2. Ecoulements en charge, pertes de charge

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Hydraulique des ouvrages
2.
Chapitre 2
Ecoulements en charge, pertes de charge
Un des problèmes techniques les plus importants qui s’est posé très tôt à
l'humanité, est celui du transport hydraulique. Qu'il s'agisse d'une canalisation
(alimentation d’eau potable, égouts, ventilation), d'un canal (irrigation, drainage,
amenée et/ou restitution de centrale hydroélectrique), d'une rivière (propagation
de crues) ou encore d'un bateau, le problème à résoudre est le même. Si nous
voulons que le transport(écoulement, mouvement) soit assuré dans les
conditions souhaitées (débit, vitesse, pression, niveau) il faut prendre en compte
la dissipation d'énergie, c’est à dire mettre en place ou utiliser une "charge"
disponible suffisante (réservoir, château d’eau), fournir de l'énergie de pompage,
doter les embarcations de propulseurs adaptés (voiles, moteurs), donner aux
canaux les pentes suffisantes (équilibre sur l'axe du lit entre la composante de la
pesanteur et le frottement), etc.
Pour l'hydraulicien le problème revient à évaluer l'énergie mécanique dissipée
lors du transport, au moyen d'une loi de comportement adéquate. Cette dernière
doit établir le lien existant entre les paramètres de l'écoulement (vitesse,
géométrie du support, section, périmètre mouillé, aspérités des parois), les
caractéristiques du fluide (masse, viscosité) et l'énergie dissipée. Ce type de
relation est à ranger parmi d'autres lois de comportement bien connues des
ingénieurs, telles que σ = E ⋅ ε , U = R ⋅ I , etc.
En hydraulique elle est désignée le plus souvent comme loi de perte de charge.
C’est dans le cadre relativement simple des écoulements en charge, que le
problème de la dissipation de l'énergie mécanique dans les écoulements a été
abordé prioritairement. Cette dissipation, due aux frottements internes et à la
paroi, est une perte, par transformation en chaleur, d'une partie de l'énergie
mécanique disponible, appelée en hydraulique perte de charge.
2.1
Lois de perte de charge
C’est l'écoulement uniforme en charge qui est le plus fréquent dans la pratique
du transport des fluides à distance (tuyaux). Nous pouvons admettre que les
pertes de charge sont ici linéaires c’est à dire proportionnelles à la longueur du
tronçon considéré. Ce postulat est exprimé par l'équation (2.1).
hr = J ⋅ L
(2.1)
avec
hr :
J:
L:
la perte de charge linéaire,
la perte de charge linéaire par unité de longueur,
la longueur du tronçon de canalisation considérée.
La figure 2.1 délimite précisément un tronçon de canalisation, en faisant
apparaître les forces en jeu:
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R:
Chapitre 2
la résistance de la paroi (τ0 est l’effort tangentiel moyen de frottement à la
paroi),
le poids du fluide sur le tronçon,
les pressions appliquées sur les surfaces d’extrémités.
G:
p:
Rappelons ici que l'équation de quantité de mouvement considère les forces
extérieures à la masse contenue dans le <<volume de contrôle>>, délimité par
les sections 1, 2 et la paroi de la canalisation. Les forces intérieures, dont les
frottements internes, peuvent par contre être ignorées parce qu’elles se trouvent
en équilibre (résultante nulle).
Figure 2.1 : Conditions d’écoulement dans une canalisation
rectiligne de section circulaire (régime établi)
cylindrique
Entre les sections 1 et 2, les équations de conservation d'énergie (2.2), de
quantité de mouvement (2.3) et de continuité (2.4) s'écrivent:
v12
p
v2
+ z1 = 2 + 2 + z2 + hr
2g
γ 2g
(2.2)
p1S1 − p2 S 2 − R + G sin θ = ρQ(V1 − V2 )
(2.3)
V1 = V2 = V = Q / S
(2.4)
p1
γ
+
car
S1 = S 2 = S
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Chapitre 2
R =τo ⋅ P ⋅ L
avec
G sin θ = g ⋅ S ⋅ L sin θ = g ⋅ S ( z1 − z2 )
et
La combinaison des équations (2.2) et (2.4)
( p1 − p 2 ) + (z
γ
1
− z2 ) = J ⋅ L
(2.5)
et la combinaison des équations (2.3) et (2.4)
⎡ ( p1 − p 2 )
γS ⎢
⎣
γ
⎤
+ ( z1 − z 2 )⎥ = τ o pl
⎦
(2.6)
En divisant (2.3) par (2.6) et après séparation de τo nous obtenons la relation
(2.7) qui est indépendante de (z1-z2).
