le syndrome de cytolyse hepatique chronique en

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LE SYNDROME DE CYTOLYSE HEPATIQUE
CHRONIQUE EN AFRIQUE NOIRE
J.M. DEBONNE*, M. GUISSET*, F. KLOTZ*
RESUME
La découverte fortuite d’une élévation modérée et
prolongée des transaminases chez un sujet asymptomatique est une éventualité rendue fréquente par le
développement des activités de dépistage systématique.
Il s’agit souvent d’une anomalie isolée dont la signification et les implications pratiques ont fait l’objet de
plusieurs publications. La stéatose et les hépatites chroniques représentent de loin les étiologies les plus fréquentes dans les pays occidentaux. La place exacte de ce
s y n d rome en hépatologie tropicale n’est pas encore
déterminée. L’extrapolation des résultats et de la conduite à tenir préconisée, notamment en ce qui concerne
la biopsie hépatique, à la pratique médicale africaine ne
saurait se faire sans tenir compte de la pathologie locale
et des moyens diagnostiques ou thérapeutiques disponibles. Cette revue fait le point sur les données actuelles
concernant le syndrome de cytolyse hépatique chr onique et en discute l’intérêt en Médecine tropicale.
Le syndrome de cytolyse hépatique chronique est défini par
l’élévation modérée et prolongée de l’activité sérique des
aminotransférases découverte de façon fortuite chez un sujet
asymptomatique. La réalisation de plus en plus fréquente
d’examens de dépistage, individuels ou collectifs, fait de
cette anomalie biologique un sujet d’actualité dont la
signification et les implications pratiques posent encore
problème. D’autre part l’extrapolation de la conduite à tenir
préconisée dans la littérature occidentale à la pratique
médicale africaine mérite discussion. Après en avoir rappelé
les principales étiologies nous essaierons de situer ce
syndrome et d’en préciser l’intérêt en hépatologie tropicale.
LE SYNDROME DE CYTOLYSE
HÉPATIQUE CHRONIQUE
L’aspartate aminotransférase (ASAT) et l’alanine aminotransférase (ALAT) sont des enzymes intra-hépatocytaires
* Service d’Hépatogastroentérologie, HIA Laveran, 13998 Marseille
Armées.
Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (10)
qui jouent un rôle important dans le métabolisme intermédiaire (synthèse et catabolisme des acides aminés).
L’ALAT est intra-cytoplasmique et l’ASAT principalement
mitochondriale ; leur origine sérique est mal connue mais
l’élévation de leur taux, qui traduit l’existence d’une nécrose cellulaire ou un trouble de la perméabilité membranaire,
est le reflet d’une souffrance hépatocytaire (3).
La définition précise du syndrome de cytolyse hépatique
chronique n’est pas univoque : pour tous les auteurs il
s’agit d’une élévation modérée de l’activité sérique des
aminotransférases (AT), inférieure à 10 fois la limite
supérieure de la normale (1ON), persistant plus de 6 mois
et découverte fortuitement chez un sujet asymptomatique ou
présentant au plus une asthénie physique. En cas d’élévation
isolée ou prépondérante de l’ASAT il convient d’éliminer
une interférence analytique (érythromycine ou vitamine C)
ou une origine musculaire (myopathie). Malgré cette définition commune, deux conceptions s’opposent fondamentalement et rendent compte des différences de résultats des
études anatomopathologiques (Tableau) :
- dans 2 études (7, 15) les patients ne présentaient aucun
élément clinique ou paraclinique d’orientation étiologique ; ils étaient inclus quelles que soient les données
de l’examen et de l’exploration fonctionnelle hépatique
(EFH), souvent perturbées. Le problème posé était celui
d’une hépatopathie chronique inexpliquée malgré une
enquête étiologique précédant la ponction biopsie hépatique (PBH) ;
- dans 2 autres études (8, 9) les patients inclus ne présentaient aucune anomalie de l’examen clinique ou de
l’EFH, hormis quelques modifications mineures (gamma
glutamyl traspeptidase < 2N, phosphatase alcaline < 2N,
absence d’hyperbilirubinémie conjuguée et de signes
d’insuffisance hépatocellulaire). La PBH était réalisée
indépendamment des éventuels éléments d’orientation
étiologique. Le problème ici était donc celui du diagnostic étiologique d’une cytolyse chronique apparemment
isolée.
