Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie CHAPITRE IV LES MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE IV-2- POLYCONDENSATION OU POLYMÉRISATION PAR ÉTAPES IV.2.1. Caractéristiques générales des polycondensations Les polycondensations se distinguent des réactions de polymérisation en chaîne par le fait qu'elles ne nécessitent pas de réaction d'amorçage. Sous l'effet du chauffage ou d'un catalyseur, les extrémités fonctionnelles des monomères réagissent entre elles pour donner des oligomères ayant toujours des groupes fonctionnels aux extrémités et donc capables de réagir à nouveau. De ce fait chaque étape doit être activée et la croissance se fait par réaction de x-mères: Monomère + Monomère → Dimère Dimère + Monomère → Trimère Dimère + Dimère → Tétramère … et d'une façon générale : x-mère + y-mère → (x+y)-mère Figure 1 : croissance des chaînes en polycondensation Comme nous l'avons vu dans l'introduction de ce chapitre, dans une polycondensation le degré de polymérisation augmente de façon continue avec le degré d'avancement de la réaction. Le stade des oligomères ne peut être dépassé que pour des degrés d'avancement supérieurs à 95%. COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 1 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE Si l'on interrompt une réaction de polycondensation, on observe que toutes les molécules ont déjà pris part à des réactions - donc il n'y a plus de monomères - et que les molécules n'ont pas atteint leur taille ultime. Par ailleurs, Flory considère que toutes les réactions ont la même constante de vitesse quels que soient les degrés de polymérisation i et j des x-mères qui y participent. Mi + Mj = Mi+j Cette hypothèse est vérifiée dès que i et j ont dépassé quelques unités et jusqu'à des valeurs très élevées (Tableaux I et II). Nombre de groupes méthylène (x) dans l'acide Constante de vitesse "k" (x 104 l.mol-1) 1 2 3 4 5 8 9 11 13 15 17 22,1 15,3 7,5 7,5 7,4 7,5 7,4 7,6 7,5 7,7 7,7 Tableau I: Constantes de vitesse de la réaction d'estérification H(CH2)xCO2H + EtOH → H(CH2)xCO2Et + H2O d'une série homologue d'acides carboxyliques Nombre de groupes méthylène (x) dans HO(CH2)xOH Constante de vitesse "k" (x 103 (mol/l)-1sec-1) 5 6 7 8 9 10 0,60 0,63 0,65 0,62 0,65 0,62 TableauII: Constantes de vitesse de polyestérification à 27°C du chorure de sébacyle ClOC(CH2)8COCl avec des α,ω-alcanes diols dans le dioxane La fin de la polycondensation est théoriquement marquée par l'obtention d'une macromolécule unique. En réalité ce stade n'est jamais atteint. On s'efforce d'en approcher en augmentant la durée de la réaction et en assurant le déplacement des équilibres par élimination des sousproduits de la réaction (eau, méthanol…). À l'arrêt d'une polycondensation, les extrémités de chaînes restent réactives "vivantes" et la polycondensation peut reprendre (avec ses conséquences) si l'environnement réactionnel est modifié. Si l'on veut qu'un tel phénomène ne se produise, il sera nécessaire de désactiver les polycondensats en "tuant les extrémités" par l'ajout de monomères monofonctionnels. D'autres effets peuvent limiter la croissance de la chaîne: ¾ Augmentation importante de la viscosité du milieu empêchant la diffusion des chaînes. L'addition du solvant ou une élévation de température permet éventuellement le redémarrage de la réaction. ¾ Destruction totale ou partielle des groupes fonctionnels aux extrémités des chaînes. Ceci peut être dû: à une décarboxylation : R COOH RH + CO2 à la formation d'un sel: R NH2 + HCl R + NH3 + Cl - Cette réaction, qui se produit quand un dichlorure d'acide ClOC-Ar-COCl réagit avec une diamine H2N-Ar'-NH2 lors des synthèses de polyamides aromatiques par exemple, peut être éviter par addition d'une amine tertaire ou de pyridine au milieu réactionnel qui capte le HCl formé par la réaction. CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 2 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie ¾ Formation d'unités cycliques