τo = γ ⋅ R ⋅ J
avec
(2.7)
S
: le rayon hydraulique
P
D
: pour les tuyaux de section circulaire
R=
4
R=
Après substitution de γ = ρ⋅g l’équation (2.7) peut s’écrire
τo
= g ⋅R⋅J
ρ
(2.8)
Il est intéressant de remarquer que les deux termes de l'équation (2.8) ont la
dimension d'une vitesse au carré, soit
τo
= v 2 et ainsi
ρ
τo
= v en raison de
ρ
cette similitude dimensionnelle, le terme de gauche est appelé « vitesse de
frottement » noté e par v*.
En outre, l'homogénéité dimensionnelle des équations de la physique permet de
présumer que
v ∝α
et par conséquent que
V ∝ g R⋅J
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Chapitre 2
En admettant cette hypothèse, l'équation (2.8) devient
V = C RJ
(2.9)
avec
C : le coefficient de Chézy qui contient g
Ce résultat obtenu en 1768 est connu comme équation de Chézy, du nom de
son auteur. Après avoir constaté expérimentalement que le facteur de
proportionnalité C n’est pas constant mais varie assez largement, il restait à
comprendre pourquoi et comment. Weisbach (2845) apporta la réponse à cette
question au moyen de l'analyse dimensionnelle. L’équation dite “fonctionnelle” de
la perte de charge linéaire (égale à la variation de pression ∆p correspondante
dans le cas particulier où V= Cte. le long de l’écoulement) s’écrit comme suit :
f (∆p, V , D, k , L, ρ , µ ) = 0
(2.10)
Les termes en gras sont les paramètres hydrodynamiques de l'écoulement, ceux
en caractères romains dé finissent la géométrie de l'écoulement, D (4R) est le
diamètre intérieur de la canalisation et k la rugosité de la paroi (un équivalent
hydrauliquement représentatif de la taille des aspérités); finalement, la masse
volumique ρ et la viscosité dynamique µ servent à caractériser le fluide.
L'équation (2.10) contient ainsi tous les paramètres significatifs du phénomène et
exprime leur dépendance fonctionnelle, à défaut de fournir l’expression
analytique précise qui est recherchée. La théorie des dimensions nous apprend
toutefois qu'il est possible de regrouper les termes de cette équation de façon à
obtenir un nombre réduit, (n-3), de nouveaux paramètres sans dimensions. En
procédant judicieusement nous obtenons:
⎛ ∆p
VD L k ⎞
f ⎜⎜
;
; ; ⎟⎟ = 0
2
⎝ ρV / 2 µ / ρ D D ⎠
(2.11)
ou encore après arrangement:
∆p / γ
L ⎛ VD k ⎞
=
f⎜
; ⎟
2
v / 2g D ⎝ v D ⎠
(2.12)
La perte de pression (ou perte de charge) dp dans le terme de gauche est
proportionnelle à la longueur (L) du tronçon considéré. La fonction f dans le
terme de droite contient le nombre de Reynolds, Re = VD/n, ou v = m/r est la
viscosité cinématique du fluide, et la rugosité relative k/D. Cette fonction f
(parfois notée λ dans la littérature francophone) et appelée coefficient de
frottement. Ainsi, la perte de charge par unité de longueur J peut s’exprimer
comme suit:
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J=
Chapitre 2
hr ∆p
V2
=
= f
L γL
2 gD
soit
V2
J= f
2 gd
(2.13)
La relation (2.13) est connue comme équation de Darcy-Weisbach. Elle peut être
ramenée à la même forme que l'équation de Chézy:
V =
8g
RJ
f
(2.14)
Cela montre que le coefficient de Chézy C, est fonction du nombre de Reynolds
Re et de la rugosité relative k/D, au même titre que f. Avant qu'une expression
analytique ait pu être formulée vers 1933 pour exprimer la fonction f, deux autres
