les modalités d’exécution des programmes des études, les conditions de stage, l’emploi du temps et délibèrent sur les résultats des examens de passage. Les professeurs dispensent les enseignements théoriques et les travaux pratiques sont assurés par les moniteurs et monitrices. 95 c- Les moniteurs et les monitrices Les moniteurs et monitrices sont nommés par décision du ministre de la santé. Pour faire partie du corps des moniteurs ou monitrices, il faut être titulaire du certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmiers / infirmières ou sages-femmes moniteurs ou monitrices et présenter toutes les garanties morales et professionnelles permettant de mener à bien sa mission. Ils assurent la répétition de l’enseignement théorique précédemment dispensé par les professeurs à l’école et la formation pratique des élèves. Ils sont par ailleurs chargés de l’encadrement des futurs infirmiers / infirmières et sages-femmes pendant tout le déroulement de leur stage. A ce titre, ils ont accès aux services hospitaliers où sont répartis les stagiaires et collaborent avec les majors de ces services. Le nombre de moniteurs et de monitrices est fonction de l’effectif de l’école. Chaque moniteur ne peut encadrer que dix élèves au maximum. Après avoir présenté l’Infas, son organisation et son personnel d’encadrement, nous mettrons l’accent dans notre seconde section sur le déroulement de la formation de ces personnels médicaux de santé. 96 II - LE DEROULEMENT DE LA FORMATION Nous aborderons à la fois le contenu des études et les stages. A/ LE CONTENU DES ETUDES Nous verrons successivement l’enseignement et les examens. 1) L’ENSEIGNEMENT La durée de la formation et le contrôle de connaissances sont les deux éléments qui composent l’enseignement mais avant tout chose nous devons parler des modalités de recrutement. a- Les modalités de recrutement L’entrée à l’Infas, plus précisément dans la branche de formation des infirmiers/ infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat se fait par concours direct ou par concours professionnel. Le concours direct était ouvert aux candidats titulaires du BEPC, du CAP sanitaire et social ou d’un diplôme jugé équivalent. Les épreuves de ce concours direct sont au nombre de quatre (4) : trois (3) épreuves sont fournies par les services du ministère de l’éducation nationale et la dernière par le ministère de la défense et du service civique, ce sont, l’épreuve de français (dissertation ou commentaire de texte), l’épreuve de mathématiques et enfin le test psychotechnique. Toutes ces épreuves sont notées sur/ 20 et le 0 est éliminatoire. 97 Le concours professionnel est ouvert aux infirmiers brevetés ayant accompli trois années de service effectif, il comprend lui aussi quatre (4) épreuves : l’épreuve de français (explication de texte), une épreuve d’hygiène, une épreuve de pathologie médicale et enfin l’épreuve de pathologie chirurgicale. Les candidats doivent être âgés de 16 ans au moins et de 26 ans au plus au 1er Janvier de l’année du concours pour ceux qui se présentent au concours direct. En outre, un certificat de visite et de contre-visite attestant que le candidat ou la candidate est physiquement et mentalement apte à suivre l’enseignement et à exercer la profession d’infirmier/ infirmière ou sage-femme. Certains candidats pourront être admis sur titres par arrêté conjoint des ministres de l’éducation nationale, de la fonction publique et de la santé publique. Une décision du Président de la République en date du 4 juin 1986 est venue changer les conditions d’accès par concours direct en instituant que les candidats devaient avoir poursuivi comme en France leurs études jusqu’en classe de terminale ou au moins avoir obtenu le certificat de fin d’études secondaires.55 Un jury est constitué, il a pour mission d’établir la liste par ordre de mérite des candidats admissibles. Mais ce sont les ministres de l’éducation nationale et de la santé publique qui arrêtent la liste définitive des candidats admis. Tout candidat qui ne se présente pas à l’école dans les quinze (15) jours qui suivent la date de la rentrée est considéré d’office démissionnaire sauf s’il peut prouver avant l’expiration de ce délai qu’il a été empêché pour raison de maladie ou de force majeure. En cas d’absence, les places vacantes seront attribuées par ordre de mérite aux candidats figurant sur une liste supplémentaire de candidats admis. 55 Décret n° 86-377 du 4 juin 1986, portant fixation du niveau général des candidats aux concours directs d’entrée à l’école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. 98 b- La durée de la formation La durée des études d’infirmiers/ infirmières et de sages-femmes est fixée à trois ans comme en France56. Les élèves reçus à l’examen de sortie reçoivent le diplôme d’infirmier ou infirmière d’Etat et de sage-femme d’Etat. Pendant les différentes années scolaires, les élèves bénéficient de 45 jours consécutifs de grandes vacances à temps plein. L’enseignement comporte des cours théoriques, des démonstrations pratiques et des stages. Mais ici, nous porterons plus l’attention sur les cours théoriques et les démonstrations pratiques qui sont dispensés au sein de l’établissement par des médecins et des spécialistes. Les répétitions des cours, les démonstrations, les travaux pratiques et les travaux dirigés sont exécutés par les moniteurs et monitrices. En première année, les cours ont lieu le matin et l’après-midi pendant le premier trimestre. Cependant, deux matinées de stage sont organisées par semaine. Après l’examen probatoire, les cours et les stages suivent le rythme des autres années d’études. En deuxième et troisième année, les stages ont lieu le matin et les cours théoriques l’après-midi. Le programme des études d’infirmier a pour but de favoriser l’émergence de certaines caractéristiques permettant à ce dernier de répondre aux besoins de santé d’un individu et d’un groupe dans le domaine préventif, curatif, de réadaptation et de réhabilitation.57L’infirmier tout en étant polyvalent doit être apte à dispenser des soins tenant compte de l’ensemble des problèmes posés par une atteinte fonctionnelle et une détresse physique ou psychologique du patient. Il doit faire participer l’individu ou 56 Alain HARLAY, l’aide-soignant dans le système de santé. Edition Masson, avril 1997, P 20. G. CHAMPAULT et S. SORDELET, le métier d’infirmier : des études à la pratique. Edition Masson, novembre 1997, P 12. 57 99 le groupe en prenant en considération leur dimension culturelle et leur personnalité. Il doit bénéficier d’une meilleure reconnaissance sociale grâce à un savoir lui permettant d’affirmer une réelle professionnalisation. Le programme de la formation comprend donc pour toutes les pathologies des cours sur l’accueil des malades, la participation aux explorations fonctionnelles, la réalisation d’actes médicaux, l’application et la surveillance des traitements, la mise en œuvre des protocoles, les soins infirmiers spécifiques, les soins d’urgence, les soins pré et post opératoires, l’application des règles hygiéno-diététiques, le soutien psychologique, la participation à la prise en charge sociale et les relations avec le patient et sa famille. Les sages-femmes quant à elles suivent une formation axée autour de trois moments clés : avant, pendant et après la naissance. Avant la naissance, les cours leur permettent de diagnostiquer la grossesse, surveiller son bon déroulement, prescrire et effectuer les examens nécessaires à la surveillance de la grossesse. Une formation en hygiène alimentaire ou en éducation sanitaire vient s’ajouter à tout cela. Mais la formation des sages-femmes a pour but de leur permettre d’assurer la préparation de la naissance afin que tout se déroule dans de bonnes conditions. Des séances de relaxation, gymnastique (yoga et sophrologie en France)58 sont organisées à l’intention des futures mères. La sage-femme accompagne la mère pendant le travail et accueille les parents à la naissance. Elle pratique l’accouchement normal, l’examen et les soins immédiats du nouveau-né. Après la naissance, la sage-femme assure la surveillance et les soins de la mère et de l’enfant. Elle se doit d’être à leur écoute et doit aider à l’allaitement. En cas de besoin, elle peut remplir sa mission avec l’aide d’autres spécialistes hospitaliers. 58 Bruno RIONDET. Prépa sage-femme. Edition Lamarre, avril 1997. P 12. 100 c- Le contrôle de connaissances Le contrôle de connaissances, effectué selon le système du contrôle continu ou périodique prend toute son importance à travers le dossier de scolarité. Le dossier de scolarité est l’ensemble des appréciations des professeurs, moniteurs et monitrices au cours de l’année scolaire. Il comprend la moyenne des notes obtenues aux différents contrôles de connaissances, la moyenne des stages, et une note d’aptitude générale basée d’une part sur l’aptitude pratique et morale à la profession et d’autre part sur l’assiduité et la conduite aux cours et aux travaux pratiques. Seuls les élèves ayant obtenu une note moyenne égale à 10/20 au dossier de scolarité seront autorisés à se présenter à la première session de l’un des trois examens. Les autres iront directement à la seconde session sous réserve d’avoir accompli un stage supplémentaire couvrant la période de leurs vacances scolaires. Le dossier de scolarité intervient dans la note finale des examens dans la proportion de 40%. Il assure la voie pour certains étudiants aux examens de la première session et pour d’autres aux examens de la seconde session. 2) LES EXAMENS Nous aborderons successivement les trois sortes d’examens : l’examen probatoire, l’examen de passage, et l’examen de sortie. 101 a- L’examen probatoire Le premier trimestre d’études de la première année constitue la période probatoire durant laquelle par diverses méthodes ou épreuves et par une observation suivie, sont décelés les candidats inaptes à la profession. L’appréciation porte à la fin de cette période sur les résultats théoriques obtenus par l’élève, ces résultats pratiques, son comportement en stage et son aptitude générale évaluée par des tests psychotechniques. Les résultats théoriques notés sur 20 comprennent la moyenne des notes des devoirs du trimestre, y compris celles de rédaction de fiches techniques et rapports de stages. Les résultats pratiques quant à eux, notés sur 20 comprennent la moyenne des notes de pratique de soins élémentaires obtenues par l’élève au cours du trimestre, soit au lit du malade soit en salle de démonstration. Le comportement en stage pour terminer est noté lui aussi sur 20. Il comprend la moyenne des notes attribuées par le moniteur ou la monitrice de l’institut et le chef de service ayant participé à la formation pratique de l’élève. Cette note devra cependant tenir compte des critères suivants : - sens du malade (discrétion, tact, respect de la personne, attitude au cours des soins) - honnêteté (conscience de ses responsabilités, loyauté dans l’exécution du travail) - aptitude pratique - équilibre de la personnalité - sens de l’équipe (intégration à un travail collectif, relations avec les divers membres de l’équipe du service de soins). 102 L’aptitude générale de l’élève, notée sur 20 également comprend la moyenne des notes attribuées par l’ensemble de l’équipe de l’école (directeur des études, moniteurs et monitrices) et des notes résultant de tests psychotechniques effectués au cours du trimestre. Cette note devra elle aussi tenir compte de certains critères : - attention et observation - jugement : conscience de ce qui est important - méthode dans le travail - aptitude à l’acquisition de connaissances nouvelles. En ce qui concerne la sanction de la période probatoire, un tableau récapitulatif des notes obtenues doit être dressé et communiqué au conseil des professeurs qui pourront demander toutes les explications nécessaires et prononcera l’élimination des candidats qui n’auraient pas obtenu au moins 40 points sur 80. b- Les examens de passage Les examens de passage comportent deux sessions. Ils comprennent des épreuves écrites sur l’enseignement théorique et des épreuves pratiques, orales et cliniques. Les épreuves écrites portent sur les matières du programme. Les copies sont anonymes et corrigées par des professeurs de l’école. Chaque épreuve est notée de 0 à 20, toute note inférieure à 05/20 est éliminatoire. L’élève ayant obtenu une note au moins égale à 10/20 est déclaré admissible et est autorisé à se présenter aux épreuves pratiques, orales et cliniques. Les épreuves pratiques, orales et cliniques sont jugées par deux examinateurs dont un participe régulièrement à l’enseignement. Chaque épreuve étant notée sur 20, l’élève qui obtient une note inférieure à 05/20 est éliminé. Cette note éliminatoire 103 obtenue à l’une des épreuves pratiques, orales et cliniques de la première session permettra tout de même à l’élève de bénéficier de la moyenne acquise aux épreuves écrites. Il pourra aussi se présenter aux épreuves pratiques de la deuxième session. L’examen de passage est sanctionné soit par l’admission en classe supérieure soit par l’autorisation de redoubler la classe de l’année écoulée ou l’exclusion de l’institut. L’admission en classe supérieure résulte de la totalisation des notes obtenues aux examens (épreuves écrites, pratiques, orales et cliniques) et celles du dossier de scolarité dans les proportions suivantes : - examens 60% (épreuves écrites 30% et épreuves pratiques 30%) - dossier de scolarité 40% Une note moyenne générale au moins égale à 10/20 est exigée. L’élève ayant subi deux échecs à l’examen de passage ou qui bien que n’ayant subi qu’un seul échec n’a pu se présenter à une session d’examen, pourra redoubler si toute fois sa note moyenne générale est au moins égale à 07/20. Par contre, est proposé pour l’exclusion de l’établissement l’élève ayant obtenu une note moyenne générale inférieure à 07/20 au total de la deuxième session ainsi que l’élève ayant obtenu la même note à une session et qui ne se serait pas présenté à l’autre. Après quatre sessions successives, l’élève qui n’est pas reçu à l’examen est tout simplement exclu. Tout élève ayant obtenu une note moyenne inférieure à 10/20 au dossier de scolarité ne sera admis à se présenter qu’à la seconde session des examens de passage et de sortie. Il en sera de même pour l’élève qui aura manqué au total un mois de cours sauf si cette absence est due à une maladie certifiée par le médecin de l’école. La maladie ou l’hospitalisation ou la grossesse (autorisation de 45 jours) est la seule exception admise. Enfin, les élèves qui auraient échoué ou été refusés à la première session et ceux qui pour un cas de force majeure, n’auraient pas 104 pu se présenter pourront se présenter à la seconde session de la même année après un stage supplémentaire effectué pendant les vacances. Concernant cet examen de passage de la première à la deuxième année les résultats de l’année scolaire 20012002 sont les suivants : - infirmiers et infirmières, effectif 116 et admis 112 - sages-femmes, effectif 83 et admis 81. Les résultats concernant les examens de passage de la deuxième à la troisième année de la même année scolaire sont : - infirmières et infirmiers, effectif 136 et admis 135 - sages-femmes, effectif 112 et admis 107. Pour l’année scolaire 2002-2003 les résultats de l’examen de passage de la première à la deuxième année sont les suivants : - infirmiers et infirmières, effectif 243 et admis 238 - sages-femmes168 et admis 164 Les résultats concernant l’examen de passage de la deuxième à la troisième année de cette même année scolaire sont : - infirmiers et infirmières, effectif 220 et admis 215 - sages-femmes, effectif 131 et admis 12859 Pour les autres étudiants en fin de cycle, l’examen de sortie est la dernière étape avant la remise du diplôme. 59 Source : Institut national de formation des agents de santé (INFAS). 105 c- L’examen de sortie Au terme des études, les élèves subissent un examen de sortie sanctionné par la délivrance du diplôme d’infirmier d’Etat (IDE) ou de sage-femme diplômée d’Etat (SFDE). Cet examen comporte deux sessions par année scolaire. L’une à la fin de l’année scolaire, c’est la première et l’autre à la rentrée, c’est la seconde. Les dates des différentes sessions sont fixées par le ministre de la santé publique. Cet examen comprend des épreuves écrites, des épreuves pratiques, orales et cliniques. Ces épreuves portent en général sur l’ensemble du programme des trois années de scolarité. Les épreuves écrites durent trois heures et l’élève ayant obtenu une note moyenne au moins égale à 10/20 est déclaré admissible et autorisé à subir les épreuves pratiques, orales et cliniques. Celui qui n’obtient pas la moyenne à ces épreuves écrites est autorisé à se présenter à la seconde session. En cas de nouvel échec, il est tenu de redoubler la troisième année d’études. L’élève reçu à l’épreuve écrite devra aux épreuves pratiques, orales et cliniques obtenir des notes au moins supérieures à 05/20 car en dessous, il encourt l’élimination. Enfin, l’admission définitive à l’examen de sortie résulte de la totalisation des notes obtenues aux examens (épreuves écrites, pratiques, orales et cliniques) et celles du dossier de scolarité (contrôle de connaissances) dans les proportions suivantes : - examens 60% (épreuves écrites 30% et épreuves pratiques 30%) - dossier de scolarité 40% Pour être donc déclaré admis au diplôme d’Etat, l’élève doit avoir obtenu une moyenne générale au moins égale à 10/20, Pour l’année scolaire 2001 et 2002 sur 102 infirmiers et infirmières 102 ont été admis et pour les sages-femmes il y’a eu 77 106 admises sur 77 candidates. Pour l’année scolaire 2002-2003 ce sont 283 infirmiers et infirmières qui ont été admis sur 285 candidats et 155 sages-femmes admises sur 159 candidates.60 Tout élève ayant obtenu une moyenne générale inférieure à celle requise à la première session garde le bénéfice de l’admissibilité et accomplit un stage supplémentaire tout en repassant les épreuves pratiques, orales et cliniques à la seconde session. Mais en cas d’échec aux épreuves pratiques, l’élève conserve le bénéfice de la moyenne acquise aux épreuves écrites et sera autorisé à se présenter aux épreuves pratiques de la deuxième session. Un nouvel échec à cette session fait perdre le bénéfice de l’admissibilité aux épreuves écrites et a pour conséquence le redoublement de l’élève. Il sera par contre exclu définitivement de l’établissement s’il échoue successivement à quatre sessions et aucune possibilité de stage supplémentaire ne lui sera accordée. B/ LES STAGES Nous mettrons l’accent ici sur les lieux de stages et le caractère obligatoire de ces stages. 1) TERRAINS DE STAGE ET REPORT DE STAGE Où se déroulent ces stages et dans quelles conditions peut-on les reporter ? 60 Source : Institut national de formation des agents de santé (INFAS). 107 a- Terrains de stage Il est important de préciser que les stages sont obligatoires pour valider l’année scolaire. Toutes les nations qui veulent avoir des agents de santé performants imposent ces stages à leurs étudiants. La formation médicale nécessite il est vrai des cours théoriques de qualité, toutefois la pratique réelle qui se fait à travers les stages est le moyen le plus simple et le plus rapide de mettre en relation le futur agent de santé avec les patients, ou plus précisément avec la réalité du terrain. Les terrains de stage sont définis par le ministère de la santé publique. Ainsi donc, le territoire national a été subdivisé en terrains de stage de santé communautaire, cela correspond à un regroupement de plusieurs centres de santé par terrain. Nous avons à ce jour dix terrains de stage à travers tout le pays : Abidjan (sud), Adzopé, Aboisso, Tiassalé, Bouaké (centre), Dabakala, Katiola, Sakassou, Yamoussoukro (la capitale politique du pays) et enfin Korhogo (nord). Nous pouvons constater une concentration des terrains de stage dans le sud du pays au détriment des régions nord est et nordouest. Aujourd’hui avec la guerre, les trois terrains de stage du nord ont beaucoup de mal a fonctionné correctement. Le manque de moyens, la destruction de certaines structures d’accueil et l’insécurité dans la région ne favorisaient pas un déploiement de personnels médicaux sur ces sites. Néanmoins, sur les autres terrains du pays toujours actifs, les élèves participent aux activités du service dans lequel ils sont affectés en effectuant des gardes qu’ils ne peuvent assurer seuls. Pour mener à bien leur mission, ils sont encadrés par des moniteurs et monitrices qui ont en charge leur formation pratique. Dans certains cas, les élèves peuvent bénéficier de décision 108 ayant pour but de reporter l’accomplissement de ces stages parce qu’ils se trouvent dans des situations qui ne leur permettent pas de se présenter sur les terrains de stage. b- Report de stage Chaque stage fait l’objet d’interrogations notées et d’un rapport de stage. La note de fin de stage doit comporter les notes d’interrogations et la note d’appréciation générale (ponctualité, assiduité, tenue, conscience professionnelle, aptitude pratique, sens de l’observation, sens du malade, moralité etc.). Toutefois, un report de stage de 45 jours au maximum peut être accordé pour cause de maladie ou de maternité sur présentation d’un certificat médical fourni par un médecin de l’administration. Dans tous les cas, les intéressés doivent obligatoirement terminer leurs stages sous contrôle direct de l’école. Ils ne peuvent recevoir le certificat provisoire du diplôme d’Etat qu’après avoir apporté la preuve écrite et signée du directeur des études que l’intégralité des stages prévus au programme a bien été accompli, d’où une certaine assiduité à ces stages. La remise du certificat provisoire du diplôme ne doit par être la seule raison qui pousse nos étudiants à suivre correctement les stages. La conscience de réussir ses études et le sens du devoir à venir doivent être les éléments primordiaux devant guider nos étudiants. 2) L’ASSIDUITE AUX STAGES Cette assiduité se manifeste à travers la présence obligatoire à ces stages mais en cas d’absence ou de retard répétés certaines mesures peuvent être prises. 109 a- La présence obligatoire aux stages Les stages sont effectués dans les services hospitaliers et de formations sanitaires conformément à la liste des terrains de stages retenus par le conseil technique au début de chaque année scolaire. Ces stages se déroulent entre 7h 45 et 11h 30, les différents services tiennent un cahier de présence que chaque élève signe à l’arrivée et au départ. Ce cahier est enlevé à 8h et remis en place à 11h 30. Les élèves ne sont autorisés à quitter le service que sur accord du moniteur, de la monitrice ou de l’infirmier major. Toute absence de signature d’un élève dans le cahier sera assimilée à une absence au stage. Pour chaque élève est tenu un livret scolaire et un carnet de stage sur lesquels seront portés tous les contrôles écrits et oraux des connaissances ainsi que les notes de stages. Vu le caractère obligatoire des stages, nous pouvons donc affirmer que toute absence et tout retard sont sanctionnés. b- Absence et retard aux stages Comme nous l’avons vu pour les cours où les absences et les retards pouvaient entraîner jusqu’à une radiation de l’institut de formation, trois absences non motivées à un stage entraînent automatiquement la non validation du stage. Dans les cas où l’absence excèdera 45 jours, l’élève devra refaire son année scolaire ou sera proposé pour l’exclusion. En ce qui concerne les retards, ce sont trois retards au stage qui équivaudront à une absence non motivée ainsi que tout départ du stage avant l’heure réglementaire et toute disparition du service d’affectation. Toutefois, une absence quel qu’en soit le motif sera récupérée et les élèves ayant subi un échec à la première session ou ceux qui ont été ajournés d’office pour absence 110 supérieure à un mois et inférieure à 45 jours ne seront autorisés à se présenter à la deuxième session que si leurs absences en stage ont été régulièrement récupérées. III - LA FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL AU SEIN DE L’INFAS Ici, nous mettrons l’accent dans un premier temps sur la présentation de l’école de formation et dans un second temps, nous aborderons le déroulement des études. A/ PRESENTATION DE L’ECOLE DE FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL Nous verrons successivement les conditions de création de cette école et ensuite son organisation. 1) CREATION ET OBJECTIFS a- La création C’est le décret n° 77-13 du 5 Janvier 1977 qui crée l’école nationale supérieure de formation paramédicale. Cette école est placée sous l’autorité du ministre de la santé publique et est rattachée à la faculté de médecine de l’université nationale de Côte d’Ivoire (faculté de médecine d’Abidjan). Avant cette date les décrets n° 72-685 du 20 octobre 1972, n° 73-23 du 17 janvier 1973 et n°75-636 du 22 septembre 1975 avaient respectivement mis en place une école nationale d’assistants d’assainissement, une école nationale de techniciens de 111 laboratoires de santé et enfin pour le dernier, une école nationale d’aide-anesthésisteréanimateur. C’est donc de façon tout à fait normale que le décret de 1977 soit venu mettre un terme à toutes ces dispositions en regroupant ces trois écoles au sein d’une seule et même structure. Mais depuis 1991, un nouveau décret est venu créer l’Infas en faisant de cet institut, le seul habilité à former le personnel médical de santé (infirmiers, infirmières et sagesfemmes) et le personnel paramédical. A ce jour, nous pouvons distinguer au sein de l’Infas deux écoles distinctes : la première a déjà été étudiée et c’est la seconde qui retiendra notre attention dans ce chapitre. Cette école est en fait la nouvelle sousdirection de la formation des infirmiers, infirmières et sages-femmes spécialistes et des agents supérieurs de santé. Les autorités Ivoiriennes ont voulu rassembler toutes ces différentes écoles en une seule structure tout en gardant leur schéma organisationnel et fonctionnel d’origine. Seuls la direction et les organes de la structure centrale ont été mis en place. b- Les objectifs L’école nationale de formation paramédicale est chargée de spécialisation des infirmiers, infirmières et sages-femmes. Les étudiants présents au sein de cet établissement sont ceux qui ont déjà effectué trois années d’études à l’école de formation du personnel médical. L’école médicale comporte plusieurs sections qui sont : les sections d’assistants d’assainissement, kinésithérapeutes, préparateurs gestionnaires en pharmacie, puéricultrices, techniciens de laboratoire, spécialistes du bloc opératoire, psychiatrie, ophtalmologie, moniteurs et pour terminer enfin la section de spécialistes de cardiologie. Dans certaines circonstances, il peut être ouvert par 112 arrêté conjoint des ministres de la santé publique, de l’éducation nationale, et de la fonction publique des spécialités autres que celles citées plus haut lorsque le besoin se fait ressentir. L’école reçoit et forme des élèves qui une fois admis sont nommés fonctionnaires et s’engage à servir l’état par un contrat et cela pour une durée de dix ans minimum. Comme pour l’école de formation du personnel médical, l’école de formation paramédicale peut recevoir des élèves étrangers en fonction des places disponibles, places réservées chaque année d’un commun accord entre les Etats dont ils relèvent et le gouvernement ivoirien. Ces élèves étrangers appartiennent en général aux pays de la sous-région ouest africaine et parfois de pays plus éloignés tels que la Colombie et les Comores. 2) L’ORGANISATION L’organisation du personnel paramédical est axée autour du directeur, du directeur des études et du personnel enseignant. a- Le personnel de direction Ce sont le directeur et le directeur des études. - Le directeur L’école de formation paramédicale est tout d’abord placée sous l’autorité du directeur de la formation et des professions médicales et paramédicales. Mais pour sa gestion quotidienne, elle est administrée par un directeur, médecin, nommé par arrêté conjoint du ministre de la santé publique et le ministre de l’éducation nationale. Il a rang de directeur adjoint d’administration centrale. Comme tout responsable d’établissement 113 scolaire, le directeur est chargé de l’application des règlements et instructions régissant les études, les examens, l’administration et la discipline de l’école. Pour mener à bien sa mission, le directeur est assisté dans sa tâche par un personnel permanent, un personnel vacataire, un conseil technique, un conseil des professeurs et un conseil de discipline. En plus de la direction de l’établissement, sa mission consiste aussi à élaborer les prévisions budgétaires de fonctionnement d’équipement et d’investissement. Le directeur est à la fois président du conseil des professeurs et du conseil de discipline. Son principal collaborateur dans la gestion des affaires pédagogiques de l’école est le directeur des études. - Le directeur des études Le directeur des études de l’école de formation paramédicale est professeur titulaire ou agrégé en chirurgie de la faculté de médecine. Celui de la section de formation des sages-femmes est professeur titulaire ou agrégé en gynécologie-obstétrique. Quant au directeur des études de l’école paramédicale toutes sections confondues, il est tout simplement professeur titulaire ou agrégé de la faculté de médecine sans être forcément spécialiste dans un domaine de la médecine. Il est nommé par arrêté conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Il est chargé d’organiser l’enseignement, de définir les terrains de stages et d’arrêter les emplois du temps. Il veille en liaison avec le directeur de l’école à l’application des mesures techniques arrêtées pour chaque section. Il participe aux côtés du directeur de l’établissement aux réunions du conseil technique, du conseil des professeurs et du conseil de discipline. A côté du directeur et du directeur des études le personnel enseignant est le deuxième pilier organisationnel de l’établissement. 114 b- Le personnel enseignant Ce sont les professeurs, les moniteurs et monitrices qui constituent le personnel enseignant. - Les professeurs Les professeurs font partie du personnel vacataire de l’établissement, ils sont à temps partiels et choisis en raison de leurs titres, de leurs qualifications et de leur compétence. Ils sont nommés chargés de cours au début de chaque année scolaire par arrêté conjoint du ministre de la santé publique et du ministre de l’éducation nationale. Ils dispensent les cours théoriques aux élèves et ceux d’entre eux qui sont responsables des disciplines d’enseignement, sont membres du conseil des professeurs et du conseil de discipline. Ils travaillent en collaboration directe avec les moniteurs et monitrices qui reprennent leurs enseignements au cours des travaux dirigés. - Les moniteurs et monitrices Les moniteurs assurent la répétition de l’enseignement théorique dispensé à l’école et la formation pratique des élèves. Ils sont par ailleurs chargés de l’encadrement des élèves au cours des stages. A ce titre, ils ont accès aux services hospitaliers où sont répartis les stagiaires et collaborent avec les majors de ces services. Les moniteurs et monitrices pour exercer doivent avant tout être titulaires du diplôme d’infirmier, d’infirmière ou de sage-femme spécialité et présenter en outre les garanties morales et professionnelles. Leur nombre est fonction de l’effectif de chaque promotion. Ils sont membres du Conseil des professeurs à raison d’un représentant par année d’études et membres du Conseil de Discipline à raison de deux moniteurs par 115 section61. Terminons en disant qu’ils sont nommés par décision du ministre de la santé publique et sur proposition du conseil des professeurs. B/ DEROULEMENT DE LA FORMATION Nous aborderons le contenu de cette formation et ensuite les différentes modalités d’examen. 1) MODALITES DE RECRUTEMENT, DUREE ET CONTENU DES ETUDES a- Modalités de recrutement L’entrée à l’école nationale de formation paramédicale se fait uniquement par concours professionnel. Nous pouvons donc constater une différence avec le recrutement à l’école des infirmiers, infirmières et sages-femmes qui se fait en deux parties : le concours direct pour les candidats ayant le niveau terminal et le concours professionnel ouvert aux brevetés ayant accompli trois années de service effectif. Avant le concours, chaque candidat doit opter pour la section désirée. Ce concours est ouvert aux fonctionnaires infirmiers, infirmières ou sages-femmes diplômés d’Etat ayant accompli au moins trois années de service effectif en qualité de titulaire. Ce concours comporte trois épreuves écrites pour chaque section. Elles sont notées de 0 à 20 et toutes notes inférieures ou égales à 5 est éliminatoire. Les listes de candidats admis à concourir ainsi que celles des candidats admis au concours sont arrêtées au moins vingt jours avant la date du concours. La date, le lieu 61 Article 10 et 11 : Arrêté interministériel n°4 MESP/FP/MEN du 10 février 1981 portant sur l’organisation et le fonctionnement de l’école nationale de fonction paramédicale. 116 et le nombre de places mises au concours d’entrée sont fixés chaque année conjointement par le ministère de la santé publique et le ministre de la fonction publique. Un jury est constitué afin de valider les candidatures, il est composé du directeur de la formation professionnelle et des stages du ministère de la fonction publique ou son remplaçant (président), du directeur de la formation et des professions médicales et paramédicales, du représentant du Ministère de l’éducation nationale, du directeur de l’école, du directeur des études et de trois professeurs responsables d’enseignement désignés par le ministère de la santé publique. La réussite au concours d’entrée n’est valable que pour la rentrée scolaire qui suit la réussite u concours sauf pour raisons de santé et tout candidat qui subit deux échecs n’est plus recevable. b- Durée des études La durée des études à l’école nationale de formation paramédicale est fixée à deux ans, l’année scolaire comporte en effet onze mois de cours (théoriques, de travaux pratiques) et de stages. Les élèves bénéficient de trente jours consécutifs de grandes vacances à temps plein. En cours d’année scolaire, les dimanche et jours fériés sont considérés comme des jours de congés en dehors des gardes obligatoires. Pendant toute la durée de leur formation, les élèves participent aux activités du service dans lequel ils sont affectés. Les horaires des cours sont les mêmes que ceux de l’école des infirmiers, infirmières et sages-femmes. Un contrôle des connaissances est effectué selon deux modalités complémentaires : contrôle continu ou périodique. Mais, c’est surtout à travers le dossier de scolarité que ce contrôle peut être apprécié. Le 117 dossier regroupe les appréciations des professeurs et des moniteurs au cours de l’année scolaire et les moyennes des notes obtenues aux différents contrôles des connaissances et aux stages. Les élèves ne remplissant pas les conditions requises pour le dossier de scolarité ne pourront pas se présenter à l’un ou l’autre des examens (passage et sortie). Les élèves refusés dans ces conditions à la première session sont admis à se présenter à la deuxième session sous réserve d’avoir accompli un stage supplémentaire couvrant la période de leurs vacances scolaires. Ce dossier est d’autant plus important qu’il intervient dans l’établissement de la note finale des examens dans la proportion de 30%. Concernant donc ces stages, ils sont effectués sur les mêmes terrains. Chaque stage fait l’objet d’un rapport et d’interrogations notés. La note de fin de stage obligatoirement donnée par le chef de service doit comporter des notes d’interrogation et la note d’appréciation générale (ponctualité, assiduité, tenue, conscience professionnelle, aptitude pratique, sens de l’observation, sens de l’humain, moralité). Un report de stage de trente jours au maximum peut être accordé pour cause de maladie ou de maternité sur présentation d’un certificat médical fourni par un médecin de l’administration. Dans tous les cas, les intéressés doivent obligatoirement effectuer la totalité de leurs stages sous le contrôle direct de l’école. Ils ne peuvent recevoir l’attestation du diplôme qu’après avoir apporté la preuve écrite et signée du directeur des études que l’intégralité des stages prévus au programme a bien été accomplie. 118 2) LES EXAMENS Deux sortes d’examens : les examens de passage et les examens de sortie. a- Les examens de passage Les examens de passage qui permettent aux étudiants de passer d’une année à une autre comportent deux sessions et comprennent des épreuves écrites sur l’enseignement théorique et des épreuves pratiques, orales ou cliniques suivant les sections. Les épreuves écrites, notées chacune de 0 à 20 portent en général sur les matières du programme. Toute note inférieure à 5 est éliminatoire, quant à l’élève qui obtient une note au moins égale à 10/20, il est déclaré admissible et est autorisé à se présenter aux épreuves pratiques, orales ou cliniques. Ces épreuves sont jugées par deux examinateurs dont un participe régulièrement à l’enseignement. Chaque épreuve est notée sur 20 et la note inférieure à 07/20 l’élimination du candidat. L’élève ayant obtenu une note éliminatoire à l’une des épreuves pratiques, orales ou cliniques de la première session conserve tout de même le bénéfice de la moyenne acquise aux épreuves écrites et est autorisé à se présenter aux épreuves pratiques, orales ou cliniques de la deuxième session. Cet examen est sanctionné soit par l’admission en classe supérieure, le redoublement ou encore l’exclusion définitive de l’école de formation. L’admission en classe supérieure résulte de la somme des notes obtenues aux examens (épreuves écrites, pratiques, orales ou cliniques) et du dossier de scolarité dans les proportions suivantes : 119 - Examen 70% (épreuves pratiques, orales ou cliniques, 50% et épreuves écrites, 20%) - Dossier de scolarité, nous l’avons déjà dit, 30% Tout cela sous réserve d’avoir une moyenne générale au moins égale à 10/20. Est proposé pour l’exclusion de l’école tout élève qui obtient une note moyenne générale inférieure à 08/20 à la deuxième session dudit examen. L’élève qui obtient la même note à la première session et qui ne se présente pas à la seconde sans justification est aussi exclu de l’établissement. Le redoublement lui n’est toléré que dans la limite d’un seul tout au long de la scolarité de l’élève. Quant aux élèves qui ont obtenu une note inférieure à 10/20 au dossier de scolarité, ils ne seront admis à se présenter qu’à la seconde session des examens de passage et de sortie. Cela vaut aussi pour l’élève qui totalise une absence égale ou supérieure à un mois au cors de l’année sauf pour les cas de maladie dûment constatée par un médecin de l’administration. Pour les élèves malchanceux n’ayant pas été reçus à la première session, ils pourront se présenter à la seconde après avoir accompli un stage supplémentaire pendant les vacances et en cas de grossesse et compte tenu du statut spécial de l’école, la durée de l’absence autorisée sera de trente jours. Concernant cet examen de passage, nous disposons de certains résultats que nous exposerons à présent : - les techniciens d’assainissement, pour l’examen de passage de la première à la deuxième année pour l’année scolaire 2001/2002, sur un effectif de 04 élèves, nous avons 04 admis. Pour le passage de la deuxième année à la troisième, sur un effectif de 06 nous avons 06 admis. 120 - Les techniciens de laboratoire, pour la même année scolaire et les mêmes examens de passage nous avons respectivement sur un effectif de 27 élèves, 22 admis et 32 admis sur 35 pour le deuxième. - Les préparateurs et gestionnaires en pharmacie, 11 admis sur 11 pour le premier et 13 sur 13 pour le second. Ce sont donc tous ces admis qui se présenterons aux examens de sortie de l’école paramédicale pour obtenir le titre d’infirmier, infirmière et sage-femme spécialiste avec la mention de la discipline. b- Les examens de sortie Pour obtenir le diplôme d’infirmier, infirmière et sage-femme spécialiste avec la mention de la discipline, les élèves devront subir un examen dit de sortie. Le diplôme délivré à l’issue de cet examen est signé conjointement par le ministre de la santé publique et celui de l’éducation nationale. Cet examen comporte deux sessions qui ont lieu pour la première à la fin de l’année scolaire et pour la seconde à la rentrée scolaire. Les dates et modalités de ces sessions sont fixées par le ministre de la santé publique. Un jury est constitué et il a pour mission de statuer sur les résultats qui sanctionneront les différentes épreuves. Il est composé du directeur de la formation et des professions médicales et paramédicales qui en assure la présidence. Le doyen de la faculté de médecine ou son représentant, le représentant du ministre de l’éducation nationale, le représentant du ministre de la fonction publique, le directeur de l’école, le directeur de la santé publique, le directeur de la médecine hospitalière, le directeur des études et un 121 rapporteur pour chaque section, les professeurs responsables d’enseignement et deux moniteurs en sont les membres. Cet examen comme tous les examens des différentes écoles regroupées au sein de l’Infas comprend des épreuves écrites et des épreuves pratiques, orales ou cliniques. Toutes ces épreuves porteront évidemment sur l’ensemble du programme des deux années de scolarité. La note de 05/20 est éliminatoire et les élèves ayant obtenu une note moyenne égale à 10/20 sont déclarés admissibles et autorisés à subir les épreuves pratiques, orales ou cliniques. Par contre, la note inférieure à 10/20 conduit directement l’élève à la seconde session. Les épreuves pratiques, orales ou cliniques sont aussi soumises à condition, l’élève ne doit pas obtenir une note inférieure 07/20 et prétendre passer le cap de ces épreuves. Les examens représentent 70% de la note finale, 20% pour les épreuves écrites et 30% pour les épreuves pratiques, orales ou cliniques. Quant au dossier de scolarité, il s’octroie les 30% restant. En définitive, pour être admis au diplôme d’infirmier, infirmière et sage-femme spécialiste, l’élève devra obtenir une moyenne générale au moins égale à 10 /20. Celui dont la moyenne générale est inférieure à celle requise à la première session garde néanmoins le bénéfice de l’admissibilité, il se verra dans l’obligation d’accomplir un stage supplémentaire avant de repasser les épreuves pratiques, orales ou cliniques de la session. Le classement des élèves reçus à cet examen de sortie se fait bien entendu par le biais d’attribution de mentions fixées par un arrêté interministériel dans les proportions suivantes : - 16/20 et plus, mention très bien - Entre 14 et 15.99, mention bien - Entre 12 et 13.99, mention assez bien 122 - Entre 11 et 11.99, mention passable - En dessous de 11/20, sans mention62 Concernant les résultats à l’examen de sortie, pour l’année scolaire 2001/2002, sur un effectif de 128 élèves toutes sections confondues, 126 élèves ont été admis et pour l’année suivantes 2002/2003 sur 90 élèves, l’école réalise 100% d’admis à cet examen.63 Tous ces résultats sont le reflet de la qualité et de la rigueur de la formation des agents de santé au sein de l’Infas et de ses différentes écoles. Au-delà de ces bons résultats et de cette apparente rigueur dans la formation des personnels de santé, le système doit faire face à de nombreux problèmes. Ces difficultés sont liées d’une part à la logistique (structures, matériels etc…) et d’autre part à des raisons humaines. 62 Article 57 de l’arrêté interministériel n° 4 MESP/FP/MEN du 10 janvier 1981 portant organisation et fonctionnement de l’école de formation paramédicale. 63 Source : Institut national de formation des agents de santé. 123 CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE L’objectif ici est de relever les différents problèmes liés à la formation des personnels de santé. Ces problèmes sont aussi bien structurels que matériels et humains. SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST DEFAILLANTE I - Localisation des structures et capacité d’accueil A nos yeux, l’un des problèmes majeur de la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire concerne la localisation des structures et la capacité d’accueil de ces dernières. A/ Localisation des structures 1) STRUCTURES MAJORITAIREMENT BASEES DANS LE SUD DU PAYS ET LES GRANDS CENTRES URBAINS a- Abidjan, seul lieu de formation des médecins ivoiriens S’il y’a un élément qui pose problème, c’est bien celui de la répartition des personnels de santé et des structures de formation. On dénombre 1200 établissements publics 124 contre 812 pour le secteur privé64, mais en ce qui concerne les établissements publics, il n’y en a pas beaucoup qui peuvent servir de lieu de formation des futurs médecins et agents de santé du pays. Une mauvaise répartition des structures sur le terrain entre zones rurales et urbaines accroit le manque en personnel. Il ne s’agit pas ici pour nous de proposer que l’on installe des structures de formation dans tous les villages ivoiriens. Mais le constat est que l’on trouve en Côte d’Ivoire une très forte concentration de structures de formation et donc d’agents de santé dans les deux plus grandes villes du pays alors que la majorité de la population vit dans les campagnes. La Côte d’Ivoire, divisée en 19 régions administratives et 58 départements compte de nombreuses grandes villes. Sur toutes ces régions, il y en a au moins 5 qui ont plus d’un million d’habitants chacune. Mais nous constatons avec un certain regret que depuis l’indépendance du pays en 1960, c’est l’ancienne école de médecine d’Abidjan devenue faculté de médecine qui est le seul pôle de formation des médecins, (depuis quelques années, une faculté de médecine a vu le jour à Bouaké mais nous doutons du fonctionnement effectif de cette structure à cause de la guerre et du refus de certains enseignants de prendre leur fonction dans ladite ville) le sud du pays détient pour ainsi dire 100% des infrastructures pouvant former les médecins. Au départ, le besoin d’avoir plusieurs facultés de médecine ne se faisait pas sentir étant donné que la population universitaire n’était pas nombreuse dans le secteur médical. Aujourd’hui, les choses ont changé. Depuis le début des années 80 le pays vit une grave crise économique qui a mis un frein au développement et à la poursuite de nombreux projets. Mais n’oublions pas les années fastes de la grande nation ivoirienne (19601980) Nous estimons qu’il fallait prévoir à long terme la construction d’autres facultés de médecine dans le pays. La faculté de médecine étant située à Abidjan, ancienne 64 Source : Ministère de la santé et de l’hygiène publique. 125 capitale politique et actuellement capitale économique, tous les bacheliers orientés en médecine peu importe leur lycée d’origine doivent se rendre à Abidjan pour leur formation. Nous imaginons les difficultés pour certaines familles de faire héberger leurs enfants dans cette métropole. Le problème est d’autant plus important que les différents campus de la ville ne peuvent pas offrir leur service à tous ces étudiants, les différents CROU65 du pays (Abidjan, Bouaké et Daloa) offrent globalement une capacité d’accueil de 15000 lits66 pour plus de 70000 étudiants toutes filières confondues. A cela ajoutons les faveurs faites à certains étudiants originaires ou vivant auparavant à Abidjan qui au départ n’ont pas été retenus pour une chambre en cité universitaire mais qui y seront parce que les parents de ces derniers seront intervenus dans ce sens. b- Les grandes villes du pays pour former les agents de santé La formation des agents de santé doit elle aussi faire face à de nombreuses difficultés. Pour commencer, nous avons trois écoles, la première à Abidjan, la seconde à Bouaké (deuxième ville du pays) et la troisième à Korhogo (quatrième ville et capitale de la région des savanes). Les mêmes problèmes se posent. Pour nous, il est beaucoup plus important d’avoir de nombreux infirmiers, infirmières, sages-femmes etc… que de médecins, nous pensons que c’est la norme dans tous les pays du monde. En effet, ce sont ces personnes qui sont le plus en relation avec les patients. En Côte d’Ivoire pour les former, on a mis en place une structure composée de trois écoles, les autorités voulaient dans le cas précis rapprocher les populations et les 65 CROU : centre national des œuvres universitaires. Ces chiffres sont les dernières statistiques disponibles (année universitaire 1997-1998). Certaines estimations avanceraient même des chiffres deux fois plus importants en ce qui concerne le nombre d’étudiants inscrits dans les universités publiques du pays. 66 126 jeunes de ce métier mais malheureusement, ces écoles sont situées dans des villes principales et non secondaires comme nous le pensons. Ces écoles ne sont pas des facultés de médecine, on aurait pu en construire plusieurs à travers tout le pays et les faire fonctionner avec peu de moyen. La preuve aujourd’hui avec la guerre qui a éclaté le 19 septembre 2002, deux de ces écoles (Bouaké-centre et Korhogo-nord) sont dans la zone sous contrôle rebelle. Elles ne fonctionnent plus et leurs locaux se trouvent dans un très mauvais état. La conséquence, c’est que tous les étudiants qui suivaient leur formation dans ces écoles se sont rabattus sur la seule qui fonctionne actuellement, c'est-à-dire celle d’Abidjan. S’il en existait d’autres, l’engorgement de l’école d’Abidjan aurait été d’un moindre niveau. 2) Les autres régions totalement défavorisées Nous venons de constater que la Côte d’Ivoire qui compte 19 régions, 58 départements, 243 sous-préfectures et 197 communes a installé les différents centres de formation de son personnel médical dans seulement 3 grandes villes appartenant à 3 régions différentes (Abidjan : région des lagunes où on retrouve la faculté de médecine et l’Infas, Bouaké : région de la vallée du Bandama avec une antenne de l’Infas et enfin Korhogo : région des savanes avec une autre antenne de l’Infas). Les autres régions, centre est, nord-est, nord-ouest, et le sud-ouest ne comptent chacun que 2% des infrastructures sanitaires et 0% de pôle de formation. Ce constat nous conduit à dire que les autorités par faute de moyens ou par simple volonté ont décidé de délaisser certaines régions au profit d’autres. Pour nous, en un demi siècle d’indépendance, les pouvoirs publics auraient pu faire mieux étant donné que 127 plusieurs villes dans le pays possèdent une concentration de population et une envie de développement économique qui auraient permis le bon fonctionnement d’une faculté de médecine et d’une école de formation des agents de santé. Le défaut dans la localisation des structures de formation n’est pas le seul élément qui nous pose problème en ce qui concerne la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. En effet, nous pensons qu’il y a eu mauvaise répartition des structures sur le territoire, mais aussi, quand ces dernières ont été construites, elles n’ont pas vraiment tenu compte de leur réelle capacité d’accueil. B/ CAPACITE D’ACCUEIL INSUFFISANTE Le problème de la capacité d’accueil se pose aussi bien pour la faculté de médecine que pour l’Infas. 1) IMPOSSIBILITE POUR LA FACULTE D’ACCUEILLIR TOUS LES ETUDIANTS Le problème est réel dans toutes les universités et facultés du pays. L’université d’Abidjan dont fait partie la faculté de médecine a été construite pour recevoir à l’origine pas plus de 6000 étudiants toutes filières confondues. Aujourd’hui elle supporte difficilement plus 70000 étudiants. La faculté de médecine n’échappe pas à la « règle de la surpopulation universitaire ». Les amphithéâtres et les salles de travaux dirigés sont devenus trop étroits pour contenir le nombre des étudiants. Les autorités pour faire face à cette situation ont décidé d’instituer une sorte de numerus clausus dans les années 90 pour limiter l’accès à la faculté de médecine. Le principe était de regrouper tous les étudiants de 128 pharmacie et de médecine au cours des deux premières années, procéder à une sélection draconienne, choisir les meilleurs étudiants pour les orienter définitivement en médecine ou en pharmacie. Notre constat est que le pays a besoin de médecins et la seule chose que les autorités trouvent à faire c’est de réduire le nombre de médecins potentiels au lieu de construire des facultés de médecine. La faculté de médecine est surpeuplée, c’est le moins que l’on puisse dire, certains étudiants sont obligés de se rendre à la faculté dès 6h ou 6h 30 du matin pour espérer avoir une place dans un amphithéâtre déjà plein à craquer pour un cours qui débutera à 7h 30. Mais ce problème de capacité d’accueil ne concerne pas seulement la faculté de médecine, les étudiants des écoles de formation des agents de santé rencontrent les mêmes problèmes. 2) CAPACITE D’ACCUEIL SERIEUSEMENT LIMITE A L’INFAS L’INFAS comptait officiellement 1442 étudiants toutes filières confondues en 2002. Ce nombre rassemblait avec l’école d’Abidjan, les étudiants des différentes antennes de Bouaké et de Korhogo. Déjà à cette époque, les dirigeants de l’institut se plaignaient du manque d’amphithéâtres, de salles de travaux dirigés, d’internat etc… Depuis septembre 2002, les antennes du centre et du nord du pays étant fermées, seule la structure d’Abidjan est capable de toujours offrir ses services mais dans quelles conditions. En un mot, la capacité d’accueil de l’INFAS est dépassée, les salles sont exiguës et surchargées. A côté de la capacité d’accueil très réduite de notre faculté de médecine et de notre école de formation des agents de santé, d’autres problèmes liés au matériel et à la 129 formation pédagogique contribuent très fortement à dégrader le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. II - LES PROBLEMES LIES AU MATERIEL ET A LA FORMATION A / LE MATERIEL 1) INEXISTENCE ET MAUVAIS ETAT DU MATERIEL a- Absence de sièges, d’ordinateurs… à la faculté de médecine et à l’INFAS S’il y’a un problème qui doit sérieusement retenir l’attention des autorités politiques et administratives ivoiriennes en ce qui concerne le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire, c’est bien celui du matériel. Soit, il est pratiquement inexistant dans les lieux de formation, soit il est en très mauvais état lorsqu’il existe. Dans les 47 pays de l’Afrique subsaharienne nous pouvons dénombrer que 87 écoles ou facultés de médecine, 11 pays n’en possèdent pas du tout et 24 dont la Côte d’Ivoire dispose d’une seule faculté de médecine. Toutes ces facultés ne permettent pas une formation complète par manque de moyens. Rares sont celles qui possèdent des laboratoires, des ordinateurs reliés à Internet, des abonnements à des revues scientifiques. Les structures ivoiriennes n’échappent pas à ces difficultés. En effet, la faculté de médecine et l’INFAS doivent faire face à une grave pénurie d’ordinateurs, sièges, bureaux, matériels didactique et biomédical, d’équipements audiovisuels, de bibliothèques etc… Il y a quelques années (1970 - 1980) de cela, le problème ne se posait pas. Le pays ne comptait pas autant d’étudiants en médecine 130 et autant de personnes désireuses d’embrasser la carrière d’agent de santé. Les moyens existants permettaient de faire face à la demande des étudiants. Le professeur Souhalio OUATTARA (professeur agrégé de physiologie et d’explorations fonctionnelles. Spécialiste en pneumologie, spécialiste en allergologie, et spécialiste en biologie et médecine du sport) se souvient qu’à « l’époque, l’université de Côte d’Ivoire était bien équipée et que les enseignants avaient un sens élevé du travail bien fait..., Hélas, cela n’est plus le cas aujourd’hui ». En effet, les choses ont beaucoup changé. Le docteur Abdallah OUATTARA, ophtalmologiste abonde dans le même sens, il pense que : « la formation à la faculté de médecine était de bonne qualité mais depuis le début des années 90, on assiste impuissant au déclin de cette formation. La responsabilité de cette baisse de la qualité de formation appartient aux enseignants qui refusent de transmettre ce qu’ils savent tout simplement parce qu’ils sont préoccupés par autre chose ». Il reconnaît tout de même que leurs conditions de travail ne sont pas faciles. Comment peut-on former des étudiants si on ne les met pas dans les meilleures conditions de travail ? A la faculté de médecine, il arrive très souvent que les professeurs paient de leur poche la craie ou les feutres qu’ils utiliseront sur les tableaux en bois ou en plastique. Ce manque de matériel est dû dans certains cas au refus des autorités académiques de mettre la main à la poche ou dans d’autres, au comportement peu responsable de certaines personnes chargées de gérer ce matériel. En effet certains responsables de structure de formation se « servent » en s’accaparant des biens publics pour leur usage personnel. Le problème ne se rencontre pas seulement à l’Infas et à la faculté de médecine mais aussi dans de nombreux hôpitaux du pays. Hôpitaux où les futurs médecins et agents de santé devront poursuivre leur formation ou exercer. Ces dernières années, les responsables 131 du ministère de la santé essayent de mettre en place des procédés afin de lutter contre le laxisme, la corruption et les autres maux qui minent le système. Ils veulent selon le directeur de coordination des établissements publics nationaux, le professeur Prosper DJESSOU procéder à un changement de mentalité et comportement des agents du secteur sanitaire ivoirien.67Mais il n’y a pas que les problèmes corruption, de laxisme ou de matériel inexistant. Quand le matériel existe, il est de mauvaise qualité ou totalement vétuste. b- Vétusté du matériel existant Lorsque le matériel existe, il est en très mauvais état. Il n’est pas rare de retrouver à la faculté de médecine ou dans nos hôpitaux publics des appareils datant des années 70. La faculté de médecine construite pour sa plus grande partie au cours des années 60 présente aujourd’hui des bâtiments aux murs fissurés, des laboratoires d’expérimentation et de recherche dégradés. L’Infas, d’Abidjan construit au sein du plus vieux CHU du pays a fini par se confondre en tout cas en ce qui concerne son aspect au bâtiment qui abrite ses locaux. Pour les antennes de Bouaké et Korhogo, les locaux et le matériel ont été pillés par la rébellion aidée d’une partie de la population de ces deux villes. Mais pour nous, le drame, c’est que nous manquons de matériel de première nécessité dans nos structures de formation. 67 Fraternité Matin, Marcelline GNEPROUST, vendredi 4 juillet 2008. 132 2) INEXISTENCE DU MATERIEL DE PREMIERE NECESSITE La formation médicale nécessite beaucoup de travail de recherche. Des expériences doivent être menées, des laboratoires et certains appareils sont donc utiles. Dans nos laboratoires vétustes, il manque du matériel, cela est dû à l’absence de volonté des dirigeants et au mauvais usage fait par certaines personnes. Quand dans un laboratoire ou dans nos hôpitaux il n’y a même pas de produit pour se désinfecter les mains avant de toucher aux patients ou à certains appareils, nous disons qu’il y’a un sérieux problème. Nous avons des cas où les étudiants en médecine ou des écoles de formation sont obligés en plus de leur frais d’inscription de payer le matériel nécessaire à leur formation. Ce sont les efforts personnels à fournir si l’on veut mettre toutes les chances de son côté et réussir sa formation. B/ LA FORMATION 1) UNE FORMATION INITIALE INSUFFISANTE Au sein des structures de santé, les diverses catégories de personnels qui se côtoient n’ont pas la même formation initiale et dépendent de ministères différents. Ainsi, les assistants sociaux sont rattachés au ministère des affaires sociales et des handicapés. Les membres d’ONG quant à eux sont sous la direction du ministère de l’intérieur. Enfin, les médecins, infirmiers, sages-femmes et techniciens de laboratoire sont sous la tutelle du ministère de la santé.68 L’accès à la faculté de médecine nécessite que le postulant soit titulaire du baccalauréat. Concernant l’Infas, le niveau 68 Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, Entre savoirs et pratiques, sous la direction de Laurent VIDAL, Abdoul Salam FALL et Dakouri GADOU, septembre 2005 P 151. 133 requis est le bac pour la majorité des formations. Néanmoins, pour les formations paramédicales, un niveau inférieur au bac suffit. Certains personnels sont formés sur le tas, sur le lieu même de travail, et généralement pas pour ce à quoi ils étaient destinés au départ. Il s’agit, de façon générale, des gardiens, des filles et garçons de salle qui finissent par se retrouver vendeurs en pharmacie, techniciens de laboratoire, secrétaires etc… Ils accomplissent souvent des actes infirmiers. Nous trouvons tout cela dangereux parce que ces personnes n’ont pas la formation adéquate, même si à force de pratique et au fil des ans, elles arrivent à se forger des compétences. Les professionnels sont en nombre insuffisant, devrons nous alors prendre le risque de laisser des personnes former sur le tas pratiquer des actes infirmiers pour combler ce vide ? A côté de ce problème, il faut reconnaître qu’il faut une complémentarité entre formation théorique et formation pratique. Le problème de la formation théorique est que les professeurs ne sont pas toujours à la hauteur. De là découlent les lacunes des étudiants. Dans nos pays, nous constatons une prépondérance de formation théorique au détriment de la formation pratique, une terrible insuffisance en ce qui concerne les supports pédagogiques. Mais les étudiants eux aussi ont du mal à mettre en œuvre ce qu’ils apprennent. Les professionnels (médecins et agents de santé) mettent en avant l’écart trop important qui existe entre la formation reçue à l’école et la pratique sur le terrain. Le plus grand problème est celui de la mise à jour des cours. Il n’est pas rare dans nos écoles et universités de se retrouver en face d’un enseignant qui dispense la même matière depuis 10 ou 15 ans, avec la même structure, en fait sans changement. Le risque, c’est qu’aujourd’hui, nous devons faire face à un « immobilisme intellectuel » et les premières victimes sont tous ces jeunes hommes et 134 femmes qui veulent apprendre et comprendre. Nous avons l’impression que pour nos enseignants le travail se limite juste à déverser un flot souvent incompréhensible de paroles dans une salle de cours et laisser les étudiants se débrouiller en allant chercher le véritable savoir dans les bibliothèques qui n’en sont plus. 2) ABSENCE DE MECANISME DE FORMATION CONTINUE Il fut une époque où la formation initiale suffisait au médecin pour soigner une vie durant ses patients. La connaissance du latin, la pratique de la saignée et de l’administration du clystère ne nécessitaient pas il est vrai, de recourir à une formation médicale complémentaire, à plus forte raison une formation médicale continue. De nos jours, l’évolution des moyens thérapeutiques : médicaments, techniques chirurgicales, imagerie etc… ne permettent pas à la formation initiale de prétendre délivrer les connaissances suffisantes à un exercice médical de qualité durant toute une vie professionnelle. Selon nous, il y’a un principe primordial de la médecine qu’on ne peut ignorer, c’est le fait qu’un médecin doit être au courant des progrès de la médecine, dans tous les domaines, cliniques, biologiques et techniques. Après une formation initiale pas toujours parfaite, l’idéal serait que nos anciens étudiants de médecine et de l’Infas devenus maintenant médecins ou agents de santé suivent régulièrement une formation dite continue. En France par exemple, l’article 11 du code de déontologie médicale de 1995 dispose que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue ». Les autorités françaises ayant constaté que cette disposition n’était pas vraiment suivie sont allées plus loin en renforçant le simple 135 devoir déontologique qu’exprime l’article 11 du code par une obligation légale pour tout médecin de se soumettre à une formation médicale continue, elles ont aussi prévu tout un système de règles et de contrôles du bon accomplissement de cette obligation.69 Les médecins et agents de santé ne peuvent pas simplement se baser sur leur formation initiale pour accomplir leur mission. Le principe même de la pratique médicale est le changement. Les maux changent tout le temps et il faut donc y adapter les remèdes, ce qui entraine une évolution constante de la science. Ceux donc qui sont chargés de pratiquer les soins ne peuvent pas se tenir loin de toutes ces évolutions. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut inciter nos personnels de santé à s’intéresser à l’évolution de la médecine sous peine de sanctions. Les formations continues sont organisées à l’intention des professionnels de santé et se présentent sous forme de séminaires, d’ateliers, de congrès, d’enseignements postuniversitaires et parfois de stages. Les propositions de formation émanent principalement du ministère de la santé par le canal des directions centrales, de la mission de coopération française et de plus en plus maintenant de laboratoires pharmaceutiques.70 Pour les médecins et les agents de santé, les formations continues permettent sans aucun doute d’accroître leurs connaissances et de maîtriser de nombreux rouages de la science médicale. C’est très souvent l’occasion de compléter la formation académique. De l’avis même des étudiants, les formations continues apportent beaucoup. Mais si tout semble bien se passer, il existe néanmoins un certain nombre de problèmes, et ce sont ces difficultés qui nous font dire que le mécanisme de formation continue est pratiquement inexistant en Côte d’Ivoire. 69 Ordonnance n°96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins. Les personnels de santé en Afrique de l’ouest, Entre savoirs et pratiques. Sous la direction de Laurent VIDAL, Abdoul Salam FALL et Dakouri GADOU. Septembre 2005, P 161. 70 136 Au sein de la grande famille des personnels de santé, nombreux sont ceux qui se plaignent de ne pas avoir accès aux formations continues. Les infirmiers, sagesfemmes et autres agents de santé insistent plutôt sur la rareté du mécanisme et estiment que ce sont les médecins en tant que responsables qui s’accaparent toutes les occasions de formation. Toujours selon les agents de santé, dans les grands hôpitaux, la priorité est donnée aux médecins tout simplement parce que le personnel paramédical est marginalisé ou sous-estimé. Du côté des médecins, c’est pareil, ces derniers accusent leurs supérieurs hiérarchiques : les professeurs de ne penser qu’à eux quand les propositions de formation continues leur sont faites. Notons enfin que certains soignants expliquent leur exclusion ou tout au moins leur non-participation aux formations continues en raison des perdiems (argent et voyage) distribués aux participants. En effet, il est de notoriété dans le monde médical ivoirien que la participation à certaines formations représente pour une catégorie de professionnels un moyen de s’enrichir. A l’échelle nationale ou internationale, les professionnels qui participent aux formations organisées par des organismes comme l’OMS, ou qui bénéficient de stages, reçoivent quotidiennement ou mensuellement et sous forme de frais de missions d’importantes sommes. Il est dès lors évident que dans ces circonstances, ce soient toujours les mêmes personnes qui sont proposées ou qui se proposent d’y prendre part. Ce faisant, elles ne favorisent pas la diffusion du savoir aux autres soignants qui en tirent un réel ressentiment. Ces différentes situations nous font constater l’existence de nombreux problèmes humains dans le système de santé en Côte d’Ivoire. 137 SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS En ce qui concerne les problèmes humains, nous porterons une attention particulière à ceux qui fournissent les enseignements, c'est-à-dire les formateurs d’une part et d’autre part à ceux qui reçoivent ces enseignements, les étudiants. I - LES PROBLEMES CONCERNANT LES FORMATEURS En ce qui concerne les enseignants, de nombreux problèmes existent quant à leur formation. Nous pouvons constater une certaine insuffisance d’encadrement, les difficultés qui touchent aux effectifs, nous avons du mal à avoir de nombreux enseignants de qualité bien formé eux-mêmes à la pédagogie. Ensuite, le problème de documentation se pose, nos formateurs ne font presque rien pour se mettre à jour, ce qui entraine un faible ou un mauvais fonctionnement du mécanisme de formation continue. Pour terminer, nous pensons que l’Etat ne fait rien pour assurer la relève. Nous n’avons pas de politique de relève, chose pourtant indispensable pour la transmission du savoir et de la science médicale. A côté de tous ces problèmes qui ne sont pas forcément dus au fait des enseignants mais des autorités académiques et étatiques, deux difficultés majeures proviennent des enseignants : la légèreté dans la conduite des cours et la non actualisation des cours dispensés. 