LE SYNDROME DE CYTOLYSE HEPATIQUE CHRONIQUE EN AFRIQUE NOIRE
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Tableau : Cytolyse hépatique chronique : données histologiques
Hultcrantz
1986 (9)
Helzberg
1987 (8)
HS.NG
1988 (15)
Hay
1989 (7)
149
100
195
47
Suède
89/60
48,5 ans
> 6 mois
non
oui
USA
NP
NP
> 3 mois
non
oui
Singapour
83/12
37,4 ans
> 6 mois
oui
non
USA
19/28
51 ans
> 6 mois
oui
non
Stéatose
94
35
43
10
Hépatites Chroniques
HCA
HCP
HCL
Cirrhose
34
15
15
4
48
22
24
2
52
14
16
22
-
34
18
16
H. Alcoolique autre
4
6
-
-
Lésions Mineures
2
4
-
-
Divers
15
5
6
3
1
-
7
4
3
-
3
3
N
Origine
Sexe (H/F)
Age
Evolution
Anomalies associées
Eléments d’orientation
Hémochromatose
Alpha 1 AT
Granulomatoses
Cirrhose
Autres
Ces deux approches sont complémentaires, la première
relevant plus de la spécialité et la seconde de la pratique
quotidienne. Nous nous intéresserons plus particulièrement
à la dernière approche car elle a également un intérêt
épidémiologique et pose le problème de l’indication de la
PBH en fonction du rapport bénéfice/risque pour le patient.
La prévalence exacte du syndrome de cytolyse chronique
n’est pas connue (10, 11), aux Etats-Unis 0,5 à 5,5 % des
donneurs de sang présentent une élévation des AT. Plusieurs études cliniques (3, 6, 17) et surtout deux études anatomo-pathologiques consacrées à ce sujet (8, 9) ont permis
d’identifier cinq cadres diagnostiques chez 249 patients
explorés :
- la stéatose hépatique macrovacuolaire est l’étiologie la
plus fréquente (52 % des cas). Elle correspond à une
augmentation du contenu en graisse des hépatocytes et
réalise histologiquement des vacuoles optiquement vides
refoulant le noyau cellulaire. Elle est souvent associée à
une surcharge pondérale, à une intoxication alcoolique
ou à un diabète sucré. Dans bien des cas cependant elle
apparaît idiopathique ;
- les hépatites chroniques avec ou sans cirrhose
représentent le deuxième grand cadre diagnostique (33 %
des cas). Les lésions sont portales et/ou lobulaires et
associent à différents degrés nécrose, inflammation et
fibrose. Dans 45 % des cas il s’agit d’une hépatite
chronique active (HCA) tandis que des lésions de
cirrhose sont présentes dans 6 cas. L’étiologie virale, B
ou non A-non B, est largement prédominante. Aucune
cause médicamenteuse ou immunologique n’est trouvée
dans ces deux études ;
- les hépatopathies alcooliques non stéatosiques (hépatite
alcoolique, cirrhose) représentent seulement 4 % des
étiologies ;
- les affections diverses font 9 % des cas et sont dominées
par l’hémochromatose (9 cas) et le déficit en alpha 1
anti-trypsine (6 cas). Il n’y a que trois cas de granulomatose (collagénose, sarcoïdose, bilharziose) ;
- le foie est normal ou ne présente que des lésions mineures non spécifiques dans 6 cas sur 249.
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Le syndrome de cytolyse hépatique chronique isolée est
donc expliqué neuf fois sur dix par une stéatose ou une
hépatite chronique, ce qui fait de l’obésité, de l’alcoolisme
et des virus hépatotropes les principaux responsables de
cette anomalie. La clinique et la biologie ne permettent pas
toujours de porter un diagnostic de certitude comme l’ont
montré Van Ness et coll. (18) chez 90 patients : leur valeur
prédictive positive est de 56 % en cas de stéatose et de
88 % en cas d’hépatopathie alcoolique histologiquement
vérifiée ; ils auraient surtout conduit à 10 % d’erreurs
thérapeutiques par excès ou par défaut. Le risque hémorragique de la biopsie hépatique percutanée a quant à lui été
récemment réévalué par Mac Gill et coll. à partir d’une
série de 9212 examens réalisés en 21 ans (14). En cas
d’hépatopathie diffuse le risque d’hémorragie fatale est de
0,04 % et celui d’hémorragie non fatale de 0,16 %, les facteurs de risque étant l’âge, le sexe, l’existence d’un cancer
et le nombre de passages réalisés. Le rapport bénéfice/risque est à l’avantage de la PBH qui permet de rectifier un diagnostic mais surtout de fixer un pronostic et de
poser au mieux une indication thérapeutique.