propositions furent formulées par Manning en 1895:
C=
1 1/ 6
R
n
(2.15)
avec n: le coefficient de Manning
et par Strickler en 1923:
C = K ⋅ R1 / 6
(2.16)
K : le coefficient de Strickler
Ces 2 propositions étaient accompagnées de tables de valeurs pour n et de K
respectivement. Strickler, à l'époque directeur du Service fédéral des Eaux à
Berne, limitait sa proposition aux rivières. L’extension de son application au
domaine des canalisations n'a suivi qu'après 1950. Les domaines d'utilisation
des formules de Manning et de Strickler sont actuellement confondus et le choix
tient davantage à la tradition locale (dans le monde anglo-saxon pour la
première, en Europe pour la seconde).
La forme usuelle d'application de la formule de Strickler est:
V = K ⋅ R 2 / 3 ⋅ J 1/ 2
(2.17)
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2.1.1 Canalisations cylindriques rectilignes de section circulaire
Revenant à f, c’est la théorie de la turbulence proposée par L. Prandtl en 1905 et
développée par ses élèves Blasius et von Karmann qui a permis de trouver les
formulations analytiques générales recherchées. Ce sont toutefois les travaux
expérimentaux de Nikuradze avec des tuyaux circulaires en laiton sur les parois
desquels il avait collé une seule couche compacte de grains de sable calibré,
soit, k = Φgrain, qui ont fourni les coefficients numériques de ces équations. Les
résultats présentés sur la figure 2.2 confirment que la fonction f est caractérisée
en écoulement turbulent par:
•
•
un domaine où f est indépendant de la rugosité. Nous parlerons
d’écoulements hydrauliquement lisses ;
un second domaine où f est indépendant du nombre de Reynolds, dans
lequel les écoulements hydrauliquement rugueux dépendent entièrement de
la forme et de la disposition des éléments de rugosité.
Cette structure de la fonction f peut être expliquée par la présence au voisinage
de la paroi d'une couche de liquide, ralentie par l'adhérence (v=0 à la paroi) et le
frottement visqueux, où l'écoulement reste laminaire alors que le corps de
l'écoulement est turbulent. Cette couche est appelée sous-couche laminaire.
Lorsqu’elle recouvre les aspérités, la dissipation d'énergie à la paroi est du type
laminaire et celle dans le corps de l'écoulement turbulente. Les aspérités ne
jouent aucun rôle dans ce cas et tout se passe comme si la paroi é tait lisse. A
l'opposé, si les aspérités dépassent largement la sous-couche laminaire, elles
génèrent des sillages dans le corps même de l'écoulement turbulent et la
dissipation d'énergie, purement turbulente, est alors déterminée par la rugosité.
Figure 1.2 : Courbes expérimentales dites « harpe de Nikuradze »
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Chapitre 2
Les expériences de Nikuradze ont été menées avec une rugosité uniforme (de
sable calibré). Les parois des tuyaux industriels comportent toutefois des
aspérités de dimensions très diverses à l'intérieur d'une fourchette assez large.
Nous parlerons de rugosité aléatoire. Vers 1940 Colebrook et White, constatent
que la zone de transition dans ce dernier cas peut être décrite par une courbe
décroissance monotone, asymptotique aux deux autres domaines et proposent
l’expression (2.18).