138 A/ LEGERETE DANS LA CONDUITE DES ENSEIGNEMENTS 1) L’ENSEIGNANT, SEUL « MAITRE » DE L’AMPHITHEATRE L’enseignant dans les pays Africains et plus particulièrement en Côte d’Ivoire est perçu comme un petit « dieu ». Il œuvre pour que ses étudiants et les différents assistants dépendants de lui aient cette image. Etre professeur de médecine, c’est quelque chose de très grand. L’enseignant dans son amphithéâtre ou dans sa salle de cours est le maître absolu, il ne tolère aucune critique parce que c’est lui et lui seul qui détient le savoir. Les étudiants qui sont là pour apprendre ne peuvent rien lui apporter. Sa parole est rarement mise en doute. Tout étudiant qui ne se conforme pas aux règles établies par le professeur devient une cible à « abattre ». L’enseignant universitaire ivoirien estime qu’il ne doit sa place qu’à son mérite personnel et qu’à ce titre, les étudiants doivent en faire autant. Dans nos écoles et universités, les enseignants tiennent la vie et l’avenir des étudiants au bout de leur stylo. Au sein de la faculté de médecine et des écoles de formation des agents de santé, les étudiants sont donc victimes d’un horrible chantage orchestré par le corps professoral. 2) LE CHANTAGE DU CORPS PROFESSORAL Les enseignants, non seulement sont les maîtres incontestés dans leur salle de cours mais aussi dans leurs relations avec les étudiants et surtout les étudiantes. Une certaine forme de pression est exercée sur les étudiants dans les amphithéâtres et souvent en dehors par leurs formateurs. Il n’est pas rare de voir des étudiants accomplir certains travaux manuels au domicile ou au bureau de l’enseignant. En 139 contrepartie, l’étudiant bénéficiera de la clémence ou de l’aide de son professeur pour arrondir une note pas trop avantageuse. Le problème est beaucoup plus réel en ce qui concerne les jeunes filles. Les enseignants ivoiriens dans leur grande majorité exercent une très grande influence sur leurs étudiantes. C’est vrai que dans la plupart des cas, ce sont les filles qui prennent les devants. Le « deal » est très simple : une relation sexuelle71, souvent continue contre une note favorable pour l’obtention d’un diplôme ou d’une unité de valeur. Il y’a des cas où la relation dure tout un cycle universitaire. Ce sont des faits que tout le monde trouve normaux dans le pays. Les enseignants des universités et des grandes écoles du pays constituent une véritable « mafia ». L’enseignant déçu qui n’a plus l’étudiant ou l’étudiante dans son cours, donc sous son influence peut compter sur un autre enseignant dont dépend le malheureux étudiant pour atteindre son but. Nous n’allons pas rejeter la responsabilité de tout ce qui se passe sur les enseignants uniquement. Il faut aussi reconnaitre que dans de nombreux cas, ce sont les étudiantes qui font des avances à leurs formateurs pour obtenir ce qu’elles désirent72. Cette mainmise des professeurs sur l’hôpital ne concerne pas seulement les étudiants et étudiantes, mais aussi des cadres de la santé. Les CHU et les instituts de santé sont dirigés depuis plusieurs années par des professeurs en médecine qui sont dans le même temps chefs de service dans les structures qu’ils dirigent. Cette situation comme on peut s’en douter crée des frustrations et plus en plus de contestations ouvertes. C’est le décret n° 2001-650 du 19 octobre 2001 portant organisation et fonctionnement des CHU de Cocody, Treichville, Yopougon et Bouaké qui a mis le feu aux poudres. En effet, au terme de cette décision gouvernementale, le directeur du 71 Dans les différentes facultés du pays, les étudiants parlent de MST, autrement dit, Moyenne Sexuellement Transmissible. 72 Le Nouveau Réveil : « la prostitution est devenue un métier florissant même en milieu scolaire et universitaire ». Célébration du cinquantenaire de la Côte d’Ivoire/Doubé BINTY « pourquoi c’est une bêtise ». Vendredi 7 mai 2010. 140 CHU est nommé par décret en conseil des ministres sur proposition du ministre de la santé, avec rang de directeur général. Le problème survient lorsqu’un chef de service est nommé directeur général d’un CHU ou d’un institut, il, refuse de quitter son poste de chef de service, empêchant du même coup l’évolution d’un autre cadre de la santé. Ce problème trouve sa réponse dans le « mandarinat ». Le mandarinat est un système où le maître est roi et écrase tous ses subalternes, où aucun cadet dans la profession ou élève n’est autorisé à contredire ou à chercher à prendre la place du mandarin73. Nous pensons que toutes ces pratiques sont d’un autre âge et qu’il est temps que les autorités prennent des mesures afin que les jeunes médecins aient aussi la chance de faire carrière. Les enseignants de la faculté de médecine et des écoles de formation des agents de santé ont tous le même problème, celui de ne pas mettre à jour leurs cours face à l’évolution mondiale des différentes matières qu’ils sont censés enseigner. B/ NON ACTUALISATION DES COURS La science évolue, les enseignants devraient suivre cette évolution, non seulement ils ne la suivent pas et plus grave, certains d’entre eux ne maîtrisent même pas les anciens cours qu’ils dispensent depuis des années. 1) LES ENSEIGNANTS FACE A L’EVOLUTION DE LEUR MATIERE Ce constat provient des appréciations des professionnels de santé sur leur formation. La construction des différentes structures de formation répond au souci de doter les 73 Notre voie : CHU et instituts de santé en Côte d’Ivoire – des cadres bloqués par des professeurs cumulards. Lundi 28 juin 2010. Coulibaly Zié Oumar. 141 hôpitaux ivoiriens de personnels qualifiés, capables d’offrir des soins de qualité aux patients. La formation qui y est donnée comprend deux volets : un, constitué de cours théoriques à partir desquels l’étudiant acquiert des connaissances livresques dans son domaine et l’autre permet d’acquérir des notions pratiques. C’est la combinaison de ces deux aspects qui fait de l’apprenant un spécialiste dans son domaine.74 Alors comment les soignants, les formés eux-mêmes perçoivent-ils leur formation ? Les étudiants dans leur ensemble reconnaissent la complémentarité entre formation théorique et pratique. Mais, ils admettent tenir leurs lacunes du fonctionnement d’un système qui engage la responsabilité des enseignants. Ces derniers en n’actualisant pas le contenu de leurs cours théoriques ne permettent pas aux étudiants qu’ils sont de prétendre à une formation de qualité. Un enseignement immuable est offert aux étudiants et élèves qui à leur tour ont du mal à se mettre au niveau de la pratique. En d’autres termes, la science évolue sans que cela se ressente dans les cours. Pour les étudiants, les enseignants ne s’informent pas assez, ils leur livrent ce qu’ils ont toujours donné. Il n’est pas surprenant de voir à la faculté de médecine ou dans les écoles de formation des enseignants dispenser des cours à des étudiants alors que dix ans auparavant d’autres étudiants ont reçu ces mêmes cours à une virgule près. Comme si cela ne suffisait pas, les cours conservés pendant des années sans la moindre modification sont dans bien souvent des cas mal maîtrisés et rendus en l’état aux étudiants. 74 Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, entre savoirs et pratiques, sous la direction de L. VIDAL, Abdou S. FALL et D. GADOU, L’HARMATTAN, septembre 2005 P 156. 142 2) LES ENSEIGNANTS FACE A LA MAITRISE DE LEUR MATIERE L’enseignement étant un métier absorbant. Lorsqu’on choisit cette voie il y’a des efforts à fournir pour rendre à ses étudiants les cours qu’on a soi-même préparés. Nous avons dans nos universités et écoles de formation des enseignants qui ne méritent pas leurs grades et titres tout simplement parce qu’on se demande comment ils ont fait pour les obtenir. Ces enseignants pleins de carence et d’incompétence sont les plus durs avec les étudiants. Pour exemple, on a déjà vu des professeurs à l’université d’Abidjan distribuer autant de zéro qu’il y’a d’étudiants dans leur amphithéâtre tout simplement parce que aucun étudiant n’a pensé, réfléchi, et traité le sujet comme lui le voulait. Souvent les enseignants ont du mal à répondre aux questions de leurs étudiants ou la correction d’un sujet donné ne présente pas toutes les garanties requises pour justifier la très mauvaise note infligée à l’étudiant. Nous avons déjà vu des enseignants en difficulté pendant leur cours parce que ne sachant pas comment réagir face à certaines interrogations ou certains cas pratiques posés. Ou encore, le professeur affirmant une chose et son étudiant son contraire avec preuve à l’appui. Autant les enseignants sont à l’origine de nombreux problèmes, autant, les étudiants eux aussi orchestrent des difficultés plus au moins importantes au cours de leurs années d’études. 143 II - LES PROBLEMES CONCERNANT LES ETUDIANTS Les problèmes en ce qui concerne les étudiants des différentes structures de formation sont liés d’une part à leur absence aux cours théoriques et aux stages et d’autre part à l’absence de volonté et à la tricherie. A/ ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ET AUX STAGES 1) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS Peu importe les structures de formation, qu’on soit à la faculté de médecine ou à l’Infas, l’absence des étudiants est la même. Les cours d’amphithéâtre sont ceux où l’absentéisme est très élevé, tout simplement parce que les enseignants et l’administration n’ont aucun moyen de contrôle. Avec le déficit de place dans nos salles de cours, l’absence de quelques étudiants ne pose pas problème, bien au contraire, c’est une sorte de solution. Les étudiants ne viennent pas le plus souvent aux cours parce que pour eux, les cours n’ont pas besoin d’être suivis. Il suffit de photocopier ceux d’un ami pour les avoir. De toute façon, il n’y a pas de grands changements entre les cours (vieux de deux ou trois ans) d’un aîné et les cours actuellement dispensés par le professeur. Et pourquoi se rendre aux cours si c’est pour toujours écouter les mêmes choses. Pour avoir une bonne place, il faut se lever tôt, pour les étudiants qui ne sont pas logés sur le campus universitaire ou près des écoles de formation, emprunter les transports publics de son point de départ jusqu’à son point d’arrivée relève d’un véritable parcours du combattant. Ces difficultés liées aux moyens de transport sont plus difficiles à gérer lorsque l’étudiant doit se rendre à 144 des stages dont les terrains sont le plus souvent situés dans les villes de l’intérieur du pays dépourvues de moyens de transport. 2) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX STAGES Les stages sont comme nous l’avons déjà dit, l’occasion pour l’étudiant médecin, infirmier ou la future sage-femme de côtoyer les malades. C’est la pratique même de la médecine, d’où l’obligation pour l’étudiant d’être présent pendant le déroulement de ceux-ci. Mais très souvent, bien que leurs absences soient sanctionnées, les étudiants s’absentent quand ils veulent et comme ils veulent. Les terrains de stage sont souvent éloignés du lieu de logement de l’étudiant. Pour les étudiants en médecine les stages se déroulent généralement dans les grands CHU de la ville d’Abidjan. Ces étudiants ont donc la chance de vivre et d’aller à l’école sur leur terrain de stage. Mais pour le étudiants de l’Infas de Bouaké et Korhogo, pour ceux qui n’étaient pas originaires de ces villes, ils devaient d’abord se trouver un logement pour assister aux cours et ensuite, vu le déficit de structures médicales dans ces régions, lorsque le terrain de stage se trouvait en dehors de la ville de l’établissement, ils devaient encore se trouver un nouveau logement pour toute la période que durerait celui-ci. Mais, à côté de toutes ces considérations de logement et de transport, nous devons dire qu’il y’a de la part des étudiants une certaine mauvaise foi. En effet, avant eux plusieurs générations d’étudiants se sont battus et ont réussi dans les mêmes conditions, voire avec moins de moyens. Alors aujourd’hui pourquoi pas eux ? Tout simplement parce qu’ils manquent de volonté et sont animés par un trop grand désir de tricherie. 145 B/ ABSENCE DE VOLONTE ET TRICHERIE DES ETUDIANTS 1) ABSENCE DE VOLONTE Avoir la volonté est essentiel pour réussir des études. Dire que les étudiants de la filière médicale ivoirienne n’ont pas de volonté, est-ce affirmer qu’ils n’ont pas envie de réussir ? On ne sent pas vraiment cette envie en eux. Cela est peut-être lié à l’état général du pays depuis des années. La question de la finalité de ces études reste posée. Soigner des gens, sauver des vies sans soutien pour ceux qui s’y préparent conduit à une impasse. Les pouvoirs publics disent qu’ils font ce qu’ils peuvent pour aider ces futurs médecins et agents de santé. Bien évidemment, c’est après s’être servis que ces messieurs des ministères pensent à la relève du pays. Comment imaginer qu’un pays comme la Côte d’Ivoire n’ait qu’une seule faculté de médecine, que les hôpitaux manquent du strict minimum, que des étudiants qui après huit ou dix ans d’étude ne soient pas sûrs d’avoir du travail, ou s’ils l’ont, c’est avec un salaire de misère. Ce sont toutes ces raisons qui font que nos étudiants, nos futurs médecins, nos futurs infirmiers etc.… n’ont plus de volonté et n’ont plus foi en ce qu’ils font. Et cela constitue un danger pour l’avenir de nos populations. Quand la tricherie et la corruption s’imposent comme valeurs morales, c’est l’avenir de la nation qui se trouve compromis. 146 2) LA TRICHERIE ET LA CORRUPTION « Il faut vous détourner de toutes les voies de tricherie. Elle ne mène que droit dans le mur. Seul le travail paie »75, ces propos sont ceux du ministre de l’enseignement supérieur de Côte d’Ivoire, monsieur Ibrahim Bacongo CISSE. Nous voulons à travers cette déclaration du ministre montrer à quel point le fléau de la tricherie gangrène le système universitaire ivoirien. En effet, nous pensons que la tricherie est le problème majeur de l’école ivoirienne. Elle touche tous les cycles primaires, secondaires et universitaires. Elle se manifeste de différentes façons. De l’étudiante qui offre son corps à un professeur moyennant une bonne note, en passant par l’étudiant «esclave» qui fait tout ce que son professeur lui demande, et enfin l’étudiant qui pendant les devoirs de classe ou l’examen triche avec ses cours placés sous la table ou la jeune fille qui a certaines pages de son cours collées sur la cuisse. Il y’a aussi l’organisation en cartel, plusieurs étudiants se partagent le cours et s’arrangent pour s’asseoir ensemble ceci dans le but de multiplier les chances de succès à l’examen. Pour certains examens qui ne sont pas trop contrôlés, nous avons l’intervention de « mercenaires », ce sont des étudiants très souvent de cycle supérieur qui viennent passer un examen à la place d’un autre. A la tricherie, il faut ajouter la corruption de certains agents administratifs qui ont pour mission de gérer l’argent de nos structures sanitaires. Ce problème se pose surtout dans les structures publiques de formation ou même de soins. En Afrique subsaharienne, 9%76 des usagers des services de santé ou du système éducatif ont été confrontés à la corruption. Fraudes, collusion et trafic d’influence sont désormais 75 L’intelligent d’Abidjan, mardi 22 septembre 2009. Journée de l’excellence – Bacongo invite les élèves à abandonner la tricherie. 76 Rapport de Transparency International, 23 septembre 2009. 147 des pratiques intégrées par le corps médical et enseignant. Si beaucoup d’arrangements se soldent par une transaction financière, la corruption peut aussi se manifester tout autrement, certains professeurs nous l’avons déjà dit pratiquent un véritable droit de cuissage sur les étudiantes qui souhaitent passer au niveau supérieur. Ce sont ce que l’on appelle dans le milieu universitaire les MST . Le désengagement des personnels de santé se caractérise principalement par un absentéisme du corps professoral. Les médecins qui doivent former certains étudiants dans les hôpitaux ne sont presque jamais présents puisqu’ils préfèrent aller gagner de l’argent dans le privé. A côté de cela, les agents de santé présents dans les hôpitaux s’adonnent à des pratiques diverses pour arrondir leurs fins de mois. En effet, de nombreux agents commercialisent souvent le matériel ou les médicaments offerts au pays par des institutions internationales ou des pays amis, dons qui devaient normalement être distribués gratuitement à certains patients. Nous avons par exemple appris par le biais du quotidien abidjanais le « Nouveau Réveil » que plus de 200 millions de FCFA ont été « pompés » par l’agent comptable du trésor public à l’Infas. Il s’agirait en fait selon un agent de la direction générale du trésor de recettes perçues non comptabilisées. Selon l’article, l’agent mis en cause aurait été sommé de rembourser l’argent détourné. Espérons que cet argent revienne dans les caisses de l’Etat pour le bien-être des populations77. Le comble dans nos hôpitaux, c’est que même les agents de santé sont corrompus. Nous assistons depuis un certain temps à la naissance d’une forme de racket hospitalier78 qui est en train de se généraliser. Les fonctionnaires payés pour travailler et sauver des vies réclament avant toute 77 Le Nouveau Réveil, malversations à l’Infas, plus de 200 millions pompés. Vendredi 22 août 2008. Nord-Sud Quotidien, Cissé sindou, CHUs : les usines à cadavres d’Abidjan, la banalisation de la souffrance et de la mort. Samedi 10- dimanche 11-lundi 12 mai 2008, P 6 et 7. 78 148 intervention de l’argent. Peu importe l’urgence du cas, la famille doit d’abord débourser de l’argent. La tricherie et tout ce que nous venons de citer plus haut causent un véritable problème à la formation des personnels de santé dans notre pays, nous pensons qu’il est urgent d’y remédier. Des choses ont été faites pendant des années souvent avec sincérité et devoir, d’autres par obligation et volonté d’enrichissement illicite des « bâtisseurs ». C’est aux jeunes d’aujourd’hui de faire bouger les choses pour que les générations futures disposent d’un système sanitaire digne de ce nom. En ce qui concerne la formation des personnels de santé, nous pensons que la date du 19 septembre 2002 est une date de rupture. Le conflit armé qui a opposé les forces gouvernementales aux forces rebelles venues du nord a accentué la déliquescence du système sanitaire ivoirien. Nous avons toujours pensé que la fin du conflit qui touche le pays devait être un nouveau départ pour rebâtir, refonder le système de formation des personnels de santé. 149 CONCLUSION DE LA PARTIE I Nous venons de passer en revue l’histoire de la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire de 1893 à 2002. La formation qui était traditionnelle avant l’arrivée des européens s’est au fil des ans modernisée. D’abord avec la colonisation. Les colons ont totalement transformé les mentalités des populations ivoiriennes avec cette nouvelle médecine dite moderne. La forêt et les sorciers n’étaient plus le lieu principal et les acteurs principaux de cette médecine. La façon de soigner et la manière de transmettre ce savoir devenaient totalement différentes de ce que l’on avait eu l’habitude de faire. Les médecins coloniaux français ont aussi choisi sans distinction de former les ivoiriens de toutes les catégories sociales, il n’y avait plus de privilégiés ou d’élus. Tout le monde avait la chance d’accéder au savoir et à la science médicale. Hommes et femmes pouvaient librement prétendre à la profession médicale, alors que la médecine traditionnelle donnait quant à elle la priorité aux hommes. A partir de 1960, avec les indépendances, les ivoiriens ont hérité du système de santé mis en place par les français. Le moment de prendre les choses en main était arrivé. Il fallait dès à présent montrer que nous étions capables d’assurer la relève, la gestion des structures sanitaires et la formation des jeunes ivoiriens afin de doter le pays d’un système de santé efficace. L’ancienne école de médecine a été transformé en faculté de médecine, les jeunes ivoiriens formés auparavant par les français et partis se perfectionner en France sont revenus se mettre au service de leur pays. La faculté de médecine a dès lors été organisée par des ivoiriens pour la formation des ivoiriens mais il est vrai toujours aidés de coopérants français. A côté de la faculté de médecine il fallait aussi monter des structures qui allaient permettre la formation des 150 agents qui devaient venir en appui aux médecins. Des écoles de formation d’infirmiers et sages-femmes transformées par la suite en instituts de formation des agents de santé ont été créées dans les trois plus grandes villes du pays. Toutes ces structures, faculté de médecine de cocody et Infas ont eu des débuts prometteurs jusqu’à ce que les difficultés apparaissent. Ces difficultés situées à plusieurs niveaux ont considérablement gêné et freiné la production de médecins et d’agents de santé en Côte d’Ivoire. Les problèmes rencontrés mettaient en vue le manque de structures de formation, en effet, tandis que les candidats à la formation aux métiers des sciences médicales augmentaient, les structures de formation et d’accueil elles ne suivaient pas. Le matériel lui aussi a commencé à se faire de plus en plus rare et de mauvaise qualité. La formation des personnels de santé ne se faisait plus dans les conditions adéquates. Les autorités administratives et politiques n’ayant pas pris leurs responsabilités pour faire face aux difficultés par manque de volonté ou de moyens, ce sont tous les personnels de formation qui se sont laissés emparer par le découragement, ce qui a eu pour conséquence de fragiliser très sérieusement le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Les choses se sont dégradées à un tel point que la corruption est devenue un élément du système. Dans les hôpitaux, à la faculté de médecine ou à l’Infas, le travail ne se faisait plus de façon objective. Chacun voulait tirer profit de l’acte qu’il était censé poser par devoir pour la nation. Népotisme, laxisme, irresponsabilité et incompétence se sont installés au sein du système de santé. Formateurs, formés et autorités administrative et politiques ont tous baissé les bras sans toutefois oublier de se rejeter les uns sur les autres la responsabilité de ce qui se passait. En face d’eux, les populations, bénéficiaires des services de santé ne pouvaient que constater ce spectacle désolant, elles qui devaient 151 maintenant corrompre pour se faire soigner dans les hôpitaux publics ou débourser d’énormes sommes d’argent pour avoir accès aux cliniques privées. L’année 2002 pour nous est l’année de la rupture. En effet, le règlement de la crise que traverse le pays depuis cette date doit être le point de départ d’une nouvelle façon de voir et de penser la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Pour nous, la reconstruction du système de formation s’impose. Il faut partir sur de nouvelles bases. Nous pensons qu’il est important et nécessaire que nous organisions en Côte d’Ivoire « les états généraux du système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire » afin que ceux qui ont des propositions à faire les fassent et que ceux qui ont des choses à dire les disent. Il est temps pour nous de faire les choses autrement, nous ne pouvons pas nous permettre de rester à la traîne dans un domaine aussi délicat que la formation de nos personnels de santé. Mise à part les problèmes de logistiques qui nécessitent principalement de l’argent et accessoirement une bonne gestion de la part des hommes, nous pourrons par exemple nous inspirer de ce qui a été fait ailleurs en matière de formation des personnels de santé. Nous pensons aussi que ce moment de dialogue entre autorités politiques et administratives et acteurs du monde médical peut être l’occasion de pointer du doigt le problème du comportement des personnels chargés de la formation des agents de santé et des médecins ou des personnels de santé exerçant dans nos hôpitaux et y apporter des solutions efficaces et durables. Tout cela aura pour seul but d’améliorer un service public dans le seul intérêt des usagers, en l’occurrence les populations ivoiriennes souvent impuissantes et désarmées face à tout ce qui se passe dans nos hôpitaux. 152 PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE Dans cette partie, nous proposerons des solutions pour rebâtir le système de formation des personnels de santé. Dans un premier temps, il s’agira pour nous d’exposer de façon concrète, ce que nous désirons pour notre pays. Dans un second temps, nous mettrons l’accent sur l’importance et la nécessité de l’introduction du droit dans la formation des personnels de santé dans notre pays. 153 TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION Le modèle cubain en matière de formation des personnels de santé apparait à nos yeux comme l’un des plus efficaces au monde étant donné le contexte de sa mise en œuvre. Mais s’inspirer totalement de l’étranger ne peut en aucun cas constituer une garantie de succès, c’est pour cela que nous proposerons des solutions que nous pensons être les bonnes pour notre pays. 154 CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN Comme modèle étranger pouvant servir à notre pays, nous avons choisi cuba, petit Etat d’Amérique. Mais pourquoi ce pays ? Tout d’abord parce que c’est un pays du tiers monde comme La Côte d’Ivoire. Pour tout observateur, la santé publique est considérée sans aucun doute comme la plus grande réussite du socialisme cubain. Les équipes de santé sont de très bon niveau de formation et les indicateurs dans le domaine concurrencent sans complexe ceux de nombreux pays dits développés. Toutefois, nous ne pouvons ignorer que le pays fait face à d’énormes difficultés économiques, politiques et sociales (manque de médicaments, absence de matériel médical de haut niveau, maintenance difficile du matériel existant et des installations et infrastructures médicales…) Toutes ces difficultés sont en partie dues à l’embargo américain que subit cuba depuis de nombreuses années. Peu importe les problèmes, nous pensons que Cuba peut servir d’exemple aux ivoiriens. Cuba est aussi la preuve qu’avec des personnes volontaires, dévouées et peu de moyens on peut réaliser de grandes et belles choses. SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE Cuba a mis la santé au cœur de ses priorités sociales et politiques. Aujourd’hui, la santé fait partie du contexte politique, géographique, démographique et économique de l’île. 155 I - LA SANTE, VALEUR SOCIALE ET PRIORITE POLITIQUE A/ LA SANTE AU CENTRE DES DECISIONS POLITIQUES 1) LA SANTE, UNE DES PREOCCUPATIONS DE LA REVOLUTION CUBAINE Dès les premières heures de la révolution de 1959, la santé et l’éducation sont placées en tête de liste des révolutionnaires. La population doit être instruite, mais pour cela il faut avant tout qu’elle soit en très bonne santé. C’est dans cette optique que la santé est déclarée droit du citoyen et il est donc tout à fait normal que le système de santé cubain se place en défenseur et garant de ce droit fondamental. Pour les autorités sanitaires cubaines, l’Etat assume entièrement la responsabilité de la prise en charge de la santé de ses citoyens. La santé se conçoit comme une composante principale de la qualité de vie et comme un objectif stratégique de développement de la société. C’est cette volonté de l’Etat cubain de fournir à tout prix à sa population le bien être qui fait de ce pays une référence en matière de santé. La place prépondérante donnée à la santé par toutes les autorités politiques et administratives du pays est la preuve que l’échec d’une politique n’est pas forcément dû au manque de moyens financiers. Tout dépend de la volonté et de la conviction profonde des différents acteurs. Si la volonté politique n’est pas accompagnée d’une certaine force humaine, nous pensons que l’échec est assuré. En Côte d’Ivoire, c’est un peu cela le problème, l’on met sur pied des projets et des plans auxquels nul ne croit. Dans ces conditions, comment voulez-vous que nous obtenions des résultats satisfaisants ? Les autorités cubaines n’ont pas attendues que toutes les aides leur tombent du ciel pour réaliser ce qu’elles ont fait. Elles ont été soutenues par des Etats à l’époque mais ces pays n’avaient pas la puissance et les moyens dont disposent les 156 pays vers lesquels la Côte d’Ivoire s’était tournée. Cuba a su faire avec ce qu’il avait et ce qu’on lui a donné. 2) LA SANTE A LA BASE DU DEVELOPPEMENT CUBAIN DEPUIS 1959 Il existe de grands axes de développement de la santé à cuba79 : - le service médical rural (1960) - le développement des polycliniques communautaires (1972) - le programme du médecin de famille (1996) - la municipalisation de la santé (1996) Dès 1960, la création du service médical rural a consisté en la création d’un réseau d’hôpitaux ruraux, hôpitaux généraux sans activité de chirurgie dans la plupart des cas. Les soins y sont gratuits pour l’ensemble de la population et tout médecin terminant ses études doit accomplir une année de travail dans une structure de soins rurale80. Ces mesures indiquent clairement l’orientation de la politique sanitaire des autorités : - un service public pour l’ensemble de la population - un rôle central accordé au médecin (plus qu’à l’infirmière) - une double accessibilité géographique et financière En 1965, ce sont les polycliniques en tant que structures de premières lignes qui sont mises en place. Elles sont centrées à cette période sur trois spécialités de base (pédiatrie, la gynéco-obstétrique et la médecine interne) qui correspondent à trois groupes spécifiques (les enfants, les femmes en âge de procréer et la population générale). En 1972, les polycliniques se tournent vers une pratique médicale plus 79 80 Rapport mission cuba, avril 2003. Van Dormael et Dugas, 2000 P 15. 157 communautaire accordant un intérêt à d’autres groupes et en mettant l’accent sur la prévention. La planification des services se réalise alors selon une carte sanitaire. Les polycliniques ont été mises en place selon le découpage des aires de santé correspondant aux provinces et aux municipalités. Cela correspond à un « niveau de décentralisation exécutive de la politique sanitaire ».81 Ainsi donc, d’autres axes de la politique sanitaire prennent forme : - l’intérêt marqué pour le développement d’une approche communautaire - le renforcement du rôle du médecin généraliste et son orientation vers les spécialisations touchant la famille - la décentralisation progressive de l’organisation du système. Dès le début des années 80, on assiste à une profonde réforme du système de santé. Elle débute avec la mise en place du programme de médecin de famille en 1984. L’organisation de la pratique médicale repose sur un mode de fonctionnement en équipes de base constituées du médecin et de l’infirmière. Le médecin de famille dont la fonction essentielle est d’assurer un suivi actif et un monitorage de la santé de la totalité de sa population doit à ce niveau tenir compte de la famille et de la communauté et pas uniquement des malades. En 1996, le mouvement de santé communautaire marque une nouvelle étape en insistant sur la participation de la population dans la définition de ses besoins, la dimension préventive et en mettant l’accent sur la promotion de la santé de manière globale. Ce mouvement sera suivi dans la même année de la municipalisation de la santé, faisant de la municipalité un niveau de décision et d’organisation. Ici, une équipe est responsable de l’ensemble des structures de soins au niveau municipal sur les 81 plans administratif et technique, sans Van Dormael et Dugas. 2000, P 16. 158 fonction clinique, détenant un « rôle d’administration, de répartition des ressources (matérielles et humaines) d’organisation et coordination des services, de gestion de l’information sanitaire, ainsi qu’un rôle technique d’appui ». La décentralisation est de type exécutif : le service municipal de santé est essentiellement responsable de l’application de la politique sanitaire décidée au niveau central. Il y’a cependant une marge de manœuvre en termes d’adaptation de la politique nationale au contexte municipal, et dans l’utilisation du budget annuel.82 La consolidation du système s’est donc réalisée autour de ces principaux axes que sont : - la triple accessibilité financière, géographique et sociale - la formation massive et de haut niveau de professionnel de la santé - la participation de l’ensemble de la communauté - la définition de stratégies claires établies sur la base de données du terrain et mises en œuvre à travers des programmes planifiés. B/ LES DEUX PRINCIPES DE LA SANTE PUBLIQUE CUBAINE 1) LE FINANCEMENT DU SYSTEME DE SANTE PAR L’ETAT La force du système de santé cubain provient de la volonté des autorités de tout mettre en œuvre pour que les populations bénéficient des meilleurs soins possibles. Pour réaliser ce projet ambitieux, les autorités ont donc décidé de financer à 100% la santé des cubains. Ce financement part de la création des instituts de formation et facultés de médecine, de la construction d’hôpitaux, maternités et dispensaires à travers tout le pays. Ensuite, c’est la formation des personnels de santé (toutes 82 Van Dormael et Dugas, 2000. P 16 159 catégories confondues) qui est prise en charge par l’Etat, et aussi pour ces élèves et étudiants en formation, la garantie d’obtenir du travail à la fin des études. Enfin le symbole même du financement du système par l’Etat est l’accessibilité aux services de santé à toute la population à travers des services gratuits. Les patients cubains ne déboursent pas un centime quand ils se rendent à l’hôpital, même s’il est vrai que le manque de certains matériels de haute technologie vient un peu assombrir ce beau tableau. Dans tous les cas, les autorités cubaines ont montré au monde entier qu’en matière de santé, elles respectent les droits du citoyen cubain. 2) LE MAINTIEN DE LA COUVERTURE DE SOINS ET L’ACCESSIBILITE AUX SERVICES DE SANTE A TOUTE LA POPULATION A TRAVERS DES SOINS GRATUITS Tous les citoyens ont droit aux soins de santé et aux soins médicaux de leur choix. Partout où ils se trouvent, les habitants d’un pays doivent jouir de ce droit. L’OMS recommande aux différents gouvernements d’assurer la couverture des soins de santé sur l’ensemble de leur territoire, mais transformer un tel principe en action concrète est une tâche difficilement surmontable pour de nombreux pays. Mais avec cuba, on constate une réussite dans la mise en place et le maintien de la couverture de soins sur la totalité du territoire. Du coup, dire que la couverture des soins est assurée à cuba, c’est dire que les soins sont facilement accessibles. La couverture est faite par la présence des structures médicales et des personnels médicaux sur tout le territoire. Cuba avec ses 67128 médecins (un médecin pour 167 habitants), ses 84232 personnels paramédicaux, ses nombreux hôpitaux et polycliniques83 a su mettre en 83 Léo-Paul LAUZON, cuba et le conte des mille et une nuits. Août 2003. 160 œuvre les moyens de favoriser cette couverture pour le bien de sa population. D’autant plus que les soins dispensés sont entièrement gratuits pour le patient et totalement à la charge de l’Etat. II - LE SYSTEME DE SANTE AU REGARD DU CONTEXTE POLITIQUE, GEOGRAPHIQUE, DEMOGRAPHIQUE ET ECONOMIQUE A/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE POLITIQUE ET GEOGRAPHIQUE 1) LES GRANDES ETAPES DE LA VIE POLITIQUE DE CUBA Le 28 octobre 1452, Christophe COLOMB débarque à cuba et se lance dans la conquête de l’île après le génocide des indigènes. L’île restera sous la couronne espagnole jusqu’à son indépendance en 1902. A partir de cette date, elle est placée sous protectorat instauré par les USA. Différents gouvernements et présidents se succèdent et en 1934, cuba est sous la dictature du colonel Batista. Le renversement de ce dernier a lieu le 7 janvier 1959 par l’entrée à la Havane des révolutionnaires dont Camilo CIENFUEGO, Ernesto GUEVARA et Fidel CASTRO. Le dernier nommé dirigera le pays de 1959 au 18 février 2008, jour où il remet le pouvoir à son frère cadet Raul CASTRO. Dès 1959, les révolutionnaires engagent une redistribution des ressources et le développement des secteurs de la santé, de l’éducation, de la culture et du domaine technico-scientifique. L’Etat se définit comme une démocratie sociale axée sur la décentralisation du pouvoir notamment lorsqu’il s’agit du système de santé et des 161 secteurs économiques ; cela consiste à promouvoir la participation populaire dans le processus de décision aux différents niveaux via les conseils populaires, les municipalités, le parlement et ses commissions dont la commission de la santé84 En 1961, le blocus économique des USA est instauré85, il sera renforcé plus récemment par les lois Torricelli (1992) et Helms-Burton86 (1996). La disparition du soutien soviétique par le changement de gouvernement de l’URSS et des pays de l’Europe de l’est a amené Cuba à déclarer en 1990 le début de la « période spéciale ». 2) LE PROFIL GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIF L’archipel cubain est formé de l’île de cuba, de l’île de la jeunesse et de nombreux îlots adjacents. Administrativement, l’île est composée de 14 provinces (l’île de la jeunesse) et de 169 municipalités. Les conseils populaires, plus petite division politique sont au nombre de 1497. Cuba compte 11 millions d’habitants87 pour 110 860 km2 (longueur 1250 km, largeur entre 36 et 191 km). La densité de la population est de 100 habitants au km2. Le Pib par habitant est de 4519 dollar US (en France il est de 26920 dollar par habitant). Le taux d’alphabétisation de l’île est 96,9% (99% en France) et l’espérance de vie est de 76,7 ans (78,9 en France). Cuba compte 596 médecins pour 10 000 habitants (330 en France). Les deux principales villes cubaines sont la Havane (capitale avec 2 millions d’habitants), Santiago de cuba (420 000 habitants). 84 Ministère cubain de la santé publique 1999. Déclaration de l’embargo commercial le 19 octobre 1959, embargo total le 3 janvier 1961 suivi de la rupture des relations diplomatiques. 86 Robert TORRICELLI, sénateur démocrate. Jesse HELMS et Dan BURTON, sénateur et représentant républicains. 87 Au 30 juin 1998, la population est 11 122 308 habitants (ministère de la santé publique 1999). Selon les données d’un premier recensement, en 1774, cuba comptait 171 600 habitants. 85 162 Les centres urbains cubains regroupent 75% de la population, un quart de la population vit dans les régions rurales et montagneuses. En matière de soins de santé, l’accessibilité géographique est au moins aussi importante que l’accessibilité financière. La notion de proximité est centrale, on peut dire que sans se tromper que dans le cas de cuba, ce n’est pas la population qui se rend chez le médecin mais, c’est plutôt ce dernier qui se déplace vers les populations dans toutes les régions du pays, une sorte de véritable exportation de la santé. B/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE ECONOMIQUE 1) LA SITUATION ECONOMIQUE Le PIB88 qui est un indicateur de la richesse d’un pays (tout ce qui est produit sur le territoire national), ne donne cependant aucune indication du niveau de développement de ce pays : répartition des richesses produites, utilisation de ces richesses, possibilités et conditions d’importation et d’exportation sur le marché mondial, et enfin sur le développement social. Le PNUD89 considère l’indice de développement humain (IDH) qui tient compte non seulement PIB par habitant (lequel mesure le standard de vie) mais également de la longévité (mesurée par l’espérance de vie à la naissance) et de l’éducation (mesurée par une combinaison du taux d’alphabétisation et du ratio d’inscriptions dans les niveaux d’enseignements primaire, secondaire et supérieur). Le niveau de développement humain dépasse largement la question du revenu national. Il repose sur la santé, l’éducation, l’accès aux ressources nécessaires pour 88 89 PIB : Produit intérieur brut. PNUD : Programme des Nations Unies pour le développement 163 une vie décente et la capacité de participer à la vie de la communauté. Afin de cerner le niveau de développement d’un pays, d’autres mesures sont aussi prises en compte comme l’indice de pauvreté, la mesure de l’inégalité entre les sexes ou encore la participation politique. Le Human development Report, se référant à l’indice de développement humain présente cuba au 55ème rang parmi les 173 pays comparés. Il est positionné entre le Mexique et le Panama. Les USA sont au 6ème rang et Haïti au 146ème. De par sa situation économique, cuba peut être comparé au pays en voie de développement mais, de par sa situation sociale (niveau d’éducation, de la culture et des indicateurs de santé) cuba rivalise avec les pays les plus développés de la planète.90 Les années d’embargo n’ont pas entamé la détermination des dirigeants cubains dans leur volonté d’offrir au peuple cubain santé et éducation. Le blocus économique, commercial et financier des USA envers cuba a des répercussions dans tous les domaines et plus particulièrement dans celui de la santé. Malgré l’adoption par l’assemblée générale des Nations Unies de la résolution 47/19 qui pour la première fois déclare la nécessité de mettre fin au blocus économique, le 24 novembre 1992, sont votées à Washington deux nouvelles lois91 n’ayant pour d’autres buts que le renforcement dudit blocus. - La loi Torricelli de 1992 : elle est mise en place au moment où cuba tentait de réorienter son commerce extérieur vers l’Europe, le Canada, l’Amérique latine et les caraïbes, à la suite de la chute et de l’éclatement du bloc des états socialistes d’Europe de l’est. Cette loi concerne l’interdiction du commerce entre cuba et les filiales de compagnies nord-américaines établies dans un pays tiers ; elle intervient dans le déroulement du transport maritime en 90 91 Source: Human development report. Loi Torricelli (Cuban democracy act). Loi Helms-Burton (Cuban liberty and democracy solidarity act). 164 interdisant l’entrée des ports américains (pendant 180 jours) aux navires qui transportent des marchandises en provenance ou à destination de cuba. - La loi Helms-Burton de 1996 : c’est un ensemble de mesures visant à dissuader les investissements étrangers. Elle définit aussi les conditions nécessaires à la levée de l’embargo dont la tenue d’élections libres et démocratiques et la restitution des propriétés américaines nationalisées depuis 1959. Pour terminer, cette loi tente aussi d’internationaliser le blocus en imposant à la communauté internationale les règles et normes du développement des relations économiques avec cuba et en établissant des sanctions envers les pays qui soutiennent le commerce avec l’île. Cette loi laisse donc supposer l’extraterritorialité du droit américain en permettant de poursuivre devant les tribunaux les sociétés étrangères et en refusant un visa d’entrée aux USA aux personnels de ces entreprises. Les dirigeants cubains, sans vraiment bénéficier de façon importante de l’aide internationale ont su financer le système de santé pour le hisser parmi les meilleurs au monde. Nous devons notifier que ces deux lois ont eu pour conséquence à un moment donné d’empirer les conditions de développement du système sanitaire cubain. De mai 2009 à avril 2010, les préjudices causés à la santé publique se sont montés à plus de 15 millions de dollars. Cela est dû au fait que le pays doit acheter des médicaments, des pièces détachées pour certains équipements médicaux, des instruments, du matériel de formation pour les étudiants etc… sur des marchés éloignés et bien souvent à travers des intermédiaires, ce qui renchérit les coûts92. Néanmoins, un article publié le 30 avril 2010 par des professeurs de l’école de médecine de l’université de Standford dans la revue science, une des plus 92 Rapport de Cuba sur la résolution 64/6 de l’assemblée générale des Nations Unies : « nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier appliqué à Cuba par les USA », juillet 2010. 165 prestigieuses dans le monde scientifique, affirme toutefois que : « malgré l’impact des restrictions sur l’approvisionnement en médicaments et matériel médical, les résultats sanitaires de Cuba sont comparables à ceux des pays développés ». Nous tenons à préciser que si nous avons choisi Cuba comme modèle pouvant inspirer les ivoiriens ce n’est pas vraiment pour son aspect économique et financier même si nous nous y intéressons dans notre travail. Nous avons décidé de travailler sur Cuba parce que nous croyons en la qualité de son système de formation. Le système de formation et le programme de formation mis en place par les autorités académiques cubaines restent des exemples à exploiter selon nous. Du début à la fin du processus de formation, les autorités accompagnent les futurs personnels de santé. Les programmes de formation sont à la fois efficaces et novateurs. Au terme de la formation, l’obligation faite aux personnels d’exercer dans les zones rurales du pays démontrent à quel point les autorités cubaines tiennent à mettre les personnes formés au service de la population. 2) LE FINANCEMENT DE LA SANTE S’agissant du financement de la santé, il faut distinguer la période avant 1990 et la période spéciale depuis le début des années 90. Malgré les importantes difficultés économiques du pays, le financement de la santé repose sur la volonté politique de faire de la santé de la population une priorité, de maintenir les acquis et de développer certains secteurs en mettant l’accent sur la qualité des ressources humaines. En relation avec ces principes, les coûts des soins et du système de santé continuent à être totalement assumés par l’Etat cubain. 166 Pendant les moments les plus forts de la crise, en 1993, la part des budgets alloués au secteur de la santé a été maintenue. Cuba est face à la nécessité absolue d’obtenir des devises pour l’importation de médicaments, matériels et tout autre produit nécessaire dans le secteur de la santé. En 1989, le financement du secteur de la santé est de 227,3 millions de dollars, budget qui s’est vu réduire à son niveau le plus bas en 1993 avec une diminution de 30%. A partir de 1994, la décision a été prise d’assigner au secteur sanitaire un apport en devises provenant des rentrées financières du secteur de la production et des services ayant accès aux devises (comme le tourisme). De cette manière, grâce à la disponibilité de monnaie librement convertible, a pu s’initier un lent processus de récupération financière qui uni à une stratégie de développement, a permis d’identifier et de concentrer les forces sur les principales et nouvelles formes d’organisation impulsées par la nécessité de nationalisation.93 En 2000, le budget consacré à la santé est de 1.857.035.500 pesos cubains, soit 68 800 000 dollars (en fonction du cours actuel) ce qui représente 166 pesos cubains par habitant.94 A partir de 1985, commencent à apparaître des activités qui témoignent d’une nouvelle préoccupation en matière d’évolution du système de santé publique, à savoir celle qui concerne les facteurs influençant les dépenses de la santé et l’efficience dans l’utilisation des ressources. Dès les années 1990, le ministère de la santé a décidé de voir l’économie et le financement de la santé comme discipline scientifique avec comme effet la création de la « sociedad cubana de economia de la salud » ainsi qu’un « diplomado en economia de la salud » en 1997.95 93 Sources : ministère de la santé publique de cuba, 1999. Sources : ministère de la santé publique de cuba, 2001. 95 Sources : ministère de la santé publique de cuba, 1999. 94 167 Ces perspectives économiques de la santé ont contribué à rendre le secteur plus efficient avec comme principales lignes d’action : - le perfectionnement des processus de décentralisation - le « redimensionnement » des services de santé par une meilleure rationalisation et utilisation optimale des ressources disponibles - la poursuite du développement des soins de santé primaires - la priorisation au niveau des médicaments et des technologies essentielles - la possibilité du secteur de contribuer à son financement en devises (dollar) - la poursuite du processus de formation des professionnels et l’accroissement des ressources humaines dans les secteurs de l’économie de la santé. Ainsi, des termes comme « coût-opportunité », « redimensionnement économique » apparaissent économistes cubains de la santé. 168 « évaluation dans le économique », vocabulaire des SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN Le système de santé cubain est caractérisé par sa bonne marche essentiellement due selon nous aux différentes réformes et stratégies de développement mises en œuvre par les autorités et à la qualité de la formation dont bénéficient ses agents. I - LES RAISONS DE LA REUSSITE DU SYSYEME DE SANTE CUBAIN A/ LE SYSTEME DE SANTE, ENTRE REFORMES ET STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT Le système de santé cubain déjà performant n’a jamais cessé de se remodeler. Actuellement, un nouveau mouvement de réformes est lancé dans le secteur avec pour objectif : atteindre une certaine perfection. Ces réformes sont dues à la crise économique de ces dernières années, aux changements du contexte national et international et enfin au processus d’évolution de l’Etat dans la décentralisation et la participation collective. Ces réformes ont pour but final de favoriser la poursuite du développement et de la qualité des services, de garantir le soutien financier du système et éliminer les inégalités qui pourraient encore exister dans le recours aux services dans certaines régions ou pour certains groupes de population. Ces réformes sont basées sur certains piliers tels que l’intersectorialité (agir sur tous les secteurs), la multidisciplinarité et la participation de la population. En plus de ces éléments, les cubains ont établi diverses stratégies pour développer leur système : 169 - la réorientation du système de santé vers les soins de santé primaires (en privilégiant l’apport de ressources matérielles aux médecins et aux infirmières de la famille et en développant la participation de la communauté) - la revitalisation des hôpitaux (pour une mise au point économique du travail hospitalier en vue d’accroitre la qualité de l’attention médicale, l’efficience du travail et la satisfaction de la population) - la réanimation des programmes de technologie de pointe des instituts de recherche - le développement du programme médicament et médecine naturelle traditionnelle (nécessité de production de médicament et nouveau regard sur la médecine traditionnelle) - l’attention portée aux éléments vitaux du système (la stomatologie et la santé buccale, l’optique, le système des urgences médicales et notamment lors des situations exceptionnelles : cyclones). Cuba a organisé son système de santé en le faisant reposer sur une gestion administrative rigoureusement encadrée. Le pouvoir central a beaucoup délégué afin que les populations ne se sentent pas éloignées de ceux qui décident. B/ UNE STRUCTURATION ENTIEREMENT ADMINISTRATIVE Le système de santé est structuré en trois niveaux correspondant à la division administrative du pays : les niveaux national, provincial et municipal. A ces différents niveaux, il faut également ajouter le niveau local. L’assemblée nationale du pouvoir populaire (parlement), l’assemblée provinciale et l’assemblée municipale fonctionnent en commission de travail. Le niveau national est représenté par le ministère de la 170 santé publique (MINSAP)96, chargé de la méthodologie, des normes, de la coordination et du contrôle. Le niveau provincial est représenté par des directions provinciales de la santé, subordonnées administrativement et financièrement au conseil d’administration provincial du pouvoir populaire. Quant au niveau municipal, il est constitué par les directions municipales de la santé publique dépendant des conseils d’administration municipaux. L’activité de ce troisième niveau se concentre sur les polycliniques et les aires de santé qui constituent l’unité géo-administrative de base. Les conseils des différents niveaux constituent les organes de coordination intersectorielle afin de réaliser une véritable décentralisation, participation sociale et mobilisation des ressources. C/ UNE ORGANISATION ECHELONNEE Le premier échelon ou atencion primaria de salud (soins de santé primaires) concerne les 30000 consultations du médecin et de l’infirmière de famille (mis en place en 1984 et dont l’objectif vise la disponibilité d’une consultation pour 600 à 700 patients et une approche délibérément centrée sur la famille et la communauté) et les 440 polycliniques réparties dans tout le pays. La consultation du médecin et de l’infirmière de la famille étroitement articulée à la polyclinique constitue le noyau de base du système de santé. Le domaine de la atencion primaria couvre les dimensions de promotion, de prévention et curatives que l’on retrouve dans les différentes structures telles que le foyer maternel, le centre de santé mentale, le centre d’accueil de jour pour personnes âgées, mais également la polyclinique et certaines consultations de services hospitaliers. 96 Minsap : ministerio nacional de la salud publica. 171 Le deuxième échelon compte 442 polycliniques (soit 1/25200 habitants) réparties dans 169 municipalités. Premier relais pour le médecin et l’infirmière de la famille. Les relations entre médecins de famille et spécialistes des cliniques sont très étroites et les contacts sont quotidiens (connaissance de la population, réponse aux demandes des médecins de la famille, statistiques). La polyclinique est considérée comme le centre opérationnel de la première ligne pour une aire de santé dont la population moyenne est de 20 000 à 30 000 habitants. Ce sont aussi les polycliniques qui assurent les fonctions de soins, de support technique, de support formatif, d’encadrement et d’évaluation. Les polycliniques ont permis la réduction des consultations hospitalières et le désengorgement des urgences de l’hôpital. Le troisième échelon est constitué par un ensemble d’instituts de recherche. En effet, depuis quelques années, cuba s’intéresse à la recherche dans de nombreux domaines tels que ceux du sida, cancer. La recherche dans le domaine psychiatrique et dans celui de grossesse à risque pour certaines femmes sont en plein développement. Ce sont donc ces réformes, cette structuration et cette organisation qui sont à la base de la réussite de cuba en matière de santé. Nous constatons que le plus important à Cuba c’est la formation des hommes et des femmes en quantité mais aussi en qualité. La transmission de l’information et des savoirs est fortement encouragée. En effet, pour maintenir un système entièrement financé par l’Etat avec une telle couverture territoriale et une accessibilité maintenant la gratuité des soins, un investissement dans les ressources humaines s’avère plus que nécessaire. C’est ce qui a été fait, les autorités ont donc pu envoyer dans les endroits les plus reculés de l’île des hommes et des femmes pour prendre soin de la population. Cette proximité entre les professionnels de santé eux-mêmes et entre le professionnel et la population 172 contribue énormément à la réussite cubaine dans le domaine de la santé. Cuba à défaut d’être une puissance économique ou militaire ambitionne d’être une « puissance médicale » selon le vœu du président Fidel CASTRO RUIZ.97 II - LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE CUBAINS Concernant la formation des personnels de santé, nous nous intéresserons à la formation des infirmiers/infirmières et à celle des médecins. A/ LA FORMATION DES INFIRMIERES/ INFIRMIERS CUBAINS 1) LES DIFFERENTES CATEGORIES D’INFIRMIERES A cuba, l’on distingue deux catégories d’infirmières selon le type de formation reçue : - la formation de base (infirmière technicienne, 3 ans d’étude) - la formation universitaire qui existe depuis 1980 (infirmière licenciée, 5 ans d’étude). Le cursus scolaire est constitué d’une obligation scolaire à l’âge de 6 ans (l’école maternelle n’est pas obligatoire). L’école primaire ou basicas se déroule entre 6 et 12 ans et le secondaire ou secundarias se fait de 12 à 15 ans. Le corps infirmier cubain est donc constitué de 22% d’infirmières licenciées et de 78% d’infirmières techniciennes. Ces dernières au nombre de 67 000 actuellement travaillent dans de nombreux secteurs tels que la dentisterie, les laboratoires cliniques 97 Allocution prononcée par le président cubain le 17 octobre 2002. 173 et de microbiologie, la pharmacie, les statistiques de santé, l’épidémiologie et l’hygiène et enfin, le travail social. Le pays dispose de 24 instituts polytechniques de santé où se forment les infirmières, 14 instituts polytechniques de santé uniquement de soins infirmiers et de 2 écoles de formation pour cours accélérés. Ce sont donc 40 établissements (8 en 1958) à travers le pays qui ont pour mission de former les infirmières cubaines, nous sommes bien loin des deux instituts de formation que compte la Côte d’Ivoire. Nous pouvons aussi constater qu’un travail important a été réalisé dans le secteur en 50 ans à cuba, ce qui n’a pas été le cas en Côte d’Ivoire sur la même période. Le pays faisant face aujourd’hui à une carence en personnel infirmier (besoin immédiat de 2000 agents), due à différents facteurs tels que la création de nouveaux services médicaux et de santé, le choix des jeunes pour d’autres professions, les conditions souvent difficiles de travail. Face à cette situation, le gouvernement cubain a décidé d’inciter les jeunes à s’intéresser à cette profession, pour cela, il a inauguré deux écoles de formation accélérée ou école de formation « d’urgence » des infirmières. 2) LA FORMATION DES INFIRMIERES / INFIRMIERS CUBAINS : ACCES ET DEROULEMENT Cuba comptait 8 modestes écoles d’infirmiers en 1958, elle compte aujourd’hui 24 instituts polytechniques de santé où se forment des infirmiers, 14 instituts polytechniques de santé uniquement en soins infirmiers et 2 écoles pour cours accélérés, soit un total de 40 centres de formation de personnel infirmier. 174 a- L’accès à la formation Depuis quelques années, les différentes écoles forment de jeunes étudiants à la profession de manière rapide. Les étudiants commencent leur formation à l’âge de 1516 ans, donc au secondaire, pour une durée de deux ans. Au terme de cette formation, ils acquièrent le diplôme de technicien moyen avec baccalauréat. Nous constatons que le jeune âge de l’étudiant n’est pas un handicap à la formation. C’est donc pour cette raison que nous proposerons plus loin dans notre travail que les autorités ivoiriennes reviennent sur les conditions d’accès des jeunes à l’Infas. En effet, les jeunes ivoiriens pouvaient accéder à l’école avec le niveau de la classe de troisième il y’a quelques années. Aujourd’hui, il leur faut le baccalauréat pour entrer dans cet institut (comme en France). Nous jugeons que pour un pays comme le nôtre, qui a besoin de personnel infirmier, demander à des jeunes de famille souvent modeste d’obtenir le baccalauréat avant d’entrer à l’Infas, c’est poser sur leur chemin des obstacles souvent infranchissables. La majorité légale étant passée de 21 à 18 ans en Côte d’Ivoire, nous pensons que si les autorités jugent que les jeunes de 18 ans sont assez responsables pour choisir leurs dirigeants (président, députés, maires) et répondre de leurs actes devant les juridictions, alors ils le sont aussi pour recevoir une formation et travailler pour leur pays. Soyons francs, combien de nos jeunes atteignent la terminale et obtiennent le baccalauréat ? Il ne faut pas faire de ces jeunes des laissés-pour-compte. Le niveau de la classe de troisième offrira une chance à de nombreux jeunes dont les parents n’ont pas les moyens pour les suivre et les guider jusqu’à l’obtention du baccalauréat, d’autant plus que l’école pour l’instant n’est pas gratuite dans notre pays malgré les nombreuses promesses des hommes politiques. 175 b- Le déroulement de la formation Les étudiants vivent en internat (plus de souci de résidence et de transport). Les journées commencent à 5h et se terminent à 23h, entrecoupées de périodes de repos, de repas, de loisirs et d’activités culturelles. La première activité qui débute à 6h est une activité politique (régime politique de l’île oblige) suivie des cours et stages. Les sessions théoriques se déroulent plutôt le matin et les stages ont lieu l’après-midi, nécessitant des déplacements à l’extérieur de l’école (tous les déplacements des étudiants sont assurés par des bus scolaires, ce qui représente une autre difficulté en moins). Encore une chose importante que nous devons souligner, c’est le fait que tous les étudiants des instituts cubains bénéficient d’une bourse d’étude du gouvernement. Sur 1050 étudiants inscrits en 2001, 741 infirmiers/infirmières sont diplômés, ils poursuivent leur formation en travaillant dans un service de deuxième ligne à La Havane. Cours théoriques et stages pratiques sont étroitement liés avec un système d’encadrement (« tuteur »), de personnel soignant qualifié détaché pour cette fonction. Un lien étroit est entretenu entre les praticiens et le personnel académique. Après une durée de travail de 3 ans dans les hôpitaux, les infirmières peuvent poursuivre leur formation à l’université et obtenir le diplôme de licencié en soins infirmiers. Concernant la formation, le problème est le même à cuba et en Côte d’Ivoire, la documentation pose problème. Les étudiants des écoles de formation d’infirmiers cubains se plaignent de l’inexistence de rapports, livres, documents et dossiers pouvant les aider au cours de leur formation. 176 B/ LA FORMATION DES MEDECINS A CUBA 1) PRESENTATION DU SYSTEME DE FORMATION DES MEDECINS CUBAINS a- Les structures : les écoles de médecine A cuba, les facultés de médecine portent le nom d’école de médecine. Le premier constat que nous pouvons faire, c’est qu’elles existent en très grand nombre, ce qui permet donc d’accueillir un nombre impressionnant d’étudiants. - Des structures en très grand nombre S’agissant des structures de formation des médecins, nous pouvons constater que par rapport à 1959 où il n’existait qu’une seule école de médecine, le pays compte actuellement 21 écoles de médecine, un institut des sciences médicales, 21 filiales et plus de 2220 établissements de soins qui sont aussi des centres universitaires. A côté de ces établissements de formation supérieure, 12 facultés forment spécialement des infirmiers, infirmières et techniciens de santé. Ces différentes structures accueillaient en 2007 près de 159000 étudiants selon le ministère cubain de la santé. Mais pour rendre la formation des médecins beaucoup plus proche des populations, les autorités cubaines ont décidé il y’a quelques années de se servir des polycliniques dont nous avons précédemment parlé comme centres d’études universitaires, ce qui constitue une révolution dans l’enseignement médical. Les étudiants en médecine dès la première année se retrouvent sur le terrain et étant donné que les polycliniques se trouvent partout sur le territoire, on peut dire que les autorités cubaines ont fait de la proximité entre le personnel médical et la population leur plus grand défi. Aujourd’hui, lorsqu’on voit les bons résultats du système de santé 177 cubain, on se rend compte que c’est cette proximité qui en est à l’origine. Enfin pour terminer, nous devons dire que le pays a le mérite d’avoir crée des structures de formation médicales dans toutes les villes et communes du pays, ce qui a favorisé la couverture totale du territoire national. - Une capacité d’accueil impressionnante S’il y’a une chose qui attire l’attention lorsqu’on parle de l’enseignement supérieur à cuba de manière générale ou de la formation des médecins en particulier, c’est bien l’impressionnante capacité d’accueil des établissements cubains. Lorsqu’on prend toutes les filières universitaires cubaines, on dénombre près 600 000 étudiants. Les différentes écoles de médecine comptaient quant à elles près de 40 000 étudiants en octobre 2002. Les étudiants cubains représentaient plus de 50% de ce chiffre et le reste revenait aux milliers de jeunes venus de pays étrangers dont 6000 pour l’école latino-américaine de sciences médicales (des jeunes étudiants issus en majorité des pays d’Amérique latine) et des centaines de jeunes Africains, Haïtiens et du reste des Antilles. Ce sont donc près de 20 000 étudiants venant de plus de 80 pays à travers le monde qui viennent se former à Cuba. Il arrive parfois que l’on retrouve parmi ces étudiants quelques américains, même s’ils sont en général issus des communautés afro-américaine, asiatique et latine, le symbole reste tout de même fort. Nous constatons donc que les infrastructures mises en place par les autorités cubaines depuis le début de la révolution ont permis d’accueillir et de former des milliers de jeunes étudiants cubains et étrangers. En plus, les structures cubaines permettent dans les écoles de médecine d’accueillir lors des cours magistraux des groupes de 120 étudiants et lors des travaux dirigés, les enseignants ont à leur charge un effectif vraiment réduit (30 étudiants). Avec ce système il n’y a aucun doute sur la qualité de l’enseignement donné et sa compréhension par les étudiants d’autant plus que tous 178 les étudiants vivent en résidence universitaire et que les livres et fournitures universitaires sont prêtés par l’école de médecine et doivent être rendus en fin d’année. Le système d’enseignement cubain essaie d’éviter de mêler étude et politique, mais chaque année, les étudiants choisissent les dirigeants de leur organisation (FEU : la fédération des étudiants universitaires). Ces élus sont automatiquement membres du conseil de gestion de l’institution au sein de laquelle ils étudient. Le représentant des étudiants en médecine participe régulièrement à des réunions avec les différents ministres de la santé et de l’enseignement supérieur afin de discuter de leurs problèmes et de leurs besoins. Ces différentes rencontres entre autorités politiques et académiques d’une part et les étudiants d’autre part permettent ainsi d’éviter incompréhensions et malentendus. C’est ce genre de dispositif que nous devons mettre en place en Côte d’Ivoire et faire fonctionner de façon correcte, nous ne pouvons et nous ne devons pas invoquer le manque de moyens pour justifier notre incapacité à former de nombreux médecins chez nous. Comme nous ne cessons de le répéter, c’est la volonté humaine qui permet de réaliser de grandes choses. Cuba est et demeure un pays du tiers monde comme la Côte d’Ivoire, son histoire récente avec l’embargo américain qu’il subit depuis des années n’a pas empêché ce pays de se hisser à la première place de la « production de médecins et de personnels de santé » dans le monde avec les meilleurs indicateurs en matière de santé. Les pouvoirs politiques et publics de l’île se sont réellement préoccupés de la santé de leurs populations et ont cherché avec leurs maigres moyens à satisfaire les besoins dans le secteur. Nous devons nous inspirer de ces actes afin de réaliser le bonheur de nos étudiants et de nos populations. Cette réalisation du bonheur repose à Cuba comme en Côte d’Ivoire non seulement sur les pouvoirs publics mais aussi sur le personnel 179 enseignant. Personnel qui pour réussir sa mission doit être conscient de son rôle dans le développement de la société. b- Le personnel enseignant A Cuba, les cours de médecine sont dispensés par des enseignants titulaires d’une part et par des non titulaires d’autre part. - Les enseignants titulaires Les enseignants titulaires de médecine sont des professeurs des universités qui sont comme dans presque tous les pays du monde médecins, chirurgiens, spécialistes ou biologistes des hôpitaux. Ils sont aussi pour les plus qualifiés d’entre eux les chefs des différents services hospitaliers. Ces enseignants ont été en grande partie formés dans le pays et depuis la révolution leur nombre ne cesse d’augmenter. - Les enseignants non titulaires Les enseignants non titulaires à Cuba sont des agents temporaires dont l’activité première n’est pas l’enseignement. Ils sont en général chef de clinique des universités, assistants des hôpitaux (discipline clinique ou discipline biologique). Toute personne qualifiée dans un domaine ayant un rapport avec la médecine peut être enseignant non titulaire de médecine. Il suffit seulement que son domaine d’activité et ses compétences puissent servir la santé. Ce sont donc près de 12000 enseignants (titulaires et non titulaires) qui exercent dans le secteur de la santé à Cuba. Ces enseignants se répartissent entre les 21 facultés de médecine, les 12 facultés qui forment les infirmiers, infirmières et techniciens de santé et enfin, les 2220 centres de soins du pays qui servent de lieu de stage et de formation aux 159 000 étudiants (toutes filières confondues) du pays. 180 2) L’enseignement au sein des écoles de médecine Depuis la révolution, les choses ont beaucoup évolué à cuba. La formation des médecins a radicalement changé. Avant la révolution, les cours étaient dispensées à des centaines d’étudiants dans des salles exigües. Les cours pratiques étaient réduits à leur plus simple expression. Il était possible qu’un étudiant en médecine termine son cursus sans avoir une seule fois au cours de sa formation examiné un malade, participé à un accouchement. Les programmes visaient notamment l’action curative du patient et l’exercice privé de la profession sans prendre en considération les problèmes de santé que rencontrait le pays. Le mot prévention n’était pratiquement pas mentionné. Avec la révolution, les choses ont été faites autrement. Les pouvoirs publics ayant décidé de mettre en œuvre une médecine beaucoup plus proche des populations, il était donc urgent de bien former des jeunes capables dès la première année de se rapprocher des patients. a- Un enseignement divisé en trois cycles L’enseignement dans les écoles de médecine à cuba est divisé en trois cycles de deux ans chacun. - Le premier et le second cycle Dès le premier cycle, avec les cours d’amphithéâtre et les travaux dirigés, les étudiants se rendent déjà aux côtés des malades. Ils participent aux soins mineurs dans les polycliniques, les dispensaires et même les maternités sous la direction des enseignants et du personnel infirmier. A l’issue de cette formation de deux ans et la 181 validation des 8 matières qu’il a par semestre pour le premier cycle, l’étudiant obtient le diplôme de travailleur sanitaire. Ce premier diplôme constitue à lui tout seul une différence majeure avec le système de formation ivoirien et par ricochet français. L’étudiant désireux de poursuivre sa formation de médecin accède au second cycle qui dure aussi deux ans avec 6 matières par semestre. En plus des cours, les travaux dirigés s’effectuent pendant plus de temps dans des hôpitaux plus importants, toujours sous la direction des enseignants et des personnels infirmiers licenciés. Au terme de ce cycle de formation, l’étudiant obtiendra le diplôme d’infirmier. Ici il aura donc la possibilité s’il veut commencer à travailler de le faire en tant qu’infirmier ou même en effectuant une année supplémentaire en institut de formation en soins infirmiers. Il décrochera son diplôme de licencié en soins infirmiers. - Le troisième cycle Le troisième cycle est l’aboutissement en ce qui concerne les études. L’étudiant ayant déjà obtenu deux diplômes devra valider ces études au cours de ces deux années qui composent le cycle. Ici, le futur médecin exerce pratiquement avec toutes les prérogatives du médecin. Mais sa carrière commencera obligatoirement à la campagne. Cette période de deux années en tant que médecin en zone rurale est perçue comme un stage qu’il faudra à tout prix valider pour prétendre à autre chose. En effet, ces deux années à la campagne sont nécessaires pour pouvoir entreprendre des études de spécialisation. On a l’impression que pour les autorités, les nouveaux médecins doivent faire leur preuve pour prétendre à une spécialisation. La réussite du système cubain de formation des médecins repose il est vrai sur les nombreuses structures que l’on retrouve à travers tout le pays mais aussi sur le nombre important d’étudiants pouvant être formés par les écoles de médecine. Chaque année, ce sont plus de mille médecins qui sortent de ces écoles, ces chiffres 182 sont le fruit des efforts importants consentis par les autorités depuis la révolution. On nous dira que le système politique cubain est en grande partie responsable de ce succès. Mais nous pensons utile de rajouter que ce sont aussi les hommes qui permettent de réussir de telles choses. La volonté, l’intégrité et le dynamisme de la population ont permis en grande partie de construire un système aussi performant. b- Les avantages du système cubain Le système cubain offre incontestablement certains avantages pour les jeunes étudiants formés et pour toutes les populations. La durée des études est de six ans. Cette durée nous parait raisonnable au vu de l’évolution de la médecine et des techniques d’apprentissage. La possibilité d’obtenir un diplôme intermédiaire ainsi que l’obligation de pratiquer dans le pays et la formation permanente des médecins retiennent notre attention. - La possibilité d’obtenir un diplôme intermédiaire Contrairement au système ivoirien de formation des médecins où il faut attendre la fin de la troisième année d’étude pour que l’étudiant se sente à l’abri d’une éventuelle exclusion définitive de la faculté, le système cubain lui offre la possibilité aux étudiants d’obtenir des diplômes intermédiaires tout au long de leur cursus. En effet, les six années d’études étant divisées en trois cycles de deux ans, à la fin de chaque cycle, l’étudiant obtient un diplôme. A la fin du premier cycle, l’étudiant se voit délivrer le diplôme de travailleur sanitaire, une fois le deuxième cycle terminé, il devient infirmier et au terme du troisième cycle, il obtient son diplôme définitif de médecin. Les deux premiers diplômes obtenus à la fin du premier et second cycle permettent donc à l’étudiant qui n’arrive pas au terme de sa formation de pouvoir prétendre à un emploi. 