l`indispensable lien entre corps médical et patients

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Adresse retour : Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège • Domaine Universitaire du Sart Tilman, Bât. B 35, 4000 Liège
•
Octobre 2014
l’indispensable lien entre
corps médical et patients
Janssen-Cilag NV
©Janssen-Cilag NV/SA – 02-2011 – 5215 – vu/er Apr./Pharm. Bea Haegeman, Antwerpseweg 15-17, 2340 Beerse
Because we care
Adresse retour : Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège • Domaine Universitaire du Sart Tilman, Bât. B 35, 4000 Liège
n° 09
•
Octobre 2014
Nursing
ing
oncologique :
édito
l’indispensable lien entre
corps médical et patients
THERE IS NO SUCH THING AS A "STANDARD", "AVERAGE
AVER
", OR "USUAL" PATIENT (*)
C’est l’accompagnement du patient dans sa vulnérabilité qui fa
fait l’essence de la pratique clinique. Dans cet accompagnement, le rôle du nursing est primordial, particuliè
rticulièrement en Cancérologie. Par exemple, en Hématologi
tologie
clinique, où s’appliquent des traitements dévastat
dévastateurs (chimiothérapie d’induction de leucémies aiguës
guës, greffes
myélo-ablatives…), l’infection ou l’hémorrag
hémorragie peuvent emporter le malade en quelques heures
ures et la moindre erreur se paie comptant. Toute la ch
chaîne des différents intervenants doit fonctionner correctement,
correcte
depuis la technicienne
ci
ne d
de surface
rf
jusqu’au chef de service. Dans ce continuum, la qualité professi
professionnelle de l’équipe de nursing est
essentielle. Le continuum
ntinuum s’impose à la fois dans le temps (24h/24), la compétence
co
et l’empathie vis-à-vis du malade.
La surveillance attentive des patients, l’écoute de leurs plaintes, autant que les soins aux cathéters, la mise en place
des perfusions et des transfusions chez les neutropéniques immunodéprimés, nécessitent un long apprentissage,
fruit de la collaboration étroite entre infirmiers et médecins.
Les médecins ont le nursing qu’ils méritent. Ceux qui le sous-estiment sont des prétentieux et/ou des imbéciles.
De plus, ils doivent résister à la réduction de l’art médical à une simple mécanique, à sa "protocolarisation" et
à sa "procédurisation" qui, sans nier leurs utilités, doivent être dépassées par des notions plus essentielles. Tout
malade a droit à une égale attention et à une même qualité de soins quels que soient son âge, sa culture, ses
comorbidités, et son traitement adapté en conséquence. La communication soignant – soigné est essentielle et
le nursing joue ici encore un rôle capital, particulièrement vis-à-vis de patients qui, par essence, sont vulnérables
et souvent totalement dépendants. Enfin, on ne peut occulter la difficulté permanente du nursing oncologique,
confronté comme les médecins à la souffrance et à la mort, avec un fort sentiment d’impuissance ou d’échec,
facteurs d’épuisement professionnel. C’est donc uniquement en travaillant de façon solidaire et soudée que l’équipe de soins parvient à diluer l’anxiété et à prévenir le burn-out.
Pour illustrer l’importance du nursing oncologique, nous avons fait appel à Monsieur
Fernand COURTOIS, chef d’unité en salle d’Hématologie. Il est tout naturellement le rédacteur invité de ce numéro car il a été un des précurseurs de sa discipline dans notre institution. Son vécu professionnel est impressionnant et ses qualités humaines exceptionnelles.
Il a certainement contribué à l’essor de l’Hématologie et de l’Oncologie au CHU de Liège et
c’est un privilège pour nous de pouv
uvoir le remercier ici.
G.Fillet,
Chef de projet Centre Intégré d’Oncologie
sommaire
(*) In: Clinical Leukemia Practice, 1978, Alexander SPIERS
ERS,
Harold GAYA, John GOLDMAN, The Kynoch Press, Eng
England, First Edition, p. 95.
2
Présentation du rédacteur invité :
Fernand Courtois, infirmier chef d’unité
5
Le nursing oncologique en un coup d’œil
7
L'hôpital de jour onco-hématologique :
quand qualité rime avec efficacité
MAGAZINE DE L’ONCOLOGIE DU CHU DE LIEGE
n° 09 • Octobre 2014
Edité par le Centre d’oncologie clinique du CHU de Liège
Editeur responsable :
M. Julien Compère,
administrateur délégué du CHU de Liège,
Avenue de l’Hôpital, 13, B35- 4000 Liège
Directeur de la rédaction :
Pr. Arthur Bodson
Réalisation :
L’empathie d’abord !