aux extrémités des chaînes. Ceci a été observé par exemple au cours de la polycondensation de l'hexaméthylène diamine HMDA avec l'acide butane-dioïque : O NH (CH2)6 NH C (CH2)2 O C OH cyclisation NH (CH2)6 N O O + HMDA NH (CH2)6 NH C O (CH2)2 C NH (CH2)6 NH2 O ¾ Impuretés trifonctionnelles introduisant des branchements qui, lorsqu'ils sont trop nombreux, entraînent des réticulations, polycondensations tridimensionnelles et prise en gel. ¾ L'écart à la stoechiométrie qui limite beaucoup le degré de polycondensation. Dans de pareils cas, à un certain stade toutes les molécules sont terminées par des groupements terminaux correspondant au monomère en excès, empêchant par là toute poursuite ultérieure de la polycondensation. Ce phénomène n'existe pas avec un monomère ayant deux fonctionnalités antagonistes (A—B). IV.2.2. Différents types de réactions utilisées en polycondensation Réactions de substitution nucléophile Ce sont celles qui conduisent à la formation des polyéthers, polythioéthers, polysulfones…les réactions ont lieu en milieu polaire aprotique. Le bisphénol (sous forme d'ion phénoxyde) est l'agent nucléophile (figure 2). n NaO ONa O + n ClH2C O O CH2Cl O + (2n-1) NaCl n O n NaO ONa + n Cl S Cl O O O O S O + (2n-1) NaCl n Figure 2: synthèses de polyéthers utilisant le sel disodique du bisphénol A COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 3 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE Réactions de condensation sur les carbonyles Ce sont les plus importantes en polycondensation. Elles conduisent à la formation des polyesters, polyamides, polyuréthanes et polycarbonates. Il y addition nucléophile d'un composé à hydrogène actif sur le carbone électrophile du carbonyle avec formation d'intermédiaire métastable généralement suivie d'une élimination de HX (figure 3). O O C R X + H Y R' R + Y C O H C R' X + HX R Y R' Figure 3: Mécanisme de condensation sur les carbonyles de composés à hydrogène actif mis en jeu dans la synthèse des polyesters, polyamides et polycarbonates Dans le cas des polyuréthanes, il n'y a pas d'élimination. O R N C O + H O R' R N O R' C R O+ N C O R' H H Figure 4: mécanisme d'addition mis en jeu dans la synthèse des polyuréthanes Autres types de réaction − les substitutions électrophiles telles que les réactions de Friedel-Crafts Dans la synthèse des polybenzyles par autocondensation du chlorure de benzyle en présence d'acide de Lewis, les substitutions conduisent à l'activation en ortho et para si bien que les produits obtenus sont fortement réticulés (figure 5) n SnCl4, AlCl3, TiCl4 CH2Cl CH2 H Cl + (n-1) HCl n T=25°C Figure 5 : synthèse de polybenzyles par réction de Friedel-Crafts Réaction d'acylation entre un substrat activé (le diphényl éther) et des chlorures d'acides carboxyliques en présence de AlCl3 (figure 6). ClOC n H O O COCl + n O O C C Cl + (n-1) HCl n Figure 6 : Synthèse de polycarbonates par acylation de Friedel-Crafts CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 4 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie - les cycloadditions de Diels-Alder Ces réactions sont considérées comme relevant de la polycondensation (figure 7). Cependant, il faut souligner qu'à une certaine température, la réaction inverse, la rétro-Diels-Alder peut avoir lieu conduisant aux bisdiènes et bisdiénophiles de départ. O n R + n N O R' O N O N R N R' n O O O O Figure 7 : Synthèse de polyimides par cycloaddition de Diels-Alder IV.2.3. Contrôle des masses moléculaires des polycondensats linéaires Dans ce qui suit, nous supposons que les polycondensations sont réalisées en milieu homogène et que les réactivités des fonctions A et B ne dépendent pas de la longueur de la chaîne qui les portent. Le degré d'avancement ou le taux de conversion d'une réaction de polycondensation s'exprime par : p= Soient: - N 0A et nombre de fonctions ayant réagi nombre total de fonctions à t =0 N respectivement le nombre de groupes fonctionnels A et de groupes fonctionnels 0 B B présents initialement à l'instant t =0 - dans le cas où les monomères sont du type A⎯B : 0 A N = N pourra s'exprimer par exemple en fonction des extrémités A: − p= N N N 0 B et le degré d'avancement 0 A (I) A 0 A N étant les extrémités A restantes à l'instant "t". A - dans le cas où la polycondensation est réalisée avec des monomères du type A⎯A et B⎯B, on définit un rapport stœchiométrique: r=N N 0 (II) A 0 B A se rapporte au monomère en défaut dont la concentration est la plus faible (r ≤ 1). Lorsque le mélange est stœchiométrique N = N 0B et r = 1. 