183 Ainsi, contrairement à la Côte d’Ivoire, l’étudiant ne se retrouvera pas à la rue à ne rien faire, il aura la possibilité d’intégrer un service sanitaire pour y faire valoir ses compétences. C’est aussi la même chose pour les infirmiers cubains qui peuvent obtenir une licence en soins infirmiers et par la suite s’inscrire dans une école de médecine. Nous pouvons constater que le système cubain fait tout pour garder les jeunes dans le secteur de la santé d’une part parce qu’il en a besoin et d’autre part parce que le but d’une formation universitaire n’est pas d’anéantir des générations de jeunes comme c’est malheureusement le cas chez nous, mais plutôt d’assurer l’avenir d’une nation. - L’obligation d’exercer dans les zones rurales pour les nouveaux médecins Une fois ses études terminées, l’étudiant cubain avant toute prétention à une formation de spécialiste doit obligatoirement exercer dans les zones rurales du pays. Pour nous, cette obligation signifie une chose très importante, à savoir que tous les nouveaux médecins cubains obtiennent un emploi à la fin de leurs études. Cette obligation participe aussi à nos yeux à la réussite du système de santé de cuba. Débuter sa carrière dans les zones rurales, loin des fastes et du luxe des grandes villes forge sans aucun doute un caractère. Cette obligation faite aux nouveaux médecins participe au besoin de rapprocher les médecins des populations. Cette proximité entre le corps médical et les populations s’exprime à travers le « consultario », sorte de petite clinique au rez-de-chaussée de laquelle se trouve le cabinet médical, au premier étage l’appartement du médecin et au deuxième celui de l’infirmière. Faire débuter les nouveaux médecins à la campagne engendre une concentration de médecins même dans les régions les plus éloignées du pays, ce qui fait qu’aucun cubain ne vit à plus de vingt minutes d’un consultario, donc d’une équipe médicale. 184 En Côte d’Ivoire comme dans le reste de l’Afrique, nous formons très peu de médecins par an. Pour exemple, selon l’ancien président cubain Fidel CASTRO, l’Afrique subsaharienne avec 700 millions d’habitants compte 50 000 médecins alors que son pays avec ses 11 200 000 habitants en compte 70 000. L’absence des médecins dans les régions les plus reculées de la Côte d’Ivoire est due au refus des nouveaux médecins de se rendre dans ces régions parce que craignant de ne pas disposer de toutes les commodités de la vie. En plus, pour nos jeunes, une grande carrière se bâtit dans les grandes villes. Nous pensons qu’il est tant que les autorités compétentes prennent toutes les dispositions pour que le système de santé se rapproche des populations les plus éloignées qui sont parfois les plus défavorisées. Nous devons tout mettre en œuvre pour que la santé soit au quotidien avec les populations des villes et villages de l’intérieur du pays. Si nous voulons un système de santé efficace, il faut que nous sachions que certains sacrifices sont nécessaires, les futurs médecins doivent apprendre à se mettre au service des populations. Nous pensons très sincèrement qu’il est temps de prendre des dispositions obligeant les nouveaux médecins et agents de santé à commencer à exercer dans les zones rurales comme à cuba. Dans le même ordre d’idées, travailler en ville ou dans les villages ne doit pas être un handicap à la formation permanente des personnels de santé. Cuba oblige tous ses médecins sans exception à suivre une formation permanente, ce qui est loin d’être le cas chez nous où une fois le titre de docteur en médecine obtenu aucun perfectionnement n’est envisagé. - La formation permanente pour tous les médecins sans exception Un autre élément que nous considérons comme étant un avantage du système de formation des médecins cubains, c’est la formation permanente dont bénéficie tous les médecins mais aussi les professionnels de santé du pays. Cette formation 185 permanente se traduit par des cours de perfectionnement, des séminaires, des stages à cuba ou à l’étranger. Ainsi, plus de 25 000 professionnels de la santé font des maîtrises, quelques 11 000 à Cuba, 13 000 au Venezuela et le reste dans d’autres pays. Actuellement, le pays dispose de 574 docteurs ès sciences et compte bien augmenter ce chiffre. Une formation initiale parfaite fait un médecin, mais c’est la formation continue qui fait un bon médecin. Nul médecin ne peut se contenter de ce qu’il a appris à la faculté, il doit tout au long de sa carrière entretenir les connaissances acquises, les parfaire et en acquérir de nouvelles. Le gouvernement cubain qui sait que le maintien de la réussite de son système de santé passe par un entretien et un perfectionnement des connaissances de ses médecins a pris toutes les dispositions pour que les médecins et agents de santé bénéficient d’un système de formation permanente. Les ivoiriens nous l’avons déjà dit invoquent le manque de moyens, la mauvaise foi de certains hauts fonctionnaires pour masquer l’absence de mécanisme étatique de formation permanente. Nous savons qu’en Côte d’Ivoire, il arrive que des médecins ou agents de santé paient de leur poche leur perfectionnement parce que les pouvoirs publics sont défaillants en la matière. En somme, si Cuba réussit brillamment dans le secteur de la santé, c’est parce que les médecins cubains qu’ils soient aux pays ou à l’étranger ne terminent jamais vraiment leur formation. On peut dire que c’est le système politique plus ou moins contraignant qui oblige les médecins cubains à travailler dans ces conditions, sous peine de sanctions, mais comme nous n’avons cessé de le dire tout au long de notre travail, ce sont les menaces de sanctions qui font avancer les choses sous les tropiques. Si les cubains acceptent de travailler dans ces conditions, c’est par amour pour leur pays et pour garder la place importante qui est la leur dans le domaine de la santé. Si le pays détient les meilleurs indices au 186 monde en matière de santé (formation, nombre de personnel, qualité des soins, bonne espérance de vie, faible taux de mortalité et proximité entre populations et médecins) alors qu’il subit depuis plus de 40 ans un embargo très dur, c’est parce que les autorités politiques et administratives se sont fixées des objectifs, les ont atteints et ont décidé de s’y maintenir. Ce que Cuba a réalisé en matière de santé doit servir d’exemple aux autorités ivoiriennes et à tous les autres pays du continent qui aspirent à se prendre réellement en charge en ce qui concerne la santé de leur population. Il est temps pour les Africains d’apprendre à voler de leurs propres ailes, parce que comme nous le savons, dépendre des autres n’assure pas la liberté. Cuba a su montrer qu’avec peu de moyens, l’on peut décider de ne plus tendre la main aux puissants mais s’inscrire avec eux dans une relation où le respect et la dignité primeront. C’est donc pour favoriser ce nouveau partenariat nord/sud que nous nous permettrons dans le chapitre qui suit de proposer aux autorités ivoiriennes des solutions. Nous ne voulons absolument pas passer pour les donneurs de leçons, mais nous voulons contribuer au changement des mentalités dans notre pays. Les choses ne peuvent rester comme elles sont. La santé est ce qu’un peuple a de plus cher, avant même la liberté, la bafouer serait condamner ce peuple à vivre sans espoir d’avenir. Il nous faut tout de même mentionner un fait très important à cuba. L’absence de droit médical reste un véritable handicap pour un système de santé qui se veut moderne et égal aux différents systèmes occidentaux. Le régime politique d’une part et la volonté des dirigeants de se maintenir au pouvoir sont les deux principaux obstacles à la mise en place de toutes sortes de droits au sens occidental du terme. Il n’est pas possible de vouloir le bien-être physique de son peuple et du même coup, le priver de certains éléments qui contribuent largement à ce bien-être. Le système de santé cubain pour 187 être beaucoup plus performant a besoin de bonnes règles juridiques. Ainsi, il pourra vraiment concurrencer de façon légitime et sans être remis en cause les systèmes de santé européens et anglo-saxons. 188 CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS Les solutions que nous proposerons ici concerneront d’une part la logistique (infrastructures et matériel) et d’autre part, les problèmes humains, c'est-à-dire tout ce qui est lié à l’action des différentes catégories de personnes concernées par la mise en œuvre de la formation. SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE MATERIEL I - LES INFRASTRUCTURES Comme nous l’avons vu précédemment, nous savons que pour une meilleure formation des médecins et agents de santé en Côte d’Ivoire, les autorités sanitaires ont besoin de nouvelles structures. Pour nous, la délocalisation des organismes de formation et la construction de nouvelles structures s’avèrent nécessaires pour améliorer la formation. A/ DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DE NOUVELLES STRUCTURES Pour nous ici, le plus important est de mettre l’accent sur la construction de nouvelles structures mais aussi sur la séparation des lieux de formation. C’est une donnée historique résultant des circonstances de création et de promotion des différents corps professionnels qui ont successivement intégré l’hôpital. Les aides-soignants(es) ont leur école, les infirmiers et infirmières leur institut, tout comme les sages-femmes… 189 Les médecins viennent des facultés et le personnel administratif a été formé dans des filières scolaires et universitaires générales et les techniciens dans les lycées techniques ou de plus en plus, dans des instituts universitaires spécialisés98. En suivant ces indications, notre pays fera d’une pierre deux coups : posséder de nombreuses infrastructures sur le territoire national d’une part et rapprocher les hommes de santé des populations qui vivent dans les zones les plus reculées du pays. Au sein du ministère de la santé, c’est à la direction générale des moyens (chargée de concevoir la politique de développement du système sanitaire au plan des ressources humaines, des équipements et des infrastructures sanitaires, de veiller à la mobilisation, à l’orientation et à la gestion rationnelles des ressources allouées à la santé, elle anime et coordonne les activités des directions centrales placées sous son autorité) qui devra effectuer ce travail. La Direction des Infrastructures, des Equipements et de Maintenance devra elle se charger de réaliser des études pour la construction, l’équipement et l’entretien des infrastructures sanitaires mais aussi, elle assurera la programmation des investissements, le suivi et le contrôle des programmes de construction et d’entretien des infrastructures. Si ce travail est correctement fait en amont il n’y a pas de raison que la Côte d’Ivoire ne dispose pas dans les années à venir d’infrastructures en grand nombre et de meilleure qualité. 1) DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DES CENTRES DE FORMATION La Côte d’Ivoire est divisée en 19 régions administratives, et nous pouvons constater que les trois écoles de formation des agents de santé du pays se situent dans le sud, à Abidjan 98 (région des lagunes 34% de la population), dans le centre, à Bouaké Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE. Réussir le changement de l’hôpital. Inter Editions, juin 1996. P 36. 190 (région de la vallée du Bandama 10,8% de la population) et pour la dernière dans le nord du pays à Korhogo ( région des savanes 9,8% de la population). Cette répartition découle de la volonté des autorités administratives et politiques de rapprocher ces centres de formation des zones urbaines et rurales, ce qui aurait pour conséquence de favoriser le développement des dites régions. Ces centres étant installés dans des villes capitales régionales qui regroupent 54,6% de la population, nous pouvons donc dire qu’une frange très importante des ivoiriens, population et élèves ayant envie d’embrasser une carrière d’agent de santé sont bien loin de toucher à leur objectif. Il est vrai que pour les autorités, un centre de formation dans ces différentes capitales régionales devait permettre aux populations des autres régions qui gravitent autour d’en profiter. Seulement, en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux autres pays africains, l’accès et l’hébergement pour les étudiants issus d’une région donnée à une autre sont très difficiles. Ces trois grandes villes étant situées sur le même axe, c’est avec désolation que nous constatons l’absence de centre de formation dans le sud est et ouest, dans le centre est et ouest et dans le nord est et ouest du pays. C’est vrai, dans nos pays Africains les moyens financiers manquent, nous ne demandons pas qu’il y ait un centre de formation dans chaque grande ville. Mais nous souhaitons qu’un effort soit fait afin que des villes telles que San Pedro capitale de la région sud-ouest 3,6% de la population, Aboisso, capitale de la région sud est 4,3% de la population , Abengourou capitale de région centre est 3,9% de la population, Bouna, capitale de la région nord est 6,8% de la population, Odienné capitale de la région nord-ouest 2,2% de la population et enfin Man capitale de la région centre ouest 9,1% de la population bénéficient chacune d’un centre de formation des agents de santé. Ce serait, près de 84,5% de la population touchée, ce qui permettrait à plus d’élèves de se rapprocher du métier d’agent de santé. 191 La jeunesse du pays d’une certaine façon ne sera plus obligée de descendre sur Abidjan pour se préparer un avenir. L’accès d’une école devra être ouvert prioritairement aux jeunes issus de la région où se situe l’école. Et à la fin de leur formation, ces jeunes devront être les premiers à accéder aux hôpitaux et aux centres de santé de leur région respective. Comme le fait Cuba, les agents de santé et les futurs médecins devront exercer obligatoirement dans le pays pendant un ou deux ans avant l’obtention définitive de leur diplôme. Cette mesure que nous proposons ne doit pas être considérée comme arbitraire ou limitant les droits des individus concernés. Elle doit plutôt être vue comme un service que doit rendre un citoyen à son pays. Nous jugeons qu’il est tout à fait normal que des personnes formées par le pays rendent à ce dernier un tel service. Il faut éviter de laisser partir nos jeunes médecins et agents de santé fraichement sortis des écoles et universités vers l’étranger. Les salles polyvalentes, les amphithéâtres, les laboratoires polyvalents, les salles d’informatique, les bureaux, cafétéria et internats nécessaires a une meilleure prise charge des étudiants devront être construits dans ces différentes régions. Les pouvoirs publics pourraient même décider de repartir les centres de formation par spécialité, ce qui permettrait de mieux gérer la formation de nos agents de santé. 2) UNE FACULTE DE MEDECINE DANS LES GRANDES VILLES DU PAYS Pour ce qui est de la formation des médecins, nous déplorons le fait qu’un pays comme la Côte d’Ivoire ait qu’une seule faculté de médecine. C’est vrai que mettre en place des facultés de médecine nécessite beaucoup de moyens, financiers, humains et logistiques. En Afrique, des pays comme le Nigéria, l’Afrique du sud, le Maroc et l’Algérie possèdent plusieurs facultés de médecine et autant de grands hôpitaux. Alors 192 pourquoi notre pays qui rivalise avec ces nations sur le plan des richesses et sur le plan économique ne peut-il pas se ranger au même niveau qu’elles en ce qui concerne le nombre et la qualité de ses facultés de médecine ? Tout n’est qu’une question de gestion et de volonté des différents acteurs de la vie de la nation Ivoirienne. Nous n’allons pas demander aux autorités politiques et administratives de nous construire une faculté de médecine dans tous les coins du pays. Nous ne voulons pas non plus que ces futurs bâtiments soient les plus grands et les plus prestigieux du monde, ils devront simplement être mis en œuvre selon nos moyens. Ces moyens nous savons que nous les avons et avec un peu de bonne foi, les choses se réaliseront. Nous préconisons seulement que chacune des grandes villes suivantes, Abidjan, Bouaké, Korhogo deviennent les futures bases de la formation des médecins ivoiriens. A ce sujet, le président de la république monsieur Laurent GBAGBO99 lors d’un discours à la jeunesse a affirmé vouloir fonder dix régions universitaires s’il était réélu100. Ce grand projet s’il venait à voir le jour, permettrait au pays de disposer de dix nouvelles universités composées de différentes facultés dont celle de médecine. Nous espérons pour notre part que ces promesses du président ne sont pas qu’électorales. L’ancien président Henri Konan BEDIE101 préconisait quant à lui en 1995 qu’il était nécessaire et même impératif pour l’Etat de doubler d’ici l’an 2000 le nombre d’étudiants. Aujourd’hui en 2010, nous pensons que cette proposition est plus que d’actualité. Pour ce faire, la réhabilitation des cités universitaires pour offrir les meilleures conditions de vie et d’études s’avère nécessaire. La construction de nouveaux centres universitaires autonomes doit être la priorité des autorités selon le président BEDIE. Mais en raison des différences existant entre les régions, toutes 99 Laurent GBAGBO, président de la république depuis octobre 2000. Discours du président de la république Laurent GBAGBO à la jeunesse, samedi 31 octobre 2009 à Yopougon (commune d’Abidjan). 101 Henry Konan BEDIE président de la république de décembre 1993 à décembre 1999. 100 193 les universités ne peuvent pas tirer à effet égal un égal bénéfice de l’autonomie. Pour monsieur BEDIE, l’Etat doit donc intervenir pour rétablir l’équilibre en accordant davantage de moyens aux universités dont l’environnement économique n’est pas porteur.102 Le choix des autorités pour l’implantation des instituts de formation des agents de santé qui date de 1991 doit inspirer la répartition des futures facultés de médecine du pays. Contrairement aux écoles de formation des agents de santé, la faculté qui est une entité de l’université, restera universelle. C'est-à-dire que les étudiants provenant de tout le pays pourront être orientés dans l’une ou l’autre faculté de médecine. Les pouvoirs publics devront mettre les moyens afin qu’à l’issue de leur formation nos médecins aient envie de rester au pays. Pourquoi ne pas instaurer une sorte de contrat qui stipulerait que les futurs médecins ont obligation de travailler pour le compte de l’Etat pendant un certain nombre d’années qui restent à déterminer. Et en retour, l’Etat Ivoirien s’engagerait d’une part à leur offrir une rémunération à la hauteur de la valeur de leurs longues études, et d’autre part, l’Etat devra mettre à leur disposition tous les moyens pour accomplir leur mission dans les meilleures conditions. Ce sont les conditions de travail qui font défaut. S’il y’a un manque criard de médecins et d’agents de santé c’est tout simplement pour une question de moyens. Nous avons besoin de personnels de santé, nous devons donc créer les conditions du très bon épanouissement de la profession en améliorant aussi la capacité d’accueil des structures existantes. 102 Le Repère, vendredi 11 décembre 2009. Henri Konan BEDIE : « Comment je vais réhabiliter l’école ivoirienne » 194 B/ AMELIORATION DE LA CAPACITE D’ACCUEIL DES STRUCTURES EXISTANTES L’amélioration de la capacité d’accueil des structures existantes passe nécessairement par la multiplication des salles de cours, des amphithéâtres, laboratoires etc… et par l’augmentation du nombre de logement devant recevoir élèves et étudiants. 1) MULTIPLICATION DES SALLES DE COURS Les différentes structures de formation déjà en activité ont des besoins qu’il faut impérativement satisfaire. La faculté de médecine d’Abidjan a du mal à contenir le nombre de ses étudiants. Pour se faire une idée, il faut tout simplement imaginer une faculté où tous les bacheliers du pays orientés en médecine se retrouvent chaque année. Il faut agrandir la faculté de médecine, construire de nouveaux amphithéâtres et de nouvelles salles de cours. Ces nouvelles infrastructures doivent non seulement tenir compte du nombre d’étudiants déjà présent au sein de la faculté mais aussi, elles doivent être mises en place en fonction du nombre d’étudiants susceptibles d’intégrer la structure à long terme. Nous manquons de médecins, si nous décidons d’agrandir et de moderniser notre faculté de médecine, cela doit aller de pair avec notre volonté de former sérieusement plus de médecins. Du côté de l’Infas, l’institut d’Abidjan et ses antennes de Bouaké et Korhogo ont depuis quelques années élevé la voix auprès des autorités administratives et politiques pour réclamer une amélioration de leur condition de travail. Cette 195 amélioration portait à l’époque sur la construction de salles polyvalentes, d’amphithéâtres, de laboratoires, de bureaux pour les enseignants etc… mais avec la crise de 2002, force est de constater que seul l’institut d’Abidjan tient encore debout. Les antennes de Bouaké et Korhogo ont été saccagées. Il faudra donc pour ces deux antennes tout reconstruire en y ajoutant le surplus demandé par ceux qui y travaillent. La construction de salles de cours et d’amphithéâtres n’est pas la seule manière de créer les conditions idéales de la formation des personnels de santé. Lorsqu’on prend en considération l’implantation des structures et la provenance des élèves et des étudiants, nous constatons un véritable mouvement de population à travers le pays. Il faut donc prévoir l’hébergement de toutes ces personnes. Cet hébergement existe depuis toujours, mais depuis quelques années, il est défaillant, il faut donc y remédier. 2) AUGMENTATION ET MEILLEURE REPARTITION DES LOGEMENTS Pour bien étudier, il faut être dans de bonnes conditions. Autant les salles de cours et les amphithéâtres doivent donner envie d’étudier, autant les bâtiments qui servent de lieu de résidence aux élèves et étudiants doivent être agréables. En Côte d’Ivoire, il existe plusieurs résidences universitaires pour les futurs médecins, toutes localisées à Abidjan. Sur ces campus, les chambres construites depuis des années ont été réhabilitées il y’a quelque temps pour certaines d’entre elles. Tous les étudiants sont logés sans distinction de leur filière d’origine. Les étudiants en médecine doivent donc partager les chambres existantes avec leurs amis des autres facultés. Le problème, c’est que très souvent les chambres sont occupées par des personnes qui n’y ont pas droit. On trouve un peu de tout sur nos campus : fonctionnaires, étudiants d’écoles supérieures privées, des personnes totalement déscolarisées. Ces 196 personnes se retrouvent là tout simplement parce que certains étudiants officiellement admis à résider sur le campus préfèrent sous-louer leur chambre. Ces étudiants ont la possibilité d’habiter chez des parents en ville, alors pourquoi garder une chambre en cité, lorsqu’on sait que certains étudiants qui viennent de l’intérieur du pays ne sont pas logés sur les campus. Les autorités devraient tout faire pour répertorier ces étudiants là et les privilégier dans la répartition des chambres. Nous avons aussi le cas où un étudiant possède à lui seul deux chambres sur le même campus ou sur deux campus différents, tout simplement parce que d’intervention en intervention il a fini par obtenir deux chambres au lieu d’une alors qu’il n’en a même pas droit. Tout cela est possible parce qu’il n’y a pas de contrôle assez efficace quant à la répartition des chambres, et une fois celle-ci effectuée, il n’y a pas de contrôle de gestion. Hier c’était l’administration universitaire qui était à l’origine des magouilles, aujourd’hui avec la crise, ce sont les étudiants membres de la Fesci103 qui attribuent et gèrent les chambres et les campus universitaires d’Abidjan sans que les autorités ne disent mot. Les choses rentreront peut-être dans l’ordre, puisque selon le président de l’université d’Abidjan, la Fesci vient de restituer 530 chambres104 occupées illicitement au CNOU105. En ce qui concerne les élèves de l’Infas, qu’ils soient à Abidjan ou à l’intérieur du pays, ils sont logés dans des internats. Pour ceux qui sont issus de la région où se trouve l’école, le problème ne se pose pas vraiment. Pour les autres, les internats représentent le lieu de résidence par excellence. Le nombre de candidats est beaucoup plus important que le nombre de place disponibles. Les différents responsables de ces écoles ont depuis quelques années demandé aux autorités de 103 FESCI : Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire. Fraternité-Matin, mardi 4 mars 2008. 105 CNOU : Centre National des Œuvres Universitaires. 104 197 construire des internats pouvant recevoir les élèves Ivoiriens et étrangers. Depuis le début de la crise politique dans le pays, nous pouvons imaginer le calvaire enduré par une partie des élèves de l’Infas (les élèves de Bouaké et Korhogo qui ont dû venir sur Abidjan pour continuer leur formation). Nous recommandons aux autorités de tout mettre en œuvre pour que, chaque faculté de médecine ou chaque institut de formation des agents de santé publique qui verra le jour soit accompagné d’une résidence universitaire ou un internat pouvant recevoir au moins la moitié des étudiants ou élèves orientés au sein dudit établissement. Nous savons que cet effort peut être fait car le pays dispose d’énormes ressources très mal réparties ou utilisées106. Nous pensons aussi que tout ne peut pas reposer sur le dos de l’Etat, il faut s’adresser aux personnes physiques ou morales disposant de grands moyens afin de réaliser des résidences et internats privés. C’est dans ce sens que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a lancé le mardi 15 janvier 2008 un appel à manifestation d’intérêt pour la réalisation de résidences universitaires privées à Abidjan et à l’intérieur du pays. Construire et redistribuer les chambres, les salles de cours, et les lits des résidences universitaires et des internats sont deux choses qui ne règleront pas définitivement le problème de l’accueil des futurs personnels de santé, c’est pourquoi, nous préconisons aussi que soit retiré à l’Etat le monopole de la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Nous assistons depuis quelques années à la création de nombreuses universités privées. Il est temps que nous mettions en place une université privée de médecine et une école privée de formation des agents de santé comme cela se fait dans certains pays développés. 106 Entre 1994 et 1998, le pouvoir a érigé une clôture autour du campus de l’université de cocody, l’objectif était de contenir les étudiants en cas de manifestation anti-gouvernementale. Le coût de ce chef- d’œuvre : 600 millions de F CFA (900000 Euros). 198 C/ RETRAIT DU MONOPOLE DE LA FORMATION A L’ETAT Pour nous, parler de retrait du monopole de la formation des personnels de santé, c’est lancer l’idée de la création d’instituts privés de la formation des agents de santé d’une part et de facultés privées de médecine d’autre part. 1) FAVORISER LA CREATION D’INSTITUTS PRIVES DE FORMATION Il est évident pour nous que l’Etat ne peut pas tout faire en Côte d’Ivoire, il ne peut pas être sur tous les fronts. Les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont de tout temps eu du mal à gérer les écoles, collèges, lycées, et universités du pays malgré les 40 % du budget national qu’ils engrangent. C’est pour cela que nous pensons qu’il est temps , comme pour les écoles, les lycées et collèges privés qu’il a autorisés, et qu’il subventionne parfois, que l’Etat autorise des organismes, des personnes morales ou même des personnes physiques ayant de très grands moyens à mettre sur pieds des instituts privés de formation des agents de santé en divers endroits du pays. Ces instituts pourront être montés sur le modèle Français. La France compte des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) qui forment les infirmiers, sages-femmes, aides-soignants etc.… En France, il existe des instituts publics mais aussi privés. Concernant les instituts publics, la formation est financée et prise en charge par l’Etat. Toutefois, les concours, les frais d’inscription, le matériel et autres sont à la charge de l’étudiant. Au niveau de la formation, les cours dispensés suivent un programme national selon une organisation qui est propre à chaque Ifsi, et les stages s’effectuent en majeur partie dans des hôpitaux publics sinon exclusivement. 199 Quant aux Ifsi privés, ce sont des instituts qui appartiennent à la Croix-Rouge Française, à l’université catholique, à la fondation Léonie Chaptal etc.… Sur les 330 Ifsi que compte la France, nous en avons 265 qui relèvent du public, 63 qui sont privés à but non lucratif (la précision est de taille) et 2 qui appartiennent à l’éducation nationale. Les cours dispensés dans ces instituts sont les mêmes que dans le public, l’institut appartient à un groupe privé et les stages peuvent se faire aussi bien dans des hôpitaux publics que dans des cliniques privées. Les étudiants qui accèdent à ces instituts sont titulaires du baccalauréat et peuvent bénéficier de bourse ou d’aide gouvernementale. Enfin pour terminer, les diplômes obtenus à l’issue de la formation ont la même valeur que ceux des étudiants sortis du public. Nous pensons que pour le bon fonctionnement d’un tel système, l’Etat doit apporter sa contribution et son total soutien à ceux qui décideront de faire fonctionner ces instituts. Des lois et des subventions doivent donc accompagner la naissance et l’organisation de ces écoles. Il faudra aussi faciliter la coopération avec les pays déjà avancés dans le domaine afin de faire de ces instituts non pas des concurrents de l’Infas mais plutôt des alliés. Il faut que nos autorités donnent à nos universités et nos instituts la place qui est la leur dans le système de santé. Les étudiants de ces différents lieux de formation le revendiquent. Il est important pour eux d’être regardés comme de vrais professionnels à la fin de leur formation. A l’Infas par exemple, les syndicats infirmiers entament souvent des mouvements de grève pour obtenir la signature d’un décret portant sur le statut de grande école pour l’institut, c’est aussi ce caractère que pourrait apporter les instituts privés de formation au système de formation des agents de santé. A côté de cette revendication, il y’a aussi celle du statut des infirmiers formateurs. Ces derniers souhaiteraient obtenir le statut 200 d’enseignant du secondaire avec un profil de carrière clair et motivant. Nous pensons que la compétition entre différentes structures publiques et privées permettra de faire ressortir la compétence et la valeur de nos agents de santé. A côté des instituts privés de formation, nous proposons aussi la mise en place d’universités privées de médecine. 2) FAVORISER LA CREATION D’UNIVERSITES PRIVEES DE MEDECINE Cette proposition de création d’universités privées de médecine peut paraître un peu déplacée pour un pays en voie de développement. C’est vrai que la mise en œuvre d’une telle entreprise nécessite d’énormes moyens financiers, logistiques et humains. L’Etat, dans certains domaines de l’enseignement supérieur a permis au secteur privé de fonder des écoles afin de compenser son déficit dans les dits secteurs de l’enseignement. Nous avons déjà dans le pays de très grandes écoles supérieures de commerce, des universités privées de droit etc.… La création de ces facultés privées de médecine sera d’un apport bénéfique en ce qui concerne la compétitivité. Dans de nombreux pays, on voit éclore des facultés de médecine privées, alors que leur majorité relevait jusque-là du domaine public. On peut penser que ce phénomène continuera à se développer pour différentes raisons selon les pays. Le besoin urgent de main d’œuvre médicale découlant de l’incapacité des pouvoirs publics à satisfaire la demande, (Le nombre de diplômés en médecine demeure insuffisant pour couvrir les besoins des populations, la fuite de près d’un quart d’entre eux vers les pays riches n’est pas faite pour arranger les choses. La SFI107 estime que dans les dix ans à venir, il faudra former 90000 médecins en plus 107 SFI : Société Financière Internationale. 201 de ceux déjà prévus)108 la délocalisation de la formation médicale par des pays riches vers des pays émergents, le souci d’améliorer la qualité par l’émulation. Il ne s’agira pas pour le gouvernement de simplement favoriser la création de ces facultés, il faudra mettre en place une instance nationale de régulation sérieuse, qui avec l’appui des pouvoirs publics s’imposera pour garantir un service d’égale qualité et de la sécurité du public. Des normes spécifiques à la Côte d’Ivoire et conformes aux bonnes pratiques reconnues internationalement devront être formulées et appliquées. Avec des moyens permettant ainsi une plus juste appréciation de la performance, notamment par un système d’accréditation, on peut s’attendre à un encouragement vers une démarche de qualité, mais aussi à une lutte entre facultés de médecine pour obtenir de l’ensemble des ressources disponibles une meilleure part pour leur fonctionnement et leur développement. Le financement peut provenir d’entreprises ivoiriennes, associées comme pour les universités privées de droit à des enseignants de l’université d’Abidjan. En effet, ce sont des professeurs de la faculté de droit des universités d’Abidjan et de Bouaké qui ont monté ces universités de droit. Pour les universités privées de médecine, une fois la structure établie, nous pensons que le personnel proviendra des nombreux médecins et enseignants de la faculté de médecine sous-payés et désireux de gagner plus. Les bâtiments de l’université devront servir pour les cours théoriques, les hôpitaux publics et les cliniques privées de la ville d’Abidjan pour les cours pratiques et les stages. Etant donné que les universités privées de médecine auront du mal à mettre sur pieds tout le dispositif nécessaire au bon fonctionnement d’une faculté de médecine associée à un hôpital, nous pensons que dans un premier temps, 108 Jeune Afrique, Formation : lourde déficience en diplômés. Julien CLEMENCOT, du 15 au 28 août 2010, p 128. 202 l’université privée en accord avec le gouvernement utilisera les hôpitaux publics pour dispenser les cours pratiques à ces étudiants. Ces mêmes hôpitaux serviront de terrain de stage comme en France (les Ifsi privés qui envoient leurs étudiants en stage dans les hôpitaux publics). Les enseignants seront dans leur grande majorité issus de la faculté de médecine d’Abidjan, de nombreux médecins seront sans aucun doute intéressés par cette aventure. Les facultés de médecine du continent et celle d’Abidjan n’étant pas en mesure de faire face aux grands défis qui les attendent, nous jugeons opportun de mettre en place ces facultés privées de médecine dans le but de désengorger les facultés publiques. La Côte d’Ivoire ne doit pas rester en marge de l’évolution. Elle a déjà permis l’ouverture de facultés privées de droit, de grandes écoles d’économies et de gestion etc… Alors, pourquoi s’arrêter là et ne pas relever ce nouveau défi comme au Sénégal, au Cameroun ou au Tchad. Toutes ces nouvelles structures privées (universités et instituts de formation) seront bien évidemment sous la tutelle des pouvoirs publics. L’Etat aura pour mission de faciliter la création de ces structures, il devra aussi valider et reconnaître les diplômes délivrés par ces écoles et devra aussi faciliter l’accès des étudiants ivoiriens à ces structures. En effet, les tarifs de formation devront être à la portée des étudiants, des bourses d’étude devront venir en appui à certains étudiants n’ayant pas suffisamment de moyens pour subvenir aux frais liés à leur formation. Bâtir des structures pour la formation est nécessaire. Il y’a un autre élément que nous ne devons pas omettre, c’est lui qui permet de conduire ladite formation jusqu’à son terme. Cet élément, c’est le matériel. 203 II - LE MATERIEL Un bon système de santé dépend de la qualité de la formation des agents censés administrer les soins aux patients. Cette formation de qualité est obtenue grâce au bon état du matériel de formation qui en même temps doit être conforme aux avancées technologiques. L’acquisition de ce matériel doit faire l’objet en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays Africains d’une budgétisation sérieuse de son financement. A/ MISE A JOUR DU MATERIEL VETUSTE Aujourd’hui, il suffit seulement de faire un tour à la faculté de médecine d’Abidjan, dans nos instituts de formation et nos hôpitaux pour constater avec regret que plus rien n’est en bon état. Des murs qui risquent de s’effondrer, des sièges qui manquent dans nos salles de cours et nos amphithéâtres, des tableaux qui n’en sont plus, des ordinateurs quasiment invisibles, des laboratoires qui ne méritent pas leur nom. C’est vrai que la France, modèle par excellence de la Côte d’Ivoire vit dans certaines de ses universités ce genre de problèmes. Mais il faut préciser que ce pays consacre 6700 Euros (près de 4500000 FCFA) par an et par étudiant, cela ne représente rien face à la Suède un autre pays Européen qui consacre 10000 Euros par an et par étudiant (près de 6500000 FCFA). Et loin devant, nous avons les USA avec plus de 20000 Euros par an et par étudiant (13 millions de FCFA même si ces fonds proviennent du privé pour une bonne part).109 109 Thierry FABRE, comment sauver nos universités du désastre, capital, octobre 2006 p 26. 204 En Côte d’Ivoire, nous sommes incapables de chiffrer le coût annuel d’un étudiant, et vue l’état général du pays, tout ce qui intéresse les autorités, c’est de savoir que les universités fonctionnent. Où va la part du budget octroyée à l’enseignement supérieur n’est pas un problème, quel est l’usage qui en est fait, peu importe. Dans nos pays Africains, l’université fonctionne une fois que les enseignants sont payés et les bourses versées aux étudiants. Nous ne cherchons pas encore à savoir pourquoi nos universités, instituts de formation et hôpitaux sont en si mauvais état et souvent même dangereux. Lorsque le matériel existe, il est en très mauvais état. Il n’est pas rare de retrouver à la faculté de médecine ou dans nos hôpitaux publics des appareils datant des années 60-70. La faculté de médecine construite pour sa plus grande partie au cours des années 60 présente aujourd’hui des bâtiments aux murs fissurés, des laboratoires d’expérimentation et de recherche dégradés. L’Infas d’Abidjan construit au sein du plus vieux CHU du pays a fini par se confondre en tout cas en ce qui concerne son aspect au bâtiment qui abrite ses locaux. Pour les antennes de Bouaké et Korhogo, les locaux et le matériel ont été pillés depuis le 19 septembre 2002 par la rébellion aidée d’une partie de la population de ces deux villes. Mais le drame pour nous, c’est lorsque ce que nous considérons comme matériel de première nécessité manque dans nos structures de formation. Les médecins à travers leur syndicat indiquent qu’il est important que les établissements sanitaires du pays aient des plateaux techniques améliorés, adéquats et de qualité. Les différents CHU, CHR et hôpitaux généraux du pays ont des plateaux techniques obsolètes selon le syndicat et des dispositions ont été prises en accord avec le gouvernement toujours selon le syndicat des cadres supérieurs de santé pour que les plateaux techniques soient rénovés et restaurés. Ce 205 travail une fois effectué permettra aux personnels de santé de travailler convenablement pour une meilleure prise en charge des patients110. Nous proposons donc aux autorités qui considèrent l’achat de matériel neuf comme difficile dans cette période de crise de faire l’effort de remettre à jour le matériel existant. Le problème des murs et des structures provient du mauvais entretien et dans certains cas de l’absence totale de propreté. Repeindre et nettoyer au quotidien n’est pas la mer à boire, les moyens et les hommes peuvent être trouvés et mis en œuvre pour satisfaire cet aspect du problème. C’est dans ce sens que nous retenons la proposition du ministère de la santé. En effet, la direction de la promotion de l’hygiène publique a décidé d’instituer désormais un concours annuel dénommé « hôpital propre ». Selon le Pr Alexandre N’Guessan, directeur de l’hygiène publique, l’insalubrité généralisée dans les hôpitaux et la gestion approximative des déchets médicaux constituent une source d’infection pour les patients (infections nosocomiales). Partant de ce constat, il est donc nécessaire d’instituer un concours pour inciter les responsables des centres de santé à assurer la propreté de leur établissement. « Il faut donc que les responsables des hôpitaux développent des programmes de sensibilisation du personnel à l’usage de la blouse uniquement dans les locaux de l’hôpital, veillent à la bonne désinfection des unités de soins et au respect du code de procédure » pour le directeur de l’hygiène, la négligence de ces règles élémentaires d’hygiène constitue pour les patients un danger. Il faut aussi rappeler que selon l’OMS, 20% des déchets médicaux sont considérés comme un facteur d’infection.111 Par contre, le problème devient plus délicat lorsqu’il s’agit du matériel technique de formation, les différents appareils de haute technologie utilisés par les médecins au 110 111 L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008. Le Patriote, jeudi 22 mars 2008. 206 cours de leur travail et par les étudiants et élèves lors de leur formation. Ces appareils ont été achetés par l’Etat Ivoirien ou offerts à celui-ci par d’autres Etats ou organismes. Il revenait donc aux autorités de tout mettre en œuvre afin que ces appareils soient biens utilisés et entretenus, ce qui n’a apparemment pas été le cas. Aujourd’hui, nous trouvons souvent du matériel de qualité inutilisable dans nos hôpitaux et centres de formation. Aux autorités, nous disons que lorsqu’on acquiert du matériel de qualité, il faut avoir en même temps des hommes qui maîtrisent l’utilisation et la technologie nouvelle pour une bonne marche de l’appareil. Sans ces personnes spécialement formées, tout médecin, étudiant ou agent de santé viendra toucher à l’appareil sans véritable connaissance, ce qui à long terme provoquera inévitablement le mauvais fonctionnement de l’appareil. Selon nous, d’une bonne formation des futurs médecins et agents de santé en amont, résulte une bonne formation des personnels censés piloter et entretenir le matériel de qualité et les locaux hospitaliers. Il est temps de lancer un plan d’urgence pour remettre en états nos locaux, et le matériel de nos salles de cours, amphithéâtres et laboratoires. Il faut commencer par sensibiliser nos enseignants, étudiants d’université et d’instituts de formation et nos médecins sur le fait qu’en tant que premiers utilisateurs de ces structures et du matériel, ils ont tout intérêt à ce que ces biens restent en bon état. Ensuite pour les dégradations dues au temps ou à la nature, c’est aux autorités qu’il incombe de tout mettre en œuvre pour assurer le bon entretien du matériel acheté ou souvent offert par des pays amis. Pour une formation efficace et de qualité, il ne suffit pas d’acheter du matériel à tout va. Il faut que nos autorités se procurent des appareils en fonction des besoins médicaux tout en s’assurant qu’ils sont conformes aux avancées technologiques. 207 B/ NECESSITE DE LA CONFORMITE DU MATERIEL AUX AVANCEES TECHNOLOGIQUES La formation médicale nécessite beaucoup de travail de recherche, des expériences doivent être menées, des laboratoires et certains appareils sont donc utiles. Dans nos laboratoires vétustes, il manque du matériel, cela est dû à l’absence de volonté des dirigeants et au mauvais usage fait par certaines personnes. Mais très souvent, lorsque le matériel existe, il est d’une toute autre époque. En 2007-2008, nous ne pouvons pas nous permettre de former nos étudiants avec des appareils et des méthodes des années 60. L’Afrique, nous ne le nions pas accuse un retard très considérable en ce qui concerne la recherche médicale par rapport aux pays occidentaux. Nous pensons que ce fait n’est pas une raison pour que les Africains dans la formation de leurs personnels de santé fassent le choix de rester loin derrière les occidentaux. L’utilisation d’une nouvelle technologie médicale nécessite des hommes formés à cette technologie. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas ces hommes que nous allons nous contenter des appareils datant de la colonisation ou des années d’indépendance. Il nous faut en Côte d’Ivoire comme dans toute l’Afrique envoyer nous médecins et agents de santé à l’étranger, là où la technologie médicale est avancée pour leur permettre de comprendre et maîtriser le fonctionnement des nouvelles sciences médicales. Nous devons nous imprégner des méthodes sérieuses de travail. Une fois cet acte accompli, ces personnes devront revenir dans leur pays et faire profiter à leur population leurs connaissances. Les pouvoirs publics devront donc acquérir des appareils de haute technologies, les moyens existent, il suffit simplement d’y mettre un tout petit peu de volonté et de bonne foi. Une fois les appareils et les hommes sur le terrain, il n’y a pas de raison 208 que les choses ne se passent pas comme en occident. Les populations ivoiriennes, les médecins et agents de santé doivent choquer les dirigeants, exiger d’eux un meilleur système de santé pour les uns et de meilleures condition de travail et de formation pour les autres. Il faut qu’on se le dise, nos dirigeants quand ils sont malades se rendent là où la médecine est la meilleure, c'est-à-dire en Europe aux USA tout simplement parce qu’ils ne croient absolument pas en la médecine de chez eux. Ils sont conscients qu’en Côte d’Ivoire la technologie dans certains domaines de la médecine n’est pas au rendez-vous. La conformité du matériel aux avancées technologiques doit être une exigence du peuple ivoirien. Si le gouvernement ivoirien peut se permettre d’investir des milliards de FCFA dans l’achat d’armement pour faire la guerre à des ivoiriens, nous pensons qu’il est de son devoir d’injecter autant de milliards pour le bien être médical de ses populations (un hélicoptère MI 24 d’occasion vaut beaucoup plus qu’un scanner de haute technologie ou un appareil permettant de réaliser des échographies à des femmes enceintes). Sur les 100 milliards de FCFA versés à titre d’indemnisation à l’Etat ivoirien pour les populations ayant subi des dommages lors de l’affaire des déchets toxiques, nous savons que pas plus de 20 milliards seront distribués aux familles des morts (16) et des malades. Le reste devra servir à améliorer et à remettre à neuf certains de nos hôpitaux. C’est ce que le gouvernement a laissé entendre, les populations se doivent de rester vigilantes dans cette affaire, il y va de leur santé. Les populations veulent un système de santé qui prenne en compte tous leurs besoins, pour ce faire, les autorités doivent mettre tout en œuvre pour y parvenir. Dans certains pays africains, atteindre les objectifs de qualité et d’efficacité relève du parcours de combattant pour des 209 raisons de financement. La Côte d’Ivoire n’échappe pas à ces considérations même si des efforts en matière de financement de la santé ont été réalisés. C/ LE FINANCEMENT DE LA SANTE EN COTE D’IVOIRE 1) UN FINANCEMENT NECESSITANT AUJOURD’HUI DES REFORMES La question du financement de la santé en Côte d’Ivoire comme dans de nombreux pays africains a fait et continue de faire l’objet d’un débat. Dans notre pays, pendant les vingt premières années de l’indépendance, les autorités ont fourni dans un cadre de capitalisme d’Etat, à la population, des traitements gratuits et payés sur le revenu des impôts. Les services publics qui constituent 62% des infrastructures sanitaires nationales sont les principaux dispensateurs de soins (l’Etat ivoirien alloue 7% de son budget national à la santé soit environ 88 milliards de Fcfa, somme que nous jugeons dérisoire face à l’immensité des besoins dans le secteur). Mais depuis quelques années, l’augmentation des coûts, la réduction drastique des recettes publiques due à la détérioration des termes de l’échange et un taux de croissance démographique sans précédent (3,8%) ont beaucoup affaibli la capacité des services publics à fournir des soins de qualité subventionnés pour toute la population. Ce sont toutes ces raisons qui font que nous avons un taux d’accessibilité aux soins très faible (35%). Face à cette situation, il est donc urgent de lancer un processus de réformes qui aura pour objectif de redynamiser le système de santé national. L’Etat ne pouvant plus faire face tout seul aux dépenses de santé, il est donc obligé de demander à la population de participer aux coûts de la santé. La question qui se pose donc n’est plus celle de la gratuité des soins mais plutôt celle de la 210 répartition des dépenses de santé entre l’Etat et les ménages (ce qui se fait dans de nombreux pays à travers le monde, même si nous souhaitons un financement total de l’Etat, comme à cuba). En 1987, la Banque Mondiale, recommandait d’inclure le principe du recouvrement des coûts dans les stratégies de financement des prestations de santé du secteur public dans les pays en voie de développement. Cette recommandation visait particulièrement le secteur pharmaceutique qui accusait un déficit chronique, occasionnant une irrégularité dans la fourniture des médicaments. Le pays a mis en place des politiques ayant pour but de faire participer les populations au financement et à la gestion de la santé. Ces politiques se traduisent par le recouvrement du coût des actes et par l’assurance maladie autofinancée. Face à l’escalade des coûts de la santé et à la capacité limité des budgets du ministère de la santé publique à financer les services de santé, tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité du partage des couts entre l’Etat et les ménages. Cette participation des ménages si elle est bien encadrée et gérée devrait permettre de rendre les soins de santé meilleurs et équitables. Quant à l’assurance maladie autofinancée, elle est conçue comme étant le prolongement naturel du recouvrement des coûts dont elle vise à pallier les insuffisances. L’objectif affiché est de créer une solidarité autour des populations en vue de promouvoir l’équité et la viabilité des services de santé. L’assurance maladie présente également d’autres avantages comme celui de constituer le seul outil dont dispose le gouvernement pour échapper à la pratique coûteuse des subventions générales pour soins hospitaliers, libérant ainsi les fonds pour financer des programmes de santé publique ainsi que la mise en place des services de soins préventifs et primaires dont bénéficient les moins nantis. Mais tout ce financement ne 211 sera efficace que si en amont des équipes d’experts se penchent avec l’accord des autorités sur les besoins en matériel et en argent du secteur de la santé. 2) BUDGETISATION SERIEUSE DU FINANCEMENT DU MATERIEL Les appareils médicaux coûtent extrêmement chers. Un pays comme le notre ne peut pas se permettre de laisser entre les seules mains d’un ministre de la santé ou du directeur des services financiers du même ministère le soin de choisir ce qu’il faut comme matériel pour nos hôpitaux, centres de formation et faculté de médecine. Il est temps de mettre sur pied une commission parlementaire composée de députés de divers bords politiques pour qu’il y’ait une véritable transparence. Cette commission nationale sera chargée de répertorier le matériel dans nos hôpitaux, de l’expertiser, voir ce qui est en bon état et ce qui ne l’est pas. Cette commission estimera ensuite en accord avec les dirigeants des hôpitaux, les besoins et le coût des appareils nécessaires. Une fois ce travail accompli, la commission présentera un rapport au ministère de la santé qui après examen et avis demandera au parlement le vote des sommes nécessaires au moment de l’établissement du budget annuel national. En résumé, dans le budget attribué à la santé, une part considérable doit être réservée spécifiquement à l’achat du matériel permettant un fonctionnement correct de nos hôpitaux. En cours d’année, la commission devra parcourir les hôpitaux, voir si les appareils ont été achetés, livrés et vérifier l’usage qu’en font les praticiens. Ou mieux encore, on pourrait créer une structure unique qui sera chargée de l’achat et de l’entretien du matériel médical et de tout autre matériel nécessaire à nos hôpitaux, centres de 212 formation et faculté de médecine. Ainsi, on saura avec précision où va l’argent décaissé par le gouvernement. Cette structure devra aussi gérer les dons et aides des pays amis et étrangers. Le contrôle de l’argent, des dons et des aides sera sans doute beaucoup plus facile et l’usage des différentes sommes mises à disposition se fera en toute clarté si les personnes chargées de les gérer sont de bonne foi. Dans tous les cas, ce contrôle devra permettre de sanctionner les dirigeants des hôpitaux où les appareils ont été mal entretenus ou utilisés, féliciter et récompenser ceux où l’usage et l’entretien ont été corrects. A côté de cette commission, nous suggérons de créer un autre organisme, celui-là composé de personnalités appartenant à d’autres institutions étatiques afin de respecter le principe de séparation des pouvoirs. Cette seconde commission sera chargée de contrôler le travail de la première de telle sorte que ce ne soit pas ceux qui ont acheté le matériel qui soient charges de « s’autocontrôler ». C’est l’un des problèmes majeurs de la Côte d’Ivoire, les contrôles administratifs souffrent d’interventions partisanes et complaisantes. La première commission veillera au bon fonctionnement des institutions sanitaires, et elle sera à son tour surveillée par un organisme encore plus puissant afin que chacun sache qu’il n’est pas vraiment le maître du jeu. Nous souhaitons cela parce que, nous constatons depuis quelques années un certain laisser aller dans l’administration ivoirienne, surtout depuis le début de la guerre qu’a connue le pays. En parlant d’administration, là aussi nous pouvons constater des problèmes en ce qui concerne le patrimoine et la logistique, de nombreux services administratifs différents sont chargés de gérer le secteur de la santé et de la formation et ces services ne disposent pas des moyens nécessaires pour mener à bien leur mission. Ces problèmes sont l’unité des lieux pour commencer, l’insuffisance et la vétusté des locaux, le manque de mobiliers et d’équipements et une forte carence des moyens de transport notamment 213 pour le transport des étudiants vers les lieux de stage. A cela, il faut ajouter le manque de ressources humaines en nombre et en qualité. Et enfin, le manque de moyens financiers dus aux problèmes budgétaires, ce qui entraine des difficultés dans la résolution des problèmes concernant les besoins pédagogiques et sociaux. Il faut donc apporter à tous ces problèmes des solutions adaptées. Il nous faut un personnel administratif de qualité et efficace. Pour l’obtenir, les autorités doivent mettre les moyens sur la table. Quand nous voyons ce qui se passe actuellement dans le pays, nous avons peur et nous pensons très sincèrement que l’avenir sera sombre. Des gens payent pour entrer à l’école nationale d’administration (ENA), ils sortiront très probablement de cette école avec les diplômes nécessaires, mais auront-ils la compétence qui va avec. Ce sont ces personnes qui seront un jour appelées à diriger les structures administratives en rapport avec nos hôpitaux, universités et instituts de formation. Le problème de l’administration en Afrique en général et en Côte d’Ivoire en particulier, ce sont les hommes, il y’a trop de laisser aller et de laisser faire. Réussir la mise en place d’un système de santé efficace, c’est d’abord et avant tout mettre les hommes qu’il faut aux places qu’il faut, mais ces hommes, il nous faut les trouver. SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES ETUDIANTS ET LES ENSEIGNEMENTS Toute faculté de médecine, toute école de formation devrait pouvoir se distinguer par des médecins et agents de qualité formés en nombre suffisant, des programmes de formation pertinents et performants, un soutien à la formation médicale continue, des protocoles de bonne pratique, des modèles de fonctionnement de services et des recherches améliorant les prises de décisions dans chacun de ces domaines. 214 Nous le savons, le succès de l’école dépend aussi et surtout des hommes. La qualité de l’enseignement repose entre les mains des maîtres. La formation et le moral de ces derniers sont liés au sort matériel qui leur est fait et à, la place qui leur est reconnue dans la société. Pour reconstruire durablement une école de la réussite, il faut restaurer la considération que le corps enseignant est en droit de mériter. La démocratisation de l’enseignement ne doit pas être le contraire de la qualité et de l’excellence. L’image et la condition de l’enseignant doivent être revalorisées car il est celui en qui la société se reconnait. Toute amélioration de notre système éducatif passe par la revalorisation du noble métier d’enseignant sur le double plan de leur formation et de leur condition. Notre volonté de voir notre université redevenir le creuset de l’excellence passe par l’effort particulier qui sera accompli en termes de rémunération et de carrière pour nos enseignants et nos chercheurs du supérieur. I - LES SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION A/ MOTIVATION FINANCIERE PLUS IMPORTANTE Ce n’est un secret pour personne, les enseignants toutes catégories confondues sont très mal rémunérés en CI. Un assistant à la faculté de médecine doit avoir comme salaire entre 300000 et 400000 FCFA (entre 500 et 600 euros). Un nouveau médecin en début de carrière gagne entre 180000 et 250000 FCFA (entre 275 et 380 euros). Un enseignant des instituts de formation doit gagner approximativement 200000 FCFA. Avec de tels salaires, comment voulez-vous que ces personnes exercent leur mission de formation avec le plus grand sérieux. Ces bas salaires font que les 215 médecins à l’Infas et les professeurs de médecine à la faculté s’accaparent toutes les occasions de formation continue et toutes les missions pour les frais qui en découlent, histoire d’arrondir les fins de mois. A côté de cela, il ne faut pas oublier l’intervention intempestive des pouvoirs publics dans la gestion du syndicat des médecins ivoiriens. Durant le mois d’août 2007, les médecins ivoiriens se sont mis en grève pour réclamer l’annulation d’une décision de justice nommant un administrateur provisoire à la tête de leur syndicat. Ils remettaient aussi en cause un protocole d’accord relatif à la revalorisation salariale et à l’entrée des médecins à la fonction publique signé avec la tutelle le 14 août 2007. Les médecins estimant le protocole d’accord caduc, ils exigeaient la signature d’un décret qui devait reconnaitre le doctorat comme titre d’entrée à la fonction publique et prendre aussi en compte la question de la revalorisation salariale112. Nous sommes en face de personnes qui après huit années d’études pour certains voire dix ou douze pour d’autres dans des conditions difficiles, doivent passer un concours pour avoir accès à un emploi dans la fonction publique où, ils exerceront dans des conditions désastreuses pour une rémunération médiocre. Nous pensons que la question de la revalorisation salariale est primordiale. Ne dit-on pas que l’argent est le nerf de la guerre ? Une chose est certaine, en ce qui concerne cet aspect du problème, les autorités ont accepté les revendications des médecins en signant au début du mois de janvier 2008 un décret qui triple le salaire des médecins ivoiriens (de 180000 à 540000 FCFA environ 800 euros). A côté de ces salaires, nous souhaitons l’instauration d’une prime trimestrielle ou semestrielle qui viendra en appui au salaire récompenser les médecins enseignants ou agents de santé les plus dévoués, consciencieux et travailleurs. Dans cet ordre d’idées, l’initiative du ministre de 112 Fraternité Matin, Nimatoulaye BA, 12 septembre 2000. P 10. 216 l’enseignement supérieur de décorer des agents et enseignants du monde de l’enseignement supérieur est à saluer. Avec ce genre d’acte, c’est le travail accompli qui est reconnu et pris en considération113. Il est aussi très important de ne pas oublier le problème du statut des personnels de santé. Jusqu’à ce jour, les personnels de santé ivoiriens dépendent du statut général de la fonction publique nationale. Mais nous estimons qu’étant donné qu’ils exercent un métier particulier, ils sont en droit de réclamer un statut particulier, en l’espèce, celui de la fonction publique hospitalière. Selon le docteur Ernest Boka ATTE secrétaire général du syndicat national des cadres supérieurs de santé de Côte d’Ivoire, la mise en place de ce statut sera effective au cours de l’année 2009114. Ce statut qui conférera aux différents personnels de santé un profil de carrière particulier permettra aussi à l’intérieur de chaque profession d’évoluer du grade initial jusqu’au grade supérieur, le dernier avant la retraite. Ainsi, on viendra à bout d’un problème sérieux qui mine le fonctionnement de la fonction publique en général et du corps des personnels de santé en particulier : l’avancement des agents. Aujourd’hui dans nos hôpitaux, il arrive que l’on ne sache pas qui fait quoi, qui est médecin, infirmier. Ce statut viendra en tant que règle juridique mettre de l’ordre au cœur d’un système totalement opaque. Par ailleurs, toutes ces mesures auront pour but de mettre fin à la fuite des cerveaux dans le domaine de la santé en Côte d’Ivoire. C’est un fait réel, de nombreux médecins ivoiriens sont tentés d’aller monnayer leur savoir à l’étranger dès que l’occasion se présente. Une fois en Europe, les choses sont souvent très difficiles. Le médecin ivoirien peut devenir infirmier en France ou garder son rang de médecin mais être sous rémunéré. Certains préfèrent cette situation que de rester pratiquer en Côte 113 585 agents décorés. Le ministre Ibrahima CISSE « c’est une marque de reconnaissance et de considération envers le personnel ». Sources : service de communication du ministère de l’enseignement supérieur, mercredi 26 mai 2010. 114 L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008. 217 d’Ivoire, pour d’autres, intégrer une clinique privée est la solution pour vivre de son métier et travailler dans de bonnes conditions. De plus, l’espoir d’une évolution de carrière pour améliorer leurs revenus et voir leur investissement reconnu est vain, puisque les conditions d’avancement et de gestion des carrières ne sont pas soumises à des critères clairs. L’obtention d’un poste plus élevé dans la hiérarchie dépend plus souvent du réseau relationnel que des compétences ou de la qualité des services rendus. Ce manque à gagner conduit de nombreux agents de santé à avoir recours à d’autres moyens de subsistance comme l’exercice de la pratique privée nous l’avons déjà dit, durant des heures qui devaient normalement être consacrées au service public. D’autres méthodes sont souvent utilisées pour compenser les manques à gagner, comme le recours à des formations ou des missions payées par des institutions internationales. Alors dans ce cas, comment n’allons-nous pas assister à la défaillance et au délabrement de notre système de santé ? Le pire dans l’histoire, c’est que c’est la population qui est la première à pâtir de cette détérioration du secteur public au profit du secteur privé. Quant aux agents de santé, aux dernières nouvelles, ils poursuivaient une grève entamée depuis déjà un certain temps pour obtenir des salaires et avantages plus conséquents. Nous espérons très fortement que leur lutte aboutisse. Les problèmes sont toujours les mêmes. Pour les infirmiers par exemple, il est inadmissible que le ministère de tutelle les méprise au point de rétrograder leur corps en y reversant les aides soignants tout en gardant un mutisme sur leur profil de carrière. Les syndicats d’infirmiers entendent par ces différents et répétés débrayages obtenir la signature de trois décrets, l’un portant sur le statut de grande école pour l’Infas et les deux autres relatifs au statut d’enseignant du secondaire pour les infirmiers formateurs à l’Infas et un profil de carrière clair et motivant. Ils réclament également l’annulation de tous les 218 projets de décrets prévoyant l’ouverture d’un cycle de formation des aides-soignants à l’Infas et leur reversement dans l’emploi d’infirmier ainsi que la nomination d’une compétence infirmière, sage-femme ou biotechnologique à la tête de l’école et la réintégration des sous directeurs révoqués par le directeur de l’Infas115. Pour nous, il serait déplacé de satisfaire les médecins et oublier les agents de santé, ceux qui suivent et contrôle l’application des prescriptions des médecins, donc plus proches des patients. Ces agents de santé rencontrent les mêmes difficultés que les médecins et réagissent face à elles de la même manière. Aux dernières nouvelles, un protocole d’accord a été signé entre le syndicat des cadres supérieurs de santé et le gouvernement. Cet accord se traduit par un projet d’octroi d’une majoration de 400 points d’indice en faveur des cadres supérieurs de la santé et la prise de deux décrets à compter de janvier 2009 : - décret portant régime indemnitaire particulier des cadres supérieurs de la santé et des personnels des emplois techniques de la santé ; - décret portant situation administrative et financière des praticiens hospitaliers ; Seulement, selon le gouvernement, ces mesures ne seront effectives dans leur totalité qu’à compter de janvier 2010. Cela tient toujours selon le gouvernement à la situation financière difficile que traverse le pays116. Nous espérons pour notre part que ces mesures seront réellement appliquées, et qu’il ne s’agit pas de simples décisions gouvernementales pour calmer les esprits et ainsi gagner du temps. 