Service Communication
13
L’équipe mobile de soins continus et palliatifs
PYM
15
Les psychologues à l’hôpital :
des spécialistes (pas) comme les autres ?
Michel Mathys (CHU de Liège), Michel Houet
16
Infirmier de liaison :
« Si vous n’y croyez pas, passez votre chemin »
20
Actualités : Nouvelles en bref
9
Graphisme :
Photos :
Internet :
www.chuliege
www.
chuliege.be
ge.be
1
Présentation du rédacteur invité :
Fernand Courtois, infirmier chef d’unité
Fernand Courtois
rédacteur invité
Infirmier chef d’unité au service d’hématologie
clinique - oncologie médicale et de l’unité stérile,
Fernand Courtois est le rédacteur invité de ce
numéro du Magazine de l’oncologie.
Le service d’hémato-oncologie compte
26 chambres. Parmi celles-ci, dix, dites "isolements
protecteurs", sont des chambres à pression positive prévues pour la prévention des risques aériens
lors de la prise en charge, par exemple, de patients
immunodéprimés comme les patients atteints de
leucémie ou greffés de moelle. Il faut y ajouter six
autres chambres d’isolements plus adaptés pour
la prise en charge de personnes dépendantes relevant souvent de soins palliatifs ou de fin de vie,
et, enfin, dix chambres doubles dont 6 peuvent
encore être des isolements. La capacité d’accueil
est en effet de 30 patients, 23 pour l’hématologie
clinique, 7 pour l’oncologie médicale.
Depuis plus de trente ans, vous avez tissé des relations particulières
avec le Pr. Georges Fillet qui vous rend hommage à travers ce numéro
consacré au nursing oncologique.
Fernand Courtois : En effet, nos relations remontent à
longtemps. Toute la profession que je représente ici lui
sait gré de l’hommage qu’il lui rend. Si tout au long de
sa carrière, le Pr. Fillet nous a reconnus au sein de son
secteur, cette gratitude est aussi présente dans le chef du
Pr. Yves Beguin, son successeur. L’un comme l’autre savent
que cette équipe infirmière est rigoureuse, curieuse, soucieuse d’approfondir ses connaissances et de les développer et en recherche permanente de la qualité et de la
sécurité au bénéfice des patients et de leurs proches.
Cette somme de qualités, en plus de l’esprit d’équipe, n’est-elle pas
aussi un facteur d’attrait pour votre service ?
F. C. : Bien sûr. Depuis que je suis dans le service d’hématologie, nous n’avons jamais connu de difficulté particulière pour recruter du personnel. Certes, on constate un
turn over, comme dans tous les services hospitaliers. Cela
étant, bon nombre d’infirmiers ayant travaillé dans ce service ont partagé – et partagent toujours – leur expérience
en s’engageant au sein de l’hôpital de jour, en intégrant
le service de radiothérapie ou encore en devenant infirmiers de liaison tout en restant au CHU. Tous ont démontré
que leur passage en hémato-oncologie apporte une valeur
ajoutée. On pourrait parler de transfert de connaissances
et de compétences.
2
M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
Quel regard portez-vous sur l’évolution du nursing oncologique ?
F. C. : Le CHU de Liège, en particulier son service d’hémato-oncologie, a été précurseur en termes de prise en
charge holistique du patient, avec un intérêt tout particulier pour l’aspect psycho-oncologique. Depuis 1990, je
m’intéresse aux moyens de renforcer les connaissances
et compétences du personnel infirmier afin d’accompagner au mieux le patient et ses proches confrontés à la
maladie grave. Nous avons pu bénéficier de formations
spécifiques en psycho-oncologie. Des outils ad hoc ont
été développés : la consultation infirmière pré-greffe, les
réunions de parole.
Très tôt, nous avons cru au bien-fondé de l’assistance psychologique au bénéfice du patient, de ses proches et du
personnel soignant. Grâce à l’intervention du Télévie et
avec l’aide du Pr. Fillet, une psychologue a été engagée
il y a déjà 22 ans. Autre innovation du secteur: la mise en
place des infirmières de liaison, chargées entre autres de
l’information et de l’éducation à la santé tout au long du
parcours de soins des patients.
Ce sont autant de "solutions" que le CHU développe à
destination des patients.