⎡ 2.51
k ⎤
= −2 log ⎢
+
⎥
f
⎣⎢ Re f 3.7 D ⎦⎥
1
(2.18)
Si nous y remplaçons f par son équivalent tiré de l'équation de Darcy-Weisbach,
nous obtenons après arrangement:
⎡ k
⎤
2.51 ⋅ v
V = −2 8 g ⋅ RJ ⋅ log ⎢
+
⎥
⎣⎢ 3.7(4 R) 4 R 8 g ⋅ RJ ⎥⎦
(2.19)
C’est l’équation de Colebrook – White dite aussi de Prandtl-Colebrook. Elle a été
présentée dès 1969 en unités métriques, sous forme graphique et tabulée, pour
l’eau à 15° C et les valeurs usuelles de rugosité, en prenant comme variables
4R = D en m et J en m/100 m. Le débit et/ou la vitesse sont obtenus en l/s et m/s
respectivement. Cette équation et celle de Strickler sont recommandées par la
norme SIA 190, pour le calcul des canalisations. La vitesse d'écoulement n’est
évidemment pas négative lorsque la valeur entre crochets est inférieure à 1 et
log < 0. Les valeurs de la rugosité k sont déterminées expérimentalement (nous
parlerons alors de rugosité de sable équivalente), par mesure directe ou encore
par estimation au jugé, selon les possibilités et le besoin de précision. Il est clair
que les erreurs possibles à cet égard n'ont qu'une faible incidence sur le résultat
(k se trouve sous l'opérateur log). Les progrès technologiques de la fabrication
industrielle des tuyaux d'une part et les limites techniques et économiques de
leur utilisation d'autre part (V limitée), font que la quasi-totalité des cas pratiques
se situent de nos jours dans le domaine des écoulements hydrauliquement lisses
ou dans son proche voisinage.
2.2
Singularités
A l'opposé des pertes de charge linéaires, nous parlerons ici de pertes locales ou
singulières, par décollements accompagnés de tourbillons et/ou de sillages, dus
aux formes géométriques du support. Il s'agit de singularités qui, dans les
écoulements en charge correspondent aux raccords et aux pièces spéciales
(coudes, tés, cônes, joints, vannes, clapets, etc.). Dans les écoulements en
nappe libre ces singularités sont généralement des piles de pont, ouvrages de
passage sous voies, grilles, etc. Les pertes de charge correspondantes sont
évaluées comme une fraction ou un multiple (m, ζ) de l'énergie cinétique, ce qui
conduit à la forme générale de la loi de comportement des singularités :
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hs = m
Chapitre 2
V2
2g
(2.20)
avec m ou ζ le coefficient de perte de charge singulière
Par rapport à la perte de charge linéaire, hs introduit une perte supplémentaire,
due à la présence d'une singularité dans un tronçon cylindrique rectiligne. Il
apparaît ainsi que plusieurs singularités montées plus ou moins en série ne
peuvent pas être considérées séparément; elles forment une nouvelle
singularité.
Cela multiplie à l'infini les combinaisons possibles et enlève tout espoir de mise
au point d'une tabulation exhaustive. D'une manière générale m est fonction des
paramètres géométriques, du nombre de Reynolds et, pour le cas des
embranchements, de la partition du débit. Les cas simples sont documentés
dans les aide-mémoire d'hydraulique.
2.3
Calcul des canalisations et des réseaux
Les équations de perte de charge sont l'élément essentiel du calcul hydraulique
des canalisations. Ces dernières sont considérées, en l'absence d'organes de
réglage (vannes), comme « auto-réglées », c’est-à-dire que leur capacité de
transport est déterminée uniquement par leurs caractéristiques et la charge
disponible, qui est entièrement utilisée. Les réseaux sont des combinaisons plus
ou moins complexes de canalisations, qui peuvent être réduites, comme dans le
cas des circuits électriques, à quelques cas fondamentaux.
2.3.1 Conduite simple
Il s'agit d'une canalisation isolée, d'un seul tenant, transportant un débit défini
entre 2 points de charges déterminées ou encore, débouchant éventuellement à
la pression atmosphérique (Fig. 2.3).
