L'Aubonne et son bassin versant 1. L'Aubonne Truite lacustre remontant l'Aubonne à la hauteur de la ″Station de Capture″ (photo : www.peche.ch) 9 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant 1 CHAPITRE 10 II. 1 L'Aubonne 1.1 Cadre et base de travail Le dictionnaire géographique de la Suisse (Knapp et al., 1902) décrit l’Aubonne comme une « Petite rivière, affluent de droite du Léman, de 13 km de parcours, et d’un bassin d’environ 80 km2. Source vauclusienne au Sud de Bière, 662 m ; coule entre de hautes berges boisées ou couvertes de vignes ; reçoit de droite le Toleure avec la Saubrettaz, la Sandolleyre et le Malacermary, passe au pied de la jolie ville d’Aubonne et se jette dans le Léman en y formant un dépôt d’alluvions assez important. Huit ponts, dont un de chemin de fer. Des moulins, scieries et papeteries utilisent la force motrice de la rivière, principalement près de sa source. Historiquement, l’Aubonne a servi de limite au pagus equestris et plus tard a séparé l’évêché de Genève de celui de Lausanne. L’Etat de Vaud possède, sur l’Aubonne, une pêcherie de truites, dont les œufs sont envoyés à l’établissement de pisciculture des Grands Bois ». Pour mettre en œuvre une protection efficace des rivières, il est nécessaire de connaître avec précision leur état morphologique, physique, chimique et biologique. Le régime hydrologique doit également être dûment documenté. Les rivières constituent des écosystèmes complexes souvent fragilisés par l'impact des activités anthropiques et la compréhension de leurs structure, fonctionnement et évolution exige une approche globale prenant en compte une multitude de paramètres. Seule une approche interdisciplinaire permet d'appréhender de manière adéquate les problématiques liées à la gestion des rivières. Le Système Modulaire Gradué – SMG - (OFEFP2, 1998a) sert de cadre à l'analyse complète des cours d'eau en Suisse et à l'appréciation de leur état. Il est conforme au principe global de protection inscrit dans la loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux (LEaux3) et se compose de neuf modules traitant des aspects suivants : ➢ écomorphologie (conditions structurelles du cours d'eau et de ses berges), ➢ hydrologie, ➢ aspect général de la rivière (évaluation de l'état visible d'un cours d'eau), ➢ population piscicole, ➢ diatomées (algues unicellulaires), ➢ macro-zoobenthos (macroinvertébrés benthiques visibles à l'œil nu), ➢ plantes aquatiques, ➢ paramètres physico-chimiques, ➢ éco-toxicologie. Les méthodes de mesures et d’analyses proposées par le SMG sont accompagnées de recommandations pour l'exécution de programmes d’évaluation de l’état des rivières suisses par les services cantonaux spécialisés. En fonction des données disponibles, l’approche préconisée par le SMG est appliquée dans l'étude LEMANO. 1.2 Écomorphologie Des sources au barrage de la Société électrique des forces de l’Aubonne (SEFA), les berges sont pratiquement toutes boisées. La végétation aquatique est limitée aux mousses et aux algues filamenteuses. Le lit de la rivière est essentiellement constitué de blocs et de galets, les zones de graviers meubles étant extrêmement rares (ECOTEC, 1989). 2 3 OFEFP : Office fédéral de l’environnement des forêts et des paysages . Loi fédérale du 24 janvier 1991 sur la protection des eaux, RS 814.20 11 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant La rivière a conservé son état naturel depuis la station d'épuration des eaux usées (STEP) de Bière, située à quelques centaines de mètres en aval des sources de l'Aubonne, au lac de retenue du barrage de la SEFA. Les poissons trouvent de nombreux abris au pied des berges et derrière les blocs du lit (ECOTEC, 1989). Du barrage à l'embouchure dans le Léman, la hauteur des berges varie de quelques décimètres à plusieurs mètres et sont majoritairement boisées. La structure du lit de la rivière est déterminée par la pente, le débit et la vitesse du courant. L'Aubonne est une rivière à débits variables avec des crues façonnant la morphologie de son lit. Les sédiments fins