Il faut aussi souligner l’évolution technologique du secteur : la recherche de pointe et ses applications se développent chaque jour au bénéfice du malade. Les progrès
de la médecine sont réels. Les besoins en soins infirmiers
de qualité suivent la même courbe, de même que les attentes de la patientèle. De plus en plus de jeunes infirmières se dirigent, après leur baccalauréat, vers la spécialisation en soins oncologiques.
Fernand Courtois
Enfin, grâce au Plan Cancer et à un effort très conséquent
de formations internes, le CHU a pu bénéficier sur quatre
ans (de 2009 à 2012) d’un renforcement important et
cohérent des connaissances et compétences du personnel infirmier oncologique, au bénéfice de la qualité, de
la rigueur, de la sécurité et de l’humanisation des soins.
Je suis fier de faire partie d’une telle équipe qui sait se
montrer à la hauteur de ses tâches tant dans les situations
à visée curative ou palliative que de fin de vie.
Concomitamment, une "révolution" informatique s’est
produite. Depuis fin 2009, nous bénéficions d’un logiciel
de gestion de l’administration des produits sanguins, depuis 2012, dans le secteur d’oncologie, du Dossier Infirmier
Informatisé et depuis 2014, de la gestion et de l’administration informatisées des médicaments. D’ici fin 2014, la
boucle sera achevée par le développement et le déploiement de la gestion et de l’administration informatisées
des chimiothérapies. S’il faut relever une période parfois
difficile d’appropriation de ces outils informatiques, il
n’en demeure pas moins qu’au final c’est la sécurité et la
qualité des soins aux patients qui en sont les bénéficiaires !
A terme, ces outils seront aussi une banque de données et
de connaissances au profit du personnel infirmier.
Parmi les différentes aides
des
apportées par le Télévie,,
l’engagement d’une
e
psychologue a permis de
soutenir le personnel soiignant face aux difficultés.
tés.
« Si les personnes sont hospitalisées, c’est parce
qu’elles nécessitent des soins infirmiers et des
traitements médicaux ... Les infirmiers sont une
vitrine de l’institution qui les emploie. »
Par ailleurs, vous n’accueillez pas que le patient mais aussi sa famille
F. C. : En effet, le cancer est une maladie qui touche aussi
l’entourage du patient. Depuis toujours, nous favorisons la
présence de la famille. D’abord, nous accueillons 30 patients
dans nos 26 chambres, ce qui permet aux proches d’être
présents quelques heures ou une nuit entière. Ensuite, lors
de la réorganisation du service il y a neuf ans, nous avons
eu carte blanche pour aménager des espaces privatifs tels
qu'une salle de repos, une cuisine pour la famille ou encore une salle de jeux. Certaines peintures qui égaient les
couloirs ont été réalisées par des patients ou leur famille.
Il y a donc une réelle reconnaissance des patients et de
leurs proches pour notre métier. Nous avons aussi accueilli
l’équipe mobile des soins palliatifs dans l’espace dévolu
à notre secteur, ce qui représente une plus value par la
proximité. De même, j’observe une solidarité et un respect
entre les patients, quel que soit leur âge.
Pourquoi n’y a-t-il pas plus d’hommes dans la profession ?
F. C. : C’est vrai que nous sommes, d’une manière générale, peu représentés, mais aussi, je crois, peu attirés par
les soins oncologiques. Peut-être sommes-nous davantage
intéressés par la technicité que par le relationnel ? Il n’en
demeure pas moins que s’engager dans un métier nécessitant des soins lourds et complexes (on parle de maladies
graves et chroniques) reste un investissement merveilleux.
Cela dit, je remarque qu’avec certains patients, une relation s’est tissée. Je ne peux pas parler d’intimité, mais il
existe une forme de rapprochement. J’insiste cependant
pour veiller à garder la distance nécessaire à l’accompagnement et à ne pas tomber dans la complicité. Tous les
infirmiers du service ont, en effet, pour mission d’accompagner le patient dans son traitement ou sa perte d’autonomie vers une "guérison" ou une issue plus péjorative ou
de fin de vie. Nous sommes confrontés à toutes les situations et réalités, comme aussi les soins d’euthanasie.
Quelques locaux ont été
réaménagés pour pouvoir
accueillir les patients et leur
famille. On y a même
célébré des mariages !
CHU DE LIEGE
3
Fernand Courtois
« Mon service est un vrai melting pot social
et culturel, ce qui est un défi quotidien. »
Il faut avoir conscience qu’un secteur d’hospitalisation en
oncologie, particulièrement dans le secteur d’Hématologie clinique, n’est pas le reflet exact des maladies cancéreuses et de leurs prises en charge. C’est une concentration de situations complexes nécessitant précisément
des soins infirmiers de haute qualité et de haute sécurité,
humains et de niveau universitaire.