Figure 2.3 : Conduites simples
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Chapitre 2
Nous pouvons écrire pour les 2 cas :
p1
γ
+
2
v12
p
v2
⎛ L
⎞V
+ z1 = 2 + 2 + z 2 + ⎜ f + ∑ m ⎟ 2
2g
γ 2g
⎝ D
⎠ 2g
(2.21)
En négligeant les pertes de charge singulières vis-à-vis des pertes linéaires,
nous obtenons après quelques simplifications:
pour le cas a) : p1 = p2 = 0 ; V1 <<V2 (leurs carrés d'autant plus); z1 - z2 = H et
H=
V22
+ hr
2g
(2.22)
Avec l'énergie cinétique généralement négligeable devant la charge disponible,
nous obtenons
H = hr
(2.23)
pour le cas b)
⎛ p1
⎞ ⎛p
⎞
⎜⎜ + z1 ⎟⎟ − ⎜⎜ 2 + z 2 ⎟⎟ = H
⎝γ
⎠ ⎝ γ
⎠
(2.24)
à partir de quoi nous arrivons au même résultat que pour le cas a). Nous
H
et la vitesse V. De là, en multipliant par la
pourrons dès lors calculer J =
L
section de la conduite, résulte le débit Q. Le dimensionnement, c’est-à-dire la
recherche de D lorsque Q et H sont connus, est le problème inverse.
2.3.2 Canalisations en série
C’est le cas montré à la figure 2.4.
Figure 2.4 : Canalisations en série
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Chapitre 2
L’examen de cette figure permet de constater que le débit transporté est le
même dans toutes les canalisations et que la somme des pertes de charge sur
les différents tronçons est égale à la charge totale disponible, soit
Qi = Q (i=1, 2, 3, …)
(2.25)
∑ hri = H
(2.26)
Dans leur forme ces équations sont les mêmes qu'il s'agisse de l'écoulement
d'un fluide, d'un courant électrique (H serait une différence de potentiel
électrique) ou d'un flux de chaleur (H serait une différence de température). Pour
résoudre le problème hydraulique, il faudra ajouter les équations de
comportement pour chaque tronçon pris individuellement.
hri = f i
Li Vi 2
Di 2 g
(2.27)
Dans le cas du problème de dimensionnement habituel, Q et H sont donnés, L et
k connus pour chaque tronçon. Les inconnues - fi, hri et Di - liées entre elles et à
H, sont toutefois en nombre plus élevé que les équations disponibles. Le
problème ne peut être résolu sans avoir préalablement choisi au moins les
valeurs des inconnues en trop. Dans la règle on fait un premier choix de tous les
Di, on calcule les hri et on vérifie si ∑hri = H, etc. La détermination de la capacité
Q avec (D, L, k)i et H connus est toutefois possible directement, même si les
équations deviennent éventuellement complexes. Le procédé courant consiste
cependant à répartir plus ou moins au jugé H en hri et à calculer les Qi pour
vérifier si Qi = Q, etc. Avec les équations de Manning-Strickler, n et/ou K sont
censés être constants (ce qui est inexact comme déjà montré). Cela permet
cependant d'écrire avec la notation M = K ⋅S ⋅R2/3 :
Q=M J
(2.28)
et d'obtenir
∑ hri = S
Q2
Li = M i
M i2
(2.29)
donc:
Q=
H
L
S i2
Mi
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(2.30)
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
2.3.3 Canalisations en parallèle
Figure 2.5 : Canalisations en parallèle
Entre 1 et 2, chaque canalisation est caractérisée par ses propres (V,Q,D,k,L)i.
Les équations correspondantes sont ∑Qi=Q débit total passant de 1 à 2 et hri = H
auxquelles s'ajoutent les équations de comportement.
2.3.4 Canalisations à distribution uniforme
Ces canalisations comportent des embranchements, approximativement
équidistants et suffisamment rapprochés (par rapport à leurs longueurs totales),
dont la fonction est de distribuer des débits sensiblement égaux. C’est le cas par
ex. de la distribution d’eau potable dans les agglomérations rurales et urbaines.