0 A Le degré d'avancement "p" est généralement défini par rapport au monomère dont la concentration est la plus faible (puisque c'est ce monomère qui disparaît le premier du milieu): − p = 2N 2N 2N 0 A 0 A 0 A = NA −NA N 0 A COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 5 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE n A⎯B ou n A⎯A + n B⎯B Donc dans les deux cas : p = N −N N ~~ (A’⎯B’)n~~ unité constitutive 0 A A 0 N N =1− A (I) A 0 A Influence du degré d'avancement p et de la stœchiométrie r sur le degré de polymérisation moyen X n S’il ne se produit pas de réactions secondaires, le nombre d’unités constitutives contenues dans le mélange réactionnel est égal au nombre N0 de molécules présentes initialement dans le système : 0 0 A B N +N N = 2 2 0 avec 0 A 0 A NB = 0 N 0 A 0 A N + N = N (1+ 1 ) N = 2 2r 2 r 0 (III) r (IV) Cette valeur inclut tous les composants du système y compris le monomère résiduel. Au temps t, le nombre de molécules N est égal à la moitié du nombre des extrémités de chaînes 2N qui s’exprime par : 2N = N + N A avec et N N A B = N =N 0 A 0 B (1 − p) à partir de (I) − p N A , ( N 0A étant toujours le monomère en défaut) 0 0 A N −p 2 N = N (1 − p ) + N r 0 (V) s’écrira alors : (V) B A 0 A 0 A 1 N = N (1 + − 2 p) r 2 (VI) Le rapport de (IV)/(VI) représentera le degré de polymérisation moyen en nombre qui s’exprime par : X = n nombre d ' unités constitutives N 1+ r = = nombre total de chaînes N 1 + r − 2rp 0 X CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION n = 1+ r 1 + r − 2rp (VII) 6 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie Mélanges stœchiométriques C’est-à-dire r = 1, l’expression (VII) deviendra : X n = 1 relation de Carothers 1− p (VIII) Cette relation, dite de Carothers, montre que les polycondensats de masse moléculaire élevée sont obtenus seulement pour des valeurs élevées de p , c’est-à-dire quand presque tous les groupes réactifs sont consommés. X X X Ainsi pour obtenir n = 20 il faut atteindre une conversion p = 0,950 n = 50 " p = 0,980 n = 200 " p = 0,995 Ceci constitue une différence majeure avec les polymérisations en chaîne dans lesquelles des macromolécules de masse moléculaire élevée sont formées dès le début de la réaction ( X n >1 000). Mélanges non stœchiométriques En supposant que le réactif pris en défaut a totalement réagit, p = 1 La relation (VII) se simplifiera : X n = 1+ r 1− r (IX) Pour une stœchiométrie r = 0,9 on obtient une valeur de X n = 19 et pour r = 0,99 , X n = 200. Ces résultats montrent que c'est le contrôle de la stœchiométrie qui conditionne l'obtention de produits de masse moléculaire élevée. Les variations de X n en fonction de r pour Figure 8: Variation de Xn en fonction de r pour différentes valeurs de p pour une polycondensation A-A + B-B différentes valeurs de p sont portées sur la figure 8. IV.2.4. Distribution des masses moléculaires dans les polycondensats linéaires (cas des mélanges stœchiométriques) Les relations suivantes sont applicables pour les systèmes (A-A+B-B) et (A-B +A-B) à condition d'exprimer dans les deux cas les degrés de polymérisation en unités constitutives (~A'-B'~). COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 7 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE Soit un i-mère du type: A—B'—A'—B'—A'—B'—A'—B'… …A'—B'—A'—B 1 2 3 4 i-1 i La possibilité de trouver une telle macromolécule est égale au produit de la probabilité de trouver une