se déposent en période de débit faible à modéré et sont emportés par les crues puis se déposent plus en aval. Ce phénomène est toutefois largement atténué par le lac artificiel de la SEFA qui joue le rôle de cuve de sédimentation. L’apport de matériel charrié à l'aval est fonction des purges du barrage et des crues artificielles qui sont effectuées périodiquement. Selon les conditions topographiques et hydrologiques, le lit de la rivière est composé de blocs et de galets, dont le diamètre diminue de l’amont vers l’aval en fonction de la pente. Dans le cours supérieur, le lit est caractérisé par des blocs dont le diamètre dépasse souvent 1 m et la rivière présente un aspect torrentiel. Dans la partie intermédiaire, les plus gros blocs ne dépassent pas 70 cm de diamètre alors qu’à l’embouchure, celui-ci est de l’ordre de 40 cm. Inversement, la proportion de galets et graviers augmente d’amont en aval. Les fonds sableux ou limoneux sont rares et limités aux zones très calmes à faible contre-courant proches des rives. La Figure 1.1 présente le profil topographique de l'Aubonne de ses sources situées à 662 m d'altitude à son embouchure dans le Léman (372 m). Le cours de la rivière est long de 14.062 km pour un dénivelé de 297 m ; la pente moyenne est de 2.11 %. 675 650 625 600 altitude [m] 575 550 525 500 475 450 425 400 375 350 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 distance à la source [m] Figure 1.1: Profil topographique de l'Aubonne (source des données : swisstopo 2004a et 2004b) – exagération de l'échelle verticale (trente fois l'échelle horizontale) La zonation piscicole est déterminée sur la base du rapport entre la pente et la largeur de la rivière (Huet, 1959) ainsi que par la présence d'une espèce dominante et d'espèces accompagnatrices (OFEFP, 1998a). Avec une pente moyenne de 2.11 % et une largeur moyenne de 6.2 m, l'Aubonne se classe dans la zone à truite (Figure 1.2). 12 II. 1 L'Aubonne 8,0 7,0 Zone à truites 6,0 pente [ 0/00 ] 5,0 4,0 Zone à ombres 3,0 2,0 Zone à barbeaux 1,0 0,0 Zone à brèmes 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 largeur [m] Figure 1.2: Diagramme largeur/pente permettant de définir la zone piscicole d'après Huet (1959) Les espèces typiques de la zone à truite sont la truite de rivière (Salmo trutta fario), la truite lacustre (Salmo trutta lacustris), le chabot (Cottus gobio), le vairon (Phoximus phoximus) et la lotte franche (Barbatula Barbatula) (Figure 1.3). Le peuplement piscicole de l'Aubonne est décrit au chapitre 2.6. Espèces Truite fario Truite lacustre Chabot Vairon Loche franche Ombre Blageon Chevaine Spirlin Nase Barbeau Goujon Vandoise Perche Brochet Gardon Brème bordelière Rotengle Tanche Carpe Ablette Silure Lotte Brème Gremille Loche de rivière Anguille Bouvière Able de stymphale Epinoche Loche d'étang Figure 1.3: Zone à truites Zone à ombres Zone à barbeaux Zone à brème Zones piscicoles et espèces types (d'après OFEFP, 2004a) 13 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant 1.3 Hydrologie Selon l’Annuaire Hydrologique de la Suisse (OFEG, 2002), le débit moyen annuel de l’Aubonne, mesuré à la station limnigraphique d’Allaman Coulet, est de 5.80 m3/s pour la période 1993-2003. Exprimé en volume annuel, cela représente 183 millions de m3 d’eau. La Figure 1.4 présente le volume d'eau débité par l'Aubonne en 2001, soit 215 millions de m3, le débit moyen étant de 6.09 m3/s. 250'000'000 — débit cumulé 200'000'000 [m3] 150'000'000 100'000'000 Figure 1.4: 27. déc. 2001 27. nov. 2001 28. oct. 2001 28. sept. 2001 29. août 2001 30. juil. 2001 30. juin 2001 31. mai 2001 1. mai 2001 1. avr. 2001 2. mars 2001 31. janv. 2001 1. janv. 2001 50'000'000 Débit moyen annuel de l'Aubonne en 2001 (source des données : OFEG, 2002) Le coefficient mensuel de débits (Cm) permet de décrire les variations de débit d’une rivière au cours de l’année et de caractériser son régime hydrologique selon une terminologie reconnue (Musy, 2003). Le coefficient est défini comme le rapport du débit mensuel moyen au module inter-annuel (débit moyen