Nous pourrons dans ce cas définir un débit q par unité de longueur et tenter
d'obtenir une loi de comportement comme suit (Fig. 2.6).
Figure 2.6 : Canalisation à distribution uniforme
La perte de charge sur dx est
dhx = J x dx
(2.31)
avec les notations déjà utilisées
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Hydraulique des ouvrages
Jx =
Chapitre 2
Q x2
M 12
(2.32)
On obtiendra hr sur L1 par intégration
hr =
1
(Q + Q − qx ) dx
Qx2
dx
=
∫0 M 12
∫0 1 M212
L1
L
(2.33)
ce qui donne en développant
1
hr = 2
M1
L1
⎡ 2
q 2 x3
qx 2
qx 2 ⎤
2
Q
x
+
Q
x
+
+
Q
Q
x
−
Q
−
Q
2
2
2
1 2
1
2
2
⎢ 1
⎥
3
2
2 ⎦0
⎣
(2.34)
et après remplacements
hr =
L1
M 12
⎡ 2 Q12
⎤
⎢Q2 + 3 + Q1Q2 ⎥
⎣
⎦
(2.35)
Or, le terme entre crochets est bien approximé par (Q2 + 0.55 Q1)2 d'où
hr =
L1
(Q2 + 0.55Q1 )2
2
M1
(2.36)
La somme des débits entre parenthèses peut être assimilée à un débit
équivalent « de calcul », Qeqv. Ceci permet d'écrire en abandonnant les indices :
Qeqv = M J
(2.37)
forme analogue à celles rencontrées et qui nous renvoie aux solutions déjà
connues.
2.3.5 Réseaux
Il n’existe fondamentalement que 2 types de réseaux – ramifié et maillés comme montré à la figure 2.7
Pour le réseau ramifié le calcul est conduit des extrémités vers la canalisation
principale et de l'aval vers l'amont, pour intégrer logiquement les conditions de
pression et de dé bit de chacune des branches. Tout tronçon entre 2 noeuds est
une conduite simple. Ceci n’est pas du tout le cas d'un réseau maillé où les
canalisations arrivant dans un nœud appartiennent à une ou plusieurs mailles à
la fois. La répartition des débits dans les canalisations du noeud n’est pas
connue a priori et leur détermination passera par un calcul d'approximations
successives, généralement mené par ordinateur, où tous les éléments
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
géométriques des canalisations (D, k) sont déterminés par avance et tous les
débits ou charges définis au départ en première approximation.
Figure 2.7 : Exemples de réseaux : ramifié à gauche, maillé à droite
Les principaux éléments du calcul tiennent compte des principes déjà énoncés:
•
•
•
la somme algébrique des débits dans un noeud est nulle (continuité);
la somme algébrique des pertes de charge le long d'une maille ou tout autre
circuit fermé orienté est nulle (le parcours doit nous ramener à la charge de
départ);
la perte de charge sur chaque tronçon de mêmes caractéristiques (élément
d'une maille) est donnée par la loi de comportement.
S'ajoutent à ceux-ci les méthodes mathématiques d'itération (Hardy-Cross,
Ralphson-Newton, etc.) qui nous permettront d'aboutir rapidement. Si nous
choisissons tous les débits de manière conforme au premier principe comme
input du programme, ce dernier calculera les pertes de charge individuelles et
vérifiera la compatibilité de notre choix avec le second principe ou vice-versa si
ce sont les charges dans tous les noeuds qui sont choisies au départ. Les
méthodes d'itération servent à améliorer automatiquement le premier choix et à
rendre le calcul rapidement convergent vers la solution correspondant aux
paramètres prédéterminés du réseau. Les problèmes d'optimisation hydraulique
et de fiabilité du réseau peuvent toutefois nous amener à reprendre ces calculs à
plusieurs reprises.