molécule avec (i-1) groupes "A" ayant réagi par la probabilité de trouver un groupe "A" n'ayant pas réagi. − la probabilité pour qu'un groupe "A" ait réagi à l'instant t est p (i-1) − la probabilité pour que (i-1) groupes "A" aient réagi est égale à p − la probabilité pour qu'un groupe "A" n'ait pas réagi est égale à (1-p) La probabilité de trouver un i-mère est par conséquent : Pi = (i-1) p (1-p) (X) La probabilité Pi étant comprise entre 0 et 1, elle est alors assimilée à la fraction molaire des i-mères dans le mélange et elle s'écrit : Pi = N i (XI) N Ni et N sont respectivement le nombre de molécules des i-mères et le nombre total de molécules dans le mélange réactionnel, monomères compris, à l'instant t. Ni = N Pi Ni = N p(i-1) (1-p) (XII) si N0 est le nombre de molécules présentes au départ et la relation (XII) s'écrira: N = N0 (1-p) (XIII) Ni = N0 p(i-1) (1-p)2 (XIV) de cette relation (XIV) on peut déduire la proportion de molécules de monomères n'ayant pas réagi, pour un degré d'avancement p, en prenant i = 1 (correspondant aux molécules de monomères). Par exemple pour p = 0,90 il reste 1% de monomères n'ayant pas réagi dans le milieu réactionnel. si M0 est la masse de l'unité constitutive (A'—B'), la masse de l'i-mère : et la masse totale = (N0 . M ) la fraction en masse des i-mères s'écrit alors : w= i N .M = i N N .M N i 0 en remplaçant Ni par sa valeur tirée de (XIV) : i i Mi = i.M0 (XV) 0 wi = i p(i-1) (1-p)2 (XVI) La distribution décrite par les relations (XII) et (XVI) est dite distribution la plus probable ou distribution de Flory. CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 8 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie La figure 9 représente les courbes de des distribution massique wi macromolécules présentes dans le système en fonction de leur degré de polymérisation. On constate que, lorsque p croît, il se produit un élargissement de la distribution des masses molaires qu'il est possible de relier à l'indice de polymolécularité I p = X X w n A partir des expressions (X) et (XVI), on calcule le degré de polymérisation moyen en nombre X n défini dans le paragraphe IV.2.3 (relation (VII)) Figure 9: Variation de de la fraction massique des i-mères en fonction du degré de polymérisation et pour différentes valeurs de p On obtient ainsi: Xn ∑ i N i = n i = n i p(i −1) (1 − p ) = (1 − p ) n i p(i −1) = 1 = * ∑ ∑ ∑ i ∑ N i 1 Ρi 1 1 1− p = avec : ∑i p On calcule (i −1) = Xn 1 (1 − p) 1 = 1− 2 p n n 1 1 1 ∑i (XVIII) 1+ (XIX) w n 2 relation de Carothers X de façon analogue: 2 (i −1) 2 2 2 (i −1) = X w = ∑ i wi = ∑ i p (1 − p ) = (1 − p ) ∑ i p avec : (XVII) 1+ p p(i −1) = (1 − p ) 3 Xw = p 1− p 1+ p 1− p (XX) L'indice de polymolécularité, qui est une mesure de la dispersion des masses moléculaires, est défini par Ip = Xw = 1 + p Xn (XXI) Lorsque la distribution moléculaire est la plus probable, l'indice de polymolécularité varie de 1 à 2 suivant le degré de conversion p. COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 9 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE IV.2.5.Cinétique de polycondensation Flory a montré que la réactivité intrinsèque des groupes fonctionnels dépends très peu, voire pas du tout, du degré de polymérisation de la chaîne qui les porte (Tableau I et II). En revanche l'accroissement de viscosité du milieu réactionnel au fur et à mesure de l'avancement de la réaction, rend difficile le mouvement des chaînes et diminue la fréquence de rencontres entre les fonctions antagonistes devant réagir ensemble. En faisant l'approximation de ne pas prendre en compte ce phénomène, les cinétiques des polycondensations peuvent être décrites de manière analogue à celles des réactions simples de la chimie organique. Les schémas cinétiques que nous allons décrire concernent des monomères bis-fonctionnels A—B ou (A—A + B—B) utilisés dans des conditions stœchiométrique (r=1) . On distingue alors trois types de cinétiques : réaction stœchiométrique sans catalyseur réaction