ASPECTS PARTICULIERS À
L’HÉPATOLOGIE TROPICALE
Le syndrome de cytolyse prolongée et isolée existe-t-il en
Afrique ? Très probablement, mais la découverte souvent
tardive des hépatopathies chroniques et le caractère inhabituel du dépistage systématique en font certainement un
problème secondaire. Cependant sa signification et la
conduite à tenir en hépatologie tropicale doivent être
discutées en fonction de la pathologie locale et des moyens
diagnostiques et thérapeutiques disponibles.
Le foie tropical présente certaines anomalies histologiques
en rapport avec les multiples infections bactériennes et
parasitaires, digestives ou systémiques, qui stimulent en
permanence le système réticulo-endothélial (4). Il est
caractérisé cliniquement par un certain degré d’hypertrophie, biologiquement par une hypergammaglobulinémie
polyclonale et histologiquement par un infiltrat inflammatoire chronique réalisant un aspect d’hépatite chronique
persistante (HCP). Ces aspects sont encore modifiés en cas
de malnutrition protéino-calorique qui détermine une
stéatose hépatique parfois majeure. Pour ces raisons la
notion de cytolyse hépatique chronique telle qu’elle est
définie en Europe ou aux Etats-Unis n’est sans doute pas
adaptée au contexte tropical ; elle doit prendre en compte
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ces modifications basales de l’état hépatique liées à la
pression de l’environnement et à la fonction de “filtre
immunitaire” du foie. Ces réserves étant faites, les affections impliquées dans le syndrome de cytolyse chronique
posent en Afrique des problèmes particuliers :
- la stéatose hépatique reconnait les mêmes étiologies
nutritionnelles, alcoolique et diabétique. La clinique
oriente le diagnostic d’autant plus qu’il existe une
hypertriglycéridémie, une discrète cholestase ou une
hyperglycémie de jeûne ou post-prandiale. L’échographie permet de le confirmer avec une bonne fiabilité si
elle montre une hyperéchogénicité diffuse du parenchyme hépatique souvent associée à une hépatomégalie
(aspect de foie “brillant” avec augmentation du gradient
d’échogénicité hépato-rénal). La disparition rapide des
anomalies biologiques et plus lente des signes échographiques grâce à des mesures diététiques simples vient
confirmer un diagnostic qui se passe en règle de biopsie.
L’absence de régression des troubles fait discuter, outre
une insuffisance des mesures thérapeutiques, une
affection associée ou l’existence d’une fibrose dont les
relations avec la stéatose sont discutables ;
- les hépatopathies alcooliques chroniques non stéatosiques d’expression cytolytique prédominante sont rares
mais on doit cependant évoquer une hépatite alcoolique
sub-aiguë, une fibrose ou encore une cirrhose latente. La
suspicion clinique d’intoxication alcoolique peut être
étayée par l’existence d’une macrocytose érythrocytaire,
d’une élévation des taux sériques de gamma GT et
d’immunoglobuline A (IgA) mais surtout par une inversion du rapport ASAT/ALAT habituellement inférieur à
1. Il est quasi spécifique d’une origine alcoolique quand
il est supérieur à 2, mais s’élève modérément en cas de
cirrhose quelle qu’en soir la cause (19). La nécessité
d’une PBH à visée pronostique est loin d’être formelle
d’autant qu’il existe des éléments d’orientation non invasifs biologiques et échographiques. Un indice biologique
simple, reposant sur les taux de prothrombine, de gamma
GT et d’apolipoprotéine A1 semble avoir une très bonne
valeur prédictive de l’existence d’une fibrose ou d’une
cirrhose (16) mais doit encore être validé dans différentes conditions d’exercice et notamment dans le
contexte tropical ;
- les hépatites chroniques virales représentent sans doute
l’étiologie la plus fréquente des cytolyses prolongées en
Afrique ; elles y constituent un problème de santé publique aux conséquences souvent dramatiques en raison des
LE SYNDROME DE CYTOLYSE HEPATIQUE CHRONIQUE EN AFRIQUE NOIRE
risques évolutifs de cirrhose et d’hépatocarcinome. Si la
définition des hépatites chroniques est avant tout histologique leur diagnostic peut être facilement évoqué sur
des données sérologiques et fonctionnelles hépatiques.