inter-annuel calculé sur un certain nombre d’années – 11 dans le cas présent). Cm= Qm ∗100 [ % ] Qa où Qm = débit mensuel moyen Qa = débit annuel moyen 14 II. 1 L'Aubonne Le régime de l’Aubonne est de type pluvial - nival. C'est un régime mixte présentant deux minima et deux maxima de débit (Figure 1.5). Les maxima correspondent à la période de la fonte des neiges (mars à avril) et aux périodes pluvieuses de la même époque et de fin d'année. Les minima correspondent à la période de chute de neige en début d'année (janvier et février) et à la période sèche enregistrée en août. 160 150 140 130 120 110 100 [%] 90 80 70 60 50 40 30 20 10 Figure 1.5: 1.3.1 décembre novembre octobre septembre août juillet juin mai avril mars février janvier 0 Coefficient mensuel du débit de l'Aubonne (source des données :UNIBE, 2004) Influence pluviométrique Bien que le débit de l’Aubonne soit directement influencé par la pluviométrie, il existe une différence notable entre la courbe pluviométrique et le débit journalier moyen de la rivière (Figure 1.6). La première présente des variations brusques et limitées temporellement, alors que le second est constitué de pics suivis de diminutions progressives. Le débit de la rivière répond donc rapidement à un évènement pluviométrique mais ne diminue que très progressivement (donnant ainsi une impression d’inertie par rapport à la courbe pluviométrique). Ce phénomène s’explique par le fait qu'après saturation des sols, l’eau de pluie atteint assez rapidement la rivière par ruissellement. Les précipitations ayant cessés, l'eau absorbée par les sols continue à alimenter la rivière. 1.3.2 Influence de la retenue hydroélectrique de la SEFA La retenue de la SEFA est située légèrement en aval de la confluence de l’Aubonne, du Toleure et de la Saubrette. Le volume d’eau retenu est de 53'500 m3. Relativement faible, il ne permet qu’une modulation du débit turbiné durant les heures de pointe et le transfert d’une part de la production électrique de la nuit vers la journée (SEFA, 2000). Avec un débit de 5 m3/s, le barrage est rempli en trois heures. L’eau est acheminée par conduite forcée jusqu’à la centrale hydroélectrique de ″Plan-Dessous″, située juste à l'aval de la ville d’Aubonne. Cette centrale est dotée de deux turbines d’une capacité de 5 m3/s chacune et d’un groupe d’étiage utilisant une turbine d’une capacité de 1.8 m3/s. Du barrage à la centrale, le dénivelé est de 97 m et l’eau turbinée est restituée à la hauteur de la centrale. 15 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant 40 70 Débit journalier moyen [m3/s] 35 Pluviométrie (station de Féchy) [mm/j] 30 60 50 25 20 30 [mm/j] [m 3 /s] 40 15 20 10 10 5 Figure 1.6: 27-déc.-01 27-nov.-01 28-oct.-01 28-sept.-01 29-août-01 30-juil.-01 30-juin-01 31-mai-01 1-mai-01 1-avr.-01 2-mars-01 31-janv.-01 1-janv.-01 0 Courbe pluviométrique de la station de Féchy et débit journalier moyen de l'Aubonne (sources des données : UNIBE, 2004 et SESA, 2003a) Une nouvelle concession d’exploitation de 67 ans a été accordée à la SEFA par le Conseil d'État du canton de Vaud le 17 décembre 1993 (échéance le 31 décembre 2061). Le renouvellement de la concession, conformément aux lois fédérales sur les eaux (LEaux), sur l’utilisation des forces hydrauliques (LFH4) et sur la pêche (LFSP5), est accompagné d’une série de conditions et de mesures de compensation, ayant pour objectifs de minimiser les impacts de l'exploitation du barrage sur l’environnement et de maintenir, voire améliorer, l’état de la rivière. Concernant la gestion des débits, le concessionnaire doit se conformer à un règlement d’exploitation (Stucky SA, 1990) qui comprend les points suivants : 4 5 16 ➢ turbinage maximum : 10 m3/s ; ➢ débit de dotation : 0.36 m3/s ; un turbinage de 10 m3/s n’est donc possible que pour un débit de la rivière égal ou supérieur à 10.36 m3/s ; ➢ la diminution du débit turbiné est limitée à 10 % par heure (mesure valable toute l’année pour tous les débits). La règle des 10 % ne peut toutefois être respectée lors de l’arrêt du groupe d’étiage qui