115 L’intelligent d’Abidjan : Grève des infirmiers, les services de médecine et de pédiatrie paralysés. Jeudi 11 décembre 2008. 116 Le Temps, vendredi 13 février 2009. 219 B/ ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS 1) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR DES SEMINAIRES DE MISE A NIVEAU Le constat en Côte d’Ivoire est que les personnels de formation pour des raisons pécuniaires ne donnent que ce qu’ils ont. Les problèmes financiers font que de nombreux formateurs refusent d’acheter de leur poche des revues médicales pour se documenter et améliorer leurs connaissances. Selon eux, avec le peu qu’ils ont, ils ne peuvent pas s’offrir « d’extra pédagogique » pour le bien de leurs étudiants. La solution serait de renforcer le rôle des délégués médicaux qui grâce à leur travail d’information participent à l’amélioration de la formation des agents de santé en comblant le vide crée par la non-participation aux formations continues masquant ainsi les lacunes les plus importantes. Les enseignants doivent donc adhérer à un système de formation continue. Pour cela, il faudra multiplier les formations, les ouvrir à toutes les catégories professionnelles sans exception tout en étant diversifiées (informatique, pratique managériale, linguistique et juridique). Il faudra aussi mettre en place un mode de facilité de paiement pour les revues et installer des bibliothèques et des salles informatiques au sein des structures sanitaires et de formation. Ces bibliothèques devront faire la part belle aux revues mettant en exergue les dernières avancées dans le monde médical. Les ordinateurs doivent permettre au personnel de se connecter à internet, une ouverture vers le monde extérieur qui se fait en quelques secondes. 220 Faciliter l’accès des formateurs à la connaissance et au savoir doit être un objectif primordial pour les autorités académiques et politiques. Les séminaires en Côte d’Ivoire et à l’étranger, les rencontres entre les différentes catégories de personnels hospitaliers, le dialogue entre personnel soignant et autorité administrative, l’évaluation des chefs de service par la direction de la coordination des EPN (en vue de leur remplacement ou de leur maintien au bout de trois années à la tête du service) doivent se faire fréquemment. Les différents syndicats et associations de médecins et agents de santé devront mettre leurs efforts en commun afin de mettre en place des programmes de formation continue pour leurs membres ou adhérents. Il faut que les personnels de santé eux-mêmes commencent à se prendre en charge, parce qu’attendre des autorités qu’elles interviennent pour régler ce genre de difficultés, c’est prendre le risque de ne jamais voir se réaliser ces projets surtout en ce moment où la crise que traverse le pays est le principal alibi derrière lequel se cachent toutes les incompétences politiques et administratives. La nécessité de mettre en place une structure pédagogique chargée d’assurer l’acquisition et le développement des compétences pédagogiques des enseignants s’impose. L’objectif principal serait d’aider les enseignants à optimiser l’apprentissage des étudiants et d’aider ceux-ci à développer des stratégies d’apprentissage qui leur seront utiles toute la vie. Les activités de formation doivent prendre en compte les niveaux de compétence pédagogique des enseignants tels que recommandés par la CIDMEF117, en l’occurrence : - un niveau I de compétences minimales communes concernant tout postulant à un emploi, même transitoire d’enseignant ; 117 CIDMEF : conférence internationale des doyens des facultés de médecine d’expression française. 221 - un niveau II de capacités à planifier, réaliser et évaluer une action ou un temps de formation (il concerne tout universitaire ou professionnel de santé qui vise à une fonction pédagogique permanente) ; - un niveau III de compétences approfondies dans un domaine spécifique de la pédagogie (personne ressource dans son institution). Cette structure pédagogique pourrait aussi conseiller les instances décisionnelles de la faculté, par exemples lors l’élaboration de politiques d’évaluation des enseignements et des enseignants, de critères pédagogiques visant la promotion des enseignants, etc. La structure pédagogique devra veiller à faire des recommandations, principalement aux responsables de la faculté, afin que les ressources nécessaires à l’organisation d’un enseignement de qualité et à l’apprentissage soient disponibles. Elle pourra par exemple, être sollicitée par les conseils pédagogiques sur la qualité didactique des supports d’enseignement et d’apprentissage (note de cours, modules d’autoapprentissage, supports audiovisuels, productions multimédias, etc…). Elle pourra aussi jouer un rôle conseil dans l’implantation et le développement d’un centre de documentation pédagogique pour les enseignants ou d’un centre de ressources à l’apprentissage pour les étudiants. La structure devra pour terminer contribuer à développer la recherche à caractère pédagogique via la mise sur pied de projets, le soutien des professeurs effectuant de telles recherches, la rédaction d’articles, etc… Ce sont tous ces échanges entre personnes détenant le savoir qui permettent aux uns et aux autres de se rendre compte des efforts qu’ils doivent fournir pour être à la pointe de leur métier. Le monde de la médecine étant en perpétuelle évolution, ce sont ces rencontres, séminaires, conférences et débats qui permettront aux personnels de santé d’atteindre le niveau de compétence attendue et de s’y maintenir. 222 2) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR LE SUIVI DE LEUR CARRIERE L’objectif sera ici d’offrir aux enseignants un parcours pour leur permettre de franchir le plus rapidement possible les différents obstacles qui se dressent sur le chemin de leur carrière universitaire. La légitimité professionnelle que cela engendrerait pour eux serait une source supplémentaire de motivation. La structure pédagogique devrait donc travailler à l’harmonisation des profils au recrutement, mais surtout à rendre disponible la formation et l’information sur les perspectives de carrière. Des mécanismes d’aide et de conseil devraient également être mis en œuvre pour faciliter la préparation et l’acheminement des dossiers administratifs d’avancement mais aussi la préparation aux épreuves du concours d’agrégation. Il faudra mettre en place un système qui gèrera tout ce processus afin d’éviter que les enseignants ne sombrent dans la routine. Pour ce faire, la mise en place d’un programme d’évaluation de formation des enseignants est préconisée. Les projets d’innovations pédagogiques seront encouragés par une distinction et une valorisation devant tous les autres enseignants et les étudiants. Un dispositif de soutien aux enseignants en difficulté devra venir en appui pour éviter toute marginalisation. Toutes ces mesures devraient motiver les enseignants qui deviendraient du coup acteurs et fervents partisans des changements souhaités. Mais il est évident que tout cela ne sera possible que si des moyens suffisants sont débloqués pour le bon fonctionnement de la structure (pédagogique) mise en place pour la concrétisation de ces mesures. 223 C/ MISE EN PLACE D’UN PROCESSUS DE SANCTION EFFICACE Une fois toutes ces mesures mises en place, il n’y a pas de raison que les choses se passent mal. Afin de mieux veiller à la bonne marche de la formation de nos futurs médecins et agents de santé, les autorités politiques et administratives devront mettre en œuvre un mode de sanction efficace ayant pour but de sanctionner tout manquement grave pouvant influer sur le bon déroulement de la formation de nos étudiants et élèves. L’Etat ivoirien devra sanctionner sans complaisance ses enseignants affairistes, ces derniers doivent prendre conscience du rôle important qu’ils jouent dans la formation des futurs personnels de santé. Les étudiants protégés par un règlement efficace ne devront plus percevoir l’enseignant comme un « demidieu ». Le favoritisme, le droit de cuissage, la corruption et le harcèlement sexuel, l’attribution de notes complaisantes, l’inefficacité des enseignants sont des maux qu’il faudra bannir de nos facultés et instituts. Nous pensons que des sanctions financières doivent venir s’ajouter aux sanctions disciplinaires (les autorités ne doivent pas hésiter à prononcer la radiation immédiate des enseignants récidivistes) déjà existantes : suspension de salaire, imposition d’une amende à payer par l’enseignant une fois que certains faits sont avérés. Dans les cas les plus graves, l’arrêt définitif de paiement du salaire et annulation totale de la retraite. Ici, nous pouvons envisager que le ministère de l’éducation en collaboration avec celui de la santé se réserve le droit de poursuivre les enseignants indélicats devant les tribunaux ivoiriens. Les pouvoirs publics devront donc donner beaucoup aux formateurs et attendre d’eux des résultats satisfaisants pour ne pas que nos étudiants et élèves ne soient des laissés pour compte. Nous devons tout faire pour que nos étudiants et élèves aient 224 envie, d’apprendre en Côte d’Ivoire, d’aller se perfectionner en occident et de revenir pratiquer dans leur pays. Nos personnels de santé toutes catégories confondues demandent plus de moyens (matériel et financier). En ce qui concerne les moyens financiers, en l’occurrence les augmentations de salaire, nous pensons qu’ils doivent se montrer plus compétents, être à la hauteur de la dignité publique pour justifier cette demande. En ce qui concerne les facultés privées de médecine et les écoles privées de formation des agents de santé dont nous souhaitons la création, nous pensons que la qualité des enseignements dispensés dans ces instituts doit être au premier plan des préoccupations des autorités du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Dans certains de ces instituts privés, ce sont les étudiants qui notent leurs enseignants sur leurs compétences et la qualité de leurs enseignements. Nous avons appris que le premier responsable du ministère de l’enseignement supérieur a annoncé son intention de mettre en place un système d’évaluation des enseignants par leurs étudiants dans les structures publiques. C’est selon nous un acte qui procurera une certaine efficacité à nos universités publiques (dont la faculté de médecine) et nos écoles de formation. Dans ce contexte donc, le ministre de l’enseignement supérieur estime que pour : « les enseignants qui seront mal évalués, nous allons leur retirer l’autorisation d’enseigner. Nous allons nous appuyer sur le modèle de l’UIGB118 pour relever le niveau des enseignants dans le supérieur en général et le supérieur privé en particulier ».119 Dans ce même contexte et dans le cadre de l’amélioration de l’image du système de santé dans le secteur public par une hygiène des établissements de soins et un changement de mentalité, le ministre de la santé et de l’hygiène publique a décidé d’envoyer des missions sur le terrain. Le 118 119 UIGB : Université Internationale de Grand Bassam. Le patriote, samedi 22 novembre 2008. Anzoumana CISSE. 225 ministre s’est rendu compte après sa prise de fonction de l’inadéquation des plateaux techniques de certains centres de santé publique, de la mauvaise hygiène dans les centres de santé et surtout du mauvais accueil dont sont victimes les patients et leurs parents. Selon lui : « Le personnel de santé est techniquement compétent, c’est au niveau du comportement qu’il y’a problème »120. Nous pensons que si le premier responsable de la santé dans le pays tire une telle conclusion 107 jours après sa prise de fonction c’est que la situation est vraiment catastrophique. L’agent public est au service de l’Etat, donc des citoyens qui contribuent chacun à leur niveau à l’entretenir. Avoir un comportement déplacé vis-à-vis d’un citoyen usager de l’hôpital est inadmissible. Nous espérons très sincèrement que ce problème de l’insubordination, de l’indiscipline face à la hiérarchie et du manque de respect face à l’usager du service public sera traité de façon efficace par les autorités administratives. Il ne faut pas hésiter à prendre des sanctions, mieux vaut travailler avec peu de personnes efficaces et compétentes que de s’entourer de centaines de gens qui n’ont que du mépris pour les patients et leur propre devoir. Aux étudiants qui sont en formation aujourd’hui, il faut apprendre il est vrai la médecine, mais aussi le respect du patient. II - SOLUTIONS CONCERNANT LES ETUDIANTS Avant toute chose, nous devons préciser qu’étant donné le contrat qui lie la faculté, l’enseignant et l’étudiant au sein de la faculté, il est primordial que les instances représentatives des étudiants puissent dans la mesure du possible intervenir à tous les niveaux et participer aux prises de décision selon les domaines. Les étudiants doivent jouer un certain rôle au sein des structures chargées de l’organisation des 120 Le Mandat : assainissement des services de santé publique – le ministre AKA Aouélé lance deux missions sur le terrain. Lundi 258 juin 2010. 226 études et de l’évaluation interne. Cette présence pourrait être considérée comme un gage de succès de la planification des études et comme une garantie en ce qui concerne l’acceptation (par les étudiants) des décisions émanant de ces structures. A/ AMELIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ETUDIANTS Nous le savons tous, pour obtenir les meilleurs résultats, il faut être dans de bonnes conditions. Les étudiants, qu’ils soient de premier ou second cycle, assistants ou internes en formation, doivent être de véritables partenaires de leur propre formation en vue de son amélioration. Ils doivent désormais s’impliquer dans des commissions de programme d’évaluation. Ils doivent dialoguer avec les enseignants et les autorités académiques dans un premier temps et pour les internes, le dialogue doit se faire également avec les responsables des hôpitaux dans lesquels ils effectuent leur formation et participent souvent à l’évaluation des stages dans un second temps. Pour les étudiants de la faculté de médecine d’Abidjan et de l’Infas, améliorer leurs conditions de vie, c’est améliorer leur quotidien, logement, salles de cours et amphithéâtres, transport et pour terminer leur condition financière. En ce qui concerne le logement et les structures de travail, nous avons proposé la construction de résidences universitaires dans le pays. Elles peuvent être du fait de l’Etat ou de particuliers. Le rapprochement des résidences des lieux de formation doit être primordial, l’exemple cubain doit nous aider à entrevoir des solutions. Pour les structures de travail, la solution est la même, il faut construire des facultés de médecine dans certains endroits du pays. Nous pensons aussi qu’il est temps que le secteur privé s’intéresse à nos facultés de médecine et nos instituts de formation. 227 Ensuite, il faut considérablement améliorer les conditions financières des étudiants. Pour les autorités, le pays manque de moyens pour pouvoir octroyer la bourse à tous les étudiants comme c’est le cas à Cuba. Mais en Côte d’Ivoire, nous voulons un montant élevé de la bourse pour le plus grand nombre ou pour un très grand nombre. Sans une bourse correcte, certains étudiants en médecine et ceux de l’Infas pourraient s’adonner à des pratiques d’exercice parallèle de la médecine comme l’avortement illégal ou se faire passer pour des médecins détenant tout le savoir histoire d’arrondir certaines fins de mois difficiles. Nous voulons pour notre faculté de médecine des étudiants sérieux et responsables. Des étudiants qui font face aux difficultés que traversent leur pays comme ce fut le cas lors de l’affaire des déchets toxiques. Face à cette crise, les étudiants en médecine de Côte d’Ivoire à travers leur association nationale ont réagi très rapidement et construit un projet pour essayer de gérer ce problème à leur niveau. Le but de l’opération était de monter des centres de soins urgents pour aider la population et venir en appui aux institutions sanitaires déjà en place. Des étudiants qui s’organisent afin de gérer une situation donnée, cela rend beaucoup plus facile le travail des autorités de la faculté, parce que avoir des personnes sensées et sérieuses en face de soi permet d’éviter de nombreux problèmes tout en laissant ouverte la voie du dialogue en cas de crise majeure. Enfin, les transports. Le plus grand nombre d’étudiants ne logeant pas en résidence universitaire, il est donc évident que pour se rendre aux cours, ces derniers doivent emprunter les transports en commun : en Côte d’Ivoire, c’est un véritable parcours du combattant et un véritable calvaire. L’Etat il y’a quelques années a mis à la disposition des étudiants des autobus qui reliaient les différentes résidences universitaires au campus de Cocody (université d’Abidjan) ou à celui d’Abobo lieu du tronc commun (première et deuxième année de médecine, biologie et pharmacie). Aujourd’hui, 80% 228 de ces autobus ne fonctionne plus. Se rendre sur les campus est donc très difficile pour les étudiants. Il faut remettre de l’ordre dans les conditions de transport des étudiants en particulier et des ivoiriens en général. Nous pensons que la meilleure solution pour les étudiants c’est la proximité entre les résidences universitaires et les lieux d’enseignement. Nous ne devons pas oublier que pour les constructions de structures à l’intérieur du pays il faudra auparavant tenir compte de l’accessibilité du lieu, donc prévoir des conditions de transport satisfaisantes. Ici, le cas de Cuba doit nous interpeller. Dans ce pays les autorités ont fait en sorte que les étudiants vivent à proximité des lieux de formation grâce à la construction de résidences gratuites pour tous les étudiants sur les campus et pour les écoles de médecine qui n’ont pas de résidence. Toutes les dispositions ont été prises pour assurer le transport des étudiants des différents lieux d’habitation aux facultés de médecine. Un certain espoir est entrain de naître à ce niveau. En effet, à Bouaké par exemple où une faculté de médecine pas vraiment opérationnelle a vu le jour il y’a quelques années, les étudiants en général et ceux de médecine en particulier avaient demandé en 2001 aux autorités municipales d’avoir à l’instar de leurs camarades d’Abidjan, des autobus pour les transporter à moindre coût. Cette revendication estudiantine a été prise en compte et la fin de la guerre permettra dans un futur proche la création d’une compagnie de transport dans la ville. Cette compagnie aurait dû voir le jour selon le maire de la ville au cours du premier trimestre de l’année 2009, ce qui aurait été un véritable réconfort pour les étudiants de Bouaké. Cette initiative doit être reprise dans une moindre mesure dans les différentes villes accueillant des structures de formation médicale afin de soulager le plus grand nombre d’étudiants. Sur un autre plan, nous pensons qu’il est important de faire quelque chose : celui de l’orientation en faculté de médecine et dans les écoles doit se faire en fonction des 229 places disponibles dans les différents établissements afin d’éviter « une surpopulation estudiantine ». Il ne faut plus orienter des jeunes vers ces filières tout simplement par ce qu’on a du monde sous les bras mais en fonction des places disponibles et des besoins en personnels de santé. Souvent de nombreux jeunes sont orientés dans cette faculté parce que les autorités savent que ce lieu est un véritable « mouroir », y envoyer des étudiants, c’est avoir l’assurance qu’ils n’y seront plus au bout de deux ans. Chaque année, les services de l’orientation devront mener des enquêtes et des études pour chiffrer ces besoins, et essayer de prévoir combien de jeunes pourraient sortir diplômés de ces écoles sans que l’examen ne devienne un concours. En ce qui concerne la coopération avec les pays étrangers, il faut à notre niveau mettre en place un système de prix pour les meilleurs étudiants et élèves. Par la suite, ces étudiants devront bénéficier d’une bourse soit nationale soit étrangère afin de se rendre à l’étranger pour approfondir leurs connaissances. Ici, ce sont les autorités académiques qui doivent se mettre en contact avec les universités et écoles étrangères afin d’obtenir des places pour nos jeunes. C’est aussi à ces mêmes autorités qu’il revient de faciliter l’accès au savoir tout en favorisant l’animation pédagogique. 230 B/ FACILITER L’ACCES AU SAVOIR ET FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE 1) FACILITER L’ACCES AU SAVOIR Nous savons que la Côte d’Ivoire a un besoin urgent de médecins et d’agents de santé. Ce que nous ne comprenons pas c’est cette sorte de sélection faite avant l’entrée dans nos structures de formation. Lorsque, nous prenons le cas de l’Infas, nous constatons que l’accès aux différents instituts se fait de nos jours après l’obtention du baccalauréat. Il y’a quelques années, l’entrée à l’Infas se faisait après le BEPC. Nous pensons qu’il est urgent de revenir à ce niveau d’étude et à ce diplôme. Plusieurs raisons nous confortent dans cette idée. Nous savons tous que atteindre le niveau bac est très difficile pour nos élèves, à côté de cela, de nombreux bacheliers et bachelières ne se voient pas devenir infirmier, sage-femme etc… du coup pour certains d’entre eux, lorsqu’ils sont orientés à l’Infas, ils refusent d’y aller. C’est vrai qu’en France, l’entrée dans les instituts de formation en soin infirmier se fait après le bac, mais n’oublions pas qu’à une certaine époque c’était le BEPC qui était requis pour accéder à cette formation. La société française a considérablement évolué et elle s’est au fil des années adaptée à son évolution. Nous avons chez nous certaines réalités que nous ne pouvons pas oublier. Le pays a besoins de personnels de santé et il est en même temps submergé par un nombre impressionnant de chômeurs. Nous pouvons affirmer que plus de la moitié des chômeurs (dans la tranche d’âge 18-25 ans) sont des jeunes gens qui ont dû arrêter leurs études entre la seconde et la terminale. Alors pourquoi ne pas leur offrir la chance de pouvoir entrer dans la vie active après la troisième, bien sûr, pour ceux qui 231 voudront. Ces jeunes qui sortent de la troisième ont une moyenne d’âge de 17 ans, si on y ajoute les 3 années de formation à l’Infas, cela fera 20 ans pour entrer dans la vie active. Les autorités ayant ramené la majorité légale de 21 à 18 ans, nous pensons que si l’on vous considère comme pouvant être indépendant, autonome à 18 ans c’est qu’on peut et on doit vous permettre de travailler à cet âge. Nous devons faire confiance à notre jeunesse et lui confier certaines responsabilités le plus tôt possible. Le pays a besoin de personnels de santé et le BEPC offre plus d’étudiants que le bac, et face aux difficultés de leurs familles, de nombreux jeunes préfèrent entrer beaucoup plus tôt dans la vie active. En plus cette entrée à l’Infas avec le BEPC ou le niveau de la classe de troisième devra permettre à l’étudiant après un certain nombre d’années d’étude (4 ans) de sortir de l’institut avec un diplôme de type baccalauréat infirmier comme c’est le cas à cuba. Nous pensons que pour parfaire la formation, les élèves de l’institut devront au cours des trois ou quatre premières années suivre une formation générale. Celle-ci leur permettra d’acquérir dans un premier temps de nombreuses connaissances médicales et dans un autre, de compenser les années « perdues » de lycée. A l’issue donc de ces trois années, on pourra par exemple leur attribuer un diplôme (équivalent du baccalauréat) avec le titre d’infirmier/ infirmière/ sage-femme première catégorie. Ensuite les deux ou trois années suivantes seront consacrées à la spécialisation dans un domaine des sciences médicales infirmières, ce qui leur permettra d’obtenir un diplôme d’agent de santé supérieur (équivalent à la licence), diplôme qu’on pourrait aussi appeler licence en soins infirmiers. On pourrait même au cours de ces cinq ou six années de formation que nous préconisons, prévoir un semestre consacré au droit médical et un autre à l’enseignement de certaines langues étrangères afin que bien avant d’être sur le terrain, l’étudiant en maîtrise certains rouages. Ensuite, ce diplôme équivalent à la licence permettra aux étudiants 232 de l’institut qui le désirent, de poursuivre des études supérieures pourquoi pas en médecine, ce qui pourrait leur offrir l’opportunité d’obtenir dans un premier temps le diplôme intermédiaire de médecine pour lequel nous militons. Il faut aussi ajouter qu’en France par exemple, certaines épreuves du concours d’accès à l’école des infirmiers requièrent le niveau de la classe de troisième parce que certains candidats titulaires du bac même avec mention peinent à réussir les dites épreuves. Il faut donc avoir conscience que le bac quel qu’il soit ne garantit pas forcément la réussite au concours. Une bonne préparation, voire une remise à niveau est indispensable pour triompher au concours, et cela, tout élève consciencieux peut le faire. En ce qui concerne la faculté de médecine, il faut qu’on se le dise, si nos structures sont incapables de recevoir un certain nombre de bacheliers en faculté de médecine, il faut dès l’orientation fixé un nombre précis pouvant être reçu. Nous disons cela parce que nous pensons qu’il faut arrêter avec ce système de tronc commun qui sert de filtre (on met ensemble au cours des deux premières années tous les étudiants de médecine, pharmacie et biologie) et c’est au terme de ces deux années que l’on oriente l’étudiant soit en médecine ou pharmacie soit en biologie. Ils sont censés être les meilleurs, nous dirons plutôt les « rescapés » parce que de l’aveu même des étudiants et de certains enseignants, le tronc commun est un véritable abattoir. Le problème avec ce système, c’est qu’on fait croire aux étudiants qui échouent qu’ils sont « idiots » et à ceux qui réussissent qu’ils sont des « petits génies ». Le tronc commun, c’est le numérus clausus à l’ivoirienne avec une dose de vice et de perversité. Il faut dès le bac orienter des étudiants en médecine. En plus avec le tronc commun, les autorités profitent de la difficulté que représente ce dispositif pour se débarrasser de milliers de bacheliers puisqu’on ne sait pas où les orienter, on les envoie au tronc commun et là-bas c’est sûr qu’on pourra au bout d’une ou deux 233 années renvoyer une très grande partie et réduire ainsi le nombre d’étudiants de la faculté de médecine. Il faut aussi créer un diplôme intermédiaire en médecine entre les différents cycles d’étude de médecine. De nombreux étudiants qui n’ont pas réussi à franchir le cap du premier cycle se retrouvent à la rue après 3 ans d’études supérieures, sans aucun diplôme. Il faut donner la possibilité à ces personnes de se diriger vers d’autres filières médicales. Nous pensons aussi que les études de médecine sont très longues, neuf ans d’études pour devenir médecin généraliste, dix à douze pour prétendre au titre de spécialiste. Autant dire que pour se lancer, une motivation à toute épreuve s’impose. Ensuite, après la thèse, de nombreux médecins approfondissent leurs connaissances par des diplômes complémentaires qui peuvent durer 1 à 3 années. La médecine détient sans aucun doute le plus long cursus des études de santé (pharmacie 6 à 9 ans ; dentiste 6 à 8 ans et au plus 5 ans pour devenir infirmier, infirmière ou sage-femme diplômé d’Etat). Imaginez un étudiant qui entre à la faculté de médecine après le bac à 18 ans, il sortira généraliste si tout va bien à 26-27 ans et spécialiste à 31-32 ans. En Côte d’Ivoire, il y’a quelques années, les jeunes obtenaient le bac tardivement (entre 20 et 22 ans) donc il finissait leurs études universitaires ou plus précisément de médecine très tard. Même si ce n’est plus vraiment le cas de nos jours, nous proposons de réduire le nombre d’années d’étude de médecine de 8 à 6 ans comme à cuba. Aujourd’hui, les avancées de la science, de la technologie et de l’information peuvent nous permettre de concentrer les connaissances, ainsi, nos étudiants n’auront plus vraiment besoin d’apprendre et de travailler comme ceux des générations passées. En médecine, on pourrait leur apprendre le plus important et le plus difficile et en 234 améliorant comme nous le souhaitons les formations continues, ils pourraient au fil des années de pratique parfaire leurs connaissances. Nous pensons que le cursus de notre faculté de médecine n’est pas adapté aux réalités, aux problèmes que rencontre le pays. Ce cursus a été inspiré de ceux des pays occidentaux au lendemain des indépendances et si aujourd’hui, nous voulons faire un pas vers la modernité et le développement, nous devrons faire preuve d’initiative et de créativité. En plus, ces cursus à l’occidental privilégient trop souvent la théorie sur la pratique. En Côte d’Ivoire, nous ne pouvons plus attendre, avec le manque de personnels, de moyens et les nombreux patients que nous devons traiter, ce sont les actes concrets, donc la pratique que nous devons mettre en avant. Et dans ce contexte, ce que les responsables universitaires ont trouvé de mieux à faire, c’est de chercher à augmenter les tarifs de frais d’inscription à la faculté de médecine (on passera donc de 6000 FCFA à 50 000 FCFA)121, cette augmentation sans aucun doute s’étendra aux instituts de formation des agents de santé. Une telle augmentation demande à ces étudiants issus de famille modeste de consentir à des sacrifices énormes. Nous considérons que ces problèmes économiques contribuent à obstruer l’accès à la formation pour certains étudiants. Enfin pour terminer, faciliter l’accès au savoir, c’est mettre en œuvre les moyens pour que les étudiants et élèves de l’Infas puissent travailler dans de bonnes conditions. Pour ce faire, ils doivent avoir à leur disposition des bibliothèques équipées en livres de tout genre, des salles d’informatique avec des ordinateurs connectés à internet. Pour terminer, les autorités devront trouver un accord avec les librairies ou les maisons d’édition afin que les étudiants puissent s’approvisionner en ouvrages avec 121 Fraternité matin, UFR des sciences de la santé : Des étudiants refusent de payer 50000 f CFA. Vendredi 30 janvier 2009. Casimir DJEZOU. 235 une certaine facilité de paiement. Afin d’apaiser les entreprises qui prendront part au projet, le gouvernement devra se porter garant des éventuels défauts de paiement. 2) FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE Il s’agira ici de favoriser des activités de formation et d’information par : - L’organisation de séminaires de rentrée pour partager toutes les informations portant sur l’organisation des études à la faculté. Ainsi, les nouveaux étudiants y trouveront réponse à leurs questions et pourront y rencontrer les enseignants et échanger avec eux. L’objectif de ces journées sera de montrer aux étudiants la place importante qu’on leur accorde d’enseignement/apprentissage. Les étudiants dans le dispositif pourront au cours de ces forums mettre le doigt sur certaines insuffisances comme par exemple la non communication des objectifs d’éducation et des plans de cours par certains enseignants. Ce dialogue entre étudiants et professeurs devrait permettre de faire tomber certaines barrières et changer la vision qu’ont les étudiants de leurs maîtres. - L’organisation de conférences à thèmes destinées à former les étudiants sur des sujets comme les stratégies d’apprentissage, la recherche documentaire, l’utilisation des TIC dans leur formation, l’évaluation des enseignements et des enseignants. Un autre volet portera sur l’importance de la planification du retour de l’information (feed-back) sur les évaluations de formation mises en œuvre grâce notamment à la participation des étudiants. La valorisation des professeurs de qualité pourra être faite pendant ces restitutions avec seulement 236 la recherche de l’exemplarité pédagogique et de la motivation des enseignants à mieux faire. Il faudra par tous les moyens éviter la stigmatisation des enseignants en difficulté. Le but de ces animations est d’obtenir des étudiants bien informés et motivés, donc acteurs de leur propre processus d’enseignement/apprentissage. C/ SANCTIONNER LES ETUDIANTS INDISCIPLINES Depuis le début des années 90, le campus de l’université de cocody et tous les autres campus du pays sont devenus de véritables champs de bataille. La politique ayant fait son entrée dans nos amphithéâtres, non pas comme matière enseignée mais comme activité première de nos étudiants. Les différentes facultés ont été victimes des soubresauts de l’université ivoirienne : grèves à répétition, année blanche, bagarre généralisée entre différents syndicats étudiants. Le résultat de tout cela fut le blocage de l’université pendant des années. La faculté de médecine n’a pas échappé à tous ces problèmes. Mais très tôt, elle en est sortie en décidant de bannir la politique de son « programme universitaire ». Aujourd’hui, les étudiants semblent être revenus à de meilleurs sentiments. Le savoir s’acquiert dans la discipline, il existe des mesures disciplinaires, nous pensons qu’il faut les renforcer et les appliquer avec la plus grande fermeté. Il faut arrêter d’être complaisants avec les étudiants, ce sont des sanctions rigoureuses qui pourront enrailler la tricherie, la violence et la corruption de notre université. Mais un problème se pose, comment sanctionner sévèrement des étudiants indisciplinés lorsque ceux qui doivent édicter et faire appliquer ces sanctions sont eux-mêmes totalement défaillants ? Il est évident que lorsque le maître ne montre pas le bon 237 chemin à suivre, l’élève a toutes les chances de faire fausse route. Le niveau de qualité de l’enseignement dans nos universités a considérablement baissé, c’est la faute il est vrai aux étudiants mais nous pensons que les premiers responsables sont les enseignants qui ont à un moment donné aidé les étudiants à dévier de leur trajectoire. Aujourd’hui, les lois et les règles sont bafouillées dans le pays, vouloir instaurer une véritable discipline sur nos campus sera un travail titanesque mais nous pensons aussi qu’avec la volonté et les personnes qu’il faut aux bonnes places, tout changera. III - SOLUTIONS CONCERNANT LES ENSEIGNEMENTS A/ AMELIORER LA FORMATION INITIALE, INSTAURER UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES ET METTRE EN PLACE UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT 1) AMELIORER LA FORMATION INITIALE Avant toute chose, nos universités et écoles de formation pour être de qualité doivent mettre à profit leur potentiel intellectuel pour concevoir, formuler, expérimenter et évaluer des modèles d’organisation sanitaire. C’est donc à travers leur qualité académique, leur rigueur méthodologique, leur capacité à mesurer de manière objective les progrès, leur influence sur les futures générations de médecins et de personnel de santé, leur prestige auprès des associations professionnelles que ces institutions pourront revendiquer un rôle plus important dans le processus de 238 décisions des politiques de santé et dans la direction du système de santé. La formation initiale doit permettre de réaliser toutes ces choses lorsqu’elle est bien dispensée. C’est elle qui permet aux futurs médecins et agents de santé d’acquérir le potentiel intellectuel mais aussi technique dont nous venons de parler. La formation initiale est la formation académique de base, elle doit être dispensée dans les meilleures conditions avec le plus grand sérieux. L’améliorer, c’est d’abord avoir des enseignants de qualité conscients de leur rôle de formateur. Ce sont leurs enseignements qui feront de nos étudiants et élèves des futurs médecins et agents de santé de qualité. La qualité des enseignants va de pair avec celle des étudiants. L’acceptation du message par ceux qui le reçoivent, lui confère toute son importance. Améliorer la formation initiale, c’est aussi parfaire les conditions de stage des étudiants en médecine et des élèves de l’Infas. Ces stages sont l’apprentissage de leur futur métier. Ils doivent être assurés avec la plus grande rigueur et suivis sérieusement par tous les étudiants et élèves de façon obligatoire. Cette formation initiale doit permettre d’obtenir des personnels qualifiés, capables d’offrir des soins de qualité aux patients. La formation comprend donc deux volets ; le premier est constitué de cours théoriques à partir desquels l’étudiant acquiert des connaissances dans son domaine et le second permet d’acquérir les notions pratiques. C’est la combinaison de l’aspect théorique et pratique qui fait de l’apprenant un spécialiste dans son domaine.122 Pour une bonne formation, il faut donc éviter d’offrir aux étudiants et élèves un enseignement immuable qui les empêchera de se mettre au niveau de la pratique. La formation nous l’avons dit doit évoluer en même temps que la science et cela doit se 122 Les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, entre savoirs et pratiques : Laurent VIDAL, Abdou Salam Fall, Dakouri GADOU. Septembre 2005 P 156, Ed .L’harmattan. 239 ressentir dans les cours dispensés par les enseignants. C’est pourquoi, nous avons parlé de séminaires, de congrès, de voyage d’étude à l’étranger pour nos formateurs afin qu’ils atteignent un niveau d’excellence et restent au faîte de la science. Ainsi, ils pourront offrir à leurs étudiants des cours de qualité, qui permettront à ces derniers de devenir de futurs bons médecins et agents de santé. Nous préconisons donc la mise en place de comités de réformes pédagogiques, l’adaptation des programmes de formation aux besoins de la population en matière de santé tout en respectant les normes internationales. Nous pensons aussi que la priorité doit être donnée à la formation pratique et aux stages hospitaliers et communautaires par la validation obligatoire des enseignements et des stages. Nous pensons aussi qu’il serait très utile d’augmenter la durée des stages tout en les rendant obligatoires à tous les niveaux du cursus universitaire et scolaire. Le renforcement des supports pédagogiques, permettra un accès plus grand et plus facile des étudiants aux équipements audiovisuels, informatiques et aux manuels médicaux. La formation initiale doit aussi permettre aux étudiants de la faculté de médecine et aux élèves des instituts de formation de maîtriser la méthodologie de rédaction de leurs thèses pour les premiers et mémoires de fin d’études pour les seconds. Pour ce faire, nous jugeons nécessaire de : - mettre en place des structures d’encadrement pour les activités de recherche - former à la recherche à travers le partage de projets, des ateliers etc. - former à la communication scientifique - mettre à la disposition des étudiants des guides sur l’élaboration des thèses et mémoires - améliorer la qualité de la formation par l’insertion de la formation en ligne. 240 La formation reçue à la faculté de médecine et à l’Infas ne peut servir pendant toute une carrière si elle n’est soutenue, entretenue et approfondie par une formation continue régulière. La formation continue est un prolongement, un perfectionnement de ce qui a été appris initialement. 2) INSTAURATION D’UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES L’évaluation des programmes des études médicales est devenue une obligation pour les facultés de médecine, tout comme pour les universités. Elle devrait l’être aussi en ce qui concerne la Côte d’Ivoire pour les instituts de formation des agents de santé. Cette évaluation doit vérifier l’adéquation entre les besoins de la société, les objectifs de formation des médecins, les moyens utilisés (programme) et les ressources disponibles. Elle doit aussi permettre de s’assurer qu’au terme de leur formation les étudiants en médecine et les élèves de l’Infas ont atteint les objectifs de formation. a- Les buts de l’évaluation La faculté de médecine a la responsabilité sociale de former des médecins aptes à satisfaire les besoins de santé de la société, du pays dans lequel exerceront les futurs médecins et agents de santé. Elle devrait d’ailleurs être partie prenante à la définition des ces besoins. Les objectifs de la formation médicale doivent être cohérents avec les besoins, selon les régions et le pays. Sur cette base, les structures de formation 241 doivent définir le profil et les compétences attendues de l’étudiant au terme de ses études. L’évaluation doit : - Situer la faculté de médecine dans son environnement sociopolitique: besoins de la population, situation sanitaire, priorités nationales, main d’œuvre sanitaire, médicale et autre. - Vérifier la concordance entre les besoins de la société, les compétences attendues chez l’étudiant au terme de ses études et les programmes d’études (objectifs pédagogiques, contenu et organisation des enseignements, méthodes pédagogiques et d’évaluation, ressources humaines et matérielles disponibles). - Vérifier l’atteinte de ces objectifs par les médecins et les agents de santé formés. Selon la politique actuelle de la CIDMEF, cette évaluation concerne la formation ; elle n’a aucun caractère de sanction, ou de comparaison, ni souci d’uniformisation. Elle vise l’amélioration de la qualité de la formation par un processus dynamique qui mobilise la faculté, les instituts, les enseignants et les étudiants et par le développement d’une culture d’évaluation dans les structures de formation. En effet, l’évaluation des programmes d’études permet de développer et d’entretenir chez les enseignants, les étudiants et les administrateurs un sens critique, grâce à la phase d’auto-évaluation qui doit comporter des jugements de valeur et ainsi favoriser la mise en place de mécanismes et de stratégies d’évaluation et de changement. C’est l’université ou sa faculté de médecine, selon les politiques institutionnelles et régionales, qui demandent cette évaluation en s’adressant à la CIDMEF, directement ou par l’intermédiaire de la conférence régionale dont elle fait partie. La faculté de 242 médecine de l’université de cocody en Côte d’Ivoire a fait l’objet d’une évaluation en avril 2000. Cela fait 9 ans que les autorités de la faculté de médecine n’ont plus demandé à être évaluer, ce que nous trouvons très dommageable pour les structures, les enseignants et les étudiants de ladite faculté. b- L’objet de l’évaluation L’évaluation du programme d’études porte sur les trois cycles de la formation médicale professionnelle, mais principalement sur le premier et le deuxième cycle des études médicales (le tronc commun). Elle prend aussi en compte le troisième cycle, particulièrement le programme de formation en médecine générale, ainsi que les programmes de spécialisation dans les grandes disciplines cliniques (chirurgie générale, médecine interne, gynécologie-obstétrique, pédiatrie, santé publique). L’évaluation de chacun des programmes du troisième cycle professionnel pourrait éventuellement faire l’objet d’un processus d’évaluation comparable, lorsque les circonstances le justifient. Nous souhaiterions que cette évaluation s’étende aux instituts de formation des agents de santé. Les autorités sanitaires ivoiriennes, sous régionales, régionales et même Africaines pourraient en accord avec la CIDMEF ou d’autres organismes mettre en place une structure qui serait chargée d’évaluer les écoles de formation des personnels de santé. Il doit sans doute exister au niveau de la Côte d’Ivoire une structure publique chargée de l’évaluation de l’Infas, mais nous doutons de sa crédibilité et de son fonctionnement. Cette évaluation touche d’autres champs d’activité universitaire des facultés de médecine tels que la recherche, la formation médicale continue, la formation des 243 autres professionnels de la santé, la coopération internationale sont pris en considération et font l’objet d’examen, principalement dans la mesure où ils ont, ou devraient avoir, des répercussions sur les activités de formation médicale professionnelle, en particulier aux deux premiers cycles (tronc commun) et sur la disponibilité des ressources. L’évaluation porte sur tous les aspects de la formation médicale : connaissances théoriques et pratiques, habiletés cliniques, attitudes et comportements, notamment sur la maîtrise de la relation médecin-malade et la préoccupation éthique. La démarche doit ainsi tenter de vérifier si, au terme de ses études, le nouveau médecin a atteint les objectifs de formation visés. 3) MISE EN PLACE D’ UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT Parmi les besoins incontournables de la population, les prestations médicales occupent une place de choix. L’évolution technologique a apporté beaucoup de progrès sur le plan diagnostique et thérapeutique et met par conséquent, d’avantage la pression sur l’exercice médical dans le sens large du terme. En effet, dans le domaine médical, l’évolution rapide des connaissances représente un défi considérable pour les facultés de médecine et pour l’ensemble des structures de formation médicale dans l’exécution de leur mission. Cette formation peur être révisée en un apprentissage dans trois domaines de compétences complémentaires : - le savoir (connaissance et raisonnement thérapeutique) - le savoir être (attitudes et aspect relationnel) - le savoir-faire (apprentissage pratique) 244 Une fois diplômé, le médecin est en droit d’exercer son métier, c'est-à-dire de prendre en charge des vies humaines avec tout ce que cela comporte comme conséquences pratiques et éthiques. Ainsi, le nouveau diplômé doit avoir acquis la compétence suffisante pour assurer, avec la sécurité et l’efficacité requises, les différents gestes et actes médicaux nécessaires au diagnostic et à la prise en charge thérapeutique de l’intéressé. Une formation pratique adaptée et de qualité pour les futurs médecins et agents de santé trouve donc toute son importance et tout son intérêt. B/ REFORMER LE SYSTEME DE FORMATION CONTINUE Proposer que l’on réforme le système de formation continue en Côte d’Ivoire, c’est affirmer d’une certaine façon l’existence d’un tel système. Mais nous savons que dans notre pays, la formation continue se fait au gré et selon le bon vouloir des responsables des structures médicales. Même si elle n’existe pas vraiment, il est de notre devoir de mettre l’accent sur la nécessité d’un bon fonctionnement de la formation continue afin que nos autorités en tiennent compte. 1) METTRE L’ACCENT SUR LA FORMATION CONTINUE La science médicale n’étant pas une science figée mais en perpétuelle évolution, elle est donc sujette a de nombreux changements. Devenir médecin demande des études longues et difficiles, avec une formation médicale qui requiert de nombreuses assimilations de connaissances. Le médecin qui dispose de son cabinet ou travaille en hôpital ou en clinique n’applique pas forcément toutes les connaissances acquises dans l’exécution de sa mission. La formation continue permet de ne pas oublier, elle 245 peut être l’occasion de cibler tel ou tel point plus ou moins bien assimilé pendant les études et le remémorer au praticien. La formation continue a pour objectif l’évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique et de la maîtrise médicalisée des dépenses. Elle constitue donc une obligation pour tous les médecins et tous les agents de santé évoluant à l’hôpital public et aussi pour tous ceux qui exercent dans les établissements privés accomplissant une mission de service public. Nous venons de le dire, les techniques et les médicaments évoluant régulièrement, la formation médicale continue est donc indispensable pour proposer aux patients les meilleures techniques de soins. En ce qui concerne les infirmiers, infirmières et sagesfemmes, il faut accompagner les changements pouvant intervenir dans la profession en donnant à ces agents de santé les moyens de maîtriser les évolutions de leur environnement professionnel. Il est aussi nécessaire de créer une véritable culture de la formation continue qui est bien loin d’être une préoccupation de nos agents de santé. Il faudra leur apporter de nouvelles compétences de travail, de méthodologie qu’ils devront s’approprier. Tout cela ayant pour objectif de leur permettre d’accéder à un épanouissement professionnel authentique. Les différents séminaires, ateliers, congrès, enseignements post- universitaires et stages organisés à l’intention des enseignants et soignants doivent leur permettre de mettre à jour leurs connaissances. Les formations continues constituent pour les personnels de santé une occasion d’apprendre réellement les pratiques dont ils n’ont pas bénéficié pendant leur formation académique. Le dernier congrès du syndicat national des cadres supérieurs de santé de Côte d’Ivoire a décidé de faire de la formation continue de ses membres une priorité. Les médecins de ce syndicat ont décidé de placer leur mandat sous le 246 signe de la contribution des cadres supérieurs de santé à l’avènement d’un système sanitaire national de qualité. Atteindre la qualité pour les cadres supérieurs de la santé, c’est entretenir la formation initiale reçue par une formation continue régulière, constante et de qualité. A côté de la formation continue, l’existence des revues médicales et les activités des visiteurs médicaux sont d’un grand apport pour les soignants. Autrement dit, l’acquisition du savoir à travers l’information médicale est faite par les nombreuses revues et par les visiteurs médicaux qui font ainsi la promotion de leurs produits. Les autorités doivent donc intervenir pour faire baisser les prix des revues afin que le plus grand nombre de soignants ait accès à celles-ci. La collaboration des soignants et des délégués médicaux permet aussi d’élargir la portée de la formation continue. Ces derniers participent pour une grande part à la formation des agents de santé avec en contrepartie le souhait que leurs produits soient les plus prescrits dans les structures de santé. Les informations livrées aux soignants et enseignants par ces délégués médicaux viennent combler le vide crée par la nonparticipation aux formations continues. L’objectif premier est d’apporter aux médecins, agents de santé et enseignants de la faculté de médecine et de l’Infas les principales innovations du monde médical. Ce travail permettra de trouver des solutions aux lacunes les plus importantes. Pour les médecins et agents de santé, combler les lacunes revient à sauver des vies, et nous pensons qu’il est impératif de rendre obligatoire la formation continue comme cela se fait dans de nombreux pays, notamment la France. 247 2) DONNER UN CARACTERE OBLIGATOIRE A LA FORMATION CONTINUE Nous avons constaté que dans notre pays, la formation médicale continue est secondaire pour nos personnels de santé. Une fois le diplôme obtenu, l’on pense posséder tout le savoir. Le seul doctorat donne le droit d’exercer la médecine. Les médecins ivoiriens professionnellement exercent et sans leur métier l’obligation sans juridique être de vraiment mettre à contrôlé jour leurs connaissances. Mais ce que l’on oublie, c’est que sans entretien, tout ce qui est acquis peut s’envoler. Nous savons que le code de déontologie médicale exige des médecins une formation continue, mais ce code peut-il mettre la pression sur ceux qui le conçoivent ? Il est donc impératif pour le bien de notre système de santé que des mécanismes juridiques viennent encadrer l’organisation de la formation médicale continue comme c’est le cas dans de nombreux pays dont la France. En effet, plusieurs textes réglementaires ont été édictés pour encadrer la formation continue en France et ces textes prévoient : - un plan de formation « arrêté dans chaque établissement par le directeur sur proposition de la commission médicale consultative » (décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers-articles 46 et 63) ; - un droit à congé de formation d’une durée de 15 jours ouvrables par an, cumulable sur 2 ans et rémunéré par l’établissement hospitalier dont relève le praticien en formation (décret du 24 février 1984-articles 46 et 63). Les modalités d’exercice de ce droit à congé de formation sont fixées par arrêté du 23 mai 1985 ; - un financement de la formation continue à hauteur de 0,5% (pour les centres hospitaliers universitaires) ou 0,75% (pour les centres hospitaliers généraux) de la 248 masse salariale brute hors charge (loi du 10 juillet 1989 portant diverses propositions relatives à la sécurité sociale-titre II). S’agissant du plan de formation, la circulaire du 28 août 1986 relative aux congés de formation des praticiens hospitaliers (chapitre 2) reprend le décret de 1984 et précise que « son contenu fait l’objet d’une étude de la commission médicale consultative, qui examine les actions de formation projetées et établit ses propositions sur les actions à financer en fonction des crédits disponibles. Le plan de formation est alors arrêté par le directeur ». Mais, c’est l’ordonnance du 24 avril 1996, relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, en son titre II, qui prévoit de rendre obligatoire la formation continue : « L’entretien et le perfectionnement de ses connaissances constituent pour chaque médecin un devoir professionnel. Tout médecin, qu’il exerce à titre libéral ou dans un établissement de santé public ou privé participant au service public hospitalier, doit justifier du respect de cette obligation […] » (article L.367-2). Des instances professionnelles – les commissions médicales d’établissement – doivent délivrer une attestation tous les 5 ans pour les médecins hospitaliers. Les contrevenants s’exposent à des sanctions professionnelles disciplinaires. Toutefois, l’ordonnance oublie dans ses dispositions les biologistes, odontologistes et pharmaciens des établissements de santé. Le texte ne prévoit pas non plus d’instance nationale pour la formation des hospitaliers, alors qu’il instaure un conseil national de la formation médicale continue des médecins libéraux, pour les 100 000 médecins concernés. Ce conseil a fait l’objet d’u décret le 6 décembre 1996. Pris en application de cette ordonnance, de 1996, plusieurs décrets du 31 mai 1997 apportent des précisions sur les personnels médicaux hospitaliers concernés par l’obligation de 249 formation médicale continue : praticiens hospitaliers, praticiens à temps partiel, praticiens contractuels, attachés et attachés associés, assistants des hôpitaux. Une deuxième ordonnance de 1996, l’ordonnance du 24 avril portant réforme de l’hospitalisation publique et privée (titre VIII), confie à la commission médicale d’établissement le rôle d’organiser la formation la formation continue des praticiens. C’est donc à cette instance que revient la responsabilité de conduire formellement la politique de formation des praticiens de l’hôpital. Une situation logique, compte tenu de la prééminence de la part d’expertise dans l’activité médicale. L’arrêté du 6 mai 1997 portant création du Conseil National de la Formation Médicale Continue Hospitalière (CN FMCH), paru au journal officiel du 13 mai, introduit deux points pour la formation des praticiens hospitaliers : - les règles de formation continue doivent être établies, pour les 60 000 praticiens concernés, par une instance spécifique, le CN FMCH ; - les biologistes, odontologistes et pharmaciens des établissements de santé, catégorie de professionnels oubliés par l’ordonnance de 1996, sont intégrés au dispositif et relèvent, pour leur formation continue, du CN FMCH nouvellement crée par l’arrêté. Les membres de ce conseil ont été nommés par un arrêté du 27 mai 1997. Et tout récemment, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reprend les principes posés par l’ordonnance du 24 avril 1996 (article 59) : « La formation médicale continue a pour objectif l’entretien et le perfectionnement des connaissances, y compris dans le domaine des droits de la personne ainsi que l’amélioration de la prise en charge des priorités de santé publique. 250 Elle constitue une obligation pour tout médecin tenu pour exercer sa pratique de s’inscrire à l’ordre des médecins […] ». La loi de 2002 va plus loin dans sa volonté d’améliorer la santé des Français en s’intéressant à tous les domaines de la santé. Ainsi, elle n’exclut aucune catégorie de médecins : « les médecins, biologistes, odontologistes et pharmaciens exerçant leurs fonctions dans les établissements publics de santé, ainsi que ceux exerçant leurs fonctions dans les établissements de santé privés participant au service public hospitalier sont soumis à une obligation de formation continue […] ».123 Nous le voyons, cet encadrement par la loi de la formation continue des médecins en France assure un bon fonctionnement du processus. La loi fait obligation aux médecins de suivre une formation continue sous peine de sanction, c’est ce dont nous avons besoin en Côte d’Ivoire, pas seulement pour les médecins, mais pour l’ensemble du corps hospitalier : médecins, agents de santé, enseignants de la faculté de médecine et des instituts de formation et mêmes certaines catégories d’agents administratifs hospitaliers. La loi viendra réglementer la formation continue afin d’éviter certains abus tels que la mainmise ou la « dictature » de certains chefs de service (médecins ou enseignants) dans les hôpitaux et dans nos structures de formation sur le modeste système de formation médicale continue que nous avons chez nous. Pour terminer, nous pensons qu’il est très important d’évaluer la formation des personnels de santé. Celle-ci devra être faite non seulement par le responsable de la structure ou par ses services ou par les personnels eux-mêmes. 123 Rapport du CN FMCH sur la formation médicale continue des praticiens hospitaliers. Président et rapporteur, professeur Dominique BERTRAND, janvier 2005. 251 3) EVALUATION DES FORMATIONS a- L’évaluation par le responsable Cette évaluation doit porter sur les compétences et les aptitudes des personnels de santé à accomplir leur mission. Ainsi, tous les personnels de santé selon la catégorie à laquelle ils appartiennent (médecins ou agents de santé) doivent faire l’objet d’une telle évaluation. Il est tout à fait normal que l’hôpital mette un accent particulier sur le potentiel de chacun des personnes qui exercent en son sein. Les structures sanitaires pourraient charger un organisme indépendant mais qui détient de réelles compétences en matière médicale de la formation continue de ses personnels, médecins et agents de santé. Nous insistons sur le caractère privé de l’organisme afin que le travail se fasse de façon professionnelle. Un organisme privé sous contrat avec l’administration sera selon nous plus efficace qu’un organisme public qui aura une relation plus ou moins étroite avec l’univers hospitalier public. Le risque serait d’assister à un mélange des genres qui réduirait les chances de succès de l’opération. A la fin de la formation, le responsable de la structure ou le chef d’un service donné doit entrer en possession des résultats de la formation et avec l’organisme formateur, il pourra en tirer les conséquences. Le responsable doit se garder de toute conclusion hâtive quant à la réussite ou à l’échec de la formation. Mais s’il constate un changement positif marqué après la formation ou, au contraire, une absence d’évolution évidente, il doit en avertir l’organisme de formation et prendre les dispositions nécessaires afin d’améliorer le fonctionnement de sa structure ou de son service. 252 Le responsable doit mener cette évaluation à court terme, soit immédiatement après le retour de l’agent, puis à moyen terme, soit quelques mois après. Le responsable peut en effet noter un réel succès de la formation dans l’immédiat, puis une détérioration progressive de l’attitude des agents formés (retour à la norme ou au comportement initial) qui peut amener à recommander une séance supplémentaire de rappel au bout de quelques mois, laquelle incitera l’agent à retrouver sa vigilance. Le but de cette démarche est de ne pas isoler l’agent, il faut lui montrer qu’on est prêt à l’aider s’il fait des efforts. Dans le cas contraire, si l’agent ne montre aucun signe de progrès, il faudra prendre les mesures nécessaires. b- L’évaluation par les personnels Le but de cette évaluation est, de valoriser la formation aux yeux des personnels de santé en leur faisant prendre conscience de l’apport qu’elle représente. Ce genre de démarche peut s’avérer très positive étant donné qu’elle renforce l’utilité de la formation et lui permet de rester vivace dans l’esprit de l’agent. Les effets prévisibles de la formation lorsqu’ils sont à moyen terme, elle permet à l’agent de ne pas céder au découragement et l’encourage plutôt à la patience (tel le cas d’une formation de type relationnel où l’agent formé le premier ne peut la mettre en pratique immédiatement face à l’équipe qui n’a pas encore suivi le stage). Ensuite, autant l’évaluation que mène le responsable de service se veut objective, autant celle de l’agent est subjective et relève davantage de la perception de celui-ci. Si en revanche, la quasi-totalité des agents formés ne se montre pas capable d’apprécier les apports de la formation suivie, il faut là aussi analyser pour quelles raisons, analyse qui peut conduire à une remise en cause de la formation ou du choix 253 effectué par le service de formation124. Toujours est- il que l’agent doit porter une appréciation sur sa formation, s’il n’y arrive pas, son responsable doit l’y aider. L’aide ici doit consister à réfléchir à l’appréciation ou tout simplement à la formuler. Le responsable ne doit pas mettre de pression sur l’agent pour obtenir les réponses qu’il attend, elles doivent venir de l’agent et traduire ainsi ce qu’il a compris et retenu de la formation. Mais en cas d’absence totale d’appréciation, le responsable doit déterminer si elle résulte d’une incapacité de l’agent à prendre du recul ou de l’échec de la formation. C/ INTRODUCTION DE NOUVELLES MATIERES La faculté de médecine et l’Infas mettent l’accent pendant la formation sur les sciences médicales, ce qui est tout à fait normal. Concernant les médecins, ceux qui veulent se spécialiser peuvent le faire sur place ou à l’étranger. A l’Infas, la spécialisation se fait au sein même de l’institut. Mais, nous pensons qu’au 21° siècle, la bonne médecine ne se limite pas aux sciences médicales exclusivement. Pour nous, il est grand temps d’introduire dans le programme de formation de nos personnels de santé de nouvelles matières telles que la pratique managériale, la gestion des hôpitaux et l’économie de la santé, l’informatique, les langues étrangères, la sociologie, la psychologie et surtout le droit médical. La pratique managériale permettra aux futurs médecins et agents de santé de savoir gérer leur temps, leurs équipes, le matériel et les différents produits utilisés dans leur structure. La maîtrise de la gestion du personnel doit être un acquis pour nos futurs 124 Hervé LETEURTRE, Michel VAYSSE : les tableaux de bord de la gestion hospitalière. Editions Berger-Levrault, mai 1994, p 157. 254 médecins au terme des huit années d’études passées à la faculté. Certains d’entre eux deviendront des chefs de service qui auront sous leur responsabilité des patients, des médecins et des agents de santé. Savoir utiliser, organiser et répartir les ressources humaines, le matériel et le temps devient primordial. D’importantes décisions seront prises en peu de temps et dans des situations souvent très difficiles. La capacité de réaction du personnel hospitalier dans ces conditions doit se faire de façon immédiate. Apprendre à diriger une équipe doit faire partie du programme de formation des médecins et des agents de santé. Le retard de l’Afrique en général et de notre pays en particulier réside dans ce fait. Nous sommes incapables de mettre en place des équipes, de les organiser et de tirer d’elles le meilleur. La gestion du personnel, lorsqu’elle est bien faite permet, elle d’optimiser les coûts et de gagner du temps. Nous avons tendance à organiser nos services avec beaucoup de personnel là où il n’en faut pas et très peu là où on en a vraiment besoin. Nous nous plaignons de manquer de personnels de santé dans nos hôpitaux, mais est ce que nous utilisons de manière efficace ceux que nous avons ? Avoir un bon système de santé, ce n’est pas seulement disposer du matériel sophistiqué, de la science et d’un personnel en grand nombre. Un bon système de santé se traduit bien évidemment par une certaine avancée technologique mais aussi par l’orientation juste, équilibrée et réfléchie d’un personnel de qualité et efficace. L’informatique, nous le savons investit tous les secteurs d’activité de nos jours, l’ignorer, c’est aller droit vers un échec irréversible. Les personnels de santé doivent maîtriser cet outil qui permettra de faciliter leur travail. La Côte d’Ivoire pourrait par exemple demander avec l’appui de ses amis occidentaux une aide technique pour le développement d’Internet, de téléconférence, d’enseignement à distance parce que aujourd’hui, une nouvelle forme de médecine est en train de voir le jour : la 255 télémédecine, (un médecin donné grâce à Internet est en contact avec l’un de ces confrères spécialiste d’un domaine de la médecine qui lui donne conseils et avis lors des consultations si le cas en l’espèce nécessite l’avis d’un expert). Cette pratique nouvelle est en plein essor en France et en Afrique subsaharienne. Plus proche de nous, c’est le Burkina Faso qui en fait l’expérience, pourquoi pas la Côte d’Ivoire. Cette nouvelle façon de pratiquer la médecine doit être l’occasion de faire travailler les médecins du sud avec leurs confrères du nord. Partager les connaissances et s’entre aider si nécessaire. Nous n’allons pas nier le fait que dans cette relation, c’est le médecin du sud qui sollicite le plus souvent les conseils et les avis du médecin Européen. Nous pensons que ce rapport doit être considéré comme une sorte de formation continue, parce que, le médecin Africain sera le premier bénéficiaire de cet échange. Il exposera à son collègue des cas qu’il ne maîtrise pas, et grâce à l’avancée de la médecine occidentale, le médecin Européen apportera dans la mesure du possible des réponses à celui du sud. Cette relation permettra aussi au médecin du nord de rencontrer des cas qu’il ne connaît pas. La télémédecine sera donc une véritable rencontre qui permettra l’échange et le partage, Y’a-t-il une meilleure manière d’apprendre et de consolider les acquis, surtout lorsque les protagonistes sont à des milliers de kilomètres l’un de l’autre ? Mais avec la télémédecine, le problème de la responsabilité se pose. Qui du médecin demandeur ou du médecin donneur de conseils sera responsable en cas de dommage causé à un patient ? La responsabilité sera-t-elle commune aux deux médecins ? Il faudra donc mettre en place tout un dispositif de contrôle de la responsabilité des différents acteurs intervenant dans la télémédecine. A côté de la télémédecine, la formation à distance sous toutes ses formes doit être prise en compte. Nous savons par exemple que la faculté de médecine de Nancy en 256 France propose à de nombreux professionnels de santé et aux médecins de suivre un cours en santé publique (préparation de licence et master). Les deux tiers des inscrits sont originaires de pays francophones dont la Côte d’Ivoire. Nous savons aussi que les ivoiriens qui suivent ce cours ont constitué des groupes de travail afin d’étudier ensemble. Cette formation ne doit pas être uniquement l’affaire des médecins et des professionnels de santé. Les autorités administratives, universitaires et sanitaires doivent s’intéresser à ce genre de formation et tout mettre en œuvre pour que les conditions soient réunies pour un développent et une amélioration de ce modèle de coopération nord sud en matière de formation médicale et paramédicale. Les langues étrangères permettront de communiquer plus facilement avec des patients anglais, allemands, espagnols… qui se présenteront dans nos hôpitaux. La psychologie afin que les médecins soient capables de tenir compte du parcours psychologique du patient. Face à un diagnostic trop grave, le médecin doit faire preuve de tact et de psychologie dans l’annonce de la situation. Le droit pour nous est indissociable de la médecine. Etre médecin ou agent de santé, c’est avoir un jour sous sa responsabilité un patient. Dès cet instant, la relation juridique se crée, il faut donc situer les responsabilités, les droits et devoirs de chaque acteur de cette relation. C’est dans cette optique que nous consacrerons le dernier chapitre de notre travail à la place du droit dans la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Pour nous l’enseignement du droit médical est l’élément primordial qui fera changer les choses dans notre pays. La santé à l’heure actuelle « bat de l’aile » en Côte d’Ivoire, c’est l’enfant pauvre des plans gouvernementaux. A cela, il y’a plusieurs causes. La législation en matière sanitaire et sociale est désuète quand elle existe. Certains textes datent de l’époque coloniale. Des textes de portée juridique limitée existent, mais ils ne concernent surtout que l’organisation de l’administration, 257 c'est-à-dire le ministère de la santé et de la protection sociale. Les textes qui existent sont dispersés, ce qui ne facilite pas les recherches et l’information de ceux qui s’y intéressent. De plus, la réglementation ne présente aucune originalité, c’est une copie conforme du droit de la santé français. L’illustration en est l’emploi du code de déontologie médicale et du code de la santé publique français. Mais ces textes n’ont jamais été mis en application. Il n’existe pas de décision des tribunaux remplissant la fonction démonstrative d’un droit médical ivoirien125. Mais, nous le savons, l’introduction de ces nouvelles matières entrainera des problèmes, des difficultés au sein des différentes équipes académiques et administratives de notre faculté de médecine et de nos écoles de formation. Et c’est à Charles BOELEN126 que nous emprunterons les stratégies possibles pour l’introduction des ces nouvelles matières. La première stratégie, celle de l’autocariste, dans laquelle un autocar surchargé avec même un passager sur le toit parmi les bagages et les autres pourtant ordonnés dans l’habitacle (enseignants et chercheurs) et de marchandises avance péniblement. Le moteur s’essouffle, les pneus sont écrasés, la carrosserie grince mais le pilote (doyen de la faculté de médecine) est confiant. Mais voilà qu’un autostoppeur (nouvelle matière, ici l’éthique médicale) se présente. Que va-t-il se passer ? D’abord, l’autocar va-t-il s’arrêter ? Quelle décision prendra le chauffeur, considérant que le véhicule est surchargé. Que diraient les autres passagers ? Ils sont déjà pressés comme des sardines en boîte ! Supposons que le chauffeur décide de s’arrêter, pensant que la nouvelle discipline a le droit de monter à bord, il faudra prendre des décisions quant au réaménagement de l’espace. Plusieurs options sont possibles : soit certains 125 Alphonse DAGO-CAILLARD (thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire : pratiques et problèmes juridiques. Septembre 1997, sous la direction d’André DEMICHEL. 