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
2.3.6 Résolution pratique des problèmes d'écoulements en charge
Ce paragraphe donne quelques indications théoriques et pratiques utiles à la
résolution des problèmes simples d'écoulements en charge. Il est structuré
autour d'un exemple concret. Il se réfère au logiciel Excel 97 de Microsoft,
considéré ici comme outil numérique. Les opérations élémentaires d’Excel ne
sont pas décrites. Au besoin, le lecteur est invité à consulter la documentation
accompagnant ce programme.
• Enoncé du problème
Une canalisation simple, de diamètre D, de longueur L et de rugosité ks connus,
est reliée à l'amont à un réservoir de niveau constant et débouche à l'air libre à
l'aval, comme le montre la figure 2.8.
Figure 2.8 : Représentation schématique du problème
Le problème consiste à déterminer le débit Q s'écoulant dans cette canalisation,
connaissant la différence d'altitude ∆z entre le niveau du réservoir à l'amont et la
sortie libre à l'aval.
• Formulation mathématique
L'équation de Bernoulli, appliquée entre le réservoir amont et la sortie libre,
s'écrit:
∆z =
V2
+ hr
2g
(2.38)
La vitesse moyenne de l'écoulement V est liée au débit par la définition:
v=
Q
A
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(2.39)
page 14
Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
où A est la section de la canalisation.
La perte de charge linéaire hr se calcule à l'aide de la relation de DarcyWeisbach :
hr = f
L V2
D 2g
(2.40)
Dans l'équation (2.40) le coefficient de frottement f s'obtient par l'équation de
Colebrook-White :
⎡ 2.51
1
ε ⎤
= −2 log ⎢
+
⎥
f
⎢⎣ Re f 3.7 ⎥⎦
(2.41)
avec la rugosité relative définie par:
ε=
k
D
(2.42)
et le nombre de Reynolds Re par:
Re =
vD
υ
(2.43)
où υ est la viscosité cinématique du fluide ( υ =10-6 m2/s pour de l’eau).
Les équations (2.38)et (2.39) permettent d'écrire :
∆z −
Q2
− hr = 0
2 gA2
(2.44)
Puis, avec l'équation (2.40) :
∆z −
Q2
L Q2
−
f
=0
2 gA2
D 2 gA2
∆z −
Q2 ⎛
L⎞
1+ f ⎟ = 0
2 ⎜
D⎠
2 gA ⎝
(2.45)
Le coefficient de frottement f est obtenu de l'équation (2.41) qui ne possède pas
de solution explicite. Elle est de la forme générale
f = f (ε , Re )
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(2.46)
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
Comme le nombre de Reynolds est une fonction de la vitesse (équation 2.43), et
donc du débit, le coefficient de frottement f est aussi une fonction du débit. Face
à ces difficultés mathématiques, il va de soi qu'une résolution numérique itérative
est incontournable. Il faut choisir un débit, calculer le coefficient f par (2.41) et
vérifier l'égalité (2.45). Si cette dernière n’est pas satisfaite, il faut corriger le débit
et répéter l'itération jusqu'à ce que (2.45) soit satisfaite. Cette équation (2.45) est
de la forme générale :
G (Q) = 0
(2.47)
Le problème consiste donc à trouver le zéro de cette fonction G. L'option " Valeur
cible " d’Excel se chargera de cette résolution numérique. Un problème subsiste
encore. Lorsqu’Excel effectuera ses itérations sur le débit pour résoudre (2.47), il
devra connaître à chaque itération la valeur du coefficient de frottement f. De par
sa forme mathématique, le calcul de la fonction (2.46) demande également des
itérations. Excel n’est pas capable d’effectuer cette double itération imbriquée.
Par contre, il permet la création de fonctions personnalisées. Ecrivons donc la
fonction (2.46) afin qu’elle devienne utilisable comme n'importe quelle autre
fonction d’Excel.
• La fonction personnalisée f=f(ε, Re)
Formulation numérique
Excel permet à chacun d'écrire ses propres fonctions personnalisées. A titre
d'illustration de cet outil très puissant, écrivons la fonction (2.46) :
f = f (ε , Re )
Concrètement, il s'agit de trouver le zéro de la fonction :
F( f ) =
⎡ ε
1
2.51 ⎤
+ 2 log ⎢
+
⎥
f
⎣⎢ 3.7 Re f ⎥⎦
(2.48)
Choisissons la méthode de la tangente, également appelée méthode de Newton.