a un débit minimum de 0.3 m3/s ; ➢ le débit minimum turbinable étant de 0.3 m3/s environ, les débits inférieurs à 0.66 m3/s (0.36 m3/s + 0.3 m3/s) ne sont pas turbinés entre le 1er novembre et le 30 juin. Le complément au débit de dotation, 0.3 m3/s, est déversé par le seuil évacuateur de crues du barrage ; Loi fédérale du 22 décembre 1916 sur l’utilisation des forces hydrauliques, RS 721.80 Loi fédérale du 21 juin 1991 sur la pêche, RS 923.0 II. 1 L'Aubonne ➢ régime de turbinage au fil de l’eau sans modulation des débits inférieurs à 1 m3/s entre le 1er mars et le 30 juin ; ➢ pour minimiser les atteintes au milieu aquatique naturel, les curages de fond ont lieu tous les trois à quatre ans au printemps (avril - mai) ou en automne (avant le 15 novembre), avec un débit de la rivière supérieur à 10 m3/s ; le curage mécanique de la partie supérieure de la retenue a lieu en période d’étiage (août – septembre) ; ➢ modalités concernant les crues artificielles destinées à enrayer le phénomène d'accumulation de sédiments en veillant à assurer les intérêts conjoints des milieux naturels aquatiques et terrestres (transport des graviers favorables aux frayères et lentilles alluviales). Les effets de ce règlement sur le turbinage des eaux de l'Aubonne sont résumés à la Figure 1.7. Non turbinage des petits débits J F M A M mois J J A S O N D Entre le 1er novembre et le 30 juin, les débits inférieurs à 0.66 m3/s ne sont pas turbinés. Le complément au débit de dotation, soit 0.3 m3/s, est déversé par le seuil évacuateur de crues du barrage. mois Turbinage au fil de l’eau J F M A M J J A S O N D Les débits inférieurs à 1 m3/s sont turbinés au fil de l’eau, c’est à dire sans modulation des débits. L’eau est restituée à la hauteur de l’usine électrique de « Plan-Dessous ». mois Débit d’étiage J F M A M J J A S O N D Le débit de dotation de 360 l/s est respecté sauf dans le cas où le débit naturel de la rivière est inférieur à cette quantité. Figure 1.7: Effets du règlement d'exploitation du barrage de la SEFA sur le régime de turbinage des eaux de l'Aubonne (Stucky SA, 1990) Le secteur de rivière situé entre le barrage et la centrale hydroélectrique, ou secteur de dotation, mesure environ 3 km. Son débit est naturel seulement lorsque la SEFA n’est pas autorisée à turbiner. Pour le secteur situé entre la centrale et l’embouchure de l’Aubonne dans le Léman, le débit est fortement influencé par les éclusages journaliers aux heures de pointe. La règle des 10 % atténue cependant leurs effets. Avant novembre 1992, date d’entrée en vigueur de la LEaux et de l’application de son article 36 (Contrôle du débit de dotation), le débit de restitution à la rivière était de l’ordre de 50 à 70 l/s, ce qui est nettement inférieur au débit de dotation exigé. L’exploitation actuelle du barrage représente donc un progrès pour la protection de l'Aubonne. Il faut toutefois relever que les curages de fond du barrage sont des opérations délicates qui peuvent provoquer des perturbations importantes de la structure du lit de la rivière et du comportement de la faune benthique (ECOTEC, 1992). Elles doivent donc être accomplies avec les plus grandes précautions. 17 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant 1.3.3 Influence karstique Le débit annuel moyen de l’Aubonne mesuré à la station hydrologique ″d’Allaman-le-Coulet″ excède de quelques 99 millions de m3/an la capacité de captage des précipitations du bassin topographique de l’Aubonne (voir § 3.4). Compte tenu de la géologie locale, le karst jurassien serait capable d'être à l'origine de cet excédent d’eau. La plupart des rivières situées entre le Jura et le Léman ont des sources d'origine karstique ; c'est notamment le cas de la Venoge, de l’Aubonne, du Toleure et de la Versoix. Il n'est pas rare qu'à la faveur de précipitations abondantes, le débit du Toleure passe de quelques l/min à plus de 10 m3/s en quelques dizaines de minutes (www.techt.ch/michel/speleo/Toleure.htm). Ce type de comportement est typique des flux karstiques et démontre leur importance en termes de variation d’apport d’eau à l'Aubonne. 