126 Charles BOELEN : docteur en médecine Belge qui a consacré sa carrière au développement des ressources humaines en santé. Chargé de la formation des personnels de santé au siège social de l’OMS à Genève dans les années 1988-1999. 258 passagers dont les affaires peuvent attendre seront priés de descendre pour attendre un prochain véhicule, soit chacun pense avoir de bonnes raisons pour faire partie du voyage et le nouvel arrivé se tassera tant bien que mal contre les autres passagers, soit encore, à la suite d’un mécontentement général, le chauffeur est expulsé de l’autocar et remplacé par plus déterminé que lui. On peut encore imaginer d’autres scénarios. Certains traits de cette stratégie peuvent être communs à notre système de formation. Le contenu du programme des études et le processus éducatif se réforment souvent par touches successives, par compromis, par mouvements d’humeur ou coups de force. Il se peut même que la finalité de la réforme soit occultée par les défis à gérer la convivialité à l’intérieur de l’institution. De même dans l’autocar, chacun semble tellement soucieux à défendre ses intérêts particuliers que l’on néglige de s’interroger sur la destination et l’itinéraire. La deuxième stratégie est celle du paysagiste. Ici, par contre, chacun est soucieux d’appréhender le contexte dans lequel l’institution va devoir se développer. On part du principe que la finalité de l’action est clairement déclarée et admise par la faculté de médecine et par ses principaux partenaires. En somme dans cette stratégie, la faculté de médecine se positionne dans le « paysage » de la santé : rend explicite son adhésion à une cause commune, revoit son agenda en fonction de celle-ci, identifie des acteurs adhérant aux mêmes principes, crée avec eux des partenariats pour faire aboutir son action. Cette stratégie a été décrite par l’OMS sous le nom VUPS127 et a fait l’objet de plusieurs expérimentations sur le terrain128. 127 VUPS : Vers l’Unité Pour la Santé. Charles BOELEN, Vers l’unité pour la santé. Défis et opportunités des partenariats pour le développement de la santé, OMS, Genève, Suisse, 2002. 93 pages. 128 259 Alors que par la stratégie de l’autocariste, la faculté navigue à vue, au gré d’accommodements tactiques sans garantie de pérennité de ses avancées, la stratégie du paysagiste permet une vision à long terme, crée des alliances avec d’autres institutions, cherche à valider ses progrès par le mondes extérieur. Bien que la stratégie de l’autocariste soit encore la plus utilisée parmi les facultés de médecine, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire, où tout changement est l’occasion pour les différents partenaires de l’enseignement supérieur de se disputer, de rechercher à satisfaire leurs intérêts personnels, et de retarder l’évolution de notre faculté de médecine, nous demandons aux autorités académiques de la faculté et de nos écoles de formation de s’inspirer de la stratégie paysagiste lors des différents changements devant intervenir dans nos institutions universitaires. Beaucoup plus moderne, sage et réfléchie, cette stratégie de toutes les façons, est en train de gagner un nombre croissant de facultés de médecine à travers le monde sous l’impulsion de quelques visionnaires, visionnaires qui tardent à sortir de l’ombre. L’enseignement de la médecine doit s’adapter à l’air du temps. Il faut révolutionner l’enseignement de la médecine de façon douce et non dans la précipitation. Il nous faut acquérir dans notre pays un enseignement moderne, centré sur l’apprenant, l’enseignant doit devenir un facilitateur qui maîtrise les nouvelles technologies éducatives. Il doit utiliser ces technologies pour accélérer les processus de transmission et d’acquisition des connaissances. Ce changement devra aussi donner à l’étudiant une place de choix : celle d’un responsable acteur de sa propre formation, ce qui devrait lui procurer une certaine motivation. 260 TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE Autant nous pensons qu’il est important d’introduire le droit dans la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire, autant nous jugeons utile et important de former les personnels de santé au respect de ce droit et à celui des patients. 261 CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE IVOIRIENS L’absence du droit ou de sa prise en compte dans nos structures de formation est en partie à l’origine de l’inefficacité du fonctionnement de notre système hospitalier. SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE FORMATION I - FACULTE DE MEDECINE ET INFAS, LE DROIT MEDICAL ABSENT DES PROGRAMMES A/ FACULTE DE MEDECINE, UN COURS DE DROIT MEDICAL SANS REELLE IMPORTANCE Au cours de nos recherches, nous avons constaté que la Côte d’Ivoire a sur le plan académique fait de très gros efforts afin de donner à ces futurs personnels de santé les moyens d’acquérir les connaissances nécessaires pour un exercice correct de leur métier. Seulement, nous avons aussi constaté que nos autorités n’ont pas suivi jusqu’au bout le modèle français qui les a inspiré. Au début des années 1990, de nombreux enseignants et juristes Français mettaient en place le droit médical dans le but de rendre beaucoup plus fluide les relations entre patients et médecins. Ce qui ne signifie pas que le droit en tant que tel n’existait pas dans le monde médical avant les années 90. Avec le temps, le droit médical a pris une très grande importance dans le système juridique hexagonal. Par conséquent, il devient une matière importante dans 262 le système universitaire Français. Dans de nombreuses universités, cette matière est enseignée aux étudiants. Les facultés de médecine en France organisent des séminaires en collaboration avec les facultés de droit afin que leurs étudiants s’intéressent à l’outil juridique qu’est le droit médical. L’intervention d’avocats, de juristes chevronnés, de directeurs d’hôpitaux montrent l’importance que les autorités universitaires Européennes et plus particulièrement Françaises accordent à cette matière. Même si le droit médical n’a pas encore envahi toutes les facultés de médecine en France, il est sur le point de le faire. Une chose est certaine, cette nouvelle matière est enseignée dans de nombreuses facultés de droit dans l’hexagone. Nous pensons très sincèrement qu’il faut bien commencer quelque part, et le lieu tout désigné est bien évidemment la faculté de droit. En Côte d’Ivoire, le constat est clair, le droit médical n’a pour l’instant aucune place ni dans nos facultés de droit, encore moins à la faculté de médecine. A la faculté de médecine, pendant les huit années d’études les étudiants n’ont qu’un cours intitulé droit médical en deuxième année. Ce cours n’est pratiquement pas dispensé, nous pensons même qu’il ne l’a jamais été. Avec le recul, nous avons pu nous rendre compte que ce cours qui existe sur le papier, non seulement est négligé par les étudiants et les enseignants mais en plus son contenu n’a rien à voir avec le droit médical sensé réguler les relations entre patients, médecins, agents de santé et établissements hospitaliers. C’est plutôt un cours de droit qui a pour but de donner aux étudiants des informations juridiques concernant leur futur statut de fonctionnaire et leurs différents droits face à l’administration. C’est donc un cours qui a pour unique but de fournir aux futurs médecins des informations pouvant leur permettre d’améliorer leurs conditions personnelles sans tenir compte des intérêts des patients qu’ils auront sous leur responsabilité. 263 Pour preuve, certains médecins interrogés ne se souviennent pas avoir suivi un cours de droit médical pendant leurs études. Le professeur Souhalio OUATTARA affirme ne jamais avoir suivi de cours de droit médical pendant sa formation et ce avec beaucoup de regret. A l’Infas, le constat est le même : jamais le droit médical en tant que tel n’a été abordé. Nous jugeons qu’il est nécessaire et même impératif que le droit médical prenne une part importante dans cette formation. Le droit pénètre aujourd’hui tous les secteurs d’activité et tous les métiers. La médecine et l’hôpital ne peuvent échapper à cette réalité. Dès l’instant où une personne fait son entrée dans un hôpital ou une clinique privée, un lien juridique se crée entre ladite personne, l’établissement qui l’accueille et le personnel traitant exerçant au sein de la structure. Nous pensons qu’il est absolument nécessaire que les étudiants en médecine et les élèves de l’Infas soient au fait de l’évolution de la société. L’Afrique ne pourra pas se tenir éloignée plus longtemps des nouvelles valeurs qui caractérisent l’évolution mondiale. Le droit en général et le droit médical en particulier font partie intégrante de ces valeurs. La fragilité de notre système de santé et les nombreux abus commis dans nos hôpitaux rendent plus que jamais urgent l’instauration du droit médical afin que les patients lorsqu’ils se présentent dans un établissement de santé se sentent en sécurité. Le droit médical sera l’arbitre nécessaire et indispensable à la relation patient/ médecin. B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL INEXISTANT A l’institut national de la formation des agents de santé, avec tous les problèmes de logistique et de moyen (des salles de cours prévues pour 15 élèves en reçoivent très souvent plus de 40) qu’il y’a, les responsables académiques n’ont pas encore trouvé nécessaire de se pencher sur le droit médical. A la question que pensez-vous du droit 264 médical ? Les responsables et enseignants répondent à l’unisson qu’ils ont quelques notions de droit administratif. Selon Monsieur ZOULO Toualy enseignant et responsable du service de scolarité à l’Infas d’Abidjan, le droit médical est totalement inconnu au sein de l’établissement. Même s’il reconnaît que le droit médical permettra à l’agent de santé de travailler de manière plus consciencieuse. Il explique aussi l’absence du droit médical dans son école par le fait que la grande majorité des patients qu’ils ont l’habitude de traiter sont ignorants, alors pourquoi chercher à instaurer un droit entre patient et soignant étant donné que les premiers ne s’y intéressent pas et les seconds n’en ont pas besoin pour accomplir leur devoir. Pourquoi instaurer des règles qui auront pour seul but de faire perdre à certains leurs privilèges et pouvoirs au sein de l’institution sanitaire ? Le droit médical est perçu comme étant un pavé dans la « mare des personnels médicaux ». Toujours selon lui, l’avis du patient qui vient se faire soigner ne compte pas, on ne demande absolument rien au patient et s’il pense trouver la solution à son mal ailleurs tant mieux pour lui. Au final, le droit médical ne risque t-il pas d’être source de problèmes pour le corps enseignant et les agents de santé sur le terrain face aux patients qui sauront maintenant réclamer la qualité dans les soins et le respect de leur personne ? Cet enseignant est néanmoins clair sur un point. Il pense et affirme que les choses ne peuvent pas continuer ainsi. Selon lui, un pays comme la Côte d’Ivoire qui accueille de nombreux élèves infirmiers et sages-femmes venus de toute la sous-région et même de l’Afrique doit fournir une formation de qualité à ces derniers. Le droit médical sera donc ce plus qui permettra à l’école de conserver la réputation qu’elle a en Afrique. A ses yeux, le monde évolue, la Côte d’Ivoire doit donc entrer dans la marche et tout mettre en œuvre pour satisfaire les usagers du service public hospitalier. Encore fautil avoir conscience de ce qu’est le service public hospitalier ? Dans leur formation 265 scolaire, nous pensons que les élèves de l’Infas n’ont pas assez d’informations sur leur rôle dans la société, leurs devoirs et leurs obligations. Le droit en général et le droit médical en particulier doivent être ces éléments de pression qui apporteront une certaine clarté dans nos services publics. Parce que, les agents de santé ne peuvent pas continuer à bafouer les droits des patients tout simplement parce qu’ils ne connaissent pas leurs propres droits. La pratique médicale est très subtile, le danger est donc permanent. Que ce soit au cours d’un acte de soin, d’un acte chirurgical ou tout simplement du fait de sa présence à l’hôpital, le patient doit être protégé par des règles. Certaines sont élémentaires et d’autres beaucoup plus importantes. Toutes ces règles dans leur application doivent être protégées par un personnel censé les maîtriser. Mais avant, il faut les apprendre et ensuite, accepter de les respecter et les appliquer, tout est question de mentalité, de volonté et de conscience dans l’exercice de sa mission. Nous ne possédons pas les moyens et le matériel des personnels des pays occidentaux mais nous avons la capacité d’apprendre et de comprendre des règles et des principes juridiques comme eux, alors pourquoi ne pas compenser notre retard par la maîtrise de cet nouvel outil et ainsi nous hisser en ce qui concerne la compétence intellectuelle au même niveau que nos confrères des pays développés. Il est temps pour nous de nous défaire de cette étiquette qui nous colle à la peau et qui laisse croire que les africains et donc les ivoiriens ne veulent pas évoluer, même lorsqu’ils ont les moyens pour y parvenir. Aujourd’hui, avec tout ce qui se passe dans nos établissements de santé, le droit médical, qui équivaut à la justice et à l’ordre dans le domaine de la santé s’avère plus que jamais nécessaire. Et qu’on soit enseignant ou étudiant à la faculté de droit, à la faculté de médecine, à l’Infas ou qu’on soit tout simplement patient, il est temps de s’intéresser au droit médical et faire de cette matière un élément majeur de notre système de santé. 266 II - LA NECESSITE DU DROIT MEDICAL A/ LES FUTURS MEDECINS DESIREUX DE MAITRISER LE DROIT MEDICAL La Côte d’Ivoire forme des personnels de santé qui n’ont aucune notion de droit médical. Les jeunes médecins que nous avons rencontrés nous ont tous dit la même chose, à savoir qu’ils ne connaissent pas le droit médical comme il est enseigné en France. Ils disent aussi que toutes les notions de droit médical qu’ils ont pu acquérir relèvent du fait personnel. Idem pour les étudiants encore inscrits à la faculté de médecine. Mais ces médecins et futurs médecins de la nouvelle génération veulent apprendre et connaître le droit médical. Le Dr ANGUIBI-POKOU Marie-Josée, docteur en médecine de santé publique, expert en recherches cliniques, se rappelle avoir suivi un cours de droit « médical » en première année mais ne sait plus exactement de quoi il était question. D’autres jeunes médecins abondent dans le même sens, notamment le Dr Soueidan RIDA, médecin généraliste qui affirme n’avoir jamais suivi de cours de droit médical au cours de ses études. Il va même plus loin en affirmant que le droit médical ne faisait pas partie à l’époque et même aujourd’hui des priorités des autorités universitaires de sciences médicales. Le Dr Solange AMETHIER, médecin généraliste, médecin chef du centre médical du trésor public de l’Etat Ivoirien qui a effectué tout son cursus à la faculté de médecine d’Abidjan reconnaît n’avoir jamais suivi de cours de droit médical en tant que tel. Les seules notions de droit qu’elle a apprises à l’époque portaient sur le droit du travail et les droits se rapportant aux fonctionnaires. Le professeur Souhalio OUATTARA lui aussi reconnaît n’avoir jamais suivi de cours de droit médical pendant toute la durée de sa formation et il le regrette fortement. Il considère même que l’absence de cette matière au programme des futurs 267 médecins ivoiriens constitue pour eux un sérieux handicap. Le docteur Abdallah OUATTARA, médecin ophtalmologiste affirme qu’il n’a eu aucune notion de droit médical pendant ses cours. Il se rappelle cependant avoir assisté à des conférences et séminaires avec des juristes, où le droit médical était l’objet du débat. Nous pouvons donc conclure que le droit médical n’existe pas dans nos structures de formation sanitaire et n’a jamais été envisagé par les responsables académiques des dites structures. Les docteurs AMETHIER et OUATTARA affirment cependant qu’il est impératif et urgent que les facultés de droit et de médecine s’intéressent au droit médical. Selon eux, les patients des cliniques privées commencent déjà à demander des explications sur les traitements qu’on leur administre. Ils posent beaucoup de questions et veulent savoir ce qu’on va leur faire. Ils ne veulent plus être considérés comme les ignorants de l’hôpital, appelés uniquement à subir les décisions d’une équipe médicale qui se croit tout permis. Nous trouvons cela normal, étant donné les sommes astronomiques qu’il faut décaisser pour se faire hospitaliser dans une clinique privée de la place. Par contre, toujours selon les docteurs ANGUIBI-POKOU et RIDA, c’est dans le public que les choses traînent. Les patients des hôpitaux publics sont en général des personnes qui n’ont pas les moyens, donc selon nos médecins interrogés, ils « subissent » les soins sans dire un mot et très souvent, ne savent même pas qu’ils peuvent réagir. Cela est dû selon le Dr ANGUIBI-POKOU au manque de moyen et à la crainte que les médecins, agacés par trop de questions et de caprices du patient refusent de dispenser les soins ou ne fassent pas tout ce qu’il faut pour guérir le mal. Vous comprenez donc que ces personnes issues en général de classe moyenne ou pauvre n’ont aucune notion du serment d’Hippocrate socle même de la médecine qui engage les médecins à procurer les soins sans distinction et en toute égalité aux patients. 268 Mais une question reste en suspend. Doit on commencer l’enseignement du droit médical dans nos facultés de droit ou à la faculté de médecine ? Nous pensons que face au déclin du système de santé ivoirien il serait plus judicieux de ne plus attendre et commencer à fournir aux étudiants en médecine les éléments de base du droit médical. Nos enseignants des facultés de médecine pourront suivre des cours accélérés afin de s’imprégner de cette matière et se mettre au niveau requis pour diffuser ce message. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que soient formés des étudiants en droit qui par la suite seront chargés de dispenser ce cours à la faculté de médecine. Cela nous prendra de nombreuses années, et ce temps nous ne l’avons plus. Face à la catastrophe sanitaire que vit notre pays, nous pensons qu’il est sérieusement temps de situer les responsabilités, chacun doit assumer ses actes. Le système a assez couvert certains (médecins) au détriment d’autres (patients). Pourtant, ce sont les seconds qui devaient être protégés, car étant les plus faibles dans cette relation. La protection du patient, c’est aussi l’une des missions majeure du droit médical. Les étudiants inscrits à la faculté de médecine veulent eux aussi apprendre et maîtriser le droit médical dans tout ce qu’il a de plus subtil car ils savent que dans l’exercice de leur mission ils seront tôt ou tard confrontés à des confrères étrangers, acteurs majeurs du droit médical et face à cette réalité, il faudra bien réagir. La complexité de la science médicale effraie surtout dans les pays africains. Alors pourquoi ne pas l’éclaircir à travers l’enseignement du droit médical qui apportera que du bien à tous, patients et soignants. 269 B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL POUR VALORISER LA PROFESSION S’il y’a une profession au sein de l’hôpital qui ne jouit d’aucune considération en Côte d’Ivoire, c’est bien celle d’agent de santé (infirmier, infirmière, sage-femme). Ces personnes malgré le travail énorme qu’elles effectuent ne sont considérées que comme du petit personnel mis au service du médecin. Pourtant ce sont ces agents qui jour et nuit sont au chevet des patients, connaissent souvent le cas du patient beaucoup mieux que les médecins et sont à l’hôpital les premiers à entrer en contact avec eux. En Côte d’Ivoire, nous l’avons déjà dit, c’est l’Infas qui forme les infirmiers, infirmières d’état et sages-femmes (agents de santé). Mais nous devons aussi dire que tout le personnel paramédical y est formé, notamment les techniciens de laboratoire, les techniciens d’imagerie médicale, les préparateurs en gestion de pharmacie et les kinésithérapeutes. Nous avons focalisé nos recherches en ce qui concerne les agents de santé sur les infirmiers et sages-femmes parce que, nous pensons que ce sont eux qui sont le plus en contact avec les patients. Mais, pour l’ensemble des agents de santé, le droit médical a sa place dans le système de formation des agents. Ils disent vouloir connaître le droit médical, ils en ont besoin dans l’exercice de leur métier. Le droit médical viendra donner une certaine valeur à leur formation. Les agents de santé se sentent négligés et rabaissés. Ils sont en général traités de « petit personnel » du monde médical ivoirien par les patients et souvent même par les médecins. Pourtant ce sont eux qui sont les plus proches des patients et au fil des ans, ils finissent parfois par poser certains actes réservés aux médecins. Selon eux, le droit médical viendra combler un vide. Très souvent face aux patients, ils ne savent pas quoi répondre lorsque ces derniers refusent certains soins ou demandent obligatoirement la 270 présence d’un médecin avant de suivre tel ou tel traitement. Il faut donc leur donner les moyens de pouvoir répondre et se défendre en cas de questions plus ou moins pertinentes des patients. Avoir un personnel de qualité, c’est donner à ce personnel les moyens de faire son travail dans de bonnes conditions et de manière efficace. Le droit médical viendra situer les responsabilités et ainsi chacun saura à quoi s’en tenir. Et nous jugeons inadmissible qu’une école de la stature de l’Infas ne s’intéresse pas à une matière telle que le droit médical. L’école forme des agents venus de pays étrangers, et dans la sous-région elle est la seule à offrir une formation de ce type. Alors pourquoi ne pas pousser plus loin ses compétences et sa qualité. Nous le répétons sans cesse, le droit médical n’existe pas dans ces structures non pas par ignorance de leurs dirigeants mais par le manque de volonté de ces derniers à mettre tout en œuvre pour son inscription au programme de formation de l’école. Nous savons que le pays regorge de juristes et de médecins qui ont effectué une grande partie de leurs études à l’étranger, notamment en France. Ces personnes ont eu à suivre ce cours et savent de quoi il s’agit. Nous pourrions commencer à demander à celles-ci leur contribution afin d’asseoir les bases de l’organisation du droit médical dans notre pays, et ensuite l’Etat pourrait envoyer en France des étudiants ou même des médecins qui viendront suivre des cours ou des stages en rapport avec le droit médical. Le but de cette opération serait de familiariser nos personnels en exercice ou nos futurs médecins à cette matière. Une fois ce travail effectuer, ce sera à ces personnes de diffuser le message à leurs confrères restés au pays. Notre pays compte parmi ses fils et filles d’éminents juristes et médecins qui pourraient accomplir ce travail. 271 III - RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE D’UNE RELATION JURIDIQUE ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS A/ LES PATIENTS PLUS AU FAITE DES LIENS QUI LES UNISSENT AUX MEDECINS DANS LE PRIVE De nombreux médecins bien qu’étant formés à la faculté de médecine sont appelés à exercer dans des structures privées. Nous ne pouvons donc les ignorer. Une grande partie de ces cliniques privées sont gérées par des sociétés qui ont mis en place des méthodes efficaces de gestion budgétaire et de rationalisation des coûts. Elles ont en même temps accéléré le rythme de modernisation des équipements médicotechniques et offert des conditions salariales attractives à leurs personnels. Ceux ci, plus motivés, ont donc le devoir de satisfaire la clientèle qui paie chère pour recevoir dans les meilleures conditions des soins de qualité. Ces établissements reçoivent des patients souvent aisés qui veulent absolument savoir ce qu’on leur fera et pourquoi. Les médecins doivent être en mesure de donner à leurs patients les réponses appropriées. Médecins et patients sont liés en médecine libérale par un contrat civil d’une nature spécifique, conclu en considération de la personne. C’est un contrat synallagmatique, comportant pour le médecin l’obligation d’informer le malade, de le conseiller, de recueillir son consentement et de donner des soins. Le patient doit en contrepartie renseigner le médecin dans la mesure où il le peut sur ses antécédents et son état. Enfin, celui ci doit verser des honoraires à son médecin. C’est donc l’acte médical qui unit médecins et patients. Cette relation est établie sur un double libre choix : celui du médecin par le patient et celui du patient par le médecin. Dans tous les cas, on 272 suppose la liberté de consentement des deux parties au contrat. Mais dans ce contrat, nous savons que la partie la plus faible est celle qui vient chercher à établir la relation, c'est-à-dire le malade. Son consentement serait libre s’il était totalement éclairé, or le malade ne connaît pas sa maladie et se trouve donc influencé tant par son entourage que par le médecin. Dans cette relation, l’obligation qui pèse sur le médecin est une obligation de moyen, c'est-à-dire que le médecin ne s’engage pas à guérir le malade, mais à lui donner des soins consciencieux, attentifs et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données actuelles ou acquises de la science selon la formule de la jurisprudence. L’article L.1110-5 du code de la santé publique (CSP) parle de « connaissances médicales avérées ». C’est aussi ce que nous disent les articles 3 et 27 alinéa 1 du code de déontologie médicale (CDM) de Côte d’Ivoire : art 3 « le médecin doit soigner avec la même conscience… », L’article 27 alinéa 1 « le médecin dès qu’il est appelé à donner des soins à un malade… s’oblige à lui assurer aussitôt tous les soins médicaux en son pouvoir… ». Cependant, dans certains cas, le médecin est tenu à une obligation de résultat. Dans certaines hypothèses limitées : prélèvement et transfusion de sang, analyses biologiques simples, fourniture de prothèse dentaire, le médecin est tenu à une obligation de résultat. Il doit atteindre le but convenu. L’obligation de résultat à la charge du médecin et de la clinique s’élargit et touche tout ce qui tient à la sécurité du malade : le matériel ne doit pas représenter un danger pour le malade. Nous venons donc de voir que médecins et patients sont liés par un partenariat très fort où l’un a pour mission de procurer les meilleurs soins à l’autre et ce dernier doit faire en sorte que les soins se passent bien en donnant à son médecin toutes les informations nécessaires. 273 Dans le privé en Côte d’Ivoire, les médecins doivent donc être en mesure de donner aux patients les réponses qu’ils attendent. Il est révolu le temps où une femme pouvait perdre la vie au cours d’un accouchement sans que la famille de cette dernière ne cherche à savoir comment et pourquoi cela a pu se produire. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, les personnes disposant de moyens financiers se tournent vers les cliniques privées en espérant bénéficier de soins beaucoup plus appropriés que ceux dispensés dans les hôpitaux publics. Les médecins de leur côté savent très bien que travailler dans des cliniques privées, c’est travailler avec un matériel de qualité et jouir d’une rémunération importante. C’est pourquoi, ils prennent en considération les liens qui les unissent à leurs patients et sont disposés à leur fournir toutes les informations qu’ils réclament. Dans ce contexte, de clinique privée, le respect des règles juridiques de base n’est qu’une formalité. Le médecin sait que tous les avantages qu’il tirera de l’exercice de la médecine dans une clinique privée sont suspendus à la qualité des soins qu’il dispensera et au respect des principes élémentaires du droit médical. Les frais acquittés par le patient engendrent une pression sur les professionnels de santé. Du coup, le médecin exerçant dans une clinique privée mettra toutes les chances de son côté. Il le fera d’autant plus que le non respect de certaines règles médicales et juridiques peut lui coûter sa place. La clinique fonctionnera donc sur la base du respect scrupuleux de règles de droit médical et fera obligation au médecin de les suivre. Elle mettra tout en œuvre pour l’aider à y parvenir. La plupart des médecins ivoiriens exercent à la fois dans les hôpitaux publics et dans les cliniques privées. Nous avons du mal à admettre que certains ne fassent aucun effort pour appliquer les règles de droit médical, du code de la santé publique et du code de déontologie médicale dans les établissements publics dans lesquels ils exercent alors qu’ils ont une pratique respectueuse une fois dans le privé. Mais nous ne devons pas exposer 274 que le bon aspect des choses. Les cliniques privées ne sont pas toutes des hôpitaux où tout se passe bien. Selon le docteur Joseph BOGUIFO, responsable de l’association des cliniques privées de Côte d’Ivoire (ACPCI), sur les 1254 cliniques privées du pays, 847 exercent sans autorisation. Concernant les 854 infirmeries privées de pays, 514 n’ont pas d’agrément de travail. Pour le docteur BOGUIFO : « ces structures boutiques salissent la réputation des cliniques et font prospérer des pratiques mafieuses dans la corporation »129. En effet, comment peuton estimer prodiguer des soins de qualité, respecter les droits élémentaires des patients, avoir conscience de ses propres devoirs si on n’est pas soi même dans la légalité ? C’est cette légalité que les pouvoirs publics ont du mal à faire respecter dans les hôpitaux publics. B/ HOPITAUX PUBLICS, REPONDRE AUX INTERROGATIONS DES PATIENTS Les établissements publics de santé sont des personnes morales de droit public dotées de l’autonomie administrative et financière. Leur objet principal n’est ni industriel, ni commercial. Ils peuvent être communaux, intercommunaux, départementaux, interdépartementaux ou nationaux. Donc, dans ces hôpitaux, les soins sont gratuits. Disons qu’à la belle époque de la Côte d’Ivoire, c’était le cas. Aujourd’hui, tout a changé. Nos hôpitaux sont délabrés, le matériel en mauvais état et les médicaments sont rares. Les patients dans la plupart des cas doivent rapporter eux-mêmes les médicaments, les matelas et la nourriture. Ce sont très franchement des « hôpitaux pour pauvres ». C’est dans ce contexte que médecins et patients se côtoient. Dans ce genre de relation où le patient dépend totalement de son médecin, il 129 L’intelligent d’Abidjan : médecine privée, assainissement du secteur. 847 cliniques exercent sans autorisation. Lundi 7 décembre 2009. Olivier GUEDE. 275 n’a pas son mot à dire. Certains principes élémentaires comme le droit du malade aux soins, le libre choix de son médecin par le patient (article 8 du CDM) ou encore le respect de la vie et de la personne humaine (article 2 du CDM) ne sont pas respectés. Il est rare de voir des patients dans nos hôpitaux choisir leur médecin. Cette possibilité n’existe pas. Le patient qui veut se faire soigner n’a d’autre choix que d’accepter le médecin présent ou celui qu’on lui propose. En ce qui concerne par exemple le droit des malades aux soins, il peut arriver que l’on rencontre dans nos hôpitaux des malades couchés à même le sol, souffrant le martyr et espérant qu’un médecin croise leur regard. Sans moyens nos malades représentent peu de chose. Ces comportements indignes d’un lieu comme l’hôpital ne font que confirmer le manque de respect de nos soignants pour la vie et la personne humaine. Les propos tenus par monsieur Joël N’GUESSAN, ancien ministre ivoirien des droits de l’homme lors d’une conférence illustrent bien ce que nous disons : « je ne sais pas s’il est nécessaire de parler de droit à la santé en Côte d’Ivoire. Il n’y a qu’à observer la prolifération des pharmacies par terre et le développement constant des lieux de prière pour comprendre. Quand on ne peut se soigner par manque de moyens ou d’hôpitaux, on se confie à Dieu et à tous les charlatans vendeurs d’illusions. Je vous invite à faire un trou dans nos salles d’urgences médicales et dans nos hôpitaux pour vous rendre compte de la réalité. Elle est écœurante »130. Pourtant aujourd’hui avec l’évolution de la société mondiale en général et africaine en particulier, l’hôpital doit être à l’écoute des patients. En effet, qu’on le veuille ou pas, le patient qui souffre conserve dans de nombreux cas son sens critique. Il veut savoir et il faut l’informer. De plus en plus de patients considèrent la santé comme un droit et la prestation de santé comme un 130 Le patriote : Joël N’GUESSAN, ex ministre des droits de l’homme : « les droits de l’homme n’existent pas au pays ». Vendredi 26 mars 2010. 276 service qui leur est dû. Le droit doit permettre au patient de porter une certaine attention à l’accueil, la durée de l’attente et la façon dont l’hôpital gère le problème de l’information. Le droit doit permettre d’éviter de laisser le patient dans l’incertitude quant à son état de santé et aux traitements qui lui seront administrés. Pour les personnes disposant de moyens financiers, l’accès à l’information est plus facile. Par l’intermédiaire des médias, elles ont une certaine connaissance des thérapeutiques en rapport avec leur maladie, elles attendent donc des soins qu’elles subiront des résultats satisfaisants. Ce que nous venons de dire concerne très précisément certaines catégories de personnes aisées qui prennent vraiment le temps de chercher à savoir, à avoir des réponses. Malheureusement, pour plus de la majorité des patients ce n’est pas le cas. C’est ce que nous voulons que le droit favorise maintenant. Dans nos hôpitaux, les médecins et agents de santé parlent entre eux des différents cas qu’ils traitent ou qu’ils ont eu à traiter. Ces discussions qui ont souvent lieu dans les couloirs de l’hôpital en présence parfois de visiteurs ou de personnes étrangères au service qui ne doivent absolument pas être dans la confidence concernent des patients qui voient ainsi certains de leurs droits bafoués. On peut entendre ici et là que monsieur A de telle chambre est séropositif ou madame B hospitalisée dans tel autre service est atteinte d’un cancer et que ses jours sont comptés. Le comble, c’est que les personnes concernées ne savent pas exactement de quoi elles souffrent, et de bouche à oreille, la nouvelle se déverse en ville. Ce sont toutes ces dérives que le droit médical doit aider à arrêter. Avoir des agents de santé formés au droit médical, c’est avoir des hommes et des femmes pouvant fournir des réponses précises aux interrogations des patients, garder pour eux les informations confidentielles concernant les patients et respecter les droits de ces derniers. Le droit médical leur 277 permettra de se comporter d’une certaine façon avec leurs patients, parce qu’ils sauront qu’en cas de dérives dans leur comportement professionnel, en plus des sanctions disciplinaires, des plaintes suivies de poursuites devant les tribunaux pourront être engagées. Avec cette « épée de Damoclès » au dessus de leur tête, nous ne doutons pas un instant que le travail se fera de manière consciencieuse. SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME HOSPITALIER I - LE DROIT POUR METTRE FIN AU LAXISME DANS NOS HOPITAUX A/ LE DROIT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS L’article 27 CDM en ses articles1 et 2 dispose que : « le médecin dès qu’il est appelé à donner des soins à un malade et qu’il a accepté de remplir cette mission s’oblige : - à lui assurer aussitôt tous les soins médicaux en son pouvoir et désirables en circonstance, personnellement ou avec l’aide de tiers qualifiés ; - à agir toujours avec correction et aménité envers le malade et à se montrer compatissant avec lui » Le bon sens vaudrait que les choses se passent comme le recommande le code de déontologie médicale. Malheureusement ce n’est pas le cas dans nos hôpitaux où médecins et agents de santé règnent en « maîtres absolus ». Le problème se pose généralement dans les établissements publics. Les malades disposant de moyens financiers se détournent des établissements publics pour bénéficier de plus de 278 rapidité, de qualité et de sécurité dans la prise en charge de leur cas au sein des structures de santé privées qui fleurissent dans le pays depuis quelques années. Ces personnes n’ont pas tort, prenons par exemple les décès maternels : selon l’OMS, environ 90% des 585000 décès maternels dans le monde surviennent en Afrique subsaharienne et en Asie. Le risque de décès est de 1 sur 13 pour une femme enceinte en Afrique subsaharienne contre 1 pour 4000 en Europe toujours selon l’OMS. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces chiffres : Notons dans un premier temps l’inaccessibilité géographique et financière aux soins obstétricaux. Mais ce facteur ne peut à lui seul justifier tant de morts. Il y’a aussi la problématique de la qualité des soins. Celle-ci contribue à la charge de la morbidité et de la mortalité maternelle mais également à la démotivation de la population à consulter à temps les structures de référence. Mais à nos yeux, les facteurs le plus important restent les dysfonctionnements dans la bonne marche de la structure sanitaire. Le personnel de santé et l’organisation des services sont les principaux éléments à l’origine des dysfonctionnements. Le laxisme ou le manque de rigueur du personnel dans la prise en charge des patients et l’organisation insuffisante du travail intra et inter service sont les causes que nous retrouvons dans nos hôpitaux publics. En Côte d’Ivoire, les anciens (comme on les appelle dans les hôpitaux) mettent en garde les jeunes contre certains malades qu’ils « ne prennent plus au sérieux ». On peut souvent entendre ces anciens agents de santé dire à leurs collègues plus jeunes « tu penses que ces malades là sont des anges, tu n’a rien vu encore ! ». Autrement dit, c’est parce que ce jeune soignant vient d’arriver dans la profession qu’il se montre aussi dévoué mais, plus tard, la routine s’installant, sa perception des malades de même que son comportement vis-à-vis d’eux changera. Toujours dans le même registre, certains soignants attribuent leur négligence au fait qu’en plus de la routine, il y’a la surcharge 279 de travail. Ils évoquent parfois le fait qu’ils aient été seuls au sein d’une unité de traitement et c’est pourquoi, les fiches de soin ne sont pas bien remplies, ou qu’on observe des numéros identiques sur deux fiches distinctes ou encore que des patients reçoivent des médicaments qui ne leur sont pas destinés. Les mauvaises conditions de travail conduisent souvent les personnels de santé à ne pas respecter les droits des patients, les chartes et autres textes en vigueur dans les hôpitaux. Pour certains personnels qualifiés comme les infirmiers, la prise en charge de certaines maladies apparaît souvent comme une activité dévalorisante. On comprend dès lors pourquoi cette activité est confiée aux personnels subalternes (garçon de salle, aide-soignant) à qui la gestion d’une unité de traitement permet d’acquérir un certain statut et de développer des compétences réelles dans la prise en charge de la maladie. Très souvent, dans le milieu hospitalier ivoirien, lorsque les personnels médicaux et paramédicaux se mettent en grève, ce sont les malades qui en font les frais. En effet, le service minimum devant être assuré est pratiquement inexistant dans de nombreux hôpitaux publics. Dans ceux où il fonctionne, il est très mal mis en œuvre et parfois pas respecté. Les malades se retrouvent donc livrés à eux-mêmes en cas de grève des personnels131 de santé alors que les autorités jurent avoir tout fait pour une bonne exécution du service minimum. Avant nous certains étudiants ont effectué des recherches sur le système sanitaire ivoirien, ils disent la même chose que nous : « les CHU de Treichville et de Yopougon, principaux hôpitaux du pays, les plus accessibles aux populations démunies, sont ceux qui fonctionnent avec le plus de difficultés. Souffrant souvent de pénurie, manque d’anesthésie, réanimateur, de bloc 131 Nord-Sud : hôpitaux publics- les malades livrés à eux-mêmes. Mardi 16 décembre 2008, Raphael TANOH. 280 opératoire, de plus cessant de recevoir les malades aux urgences à partir d’une certaine heure (17 h) et parfois en fonction de l’humeur des médecin de service »132. Le droit médical doit venir mettre de l’ordre dans tout ce cafouillage. Il y va de l’intérêt des patients. On ne peut plus accepter que des femmes enceintes meurent pendant l’accouchement, que des actes médicaux soient dispensés contrairement à la procédure ou encore que des patients ressortent beaucoup plus malades de l’hôpital qu’ils ne l’étaient à l’entrée133. Tout cela par la faute de médecins et agents de santé qui se sentent couverts parce que le droit ne fonctionne pas efficacement. Dans la prise en charge des patients, nous pouvons aussi faire état du cas de la maltraitance dans nos hôpitaux. En effet, la maltraitance des patients existe. Les malades et les personnels médicaux n’en parlent pas, c’est pour cela que nous devons la dénoncer. En France par exemple, depuis quelques années, les cas de maltraitance et de violence dans les hôpitaux sont en très nette augmentation134. Mais notons que la maltraitance ne concerne pas que les patients. Les agressions et les injures à l’encontre des personnels médicaux font partie du quotidien, mais ce qui retient plus l’attention, ce sont les plaintes des patients concernant la maltraitance et le manque de tact des soignants. En 2009, près de 5000 plaintes ont été déposées auprès du médiateur de la république135. Qu’on soit en Côte d’Ivoire ou en France, nous pensons que l’origine de ce problème est la même : le manque de personnels et donc la surcharge de travail. Cette situation nous inquiète d’autant plus que la France est un pays de droit, où le droit médical est avancé. La Côte d’Ivoire devra donc redoubler d’efforts afin de faire face à ce problème qu’on essaie d’étouffer par tous les moyens. 132 Alphonse DAGO-CAILLARD ( thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire : pratiques et problèmes juridiques. Septembre 1997, sous la direction d’André DEMICHEL. 133 La notion d’infection nosocomiale n’est pas encore connue de tous. 134 Rapport du médiateur de la république sur la maltraitance dans les hôpitaux en France, 27 janvier 2010. 135 Rapport ci-dessus cité. 281 Il nous faut mettre en place les structures adéquates qui permettront de lutter contre ce problème. Création de services censés écouter patients et soignants parler de ce qu’ils vivent au quotidien à l’hôpital. Mener des enquêtes en se basant sur les textes juridiques et sanctionner (les soignants) ou faire payer des amendes ou des dommages et intérêts (aux patients) lorsque les faits de maltraitances ou d’agressions sont établis. Les personnes soignées ne doivent pas perdre de vue que le bon déroulement des soins repose fondamentalement sur le respect réciproque. Si le malade, personne vulnérable par excellence, demeure une victime « privilégiée », les soignants constituent eux-mêmes désormais une catégorie de victimes potentielles. Si le patient et ses proches disposent de droits, ils ne doivent jamais oublier qu’ils ont aussi des devoirs, au même titre que les professionnels de santé. B/ LE DROIT POUR UN EXERCICE RIGOUREUX DE LA MEDECINE « J’annonce que désormais, tout agent de santé qui s’adonnerait à des pratiques répréhensibles, répondra de ses actes devant les juridictions compétentes »136, ces propos sont de l’inspecteur général de la santé. Le ministère de la santé et de l’hygiène publique ne compte plus tolérer les manquements de ses collaborateurs. L’inspecteur général va même plus loin en affirmant : « …l’Etat attend de vous que vous dispensiez des soins de qualité, vous respectiez les droits des usagers des établissements sanitaires ».137 Pourquoi des propos aussi durs de l’inspecteur général de la santé ? Tout simplement parce que des morts de patients ont été enregistrées dans plusieurs structures sanitaires du pays. Et le corps médical a été mis à l’index 136 137 Fraternité matin, Marcelline Gneproust, vendredi 22 février 2008, P 4. Ibid 282 pour racket ou faux diagnostic. Dans certains cas, des femmes enceintes sont mortes pour n’avoir pas pu s’acquitter des sommes exigées par les médecins indélicats138. Nous sommes là en face de cas précis de violation des droits des patients par des agents de santé qui n’ont apparemment aucune notion de droit médical. En plus de cela, un vrai système de corruption et d’affaires est en train de voir le jour dans nos hôpitaux, les gardes des médecins et des sages-femmes sont devenues de vrais rendez-vous d’affaires. Pourtant nous savons tous que le but premier de l’hôpital public n’est pas de faire de l’argent sur le dos des patients et en l’espèce lorsque cet argent est perçu, il ne va pas dans les caisses de l’Etat. Certains médecins et agents de santé exigent de l’argent aux malades avant tout acte chirurgical, peu importe l’état dans lequel se trouvent ces personnes. Citons en exemple, la mort d’un jeune homme au sein du CHU de Treichville parce que le médecin de garde aurait refusé de l’opérer. Les parents de la victime ne se seraient pas acquittés des frais d’opération. Selon monsieur Donatien ROBE, président de orphelins secours Côte d’Ivoire, une association qui se bat contre les abus en tout genre dans nos hôpitaux : « chaque jour, de nombreux ivoiriens perdent leur vie dans les hôpitaux pour des raisons financières… c’est la conséquence d’un système anti-social instauré depuis 1990 »139. Les montants parallèles pour avoir accès aux soins instaurés par le dictat de certains agents véreux varient de 20 000 à 30 000 FCFA (30 à 45 euros) pour qu’une sagefemme s’occupe d’une femme enceinte en travail. De 140 000 à 240 000 FCFA (210 à 310 euros) pour une césarienne. Tous ces faits nous montrent que certains personnels de santé ne se soucient pas des droits des patients et des devoirs qu’euxmêmes doivent avoir à l’égard de ces derniers, encore moins de l’article18 du CDM qui interdit en ses alinéas 3 « tout versement, acceptation ou partage clandestin 138 139 Ibid L’intelligent d’Abidjan : affaire « un homme meurt dans un hôpital ». Mercredi 28 octobre 2009. 283 d’argent entre praticiens » et 5 « l’acceptation d’une commission pour un acte médical quelconque et notamment pour examen, prescriptions de médicaments… ». La médecine étant l’une des professions qui inspirent le plus de confiance chez les populations, pour que cette confiance ne s’érode pas, les médecins doivent maintenir leur compétence et adopter des normes élevées d’éthique personnelle. C’est ici qu’il faut tenir compte de toutes les valeurs exprimées par le droit médical. Les médecins doivent aussi entretenir avec leurs patients des relations empreintes d’humanisme en dépit des conditions de travail difficiles. Un encadrement rigoureux de l’exercice de la médecine par l’inspection générale de la santé et de l’hygiène publique doit favoriser la pérennité de cette confiance de la population. Mais pour que ce processus aboutisse aux meilleurs résultats, il faut aussi donner aux médecins et agents de santé l’assurance que leurs droits seront aussi respectés, notamment le droit à la confidentialité de leur dossier professionnel. Le droit médical à travers le code de déontologie sera donc présent dès l’accès du patient à l’hôpital, c'est-à-dire au moment de l’établissement du diagnostic jusqu’à la fin du traitement. Certaines obligations comme : - l’obligation de comportement qui consiste à accorder une attention aux symptômes que présente le malade, en consacrant le temps et l’intérêt nécessaires pour interpréter ce tableau symptomatique et le discours du patient. Il s’agit d’une obligation de diligence. - L’obligation de référence scientifique qui oblige le médecin à effectuer son diagnostic en fonction des enseignements de la science médicale (remis à jour), et en utilisant des méthodes scientifiques. - L’obligation de modestie, également appelée obligation de réserve, elle consiste pour le médecin à admettre que sa compétence n’est pas illimitée et 284 que, dans certains cas, il devra faire appel à un confrère (dans la plupart des cas, c’est le généraliste qui appelle un confrère plus spécialisé). Il peut arriver qu’un médecin ne réussisse pas son diagnostic, il peut avoir failli à ses obligations que nous avons énumérées, mais il peut aussi les avoir respectées, mais s’être quand même trompé. Dans ce cas, on dira que le travail a été bien fait mais il y’a eu erreur dans le résultat. Si les obligations ont été respectées, le médecin ne sera pas poursuivi (le diagnostic dans ce cas n’a pas de statut). On peut aussi dire que le médecin a rempli ses obligations mais que s’il s’est trompé, c’est qu’il a peut être commis une faute, ce qui renvoie à dire qu’il n’a pas sérieusement observé les obligations (ici le diagnostic aura donc un statut, celui d’une pratique à réprimer). Dans certains cas, il peut arriver que le médecin respecte les obligations mais il y’a quand même mauvais diagnostic pour faute ou simple erreur, dans ce cas, la distinction entre faute et erreur doit être faite. Le médecin peut s’être trompé comme tout bon citoyen qui a agit en bon père de famille et en bon médecin (on dira alors que le médecin peut avoir droit à l’erreur et non à la faute. L’erreur sera prise en compte s’il a observé toutes les règles en vigueur dans l’établissement du diagnostic, s’il est au faîte des avancées de la science médicale qu’il doit maîtriser. L’erreur devient donc tolérable, mais plusieurs erreurs dans les mêmes circonstances constitueraient une faute et la faute ici sera synonyme de négligence, d’incompétence et d’absence de maîtrise de l’outil médical. Le droit médical doit limiter ces erreurs, ces fautes dans l’établissement du diagnostic. Les règles du droit médical une fois connues des personnels de santé permettront nous n’en doutons pas une prise de conscience, parce que la médecine ne doit pas être exercée de manière expéditive. Les médecins en dispensant leurs actes de soins doivent prendre toute la mesure des actes qu’ils posent. C’est la rigueur qui doit prédominer dans la prise de décision. Nous ne 285 montrons pas du doigt tous les médecins et agents de santé de Côte d’Ivoire, mais nous voulons indexer cette catégorie de soignants qui ont fait de la négligence dans l’exécution de leur mission une seconde nature. Il faut qu’ils comprennent que tôt ou tard, ça sera la fin de l’impunité dans nos hôpitaux parce que les patients commenceront à ouvrir les yeux et la justice sera saisie dès le premier manquement à l’obligation des personnels de santé de dispenser les soins selon les règles sanitaires en vigueur. Pour revenir à l’exemple que nous avons cité, précisons que la famille du jeune homme décédé, aidée de l’association orphelins secours Côte d’Ivoire a porté plainte devant les tribunaux compétents et nous espérons que cette plainte aboutira à une condamnation. Une lueur d’espoir est tout de même entrain de voir le jour. Le nouveau ministre de la santé à décidé de mettre fins aux maux qui minent le système sanitaire ivoirien. Le mauvais état des locaux, la précarité de l’hygiène des agents et l’inexistence du tri de déchets médicaux (toutes choses qui entrainent l’accroissement de la prévalence des infections nosocomiales). Problèmes, auxquels il faut ajouter l’accueil discourtois et antipathique des patients, des ordonnances préétablies par certains délégués médicaux et des tarifs variables très souvent majorés et des médecins qui s’érigent en régisseurs de recettes, sont aujourd’hui dans le viseur du ministre. Pour faire face, le ministère de la santé a décidé d’assurer la formation du personnel en milieu hospitalier, de faire un plaidoyer pour la création d’une ligne budgétaire affectée à l’hygiène hospitalière et à la gestion des déchets. Le ministère a aussi pris des dispositions en vue de diffuser les textes régissant les établissements sanitaires publics (nous jugeons inadmissible l’inexistence de la charte du patient hospitalisé dans de nombreux hôpitaux publics du pays). Le ministère a également pris l’engagement de sanctionner les agents responsables d’infraction et d’octroyer une prime au meilleur agent de santé de chaque service (mesures que nous 286 partageons sans aucune réserve). Ces recommandations seront suivies grâce à la mise en place d’un organe de veille qui constituera une voie de recours aussi bien pour les usagers que pour les agents de santé140. Nous pouvons constater que le ministère de la santé veut mettre les patients et les personnels de santé devant leur responsabilité. Cet organe doit non seulement permettre d’améliorer les relations en médecins et patients, mais il doit aussi favoriser la bonne marche de la structure hospitalière en facilitant les rapports entre les différents acteurs du monde médical ivoirien. II - LE DROIT POUR REGULER L’EXERCICE DE LA MEDECINE ENTRE SES DIFFERENTS ACTEURS A/ LE DEVOIR DE CONFRATERNITE ENTRE MEDECINS La notion de confraternité est liée aux professions libérales. Elle ne fait pas l’objet d’une définition précise, mais on peut dégager deux aspects : Premièrement, c’est un code de bonnes relations entre membres d’une même profession libérale, qui provient de la concurrence et de la nécessité de l’organiser. C’est pourquoi, lorsqu’il reçoit un patient qui vient d’abandonner un confrère, le médecin doit théoriquement prendre contact avec ce dernier. Deuxièmement, il n’y a pas de hiérarchie entre médecin. Le diagnostic ou la thérapeutique de l’un vaut celui ou celle d’un autre. Cette indépendance a aussi un aspect économique puisque les médecins ne doivent pas avoir de relations financières entre eux. La dichotomie (partage des honoraires versés par un patient 140 Fraternité Matin : AKA Ouelé fait mettre le doigt sur les maux qui minent les structures sanitaires. Jeudi 01 juillet 2010. Franck YEO. 287 entre son médecin et celui d’une clinique où son médecin l’a incité à faire tel examen, par exemple) est une faute professionnelle grave. Cette absence de relations hiérarchiques et financières a été un élément de blocage pour la création des cabinets de groupe, qui impliquent des relations financières entre plusieurs médecins141. Dans l’exercice de leur mission, les médecins travaillent très souvent les uns avec les autres. Cette situation peut être par moment difficile à gérer. Nous savons tous que pour qu’un travail d’équipe soit efficace, il faut une certaine entente entre les membres de ladite équipe. Le milieu hospitalier est le lieu où l’union des personnels médicaux fait sans aucun doute leur force. Aucun médecin, aucun professeur de médecine, aucune infirmière ou sage femme ne peut réaliser seul ce travail complexe sans l’appui des autres. La nécessité d’unir tous les esprits dans l’entente et la cohésion doit être le premier objectif des différents personnels précités, cela dans l’intérêt des patients. C’est pourquoi, le CDM142 ensemble de règles morales autrefois, ayant aujourd’hui une réelle force juridique se charge de définir les devoirs et garantir les droits des médecins. Le CDM « … s’impose aux médecins inscrits au tableau de l’ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 4112-7 du code de la santé publique ou par une convention internationale, ainsi qu’aux étudiants en médecine effectuant un remplacement ou assistant un médecin »143. Ce code s’applique aussi bien aux médecins exerçant à titre libéral (en cabinets de ville ou en cliniques privées) qu’aux médecins exerçant en milieu hospitalier. En Côte d’Ivoire, c’est donc le CDM qui fixe les conditions d’exercice des médecins. En son titre IV, il fait état des devoirs de confraternité que doivent avoir les médecins 141 André DEMICHEL, le droit de la santé, les Etudes Hospitalières. Septembre 1998, p 25. Code de Déontologie Médicale. 143 Droit de la santé publique, Jacques MOREAU, Didier TRUCHET. Dalloz 6° édition, janvier 2004, P 199. 142 288 les un envers les autres. Il parle des bonnes relations que doivent entretenir les médecins, de leurs relations face à certaines situations plus ou moins difficiles. Il règlemente la gestion de la clientèle médicale. Enfin lorsque deux médecins se retrouvent sur un même dossier, le CDM tranche en faveur du bien être du patient. Mais le code ne dit pas comment doit réagir un médecin face à une violation des droits d’un patient par l’un de ses confrères ? Doit-il le dénoncer ? Ou s’abriter sous le devoir de confraternité et dissimuler les faits venus à sa connaissance ? Le devoir de confraternité sous entend qu’un médecin commettrait une faute déontologique s’il critiquait la manière dont l’un de ses confrères a soigné un patient. En Côte d’Ivoire, le droit du secret médical, le droit du patient dans le choix de son médecin, les droits les plus élémentaires du patient sont constamment violés par le personnel hospitalier. Le devoir de confraternité entre médecins ne doit pas selon le CDM servir à cacher des faits et gestes déplacés des médecins ni à protéger ces derniers lorsqu’ils commettent des actes répréhensibles à l’égard de leurs clients et patients. Le droit et plus précisément le droit médical doit non seulement servir à régir les relations entre médecins et patients mais il doit aussi être au centre des relations entre médecins et enfin, il doit rendre plus fluides les relations entre les médecins et les autres professions paramédicales surtout les agents de santé : (infirmiers, infirmières et sages-femmes) qui par moment sont banalisées par les médecins. B/ LE DROIT POUR REGLEMENTER LES RELATIONS ENTRE LES MEDECINS ET LES AUTRES PROFESSIONS PARAMEDICALES Nous le redisons encore une fois, les professeurs de la faculté de médecine et les médecins exerçant dans nos hôpitaux détiennent un très grand pouvoir face à leurs 289 étudiants pour les premiers et face à leurs patients pour les seconds. Cette place originale des médecins par rapport aux autres personnels de l’hôpital leur procure un véritable pouvoir parce que bénéficiant d’un traitement spécifique. Au sein des hôpitaux, ce sont très souvent les infirmiers, les infirmières, les sages-femmes, les garçons et filles de salle et certains auxiliaires médicaux qui subissent quotidiennement les foudres des médecins. Avec leurs collègues pharmaciens et chirurgiens dentistes, les relations sont par moment concurrentielles ou même conflictuelles alors qu’elles ne le devraient pas. Le CDM en son article 72 fixe des règles afin que les médecins au cours de l’exercice de leur profession n’empiètent pas sur les prérogatives des autres professions paramédicales et respectent celles-ci. Ceci dans l’intérêt et pour le bien-être des patients. Selon l’article 72 du CDM, les médecins doivent respecter l’indépendance des membres des professions paramédicales, notamment les pharmaciens, les chirurgiens dentistes, les sagesfemmes, les infirmiers et infirmières. Ils doivent éviter tout agissement injustifié tendant à leur nuire et se montrer courtois à leur égard. L’article 72 précise aussi que le médecin et le pharmacien doivent vivre en bonne harmonie pour le bien être du public. D’où l’impartialité que doit observer le médecin à l’égard des différents pharmaciens installés dans la localité où il exerce. Il ne doit donc pas conseiller à ses patients un pharmacien donné mais plutôt laisser au patient le choix de son pharmacien. Le médecin ne doit porter aucune critique ou jugement sur tel ou tel pharmacien. Concernant encore les pharmaciens, deux décisions de justice font état de l’introduction récente du droit dans les règlements des conflits opposant l’ordre des pharmaciens à ses membres. En effet, par un pourvoi du 20 juillet 2000, un pharmacien attaque une décision du conseil de discipline de l’ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire qui vient de lui interdire d’exercer pendant deux ans 290 parce qu’il détient deux pharmacies, l’une en Côte d’Ivoire et l’autre au Mali. La Cour Suprême dans une première décision144 annule la sanction de l’ordre et du même coup la décision du ministre de la santé de fermer la pharmacie se trouvant sur le territoire ivoirien au motif que selon l’article L 575 du CSP, le pharmacien ne peut être propriétaire que d’une seule officine sur le territoire national. Mais dans une seconde décision la même Cour Suprême répond favorablement à une requête en rétractation de l’arrêt du 26 décembre 2001 émise par l’ordre des pharmaciens au motif que le pharmacien au moment de son recours était forclos145. Nous pouvons nous rendre compte que les affaires arrivent à la justice en général parce que les demandeurs et les défendeurs sont eux-mêmes du corps médical. Les uns désireux de protéger leurs intérêts et les autres défendant la corporation. Mais dès lors que ces affaires concernent la partie du peuple mal instruite et peu informée, elles restent très souvent dans les tiroirs des ministères ou des hôpitaux. Les rapports des médecins avec les agents de santé doivent être fondés sur certains principes. Le respect et la courtoisie doivent régir ces relations. Ce sont les agents de santé infirmiers, infirmières et sages-femmes qui sont chargés de suivre et faire appliquer les prescriptions des médecins auprès des patients. Tout conflit avec ces derniers ne fera que rendre plus difficile la tâche des médecins et par la suite dégrader leur image dans l’opinion. Dans ces relations, il faut favoriser la communication. Dans de nombreux cas, les infirmiers et infirmières se plaignent de ne pas être souvent informés de ce que les médecins disent aux personnes hospitalisées. Mais dans l’autre sens, les infirmiers doivent eux aussi rendre compte des observations faites lors des visites. Le droit doit donc s’installer très confortablement dans la gestion de nos hôpitaux et faire partie intégrante des rapports 144 145 C Sup, Ch. Ad, 26 décembre 2001. DOUMBIA Mohamed/l’ordre national des pharmaciens de Côte d’Ivoire. C Sup Ch Ad, 26 mai 2004. Conseil national de l’ordre des pharmaciens/DOUMBIA Mohamed. 291 entre les différents acteurs du monde médical. Toute violation de ces règles doit conduire à la prononciation des sanctions prévues telles que l’interdiction temporaire d’exercice ou même la radiation définitive du médecin indiscipliné. Pour une application rigoureuse de tous ces principes, il faut que le droit médical soit enseigné dans nos facultés de médecine, de droit et dans nos instituts de formation afin que nos étudiants, élèves et futurs personnels de santé prennent conscience de leur rôle dans la relation entre soignants et patients. III - L’ENSEIGNEMENT DU DROIT MEDICAL POUR UN EQUILIBRE DANS LES RELATIONS ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS L’enseignement du droit médical dans les structures de formation ivoiriennes a pour but de situer les responsabilités. Celles du corps médical dans un premier temps, et celles des patients ensuite. Elles n’ont pas la même importance parce que dans ce rapport les premiers ont plus de probabilité de commettre un acte répréhensible. En effet, c’est sur le corps médical que repose en grande partie la bonne marche de la relation entre soignants et patients. C’est donc le droit médical qui à travers son enseignement doit permettre à nos personnels de santé d’acquérir une certaine conscience professionnelle qui facilitera la relation. Le droit médical il est vrai permet de situer les responsabilités, mais il offre aussi l’occasion de régler les conflits pouvant naître de la relation entre médecins et patients. La Côte d’Ivoire nous l’avons déjà dit n’est pas vraiment avancée en matière de droit médical. Il y’a dans notre système de santé une totale ignorance en ce qui concerne les règles liées à la sécurité des patients. Selon monsieur Adama YEO, auteur d’un article sur le sujet : « le constat est que la sécurité du patient n’est pas toujours la priorité des professionnels de la santé 292 ni celle des pouvoirs publics. L’illégalité qui marque l’exercice de la médecine et la sécheresse des actions en réparation contre les services hospitaliers soutiennent cette affirmation »146. C’est pourquoi nous préconisons la mise en place d’un système juridique qui aura pour but d’encadrer l’exercice de la médecine et ses conséquences dans le pays. Nous prendrons comme modèle d’appui le système français. Nous pensons très sérieusement que la France est très avancée dans ce domaine et son expérience doit servir de source d’inspiration à notre pays. De nombreuses lois ont été édictées en France pour régir le secteur, mais la loi du 4 mars 2002 (dite loi KOUCHNER) relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé est celle qui se rapproche le plus de ce que nous voulons pour notre nation. Cette loi, enseignée dans les facultés de droit et de médecine en France pose les bases de la relation soignants/soignés tout en situant les responsabilités. Elle essaie de faire un équilibre afin de ne léser personne. C’est ce que nous devons apprendre et faire comprendre à nos futurs personnels de santé si nous voulons obtenir de meilleurs résultats. Mais avant d’étudier cette loi Kouchner, nous examinerons comment les médecins au cours de leur formation devaient faire face à leurs responsabilités dans leur relation avec les patients avant son entrée en vigueur. A/ LES RELETIONS MEDECINS /PATIENTS FACE AU DROIT 1) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE AVANT LA LOI DU 4 MARS 2002 « Les lacunes de la réflexion sur les questions juridiques et éthiques autour de la santé caractérisent non seulement le Sénégal, mais aussi la plupart des autres pays 146 Adama YEO. La problématique de la mise en œuvre de la responsabilité médicale en Côte d’Ivoire. Revue générale de droit médical n° 28, septembre 2008, p 229. 293 francophones d’Afrique. Elles s’expliquent en très grande partie par l’absence de formations académiques spécialisées dans le droit de la santé. Elles se traduisent par des retards notables dans les débats scientifiques, par l’absence de codes de la santé dignes de ce nom dans la plupart des pays africains francophones et par des vides juridiques notables… »147. Ces mots du rapport de présentation du décret instituant le DEA148 en droit de la santé à l’université Cheikh ANTA-DIOP de Dakar illustrent bien la situation de la Côte d’Ivoire et des autres pays du continent en matière de droit de la santé. Nous ne possédons pas encore ou plutôt nous ne voulons pas faire l’effort de posséder le savoir nécessaire permettant de mettre en place tout ce qui entoure la mise en œuvre du droit de la santé. Le droit de la santé est une nouvelle discipline que s’accaparent les juristes et les médecins, mais aussi beaucoup d’autres professions. Le développement du droit de la santé est donc fondamental pour permettre l’implication des citoyens dans un accès juste et équitable à la santé. Pour cela, il est nécessaire aujourd’hui pour nous Ivoiriens et Africains de développer des enseignements appropriés de haut niveau, destinés à former des spécialistes qui seront en mesure de favoriser une mise à jour et une harmonisation des législations. Il faudra aussi mettre en place les structures qui permettront l’application de ces nouvelles règles et contribuer ainsi à la consolidation de l’Etat de droit. Mais pour atteindre ces objectifs, nous pensons qu’il est important de s’inspirer de modèles, qui n’ont peut être pas résolus tous les problèmes mais qui ont quand même fait leurs preuves. L’enseignement du droit médical et de la santé en France peut dans ce contexte nous apporter quelques éléments de réponse. 