Cette complexité est un défi permanent d’adaptation des
soins infirmiers à l’évolution des soins médicaux offerts,
par exemple de plus en plus loin dans la vie (développement de l’onco-gériatrie). Il y a 15 ans encore, la greffe de
moelle allogénique était réservée aux adultes jusqu’à 55
ans. Actuellement, le greffé le plus âgé de notre service a
70 ans. De même, il était périlleux, voir délétère, d’entreprendre le traitement d’une leucémie chez une personne
de 80 ans. Aujourd’hui, cela s’avère beaucoup plus réaliste et réalisable, avec maintien d’une qualité de vie, au
terme d’une hospitalisation, voir de plusieurs, marquées
par une perte d’autonomie transitoire parfois sévère et
parfois aussi définitive. La complexité c’est aussi les choix
liés à l’éthique : les attentes du patient et de ses proches
confrontés au choc, à l’inconnu, aux espoirs accordés ou
demandés à la médecine, à la perte du contrôle, au sens
même de l’existence, aux pertes, aux deuils.
Fernand COURTOIS
04 366 73 86
[email protected]
La réunion de parole ou la nécessaire soupape
Une fois par mois environ, depuis plusieurs années
déjà, le service de Fernand Courtois se réunit pour ce
qu’il est convenu d’appeler des réunions de parole.
Différente de la réunion de service classique, cette
séance lors de laquelle chacun peut s’exprimer et évoquer telle ou telle situation à laquelle il a été confronté
s’apparente à une sorte d’exutoire. Elle a pour objet
de soutenir l’équipe. « Et nous sommes les seuls au
CHU à disposer d’un tel outil », insiste Fernand Courtois
Je ne peux être exhaustif sur ce thème de la complexité,
pourtant j’insisterai encore sur notre rôle éminemment
important d’information et d’éducation à la santé. Apporter les connaissances nécessaires, adaptées et précises au patient et à ses proches, c’est leur permettre de
maintenir ou de recouvrer leur autonomie mais aussi de
prévenir les complications et de réagir adéquatement.
Il faut en effet se rendre compte que dans la majorité des
situations beaucoup des effets secondaires se présentent
après le retour au domicile !
« Ce type de rencontre n’est pas facile à organiser »,
ajoute-t-il, « notamment à cause des nombreuses
réunions déjà planifiées et des pauses. » Elle est animée
par Mireille Monville, la psychologue institutionnelle
du CHU de Liège.
Des échanges, il ressort souvent de nombreuses propositions d’amélioration du fonctionnement du service.
Repères
•
•
4
L’unité d’hémato-oncologie et l’unité stérile
compte 32,5 ETP (équivalents temps plein),
soit 41 personnes dont onze sont âgées de plus
de quarante ans ce qui leur confère une expérience moyenne de 20 ans au sein du secteur.
30 infirmiers, entre 22 et 39 ans, jouissent
d’une expérience professionnelle moyenne
de plus quatre ans.
M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
•
•
Enfin, 34 infirmiers sont porteurs du titre
d’infirmier spécialisé en oncologie, 6 sont
dites "expertes" et une jeune est bachelière.
Par ailleurs, l’équipe logistique est composée
de 4 assistantes logistiques qui toutes
sont des personnes ressources d’une haute
compétence, de confiance et, elles aussi,
imprégnées d’une philosophie "humaniste".
Nursing oncologique
Le nursing oncologique
en un coup d’œil
Dans aucun établissement hospitalier, on ne s’improvise
infirmier en oncologie. La politique de soins s’inscrit dans
un plan ad hoc avec, en point de mire, la meilleure offre
de soins. Chantal Gilles, infirmière chef de service, rappelle que cette profession est régie par un arrêté royal
de 2003 par ailleurs récemment modifié. « Il définit les
grandes orientations de notre métier en oncologie »,
explique-t-elle. En effet, cet arrêté vise à contribuer à
la dispensation de soins de qualité aux patients atteints
d’un cancer. Le caractère pluridisciplinaire de l’oncologie
et l’approche impérativement transversale de la maladie
ont constitué les points de départ des règles proposées.