1.4 Physico-chimie de l'eau La qualité physico-chimique de l'eau de l'Aubonne prélevée à la station ″d'Allaman-le-Coulet″ est analysée depuis 1987 par le Service des eaux, sols et assainissement du canton de Vaud (SESA). Depuis 2003, des prélèvements sont également effectués aux stations ″Volaille″ et ″aval Saubrette″ (Figure 1.8). Figure 1.8: 18 Stations de mesure de la qualité physico-chimique du réseau hydrographique de l'Aubonne suivies par le SESA (source des données : SESA, 2004a) II. 1 L'Aubonne Les paramètres analysés sont : le carbone organique dissous (COD), le nitrate (NO 3), l'ammonium (ion NH4), le phosphore total brut (PtotB) et les orthophosphates (PO 4). L’évolution des concentrations de ces substances chimiques à la station d'Allaman-le-Coulet est présentée à la Figure 1.9. COD NH4 NO3 PO4 PtotB 4,5 COD [mgC/l], NO3 [mg N/l] 4 0,2 3,5 0,15 3 2,5 0,1 2 1,5 1 0,05 NH4 [mg N/l], Ptot [mg P/l] et PO4 [mg P/l] 0,25 5 0,5 0 1987 Figure 1.9: 0 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 Variation des concentrations en COD, NH4, NO3, PO4 et PtotB dans l'Aubonne à la station d'Allaman-le-Coulet (source des données : SESA, 2004a) Pour chaque paramètre, une classe de qualité est définie en fonction des concentrations mesurées. Les valeurs seuils du Tableau 1.1 et les classes de qualité correspondantes sont reprises du système modulaire gradué - module chimique (OFEFP, 2004b). Tableau 1.1: Valeurs seuils et classes de qualité pour les paramètres chimiques (d'après OFEFP, 2004b) Classe de qualité COD [mg C/l] NH4* [mg N/l] NO3 [mg N/l] PO4 [mg P/l] Ptot [mg P/l] très bon < 2.0 < 0.04 < 1.5 < 0.02 < 0.04 bon 2.0-4.0 0.04-0.2 1.5-5.6 0.02-0.04 0.04-0.07 moyen 4.0-6.0 0.2-0.3 5.6-8.4 0.04-0.06 0.07-0.10 mauvais 6.0-8.0 0.3-0.4 8.4-11.2 0.06-0.08 0.10-0.14 ≥ 11.2 ≥ 0.08 ≥ 0.14 très mauvais ≥ 8.0 ≥ 0.4 *seuils pour des T°> 10 °C et/ou pH > 9 19 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant Les valeurs enregistrées en 2003 dans les trois stations d'échantillonnage sur l'Aubonne sont présentées au Tableau 1.2. Tableau 1.2: Valeurs des paramètres chimiques de l'eau (COD, NH4, NO3, PtotB et PO4) de l'Aubonne en 2003 (source des données : SESA, 2004a) Stations paramètres Nombre d'analyses Moy Min Max 80-centile* Allaman-le-Coulet COD [mgC/l] 49 NH4+ [mgN/l] 49 2.573 1.74 4.490 2.986 0.025 0.001 0.088 0.036 49 1.927 0.670 4.280 2.646 PO4 [mgP/l] 49 0.021 0.004 0.057 0.029 PtotB [mgP/l] 49 0.076 0.024 0.806 0.076 COD [mgC/l] 12 2.484 2.020 3.210 2.786 NH4+ [mgN/l] 12 0.014 0.005 0.026 0.022 12 1.535 0.620 3.070 1.914 PO4 [mgP/l] 12 0.013 0.004 0.042 0.018 PtotB [mgP/l] 12 0.027 0.008 0.072 0.035 COD [mgC/l] 12 2.357 1.680 3.340 2.650 NH4+ [mgN/l] 12 0.018 0.003 0.049 0.033 12 1.981 0.550 3.620 3.186 PO4 [mgP/l] 12 0.024 0.002 0.082 0.049 PtotB [mgP/l] 12 0.045 0.008 0.201 0.072 3 NO [mgN/l] 3- Volaille 3 NO [mgN/l] 3- Aval Saubrette 3 NO [mgN/l] 3- * Code couleur, voir Tableau 1.1 Selon le système d’appréciation physico-chimique des cours d’eau du SMG (OFEFP, 2004b), les concentrations en substances chimiques dans l'eau de l'Aubonne sont en général satisfaisantes à l'exception du phosphore total qui présente des concentrations légèrement trop élevées pour les stations d'Allaman-le-Coulet et aval Saubrette. La concentration en phosphate est également trop élevée dans cette dernière station. Il faut par ailleurs relever l'augmentation des concentrations en nitrate enregistrées à la station d'Allaman-le-Coulet entre 2000 et 2003. 