Les marqueurs viraux sériques utiles sont l’antigène HBs
(Ag HBs), l’anticorps anti-HBc de type IgM (AC HBc
IgM), l'antigène HBe (Ag HBe), si possible l'ADN
viral B (ADN B), l'anticorps anti-delta (AC VHD) et
maintenant l'anticorps anti-virus C (AC VHC). L’existence d’une infection chronique par le virus B (VHB) est
quasiment affirmée par la présence de l’Ag HBs en
l’absence d’AC HBc IgM ; la présence de l’Ag HBe (ou
mieux de l’ADN B) témoignant de la persistance d’une
replication complète du virus est bien corrélée à l’évolutivité de la maladie et au risque de contagiosité. La
présence des AC VHD et des AC VHC traduit plus souvent une infection chronique qu’une cicatrice sérologique. En présence des stigmates sérologiques d’infection virale chronique, l’existence d’une cytolyse chronique traduit l’existence d’une hépatite chronique
évolutive ; en ce qui concerne le VHB le niveau de la
cytolyse est assez prédictif du type histologique (HCA
ou HCP) ce qui n’est pas du tout le cas pour le VHC (7).
La PBH a dans tous les cas un intérêt pronostique ; en
cas d’HCP il existe un infiltrat inflammatoire portal et
intra-lobulaire modéré avec discrets signes de souffrance
hépatocytaire. L’HCA est caractérisée par des lésions
plus sévères avec destruction de la lame bordante et
parfois nécrose hépatocytaire en pont (“bridging
necrosis”) d’importance pronostique capitale puisqu’elle
est fortement corrélée à une évolution cirrhogène. On
peut cependant s’interroger sur la nécessité d’un diagnostic histologique formel et précis dans la mesure où
les possibilités thérapeutiques sont encore limitées. Si
d’importants progrès ont été réalisés ces dix dernières
années (12), l’efficacité de la vidarabine et des interférons reste partielle ou transitoire au prix d’effets
secondaires et d’un coût importants qui risquent d’en
limiter considérablement la diffusion, notamment en
Afrique. La surveillance de ces patients, même asymptomatiques est cependant nécessaire. Elle doit reposer sur
la sérologie, l’EFH, le dosage de l’alpha-fœtoprotéine
(AFP) et l’échographie. Si une élévation importante du
taux sérique d’AFP (> 400 UI/L) est quasi spécifique
d’un hépatocarcinome, une élévation modérée traduit le
plus souvent une régénération hépatocytaire au
cours d’une HCA très évolutive. L’échographie joue un
647
rôle fondamental dans la surveillance, elle permet souvent d’évoquer une évolution vers la fibrose et la
cirrhose. Elle doit aussi rechercher avec attention la
moindre lésion focale dont la nature doit être précisée par
une micro-biopsie dirigée dont la sensibilité en matière
de cancer est excellente. Cette surveillance, dont le bénéfice en terme de survie n’a pas encore été formellement
démontré (5) sera d’autant plus justifiée que les espoirs
thérapeutiques représentés par l’alcoolisation percutanée
guidée par échographie des petits hépatocarcinomes
(< 5 cm) auront reçus confirmation (2).
Les autres causes d’hépatites chroniques doivent également être recherchées. Une origine médicamenteuse doit
être systématiquement évoquée dans des régions où la
vente libre, l’auto-médication et les prescriptions non
conformes sont des causes majeures de toxicité accrue.
Les principaux médicaments responsables d’hépatites
chroniques et/ou de cirrhose sont nombreux : acide
tiénilique, amiodarone, clométacine, dantorlène, halothane, iproniazide, méthotrexate, alpha-méthyldopa,
nitrofurantoïne, papavérine et vitamine A (13). Les
intoxications sont plus rarement responsables d’hépatopathies chroniques ; certains alcaloïdes de plantes appartenant aux genres Senecio et Crotolaria, contenant des
pyrazolidines et habituellement responsables de syndromes veino-occlusifs aigus, peuvent être cause de
cytolyse hépatique chronique (4). Enfin une étiologie
auto-immune, très rare dans ce contexte de cytolyse
isolée, est à rechercher s’il existe des éléments d’orientation cliniques ou biologiques ;
- le dernier cadre diagnostique est représenté par de multiples affections plus rares mais parfois révélées par une
cytolyse silencieuse. L’hémochromatose, dont la fréquence n’est pas connue en Afrique, doit être distinguée
de l’hémosidérose décrite surtout en Afrique du Sud, au
Ghana et en Ouganda ; la ferritinémie en est un excellent
marqueur. La maladie de Wilson et le déficit en alpha 1
anti-trypsine sont exceptionnellement recherchés, leur
prévalence est inconnue en Afrique. Il est rare qu’une
cytolyse chronique vienne révéler une maladie de
système d’autant que la sarcoïdose y est peu fréquente.