stœchiométrique catalysée par un catalyseur extérieur réaction stœchiométrique autocatalysée par l'un des groupements réactifs Réaction stoechiométrique non catalysée d[A] d[B] − = k [A][B] = k [A]2 = k [B]2 = − r = 1 ⇒ [A] = [B] dt dt d[A] = kdt [A]2 En supposant qu'à t=0 on a [A]0, après intégration, on obtient: − 1 1 − = kt [A] [A]0 (XXII) N −N N 0 D'autre part rappelons l'expression (I) du degré d'avancement : p = A 0 A , rapporté au A p= même volume, [A]0 − [A] (XXIII) [A]0 L'expression (XXII) pourra alors s'écrire: 1 1 − = kt [A] (1 − p) [A] 0 0 1 − 1 = k t [A ] 0 (1 − p ) En utilisant la relation de Carothers X n = (XXIV) 1 1− p X n = k t [A]0 + 1 (XXV) Dans de telles conditions, le degré de polymérisation moyen en nombre croit linéairement avec le temps. CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 10 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie Réaction stoechiométrique catalysée par un catalyseur extérieur L'équation cinétique s'écrit: − d[A] = k ' [cata ][A][B] dt (XXVI) Comme k'[cata] = constante = k", d[A] = k"[A][B] = k" [A]2 dt et le traitement cinétique est ramené au cas précédent. − (XXVII) Figure 10 : variation de Xn et de la conversion en fonction du temps lors de la polyestérification de l'acide adipique avec le diéthylèneglycol à 109°C catalysée par 0,4%(mol) d'acide p-toluènesulfonique Réaction stœchiométrique autocatalysée par l'un des groupements réactifs Prenons comme exemple la polyestérification d'un diacide avec un diol. Lorsque la polyestérification est réalisée en l'absence d'acide fort, l'acide carboxylique se comporte à la fois comme un monomère et comme un catalyseur. Par un souci de simplification de la présentation, l'écriture des réactions sera limitée à des modèles monofonctionnels. O 2 R OH K C R OH R C+ OH O , R C + C+ OH O R C OH OH k' + R' O H étape cinétique O O R C + O R' + R COO OH OH Figure 11: mécanisme d'estérification en absence d'acide fort La vitesse de polycondensation s'exprime par : Rp = k' [R'OH][RCOOΘ, RC⊕(OH)2] COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE (XXVIII) 11 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE en tenant compte de la constante d'équilibre K: Rp = k' K[R'OH][RCOOH]2 = k [R'OH][RCOOH]2 (XXIX) La réaction est donc d'ordre 2 en acide et 1 en alcool. Si r =1, [OH] = [COOH] = [A] au temps t et [A]0 au temps t = 0 l'expression cinétique sera alors: − d[A] = k [A]3 dt (XXX) − d[A] = k dt [A]3 (XXXI) par intégration, on obtient: 1 1 − = 2 kt 2 [A] [A]02 1 1 − = 2kt 2 [A] (1 − p ) [A]02 2 0 En introduisant la valeur de (Carothers) 2 X n = X 1 = 2 k t [A ]02 + 1 2 (1 − p ) (XXXII) (XXXIII) n (XXXIV) 2 Les variations de X n avec t sont linéaires. Elles sont représentées sur la figure 12 dans le cas de la polyestérification de l'acide adipique par léthylène glycol. 2 Figure 12 : variation de X n et de la conversion en fonction du temps lors de la polyestérification de l'acide adipique avec le diéthylèneglycol à 109°C sans catalyseur CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 12 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie IV.2.5.Polycondensation de monomères multifonctionnels – "Point de gel" Si la fonctionnalité moyenne des monomères est supérieure à 2 on obtient un réseau tridimensionnel et le milieu devient très visqueux à partir d’un certain degré d’avancement. C’est la gélification. Il n'y a plus alors homogénéité du milieu réactionnel. La formation de réseaux tridimensionnels est caractérisée par l'apparition de deux fractions : - une fraction insoluble appelée le gel gonflé par le sol - le sol constitué par le polymère soluble, les monomères et éventuellement le solvant. Au cours de la réaction, l'accroissement du gel se fait au dépend du sol. L'apparition du gel pour une conversion déterminée correspond au "point de gel" caractérisée par un degré d'avancement critique pc. De nombreuses théories ont essayé de rendre compte de la gélification, nous décrirons ici la plus simple : la théorie