1.5 Peuplement de macroinvertébrés benthiques La composition en espèces de macroinvertébrés benthiques (insectes, crustacés, mollusques, vers, etc.) est communément utilisée pour évaluer la qualité biologique des rivières. L'indice Biologique Global Normalisé ou IBGN (AFNOR, 2004 et OFEFP, 2005) est fondé sur la présence, la diversité et l'abondance de différents groupes de macroinvertébrés ; la valeur étant fonction de leur degré de sensibilité à la pollution. Par leur structure, les peuplements témoignent à la fois des perturbations d’ordre chimique subies par le milieu (pollution) et de la qualité physique des habitats (diversité des substrats, variété des écoulements, état des berges, etc.). L’IBGN est exprimé en valeurs allant de 0 à 20, 20 représentant la meilleure qualité biologique possible de la rivière (Tableau 1.3). Tableau 1.3: Valeurs seuils IBGN de qualité écologique de la rivière (sources : AFNOR, 2004 et OFEFP, 2005) Qualité Très bonne Bonne Médiocre Mauvaise Très mauvaise 20 IBGN 17 à 20 13 à 16 9 à 12 5à8 <à4 II. 1 L'Aubonne Figure 1.10: Valeurs IBGN pour les campagnes de mesures 1993 et 1996 (source des données : SESA, 2004b) 21 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant Figure 1.11: Valeurs IBGN pour les campagnes de mesures 2000 et 2002 (source des données : SESA, 2004b) 22 II. 1 L'Aubonne L'évaluation est basée sur un répertoire de 138 taxons6: 38 d'entre eux constituent les 9 groupes faunistiques indicateurs par ordre de polluosensibilité croissante. Ces taxons se recrutent surtout parmi les larves d'insectes, mais aussi, pour les groupes les moins sensibles, chez les crustacés, mollusques et vers. L'échantillon de faune benthique de chaque station est constitué de huit prélèvements effectués séparément dans huit habitats distincts : végétation aquatique, litière, racines, sédiments de granulométries variables (limon, sable, gravier, cailloux, blocs, etc.). Chaque habitat est également caractérisé par la vitesse du courant. Pour le calcul de l'IBGN, il est tenu compte de la variété taxonomique de l'échantillon, égale au nombre total de taxons récoltés, même s'ils ne sont représentés que par un seul individu, et du groupe faunistique indicateur, à savoir le groupe le plus sensible présent sur la station (taxons indicateurs représentés dans les échantillons par au moins 3 ou 10 individus selon les taxons). Les données provenant du SESA sont utilisées pour décrire l'état de la macro-faune benthique de l’Aubonne, du Toleure et de la Saubrette en 1993, 1996, 2000 et 2002. Les Figures 1.10 et 1.11 indiquent l’emplacement des stations d'observation ainsi que les valeurs d'IBGN obtenues pour les quatre années considérées. Dans l’ensemble, ces valeurs sont bonnes à très bonnes, avec une tendance à l’amélioration. Cette observation d’ordre général n’est toutefois pas applicable à la station d’observation située sur la partie basse de la Saubrette, légèrement en aval de la confluence de cette rivière avec le Toleure où les valeurs d’IBGN sont systématiquement inférieures à celles des autres stations. La présence de trois STEP situées en amont de cette station explique ces résultats médiocres. Il est intéressant de noter que la station située sur l'Aubonne, directement en aval de la station de la Saubrette, enregistre de bonnes valeurs d'IBGN. Il semble donc que l’eau de qualité médiocre de la Saubrette n’ait qu'un impact limité sur la qualité de l’eau de l’Aubonne. Il faut préciser que l'année 2000 fut très pluvieuse, provoquant des débits élevés jusqu'en mai. Ces conditions particulières ont réduit l'accessibilité des habitats à la faune benthique et rendu les prélèvements d’échantillons difficiles, voire impossibles durant cette période. De ce fait, une seule campagne de prélèvements a été effectuée en mai 2000 (contre deux campagnes pour les autres années, février et mai). En revanche, les conditions d'échantillonnage en 2002 étant nettement meilleures, les valeurs IBGN sont considérées comme plus représentatives du potentiel faunistique et de l'état de la rivière. 