Charles Taylor : penser la diversité φ Capsule philosophique φ Qui est Charles Taylor, qui co-préside actuellement, avec Gérard Bouchard, la Commission sur les accommodements raisonnables? Taylor est un philosophe québécois de réputation internationale. Professeur retraité de l’Université McGill, son œuvre la plus marquante est sans aucun doute Les Sources du Moi (1989). S’intéressant aux notions d’identité et de diversité culturelle dans nos sociétés modernes, il allait de soi de le choisir pour réfléchir sur les accommodements. Taylor adopte la position ontologique du « holisme » : selon lui, l’homme est profondément ancré dans sa communauté et il ne peut se couper du monde pour faire abstraction des valeurs qu’il a hérité d’elle. Tout individu a un attachement spontané à certaines valeurs. Cela s’explique en ce que cette vision du bien, qui constitue son identité morale, est en partie tissée par l’histoire de sa communauté. Or, Taylor avance que toutes les communautés sont elles-mêmes toujours porteuses d’un idéal moral substantiel partagé par la majorité. Cela reste vrai même pour les sociétés qui sont très diversifiées comme le Québec. En fait, même les sociétés multiculturelles défendent un ensemble de grandes valeurs que Taylor nomme « biens supérieurs » (hypergoods). En effet, les pays occidentaux ne défendent-ils pas tous les libertés individuelles, la démocratie, l’amour, le travail, la justice? C’est pourquoi, vivant dans une société déjà pétrie par des biens supérieurs, un individu a spontanément un attachement pour eux et il ne peut être complètement neutre et détaché de ses convictions morales lorsqu’il se penche sur une problématique éthique. Cependant, si nous sommes en partie déterminés par notre communauté, il ne faudrait pas en déduire que nous ne pouvons transformer notre vision des biens supérieurs à privilégier. Nous avons la raison, instrument nous permettant de penser les diverses conceptions morales à travers un dialogue avec autrui. Le dialogue rationnel permet donc, malgré la diversité des visions du bien, de faire évoluer ce noyau de valeurs que sont les biens supérieurs. Il ne serait sûrement pas faux de voir dans la Commission « Bouchard-Taylor » une entreprise favorisant grandement ce dialogue. Enfin, en ce qui a trait aux accommodements raisonnables, Taylor croit qu’il n’est pas toujours moralement souhaitable de traiter tout le monde également. Dans un esprit de tolérance, il faut parfois accepter des différences de traitement. Surtout, il ne faut pas tomber dans l’excès : il n’y a pas de procédure unique, de principe tout fait qui résoudrait tous les cas litigieux. Catherine Guindon, département de philosophie Source de l’image: francais.mcgill.ca/about/history/pioneers/taylor/