Les granulomatoses pourraient constituer une cause
importante de cytolyse chronique en Afrique, mais le
diagnostic est le plus souvent posé devant des manifestations extra-hépatiques. Ainsi la tuberculose est
rarement isolée et s’intègre le plus souvent dans le cadre
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J.M. DEBONNE, M. GUISSET, F. KLOTZ
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d’une miliaire ou d’une atteinte digestive et/ou péritonéale.
Si des lésions hépatiques sont fréquentes dans toutes les
formes de lèpre, le diagnostic en est généralement déjà
connu. parmi les infections bactériennes il faut cependant
penser à chercher une brucellose et une syphilis secondaire
qui peuvent être révélées par une asthénie prédominante
associée à une cytolyse hépatique chronique. Les parasitoses sont une cause très importante de granulomatose
hépatique mais sont plutôt révélées par une cholestase
isolée ou associée à une cytolyse très discrète. C’est le cas
de la bilharziose dont le diagnostic est plus facilement fait
grâce à la biopsie rectale à ce stade de la maladie. Les
disto-matoses, toujours associées à une hyperéosinophilie
importante, seront diagnostiquées par la présence d’œufs
dans les selles.
D’autres helminthiases ont été évoquées comme rarement
responsables de granulomatose hépatique (toxocarose,
ascaridiase, strongyloïdose) (4). Il reste enfin à évoquer le
cadre particulier de la cytolyse hépatique chronique au
cours de l’infection par le virus de l’immuno-déficience
humaine (VIH). L’atteinte hépatique directe par le virus luimême est possible à tous les stades de la maladie. Les
infections opportunistes survenant au cours du SIDA déterminent dans la majorité des cas des granulomes hépatiques
mal organisés qui ne sont pas spécifiques. Outre la tuberculose on est amené à évoquer une infection par mycobactérium aviaire intracellulaire, une mycose profonde ou une
cytomégalovirose (2). Il est cependant exceptionnel que ces
affections soient révélées par une cytolyse hépatique isolée,
ce qui explique la très faible rentabilité de la PBH dans
cette indication.
Cette revue consacrée au syndrome de cytolyse hépatique
chronique avait pour but d’attirer l’attention sur une anomalie biologique certainement fréquente mais dont l’exploration est d’intérêt et d’utilité variables en fonction des
pathologies rencontrées et des moyens médicaux disponibles dans les différentes régions du monde. En guise de
conclusion on peut faire trois remarques :
. la stéatose est une cause très fréquente dont le diagnostic
est fortement suggéré par des données cliniques et biologiques simples, dont le pronostic est excellent et dont
le traitement repose le plus souvent sur des mesures diététiques,
. les hépatites chroniques virales sont fréquentes et potentiellement graves. Leur diagnostic repose principalement
sur les tests sérologiques et leur pronostic est fonction
des anomalies histologiques. Malheureusement, le
bénéfice des traitements actuels est compromis par des
inconvénients tels que leur diffusion n’est pas encore
envisageable. La surveillance des patients doit être orientée vers le dépistage des hépatocarcinomes qui pourraient
être traités par alcoolisation percutanée écho-guidée.
Mais tous les efforts doivent être orientés vers la vaccination contre le virus B,
. les granulomatoses hépatiques représentent peut être
l’aspect le plus spécifiques des cytolyses chroniques en
Afrique. Les études cliniques visant à confirmer ou infirmer cette hypothèse sont à faire ; leurs implications
thérapeutiques éventuelles justifieraient alors la réalisation d’une biopsie hépatique devant toute cytolyse
prolongée en raison de la fréquence des associations
pathologiques qui caractérisent la Médecine Tropicale.
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