1.6 Peuplement piscicole De par leur longévité et leur mobilité, les poissons procurent des informations importantes concernant la qualité de leurs habitats. De plus, ils se situent au sommet de la chaîne alimentaire aquatique et sont donc susceptibles de concentrer certaines substances toxiques. Cela les rend particulièrement intéressants pour l’étude des impacts des pollutions ou des contaminations sur le milieu aquatique. Les poissons sont également de bons indicateurs pour les raisons suivantes (OFEFP, 2004a) : 6 ➢ ils sont présents dans presque toutes les rivières et lacs de notre région ; ➢ de par la complexité et la spécificité de leurs exigences écologiques par rapport à leur habitat, les poissons sont de bons indicateurs de l’état hydrologique et morphologique des rivières et lacs dans lesquels ils évoluent ; ➢ les espèces appartenant à une ichtyocénose (communauté piscicole) sont représentatives de plusieurs niveaux trophiques (espèces herbivores, insectivores et omnivores) ; ➢ de par leur comportement migratoire, les poissons ne sont pas seulement indicateurs d’habitats spécifiques mais aussi de leur connectivité à différents niveaux spatio-temporels du réseau hydrographique ; ➢ les poissons ont une durée de vie relativement longue (plusieurs années), ce qui permet d’intégrer une dimension temporelle dans l’évaluation de l’état des cours d’eau ; ➢ les espèces de poissons sont relativement faciles à déterminer ; taxon : groupe d'espèces constitué d'entités qui répondent à des caractéristiques communes (Dictionnaire encyclopédique de l'écologie et des sciences de l'environnement, Paris, 1993). 23 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant ➢ la distribution des poissons est bien documentée et peut servir de référence pour l'analyse de la situation actuelle ; ➢ l’écologie des poissons est bien connue. Six paramètres d'évaluation de l’état écologique des cours d’eau, basés sur la population piscicole, sont proposés (OFEFP, 2004a) : ➢ zone piscicole et composition potentielle de l’ichtyofaune, ➢ structure de la population de l’espèce piscicole caractéristique, ➢ reproduction naturelle de la population piscicole caractéristique, ➢ densité relative de la population de truites fario, ➢ déformations et anomalies, ➢ courbes de fréquence des espèces les unes par rapport aux autres. Ces paramètres sont pondérés en fonction de leur importance écologique. Étant donné que la plupart des rivières suisses sont des rivières à salmonidés, on tiendra particulièrement compte de la structure de la population et de la capacité de reproduction de la truite fario. Pour chaque paramètre, la différence entre l’état constaté et l’état souhaité est estimée afin d’évaluer l’état écologique de la rivière. Par exemple, pour évaluer le paramètre 1 (zone piscicole), la présence/absence des espèces caractéristiques et accompagnatrices est analysée et la présence d’espèces étrangères a une influence négative sur l’évaluation de l’état écologique d’un cours d’eau. Depuis l’étude d’impact effectuée dans le cadre du renouvellement de la concession de la SEFA (ECOTEC, 1988 et 1989), aucune évaluation de l’état de la faune piscicole n’a été effectuée. Cependant, des statistiques de pêches produites par la Société Vaudoise des Pêcheurs en Rivière (SVPR, 2002) couvrant la période 1980 – 2001 indiquent une nette tendance à la baisse des prises (Figure 1.12). Une telle diminution du nombre de truites pêchées est également observée aux échelles cantonale et nationale (OFEFP, 1999). Soucieuses d’expliquer ce phénomène, les autorités fédérales et cantonales ont mis sur pied un programme de recherche ayant pour objectif d'identifier et expliquer les causes de la baisse des prises au cours de ces vingt dernières années. Le ″Projet Fischnetz″ (Fischnetz, 2004), s'est en premier lieu attaché à mettre en relation la diminution du nombre de poissons pêchés et celle de la population piscicole. S’appuyant sur des statistiques incluant, entre autres, le nombre de permis de pêches émis, le nombre de sorties de pêche par permis et le pourcentage de sorties de pêche couronnées de succès, les experts du projet concluent que les statistiques de pêches « livrent une bonne impression de l’état général des populations piscicoles suisses ». Selon les conclusions du rapport final (Fischnetz, 2004), le déclin du nombre de truites vivant dans nos rivières et de la population piscicole en général auraient trois causes principales : 24 ➢ Les substances endocrines, pesticides et autres micro-polluants présents dans les cours d’eau pourraient être à