147 Droit et santé en Afrique : actes du colloque international de Dakar, 28 mars – 1 avril 2005. Première animation scientifique régionale du réseau « droit de la santé » de l’AUF (agence universitaires de la francophonie). Les Etudes Hospitalières. P 19. 148 DEA : Diplôme d’Etudes Approfondies. 294 Avant la loi de 2002 qui pose les bases d’une relation équilibrée entre personnels de santé et patients, le droit médical était enseigné en France selon d’autres principes. Les médecins n’avaient pas tous des notions de droit médical. En plus, les règles juridiques qui existaient donnaient l’impression d’être du côté des médecins. Mais depuis quelques années et surtout avec l’avènement de la loi du 4 mars 2002, différentes juridictions interviennent dans la relation entre le corps hospitalier et les patients. Il nous semble aujourd’hui que procurer des soins à un patient ou vouloir lui sauver la vie n’est plus une chose aisée. Les patients n’hésitent plus à traduire les médecins ou les hôpitaux devant la justice dès qu’une erreur ou un accident médical se produit au cours d’une intervention. Cet état de fait vaut pour la France et nous souhaiterions que cela soit le cas en Côte d’Ivoire. Dans l’accomplissement de leur mission, les personnels de santé « prennent certains risques ». Qu’ils soient français ou ivoiriens, ceux-ci doivent être formés aux règles juridiques qui régissent leur univers de travail. Certains diront que les médecins et les personnels de santé ont déjà énormément de connaissances à acquérir lors de leur formation initiale, pourquoi vouloir y ajouter le droit ? Tout simplement parce que le monde de la médecine comme de nombreux autres secteurs d’activité n’échappent pas à la déferlante juridique. Au cours des années, la responsabilité médicale et hospitalière a connu une évolution considérable. Les patients en France n’hésitent plus à demander des comptes. Chaque année, à l’hôpital ou dans les cabinets de ville, des malades contractent des infections au cours de leur séjour à l’hôpital. Des opérations peuvent mal se passer. Plus de 600.000 accidents médicaux sont recensés et plus de 100.000 procédures sont engagées devant les tribunaux, les commissions de conciliation, devant le conseil 295 de l’ordre également garant de la déontologie des médecins.149 Tous ces problèmes touchent le système de santé ivoirien. L’ignorance des patients sur leurs droits est très importante dans le pays. Compte tenu du fait que les médecins et les agents de santé ne maîtrisent pas vraiment leurs droits, il est très rare, voire même inimaginable à ce jour qu’un patient ou un groupe de patients décident d’entamer une action en justice pour obtenir réparation après avoir été victime d’infection nosocomiale ou à la suite d’un accident médical. Néanmoins, certaines personnes osent porter les affaires les concernant devant les tribunaux. Mais les choses avancent lentement parce que les organismes ou les institutions chargés de suivre ces procédures ne sont pas mis en place ou s’ils le sont, ils ne fonctionnent pas correctement pour traiter ou même prendre en considération ces faits. Les bases n’ont pas été posées et nous pouvons sans risque de nous tromper dire que nous naviguons à vue. La connivence de nos dirigeants politiques avec les responsables hospitaliers permet d’étouffer les procédures lorsqu’elles sont engagées. Les patients très souvent ne pensent même pas un instant porter ce genre de problème devant les juridictions compétentes, parce qu’ils savent qu’au bout du compte ils n’auront jamais gain de cause. Si les étudiants au cours de leur formation avaient eu quelques notions de droit médical, de droit en tant qu’élément d’équilibre ou de droit en tant qu’élément de rigueur nous n’en serions pas là aujourd’hui. Il faut le reconnaître, notre système de santé dans son ensemble est « pourri »150. Les autorités ne font pas leur travail et ceux qui sont censés bénéficier du savoir ne peuvent pas aller au fond des choses par manque de moyens ou tout simplement parce que la formation en elle-même est viciée. Cela provoque un retard chez nos étudiants qui ne savent que soigner, qui ne font que soigner sans se 149 L’EXPRESS, Estelle SAGET, Delphine SAUBABER et Anne VIDALIE. 30 novembre 2006. P 40. Les maux qui gangrènent le système de santé : corruption, négligence et incompétence de certains personnels de santé. 150 296 préoccuper de tout ce qui gravite autour, à savoir la gestion des relations avec les malades. Le droit permet une sorte de partenariat entre patients et médecins. Il ne doit pas être perçu comme un objet de conflit mais plutôt comme un élément d’apaisement en cas de problème. En Côte d’Ivoire, les patients sont donc livrés à eux même face à un système qui ne les protège pas, qui ne leur offre pas de garantie ou tout simplement les ignore. Si les médecins étaient formés au droit en général et au droit médical en particulier, nous pensons que les choses se passeraient différemment. Le juge judiciaire et le juge administratif ont orienté leur jurisprudence en France dans un sens généralement favorable à la victime. Selon eux, le patient a droit à la réparation d’un préjudice « anormal » au regard de son état de santé, de son évolution prévisible et des risques du traitement. Cette façon de voir des juges a sans doute donné aux médecins, agents de santé et aux établissements de santé le sentiment d’être automatiquement condamnés. Même si la responsabilité à laquelle ils doivent faire face reste une responsabilité pour faute prouvée. Prouver la faute pour nos compatriotes en cas de dommage est un exercice où ils sont sûrs de sortir perdants. Les victimes veulent comprendre ce qui leur arrive, cette situation peut même entrainer des dommages psychologiques. Pour que tout le monde sorte satisfait de ce genre de situation, les procédures devant conduire à une probable réparation ne doivent donc pas être bâclées. Les personnels de santé et les établissements de santé doivent faire face à trois juridictions différentes, juridictions qui existent en France mais aussi en Côte d’Ivoire. Nous avons décidé de mettre l’accent sur ces juridictions afin de familiariser les personnels de santé de Côte d’Ivoire à celles-ci. Nous pensons que plus de la majorité 297 des personnels de santé de notre pays ne connaissent pas ou ignore même l’existence de ces juridictions. a- Les juridictions compétentes - Le juge judiciaire civil Il compétent pour connaître des actions intentées par les victimes contre les professionnels et établissements de santé privés y compris ceux participant au service public hospitalier. Il est également pour les actions visant les professionnels de santé délivrant exceptionnellement des soins à titre libéral dans des établissements de santé public ainsi que pour les fautes personnelles qui sont d’une certaine gravité et souvent intentionnelles (qui s’opposent à faute de service) des professionnels de santé des établissements publics. Il est enfin, pour l’hospitalisation d’office abusive des malades mentaux même lorsqu’elle est due à un vice de l’arrêté préfectoral. Nous sommes ici dans le cadre de la responsabilité médicale en droit privé. Il s’agit de la responsabilité des cliniques privées. Ces cliniques, nous l’avons déjà dit sont de plus en plus nombreuses dans notre pays, cela est dû à la défaillance de nos hôpitaux publics. Cette responsabilité contractuelle entre le médecin, la clinique et le patient a pour base l’arrêt Mercier151. - Le juge judiciaire pénal Il compétent pour infliger des sanctions pénales aux professionnels de santé et depuis 1994, aux établissements de santé dans les conditions de l’article 121-2 du code pénal (C.pén). - Le juge administratif 151 Arrêt Mercier, Cass, civ. 1, 20 mai 1936 pose le principe de la nature contractuelle des obligations du médecin à l’égard de son patient. 298 Il compétent pour connaître des actions intentées contre les établissements de santé publics par les patients, sauf les cas déjà pris en compte par les juridictions précédemment citées. Le juge administratif est compétent pour les cas de responsabilité extracontractuelle, ce qui n’est pas non plus une responsabilité individualisée. Ce qui est mis en cause ici, ce n’est pas le médecin, l’infirmier, la sagefemme etc… c’est la personne morale de droit public qui est l’hôpital. A une certaine époque, le juge administratif se montrait peu généreux à l’égard des victimes parce qu’il paraissait très difficile de mettre en cause l’administration. Mais les choses se passent différemment actuellement. A côté de ces juridictions, il est important pour nous de faire comprendre à notre population mais aussi au corps médical que les médecins et les agents de santé ou selon les cas les établissements qui les emploient peuvent commettre des erreurs ou des fautes et faire ainsi objet de poursuite. Ces notions de faute et d’erreur si elles avaient été inculquées et apprises au cours de la formation soit à la faculté de médecine soit dans nos instituts de formation auraient évité de nombreux désagréments au sein de nos structures de soins. b - La responsabilité médicale devant le juge judiciaire - La responsabilité civile du médecin La responsabilité civile du médecin envers le malade est appréciée par le juge judiciaire dans les conditions du droit privé commun. Elle est contractuelle lorsqu’il y’a contrat médical (article 1147 du code civil), délictuelle ou quasi délictuelle dans les autres cas (article 1382- 1384 du code civil). - La responsabilité pour faute (La responsabilité du médecin). 299 La responsabilité pour faute est engagée lorsqu’une faute même légère est susceptible d’engager la responsabilité du médecin. La faute résulte dans ce cas d’un manquement à l’obligation qui pèse sur le médecin, elle est appréciée cas par cas en fonction du comportement qu’a le médecin. Ici, on se pose la question de savoir quel comportement aurait adopté dans les mêmes conditions un autre médecin normalement compétent et consciencieux. La jurisprudence tient compte ici des difficultés de l’art médical : ainsi, une erreur de diagnostic n’est fautive que si elle révèle une méconnaissance de la pathologie élémentaire, ou résulte d’une négligence manifeste. Le choix d’une indication thérapeutique qui se révèle malheureuse est rarement considéré comme une faute en raison de la liberté de prescription du médecin. La mauvaise exécution du traitement et l’insuffisance des précautions nécessaires fournissent des exemples nombreux de fautes : citons par exemple la maladresse du chirurgien qui est aujourd’hui systématiquement considérée comme une faute au point que beaucoup d’auteurs l’analysent comme un manquement à une obligation de résultat. Il y’a aussi faute lorsque le médecin n’a pas suffisamment informé le malade ou a négligé d’en recueillir le consentement. D’une manière générale, la jurisprudence s’inspire des données actuelles de la science et considère qu’un médecin doit agir conformément, non pas aux découvertes les plus récentes, mais aux enseignements diffusés dans la littérature récente152. Dans un pays où la formation continue est dans la majeure partie des cas due à la seule initiative du médecin, l’unique défense de ce dernier sera d’évoquer l’accès difficile à l’information parce que les autorités en amont n’auront pas joué leur rôle. C’est aux médecins de se tenir informer de l’évolution de la science qu’il exerce, mais c’est aussi aux autorités de permettre un accès plus facile à 152 Droit de la santé publique, Jacques MOREAU, Didier TRUCHET, P 227. Edition Dalloz, janvier 2004. 300 la formation continue à travers l’organisation de séminaires, colloques, conférences entre les médecins de ivoiriens et ceux de pays plus avancés dans le secteur. - La responsabilité de l’établissement privé En ce qui concerne l’établissement de soin privé, il répond des fautes commises dans l’exécution des obligations que lui impose le contrat d’hébergement et de soins qu’il a conclu avec le patient. L’établissement peut être déclaré responsable des fautes de son médecin nonobstant l’indépendance professionnelle de ce dernier, mais à condition que celui-ci soit son salarié. Toutefois, l’établissement pourra engager une action récursoire, c'est-à-dire qu’il pourra se retourner contre le médecin ou son assureur. Nous l’avons déjà dit, les patients qui contractent avec les cliniques privées sont pour la plupart instruits et disposent de moyens financiers. Ils ont donc les moyens de poursuivre ces cliniques parce que, étant souvent en rapport avec des avocats. Ils n’ignorent pas les règles juridiques et s’intéressent de très près à ce qu’on leur fait à l’hôpital contrairement aux patients qui se tournent vers les hôpitaux publics, plus modestes et moins instruits. - La charge de la preuve Pour tous ces cas, c’est à la victime qu’il revient d’établir la preuve des faits reprochés, ce qui n’est pas évident en matière médicale, la victime n’étant pas dans de nombreux cas professionnelle de santé. Le juge peut donc ici recourir à une expertise pour alléger la tâche de la victime. Mais dans les années 1990, la jurisprudence a renversé la charge de la preuve en la faisant peser sur le médecin ou l’établissement lorsque prouver la faute était très difficile pour la victime (le cas des infections nosocomiales). Pour la jurisprudence, le contrat d’hospitalisation et de soins conclu entre le patient et un établissement de santé met à la charge de ce dernier une 301 obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. c- La responsabilité hospitalière devant le juge administratif La responsabilité de l’établissement d’hospitalisation du fait de dommages subis par les usagers est appréciée conformément au droit commun de la responsabilité administrative. Elle incombe exclusivement à l’établissement de santé public, et jamais à ses agents, quand bien même la faute de service à l’origine du dommage serait de leur fait. Il n’en va autrement que dans le cas, en pratique très rare, où ils auraient commis une faute personnelle. - La responsabilité pour faute de service simple Deux arrêts de section du Conseil d’Etat, Mme veuve Loiseau et Philiponneau, du 8 novembre 1935 avaient imposé une distinction : la mauvaise organisation du service et « l’acte de soin ou acte courant et de caractère bénin » engageaient la responsabilité de l’établissement pour faute simple. Ces actes sont tous ceux réalisés par les infirmiers, aides soignants (injection, pansement, le nettoyage d’une plaie par exemple). A côté, l’« acte médical », acte d’une particulière difficulté, accompli le plus souvent mais pas forcément par un médecin ou un chirurgien ou sous la responsabilité de ces derniers engageait cette responsabilité pour faute lourde. Cette dichotomie entre actes médicaux et actes de soins remonte à un arrêt de 1935 Dame veuve Loiseau. Pendant près de 60 ans, la jurisprudence n’a plus bougé. Il a fallu attendre les années 1990 pour voir l’important arrêt madame V rendu en assemblée le 10 avril 1992 pour assister à un revirement de jurisprudence. Cet arrêt a renoncé à l’exigence d’une faute lourde. Désormais, toute faute de service (sans 302 condition particulière de gravité) est susceptible d’engager la responsabilité de l’hôpital public, quelle que soit l’activité au cours de laquelle elle a été commise. En résumé, la responsabilité de l’hôpital quel que soit l’acte à l’origine du dommage peut être engagée pour faute simple. Ainsi, une décision rendue par la Cour Suprême de Côte d’Ivoire dans une affaire qui concerne une clinique privée, donc le droit privé pour essayer de faire le lien avec ce que nous venons de dire, affirme que : « une clinique est responsable civilement du préjudice du fait du matériel et de son personnel dès lors que d’une part, la preuve des brûlures subies par le patient et le lien de causalité entre celles-ci et son opération exécutée dans les locaux de la clinique sont établis et que d’autre part, une faute pour inobservation de l’obligation générale de prudence et de diligence pèse sur le personnel infirmier ; Par conséquent, la clinique doit réparer le préjudice »153. La responsabilité n’est pas automatique. Le juge prend en considération toutes les circonstances de l’affaire pour décider de la responsabilité de l’établissement. Il tient aussi compte de la difficulté de l’activité au cours de laquelle est survenu ce dommage. Les hypothèses de mauvaise organisation ou de fonctionnement défectueux du service sont très diverses et étroitement liées aux circonstances de fait. On y trouve par exemple les erreurs administratives (telles que le mauvais acheminement d’un dossier), des retards (à l’admission, dans les soins, dans la réaction à l’aggravation de l’état du malade), des relations défectueuses entre les médecins et le personnel, la mauvaise utilisation du matériel ou les défectuosités de celui-ci, des défauts de surveillance (hypothèse fréquente, notamment dans les hôpitaux psychiatriques), 153 C Sup Ch. Jud, 08 octobre 1999. Clinique Médicale Trade Center/Dame Costa Bibiana. 303 l’absence d’un agent qualifié qui aurait dû être présent (en particulier, d’un médecin anesthésiste). Le juge tient compte des moyens de toute nature que possédait l’établissement lorsque, ces moyens sont ceux dont il disposait en fonction de sa catégorie. Une insuffisance à ce niveau ne constituant pas une faute. En revanche, l’absence ou la mauvaise utilisation de moyens par l’hôpital peut constituer une faute. Les erreurs, maladresses, négligences au cours des actes de soins (injections, perfusions, administration des médicaments prescrits, massages et actes de rééducation, toilette du malade) constituent aussi une faute. Pour les actes médicaux, erreurs et négligences lors d’un traitement ou une opération que n’excusent ni l’état du patient, ni la difficulté de l’acte tel que l’oubli d’instrument dans le corps du malade le juge est moins tolérant. Il l’est aussi pour les maladresses des chirurgiens et pour les erreurs de diagnostic surtout si le médecin a ignoré des signes cliniques qui auraient dû normalement attirer son attention ou s’il a négligé de prescrire les examens et investigations recommandés dans le cas traité. La mauvaise indication thérapeutique n’est pas systématiquement sanctionnée par le juge puisque ici, il prend en compte la difficulté technique. Mais cela varie souvent en fonction du cas d’espèce. Le juge ne sanctionne pas les choix illégitimes même malheureux, les risques pris dans la limite du raisonnable, les erreurs vénielles, surtout lorsque l’urgence, l’état du malade, la difficulté particulière de l’acte ou l’absence d’alternative thérapeutique expliquent le comportement du praticien. En revanche, les attitudes désinvoltes, les négligences, les imprudences caractérisées, la méconnaissance des usages et de la littérature médicale, une appréciation très défectueuse du rapport « avantages / risques » du traitement l’inclinent à la condamnation. 304 En ce qui concerne la preuve, conformément aux principes généraux, la preuve de la faute et celle du lien de causalité entre celle-ci et le dommage incombent à la victime, qui doit également établir l’existence et la gravité du dommage. En première instance, le juge ordonne toujours des expertises. Le juge administratif qui a allégé la charge de la preuve de manière plus précoce et importante que le juge judiciaire se contente parfois pour condamner l’établissement d’une présomption de faute ou d’une présomption de causalité. Il ne le fait pas systématiquement, mais de plus en plus fréquemment lorsque le dommage dont l’origine précise n’a pu être établie de manière certaine apparaît à ce point anormal qu’il révèle une faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service (c’est le cas des infections nosocomiales et des dommages provoqués par des actes courants et normalement sans danger). - L’application jurisprudentielle de la responsabilité sans faute de l’établissement La jurisprudence administrative est réticente à appliquer la responsabilité sans faute en matière hospitalière. Elle l’a longtemps confinée d’une part aux collaborateurs bénévoles du service public hospitalier (membres d’une association d’aide aux malades : Conseil d’Etat, 31 mars 1999, hospices civils de Lyon) et d’autre part aux dommages subis par les donneurs de sang, et à ceux que provoquent des malades psychiatriques bénéficiant d’une sortie alors qu’ils sont hospitalisés sans leur consentement.154 La jurisprudence a par la suite étendu cette responsabilité dans deux décisions au champ d’application étroit mais spectaculaire : La première, celle de l’arrêt concernant les époux Gomez, dans laquelle la cour établit que : « L’utilisation non fautive d’une thérapeutique nouvelle dont les conséquences ne sont pas encore entièrement connues, sans que des raisons vitales aient 154 Ibid, P 230. 305 commandé cette utilisation, ayant eu des conséquences particulièrement graves et anormales engagent la responsabilité de l’établissement public (cour administrative d’appel CAA Lyon, 21 décembre 1990, époux Gomez) ». La seconde en rapport avec l’arrêt Bianchi où « l’acte médical nécessaire, créant un risque dont l’existence est connue mais la réalisation exceptionnelle ayant provoqué un dommage extrêmement grave sans rapport avec l’état initial du patient et son évolution prévisible engage la responsabilité du service si l’exécution de cet acte est la cause directe du dommage. Peu importe que le dommage soit en rapport avec l’état initial du patient ou avec l’évolution prévisible dudit état, présentant un caractère d’extrême gravité (Conseil d’Etat, 9 avril 1993, Bianchi) ». Aujourd’hui les choses ont pris une tournure différente. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2002, la priorité est donnée à l’équilibre dans les relations médecins/patients. L’équilibre, c’est cela même le droit. C’est pourquoi nous insistons pour que nos personnels de santé s’imprègnent de ces éléments juridiques pour mieux servir les populations. 2) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE DEPUIS LA LOI DU 4 MARS 2002 La loi du 4 mars 2002 dite loi Kouchner constitue la première intervention du législateur dans la responsabilité médicale et hospitalière. Avant, il n’avait institué que des régimes spéciaux et c’était la jurisprudence judiciaire et administrative qui appliquait et adaptait le régime de droit commun. Cette loi intégrée au code de la santé publique aux articles L 1142-1 à L 1142-28 et D 1142-1 à R 1142-58, chapitre intitulé « risques résultant du fonctionnement du système de santé » (CSP) confirme, aménage ou innove totalement les règles jurisprudentielles. 306 La santé n’est plus en ce début de millénaire ce qu’elle était il y’a quinze ou vingt ans. Le patient entend dorénavant jouer un rôle essentiel dans la prise de décisions qui affectent sa santé. Le malade se voit à présent placé au cœur du processus décisionnel, érigé en consommateur de soins, il revendique davantage de sécurité sanitaire et certains droits que le législateur vient de lui accorder. De son côté, le professionnel de santé est tenu d’exercer une activité soumise à des contraintes à la fois scientifiques et juridiques sans cesse croissantes. L’ignorance (dans certains cas) ou le non respect des ces obligations est source de nombreuses responsabilités que le praticien appréhende souvent mal. a- Observations générales - Unité de règles et dualité de juridictions La loi de 2002 concerne les professionnels de santé et tout établissement ou service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de préventions, de diagnostics ou de soins selon l’article L 1142-1- I du CSP. La loi concerne donc le système de santé privé et public dans son ensemble. Chacun des juges judiciaire et administratif continuent de connaître des affaires qui relevaient de lui. Chaque juge peut donc interpréter différemment la loi nouvelle, ainsi les règles uniques voulues par le législateur pourraient diverger dans la jurisprudence future. - Eviter le recours au juge En l’état actuel du texte, rien n’interdit à une victime de saisir directement le juge d’une demande d’indemnité sauf à respecter la règle générale de la décision préalable qui ne permet de s’adresser au juge administratif qu’après avoir obtenu une décision défavorable de l’autorité administrative : art R 421-1 CJA.155 Cependant, on verra que 155 CJA : code de justice administrative 307 le législateur a institué des procédures de conciliation et de règlement amiable qui devraient éviter le recours au juge si elles fonctionnent bien. - Le rôle des assureurs Le législateur connaissant le rôle des compagnies d’assurance a pris en compte leurs intérêts lors de l’élaboration de la loi. Entre les intérêts des établissements et des professionnels assurés, ceux de leurs victimes et ceux des assureurs il fallait trouver un équilibre afin que les assureurs puissent couvrir les risques en toute connaissance de cause. C’est ce qu’a fait la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale qui définit la notion de sinistre au sens de l’art L 1142-2 du CSP et limite certaines obligations des assureurs. Cet article impose aux professionnels et établissements de santé de souscrire « une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative ». Seuls l’Etat et certains établissements de santé publics (sur autorisation ministérielle) échappent à cette obligation d’assurance parce qu’ils disposent d’assez de ressources financières pour être leur propre assureur. - Délai de prescription L’ article 1141-28 du CSP fixe à 10 ans à compter de la consolidation du dommage (date à laquelle on sait quelle sera l’étendue du dommage) les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics et privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin. Cette date à partir de laquelle le dommage est définitivement installé est parfois très postérieure au dommage lui-même. En matière administrative, cette prescription décennale se substitue à la déchéance quadriennale des créances sur les personnes publiques (Conseil d’Etat, avis 19 mars 2003, Haddad).156 156 Ibid, P 232. 308 b- La responsabilité de droit commun pour faute - Règles de fond Ces règles ont pour base l’art 1142-1-I, alinéa 1 du CSP qui dispose que : « hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé », les professionnels et établissements de santé « ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soin qu’en cas de faute ». Cet article confirme dans un premier temps le principe de responsabilité pour faute qu’avait affirmé la jurisprudence judiciaire et administrative antérieure. Ensuite, il empêche que le juge étende dans le champ qu’elle concerne la responsabilité sans faute en matière médicale et hospitalière. Il met également fin aux cas dans lesquels il avait appliqué cette responsabilité dans le champ d’application de la loi : il en est ainsi des jurisprudences Epoux Gomez et Bianchi. Le législateur confirme également que la preuve d’un dommage résultant d’une infection nosocomiale obéit à des règles particulières, mais substitue une présomption de responsabilité à la présomption de faute qu’avait adoptée la jurisprudence : les établissements et non les professionnels en sont responsables. Pour se dégager de cette responsabilité, ils doivent rapporter la preuve d’une cause étrangère. Selon l’article L 1142-1-I, al 2 du CSP, cette preuve est généralement impossible en pratique. - Règles de procédure Dans un premier temps, l’article L 1142-4 du CSP pose comme principe que la victime doit être informée. En effet, quiconque s’estime victime d’un dommage (ou son représentant légal ou ses ayants droit) doit être informé par le professionnel ou l’établissement de santé sur les circonstances et les causes de ce dommage. Cette information est délivrée dans les 15 jours au cours d’un entretien. Ensuite, une 309 commission régionale de conciliation et d’indemnisation prend le relais. Elle est chargée de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales et aussi aux litiges entre usagers et professionnels de santé et établissements de santé etc.… (Article L 1142-5 CSP), cet article définit les compétences très larges de la commission. La commission peut être saisie avant le juge, mais en l’absence de conciliation, la personne qui s’estime victime d’un dommage causé par une activité de prévention, de diagnostic ou de soins peut saisir le juge. c- L’indemnisation - Le champ d’application Il concerne les préjudices d’accidents (événements indissociables consécutifs aux soins) affections iatrogènes (dus aux médicaments) et d’infections nosocomiales (étrangères à l’évolution de la maladie mais contractées à l’occasion des soins). Mais selon l’article L 1142-1-II CSP, trois conditions sont à remplir : premièrement, le préjudice doit être directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soin. Ensuite, il doit avoir eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé tout comme l’évolution de celui-ci. Enfin, le préjudice doit toujours présenter un caractère de gravité fixé par décret apprécié au regard de la perte de capacité fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurée en tenant compte des taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire. Pour tous les autres préjudices, l’indemnisation se fait selon les règles du droit commun. - Engagement de la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé 310 Lorsqu’une faute est à l’origine de l’accident, de l’affection ou de l’infection, la loi du 30 décembre 2002 (avec l’article L1142-1-1 CSP) a fixé un taux d’incapacité permanente. Lorsque ce taux est supérieur à 25%, ou au pire en cas de décès, la réparation incombe à l’ONIAM157. C’est aussi le cas si ces dommages sont dus à une faute des établissements, services ou organismes qui réalisent des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins. Lorsque le taux est inférieur à 25%, ces organismes et services sont responsables des infections nosocomiales sauf s’ils peuvent prouver la cause étrangère. - Désengagement de la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé Ici, les victimes sont indemnisées au titre de la solidarité nationale. Les professionnels et les établissements de santé et leurs assureurs n’interviennent pas. La solidarité nationale est mise en œuvre lorsqu’une faute du professionnel ou de l’établissement de santé n’a été établie ou présumée dans l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale. L’article D1142-1, du CSP en son premier alinéa fixe à 24% le taux d’invalidité, en dessous, l’invalidité n’est pas indemnisée. Ensuite, lorsque l’infection nosocomiale est due à une faute de l’établissement (et non à celle du professionnel) et ayant entraîné soit une incapacité permanente supérieure à 25% soit un décès. Sous le seuil de 25%, la victime est indemnisée pour faute (présumée) selon la procédure de droit commun. Pour terminer, en cas de dommage résultant de l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme en dehors du champ de son activité de prévention, de diagnostic ou de soin. La solidarité nationale n’intervient donc que de 157 ONIAM : Office national d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales. (Établissement public à caractère administratif de l’Etat placé sous la tutelle du ministère de la santé). 311 manière subsidiaire pour des dommages d’une part d’une gravité particulière et d’autre part étrangers aux risques que comporte normalement le processus de soin. C’est donc à l’ONIAM qu’il revient de mettre en œuvre la solidarité nationale : article L1142-22 à 23 et R 1142-42 à 54 CSP. - Interférences entre la procédure juridictionnelle de droit commun et la procédure spéciale La victime peut saisir à la fois la juridiction compétente d’une action de droit commun contre le professionnel ou l’établissement qu’elle estime responsable de son dommage et la commission régionale de conciliation et d’indemnisation. Elle doit dans ce cas informer la commission et le juge ainsi que l’office lorsqu’il est amené à intervenir (dans les cas où l’office se substitue à l’assureur défaillant au titre de la solidarité nationale, article L1142-7 et 19 CSP). Dans le même temps, si le juge saisi par une action de droit commun et d’une demande d’indemnisation estime que cette dernière devrait être assurée au titre de la solidarité nationale, il appelle l’office en la cause. Celui-ci devient alors défendeur en la procédure (article L1142-21 CSP) Toutes ces mesures, ces procédures et ces institutions participent à l’efficacité du système de santé en France. En Côte d’Ivoire, l’amélioration du système devrait passer par certaines mesures, notamment : l’instauration à terme d’un système de sécurité sociale, généralisée à l’ensemble de la population, l’amélioration du niveau de la couverture sociale, par la création de nouvelles branches d’assurance (assurance maladie, assurance chômage), l’amélioration des prestations existantes à travers la clarification et l’harmonisation du cadre juridique et institutionnel, cela afin de promouvoir la sécurité sociale. Face à cette question, en l’occurrence celle de la sécurité sociale, la réforme majeure envisagée par l’Etat Ivoirien est la décision prise en janvier 2001 confirmée par la loi 312 N° 2001-636 du 9 octobre 2001 d’instaurer un système d’assurance maladie universelle (AMU). L‘adhésion de l’ensemble de la population à ce projet novateur est clairement affirmée dans les résultats des « enquêtes sur la pauvreté » conduites en 2002 par l’Institut National des Statistiques (INS). L’AMU, même si elle n’est qu’en gestation est connue de tous les ivoiriens. Il s’agit d’une assurance qui comme son nom l’indique, concernera pour une fois toute la population : les salariés du public et du privé (retraités, paysans, commerçants, artisans…). Elle prendra en charge les actes médicaux, les hospitalisations et les médicaments contrairement à la seule forme de solidarité sanitaire publique qui existe à l’heure actuelle dans le pays et qui porte le nom de MUGEF-CI (mutuelle générale des fonctionnaires de Côte d’Ivoire) qui ne couvrait que les frais de médicaments en officine privée. Sa caisse sera alimentée par les retenues sur les ventes de matières premières, les cultures d’exportation (le cacao dont nous sommes le premier producteur mondial, le café dont nous sommes le troisième producteur mondial et autres). Elle sera également alimentée selon les autorités par une retenue de 6% du salaire des fonctionnaires et des salariés du privé. La part patronale de ces 6% est en cours de négociation et sera probablement de 50%. Les professionnels de la santé et les populations attendent beaucoup de cette assurance car elle permettra : - une couverture sociale étendue à tout le monde, ce qui nous évitera à l’avenir d’assister impuissant à l’agonie de nos parents malades et venus solliciter notre aide financière - une normalisation de la tarification (maîtrise des coûts) - une évaluation permanente de la qualité des services - une équité dans la distribution des soins (respect du principe d’équité), par la réduction des disparités régionales et sociales 313 - une meilleure qualité des soins, car ce n’est un secret pour personne que c’est la sécurité sociale qui est à l’origine de la performance du système sanitaire français - une amélioration de la qualité de vie des personnels de santé par la revalorisation de leur traitement - la naissance de nouvelles et vraies structures d’enseignement et de recherche dans nos CHU - le financement de la santé par la solvabilité de la demande - pour terminer, elle permettra de réaliser une solidarité nationale et une cohésion sociale. Comme nous pouvons le constater, l’AMU est un projet novateur, un instrument de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Mais à aucun moment ce vaste projet de changement ne prend en compte l’indemnisation des accidents médicaux en Côte d’Ivoire. Dans nos hôpitaux, de nombreux patients sont victimes d’accidents médicaux qui pour la plupart sont passés sous silence. Ces patients s’ils ne meurent pas repartent chez eux sans la possibilité de se faire indemniser ni par l’hôpital, ni par les assurances des médecins. En France par exemple, chaque année, les services hospitaliers réalisent plusieurs millions d’actes médicaux (8 millions pour la seule région parisienne), les contentieux entre les malades ou leurs familles et les établissements de soins (hôpitaux et cliniques) ne cessent d’augmenter. Hygiène défaillante, diagnostics erronés, interventions ratées, les cas de « bavures » parfois mortelles restent encore trop importants. Les estimations les plus prudentes chiffrent à dix mille le nombre de ces victimes des risques liés à l’hospitalisation. Par contre, nous ne disposons d’aucun chiffre se rapportant aux accidents médicaux dans notre pays, ce qui n’est pas fait pour donner une image d’évolution de notre système de 314 santé. Nous pensons, qu’étant donné que nos autorités ont décidé de fournir aux ivoiriens des soins de qualité dans des structures bien équipées, qu’il est temps que le pays se dote d’un organisme chargé de la gestion des cas d’accidents médicaux en relation avec la nouvelle AMU et les assurances privées des personnels de santé. D’autant plus que la Cour Suprême estime que : « l’établissement hospitalier est responsable du préjudice subi dès lors que ledit préjudice provient du traitement médical effectué par un médecin, en l’espèce un pédiatre de la structure hospitalière. Par conséquent, il appartient à l’établissement hospitalier et à la compagnie d’assurance d’exercer une action récursoire contre le médecin (pédiatre) s’ils estiment que sa responsabilité aurait dû être engagée La Cour suprême estime que le préjudice subi est suffisamment justifié dès lors qu’il résulte de la suroxygénation retenue par les experts médicaux. Dès lors, l’argument relatif à l’utilisation d’une seule couveuse pour prendre soin de deux jumeaux était superfétatoire et n’avait aucune incidence sur la responsabilité de l’établissement médical »158. Nous constatons la volonté de la Cour Suprême de faire face à l’insolvabilité des médecins afin que les victimes d’accidents médicaux soient rapidement indemnisées. Le législateur ivoirien doit dès à présent se pencher sur la question et édicter des lois qui auront pour but d’organiser le système d’indemnisation des accidents médicaux en Côte d’Ivoire. Nous ne comprenons pas que les autorités sanitaires se fondent sur le code français de la santé publique et qu’en matière d’indemnisation d’accidents médicaux elles ne daignent même pas se référer aux articles de ce code en la matière. Il faudra commencer par définir l’accident médical, le reconnaître et lui apporter les solutions adéquates. Il faut que les ivoiriens puissent saisir les juridictions 158 C Sup Ch. Jud, 09 mai 2001. AXA-CI et la polyclinique Avicennes / GHASSANI Hamed Ali Sabbah Olla épouse GHASSANI. 315 et réclamer justice lorsque des cas d’accidents médicaux seront avérés, nous devons cesser de plaisanter avec la santé des ivoiriens. L’exemple d’un pays comme la France pourra dans un premier temps servir de base de travail. Par la suite, une fois que l’idée d’indemnisation des accidents médicaux sera ancrée dans l’esprit des professionnels de la santé, des autorités politiques et administratives et des populations, il faudra avec l’aide des experts français en la matière adapter le système français à notre pays. Nous le disons et le répétons, il n’y pas de honte ou de gêne à demander conseil à un pays ou faire comme un pays qui à réussi dans un certain domaine. Il est temps pour nous qui voulons réussir certaines choses de mettre de côté nos complexes. Notons que dans la relation entre médecins et patients, il n’y a pas que les premiers qui doivent faire face à leurs responsabilités, les seconds aussi sont entièrement responsables pour certains actes majeurs qu’ils posent et cela, les personnels de santé doivent le savoir afin de ne pas penser qu’ils sont l’unique source de tous les malheurs de l’hôpital. Nous venons de voir comment les conflits de responsabilité son gérés en France, c’est ce genre de système juridique que nous voulons pour la Côte d’Ivoire. Il est vrai que la jurisprudence en matière médicale dans notre pays et en Afrique connait une gestation difficile. Trois raisons peuvent expliquer cette situation selon le professeur Babacar KANTE159 juriste sénégalais. En effet, pour monsieur KANTE, la rareté des recours juridictionnels, conséquence de l’ignorance par les populations de leurs droits constitue la raison principale de ce manque de jurisprudence. Ensuite, la crainte de s’attaquer au pouvoir qui revêt encore aujourd’hui dans l’esprit d’un bon nombre de personnes, surtout des zones rurales un caractère sacro-saint. Enfin, la troisième 159 Professeur Babacar KANTE, doyen de la faculté de sciences juridiques et politiques de l’université Gaston Berger de Saint-Louis au Sénégal. 316 raison est la conséquence du tempérament peu procédurier et fataliste de larges couches de la population africaine en général. Toutes ces raisons nous poussent à demander aux patients de prendre aussi leurs responsabilités. C’est à eux de s’informer, connaitre leurs droits et les défendre. B/ LES PATIENTS FACE A LEURS RESPONSABILITES Le but ici est de mettre les patients face à leurs responsabilités, c'est-à-dire, évoquer toutes les situations qui permettront de ne pas systématiquement tenir les personnels de santé pour responsables de tous les accidents qui surviennent lors des soins. Certaines situations, actes ou comportement émanant des patients feront naître un risque considérable pour leur santé et même leur survie. Ainsi, le refus pour un patient de se soumettre à des soins ou de suivre comme il se doit son traitement et accessoirement la nécessité de faire connaitre ses antécédents médicaux au personnel hospitalier sont des éléments qui engagent la responsabilité du patient tout en atténuant ou dégageant celle du médecin. 1) LE REFUS DE SOINS PAR LE PATIENT : LE DESENGAGEMENT DU MEDECIN Le principe voudrait que le patient consente de manière libre et éclairée aux soins. Toutefois, un patient peut s’exposer en toute connaissance de cause à une mort certaine ou à une invalidité, soit pour des raisons personnelles, soit sous l’influence de doctrines philosophiques ou religieuses. Il refuse de manière catégorique de se soumettre aux soins tout en sachant que ce refus pourrait entraîner une complication de son état ou même son décès. Ce refus a pour conséquence immédiate de 317 soustraire le médecin et son équipe de leur responsabilité. Nous pouvons ainsi prendre le cas des témoins de Jéhovah qui n’admettent ni l’apport d’un sang étranger, ni celui de ses dérivés. En l’espèce, ils refusent au nom de la religion toute forme de transfusion sanguine. Pour les médecins, ce comportement est inadmissible. Le médecin ayant pour mission de lutter contre l’aggravation du mal de son patient ou sa mort essaie dans certains cas de justifier une intervention non autorisée (l’obligation de porter secours à une personne en péril), mais cet argument a été écarté : en effet, un médecin peut proposer un traitement palliatif après refus de transfusion sanguine par le malade à moins qu’il ait commis une faute. Ce refus était implicite sous l’ancien code de déontologie médicale française de 1979 puisqu’il se déduisait de l’ancien article 7 qui préconisait le respect de la volonté du patient. Mais comment celui qui a prêté serment de tout faire dans la mesure de ses forces et de ses connaissances, de conseiller aux malades le régime de vie capable de les soulager et d’écarter d’eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible160 peut-il laisser son patient aller vers une mort certaine ? Face à une telle situation, que peut faire le médecin à qui de nombreux textes de loi imposent un devoir d’assistance envers son patient ? S’il ne l’assiste pas, l’article 223-6 al 2 du code pénal punit « quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que sans risque pour lui ou pour les tiers, il pourrait lui, prêter soit par son action personnelle soit en provoquant un secours ». Et en cas de décès du patient, l’article 221-6 du même code ouvre la voie à des poursuites contre le médecin pour « homicide involontaire du fait d’une négligence ou d’une imprudence ». 160 Serment d’Hippocrate 318 Mais le législateur ayant rejoint le médecin dans sa volonté de préserver la vie du patient, plusieurs textes son venus renforcer et encourager les personnels de santé dans l’accomplissement de leur noble mission : - La charte du patient hospitalisé et surtout l’article 60 du décret n° 74-27 du 14 janvier 1974, relatif aux centres hospitaliers et aux hôpitaux locaux en son article 42 dispose que : «lorsque les malades n’acceptent pas le traitement, l’intervention ou les soins qui leur sont proposés, leur sortie sauf urgence médicalement constatée nécessitant des soins immédiats, est prononcée par le directeur général après signature par l’hospitalisé d’un document constatant son refus d’accepter les soins proposés. Si le malade refuse de signer ce document, un procès-verbal de ce refus est dressé ».161 - Code de déontologie du 6 septembre 1995 article 36 al 2 « lorsque le malade, en état d’exprimer sa volonté, refuse les interventions ou le traitement proposé, le médecin doit respecter le refus, après avoir informé le malade de ses conséquences ». Le médecin doit tout faire pour convaincre le patient d’accepter les soins car il y va de son intérêt. Dans un cas plus précis où le patient témoin de Jéhovah a fait connaître son refus catégorique d’une transfusion sanguine même si cela devait lui coûter la vie, la CAA de Paris a répondu négativement à la question de savoir si le refus de soins opposé par le malade devait être rigoureusement respecté162. Les juges d’appel avaient considéré que l’obligation de sauver la vie d’un patient l’emporte sur la volonté de celui-ci. Mais le CE saisi d’un pourvoi par l’épouse du défunt a annulé l’arrêt de la CAA en admettant que l’obligation pour le médecin de sauver la vie ne saurait 161 La responsabilité médicale, données actuelles. D Malicier, A Minas, P Feuglet, P Faivre. Octobre 1998, édition ESKA. P 62. 162 Arrêt de rejet, CAA paris, 9 janvier 1998. 319 prévaloir de façon générale sur celle de respecter la volonté du malade (le CE fait comprendre aux médecins qu’ils ne peuvent pas dans tous les cas vouloir sauver la vie des patients. C’est une façon de pousser les personnels de santé à violer le serment qu’ils ont fait de sauver des vies). Selon monsieur Cyril CLEMENT, docteur en droit, maître de conférences : « la solution du juge suprême rejoint celle de la juridiction d’appel. La solution du Conseil d’Etat diffère en revanche au plan de la motivation ». Selon le docteur CLEMENT, le Conseil d’Etat rappelle l’exigence d’un principe : le respect du consentement du patient. Il faut protéger le patient du pouvoir biomédical, en clair, il faut le protéger de toute immixtion inopportune sur sa personne. C’est un verrou contre « l’impérialisme médical ». Toujours selon le docteur CLEMENT, lorsque le patient refuse de consentir à l’acte médical, les textes ne prévoient pas la possibilité pour le médecin de passer outre la volonté du patient. Si le patient refuse les soins proposés par le médecin, ce dernier ne peut agir163. Alors si comme le dit le doyen Roger NERSON : « le malade contrairement à ce qui peut être soutenu dans un certain milieu médical, n’est pas soumis à l’obligation de se faire soigner »164. Dans ce cas, pourquoi se rendre à l’hôpital (quand on est encore conscient) ou se laisser conduire à l’hôpital (quand on n’est plus conscient, quoique, on aurait pu signaler à ses proches sa volonté de ne pas aller à l’hôpital), si c’est pour refuser de se soumettre à des soins. On nous opposera ici les cas d’urgence où le patient n’a pas eu le temps de faire cas de sa volonté. Ce sont bien entendu ces cas d’urgence qui justifient le geste instinctif des médecins à sauver la vie. - Plus proche de nous, la loi du 4 mars 2002 en son article L1111-4 al 2 préconise le respect de la volonté du patient en insistant sur le fait qu’en cas de 163 Cyril CLEMENT, note sous CE. « Le médecin, son obligation de soins et la volonté du malade ». Petites affiches, 15 janvier 2002 N° 11, p 18. 164 Doyen Roger NERSON, ancien doyen de la faculté de droit et de sciences économiques de Lyon. 320 mise en danger de la vie du patient, le médecin doit tout mettre en œuvre pour convaincre ce dernier d’accepter les soins. En ce qui concerne les mineurs ou les majeurs incapables, le médecin devant procurer des soins à ces personnes doit s’efforcer de prévenir les parents ou le représentant légal et obtenir leur consentement. En cas d’urgence, le médecin donne les soins nécessaires sans attendre l’avis de ces derniers. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute la mesure du possible (CDM article 42). Lorsqu’il y’a un problème avec l’obtention du consentement des parents ou du représentant légal, le médecin peut saisir le procureur de la république afin de provoquer les mesures d’assistance éducative permettant de donner les soins qui s’imposent. Le médecin doit être dans tous les cas le défenseur de l’enfant mineur ou de l’incapable majeur lorsqu’il estime que ses intérêts et sa santé sont mal compris ou préservés par son entourage (CDM article 43). Le code de la santé publique stipule même que le médecin dans ce cas peut délivrer les soins indispensables malgré l’avis contraire des parents ou du tuteur légal (article L 1111-4 CSP). Nous constatons que la responsabilité des patients en cas de refus de soins joue surtout pour les patients majeurs. Toutefois, les médecins doivent tout mettre en œuvre pour leur faire entendre raison. Faire la part des choses à ce niveau de la relation médecin/patient n’est pas une chose aisée pour les premiers. Le problème devient plus complexe lorsque les médecins ne maîtrisent pas ces règles juridiques qui en plus de leur donner du pouvoir les renforcent dans leur volonté d’aller au bout de l’accomplissement de leur mission. Le serment d’Hippocrate qui leur demande de sauver coûte que coûte des vies n’est pas une règle juridique, mais dans l’univers médical il en prend tout le sens. 321 Et lorsque le législateur vient en appui avec des lois allant dans le même sens, le médecin ne peut qu’être satisfait. La mission du médecin est de sauver des vies, c’est ce qu’il apprend à la faculté. Mais aujourd’hui, nous jugeons utile et même impératif qu’en plus de cette mission, qu’on apprenne aux médecins soit à la faculté ou au cours de formations continues à faire face de façon plus professionnelle au refus de soins par le patient. Demander aux médecins de tout faire pour convaincre un patient qui refuse les soins de les accepter ou de lui faire signer une décharge et le laisser partir est irresponsable selon nous. En effet, plusieurs questions restent en suspend : le médecin a-t-il été formé à ce genre de situation ? A-t-on mesuré les conséquences d’un échec (la mort par exemple du patient) sur l’état du médecin qui n’arrive pas à convaincre un patient d’accepter les soins ? Nous pensons que la loi dans ce domaine doit être claire et précise. Le patient qui refuse les soins doit le faire savoir clairement. S’il n’est pas en état, une personne désignée par lui doit le certifier. Le médecin ne doit pas être ce bouc émissaire qui portera la responsabilité morale d’un décès voulu et souvent prémédité par le patient. Dans le même ordre d’idées, le patient pour une meilleure prise en charge de son cas doit faire connaitre ses antécédents médicaux à son médecin. 2) NECESSITE DE FAIRE CONNAITRE SES ANTECEDENTS MEDICAUX ET DE SUIVRE CORRECTEMENT LE TRAIEMENT PRESCRIT En France, les antécédents médicaux des patients sont généralement connus des médecins. Ils sont le plus souvent mentionnés dans le dossier médical, dossier qui comporte des informations ayant contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic, du traitement ou d’une action de prévention. Le dossier médical fait aussi l’objet 322 d’échanges écrits entre professionnels de santé. Il contient donc des informations provenant d’autres praticiens. Il peut arriver qu’un patient ne possède pas de dossier médical. C’est donc à ce dernier de fournir le plus grand nombre de renseignements au médecin en ce qui concerne ses antécédents médicaux. Très souvent le même problème revient, comment savoir qu’on ne supporte pas un médicament qu’on n’a jamais pris ? L’ignorance des antécédents médicaux risque de conduire à la prescription de traitement inefficace, voire dangereux. Dans ce cas, le médecin ne pourra pas être tenu pour responsable en cas d’accident. Cela ne signifie pas pour autant que le médecin même s’il ne connait pas les antécédents médicaux de son patient ne doit pas s’y intéresser. C’est à lui de demander au patient les traitements déjà subis et les médicaments déjà rejetés par ce dernier. C’est au médecin de poser certaines questions concernant la santé du patient et c’est à celui ci d’apporter les meilleures réponses possibles. Le problème du dossier médical est une réalité dans nos hôpitaux Africains. L’analphabétisme et l’ignorance font que de nombreux patients sont incapables de définir ou d’expliquer les problèmes médicaux qu’ils ont eus dans le passé. A ce niveau, nous jugeons nécessaire que le patient devienne un véritable partenaire pour le médecin. Il faut donner la parole aux patients afin de sensibiliser les soignants au vécu des personnes qui souffrent. Pour ce faire, il faut au préalable apprendre aux patients les termes médicaux de leur maladie pour qu’ils puissent expliquer plus facilement leurs maux passés ou actuels. Ainsi, le patient pourra par exemple faire état de son mal devant les étudiants en médecine et les élèves infirmiers. Le corps médical verra il est certain la maladie autrement, de façon plus pratique, ce qui le conduira également à envisager un traitement différent et pour le patient qui connaît et sait expliquer sa maladie, la coopération sera plus facile. 323 L’inexistence de dossier médical n’est pas faite pour arranger les choses. En effet, rares sont les personnes qui disposent de médecin traitant ou de médecin de famille comme en occident. Les patients « volent de médecin en médecin et d’hôpital en hôpital ». Du coup, il y’a de fortes chances que le dossier médical s’il existe se perde. Selon l’art 1111-7 CSP (de la loi du 4 mars 2002) le dossier médical qui doit comporter les résultats d’examen, les comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, de protocoles et de prescriptions thérapeutiques permettrait de faciliter le travail de nos médecins, de faire gagner du temps et de l’argent à notre système de santé. Le plus important ici, c’est que certaines informations peuvent ne pas être mentionnées dans le dossier. Dans ce cas, c’est au patient qu’il revient de fournir les informations supplémentaires et nécessaires à une bonne prise en charge de son mal. Toute information fausse ou erronée engagera la responsabilité du patient et non celle du praticien qui aura fait que demander ce qu’il ne sait pas avant de procurer les soins ou les prescriptions. Une fois le mal diagnostiqué et le traitement prescrit, c’est au patient de tout mettre en œuvre afin de bien suivre les instructions données par son médecin. Le médecin une fois le diagnostic établi formule ses prescriptions avec toute la clarté nécessaire. Le patient doit absolument savoir quel traitement le médecin va lui faire suivre. Il doit veiller à la bonne compréhension de celles-ci par le malade et son entourage. Il doit s’efforcer d’obtenir la bonne exécution du traitement. La transgression de ces recommandations de l’article 34 du CDM équivaut à une mauvaise exécution du contrat de soins. En revanche, le médecin n’engage pas sa responsabilité si malgré un traitement conforme aux données acquises de la science, un accident se produit. C’est aussi le cas lorsqu’une réaction inexplicable à un traitement conforme aux données de la science se produit. Le médecin, lorsqu’il 324 formule sa prescription au patient doit lui remettre en même temps une ordonnance explicative qui doit indiquer clairement et avec précision la posologie des médicaments prescrits. Le médecin et l’ensemble du personnel médical verront leur responsabilité désengagée si ces différentes règles sont respectées. Mais lorsque les manquements émanent des patients eux-mêmes, lorsqu’ils refusent de se soumettre au traitement prescrit par leur médecin, ne respectent pas ou modifient la posologie recommandée pour les médicaments qu’ils devront utiliser, ils engagent leur responsabilité personnelle. La Cour d’appel de Daloa a ainsi confirmé le jugement du tribunal de Divo, estimant que : « lorsqu’une faute professionnelle évidente ne peut être relevée à l’encontre du personnel traitant, la responsabilité de l’Etat ne peut être engagée à la suite des complications qui ont entraîné l’amputation de la jambe du malade surtout lorsque la jambe amputée a été gangrénée de toute évidence du fait d’un retard d’exécution des prescriptions médicales et non des actes thérapeutiques »165. Mais que doit faire le médecin lorsque le traitement comporte des risques ? Le médecin doit-il révéler ce fait à son patient ? Le droit français donne une réponse relativement équilibrée à cette question : les risques d’un traitement doivent être précisés au malade lorsque ces risques sont déjà connus et ont une chance réelle de se produire. Dans le cas où la réalisation des risques est faible, le médecin peut et doit même taire toute envie de révélation pour ne pas alarmer inutilement son patient. Mais en Côte d’Ivoire, nous estimons que la Cour Suprême n’est pas allée au bout de sa logique en ce qui concerne cet aspect de la mise en œuvre de la responsabilité du patient. En effet, dans l’une de ses décisions, elle a estimé que le médecin n’était en aucun cas responsable du décès d’une patiente suite à un accouchement qui 165 CA de Daloa, deuxième Ch. Civ et Comm, le 20 février 2002. Dame N’guessan Amoin/hôpital général de Divo. 325 présentait des complications dues à une rétention placentaire, le médecin ayant délivré aux parents une ordonnance pour l’achat des médicaments devant servir à une délivrance artificielle sous anesthésie générale suivie d’une révision utérine ; que les parents n’ayant pu malheureusement fournir les médicaments prescrits la patiente décédait166. Nous estimons pour notre part comme la cour que cette situation ne fait pas honneur à notre système de santé. L’hôpital public étant placé sous la responsabilité de l’Etat, c’est donc à l’Etat d’assurer la santé de ces citoyens. Ne pas détenir certains médicaments de base pouvant soulager des femmes qui viennent accoucher relève d’un manque d’organisation, de sérieux et d’une trop grande incompétence. La Cour Suprême ne peut pas se contenter de fonder sa décision sur le fait que seuls les manquements à ses obligations commis par un fonctionnaire justifient une sanction disciplinaire pour disculper le médecin. Elle devait aller plus loin en établissant clairement la responsabilité de l’Etat qui cherche à cacher ses faiblesses en faisant reposer toutes les fautes sur les médecins qui travaillent dans des conditions difficiles. Le but de la médecine est de guérir les malades et non de les effrayer. Former le personnel de santé à la maîtrise et au respect de toutes ces règles permet assurément d’éviter de nombreux problèmes. Et c’est en respectant la personne et les droits du patient que le médecin fait la preuve qu’en plus de savoir soigner, il se distingue par la qualité de la relation qu’il entretient avec ses patients. 166 C Sup Ch. Ad, 28 janvier 1998. Dr SOUME Bi-Kacou/ministère de la fonction publique, de l’emploi et de la prévoyance sociale. 326 CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT Le droit des patients devant constituer une partie de la formation médicale, il, est donc impératif que les personnels de santé ivoiriens maîtrisent les éléments qui le constituent afin de mieux servir les populations et le pays. SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT POUR L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL Le droit médical n’existe pas en Côte d’Ivoire. Nous disposons d’un code de la santé publique et d’un code de déontologie médicale (le seul document qui fait état selon nous des droits des patients et des devoirs des médecins) entièrement calqués sur ceux de la France. Tout ceci fait partie de l’héritage colonial. Mais est-il opportun aujourd’hui pour un pays comme le nôtre de faire référence à l’ancienne puissance coloniale dans un domaine aussi sensible que celui de la santé tout en ignorant nos propres réalités ? La France dispose de l’un des meilleurs systèmes de santé au monde. Appliquer des textes français chez nous sans tenir compte de nos réalités ne sert à rien. La déontologie rassemble les éléments d’un discours sur les devoirs du médecin, ce qui suppose une certaine autonomie de pratique et de régulation. C’est cette autonomie de pratique et de régulation qui doit nous mener à transformer le modèle français comme le modèle cubain en modèle ivoirien. Les lois ivoiriennes doivent soutenir et encadrer le code de déontologie élaboré par les médecins. Ce texte doit être soumis à l’administration, aux institutions judiciaires et au gouvernement, à charge pour chacun d’eux de vérifier sa conformité avec les lois et 327 autres règlements régissant la société ivoirienne. Enfin, la possibilité d’y apporter des modifications en fonction de nos difficultés et de nos moyens. Lorsque la loi du 4 mars 2002 a subit des bouleversements en France du fait de problèmes spécifiques à ce pays, aurait il fallu que nous bouleversions nos textes en la matière ? C’est donc le code de déontologie médicale de 1962 qui nous permettra de mieux analyser les droits et devoirs des personnels soignants dans notre pays. Nous nous référerons bien entendu à certains textes français qui constituent le modèle d’origine. Ce code est nécessaire pour les professionnels de santé parce que les médecins ne sont pas des citoyens comme les autres. Ils ont outre le devoir général de respecter la loi (code civil et code pénal etc…), des devoirs particuliers qu’ils tiennent de leur état professionnel. Exercer une profession libérale réglementée en laquelle le public a traditionnellement confiance confère une dignité professionnelle qu’il convient de respecter soi-même si l’on souhaite qu’elle continue à être respecter par les autres167. Le code de déontologie édicté par les médecins n’est pas et ne peut être en concurrence avec tous les autres codes nationaux. La déontologie est strictement réservée à la profession. En effet les règles de déontologie sont sans efficacité juridique à l’égard de ceux qui n’appartiennent pas à la profession médicale qu’elles régissent. La décision prise par le conseil de déontologie médicale est indépendante des décisions prises par les juridictions civiles ou pénales pour les mêmes faits. Aucune règle ne s’oppose à l’application cumulative à l’action d’un même fait, de peines disciplinaires sanctionnant une faute déontologique et de peines frappant un crime, un délit ou une contravention par l’effet d’une décision des tribunaux répressifs. Le principe de non cumul des peines n’a pas de place dans les rapports entre les 167 DANHO. DA. VT, GUINAN. J-C, SAMBA. M. « Quelle déontologie pour le corps médical en Côte d’Ivoire ? Confraternité et relations entre chirurgiens dentistes et les autre professionnels de la santé ». Revue Ivoirienne d’odonto-stomatologie, volume 8, n° 2. 2006, p 6-9. 328 sanctions disciplinaires et les peines de droit commun. Les médecins qui risquent d’une certaine façon la « double peine », en l’occurrence, l’interdiction d’exercer ou la radiation de l’ordre médical et des poursuites judiciaires sont donc tenus d’observer scrupuleusement les recommandations de leur code, c’est à eux d’appliquer et de respecter les règles qu’ils se sont eux-mêmes fixées. Aujourd’hui donc, les personnels de santé doivent suivre l’évolution des droits du patient de très près et son impact sur leur propre régime juridique. Les personnels de santé doivent être à mesure de comprendre, de réaliser une analyse professionnelle et d’expliquer des textes de nature diverse (lois, décrets et chartes) qui constituent le socle sur lequel se fonde les droits des patients. Et parmi ces droits, le droit à la vie est le plus important, il est donc normal qu’il fasse l’objet d’une attention particulière. I - LE PERSONNEL DE SANTE ET LA VIE DU PATIENT L’objectif premier de tout médecin et agent de santé est de préserver la vie du patient pris en charge. Cette difficile mission doit se faire dans le respect de la vie et de la personne humaine en mettant l’accent sur la qualité des soins et des actes à procurer. A/ RESPECTER LA VIE ET LA PERSONNE HUMAINE Toute faculté de médecine ou toute institution de formation en santé doit inclure dans son programme de formation un cours de droit médical avec un chapitre sur le respect de la vie humaine. Le patient qui se rend dans un hôpital y va pour qu’on lui sauve la vie, la vie devient donc l’objet principal de toutes les attentions. Selon l’article 2 du CDM de Côte d’Ivoire : « le respect de la vie et de la personne humaine constitue en 329 toute circonstance le devoir primordial du médecin ». Ici, le droit rejoint le serment d’Hippocrate, c’est comme si le droit médical avait toujours existé. Les médecins en prononçant ce serment se soumettaient, s’imposaient un devoir, celui de prendre soin des patients. Nous considérons que tout devoir d’une corporation envers un groupe de personnes octroie des droits à celui-ci. C’est pourquoi, nous pensons que nos médecins doivent tenir compte de ce principe pendant l’exécution de leur mission. Aujourd’hui, former les personnels de santé au respect de la vie privée et de l’intimité du patient doit être une priorité au sein de nos facultés de médecine et de nos instituts de formation. 1) FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DU PATIENT C’est à travers l’exercice de ce devoir (celui de respecter) très important du médecin et du personnel hospitalier que le patient acquiert ce qui est pour lui un droit fondamental : le droit au respect de la vie privée. Tout le monde exige le respect de sa vie privée, ce que nous trouvons tout à fait normal. Nous pensons même que les personne les plus faibles, c'est-à-dire les malades doivent faire l’objet d’une protection accrue en ce qui concerne ce droit. Ce droit du patient engage le médecin lorsque le dit patient a demandé à ce que sa présence en cas d’hospitalisation ne soit pas divulguée. La chambre du patient dans ce cas devient une sorte de second domicile. L’art 1110-4 al 1 du CSP dispose que : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant ». Nous estimons donc que l’art 7 du CDM de Côte 330 d’Ivoire qui stipule que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogations par la loi » est la version ivoirienne du respect de la vie privée puisqu’il impose le silence au médecin et à travers lui à tout le personnel hospitalier jusqu’à « nouvel ordre ». Ici, il faut que le médecin et son équipe soient auparavant formés au droit des patients. En effet, plusieurs éléments rentrent dans le cadre de ce droit et le personnel hospitalier sans formation préalable ne peut pas deviner quel élément se trouve sous le coup de la loi. La confidentialité des informations (personnelles, médicales, administratives, financières) qui le concerne font l’objet de protection de la loi. La personne hospitalisée peut recevoir dans sa chambre les visites de son choix en respectant l’intimité et le repos des autres patients. Elle a le droit à la confidentialité de son courrier, de ses communications téléphoniques, de ses entretiens avec des visiteurs et avec les professionnels de santé. L’accès des journalistes, photographes, démarcheurs publicitaires et représentants de commerce auprès des patients ne peut avoir lieu qu’avec l’accord express de ceux-ci et sous réserve de l’autorisation écrite donnée par le directeur de l’établissement.168 Cet accès doit être utilisé avec mesure afin d’éviter tout abus susceptible d’agir de manière négative sur la santé des patients. Mais respecter la vie privée ne suffit pas, la loi va plus loin en imposant au personnel hospitalier le respect de la personne et de son intimité. 2) FORMATION DU PERSONNEL HOSPITALIER AU RESPECT DE LA PERSONNE ET DE SON INTIMITE Pour nos étudiants en médecine ou nos élèves des instituts de formation qui ne sont pas juristes, il nous faut faire une distinction entre la vie privée d’une part et la 168 Guide du patient, vos droits et vos démarches. Isabelle GALLAY. Edition Eyrolles pratique, mai 2005. P20. 