« Ainsi », poursuit Chantal Gilles, « nos infirmiers doivent
pouvoir disposer d’une formation spécifique en matière
d’affections oncologiques. » S’agissant des soins de base
en oncologie, il est impératif que les actes soient posés
par des infirmiers disposant d’une expertise suffisante. De
même, la chimiothérapie est administrée uniquement par
des infirmiers qui sont agréés comme infirmiers spécialisés
en oncologie ou qui suivent une formation afin d’obtenir
cette qualification professionnelle particulière ou qui ont
cinq ans d’expérience au moins dans la dispensation de
soins aux patients souffrant d’affections oncologiques.
Chantal GILLES
04 366 80 88
[email protected]
Chanta
Chan
tall Gi
Gill
lles
ll
es eest
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nité
té d
de
e ca
card
rdio
rd
ioio
logie durant cinq années,
années elle deviendra chef de service en 1992
avec, en particulier, la supervision des unités de dialyse et du
secteur d'oncologie (oncologie médicale, oncologie digestive,
hématologie clinique, unité stérile et hôpital de jour oncologique).
« Durant quatre ans, de 2009 à 2012, presque la totalité
de nos infirmiers ont suivi la formation imposée par le
SPF Santé publique », souligne Chantal Gilles. Ce cursus,
fort de 150 heures de cours, répondait à une véritable
nécessité et a été un véritable "succès" au vu du taux de
participation.
5DMSHK@SHNMĮCDRĮHMÛQLHDQRĮ@X@MSĮRTHUHĮK@ĮENQL@SHNMĮDMĮNMBNKNFHD
Unité
Nombre
d’infirmiers ...
... ayant suivi la
formation ou ...
... ayant plus
de 5 ans d’ancienneté
… n’ayant
pas suivi la
formation
pourcentage
des infirmiers
"formés"
Gastro-entérologie
et oncologie digestive (3A)
20
4
11
5
75
Oncologie
pulmonaire (3B)
23
15
0
0
65
Hémato-oncologie
(-3AB, -3C, 3C)
58
49
6
3
95
Hôpital de jour
oncologique (3D)
23
21
2
0
100
124
89
19
8
87
Total
CHU DE LIEGE
5
Nursing oncologique
« Derrière l’objectif de cette formation, outre répondre
aux exigences légales, nous souhaitions accroître nos
connaissances dans des domaines aussi variés que la maîtrise de soi et la communication. » Désormais, selon Chantal Gilles, l’infirmier s’implique davantage dans la relation
qu’il entretient avec le patient : « Nous ne sommes plus
des exécutants mais devenons réellement partie prenante
dans les soins prodigués au malade. »
Chantal Gilles complète : « Sur base de l’arrêté de 2003, le
CHU de Liège a mis en place une équipe de soutien pluridisciplinaire. » En outre, un médecin spécialiste ayant une
expérience dans le traitement de la douleur, un kinésithérapeute et un diététicien doivent également être présents
lors de réunions spécifiques réalisées en unités de soins.
Une politique sanitaire bienvenue
Le carnet de liaison et de soins
En mars 2008, la Belgique se dotait d’un nouvel outil, le
Plan Cancer. Pour la première fois, cette maladie devenait
ainsi une priorité de santé publique, alors que de nombreuses voix s'élevaient, depuis longtemps déjà, sur l'urgence de doter notre pays d'un véritable plan de bataille
destiné à lutter contre ce fléau qui touche chaque année
plus de 65.000 nouvelles personnes en Belgique.
A son arrivée au CHU de Liège, le patient
cancéreux reçoit un carnet de liaison.
« C’est un document qui lui est personnel »,
explique Chantal Gilles. Il a été créé pour
améliorer la coordination entre les différents
intervenants et est régulièrement actualisé.
Ce plan couvrant initialement la période 2008 - 2010 a été
doté de 380 millions d’euros. Il a été prolongé et complété par des mesures supplémentaires et adapté au fil de
sa concrétisation.
La majorité des mesures du Plan Cancer sont des mesures
structurelles. Cela signifie qu’une fois entrées en vigueur,
elles sont permanentes. Il s’agit par exemple de nouveaux
remboursements de traitements cancéreux, d’une consultation de longue durée pour l’annonce du diagnostic, du
financement de tumorothèques, de la prise en charge
multidisciplinaire à travers les consultations oncologiques
multidisciplinaires, du renforcement des équipes dans les
services oncologiques dans le cadre des programmes de
soins oncologiques.
6
M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
« Cette démarche novatrice est propre au CHU
de Liège. La Fondation contre le cancer a sponsorisé
l'impression des 2000 premiers carnets. » On y
trouve les adresses et les numéros de téléphone
utiles, des informations pratiques, l’agenda des
soins ou encore des conseils nutritionnels.