l’origine de changements de sexe et auraient un impact négatif sur la reproduction. Il semble également que la présence de micro-polluants, principalement certaines substances hormonales et des pesticides, ait un effet négatif sur le sens d’orientation des poissons. ➢ La Maladie Rénale Proliférative (MRP) causée par un parasite unicellulaire est, dans une large mesure, responsable de la diminution de la population piscicole. Dans certaines rivières, cette maladie a déjà décimé un nombre important de poissons. Les rivières les plus affectées sont celles dont la température a augmenté au cours de ces vingt dernières années. En effet, la MRP ne semble se développer que lorsque la température dépasse 16 °C. En ce qui concerne l’Aubonne, aucun changement significatif de la température n’a été observé au cours de ces dernières années et les poissons ne sont pas porteurs du parasite causant la MRP. ➢ Le déclin de la population piscicole est également dû à la modification ou la destruction, même partielle, de ses habitats naturels. II. 1 L'Aubonne 6 000 5 000 prise de truites fario 4 000 3 000 2 000 1 000 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 1984 1983 1982 1981 1980 0 Figure 1.12: Nombre de prises de truites fario dans l'Aubonne (source des données : SVPR, 2002) Dans ses conclusions, le rapport ″Fischnetz″ (Fischnetz, 2004) mentionne qu’aucun facteur n’est capable à lui seul de provoquer le recul constaté des captures de poissons. Cette évolution s'expliquerait plutôt par l’effet combiné de plusieurs facteurs. Le cours de l’Aubonne est relativement naturel et seuls quelques ouvrages artificiels empêchent la migration des truites de lac. Afin de remédier à ce problème, des passes à poissons ont été aménagées avec succès notamment aux lieux-dits ″la Pêcherie″, ″la Petite Vaux″ et ″la Poudrerie″ (SFFN7, 2001). 1.7 État de l'Aubonne : synthèse Les données disponibles ne permettent pas une évaluation complète de l'état de l'Aubonne selon l'approche préconisée par l'OFEFP (1998a, 2004b, 2005). En effet, malgré les efforts consentis par les autorités cantonales pour l'acquisition de données et la réalisation d'études diverses, aucun des neufs modules du SMG (écomorphologie, hydrologie, aspect général de la rivière, diatomées, macro-zoobenthos, plantes aquatiques, physico-chimie et éco-toxicologie) ne peut être documenté de manière satisfaisante pour cette rivière. Les informations à disposition permettent toutefois d'identifier les problématiques majeures de l'Aubonne et c'est indéniablement le barrage de la SEFA qui constitue l’élément perturbateur le plus important. Il influence fortement le régime hydrologique naturel et modifie la dynamique de transport et de sédimentation des particules solides le long de la rivière. Les risques d’impact les plus sévères sont liés à l’évacuation (curage), tous les trois ou quatre ans, des sédiments accumulés dans le bassin de retenue. Ces impacts peuvent être notablement réduits en appliquant des procédures spécifiques dont les objectifs principaux sont de minimiser les variations trop brusques du débit et d’éviter les surcharges de matières en suspension dans l’eau de la ri- 7 Service de la faune, flore et nature du canton de Vaud 25 Étude LEMANO – L'Aubonne et son bassin versant vière. Le nouveau règlement d’exploitation du barrage prévoit, par exemple, de provoquer des crues artificielles simulant les crues naturelles, l'objectif étant d’empêcher le colmatage du lit de la rivière et de remobiliser les graviers propices à la reproduction des truites. Conformément au rapport du projet ″Fischnetz″ (Fischnetz, 2004), il est (provisoirement) conclu que la baisse de prise de truites fario observée depuis 1980 est associée à un déclin de cette espèce dans l'Aubonne. Ce déclin serait dû à un ensemble de facteurs portant atteinte à l'intégrité structurale et fonctionnelle des écosystèmes aquatiques de cette rivière parmi lesquels la pollution par les micro-polluants et les substances à effet hormonal serait le plus important (voir synthèse dans ASL, 2006). 26