331 personne et son intimité d’autre part. La vie privée, c’est tout ce qui encadre l’existence de la personne, ce qu’elle fait, avec qui elle le fait, comment elle le fait et où elle le fait. C’est donc un ensemble d’éléments qui se rattachent à la vie de la personne et finissent par en faire partie. L’Etre humain en tant que personne physique et certains éléments qui font partie de lui constituent la personne et son intimité. Il s’agit de l’intimité physique et morale de la personne. Pendant son séjour à l’hôpital, l’intimité du patient doit être préservée lors des soins, des toilettes, des consultations et des visites médicales, des traitements pré et postopératoires, des radiographies, des brancardages. Il faut donc traiter le patient avec respect et courtoisie, éviter les propos blessants et les attitudes maladroites. Dans les établissements servant de lieu d’enseignement aux étudiants, avant toute présentation de cas à ces derniers, il faut auparavant s’assurer de l’accord du patient. Les mêmes prescriptions doivent être respectées en ce qui concerne les actions de formation initiale et continue des personnels médicaux et paramédicaux se déroulant auprès des patients. En Côte d’Ivoire, nous pensons que le principe du respect de la personne et de son intimité n’est pas encore bien ancré dans l’esprit des personnels de santé. Nous avons en effet eu connaissance de faits où des femmes enceintes se faisaient « insulter » par des sages-femmes dans certaines maternités lors des accouchements, ou encore des patients se faisant insulter parce qu’ils n’ont pas les moyens de subvenir aux frais occasionnés par leurs soins. L’établissement de santé doit respecter les croyances et convictions des personnes accueillies. Le patient doit dans la mesure du possible suivre les préceptes de sa religion (recueillement, présence d’un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d’action et d’expression…). Ces différents droits s’exercent dans le respect de la 332 liberté des autres. Tout prosélytisme est interdit, qu’il soit le fait d’une personne accueillie dans l’établissement, d’une personne bénévole, d’un visiteur ou d’un membre du personnel. C’est donc aux établissements de prendre toutes les mesures devant assurer la tranquillité des patients. Le bruit et la lumière doivent être réduits aux heures de repos et de sommeil des patients. Une fois ces principes respectés, nous pensons qu’il n’ya pas de raison pour que les soins se passent mal étant donné que l’un des buts du droit médical est d’assurer la qualité des soins et des actes. B/ ASSURER LA QUALITE DES SOINS ET DES ACTES La vie et la personne humaine ne peuvent être préservées et respectées si les soins et les actes fournis dans les hôpitaux ne sont pas de qualité. Pour obtenir des soins de qualité, il faut prendre en compte les attentes des personnels en matière de conditions de travail et de déroulement de carrière. Que ce soit dans les pays pauvres ou riches, la santé est devenue un enjeu majeur. L’accès aux soins est de plus en plus considéré comme un droit fondamental si ce n’est un « droit de l’homme ». Mais les soins de santé coûtent aussi de plus en plus chers. Les médecins d’aujourd’hui et de demain doivent être sensibilisés aux coûts de la santé, raison pour laquelle nous avons proposé l’instauration de cours sur l’économie de la santé. Par ailleurs, le concept de droit du patient devient de plus en plus présent et la responsabilité, individuelle ou collégiale des médecins est très souvent évoquée. La législation évolue également puisque des lois sur les droits des patients s’observent dans de nombreux pays développés. La formation au sens clinique doit se doubler d’une formation au sens de la santé publique et de l’éthique, que l’on se trouve en occident ou en Afrique. Les facultés de médecine doivent s’interroger sur leur rôle dans la société : de quel 333 type de praticien la société a-t-elle besoin ? Quelles sont les priorités du pays vis-à-vis de sa population en matière de santé ? Les facultés doivent non seulement participer au débat en tant qu’expertes dans le domaine mais aussi former des acteurs de santé capables d’appliquer la politique voulue par la société. Pour atteindre ces objectifs, les autorités devront donc mettre l’accent sur le recrutement de personnels hautement qualifiés, d’où l’importance d’une formation sérieuse et de haut niveau. Ensuite, il faudra prévoir des possibilités de promotions plus ouvertes aux personnels, l’avancement doit se faire au mérite, d’où un contrôle régulier du travail. En plus, l’octroi de primes conséquentes aux meilleurs agents doit venir boucler ce processus. Les conditions matérielles elles aussi contribuent à la qualité des soins, nous l’avons déjà dit. Les personnels hospitaliers dénoncent des matériels inadaptés, le manque de petit matériel et de certains équipements médicaux sophistiqués. Cette lenteur du rythme d’amélioration des conditions de travail est l’une des raisons du retard de l’évolution de la médecine dans notre pays. La nécessité d’instaurer dans le pays un plan d’amélioration de l’ensemble des problèmes de fonctionnement et d’organisation de l’hôpital. L’objectif sera de provoquer un engagement de l’ensemble des personnes, en tête desquelles, les médecins et agents de santé. Une meilleure organisation, une utilisation optimale des moyens humains et techniques permet d’affecter une partie plus importante du budget au financement des investissements, ainsi qu’à la réalisation des innovations souhaitées des pratiques et des équipements.169 La recherche de la qualité des soins doit être le moment d’ouvrir un dialogue permanent et franc entre médecins et patients. De plus en plus d’associations de patients se créent dans les pays développés, souvent autour d’une maladie précise. Ces associations deviennent des interlocuteurs des médecins et des 169 Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE. Réussir le changement de l’hôpital, juin 1996. Inter Éditions P221. 334 chercheurs dans le but d’aboutir à des soins de qualité. En Europe comme chez nous, le médecin ne doit pas seulement être le professionnel de l’administration des soins, mais il doit contribuer à l’information et à la formation des patients. Cette relation doit permettre au médecin d’aider le patient à comprendre ce qu’il a et souvent relativiser certaines informations qu’il a pu recueillir au cours de recherches personnelles. C’est sans aucun doute dans un cadre juridique favorable et clairement défini que l’assurance de prodiguer des soins de qualité peut prendre tout son sens. Les personnels de santé doivent maitriser le minimum juridique requis pour faire face à leur mission. Etre un bon médecin est une chose, mais être un médecin ayant le sens du travail bien fait, dans le respect des règles juridiques et déontologique est tout à fait différent. Ce n’est pas sur le terrain médical, c'est-à-dire à l’hôpital que le personnel de santé doit apprendre le droit médical. C’est au cours de sa formation que l’étudiant doit s’imprégner du droit médical, élément qui fera naitre en lui la volonté d’accomplir sa mission avec une certaine conscience. La volonté d’assurer la qualité des soins doit faire partie du médecin ou de l’agent de santé et nous pensons que c’est le droit médical qui permettra aux personnels de santé de toujours avoir à l’esprit le souci de servir dignement son patient. C’est vrai que nos pays manquent très souvent du minimum requis mais nous n’arrêtons pas de le dire avec peu de moyens et une volonté de fer, nous pourrons déplacer des montagnes. Pour les personnels de santé, assurer la qualité des soins et des actes revient aussi à traiter le patient tout en respectant son état. Préalablement, l’information du malade sur son état doit aussi être faite dans le strict respect de certains principes et règles juridiques. 335 II - LE SECRET MEDICAL ET L’INFORMATION DU PATIENT Les personnels de santé dans l’accomplissement de leur mission doivent faire preuve de discrétion vis-à-vis de leur patient et eu égard aux informations qu’ils détiennent. Informations qui dans une certaine mesure doivent être communiquées aux patients. A/ LE RESPECT DU SECRET MEDICAL Tout patient, quel qu’il soit, a droit au respect du secret médical. Néanmoins, le personnel médical a la possibilité de déroger à ce droit sous certaines conditions. 1) Le principe du secret médical Les personnels de santé, qu’ils soient médecins, agents de santé, agents administratifs ou étudiants en médecine doivent obligatoirement observer les règles du secret médical. « Admis à l’intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s’y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés »170, tel sera la devise du corps médical durant l’accomplissement de sa mission. Le respect du secret médical permet d’instaurer la confiance dans la relation entre patient et médecin. Dans cette relation, le patient doit se sentir protégé, il lui sera ainsi plus facile de faire état du mal dont il souffre à son médecin. Ce dernier se basera à son tour sur les informations reçues pour offrir à son patient les soins les plus diligents. 170 Serment d’Hippocrate 336 La maladie est propre à la personne malade, c’est pourquoi, elle refuse que les autres sachent de quoi elle souffre. C’est donc une information uniquement partagée avec soi-même, des proches qu’on a soigneusement choisi d’informer ou un professionnel compétent et digne de confiance. Ce caractère intime de la maladie a une origine religieuse et provient de l’idée selon laquelle que plus le cas est grave, plus il est associé à un sentiment de culpabilité. Le malade se sent coupable d’avoir contracté une maladie, donc de s’être mal conduit en quelque sorte (le cas du sida par exemple où les gens pensaient que tous ceux qui avaient cette maladie étaient des personnes sexuellement instables, infidèles, frivoles ou s’adonnant à des pratiques sexuelles contre nature, d’où le procès fait aux homosexuels). La maladie devenait donc une honte qu’il fallait à tout prix cacher aux autres. Le respect du secret médical est l’un des problèmes de l’hôpital en Côte d’Ivoire. Dès qu’une personnalité, un artiste entre dans un hôpital, il suffit de peu de temps pour que la ville ou le pays commence à raconter des histoires concernant son état de santé. Le personnel hospitalier est sans aucun doute à l’origine des fuites qui par la suite alimenteront les plus folles rumeurs à travers tout le pays. L’art 7 du CDM ivoirien dispose que : « le secret professionnel s’impose à tout médecin, sauf dérogations par la loi » et l’art L 1110-4 al 2 du CSP dispose quant à lui que : « excepté dans les cas de dérogations, expressément prévus par la loi, ce secret comme l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ». 337 Ce texte nous donne des informations sur les personnes sujettes à cette obligation et sur l’étendue de ce secret. - Les personnes concernées sont donc les professionnels de santé avec en tête les médecins (généralistes ou spécialistes qu’ils soient du public ou du privé), les étudiants en médecine (internes et externes). Ensuite, les sages-femmes, les infirmiers, infirmières, pharmaciens, les personnels des laboratoires, le personnel non médical dans l’exercice de sa profession, le personnel administratif, le personnel technique. En somme, ce sont tous les personnels officiant à l’hôpital qui sont concernés. L’art 72 du CDM français invite le médecin à veiller à ce que les personnes qui travaillent avec lui soient au fait de leur obligation en la matière : « le médecin doit veiller à ce que les personnes qui l’assistent dans son exercice soient instruites de leurs obligations en matière de secret professionnel et s’y conforment ». Nous pouvons donc constater que le médecin devient le garant du respect du secret au sein de son équipe, il a par la même occasion le devoir de veiller sur les étudiants dont il assure la formation. L’art 73 al 1 du même code fait jouer quant à lui au médecin le rôle de gardien des informations et des documents qui concernent les personnes qu’il a soignées ou examinées. L’alinéa 3 de cet article interdit au médecin lorsqu’il publie un livre concernant les cas traités de citer nominativement ses patients, le médecin doit donc veiller à ce que l’identification des personnes ne soit pas possible. - L’étendue du secret, l’information couverte a une double nature selon le CSP, il s’agit : D’une part des informations purement médicales, c'est-à-dire le diagnostic, les résultats d’examens biologiques et radiologiques, les traitements, les dossiers, mais 338 aussi les conversations surprises au domicile lors d’une visite, les confidences des familles etc…. D’autre part, ce sont des informations personnelles, c'est-à-dire celles concernant la vie du patient qu’un médecin peut être amené à connaître du fait de sa fonction. Mais l’art 1110-4 du CSP va plus loin en affirmant que « le secret médical couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation de par ses activités avec ces établissements ». Par ailleurs, le CDM français en son article 4 dispose que : « le secret comme tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c'est-à-dire, non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu entendu ou compris ». Notons pour terminer que toute divulgation en dehors des circonstances autorisées ou permises par la loi est sanctionnable. En effet, le délit de violation du secret est constitué dès lors que la révélation est effective et intentionnelle. Peu importe que son objet soit de notoriété publique ou pas, ou qu’elle n’entraine aucun préjudice pour la personne concernée. Dans tous les cas, les sanctions peuvent être disciplinaires en raison de la violation du CDM (ici, la radiation définitive peut être envisagée), civiles (s’il est résulté de l’infraction un préjudice), ou pénales (peines d’amendes ou de prison). Le personnel hospitalier pour être à l’abri de toute poursuite doit en cas de divulgation du secret, faire la preuve que cette « violation » a été possible parce que les règles déontologiques et la loi l’autorisaient. 339 2) Les dérogations au principe du secret médical En dehors des hypothèses où il y a été autorisé par son patient, il existe des cas où le médecin est autorisé à faire certaines divulgations. Différents professionnels de santé peuvent échanger sur le cas d’un patient mais avec l’accord de ce dernier. Cet échange se fait en général dans le souci d’assurer la continuité des soins (CSP article L1110-4 al 3). Toutefois, la révélation du secret peut se faire à trois niveaux. La divulgation peut se faire dans l’intérêt du patient, ce qui est tout à fait normal puisque le patient est la première et principale personne concernée par le secret. Elle peut aussi se faire aux proches du patient lorsque ce dernier se trouve dans l’incapacité totale de recevoir l’information concernant son état de santé. Et enfin, le secret peut et doit être révélé pour protéger la santé publique, c'est-à-dire la population dans son ensemble, ce qui permet d’éviter des catastrophes. Analysons à présent les différents cas où le secret médical peut faire l’objet de divulgation. - Divulgations dans l’intérêt du patient Le rôle du médecin n’est pas seulement de soigner un patient. Le médecin doit aussi prendre soin et veiller aux intérêts de son malade, le protéger et éviter qu’il fasse l’objet de contrainte physique ou morale. C’est donc pour matérialiser ce caractère de protecteur du médecin que l’article 44 CDM français stipule que : « lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou de privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de 15 ans ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de 340 son état physique ou psychique, il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives ». C’est au vu de tous ces éléments que l’article 226-14 du CP donne au médecin le droit de signaler les mauvais traitements. Le médecin devient le gardien de l’intimité du patient, en plus de devoir le soigner, il doit le protéger et veiller sur lui. Les étudiants en médecine ne doivent pas se contenter de maitriser la médecine. Ils doivent aussi apprendre à s’intéresser au patient en tant qu’être humain. Leur mission les conduira à certains moments à poser des actes qui vont au-delà de la médecine. La volonté de respecter le secret ne doit pas entraver ce devoir de protection qu’ils ont envers les patients. - Divulgations aux proches du patient. Entre le médecin qui défend les intérêts de son patient et la famille de ce dernier, les relations doivent être cordiales. Dans la majeure partie des cas, c’est à la famille que le médecin s’adressera lorsque son patient se trouvera dans l’incapacité de recevoir certaines informations le concernant. Pour ce faire, il faudrait que le patient ne se soit pas opposé à ce que soient divulguées des informations sur son état de santé à sa famille. En effet, lorsque les proches du patient s’inquiètent de l’état de ce dernier, le médecin doit en principe leur opposer le secret médical. Toutefois, l’article 35 al 3 du CDM français indique que le médecin doit les avertir d’un pronostic fatal sauf si le patient lui « a préalablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ». L’article 33 du CDM ivoirien quant à lui dispose que : « un pronostic grave peut légitimement être dissimulé au malade. Un pronostic fatal ne peut lui être révélé qu’avec la grande circonspection, mais il doit l’être généralement à sa famille, à moins que le malade ait probablement interdit cette révélation ou désigné les tiers auxquels elle doit être faite ». Le code de la santé publique article L1110-4 vient 341 appuyer ces articles en affirmant que : « en cas de diagnostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance (…) reçoivent les informations destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part ». Dans ce cas de figure, le médecin n’a pas besoin du consentement express du patient pour informer les proches, il suffit que ce dernier ne s’y oppose pas. Mais qu’en est il des ayants droit du patient, le secret médical doit-il leur être opposé ? L’article L1110-4 du CSP estime que sauf opposition du malade exprimée avant son décès, les informations le concernant peuvent être données à ses ayants droit dans la meure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou encore de faire valoir leurs droits (décès dû à une erreur médicale).171 - Divulgations pour protéger la santé publique. L’article L 3113-1 du CSP prévoit la déclaration obligatoire des maladies contagieuses (par exemple tuberculose, méningite, typhoïde, maladie de Creutzfeldt Jakob…) par tout médecin qui en a constaté l’existence. La loi ivoirienne de 1961 relative à la protection de la santé concernant certaines maladies endémo-épidémiques prévoyait aussi la déclaration, le traitement obligatoire et des sanctions pénales en cas de refus de se soumettre aux soins de tout patient atteint d’une maladie à caractère épidémique. Le CSP rend obligatoire la transmission de données individuelles concernant des maladies qui nécessitent une intervention urgente et internationale. Il impose également aux médecins et responsables des services, aux laboratoires de biologie 171 Isabelle GALLAY. Guide du patient, vos droits et démarches. Edition Eyrolles Pratique, mai 2005. P 69 342 médicale publics et privés, la transmission de données pour permettre la conduite et l’évaluation de la politique de santé publique. En ce qui concerne les maladies vénériennes, le médecin n’est pas tenu d’indiquer le nom du malade sauf lorsque ce dernier refuse d’entreprendre ou de poursuivre le traitement nécessaire. Le médecin doit protéger son patient, mais il doit aussi assurer la bonne santé publique. Un risque pour la santé publique est beaucoup plus important que la protection d’une seule personne. La loi du plus grand nombre oblige donc le médecin à passer outre le secret médical. Le secret médical s’impose au médecin et à tout le personnel hospitalier. Il s’agit tout faire pour éviter de dévoiler les informations qu’on détient. Mais certaines informations doivent être de manière impérative et professionnelle divulguées au patient par le médecin. B/ LE DROIT A L’INFORMATION DU PATIENT Les patients qui se rendent dans les hôpitaux doivent être informés sur leur état de santé, c'est-à-dire sur le mal dont ils souffrent d’une part et sur les risques encourus pour les soins qu’ils recevront d’autre part. 1) L’information du patient sur son état de santé Le devoir d’information du patient est une obligation légale et déontologique qui s’impose à tout médecin. De nombreux textes existent en la matière : - le CDM français article 35 al 1 stipule que : « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et 343 appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension ». La relation entre le médecin et son patient dépasse les limites du cadre contractuel pour aller vers une relation beaucoup plus basée sur la confiance. Mais, pour que la relation fonctionne ainsi, il faut que médecin et patient se respectent et se considèrent égaux. Nous l’avons déjà dit, en Côte d’Ivoire, il y’a des patients qui se sentent bafoués par l’attitude des soignants. Ces patients parce qu’ils n’ont pas les moyens ou se font traiter dans des hôpitaux publics n’ont ni droit à la parole ni droit à l’information. Nous estimons que pour réussir à transformer notre système de santé, pour l’aider à atteindre de meilleurs objectifs, il est important que nous inculquions à nos étudiants et élèves l’importance de ce dialogue médecin /patient. Les lois dans le pays ne protègent pas encore assez bien nos patients pour la plupart ignorants des règles. C’est donc à ceux qui les apprennent, qui les connaissent de faire l’effort de favoriser leur correcte application. - La charte du patient hospitalisé : « le médecin doit donner une information simple, accessible, intelligible et loyale à tous les patients. Il répond avec tact et de façon adaptée aux questions de ceux-ci ». Cette charte pose les principes de fonctionnement de l’hôpital. Mais, nous pensons qu’elle n’est pas prise en compte dans la plupart de nos grands hôpitaux nationaux et dans certaines cliniques du pays. Le rôle des médecins et des personnels de santé doit aller beaucoup plus loin. Ils doivent être ceux qui favorisent l’application des textes de loi dans les hôpitaux. Ce sont eux qui sont le plus souvent en contact avec les patients et c’est aussi à eux que s’adressent ces textes. La charte nous le 344 voyons, leur fait injonction de se mettre au service de leurs patients. C’est cela leur devoir. Cette prise de conscience de nos personnels de santé doit se faire depuis la première année à la faculté ou à l’Infas. Les enseignants doivent faire comprendre aux étudiants que choisir la médecine c’est pour servir sans réserve toutes les populations d’où qu’elles viennent et quelles qu’elles soient. - Le CSP en son article L1111-2 al 1er stipule que : « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposées, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles de ce refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver ». - La cour de cassation : elle définit les caractéristiques de l’information que doit le médecin à son patient : celle-ci doit « être loyale, claire et appropriée »172. C’est le professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables (CSP article L1111-2, al 2) qui est chargé d’informer le patient au cours d’un entretien individuel. En cas de pluralité de médecins, la collaboration entre ceux-ci est établit par l’article 64 al 1 du CDM français qui précise que : « lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement du malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ; chacun des praticiens assume ses responsabilités personnelles et veille à l’information du malade ». 172 Cass. Civ 1ère, 14 octobre 1997. JCP 1997 éditions G, N° I 22942, rapport Pierre SARGOS. 345 Cette information doit se faire auprès du patient tout au long de la maladie et c’est en fonction d’elle que le patient donne son accord pour tel ou tel traitement. Dans certains cas, c’est à la personne de confiance désignée par le malade, les titulaires de l’autorité parentale pour les enfants (parents ou à défaut le tuteur, mais le mineur s’il est en mesure de comprendre doit lui-même être informé, article 42 CDM et article R 4127-42 du CSP. Le mineur peut aussi s’opposer à la consultation du détenteur de l’autorité parentale pour garder le secret sur son état, article L1111-5 CSP). Pour les majeurs incapables, c’est le représentant légal, toutefois, l’incapable doit recevoir lui-même l’information adaptée à ses facultés de discernement et enfin les proches du malade lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté (article 36 al 3 du CDM) et lorsque la révélation d’un pronostic fatal a de grande chances d’être nuisible, voire dangereuse pour l’état de santé du patient (article 35 al 3 CDM). L’article 33 du CDM de Côte d’Ivoire estime qu’un pronostic grave peut légitimement être dissimulé au malade, un pronostic fatal ne peut lui être révélé qu’avec une grande circonspection.173 L’appréciation de l’opportunité et de l’étendue de l’information en cas de pronostic grave ou fatal est laissée au bon soin du médecin qui se décide en toute conscience, évaluant à cet égard les effets et conséquences du caractère traumatisant de la révélation, mais aussi les inconvénients de toute nature découlant de l’absence de communication du diagnostic.174 Mais combien de fois, des patients hospitalisés dans nos hôpitaux ignoraient la vérité sur le mal qui les rongeait ? Dans certains cas, c’est après le décès du patient que la famille apprenait la réalité sur la maladie de celui qui vient de rendre l’âme. La faute revenait au médecin qui ne jugeait pas utile dans certains cas de partager ce qu’il 173 Cf., commentaire Hoerni B, Bénézech M. L’information en médecine, évolution, éthique. Masson, 1994. Le médecin, le patient et le droit. Frédéric-Jérôme PANSIER, Alain GARAY. Edition ENSP, septembre 1999. P 27. 174 346 savait avec le patient ou sa famille, puisque chez nous, le concept de personne de confiance n’est pour l’instant pas ancré dans les esprits. Soit parce qu’on ignore que l’on peut désigner quelqu’un d’autre que son épouse ou son époux ou tout simplement parce qu’on juge que le médecin sait ce qu’il fait et qu’on s’en remet entièrement à lui. Le problème du manque d’information dans nos hôpitaux est dans la plupart des cas partagé entre médecins qui ne trouvent pas important d’informer correctement leurs patients et des patients qui ne savent même pas qu’ils ont le droit de demander et d’obtenir toutes les informations sur leur état de santé. 2) L’information sur les soins et les risques Nous le savons, le médecin sauf le cas d’urgence (loi 4 mars 2002, article L1111-2, al 2 et 4 CSP)175 doit solliciter le consentement du patient. Il doit donc exposer clairement la nature de son mal afin que le patient comprenne le traitement qu’il lui propose, son utilité, son urgence et les conséquences : loi du 4 mars 2002 (recherches et investigations, soins médicaux, chimiothérapie, radiologie, intervention chirurgicales). La durée de l’hospitalisation et la période d’incapacité doivent être communiquées (suites normales d’un traitement ou d’une intervention). La loi du 4 mars 2002 impose aux établissements publics et privés d’informer le malade, lorsqu’il en fait la demande des frais auxquels il pourrait être exposé à l’occasion d’actes de soins, de prévention et de diagnostic ainsi que sur les conditions de leur prise en charge. 175 Cass, civ 1ère 7 octobre 1998 JCP 1998, II, N° 10179, note Pierre SARGOS. CE, 5 janvier 2000, JCP 2000, II N° 20271, note J MOREAU, LPA, 2000 N° 40, note C CLEMENT. 347 Rien ne doit être caché, les souffrances à endurer, l’échec possible, les risques opératoires, les séquelles, tout doit être dit. La partie la plus délicate des informations concerne les risques, c'est-à-dire que le médecin doit faire ressortir les avantages et les inconvénients des soins et traitements qu’il propose. Il est tenu d’expliquer le pour et le contre, exclure le charlatanisme (c'est-à-dire ne pas proposer des remèdes ou des procédés illusoires et insuffisamment éprouvés (article 9 CDM), il doit mettre en garde contre une obstination thérapeutique déraisonnable, article 37 CDM. Quant aux risques, le médecin ne doit faire état que des risques normaux, prévisibles et il lui appartient de convaincre le malade qu’ils sont justifiés par les bienfaits retirés du traitement (article 40 CDM). Comment prouver l’existence de l’information ? Avant la loi du 4 mars 2002, les juridictions judiciaires et administratives françaises ont jusqu’en 1997 mis à la charge du patient qui se prétendait victime d’un défaut ou dune insuffisance d’information, la preuve de la faute de son médecin. En raison des difficultés rencontrées par le patient pour apporter cette preuve, la jurisprudence a opéré un revirement qui a conduit au renversement de la charge de la preuve176. La loi (article L1111-2 al 7) est venue par la suite confirmer cette jurisprudence en disposant qu’il « appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée au patient intéressé dans les conditions prévues (…) cette preuve peut être apportée par tout moyen ». Enfin pour terminer, à défaut d’information de la part du médecin ou si ce dernier n’arrive pas à prouver qu’il a bien informé son patient des risques encourus du fait du traitement proposé, ou encore s’il ne justifie pas l’absence d’information par un cas 176 Cass 1ère ch. civ 25 février 1997 CE, 5 janvier 2000 348 d’urgence, une contre-indication… sa responsabilité civile peut être engagée. Le médecin nous venons de le voir prend de nombreux risques en dispensant les soins aux patients. Il doit donc le faire avec une très grande conscience professionnelle. C’est cette conscience professionnelle qui doit conduire les personnels de santé en Côte d’Ivoire à ne pas faire de distinction entre les patients, ce qui revient à les traiter tous de la même façon. III- EQUITE ET JUSTICE DANS LES SOINS : LE PRINCIPE DE NONDISCRIMINATION A/ L’EGALITE DES PATIENTS : AU NIVEAU DE L’ACCUEIL L’accueil dans les hôpitaux est un problème qui mérite qu’on s’y attarde. L’hôpital est ouvert à tous. Les personnels de santé doivent être informés et sensibilisés sur leurs devoirs et obligations dans ce domaine lorsqu’ils sont en poste. Mais aussi en amont au cours de leur formation. Les établissements qui assurent le service public hospitalier doivent être accessibles à toutes personnes, quels que soient leur origine, leur sexe, leur situation familiale, leur âge, leur état de santé, leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses (charte du patient hospitalisé). Cette charte que connaissent et doivent connaître tous les personnels de santé doit être affichée à différents endroits de l’établissement afin que les agents ne l’oublient pas et les patients en prennent connaissance à chaque fois qu’ils entreront dans un hôpital. Cette charte prévoit un accueil de jour comme de nuit et en cas de problème de place, l’établissement où s’est présenté le patient doit tout mettre en œuvre pour permettre sa réadmission dans un autre établissement. Les personnes souffrant d’un handicap 349 physique, mental ou sensoriel doivent bénéficier des aménagements auparavant réalisés par les établissements pour les accueillir. Il en va de même pour les difficultés linguistiques. Le recours à un interprète s’impose. En Côte d’Ivoire ce n’est pas vraiment un problème lorsque le patient est ivoirien ou de la sous région ouest africaine. Mais, lorsqu’il est anglais, espagnol etc.… l’affaire devient plus compliquée parce que très rares sont nos agents qui maîtrisent ces langues étrangères. Nous pensons donc qu’il est très important de mettre aussi l’accent sur certaines langues étrangères au cours de la formation universitaire ou dans nos centres de formations des agents de santé. L’idéal serait de faire en sorte que nos étudiants et personnels de santé d’effectuer des stages dans des pays non francophone afin qu’ils acquièrent des notions pouvant leur permettre de mieux accueillir des patients d’origine étrangère ne parlant pas le français. Nous pouvons terminer en disant que, l’accès au service public hospitalier est donc garanti à tous et en particulier aux personnes les plus démunies, celles qui font le plus souvent l’objet de préjugés lorsqu’elles doivent être prises en charge pour des soins. B/ LE REJET DES PREJUGES : AU NIVEAU DES SOINS Le code de déontologie français en son article 7 déclare que: « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ». Cet article a pour but de combattre les préjugés dont sont souvent victimes certains patients lorsqu’ils se présentent dans nos hôpitaux. 350 Dans bien de cas, des médecins et agents de santé dans nos hôpitaux sont souvent réticents à prendre en charge des patients atteints de certaines maladies graves et contagieuses comme la tuberculose ou des malades développant le VIH-sida. La réputation de gangster, voleur ou pédophile reconnu d’un patient peut être un frein à sa prise en charge dans nos hôpitaux. L’article 1110-3 du CSP fait aussi mention du principe de non discrimination en mentionnant qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention ou aux soins. Pour terminer, l’article 225-1 al 1 du code pénal (CP) précise les cas de discrimination pénalement sanctionnés. Cet article prend en compte l’origine, le sexe, la situation de famille, l’appartenance physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, l’orientation sexuelle. Comme l’article 7 du CDM français, l’article 3 du CDM en Côte d’Ivoire dispose que : « le médecin doit soigner tous ses malades quels que soient leur condition, leur nationalité, leur religion, leur réputation et les sentiments qu’ils lui inspirent ». Nous nous rendons compte que les deux articles sont pratiquement identiques, leur application est elle la même dans les deux pays ? Etant patient des deux systèmes de santé, nous sommes en mesure d’affirmer que la France offre une lecture et une application rigoureuse de cet article. En Côte d’Ivoire, nous le répétons encore, c’est le manque de formation qui est à l’origine de notre retard en la matière. Non seulement les étudiants ne reçoivent pas la formation adéquate, et sur le terrain le manque de contrôle de l’application des choses apprises favorisent toutes les dérives qu’on rencontre aujourd’hui dans le système de santé. Notre plus grand problème, c’est la formation inefficace nos étudiants et élèves sensibilisation au respect du patient. 351 mais aussi l’absence de SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT Les malades étant des personnes fragilisées, nous trouvons tout à fait normal que les pouvoirs publics prennent toutes les dispositions permettant de les accueillir et de les accompagner dans de bonnes conditions. I- TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ET PROFESSIONNELLE A/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE Traiter le patient de manière consciente, c’est prendre soin du patient dont on a la charge avec le souci unique de lui procurer tout le bien être possible. C’est tout faire pour que le patient s’en sorte. Le médecin et son équipe doivent prendre l’engagement de ne pas comme le signifie l’article 6 du CDM : « abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel, donné par écrit des autorités qualifiées ». C’est aussi ce que stipule l’article 3 du même code : « le médecin doit soigner avec la même conscience tous ses malades ». Il doit donc les soigner comme si c’était à lui-même ou à l’un de ses proches qu’il administrait les soins, comme un bon père de famille prend soin de ses enfants. La loi doit condamner et sanctionner les actes répréhensibles qui mettent en danger les personnes vulnérables que sont les malades. Les patients ont des droits, les personnels de santé des devoirs, nos institutions (ministères et administrations) des engagements à respecter pour la dignité et la sécurité des usagers des services de santé. Nous nous ne pouvons pas nous permettre de prendre notre retard technologique en matière de santé, la défaillance de notre plateau technique comme prétextes pour justifier les 352 manquements dans les actes que nous posons. La conscience professionnelle doit faire partie des qualités indispensables à nos personnels de santé, peu importe les conditions dans lesquelles ils accomplissent leur mission, leur but premier est de réussir ce qu’ils entreprennent. Et bien faire son travail dans des conditions difficiles, c’est faire preuve de professionnalisme. B/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE PROFESIONNELLE Ici, c’est tout le processus de traitement qui doit se dérouler de manière professionnelle. Le médecin doit élaborer son diagnostic avec la plus grande attention, sans compter le temps que lui coûte ce travail et s’il y’a lieu, en s’aidant ou se faisant aider, dans toute la mesure du possible des conseils les plus éclairés et des méthodes scientifiques les plus appropriées. C’est donc l’occasion de mettre en œuvre toutes les choses apprises pendant les longues années d’études. La technologie permet aujourd’hui de diagnostiquer des maux souvent cachés, mais l’expérience acquise depuis les années de formation et de pratique doit permettre au médecin et son équipe de mieux cerner leurs patients et la maladie. Le manque d’effectifs et le déficit dans la formation sont des éléments auxquels sont souvent confrontés les personnels de santé, ce qui a pour conséquence de les éloigner quelque fois de l’éthique de leur métier. Mais travailler de manière professionnelle, n’est ce pas surmonter les obstacles qui se mettent sur le chemin ? Les autorités demandent des résultats, pour les obtenir, il faut qu’elles remplissent elles même leur part du contrat en permettant à leurs agents de travailler dans de bonnes conditions. Les personnels de santé sur le terrain doivent fournir il est vrai certains efforts mais si rien n’est fait au niveau des autorités en ce qui concerne la qualité et le bon état du plateau technique, la 353 législation et enfin le statut des agents, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Le pays fait face depuis des années à une grave crise dans le domaine de la santé, le manque d’effectifs, le déficit dans la formation des personnels de santé, le manque de matériel et surtout l’absence de volonté politique des autorités sont autant de problèmes qui freinent les personnels de santé dans l’exercice de leur mission. A tout cela, si nous ajoutons la multiplication de la corruption dans nos hôpitaux nous nous rendons compte que nous ne pouvons compter que sur la prise de conscience des personnels de santé sur leur rôle dans la société et sur leur professionnalisme pour que le pays s’en sorte. Mais entre la nécessité absolue d’être des agents conscients et professionnels pour réussir leur travail, les personnels de santé ivoiriens doivent respecter la liberté de leurs patients à choisir leur médecin tout en préservant la leur. II - RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTE A/ LIBRE CHOIX DU MEDECIN POUR LES PATIENTS Pour le patient comme pour le médecin les soins doivent se faire dans une certaine harmonie. Il doit y avoir une entente cordiale entre les deux parties en relation pour que le médecin d’une part administre ses soins en toute sérénité et le patient d’autre part les accueille en toute confiance. L’article 8 du CDM de Côte d’Ivoire évoque le libre choix du médecin par le malade comme étant un principe qui s’impose à tout médecin, sauf dans les cas où l’observation dudit principe est incompatible avec une prescription législative ou réglementaire (l’exemple de l’urgence). Le système de santé français est lui aussi caractérisé par ce principe de libre choix, le code de déontologie affirme que : « le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de 354 choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit ». Le CSP indique quant à lui en son article L1110-8 al 1 que : « le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé est un principe fondamental de la législation sanitaire ». Avec le libre choix, le patient pourra donc changer de médecin s’il est mécontent de lui. Le médecin devra donc accepter ce changement sans amertume et sans tenir rigueur à son patient d’avoir pris un autre avis que le sien. Le libre choix s’étend aussi au choix de l’établissement où le patient souhaite être hospitalisé. Ainsi, le malade ne sera pas obligé d’être hospitalisé dans l’hôpital le plus proche de chez lui ou dans celui qui lui a été recommandé par son médecin (article 1110-8 CSP). Ce principe bien qu’étant prévu par certains textes en Côte d’Ivoire est difficilement applicable, le manque criard de médecins et de structures ne donne pas beaucoup de choix aux malades. La faible connaissance des patients de leurs droits et la vision qu’ont les malades des médecins ne leur permettent pas d’oser choisir librement leur médecin. Chez nous, les patients « confient leur vie et leur santé » aux médecins qu’ils ont en face d’eux et espèrent leur guérison. Ce principe, qu’on soit en occident ou en Afrique peut être remis en cause. Il faut dans les soins une certaine cohérence. Il est donc préférable de se faire suivre par un seul médecin pendant un bon moment. C’est pourquoi en France les autorités sanitaires ont mis en place le système du médecin traitant afin qu’un médecin précis traite un patient donné. Ce médecin habitué au patient est censé connaître le dossier médical du patient et en cas de problème, c’est à lui qu’on doit s’adresser pour obtenir des informations sur les antécédents médicaux du patient. Ce système du médecin traitant a pour but d’éviter ou de réduire les comportements de certains patients qui s’adonnent à un véritable « nomadisme médical ».177 Certains patients seraient tentés 177 Droit de la santé publique. Jacques MOREAU, Didier TRUCHET. Dalloz, janvier 2004, p 206. 355 de changer fréquemment de médecins, histoire de trouver celui qui fera le miracle dès la première consultation. Ce phénomène qui engendre inévitablement un bouleversement dans le traitement et certainement des risques importants dans le suivi du cas. Mais nous pensons aussi que dans certaines situations, ce ne sont pas les patients qui changent de médecin mais plutôt différents médecins qui viennent au chevet du même patient. En général, cette situation se rencontre dans les hôpitaux. Lorsque le cas du patient présente des complications nécessitant l’intervention de différents spécialistes, le patient n’a plus le choix de son médecin, c’est ce qui fait dire au docteur Thomas PERCIVAL178 que : « le libre choix n’existe pas à l’hôpital ». Face à cette situation, doit-on parler de violation des droits du patient ? Ou doit-on assimiler l’intervention de tous ces médecins à un cas d’urgence, une nécessité absolue ? Nous pensons qu’ici, il n’y a pas lieu de parler de violation du droit parce que, le rôle premier des médecins est de faire du mieux qu’ils peuvent pour venir à bout du mal du patient. Si un travail en équipe peut permettre de soulager le patient, alors toutes ces interventions sont nécessaires. Autant le patient est libre d’aller vers le médecin de son choix, autant les médecins eux aussi sont libres de leurs prescriptions et des honoraires qu’ils fixent aux patients. 178 Thomas PERCIVAL (1740-1804) médecin anglais, inventeur de l’expression « l’éthique médicale ». 356 B/ LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ET DES HONORAIRES 1) LIBERTE DES PRESCRIPTIONS C’est une liberté très importante en ce qui concerne l’exercice de la médecine. Toutefois, elle est sujette à deux sortes de limites. Ces limites portent sur la qualité et la quantité. Concernant la première, le médecin ne peut pas prescrire n’importe quoi. Par exemple il ne peut prescrire un produit qui ne bénéficie plus d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou qui n’en a pas du tout. Pour la seconde limite, le médecin ne peut allonger de manière inconsidérée la liste des médicaments qu’il prescrit. Ces différentes limites ont été mises en place pour éviter que les médecins et certains professionnels de santé tels que les pharmaciens se mettent en « affaire » pour gagner de l’argent au détriment des mutuelles. Prescrire de nombreux médicaments, c’est faire gagner de l’argent aux pharmacies. Mais dans un pays comme la Côte d’Ivoire, les ordonnances posent beaucoup de problèmes aux patients et à leur famille. La cherté du coup de la vie et par conséquent des médicaments fait que les patients ont du mal à faire face à certaines prescriptions des médecins. Nous n’avons pas encore de système de sécurité sociale comme en France où de nombreux médicaments son pris en charge par l’Etat ou les mutuelles privées. Même si certains fonctionnaires (103 000 en 2003) et employés d’entreprises privées (116 880) et leurs ayants droit179 sont totalement pris en charge. Vous voyez que ces chiffres ne représentent absolument rien face aux 17 millions de personnes qui vivent dans le pays. C’est pourquoi, nous pensons qu’il est impératif que l’assurance maladie 179 Source : ministère de la solidarité, de la sécurité sociale et des handicapés de Côte d’Ivoire. 357 universelle (AMU) promise par les autorités depuis maintenant dix ans voit effectivement le jour. Le médecin est donc libre de ses prescriptions (art 8 du CDM). Tout médecin, quelle que soit sa spécialité, peut pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention ou de traitement, mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, « entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose » (article 70, CDM). Il peut appeler un confrère en consultation (article 58 à 62 du CDM). Nous voyons que le code de déontologie à travers ses articles favorise l’unité et la coopération entre médecins pour le bien des patients. C’est un aspect du devoir de confraternité que doivent entretenir les médecins entre eux. Les prescriptions concernent donc le traitement avant, pendant et après les soins. Elles doivent être dispensées très consciencieusement et suivies tout au long de la maladie. Liberté de prescription ne signifie pas que le médecin doit faire ce qu’il veut, comme il le veut. Il doit agir selon certaines règles et respecter une certaine éthique. Tous les médecins ne peuvent pas prescrire tous les médicaments, depuis un décret n° 94-1030 du 2 décembre 1994 (article R. 5143-5-1 à R. 5143-5-6 CSP), il existe des médicaments à prescription restreinte qui ne peuvent être prescrits que par quelques catégories de médecins : hospitaliers, spécialistes ou qualifiés. Il est donc important que les futurs médecins maîtrisent tous ces paramètres avant d’exercer. Ce sont en général des règles de droit qui encadrent l’exercice de la médecine et non des règles médicales, d’où l’importance du droit dans la pratique médicale. Le travail médical n’étant pas bénévole, il est tout à fait normal que les médecins perçoivent une rémunération. Pour les médecins exerçant dans le public, le salaire est 358 fixé en fonction du statut et de la qualification du médecin. Mais dans le privé, cette rémunération est fixée par le médecin et elle est appelée « honoraires ». 2) DROIT AUX HONORAIRES Dans la théorie classique du droit médical, la rémunération du médecin était dénommée « honoraires » parce que le patient ne payait pas le médecin, qui eut été déshonoré de monnayer son savoir, il « honorait » plutôt son talent en lui versant une somme d’argent180. Les honoraires médicaux ont toujours fait l’objet d’une mention au serment d’Hippocrate. Il est tout à fait normal que le médecin se fasse payer pour le travail qu’il a effectué. Le CDM français de 1995 en son article 55 recommande tout de même au médecin le tact et la mesure dans la fixation de ses honoraires. Il écarte aussi la possibilité d’imposer au patient un forfait ou la demande d’une provision avant les soins. L’article 39 du CDM ivoirien quant à lui dispose que : « le médecin doit toujours établir lui-même sa note d’honoraires ; il doit le faire avec tact et mesure. Les éléments d’appréciation sont la situation de fortune du malade, la notoriété du médecin, les circonstances particulières » et l’article 8 de ce code énonce comme principe la nécessité d’une entente directe entre le malade et le médecin en matière d’honoraires et le payement direct des honoraires par le malade au médecin. L’article 53 du code de déontologie de 1995 en France édicte des règles d’ordre public qui stipulent que : - L’honoraire n’est dû qu’à l’occasion d’un acte médical réellement effectué (consultation, visite, acte chirurgical) ; 180 Le droit de la santé. André DEMICHEL, les Etudes Hospitalières, septembre 1998, p 59. 359 - la notion de tact et mesure s’adresse aux médecins qui ne sont pas conventionnés et dont les honoraires sont librement débattus avec le patient ou sa famille (en Côte d’Ivoire, il n’existe pas à ce jour un système de conventionnement comme en France. Les médecins libéraux fixent leurs honoraires en se basant notamment sur l’article 39 du CDM précité). - Le code de déontologie interdit le charlatanisme (article 39 en France et 23 en Côte d’Ivoire), le compérage (article 22 en France et 20 en Côte d’Ivoire)181 l’utilisation de méthodes publicitaires, tout comportement à caractère commercial. Les médecins qui exercent en collaboration, en association ou en société doivent établir des notes d’honoraires personnelles et distinctes et dans les cas où le traitement a été effectué avec l’appui d’aides opératoires (infirmiers, assistant…) choisis par les médecins, leur rémunération ne peut être réclamée séparément, elle doit être incluse dans les honoraires du médecin. Nous voyons bien qu’en dehors de tous ces cas, les médecins qu’ils soient du public ou du privé ne doivent pas demander d’argent à leurs patients. Nous savons que certains personnels de santé en Côte d’Ivoire, ne se contentent pas seulement d’attendre leur salaire à la fin du mois ou de fixer des honoraires raisonnables. Ils essaient par tous les moyens de soutirer de l’argent à des patients le plus souvent démunis. Ce comportement inadmissible jette l’opprobre sur toute la profession. Ces personnes font semblant d’ignorer les règles de droit qui encadre la pratique médicale et la morale censée faire des personnels de santé des personnes ayant un sens du devoir irréprochable. 181 Charlatanisme : proposition de traitements insuffisamment éprouvés et de procédés illusoires. Compérage : partage d’honoraires avec des pharmaciens et auxiliaires médicaux, intelligence entre ces différentes personnes pour obtenir des avantages au détriment des patients. 360 III - LE REFUS DE SOINS PAR LE MEDECIN A/ LE MEDECIN CONDAMNER A SOIGNER Un médecin peut-il refuser de soigner un patient ? A cette question la réponse parait évidente. Le NON en l’espèce prend toute son importance. L’article 5 du CDM nous indique que « le médecin doit soigner avec la même conscience tous ses malades, quelque soit leur condition, leur nationalité, leur représentation et les sentiments qu’ils lui inspirent ». Ensuite, les articles 225-1 à 225-3 du nouveau CP répriment le refus de prestation de service fondée sur l’état de santé. En effet, aucun membre du corps médical (médecin, infirmier etc.…) ne peut refuser de soigner un patient. Un tel refus constituerait une discrimination et une violation des règles juridiques et déontologiques. Sans affirmer que le médecin devient esclave de sa profession, nous pensons que s’il a choisi ce noble métier, il doit en accepter toutes les contraintes. Un refus de soins par le personnel hospitalier dans les pays occidentaux est inimaginable tant les lois et règles juridiques ont été correctement établies et leur application totalement assurée. En Côte d’Ivoire, le refus de soins par certains personnels médicaux est une réalité. Sans argent déboursé auparavant, des patients se voient souvent refuser les soins les plus élémentaires. Nous pensons que l’absence ou l’ignorance des règles juridiques en rapport avec le refus de soins dans le milieu hospitalier ivoirien en est la principale responsable. A côté de cela, il faut noter la mauvaise foi et le manque de professionnalisme de certains personnels de santé qui ne pensent qu’à faire de l’argent sur la santé des patients. Nous pensons qu’il est temps que le droit médical et le droit en général mettent de l’ordre dans l’organisation et la gestion du système de 361 santé ivoirien. L’instauration et la prise en compte du droit médical dans nos structures sanitaires incombent aux autorités administratives et politiques. C’est à elles de fournir les efforts nécessaires pour le bien être des populations. Nous devons tout mettre en œuvre pour que certaines catégories d’ivoiriens ne se voient plus refuser les soins, même si dans certaines situations le refus de soins de la part du personnel hospitalier peut trouver une justification. B/ RAISONS PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES POUR JUSTIFIER LE REFUS. En effet, les articles 47 (CDM français) et 34 (CDM de Côte d’Ivoire) prévoient dans une formule identique que : « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles et personnelles ». Ainsi, il est interdit au médecin de refuser de soigner un malade par discrimination, mais s’agissant d’un contrat intuitu personae (contrat où les qualités du cocontractant sont prises en considération), il peut (sauf l’urgence et le devoir d’humanité) refuser les soins en cas de mésentente avec son patient ou d’incompétence compte tenu de la spécificité de la maladie. En définitive, le code de déontologie médicale n’accorde aux médecins et au corps médical le droit de refus de soigner que s’ils se considèrent incompétents, c’est le cas où le médecin atteint les limites de sa compétence et doit faire appel à un confrère spécialiste ou à l’hôpital, ce qui n’est pas un droit mais plutôt un devoir pour lui. Le médecin peut aussi refuser ses soins à un patient en cas de désaccord avec ce dernier. Ce désaccord peut porter sur la manière de soigner (raisons professionnelles) ou sur des raisons personnelles (idées politiques) mettant en péril la relation de confiance. Dans ce cas 362 dans l’intérêt du patient et pour permettre la continuité des soins, le médecin et son équipe doivent orienter le malade vers un autre médecin. Mais ici, c’est surtout l’indiscipline du patient qui ne suit pas les conseils du médecin qui sert de base à ce refus. Nous constatons ici que la loi elle-même n’ose pas dire de manière catégorique aux médecins : ne soignez pas si vous n’en avez pas envie. Elle laisse médecins et patients dans une situation ambiguë où l’intérêt du patient prédomine toujours, elle dit plutôt : ne soignez pas si le patient n’a pas confiance en vous. Au nom de quel principe, de quelle idée politique, de quelle raison personnelle un médecin pourrait refuser d’administrer des soins à un patient, que le cas soit urgent ou pas ? Nous n’en voyons pas et le droit nous laisse dans le doute. Même dans les cas où elle autorise ce refus, la loi fait obligation au médecin de renvoyer son patient vers un de ses confrères spécialiste ou non. 363 CONCLUSION DE LA PARTIE II L’efficacité d’un système de santé passe nécessairement par le bon niveau de formation des agents chargés de le faire fonctionner. Nous pensons que la Côte d’Ivoire doit saisir l’occasion de la fin de la crise politico-militaire qu’elle a connue pour rebâtir son système de formation des personnels de santé. Il est impératif que les autorités administratives et politiques et tous les autres acteurs du monde de la santé fassent des efforts afin que les choses changent. Depuis des années beaucoup de choses ont été faites, mais le manque de volonté de certains et la négligence d’autres ont favorisé l’écroulement du système de santé ivoirien en général et au système de formation des personnels de santé en particulier. Aujourd’hui, nous pensons que la Côte d’Ivoire peut et doit même s’inspirer de modèles étrangers qui ont réussi. Pour nous, le savoir faire cubain en la matière n’est pas du tout négligeable. En effet, ce pays du tiers monde comme le notre est la preuve que de grandes choses peuvent se faire lorsqu’on y met de la volonté. Les chiffres cubains en matière de formation des personnels de santé sont impressionnants. Cuba possède de nombreuse facultés de médecine et plusieurs écoles de formation du personnel paramédical qui produisent chaque année le plus grand nombre de médecins et d’agents de santé au monde. Tout cela a pu être possible parce que les autorités cubaines et les responsables de toutes les structures précédemment citées ont décidé de bien remplir la mission qu’on leur a confiée. Qu’est ce qu’il nous faut pour améliorer notre système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire? Des moyens, c'est-à-dire des structures bien réparties sur l’ensemble du territoire, du matériel et des hommes et des femmes soucieux du bien être de leurs concitoyens. En effet, il ne sert à rien d’avoir tous les moyens si les personnes qui doivent s’en occuper n’ont pas le sens du devoir et 364 l’envie de réaliser de grandes et belles choses. Les jeunes qui doivent aussi assurer la relève doivent aussi prendre conscience de leur rôle dans tout ce dispositif. Chacun dans cette chaîne doit être conscient de son rôle et de ses devoirs. Les autorités administratives et politiques doivent mettre au service des personnels tous les moyens pour que ces derniers accomplissent leur mission dans les meilleures conditions. Les personnels de santé en retour doivent faire un bon usage de ces moyens, de telle sorte que les populations en ressentent les bienfaits. Dans ce contexte, la coopération avec d’autres Etats plus avancés dans le domaine médical ou des ONG ou associations doit être encouragée. Parce que seul il est très difficile d’aboutir à certains résultats. Nous demandons des moyens et un changement de mentalité des personnels dans nos structures de formation et nos hôpitaux. Mais, pour y arriver, il nous faut mettre en place de nouvelles règles, de nouveaux éléments. C’est dans ce sens que nous appelons de tous nos vœux l’introduction de nouvelles matières dans les études médicales pour ne pas cantonner nos personnels aux seuls actes de soins. Nous avons proposé des matières comme l’économie de la santé, l’introduction de l’apprentissage de langues étrangères, l’informatique, le droit médical etc… Toutes ces matières devront nous aider à relever les nouveaux défis auxquels nous ferons face dans le monde médical qui se transforme au fil des ans. Notre mission aujourd’hui est de former nos jeunes à toutes ces sciences afin de leur permettre d’être efficaces et compétitifs. Mais s’il y’a une nouvelle matière qui retient particulièrement notre attention, c’est bien le droit médical. Nous sommes en Afrique et nous savons que les populations sont en grande majorité rurales. Elles ignorent leurs droits en ce qui concerne la vie de tous les jours, alors imaginons ces populations lorsqu’il s’agit de médecine. Nous estimons que les personnels de santé doivent être formés au droit en général et au droit médical en particulier. Le droit 365 médical leur permettra de travailler avec plus de conscience et d’équité. Ils auront une toute autre vision de leur mission avec le droit en plus dans leur formation. Nous espérons que le droit médical favorisera l’émergence d’une nouvelle catégorie de personnels de santé. C'est-à-dire des personnels réellement soucieux du bien être de des populations. Les médecins, infirmiers et sages-femmes ne doivent pas percevoir le droit médical comme un élément de contrainte censé les obliger à bien accomplir leur mission mais plutôt comme le moyen de penser autrement les relations entre soignants et soignés. Le droit médical doit rétablir l’équilibre dans ces relations afin que les personnels de santé accomplissent de façon consciencieuse leur mission d’une part et d’autre part que les patients déjà démunis dans la majeure partie des cas gardent le peu de dignité qui leur reste face à ceux qui doivent leur fournir des soins. 366 CONCLUSION 367 Bien que formant des personnels médicaux et paramédicaux, la Côte d’Ivoire doit faire face à de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de ses divers programmes et projets de formation. Le problème de l’hôpital ou plus précisément de la santé dans ce pays est lié sans aucun doute à celui de la formation de ses personnels. La faculté de médecine d’Abidjan par exemple a connu pendant quelques années des difficultés (année blanche) du fait de manifestations et revendications estudiantines qui débouchaient bien entendu sur des grèves, parfois illimitées qui avaient pour but de paralyser la faculté et du même coup de freiner la production de médecins. Certains étudiants étaient tout de même formés dans ces conditions difficiles. Ont-ils bénéficié de toute la compétence et de toute la rigueur de leurs professeurs ? Les mauvaises conditions de vie et de travail des médecins et des professeurs de médecine constituent aussi un élément majeur dans les problèmes de santé en Côte d’Ivoire. Beaucoup de bacheliers ne veulent plus se diriger vers une filière trop longue et trop sélective (l’étudiant qui n’a pas encore passé le cap de la troisième année peut être exclu de la faculté sans aucune chance d’obtenir un diplôme intermédiaire qui lui permettrait de se recycler dans un autre domaine). Ici, le modèle cubain serait une belle alternative selon nous. Six années d’étude et la possibilité pour les étudiants d’obtenir des diplômes intermédiaires qui leur permettront en cas de « coup dur » de se diriger vers un autre secteur de la santé. En plus le tronc commun, sorte de numérus clausus ivoirien doit être revu et corrigé. Ce système de sélection des étudiants en première et deuxième année doit disparaître si nous voulons donner la chance aux étudiants d’arriver au bout de leur formation. Si les autorités désirent filtrer l’entrée à la faculté de médecine, qu’elles le fassent dès l’orientation après le bac, afin d’éviter de donner l’espoir à des jeunes pour le leur 368 retirer un ou deux ans plus tard. Nous ne pouvons nous plaindre de manquer de médecins et du même coup « assassiner » ceux qui veulent prétendre à la fonction. La France face aux mêmes difficultés a décidé d’augmenter son numérus clausus de 1000 à la fin de la première année actuellement pour atteindre 3500 dans deux ans. La France ouvre donc les vannes pour permettre à plus d’étudiants d’accéder un jour au titre de médecin et ce parce qu’elle en a besoin. Ce pays peut se le permettre parce qu’il est habitué à ce système de sélection des étudiants et sait gérer ce genre de situation. Il y’a aussi le problème de La faible rémunération des médecins du secteur public qui n’encourage pas ces derniers à servir l’Etat pendant bien longtemps, ils se dirigent tous vers le secteur privé où la paie bien qu’elle ne soit pas extraordinaire est quand même conséquente. Toutes ces difficultés nous font croire que les problèmes des personnels de santé sont internationaux puisque la France, maître à penser de la Côte d’Ivoire dans de nombreux domaines vit les mêmes galères. Le professeur J-M CLEMENT constate que le problème de l’hôpital en France vient il est vrai d’une démission des médecins qui « fuient » vers des établissements privés à but lucratif ou non lucratif. Cela est dû selon lui au peu d’attractivité de la carrière de PH-PU ou aux rémunérations trop statiques. A tout cela, nous pouvons aussi ajouter le poids d’une administration de plus en plus mal supportée par les médecins182. En effet, le problème comporte aussi un aspect administratif que nous ne pouvons pas négliger. Il faut des hommes neufs ayant la volonté de bâtir de belles choses et de réaliser de véritables bouleversements dans le secteur de l’éducation en général et de l’enseignement supérieur en particulier. La conséquence est qu’aujourd’hui, les 182 J-M CLEMENT, la crise de confiance hospitalière. Editions Les Etudes Hospitalières. Mars 2003, P 33. 369 chirurgiens menacent de s’expatrier à Londres en Angleterre pour travailler dans de meilleures conditions et gagner beaucoup plus d’argent. Mais le problème de la santé en Côte d’Ivoire ne concerne pas seulement les médecins. Les agents médicaux et paramédicaux qui comptent parmi les principaux acteurs hospitaliers sont aussi au cœur du problème. La France selon le professeur CLEMENT pour faire face à la pénurie des personnels infirmiers et des aidessoignants se tourne vers les pays étrangers. Aujourd’hui par exemple, ce sont des milliers d’Espagnoles, Italiens et Allemands qui sont recrutés mais la demande reste tout de même très forte. Ces personnels étrangers acceptent de travailler dans des conditions sans doute meilleures que celles de leur pays d’origine et la rémunération offerte, refusée parfois par les français fait probablement l’affaire de ces étrangers. Entre cinq et dix mille infirmiers seraient nécessaires pour combler les déficits immédiats, mais c’est certainement le double voire plus qu’il faudrait embaucher immédiatement pour permettre un fonctionnement normal des établissements tant publics que privés »183. En Côte d’Ivoire les autorités n’ont pour le moment pas besoin d’embaucher des étrangers pour combler leurs déficits de personnels puisque le problème vient du fait qu’ils n’en forment pas assez pour couvrir les besoins du pays. Cela s’explique par plusieurs raisons, que ce soit à Abidjan, Bouaké ou Korhogo, l’Infas a besoin d’infrastructures et de matériels. Amphithéâtres, laboratoires polyvalents équipés, appareils informatiques (micro-ordinateurs et imprimantes), internats pour loger les étudiants étrangers, matériel didactique et biomédical, bibliothèques etc.… sont nécessaires pour le bon fonctionnement de l’institut. Pour l’instant, des décisions encourageantes des autorités sont en train de voir le jour. En effet, le premier ministre 183 Ibid. P49. 370 ivoirien Guillaume SORO (secrétaire général des forces nouvelles, l’ex rébellion) lors d’une rencontre avec plusieurs organisations professionnelles et religieuses de la ville de Bouaké a affirmé que la présence des personnels de santé a contribué à redonner la vie à ladite ville. Dans la même foulée, il a demandé au directeur de cabinet du secrétariat général de forces nouvelles de mettre tout en œuvre pour libérer les locaux de l’Infas pour que les élèves de cet établissement puissent avoir leurs locaux et reprendre dans les meilleures conditions leur formation. Les agents de santé ont à leur tour demandé au premier ministre le renforcement de l’effectif du personnel soignant, l’amélioration des structures sanitaires déjà existantes et surtout la libération des locaux de l’Infas184. A côté de cela, les enseignants et les étudiants rentrent dans la danse des revendications. Pour les premiers, le fait de former des étudiants titulaires du baccalauréat de l’enseignement secondaire devrait faire bénéficier l’établissement du statut de grande école de formation. Cette reconnaissance, tous les agents de santé la veulent. En France, d’ici peu, les infirmières et infirmiers qui ont comme en Côte d’Ivoire le baccalauréat pourront au terme de leur formation obtenir le niveau licence comme à Cuba s’ils le désirent. Ils auront la possibilité d’obtenir un master ou même un doctorat selon la ministre de la santé Roselyne BACHELOT. Ces mesures tendent à revaloriser la profession et à accroitre l’attractivité du métier d’infirmier. En Côte d’Ivoire, l’absence de reconnaissance de la profession d’infirmier ou d’agent de santé constitue un motif de démotivation des élèves et surtout des enseignants qui ne voient pas de profil de carrière. On constate par exemple un arrêt total de la formation des formateurs, les enseignants qui sont admis à la retraite ne sont pas remplacés. Il n’y a plus de suivi, ce qui laisse présager un avenir sombre. Elèves et enseignants ne se ruent pas vers les métiers proposés à l’Infas. 184 Fraternité matin. Sortie de crise : Soro ordonne à son mouvement de rendre son QG à l’Infas. Mardi 20 janvier 2009, Adjé Jean-Alexis. 371 Les étudiants quant à eux, ne comprennent pas qu’après trois années passées au sein de l’institut ils doivent encore passer un concours pour avoir accès à certains emplois de la fonction publique. Cette injustice selon eux n’est pas faite pour arranger les choses. C’est même un frein à l’envie d’intégrer l’institut. La résolution de ces difficultés passe nécessairement par une stabilité politique forte et durable. Dans un contexte de guerre latente tel que le vit la Côte d’Ivoire rien ne pourra être fait de façon concrète, la réussite des réalisations dépend de la situation politique. De nombreux efforts devront être faits pour une bonne gestion et une meilleure répartition des ressources du pays. Ce sont ces ressources bien gérées et équitablement réparties qui permettront de développer notre système de santé d’une part et la formation des personnels de santé d’autre part. Pour ce faire, toutes les autorités politiques et administratives devront s’impliquer dans le respect des règles de gestion administrative et financière. Il ne faudra pas hésiter à sanctionner les agents, enseignants, médecins et étudiants qui transgresseront les règles qui leur sont imposées. Il y va du succès de ce plan. Des progrès réels, mais encore insuffisants ont été vraisemblablement accomplis pour que les choses changent. La corruption et le laxisme n’ont hélas pas encore disparus mais, nous pensons qu’ils sont en recul. Les menaces de sanctions les rendent plus difficiles à réaliser. Il faut bien sûr persévérer dans cette voie jusqu’à les rendre quasiment impossibles et faire en sorte que leurs effets soit marginaux sur la santé des ivoiriens. Il faut stigmatiser et sanctionner sévèrement ceux qui s’en rendent coupables ; il faut éduquer les personnels de santé pour qu’ils abandonnent ces pratiques afin que disparaissent les maux qui minent le système de santé ivoirien. 