Son principe est représenté graphiquement sur la figure 2.9.
A partir d'une valeur connue fi, une nouvelle approximation est obtenue par la
fonction récursive :
F ( fi )
F ' ( fi )
(2.49)
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f i +1 = f1 −
Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
Figure 2.9 : Principe schématique de la méthode de Newton
Cette méthode requiert donc de connaître la dérivée de la fonction à résoudre.
Pour notre cas concret, cette dérivée s'écrit :
dF
1
= F ' ( f ) = − 3/ 2 −
df
2f
2.51
⎛ ε
2.51 ⎞⎟
+
ln(10)⎜
R f 3/ 2
⎜ 3.7 R f ⎟ e
e
⎝
⎠
(2.50)
La suite des valeurs fi calculées à l'aide de la relation (2.49) converge vers f0, le
zéro recherché de la fonction F(f) . L'équation (2.49) doit être appliquée jusqu'à
ce que :
F ( f i ) ≤ err
(2.51)
où err est l’erreur tolérée qui peut valoir, par exemple, err = 10-10.
Aspects informatiques
Disposant maintenant de toute la théorie numérique pour résoudre l'équation de
Colebrook-White (2.41), il ne reste qu'à la programmer dans Excel. Cela se
réalise dans l’environnement de programmation accessible comme le montre la
figure 2.10. Le langage de programmation est le VBA, pour Visual Basic for
Applications, commun à tous les logiciels de la suite Office.
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
Une fonction personnalisée doit être écrite dans un module. Un module peut
contenir un nombre illimité de fonctions. Attention, il ne faut pas confondre un
module avec un module de classe. Même si leur appellation ne diffère que très
peu, ces deux types de modules se comportent très différemment. Le module de
classe sert à définir une classe d'objet pour la programmation orientée objet.
Ce sujet sort amplement du cadre de ce document.
Figure 2.10 : Accès à l’environnement de programmation depuis Excel
Une fois que le module a été créé, comme le montre la figure 2.11, il ne reste
qu'à entrer le texte de la figure 2.12.
Figure 2.11 : Création d’un nouveau module en VBA
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
Figure 2.12 : Fonction personnalisée d’Excel pour le calcul du coefficient de
frottement f selon Colebrook-White
L'usage de cette nouvelle fonction f = f(ε, Re) est presque identique à celui de
n'importe quelle fonction interne d’Excel. Il suffit d'ouvrir le classeur contenant ce
module pour que cette fonction soit accessible partout. Dans une cellule d’Excel,
il faut alors saisir : =NomClasseur.xls'!f(B3;B4)
pour que le coefficient de frottement f apparaisse dans cette cellule. Dans
l’exemple ci-dessus, il est supposé que ε est dans la cellule B3 et que Re est
dans la cellule B4.
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Hydraulique des ouvrages
Chapitre 2
• Résolution du problème avec Excel
Avec ces outils à disposition, la résolution du problème se résume finalement à
peu de choses, comme le montre la figure 2.13.
Figure 2.13 : Proposition de mise en forme d'une feuille Excel pour la résolution
du problème
La cellule intitulée " Bernoulli " contient l'équation (2.44) dont il s'agit de trouver le
zéro. Il faut donc itérer sur le débit pour que cette cellule affiche une valeur
proche de zéro. Cette itération peut être réalisée à la main. Excel peut aussi la
réaliser automatiquement grâce à sa fonction " valeur cible ". Un click sur le
menu Outils, Valeur cible affiche la boite de dialogue suivante :
Figure 2.14 : Boite de dialogue de la fonction Valeur cible
La cellule à définir est celle contenant l'équation de Bernoulli. La valeur à
atteindre est 0, et la cellule à modifier est celle contenant la valeur du débit. Un
click sur le bouton OK, et le problème est résolu.
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