A cet égard, pour la période 2010 - 2012, le CHU de Liège est
financé à hauteur de plus de 1,75 million pour huit projets
portant sur la recherche translationnelle et sur l’amélioration du soutien psychosocial des patients, dont « la boîte à
bulles » (accueil d’enfants devant faire face à la maladie).
« Une des mesures du Plan est également la création des
infirmiers de liaison », rappelle Chantal Gilles. « Ils sont le
ciment entre le patient et l’équipe médicale. » Cinq sont
actuellement en place « et nous espérons recruter une
sixième personne spécialisée en ORL. »
L'hôpital de jour onco-hématologique :
PT@MCĮPT@KHS½ĮQHLDĮ@UDBĮDEÛB@BHS½
Françoise FRANCHI
04 366 73 08
[email protected]
Depuis 2010, Françoise Franchi est infirmière en chef à l'hôpital de jour
onco-hématologique.Elle fait le point sur son service qui a connu deux déménagements en moins de dix ans. Un troisième est prévu en 2018 vers le Centre Intégré
d’Oncologie. Elle observe aussi que dans le même temps, le nombre de patients a
quasiment doublé.
Bien qu'agrandi ces dernières années, l'hôpital de jour
onco-hématologique semble aujourd'hui devenu trop petit.
Évolution du nombre de patients à l'hôpital
de jour onco-hématologique entre 2001 et 2013
16 000
15 000
14 000
13 000
12 000
11 000
10 000
9 000
Concrètement, comment s'organise une journée à l'hôpital de jour ?
F. F. : L'hôpital de jour fonctionne de 7 heures 30 à 19 heures
et les premiers patients arrivent dès l'ouverture. Grâce à
une nouvelle planification informatique des rendez-vous
qui intègre le protocole de chimiothérapie de chaque pa-
tient et à une excellente collaboration avec la pharmacie
des cytostatiques, nous pouvons les accueillir de manière
très efficace. En effet, les délais d'attente sont limités, ce
qui est primordial tant pour le patient, étant donné sa fragilité, que pour le soignant qui peut dès lors mieux gérer
le flux des arrivées entre ceux qui ne doivent rester qu'une
heure et ceux qui sont soignés toute la journée.
Deux tableaux numériques, placés dans les locaux infirmiers pour des raisons de confidentialité, nous permettent
d'avoir une vue d'ensemble à tout moment et en temps
réel sur l'information utile au patient, comme la validation
des résultats de biologie sanguine ou le statut de préparation des chimiothérapies, ce qui renforce encore la qualité
des soins. Toutes ces informations sont connues de l'unité,
du médecin responsable et du service de production des
cytostatiques de la pharmacie. La production s'en trouve
donc améliorée.
Grâce à l'informatique, l'optimalisation des soins s'est encore
accrue : médecins, infirmières et pharmaciens ont désormais
une vue d'ensemble en temps réel des soins à dispenser.
Cette optimisation nous prépare au troisième déménagement, celui vers le CIO. Ainsi, nous n'attendons pas 2018
avant de mettre les choses en place. En anticipant, nous
voulons être directement opérationnels.
CHU DE LIEGE
7
13
12
20
11
20
10
20
09
20
08
20
07
20
06
20
05
20
04
20
03
20
02
20
20
01
8 000
20
Françoise Franchi : En effet, la capacité actuelle de cet
hôpital de jour est de 32 lits et 8 fauteuils. Cela représente donc 40 places pour accueillir quotidiennement
environ 65 patients. Depuis plusieurs années, je remarque
une augmentation significative de sa fréquentation. Ceci
explique que nous avons déjà déménagé à deux reprises,
en 2007 et en 2009. La prochaine fois, ce sera en 2018,
lors de notre installation au sein du CIO, le Centre Intégré d'Oncologie (voir Magazine de l'oncologie #08) où
nous disposerons de 60 lits et 5 fauteuils pouvant alors
accueillir entre 100 et 110 patients. Là, nous privilégierons, d'une part, l'accueil des patients qui reste le premier
maillon de la chaîne de soins, et, d'autre part, une répartition géographique de ceux-ci dans les meilleurs délais et
conditions (les enfants, les patients en étude clinique, les
patients en hématologie, etc.).
Hôpital de jour onco-hématologique
La formation interne dispensée à cet égard (puis le titre
légal qui a suivi) a rencontré un franc succès au CHU. Tous
les infirmiers du service possèdent les qualités requises
désormais obligatoires. Je remarque chez eux un souci
permanent de formation continue.