de Carothers. Théorie de Carothers Rappelons que la fonctionnalité moyenne f d'un système de monomères est définie par la relation: f = ∑n f ∑n i i (XXXV) i dans laquelle fi est la fonctionnalité du monomère i. Exemple : considérons un système constitué par: − x monomères trifonctionnels − y monomères bis-fonctionnels A' A' A + y x A B B A A' B' A' B' B' A' B' A' A' B' B' A' A' Figure 13: formation de réseaux tridimensionnels à partir de monomères de f > 2 f = ∑ ni fi = 3x + 2y x+y ∑ ni pour satisfaire des conditions stœchiométriques, il faut que 3x = 2y . COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 13 MÉTHODES DE SYNTHÈSE MACROMOLÉCULAIRE Dans le cas général, considérons un système constitué initialement de N0 molécules de monomères et contenant des quantités équimolaires de fonctions A et B. Le nombre de fonctions présent initialement à t=0 est égal à N0 f . Si au temps t le système contient N molécules, c'est que 2(N0-N) groupes fonctionnels ont réagi. Chaque réaction correspond à la disparition de deux fonctions et la perte d'une molécule. Le taux de conversion p s'écrit: 2( N 0 − N ) (XXXVI) p= N0 f N0 Puisque X n = N , la relation précédente peut s'écrire: p= 2 1 (1 − ) f Xn Equation de Carothers (XXXVII) Au point de gel, le degré de polymérisation X n → ∞ et le taux de conversion tend vers une valeur appelée le taux de conversion critique pc = 2 f (XXXVIII) IV.2.6.Techniques de polycondensation Plusieurs techniques sont utilisées pour réaliser une polycondensation (en solution, en émulsion, interfaciale) mais la plus employée c'est la polycondensation en masse. Comme la polycondensation est peu exothermique le problème de régulation de température ne se pose pas. En revanche, quelques paramètres sont à maîtriser. Il s’agit en particulier de l’élimination ou du piégeage des petites molécules qui se forment (H2O, MeOH, HCl..), et surtout du problème de la stoechiométrie qui conditionne l’obtention de longues chaînes. Ce problème est le plus souvent contourné et la solution retenue est d’opérer en deux temps, en passant par la préparation d’un intermédiaire "stoechiométrique". Synthèse du nylon 6,6 La synthèse directe du nylon 6,6 à partir d’acide adipique et d’hexaméthylènediamine donne un polymère de masse molaire moyenne inférieure à 10 000 à cause d’une maîtrise difficile de la stoechiométrie. Industriellement, on commence par préparer un sel de nylon en neutralisant une solution de diacide par la diamine. NH2 H2N OH + H3 N HMDA + NH3 O O O O O O OH acide adipique sel de nylon Figure 14: synthèse du sel de l'HMDA et de l'acide adipique CHAPITRE-IV-2- POLYCONDENSATION 14 Pr Hatem BEN ROMDHANE Faculté des Sciences de Tunis Département de Chimie Le sel est ensuite séparé et purifié (précipitation dans le méthanol). Il donne une stoechiométrie parfaite. La polycondensation est ensuite réalisée à partir du sel à 220°C (20bar) puis à 280°C avec élimination d’eau, en continu. Une quantité déterminée d’acide acétique (espèce monofonctionnelle) sert à contrôler la masse moyenne. Synthèse du polyéthylène téréphtalate (PET) Un deuxième exemple de maîtrise de la stoechiométrie est celui de la synthèse industrielle du PET, polymère de grande diffusion (fibre, emballages, feuilles…). Le polymère est préparé en deux étapes : - une première étape ayant lieu entre 150 à 200°C consistant à préparer le diester de l’acide téréphtalique, le téréphtalate de l’éthylène glycol (figure 15). H3C O O OH + O O HO CH3 en excès HO O O O O H3C + OH OH Figure 15: synthèse du téréphtalate de l'éthylène glycol - la deuxième étape est la polycondensation proprement dite, elle a lieu entre 260 à 290°C et utilise le monomère préparé dans la première étape avec une élimination de l’éthylène glycol. HO O O O O polycondensation n OH HO O O + O (n-1) HO OH O n OH PET Figure 16: synthèse du polyéthylène téréphtalate par polycondensation du téréphtalate de l'éthylène glycol COURS POUR LES ÉTUDIANTS DE PREMIÈRE ANNÉE DE MASTER DE CHIMIE 15