372 A côté de cela, il faut faire comprendre aux futurs médecins et agents de santé qui doivent prendre le pays en charge que l’effort personnel a son importance. Ils ne peuvent pas et ne doivent pas croire que « l’effort personnel et le mérite ne sont d’aucune utilité, et qu’une vie réussie ne peut être bâtie que sur la corruption et le favoritisme »185. C’est pour cette raison que nous estimons que celui qui dirige l’hôpital ou toute structure de formation doit avoir les mains libres. Il doit bénéficier du soutien de ses supérieurs hiérarchiques et être lui-même irréprochable. Les choses ne seront pas faciles, parce que la Côte d’Ivoire depuis toujours est dirigée au gré des interventions des uns soit pour favoriser les autres ou pour les anéantir. Concernant la gestion financière et administrative, nous préconisons la création d’une agence nationale d’évaluation des hôpitaux pour veiller à la réalisation effective du service hospitalier. Celui ci se définit par l’accès de tous à des soins de santé d’urgence et des soins de référence de qualité au meilleur coût. L’évaluation de la qualité des soins reste un véritable levier de l’amélioration de la performance des établissements hospitaliers. Elle doit constituer un défi majeur à relever par tous ceux qui se sentent impliqués dans l’amélioration du système de santé ivoirien. L’évaluation ne pourra atteindre son objectif d’amélioration de qualité des soins fournis aux populations que si l’allocation des ressources aux établissements hospitaliers est axée sur les performances réalisées. Il est vrai que l’hôpital public n’est pas censé faire des bénéfices sur le dos des patients, mais il ne doit pas non plus perdre sans raison les sommes importantes investies pour son bon fonctionnement. Il est donc tout à fait normal que l’injection d’argent dans les hôpitaux soit conditionnée par des résultats satisfaisants. Ces résultats ne seront obtenus que par le bon usage de l’argent déjà introduit dans l’hôpital. L’agence nationale de l’évaluation devra aussi avoir le droit de 185 Propos de Karamoko KANE, Jeune Afrique 27 septembre au 3 octobre 2009, p 32. Auteur de la corruption des fonctionnaires Africains. Editions clé, Yaoundé, 2009. 373 regard sur la gestion financière de l’hôpital. Cette agence devra être composée de tous les acteurs du secteur de la santé. Il faut que les médecins, infirmiers, enseignants de la faculté de médecine et de l’Infas, les étudiants et enfin les autorités administratives puissent donner de façon collective leur avis pour l’amélioration de leurs conditions de travail. La mise en place de nouveaux contrats pour attirer les jeunes vers les formations médicales s’avère nécessaire. Ces contrats devront prendre en compte l’évolution des carrières, la rémunération, et les conditions de travail. Une fois toutes les conditions réunies, il n’y a pas de raison pour que le travail ne se fasse pas de façon sérieuse et professionnelle. Concernant le volet économique, depuis 1992, les passifs cumulés de l’Infas s’élèvent à ce jour à 240 millions de FCFA soit environ 365880 d’Euros. Un plan d’apurement des passifs a été mis en place par la direction de l’institut. Mais la crise survenue le 19 septembre 2002 a occasionné de nouveaux passifs. Les antennes de Bouaké et Korhogo sont fermées. Certains matériels ont été pillés (véhicules, appareils électroniques et informatiques). La Côte d’Ivoire qui manque déjà de personnels médicaux et paramédicaux n’est actuellement plus en mesure d’en former pour ses besoins. Du fait de la guerre, la grande majorité du personnel médical et paramédical a fuit le nord du pays pour le sud, laissant les populations face à ellesmêmes. On imagine la misère de ces milliers d’enfants, de femmes et de vieillards pour avoir accès rien qu’à des soins de base. Le sud du pays qui bénéficiait d’une très forte concentration de personnels de santé se retrouve avec à peu près tout ce que la Côte d’Ivoire compte de médecins et d’agents de santé. Aujourd’hui, tous les ivoiriens attendent le lancement de l’AMU, qui 374 selon ses concepteurs doit apporter des réponses aux différents problèmes que connaît le système de santé en. Cette assurance renferme de nombreux points qui font d’elle un projet totalement novateur. Elle permettra si sa mise en place et son fonctionnement se font de manière professionnelle et consciencieuse, de relancer un système de santé en perte totale de vitesse. Nous espérons pour notre part que ce projet d’assurance prendra en compte certains aspects oubliés, notamment celui de l’indemnisation des accidents médicaux que nous souhaitons voir se réaliser. Dans notre travail, nous avons longuement évoqué Cuba et sa magnifique réussite en matière de santé. Ce pays est le premier au monde en ce qui concerne la production de médecins et d’agents de santé. Avec ses petits moyens, Cuba a réalisé de grandes choses, nous souhaitons que la Côte d’Ivoire s’inspire du modèle Cubain. Il est important pour nous de coopérer avec les pays du nord, mais nous ne devons en aucun cas ignorer les pays du sud qui vivent les mêmes difficultés que nous mais qui arrivent à réussir dans des domaines où nous avons du mal. Cuba s’est inspiré du système occidental de formation des personnels de santé. Il a ensuite adapté ce système à ses propres réalités afin d’obtenir des résultats concrets, ce que nous constatons aujourd’hui. Même si nous déplorons l’absence de droit médical dans la formation des personnels de santé cubains, nous devons saluer son efficacité. Si nous souhaitons l’introduction du droit médical dans le programme de formation des médecins et des agents de santé en Côte d’Ivoire, c’est parce que nous croyons très sincèrement que le droit apportera un véritable changement de mentalité dans le milieu hospitalier. Il y’a trop d’abus, de violations de droits, d’indiscipline dans nos hôpitaux, et cela ne peut plus durer. 375 Il faut impérativement que les choses changent, que chacun à son niveau prennent ses responsabilités. Un patient qui se rend dans un hôpital ou une clinique privée ne s’y rend pas pour mourir ou se faire humilier. Il va rechercher le bien être, la guérison auprès de personnes sensées être des professionnels. Il peut donc réclamer le droit de se faire soigner dans la dignité, le respect. Il a des droits, mais aussi des devoirs. En face de lui, le personnel hospitalier a lui aussi des droits et des devoirs. Il ne s’agit pas de mettre en concurrence les droits et devoirs de chacune des parties dans cette relation mais plutôt de les faire converger. Il faut pour nous qui commencerons à appliquer et à suivre les préceptes du droit médical dans notre pays, rechercher à réaliser l’équilibre des droits entre patients et personnels de santé même si nous reconnaissons que les seconds ont un léger avantage sur les premiers. Le droit médical que nous désirons tant doit être l’élément majeur des changements que nous voulons pour la formation médicale des personnels de santé et pour le système de santé dans son ensemble. Nous pensons que la CI comme nous l’avons dit a besoin que les autorités administratives et politiques s’investissent plus dans la santé. Il y’a beaucoup de choses à faire. Pour une formation de qualité, il faut des moyens, au niveau structurel, du matériel et du personnel. Notons que tous ces moyens logistiques et financiers ne serviront à rien si les hommes chargés d’animer le système de formation des personnels de santé d’une part et le système médical d’autre part ne prennent pas conscience de leur rôle et de l’importance de leur mission pour la société. Autorités administratives et politiques, personnels de santé (médecins et agents de santé), personnels enseignants de la faculté de médecine et des instituts de formation 376 doivent faire preuve de volonté. C’est à eux de maîtriser certains outils et de les faire connaitre aux populations. Mais, le plus important pour nous est qu’aujourd’hui, aucun système de santé ne peut être efficace sans prendre en considération les éléments juridiques en rapport avec le monde médical ou la médecine. L’intérêt de nos recherches est de former les différents acteurs du monde médical (ceux déjà en exercice et les étudiants appelés à exercer) aux grands principes du droit médical et de la santé : - le droit au respect de la vie et de la personne humaine - le droit au secret médical - le consentement du patient - le droit à l’information etc… Le droit médical permettra de situer les responsabilités entre les différents acteurs du monde médical ivoirien. Le droit médical devra être l’arbitre dans la relation qui unit patients et médecins et ce dans le but de rendre plus performant le système de santé. Mais nous avons trouvé utile de dénoncer et de faire état de tous les dysfonctionnements du système médical ivoirien afin de pouvoir mieux le reconstruire. Si certaines analyses apparaissent ainsi particulièrement vigoureuses ou virulentes : « situation pourrie, système mafieux, réalité écœurante… ». Nous nous en excusons, sans toutefois nous renier parce que nous pensons que pour que les choses changent et avancent, dans notre pays, il nous faut dire la vérité. Nous pensons que pour l’instant, nous n’avons pas besoin d’entrer dans les subtilités du droit médical parce que nous souhaitons que les choses se fassent progressivement pour une meilleure relation soignants /soignés. L’objectif pour nous sera de faire entendre et comprendre le message du droit médical aussi bien par les professionnels et personnels de santé dans leur ensemble mais 377 aussi par les juristes et futurs juristes ivoiriens. La mise en œuvre d’un programme d’enseignement du droit médical s’avère donc nécessaire dans les différentes structures d’enseignement (faculté de droit et faculté de médecine). Nous pensons avoir eu la chance d’apprendre le droit médical auprès des personnes qui maîtrisent le mieux cette discipline. Aujourd’hui, nous jugeons important de transmettre ce savoir à nos jeunes compatriotes qui désirent le maîtriser. Pour ce faire nous auront donc besoin de l’appui et du soutient des différentes autorités administratives, politiques, académiques, juridiques et médicales de Côte d’Ivoire. 378 BIBLIOGRAPHIE LES OUVRAGES GENERAUX 1. J-M. CLEMENT : Mémento de droit hospitalier. Edition Berger- Levrault, septembre 2003. 2. J-M. CLEMENT : Mémento de droit hospitalier. Edition Berger-Levrault, octobre1996. 3. J-M. CLEMENT : la crise de confiance hospitalière. Edition Les Etudes Hospitalières, mars 2003. 4. J-M. CLEMENT : 1900-2000 : la mutation de l’hôpital. Edition Les Etudes Hospitalières, janvier 2001. 224 p. 5. J-M. CLEMENT : réflexion pour l’hôpital, proximité, coopération, pouvoirs. Edition Les Etudes hospitalières, février 2004. 144 p. 6. J-M. CLEMENT : précis de droit hospitalier à l’usage de ceux qui n’aiment pas le droit mais veulent comprendre le système hospitalier. Edition Les Etudes Hospitalières, mai 2008. 200 p. 7. J-M. CLEMENT : la nouvelle loi hôpital patients santé territoires. Analyse, critique et perspectives. Edition Les Etudes Hospitalières, octobre 2009. 134 p 8. . CLEMENT : l’évolution de la responsabilité médicale de l’hôpital public, les grands arrêts de la jurisprudence. Edition Les Etudes Hospitalières, octobre 1995. 184 p. 9. C. CLEMENT : la responsabilité du fait de la mission de soins des établissements publics et privés de santé, édition les Etudes Hospitalières, 2001. 379 10. C. CLEMENT : Le contrat d’activité libéral des praticiens hospitaliers, les Etudes Hospitalières, février 2008. 11. F. PONCHON : L’hôpital en 100 mots clés, édition Berger-Levrault, décembre1998. 12. C. CHEVANDIER : Les métiers de l’hôpital, Repères/ la découverte, mai 1997. 13. H. MEMEL-FOTÊ : Les représentations de la santé et de la maladie chez les Ivoiriens, édition l’Harmattan 1998. 14. M-F. JARRET et F-R MAHIEU : la Côte d’Ivoire, de la déstabilisation à la refondation, L’Harmattan, avril 2002. 15. André DEMICHEL : droit de la santé. Edition les études hospitalières, septembre 1998. 16. Bruno PALIER : la réforme des systèmes de santé. Edition puf, janvier 2008. LES OUVRAGES SPECIALISES 1. G. CHAMPAULT et S. SORDELET : les métiers d’infirmières, des études à la pratique, édition Masson, novembre 1997. 2. B. RIONDET : Prépa sage-femme, édition Lamarre, avril 1997. 3. M. DURIEZ, P-J. LANCRY, D. LEQUET-SLAMA : le système de santé en France, édition Puf/ que sais-je ?, mai 1999. 4. A. HARLAY, l’Aide-soignant dans le système de santé, édition Masson, avril 1997. 5. H. LETEURTRE, M. VAYSSE : les tableaux de bord de gestion hospitalière, édition Berger-Levrault, mai 1994. 380 6. P. LACHEZE-PASQUET, D. STINGRE : l’Administration de l’hôpital, édition Berger-Levrault/ l’administration nouvelle, septembre 1999. 7. L. VIDAL, ABDOU S. FALL, D GADOU : les professionnels de santé en Afrique de l’ouest, entre savoirs et pratiques, édition L’HARMATTAN, septembre 2005. 8. P. OSENAT : Manuel de l’aide-soignant, prépa au CAFAS (concours d’accès à la formation d’aide-soignant), édition Masson, avril 1993. 9. D. MALICIER, A. MIRAS, P. FEUGLET, P. FAIVRE : Responsabilité médicale, données actuelles, édition ESKA, octobre 1998. 10. Emmanuel TERRIER : Déontologie médicale et droit : thèse de droit privé soutenue à l’université de Montpellier I le 25 octobre 2002. collection thèses, les études hospitalières décembre 2003. 11. Sylvie WELSCH : responsabilité du médecin, risques et réalités judiciaires. Edition Litec, 2000. 12. Georges ARBUZ, Denis DEBROSSE : réussir le changement de l’hôpital. Inter éditions, juin 1996. 13. Jean-Marie BONMATI : Europe, hôpital et formations. Les études hospitalières, septembre 2002. 14. Frédéric-Jérôme PANSIER, Alain GARAY : le médecin, le patient et le droit. Edition ENSP, septembre 1999. 15. Jacques MOREAU, Didier TRUCHET : droit de la santé publique. Edition Dalloz, janvier 2004. 16. Isabelle GALLAY : vos droits et vos démarches. Edition Eyrolles/ pratique, mai 2005. 381 17. Josette HART et Alex MUCCHIELLI : soigner l’hôpital diagnostics de crise et traitement de choc. Edition Lamarre, septembre 2002. 18. Jacques POULET : histoire de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire. Edition Albin Michel/ Laffont/ Tchou, 1977. 19. J BARRIER, P POTVIN : l’organigramme dans les facultés de médecine : son importance pour un développement pédagogique durable. Pédagogie médicale, 2003. 20. J BARRIER : enjeux et risques de la formation initiale des médecins dans les années futures. Ann Med Interne, 2001. 21. CIDMEF : la structure pédagogique d’une faculté de médecine : mission, fonctions et conditions d’efficacité - Elaboration d’un consensus. Pédagogie médicale, 2001. 22. Droit et santé en Afrique : actes du colloque international de Dakar, 28 mars – 1 avril 2005. Les Etudes Hospitalières. 23. Léon LAPEYSSONIE : La médecine coloniale, mythes et réalités. Edition Robert LAFFONT, collection médecine et histoire. 01 février 1988, 310 p. 24. Alphonse MATIP (thèse) : Le droit français de la responsabilité civile des médecins est-il applicable au Cameroun. 20 septembre 2006, 264 p. Université Paris VIII. Sous la direction du professeur J-M CLEMENT. 25. Guy LE GALL (thèse) : Le corps médical dans la structure hospitalière : problèmes et perspectives. 26 mai 2004, 343 p. Université Paris VIII. Sous la direction du professeur J-M CLEMENT. 382 26. Sonia KANOU (thèse) : Information médicale et médicaments à usage humain. Des essais cliniques à la mise sur le marché du médicament à usage humain. 26 novembre 2008, 346 p. Université Paris VIII. Sous la direction de monsieur C. CLEMENT (maître de conférences). 27. Dominique PELJAK (thèse) : Les finances publiques hospitalières. 2009, 778 p. Université Paris VIII. Sous la direction de monsieur C. CLEMENT (maître de conférences). 28. Mariame YALLOU HAZOUARD (thèse) : L’organisation mondiale de la santé : rôle normatif dans le droit international de la santé. 2006, Université Paris VIII. Sous la direction du professeur Francine DEMICHEL. 29. Cyrille HOUNDJO (thèse) : Accès du patient aux soins : apports de la télémédecine. 2005, Université Pari VIII. Sous la direction du professeur Francine DEMICHEL. 30. Alphonse DAGO-CAILLARD (thèse) : La lutte contre le sida en Côte d’Ivoire : pratiques et problèmes juridiques. Septembre 1997, Université Paris VIII. Sous la direction du professeur André DEMICHEL. LOIS, DECRETS ET ARRETES MINISTERIELS LES LOIS • Loi n° 60-272 du 31 juillet 1960, portant création d’un ordre national des pharmaciens de la république de CI. • Loi n°60-284 du 10 septembre 1960, portant création d’un ordre national des médecins de la république de CI. 383 • Loi n° 61-320 du 17 octobre 1961 relative à la protection de la santé publique en matière de certaines maladies endémo-épidémiques. • Loi n° 62-248 du 31 juillet 1962 instituant un code de déontologie médicale. • Loi n° 62-249 du 31 juillet 1962 instituant un code de déontologie pharmaceutique. • Loi n° 76-519 du 12 août 1976 portant création d’un ordre national des chirurgiens-dentistes. • Loi n° 76-818 du 26 novembre 1976 relative à l’institution d’un code de déontologie des chirurgiens-dentistes. • Loi du 4 mars 2002 (France). • Loi du 10 juillet 1985 portant diverses propositions relatives à la sécurité sociale (France). LES DECRETS • Décret n° 66-134 du 16 avril 1966, portant organisation de l’université et des enseignements supérieurs. • Décret n° 62-227 du 29 juin 1962, portant institution d’un ordre de la santé publique, modifié par le décret n° 64-101 du 17 février 1964. • Décret n° 68-132 du 13 mars 1968, portant érection en faculté de l’école de médecine de l’université d’Abidjan. • Décret n° 71-09 du 2 janvier 1971, relatif aux fonctions hospitalières des étudiants en médecine, au statut des externes en médecine et au recrutement et au statut des internes en médecine du centre hospitalier d’Abidjan. 384 • Décret n° 72-148 du 23 février 1972, réglementant l’exercice de la profession d’infirmier et d’infirmière. • Décret n° 72-149 du 23 février 1972, réglementant l’exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute, modifié par le décret n° 97-699 du 10 décembre 1997. • Décret n° 72-685 du 20 octobre 1972, portant sur la création d’une école nationale d’assistants d’assainissement. • Décret n° 73-23 du 17 janvier 1973, portant création d’une école nationale de techniciens de laboratoires de santé. • Décret n° 75-636 du 22 septembre 1975, portant nationale d’aide-anesthésisteréanimateur. • Décret n° 77-12 du 5 janvier 1977, portant création d’une école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. • Décret n° 77-13 du 5 janvier 1977, portant création d’une école nationale supérieure de formation paramédicale. • Décret n° 77-907 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des personnels enseignants et de recherche de l’enseignement supérieur. • Décret n° 77-908 du 5 novembre 1977, portant régime disciplinaire des étudiants. • Décret n° 86-377 du 4 juin 1986, portant fixation du niveau général des candidats aux concours directs d’entrée à l’école nationale des infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. 385 • Décret n° 91-655 du 9 octobre 1991, portant création et organisation d’un établissement public à caractère administratif dénommé Institut National de Formation des Agents de Santé (INFAS). • Décret n° 96-878 du 25 octobre 1996, fixant les conditions d’autorisation et d’immatriculation pour l’installation des professions de santé dans le secteur privé. • Décret n° 2001-12 du 3 janvier 2001, portant organisation du ministère de la santé publique • Décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers (France). LES ARRETES MINISTERIELS • Arrêté n° 11 MSP. CAB du 29 janvier 1971, relatif aux conditions d’organisation du concours d’internat en médecine du centre hospitalier universitaire d’Abidjan. • Arrêté interministériel n° 126 MES PAS/ MEN/FP du 28 septembre 1977, portant organisation et fonctionnement de l’école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. • Arrêté n° 127 MES PAS. DFPM. Du 28 septembre 1977, portant règlement intérieur de l’école nationale d’infirmiers, infirmières et sages-femmes diplômés d’Etat. • Arrêté interministériel n° 4 MESP/FP/MEN du 10 janvier 1981, portant organisation et fonctionnement de l’école nationale de formation paramédicale. 386 • Arrêté n° 186 /MESRS/DESUP du 1 octobre 1999, portant réglementation du régime des études du premier et deuxième cycle des filières académiques et du système des unités de valeur (UV) dans les universités de Côte d’Ivoire. • Arrêté n° 115 /MSP/CAB/DGL/DRH du 7 juin2002, fixant les attributions et le fonctionnement de la direction des ressources humaines du ministère de la santé publique. • Arrêté n° 117 /MSP/CAB/DGPS/DEPS du 7 juin 2002, fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la direction des établissements et des professions sanitaires. • Arrêté n° 118/MSP/CAB/DGPS/DFR du 7 juin 2002, fixant les attributions, l’organisation et le fonctionnement de la direction de la formation et de la recherche. • Arrêté n° 121 /MSP/CAB/OB du7 juin 2002 portant organisation et fonctionnement de l’observatoire des bénéficiaires. • Arrêté n° 122 MSP/CAB. SJ du 7 juin 2002, portant organisation du service juridique du ministère de la santé publique. • Arrêté du 6 mai 1997 portant création du Conseil National de la Formation Médicale Continue Hospitalière (CN FMCH). France. AUTRES DOCUMENTS • Code de déontologie médicale de CÔTE D’IVOIRE (1962) • Code de déontologie médicale de FRANCE (1995 modifié en 1997) 387 • Document : les grands principes du droit de la santé, Jean-Marie CLEMENT, professeur associé université Paris VIII. Novembre 2003. • Document : la passation de service à l’INFAS, ministère d’Etat, ministère de la santé et de la population (Côte d’Ivoire), 29 janvier 2004. • Règlement intérieur de la faculté de médecine d’Abidjan. • Document : Stratégie de changement dans une faculté de médecine (CIDMEF). • Rapport sur la formation médicale continue des praticiens hospitaliers, janvier 2005 (CN FMCH). ARTICLES DE PRESSE PRESSE IVOIRIENNE 1. Fraternité matin, 12 septembre 2000, P 10. Nimatoulaye BA. 2. Fraternité matin, vendredi 22 février 2008, P 4. Marcelline GNEPROUST 3. Fraternité matin, mardi 4 mars 2008. 4. Fraternité matin, mercredi 28 mai 2008. Marcelline GNEPROUST. 5. Fraternité matin, vendredi 4 juillet 2008. 6. Le patriote, jeudi 10 mai 2007 7. Le patriote, jeudi 22 mars 2008 8. Le patriote, samedi 22 novembre 2008. Anzoumana CISSE 9. Le patriote, vendredi 26 mars 2010. Joël N’GUESSAN, ex ministre des droits de l’homme : « les droits de l’homme n’existent pas au pays ». 388 10. Le Nouveau Réveil : malversations à l’Infas, plus de 200 millions CFA 11. Le Nouveau Réveil : « la prostitution est devnue un métier particulièrement florissant même en milieu scolaire et universitaire ». Célébration du cinquantenaire de la Côte d’Ivoire, pourquoi c’est de la bêtise. Vendredi 7 mai 2010. Doubé BINTY. 12. Pompés. Vendredi 22 août 2008. 13. Notre Voie : CHU et instituts de santé en Côte d’Ivoire – des cadres bloqués par des professeurs cumulards. Lundi 28 juin 2008. Zié Oumar COULIBALY. 14. Notre Voie : Journées de la médecine traditionnelle- 5 millions de malade traités au pays par an. Mercredi 1 septembre 2010. Zié Oumar COULIBALY. 15. L’intelligent d’Abidjan, vendredi 31 octobre 2008. 16. L’intelligent d’Abidjan, jeudi 11 décembre 2008. 17. L’intelligent d’Abidjan : Journée de l’excellence à Treichville – Bacongo invite les élèves à abandonner la tricherie. Mardi 22 septembre 2009. 18. L’intelligent d’Abidjan : affaire : « un homme meurt dans un hôpital ». Mercredi 28 octobre 2009. 19. L’intelligent d’Abidjan : Médecine privée : assainissement du secteur, 847 cliniques exercent sans autorisation. Lundi 7 décembre 2009, Olivier GUEDE. 20. Nord-sud quotidien : CHUs, les usines à cadavres d’Abidjan : la banalisation de la souffrance et de la mort. Samedi 10 mai 2008, Sindou CISSE. 21. Nord-sud : hôpitaux publics- les malades livrés à eux-mêmes. Mardi 16 décembre 2008, Raphael TANOH. 389 22. Le Temps : fédération des syndicats autonomes de Côte d’Ivoire- déclaration relative à la grève du synacass-ci, vendredi 13 février 2009. 23. Le Mandat : congrès de la médecine moderne et traditionnelle : les praticiens prônent le dialogue. Jeudi 22 octobre 2009. Jean Tigoune Kouika. 24. Le Mandat : assainissement des services de santé publique – le ministre AKA Aouélé lance deux missions sur le terrain. Lundi 28 juin 2010. 25. Le Repère : Henri Konan BEDIE : « Comment je vais réhabiliter l’école ivoirienne ». Vendredi 11 décembre 2009. PRESSE FRANCAISE ET INTERNATIONALE 1. L’express : médecine, les nouveaux droits des patients. Estelle SAGET, Delphine SAUBABER et Anne VIDALIE. 30 novembre 2006, p 40. 2. Aujourd’hui en France : bavures, infections… dangers à l’hôpital. Lundi 12 janvier 2004, p 2 et 3. 3. Aujourd’hui en France : dépenses de santé, les Français lèvent le pied. Jean Marc PLANTADE. Mercredi 20 octobre 2004, p 10. 4. Aujourd’hui en France : bavure médicale, l’infirmière condamnée. Christian THOMAS. Mercredi 1 février 2006, p 2. 5. Aujourd’hui en France : 6000 postes à pourvoir en île de France. Mercredi 1 février 2006, p 3. 6. Aujourd’hui en France économie : la révolution managériale des hôpitaux de Paris. Olivier JAY. Lundi 3 avril 2006, p 9. 390 7. Aujourd’hui en France : les médecins de l’est débarquent. Pierre SAUVEY. Lundi 17 décembre 2007, p 10. 8. Le figaro : un hôpital Lyonnais condamné après une erreur de diagnostic. Serge PUEYO, janvier 2005. 9. France soir : hygiène, trop d’hôpitaux s’en lavent les mains. Dossier réalisé par Alice MAHLBERG. Lundi 18 février 2008. 10. Jeune Afrique : Afrique, les nouveaux visages de la corruption. Théo MARCEL. Du 27 septembre au 3 octobre 2009, p 32. 11. Jeune Afrique : Formation, lourde déficience en diplômés. Julien CLEMENCOT. Du 15 au 28 août 2010, p 128. 391 INDEX ALPHABETIQUE A Accidents médicaux · 294, 313, 314, 315, 374 Actes répréhensibles · 288, 351 Action récursoire · 314 Administration du clystère · 134 Affections iatrogènes · 7, 309 Allopathie · 37 Animistes · 39 Anthropologue · 15 Ascète · 40 Automédication · 24 C Cauris · 40, 43 Charlatanisme · 347, 359 Compérage · 359 Connaissances livresques · 141 Consultario · 183 Coran · 41 D Débrayages · 217 Dichotomie · 286, 301 E Eldorado · 25 Endémies · 23 Endocrinologie · 56, 65 F Favoritisme · 19, 223, 372 Féticheurs · 39, 42 G Guérisseurs · 39, 42, 43, 44 392 H Harcèlement sexuel · 223 Helms-Burton · 161, 163, 164 Honorariat · 67 I Infections nosocomiales · 304, 309, 310 Intersectorialité · 168 L Laxisme · 20, 131, 150, 278, 371 M Mandarin · 140 Mandarinat · 140 Marabouts · 40, 42, 44 Matrones · 51 N Népotisme · 20 O Obligation de comportement · 283 Obligation de modestie · 283 Obligation de référence scientifique · 283 P Parodie · 20 Paupérisation des populations · 19 Perdiems · 136 Personne ressource · 221 Phytothérapie · 43 Pian · 24 Pratique managériale · 253 Présomption de faute · 304, 308 Présomption de responsabilité · 308 Prosélytisme · 331 Protocoles · 213, 323 Psychosomatique · 43 393 S Serment d’Hippocrate · 267, 320 Solidarité nationale · 310, 313 Sophrologie · 99 Stratégie de l’autocariste · 258, 259 Stratégie du paysagiste · 259 Superfétatoire · 314 Syncrétisme · 40 T Torricelli · 161, 163 Tradipraticien · 39 Tribalisme · 20 Tronc commun · 73, 227, 232, 242, 243, 367 U Unité géo-administrative · 170 394 TABLE DES MATIERES SOMMAIRE............................................................................................................................................................ 11 INTRODUCTION ................................................................................................................................................... 12 PARTIE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE ET SON EVOLUTION AU COURS DE L’HISTOIRE DE LA CÔTE D’IVOIRE ............................................................................................................... 35 TITRE I : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE PENDANT LES PERIODES PRECOLONIALE ET COLONIALE ....................................................................................................................... 36 CHAPITRE I : LA PERIODE PRE-COLONIALE : AVANT 1893, LA MEDECINE TRADITIONNELLE ..................................................................................................................................... 37 SECTION I : LA MEDECINE TRADITIONNELLE : PERSONNELS ET STRUCTURES.............................. 37 I - LES PERSONNELS TRADITIONNELS DE SANTE.................................................................................. 38 A/ DANS LES SOCIETES ANIMISTES : SORCIERS, FETICHEURS ET GUERISSEURS ............... 39 B/ DANS LES SOCIETES MUSULMANES : LES MARABOUTS........................................................... 40 II - LES STRUCTURES D’EXERCICE ............................................................................................................. 41 SECTION II : PRATIQUE ET FORMATION......................................................................................................... 42 I- LA PRATIQUE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE ............................................................................ 42 II - LA FORMATION DES GENERATIONS FUTURES ................................................................................. 44 CHAPITRE II : LA PERIODE COLONIALE, 1893-1960...................................................................... 48 SECTION I : LES DIFFERENTS PERSONNELS DE SANTE .......................................................................... 48 I - MEDECINS AUXILIAIRES, INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES ............................................................ 48 A/ LES MEDECINS AUXILIAIRES IVOIRIENS ......................................................................................... 48 B/ LES INFIRMIERS ET SAGES-FEMMES............................................................................................... 50 II - LA CONTRIBUTION IVOIRIENNE A LA BONNE MARCHE DU SYSTEME DE SANTE COLONIAL ............................................................................................................................................................................... 51 A/ UN RÔLE ESSENTIEL............................................................................................................................. 51 B/ UN PARTENARIAT REUSSI ................................................................................................................... 52 SECTION II : LA STRUCTURE DE FORMATION ET L’ENSEIGNEMENT.................................................... 53 I - LA STRUCTURE DE FORMATION : L’ECOLE DE MEDECINE DE DAKAR........................................ 53 A/ LA CREATION ........................................................................................................................................... 53 B/ RAISONS DE CREATION ET OBJECTIFS........................................................................................... 54 II - L’ENSEIGNEMENT ET L’ORGANISATION MEDICALE ......................................................................... 55 A/ L’ENSEIGNEMENT DISPENSE.............................................................................................................. 56 B/ L’ORGANISATION MEDICALE............................................................................................................... 58 TITRE II : LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE : 1960-2002, LA CÔTE D‘IVOIRE MODERNE ........................................................................................................................................................ 61 CHAPITRE I : STRUCTURES DE FORMATION ET PERSONNELS ENSEIGNANTS DES MEDECINS ET AGENTS DE SANTE...................................................................................................... 62 SECTION I : LES ETUDIANTS EN MEDECINE.................................................................................................. 62 I - LIEU DE FORMATION : LA FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN ..................................................... 62 A/ CREATION, OBJECTIFS ET ORGANISATION .................................................................................. 64 1) CREATION ET OBJECTIFS............................................................................................................... 64 2) L’ORGANISATION............................................................................................................................... 65 a- Les départements d’enseignement et de recherches............................................................ 65 b- Les organes ..................................................................................................................................... 67 B/ LE PERSONNEL ENSEIGNANT ............................................................................................................ 70 1) LE PERSONNEL ENSEIGNANT DE FACULTE DE MEDECINE D’ABIDJAN .......................... 70 II - LA FORMATION UNIVERSITAIRE ......................................................................................................... 72 A/ LA FORMATION DES ETUDIANTS HOSPITALIERS...................................................................... 73 1) DE L’APPRENTISSAGE A LA PRATIQUE ...................................................................................... 73 a- Une formation sous l’autorité du personnel médical et la surveillance des internes. ............ 73 b- L’affectation dans les services ...................................................................................................... 75 2) DISPOSITIONS STATUTAIRES ET GENERALES......................................................................... 76 a- Le régime disciplinaire.................................................................................................................... 76 b- Rémunérations et attributs............................................................................................................. 77 395 B/ LA FORMATION DES INTERNES EN MEDECINE DU CHU ........................................................... 79 1) LE RECRUTEMENT DES INTERNES.............................................................................................. 79 a- Les conditions du recrutement ...................................................................................................... 79 b- Les épreuves du concours : la nature, la durée et la cotation .................................................. 81 c- La composition et le mode de constitution du jury...................................................................... 81 2) LA NOMINATION AU TITRE D’INTERNE DES HÔPITAUX D’ABIDJAN................................... 83 a- Les conditions de la nomination.................................................................................................... 83 b- Exercice des fonctions se rattachant à la nomination................................................................ 85 c- Rémunérations et dispositions statutaires générales................................................................. 86 SECTION II: LES AGENTS MEDICAUX ET PARA-MEDICAUX ..................................................................... 88 I - L’ECOLE DE FORMATION : L’INSTITUT NATIONAL DE FORMATION DES AGENTS DE SANTE (INFAS) ................................................................................................................................................................. 88 A/ L’INFAS ET SES MISSIONS ................................................................................................................... 88 1) PRESENTATION DE L’ETABLISSEMENT ...................................................................................... 88 2) LES MISSIONS DE L’INFAS .............................................................................................................. 90 B/ L’ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DE L’INFAS ........................................................... 91 1) LES ORGANES .................................................................................................................................... 91 a- La commission consultative de gestion ....................................................................................... 91 b- La direction....................................................................................................................................... 92 c- Les organes techniques ................................................................................................................. 93 2) LE CORPS ENSEIGNANT.................................................................................................................. 94 a- Les directeurs ou coordinateurs des études ............................................................................... 94 b- Les professeurs ............................................................................................................................... 95 c- Les moniteurs et les monitrices..................................................................................................... 96 II - LE DEROULEMENT DE LA FORMATION ................................................................................................ 97 A/ LE CONTENU DES ETUDES ................................................................................................................ 97 1) L’ENSEIGNEMENT.............................................................................................................................. 97 a- Les modalités de recrutement ....................................................................................................... 97 b- La durée de la formation ................................................................................................................ 99 c- Le contrôle de connaissances ..................................................................................................... 101 2) LES EXAMENS .................................................................................................................................. 101 a- L’examen probatoire ..................................................................................................................... 102 b- Les examens de passage ............................................................................................................ 103 c- L’examen de sortie........................................................................................................................ 106 B/ LES STAGES........................................................................................................................................... 107 1) TERRAINS DE STAGE ET REPORT DE STAGE......................................................................... 107 a- Terrains de stage .......................................................................................................................... 108 b- Report de stage ............................................................................................................................. 109 2) L’ASSIDUITE AUX STAGES ............................................................................................................ 109 a- La présence obligatoire aux stages............................................................................................ 110 b- Absence et retard aux stages...................................................................................................... 110 III - LA FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL AU SEIN DE L’INFAS .................................... 111 A/ PRESENTATION DE L’ECOLE DE FORMATION DU PERSONNEL PARAMEDICAL ............... 111 1) CREATION ET OBJECTIFS............................................................................................................. 111 a- La création ..................................................................................................................................... 111 b- Les objectifs ................................................................................................................................... 112 2) L’ORGANISATION............................................................................................................................. 113 a- Le personnel de direction............................................................................................................. 113 b- Le personnel enseignant.............................................................................................................. 115 B/ DEROULEMENT DE LA FORMATION................................................................................................ 116 1) MODALITES DE RECRUTEMENT, DUREE ET CONTENU DES ETUDES ............................ 116 a- Modalités de recrutement ............................................................................................................ 116 b- Durée des études.......................................................................................................................... 117 396 2) LES EXAMENS .................................................................................................................................. 119 a- Les examens de passage ............................................................................................................ 119 b- Les examens de sortie ................................................................................................................. 121 CHAPITRE II : LES PROBLEMES LIES A LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE.................................................................................................................................. 124 SECTION I : STRUCTURES ET MATERIELS, QUAND LA LOGISTIQUE EST DEFAILLANTE............. 124 I - Localisation des structures et capacité d’accueil ..................................................................................... 124 A/ Localisation des structures..................................................................................................................... 124 1) STRUCTURES MAJORITAIREMENT BASEES DANS LE SUD DU PAYS ET LES GRANDS CENTRES URBAINS ............................................................................................................................. 124 a- Abidjan, seul lieu de formation des médecins ivoiriens ........................................................... 124 b- Les grandes villes du pays pour former les agents de santé.................................................. 126 2) Les autres régions totalement défavorisées................................................................................... 127 B/ CAPACITE D’ACCUEIL INSUFFISANTE ............................................................................................ 128 1) IMPOSSIBILITE POUR LA FACULTE D’ACCUEILLIR TOUS LES ETUDIANTS .................... 128 2) CAPACITE D’ACCUEIL SERIEUSEMENT LIMITE A L’INFAS ................................................... 129 II - LES PROBLEMES LIES AU MATERIEL ET A LA FORMATION......................................................... 130 A / LE MATERIEL......................................................................................................................................... 130 1) INEXISTENCE ET MAUVAIS ETAT DU MATERIEL .................................................................... 130 a- Absence de sièges, d’ordinateurs… à la faculté de médecine et à l’INFAS......................... 130 b- Vétusté du matériel existant .................................................................................................... 132 2) INEXISTENCE DU MATERIEL DE PREMIERE NECESSITE..................................................... 133 B/ LA FORMATION...................................................................................................................................... 133 1) UNE FORMATION INITIALE INSUFFISANTE .............................................................................. 133 2) ABSENCE DE MECANISME DE FORMATION CONTINUE....................................................... 135 SECTION II : LES PROBLEMES HUMAINS ..................................................................................................... 138 I - LES PROBLEMES CONCERNANT LES FORMATEURS ..................................................................... 138 A/ LEGERETE DANS LA CONDUITE DES ENSEIGNEMENTS .......................................................... 139 1) L’ENSEIGNANT, SEUL « MAITRE » DE L’AMPHITHEATRE..................................................... 139 2) LE CHANTAGE DU CORPS PROFESSORAL.............................................................................. 139 B/ NON ACTUALISATION DES COURS ................................................................................................. 141 1) LES ENSEIGNANTS FACE A L’EVOLUTION DE LEUR MATIERE ......................................... 141 2) LES ENSEIGNANTS FACE A LA MAITRISE DE LEUR MATIERE............................................ 143 II - LES PROBLEMES CONCERNANT LES ETUDIANTS.......................................................................... 144 A/ ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ET AUX STAGES....................................................... 144 1) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX COURS ............................................................................... 144 2) L’ABSENCE DES ETUDIANTS AUX STAGES ............................................................................. 145 B/ ABSENCE DE VOLONTE ET TRICHERIE DES ETUDIANTS......................................................... 146 1) ABSENCE DE VOLONTE................................................................................................................. 146 2) LA TRICHERIE ET LA CORRUPTION ........................................................................................... 147 CONCLUSION DE LA PARTIE I...................................................................................................................... 150 PARTIE II : REBATIR LE SYSTEME DE FORMATION DES ..................................................................... 153 PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE.......................................................................................... 153 TITRE I : SOLUTIONS POUR REFONDER LE SYSTEME DE FORMATION ...................................... 154 CHAPITRE I : L’APPORT DU MODELE CUBAIN .............................................................................. 155 SECTION I : L’ORIGINE DE LA REUSSITE CUBAINE EN MATIERE DE SANTE.................................... 155 I - LA SANTE, VALEUR SOCIALE ET PRIORITE POLITIQUE ................................................................ 156 A/ LA SANTE AU CENTRE DES DECISIONS POLITIQUES ............................................................... 156 1) LA SANTE, UNE DES PREOCCUPATIONS DE LA REVOLUTION CUBAINE ....................... 156 2) LA SANTE A LA BASE DU DEVELOPPEMENT CUBAIN DEPUIS 1959 ................................. 157 B/ LES DEUX PRINCIPES DE LA SANTE PUBLIQUE CUBAINE....................................................... 159 1) LE FINANCEMENT DU SYSTEME DE SANTE PAR L’ETAT..................................................... 159 2) LE MAINTIEN DE LA COUVERTURE DE SOINS ET L’ACCESSIBILITE AUX SERVICES DE SANTE A TOUTE LA POPULATION A TRAVERS DES SOINS GRATUITS................................ 160 II - LE SYSTEME DE SANTE AU REGARD DU CONTEXTE POLITIQUE, GEOGRAPHIQUE, DEMOGRAPHIQUE ET ECONOMIQUE ....................................................................................................... 161 A/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE POLITIQUE ET GEOGRAPHIQUE ............... 161 1) LES GRANDES ETAPES DE LA VIE POLITIQUE DE CUBA..................................................... 161 2) LE PROFIL GEOGRAPHIQUE ET ADMINISTRATIF ................................................................... 162 397 B/ LE SYSTEME DE SANTE FACE AU CONTEXTE ECONOMIQUE ................................................ 163 1) LA SITUATION ECONOMIQUE....................................................................................................... 163 2) LE FINANCEMENT DE LA SANTE ................................................................................................. 166 SECTION II : LE SYSTEME DE SANTE CUBAIN............................................................................................ 169 I - LES RAISONS DE LA REUSSITE DU SYSYEME DE SANTE CUBAIN ............................................. 169 A/ LE SYSTEME DE SANTE, ENTRE REFORMES ET STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT.... 169 B/ UNE STRUCTURATION ENTIEREMENT ADMINISTRATIVE ........................................................ 170 C/ UNE ORGANISATION ECHELONNEE ............................................................................................... 171 II - LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE CUBAINS ............................................................. 173 A/ LA FORMATION DES INFIRMIERES/ INFIRMIERS CUBAINS ...................................................... 173 1) LES DIFFERENTES CATEGORIES D’INFIRMIERES ................................................................. 173 2) LA FORMATION DES INFIRMIERES / INFIRMIERS CUBAINS : ACCES ET DEROULEMENT ................................................................................................................................................................... 174 a- L’accès à la formation................................................................................................................... 175 b- Le déroulement de la formation .................................................................................................. 176 B/ LA FORMATION DES MEDECINS A CUBA....................................................................................... 177 1) PRESENTATION DU SYSTEME DE FORMATION DES MEDECINS CUBAINS.................... 177 a- Les structures : les écoles de médecine.................................................................................... 177 b- Le personnel enseignant.............................................................................................................. 180 2) L’enseignement au sein des écoles de médecine......................................................................... 181 a- Un enseignement divisé en trois cycles..................................................................................... 181 b- Les avantages du système cubain ............................................................................................. 183 CHAPITRE II : PROPOSITION DE SOLUTIONS ................................................................................ 189 SECTION I : SOLUTIONS CONCERNANT LES INFRASTRUCTURES ET LE MATERIEL..................... 189 I - LES INFRASTRUCTURES ......................................................................................................................... 189 A/ DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DE NOUVELLES STRUCTURES............................... 189 1) DELOCALISATION ET CONSTRUCTION DES CENTRES DE FORMATION......................... 190 2) UNE FACULTE DE MEDECINE DANS LES GRANDES VILLES DU PAYS ............................ 192 B/ AMELIORATION DE LA CAPACITE D’ACCUEIL DES STRUCTURES EXISTANTES ............... 195 1) MULTIPLICATION DES SALLES DE COURS .............................................................................. 195 2) AUGMENTATION ET MEILLEURE REPARTITION DES LOGEMENTS .................................. 196 C/ RETRAIT DU MONOPOLE DE LA FORMATION A L’ETAT ............................................................ 199 1) FAVORISER LA CREATION D’INSTITUTS PRIVES DE FORMATION.................................... 199 2) FAVORISER LA CREATION D’UNIVERSITES PRIVEES DE MEDECINE .............................. 201 II - LE MATERIEL .............................................................................................................................................. 204 A/ MISE A JOUR DU MATERIEL VETUSTE ........................................................................................... 204 B/ NECESSITE DE LA CONFORMITE DU MATERIEL AUX AVANCEES TECHNOLOGIQUES ... 208 C/ LE FINANCEMENT DE LA SANTE EN COTE D’IVOIRE ................................................................. 210 1) UN FINANCEMENT NECESSITANT AUJOURD’HUI DES REFORMES.................................. 210 2) BUDGETISATION SERIEUSE DU FINANCEMENT DU MATERIEL......................................... 212 SECTION II : SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION, LES ETUDIANTS ET LES ENSEIGNEMENTS........................................................................................................................................ 214 I - LES SOLUTIONS CONCERNANT LE PERSONNEL DE FORMATION............................................. 215 A/ MOTIVATION FINANCIERE PLUS IMPORTANTE ........................................................................... 215 B/ ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS .................................................................................. 220 1) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR DES SEMINAIRES DE MISE A NIVEAU ................................................................................................................................................................... 220 2) ASSURER LA QUALITE DES FORMATEURS PAR LE SUIVI DE LEUR CARRIERE ........... 223 C/ MISE EN PLACE D’UN PROCESSUS DE SANCTION EFFICACE................................................ 224 II - SOLUTIONS CONCERNANT LES ETUDIANTS.................................................................................... 226 A/ AMELIORER LES CONDITIONS DE VIE DES ETUDIANTS........................................................... 227 B/ FACILITER L’ACCES AU SAVOIR ET FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE................ 231 1) FACILITER L’ACCES AU SAVOIR.................................................................................................. 231 2) FAVORISER L’ANIMATION PEDAGOGIQUE............................................................................... 236 C/ SANCTIONNER LES ETUDIANTS INDISCIPLINES ................................................................... 237 III - SOLUTIONS CONCERNANT LES ENSEIGNEMENTS ....................................................................... 238 A/ AMELIORER LA FORMATION INITIALE, INSTAURER UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES ET METTRE EN PLACE UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT 238 1) AMELIORER LA FORMATION INITIALE ....................................................................................... 238 2) INSTAURATION D’UN SYSTEME D’EVALUATION DES FACULTES DE MEDECINE, DES ECOLES DE FORMATION ET DES PROGRAMMES D’ETUDES MEDICALES ......................... 241 a- Les buts de l’évaluation................................................................................................................ 241 398 b- L’objet de l’évaluation ................................................................................................................... 243 3) MISE EN PLACE D’ UN PROGRAMME DE QUALITE DE L’ENSEIGNEMENT ...................... 244 B/ REFORMER LE SYSTEME DE FORMATION CONTINUE.............................................................. 245 1) METTRE L’ACCENT SUR LA FORMATION CONTINUE............................................................ 245 2) DONNER UN CARACTERE OBLIGATOIRE A LA FORMATION CONTINUE......................... 248 3) EVALUATION DES FORMATIONS................................................................................................. 252 a- L’évaluation par le responsable .................................................................................................. 252 b- L’évaluation par les personnels................................................................................................... 253 C/ INTRODUCTION DE NOUVELLES MATIERES ................................................................................ 254 TITRE II : LA PLACE DU DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE EN CÔTE D’IVOIRE ......................................................................................................................................................... 261 CHAPITRE I : LE DROIT DANS LA FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE IVOIRIENS ...................................................................................................................................................................... 262 SECTION I : LE DROIT MEDICAL ABSENT DE NOS STRUCTURES DE FORMATION......................... 262 I - FACULTE DE MEDECINE ET INFAS, LE DROIT MEDICAL ABSENT DES PROGRAMMES ........ 262 A/ FACULTE DE MEDECINE, UN COURS DE DROIT MEDICAL SANS REELLE IMPORTANCE 262 B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL INEXISTANT ........................................................................................ 264 II - LA NECESSITE DU DROIT MEDICAL..................................................................................................... 267 A/ LES FUTURS MEDECINS DESIREUX DE MAITRISER LE DROIT MEDICAL ............................ 267 B/ INFAS, LE DROIT MEDICAL POUR VALORISER LA PROFESSION............................................ 270 III - RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE D’UNE RELATION JURIDIQUE ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS .......................................................................................................................................................... 272 A/ LES PATIENTS PLUS AU FAITE DES LIENS QUI LES UNISSENT AUX MEDECINS DANS LE PRIVE ............................................................................................................................................................ 272 B/ HOPITAUX PUBLICS, REPONDRE AUX INTERROGATIONS DES PATIENTS ......................... 275 SECTION II : LE DROIT POUR UN FONCTIONNEMENT EFFICACE DU SYSTEME HOSPITALIER ... 278 I - LE DROIT POUR METTRE FIN AU LAXISME DANS NOS HOPITAUX.............................................. 278 A/ LE DROIT POUR UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS................................. 278 B/ LE DROIT POUR UN EXERCICE RIGOUREUX DE LA MEDECINE ............................................. 282 II - LE DROIT POUR REGULER L’EXERCICE DE LA MEDECINE ENTRE SES DIFFERENTS ACTEURS........................................................................................................................................................... 287 A/ LE DEVOIR DE CONFRATERNITE ENTRE MEDECINS................................................................. 287 B/ LE DROIT POUR REGLEMENTER LES RELATIONS ENTRE LES MEDECINS ET LES AUTRES PROFESSIONS PARAMEDICALES ......................................................................................................... 289 III - L’ENSEIGNEMENT DU DROIT MEDICAL POUR UN EQUILIBRE DANS LES RELATIONS ENTRE SOIGNANTS ET PATIENTS............................................................................................................................ 292 A/ LES RELETIONS MEDECINS /PATIENTS FACE AU DROIT ......................................................... 293 1) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE AVANT LA LOI DU 4 MARS 2002 ......................................... 293 a- Les juridictions compétentes ....................................................................................................... 298 b - La responsabilité médicale devant le juge judiciaire............................................................... 299 c- La responsabilité hospitalière devant le juge administratif ...................................................... 302 2) L’ENSEIGNEMENT JURIDIQUE DEPUIS LA LOI DU 4 MARS 2002........................................ 306 a- Observations générales ............................................................................................................... 307 b- La responsabilité de droit commun pour faute...................................................................... 309 c- L’indemnisation.......................................................................................................................... 310 - Le champ d’application................................................................................................................... 310 B/ LES PATIENTS FACE A LEURS RESPONSABILITES .................................................................... 317 1) LE REFUS DE SOINS PAR LE PATIENT : LE DESENGAGEMENT DU MEDECIN............... 317 2) NECESSITE DE FAIRE CONNAITRE SES ANTECEDENTS MEDICAUX ET DE SUIVRE CORRECTEMENT LE TRAIEMENT PRESCRIT............................................................................... 322 CHAPITRE II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE A LA MAITRISE ET AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT.............................................................................................................................. 327 SECTION I : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DES DROITS DU PATIENT POUR L’ACCOMPLISSEMENT DU DEVOIR MEDICAL ............................................................................................. 327 I - LE PERSONNEL DE SANTE ET LA VIE DU PATIENT.......................................................................... 329 A/ RESPECTER LA VIE ET LA PERSONNE HUMAINE ....................................................................... 329 1) FORMATION DES PERSONNELS DE SANTE AU RESPECT DE LA VIE PRIVEE DU PATIENT .................................................................................................................................................. 330 2) FORMATION DU PERSONNEL HOSPITALIER AU RESPECT DE LA PERSONNE ET DE SON INTIMITE ........................................................................................................................................ 331 B/ ASSURER LA QUALITE DES SOINS ET DES ACTES ................................................................... 333 399 II - LE SECRET MEDICAL ET L’INFORMATION DU PATIENT................................................................. 336 A/ LE RESPECT DU SECRET MEDICAL ................................................................................................ 336 1) Le principe du secret médical ........................................................................................................... 336 2) Les dérogations au principe du secret médical.............................................................................. 340 B/ LE DROIT A L’INFORMATION DU PATIENT ..................................................................................... 343 1) L’information du patient sur son état de santé ............................................................................... 343 2) L’information sur les soins et les risques ........................................................................................ 347 III- EQUITE ET JUSTICE DANS LES SOINS : LE PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION ................. 349 A/ L’EGALITE DES PATIENTS : AU NIVEAU DE L’ACCUEIL.............................................................. 349 B/ LE REJET DES PREJUGES : AU NIVEAU DES SOINS .................................................................. 350 SECTION II : FORMER LE PERSONNEL DE SANTE AU RESPECT DU PATIENT ................................ 352 I- TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ET PROFESSIONNELLE ............................... 352 A/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE CONSCIENTE ...................................................................... 352 B/ TRAITER LE PATIENT DE MANIERE PROFESIONNELLE ............................................................ 353 II - RESPECT DU PRINCIPE DE LIBERTE .................................................................................................. 354 A/ LIBRE CHOIX DU MEDECIN POUR LES PATIENTS....................................................................... 354 B/ LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ET DES HONORAIRES ............................................................. 357 1) LIBERTE DES PRESCRIPTIONS ................................................................................................... 357 2) DROIT AUX HONORAIRES ............................................................................................................. 359 III - LE REFUS DE SOINS PAR LE MEDECIN............................................................................................. 361 A/ LE MEDECIN CONDAMNER A SOIGNER ......................................................................................... 361 B/ RAISONS PROFESSIONNELLES ET PERSONNELLES POUR JUSTIFIER LE REFUS. ......... 362 CONCLUSION DE LA PARTIE II..................................................................................................................... 364 CONCLUSION..................................................................................................................................................... 367 BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................................................ 379 INDEX ALPHABETIQUE.................................................................................................................................. 392 TABLE DES MATIERES ................................................................................................................................... 395 400 RESUME La bonne qualité d’un système de santé dépend en grande partie des personnes qui font ce système, c'est-à-dire les personnels de santé. Il est donc nécessaire de s’intéresser à tous ces agents : médecins, infirmier(e)s, sages-femmes, aides soignant etc…lorsqu’on envisage d’améliorer le mode de fonctionnement d’un système de santé. Nos recherches portent sur la mise en place d’un plan de développement de la formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Il s’agit pour nous dans un premier temps de faire un état des lieux du système de formation des personnels de santé au cours de l’histoire de la Côte d’Ivoire. L’analyser, voir ce qui a été fait, ce qui a marché et relever les difficultés qui ont pu apparaitre à certains moments. Dans un second temps, il s’agira pour nous de proposer des solutions novatrices et durables afin d’améliorer le système de formation des personnels de santé en Côte d’Ivoire. Ces solutions qui devront corriger nos lacunes peuvent provenir de l’observation de modèles étrangers qui ont fait leur preuve. Ces modèles étrangers seront appliqués à la Côte d’Ivoire tout en tenant compte des réalités nationales. La recherche de nouvelles solutions doit être l’occasion pour nous de prendre en compte, dans la formation des personnels de santé, de nouveaux éléments tels que le droit médical. En effet, de nos jours, le droit est une discipline incontournable dans tous les secteurs d’activités. Le droit médical permettra donc à tout personnel de santé de prendre conscience de sa responsabilité médicale face à un patient. Le droit sera perçu ici comme un élément d’équilibre et de justice dans les soins. Pour une médecine équitable, il est impératif que la Côte d’Ivoire voire l’Afrique toute entière tiennent compte du droit médical dans la formation de leurs personnels de santé. Mots clés : plan, développement, formation, personnels de santé SUMMARY A good health care system depends primarily on the quality of the professionals who built and manage it. Any attempt at bettering such a system must therefore start with improving medical training and the quality of the daily care provided by doctors, nurses, midwifes, orderlies, EMT’s, paramedics and all the other professionals, who constitute the personnel in charge of the system. The present study focuses on the “Côte d’Ivoire” (Ivory Coast), and presents a plan for improving the training of health care professionals within in this West African country. Starting with an historical overview, we first look at the evolution of heath care training, from the beginnings of a formalized allopathic tradition all the way through to the present. Throughout, we highlight programs and initiatives that have worked as well as those that have proven less successful. Our goal was to understand and assess the challenges the country has faced over time in managing the health of citizens in order to identify appropriate solutions. We then present selected innovative, sustainable health care training models derived primarily from benchmarking “best practices” in other countries re notable results were proven. In doing so, we pay particular attention to contextualizing and adapting identified benchmarked models to the specific economic, social, cultural and political environment of the Côte d’Ivoire. One major conclusion of our analysis pertains to the pivotal role of medical law training. Our research stressed the importance of solidly training all health care professional in their understanding and mastery of medical law. This is key and a precondition to virtually any improvement of the system of health care in Côte d‘Ivoire and beyond into the rest of Africa at large. A command of the legal parameters of their job not only empowers each heath care professional with a clear and conscious sense of his or her responsibilities towards patients, but it also guarantees the balance, fairness and the very quality of the overall health care system. Keywords: Plan, Development, Training, Health care professional/personnel 401