Votre maître mot reste la prise en charge intégrée du patient ?
F. F. : C’est notre leitmotiv. L'infirmière oncologique assure
la continuité de la prise en charge du patient qu'elle suit
tout au long de son trajet thérapeutique. Elle veille à la
mise en place et à l'application d'un plan de traitement
commun et apparait comme la référence tant pour le patient que pour le personnel médical.
Par ailleurs, la collaboration avec les soins à domicile est
encouragée puisqu'elle est un confort pour le patient.
Actuellement, nous travaillons avec des infirmiers spécialisés en oncologie. Il est ainsi inutile que le patient se
déplace jusqu'au CHU pour une simple déconnexion de
pompe de chimiothérapie, par exemple. La collaboration
à domicile se fait aussi pour des prises de sang effectuées
la vielle du traitement, ce qui nous permet d'anticiper
celui-ci. Sans cette collaboration, nous connaîtrions un
problème d'infrastructure au CHU.
De plus, nos patients connaissent ces infirmiers, ce qui les
rassure. Tout cela s'inscrit encore dans un processus de
continuité que nous favorisons et fait partie de la prise en
charge intégrée du patient qui, comme vous le soulignez,
est le maître mot de notre unité.
TÉMOIGNAGES :
« Toujours tout expliquer, surtout en oncologie. »
Nicole Fransolet est infirmière à l'hôpital de jour
onco-hématologique depuis une dizaine d'années.
Avec la plupart de ses collègues, elle a suivi la
formation ad hoc en oncologie voici quelques
mois et en est très satisfaite : « Cela représente
une véritable valeur ajoutée car, désormais,
nous sommes tous plus sûrs de nous et nous nous
inscrivons davantage dans la prévention. »
Chaque jour, elle accueille "ses" six patients,
deux par chambre, le temps de leur traitement.
« J'ai fait le choix de travailler à mi-temps,
ce qui me permet d'avoir un certain recul sur
ma profession car être confrontée quotidiennement à la maladie est assez éprouvant. »
D’ailleurs, elle dit ressentir de la compassion « mais
en freinant mon émotivité », pour les personnes
qu'elle côtoie dans les couloirs de l'hôpital de jour.
Quant à Françoise Claisse, infirmière pédiatrique,
elle s’occupe principalement des enfants ayant
subi une (auto)greffe de moelle dans l’unité stérile
du CHU. » Ces enfants âgés d’au moins trois ans
(les plus jeunes sont orientés vers Bruxelles) ont
un passé hospitalier assez long, entre six mois et
un an en moyenne « et leur séjour au CHU durera
encore une bonne année. Si l’hospitalisation est
une épreuve pour tout un chacun, elle est davantage pénible pour les plus jeunes » note Françoise
8
M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
Nicole FRANSOLET et Françoise CLAISSE sont toutes deux
infirmières en oncologie; la première s'occupe principalement des
adultes, la seconde, des enfants. Elle est aussi secrétaire de l’asbl Aide
aux enfants cancéreux, qu’elle a créée en 1985 (www.asbl-aec.be).
Claisse, « car ils arrivent ici, de plus en plus souvent seuls,
dans un monde d’adultes. » Dès lors, elle a pour
mission de les accueillir au mieux, de A à Z, en leur
proposant des activités récréatives ou en mettant
à leur disposition divers jeux. « Leur chambre a été
décorée spécialement dans des couleurs et des motifs
adaptés à leur âge » note-t-elle.
« Souvent, ils me connaissent avant même d’arriver
car on leur a annoncé ma présence. Ils ne sont donc
pas tout à fait perdus.» De plus, Françoise Claisse
joue franc jeu : « J’explique toujours ce que je fais
afin de gagner leur confiance car il n’y a rien de pire,
pour un enfant, que se sentir trahi. »
L’empathie
d’abord !
L’oncologie n’est pas une et indivisible.
Elle se décline en différents services, où les infirmiers/infirmières sont aussi spécialisés que
les médecins. Mais, si pointues que soient leurs
connaissances techniques, ils/elles représentent
aussi, où qu’ils/elles soient, une valeur universelle : l’empathie.
« Il y a des patients qui, pour épargner leurs proches,
décident de supporter leur maladie seuls, sans rien en
révéler aux leurs », explique Fatima Dali, infirmière chef
d’oncologie pulmonaire et digestive. « Mais, à certains
moment, ils n’en peuvent plus de se taire et c’est à l’infirmière qu’ils voient si souvent à leur chevet qu’ils finissent
par se confier. Ils ne parleraient pas au premier venu, mais
à elle oui. Parce qu’un lien s’est créé entre eux, ils sentent
qu’ils peuvent parler. »
Oncologie pulmonaire – Du temps sur notre temps
Malheureusement fréquents, les cancers pulmonaires
et digestifs sont aussi particulièrement lourds. « Pour
le patient, mais aussi au niveau du nursing », précise
Fatima Dali. « En plus d’altérer les capacités physiques
du patient, la chimiothérapie diminue ses défenses, de
sorte que les réhospitalisations entre les cures ne sont
pas rares, la moindre bactérie pouvant causer d’énormes
dégâts. Les infirmières doivent donc mener de front
traitements, soins d’hygiène – l’hygiène buccale, notamment, est très importante – et soins de la vie quotidienne.
Comme ce sont des patients qui n’ont pas d’appétit, il
faut les peser régulièrement, enrichir leur alimentation.
A cela s’ajoute le côté psychologique, qui demande un
investissement personnel: il faut le temps de connaître
le patient – pour ma part, je ‘tourne’ deux fois par semaine avec les médecins – de l’écouter, de lui faire des
suggestions – faut-il lui envoyer la psychologue, un
conseiller spirituel, l’équipe mobile de soins palliatifs ?
Et ce temps, nous devons parfois le prendre sur notre
propre temps.» Car l’unité d’onco-pneumologie n’a que
trois ans, et l’équipe de Fatima Dali commence seulement à s’étoffer. « Les infirmières spécialisées en oncologie rejoignent généralement ce service en connaissance
de cause, par vocation », précise Fatima. « Mais, pour les
graduées, la gestion des décès est souvent difficile et,
tôt ou tard, beaucoup s’en vont, ce qui peut ébranler la
cohésion de l’équipe. Bien sûr, la mort est toujours diffi-
cile à accepter, et je ne connais aucune infirmière qui n’ait
pas le cœur gros lorsqu’elle assiste aux derniers moments
d’un patient avec qui elle a noué des relations amicales.
C’est la principale difficulté dans un service comme celuici: être proche des patients tout en se préservant, s’impliquer sans se détruire. Cela nécessite un gros travail sur
soi-même, mais c’est aussi une grande leçon de vie. »
Fatima DALI
04 366 74 29
[email protected]
CHU DE LIEGE
9
L'empathie d'abord !
Gastro-entérologie/oncologie digestive – Des pratiques en harmonie
Pour Cindy Radoux, infirmière chef du service de gastro-entérologie, hépatologie et oncologie digestive, le problème
ne se pose pas de la même manière. « Comme ce service
réunit trois disciplines, l’équipe est confrontée à toute une
série de pathologies différentes. La mort y est donc moins
présente, mais le travail quotidien n’est pas plus facile pour
autant, car nous avons 40 lits au lieu de 30, dont 10 chez
Fatima Dali, en oncologie pulmonaire et digestive, ce qui
exige une harmonisation des pratiques. Pour un patient,
c’est déjà déstabilisant de devoir passer d’un service à
l’autre quand il vient faire sa chimio ! S’il constate en outre
que les pratiques diffèrent, il risque de perdre confiance. »
Cette particularité en entraîne une autre: «
« Bien
Bien que la moi
moitié de nos 40 lits soient en oncologie digestive, nous avons
relativement peu de médecins oncologues. L’avantage,
c’est que la collaboration entre eux et l’équipe infirmière en
est d’autant plus facile. L’inconvénient, c’est qu’ils sont
tellement surchargés de travail qu’ils ne sont pas toujours aussi disponibles qu’ils le voudraient pour les patients et leurs familles. » Ce qui n’empêche pas les uns
et les autres d’être fiers de la troisième particularité de
leur unité: « Il s’agit d’un traitement spécial, la chimiothérapie intra-artérielle, qui ne se pratique que dans
notre unité », insiste Cindy Radoux. « Il permet de soigner les métastases hépatiques dans le cadre des néoplasies du côlon, mais il exige la présence conjointe d’un
médecin et d’une infirmière au chevet du patient ! »
Contrairement au service de Fatima Dali, celui de Cindy
Radoux a été inauguré en même temps que le CHU et,
sur ses dix-neuf infirmières (plus deux aides-soignantes
et deux aides logistiques), deux sont là depuis le début.
« Elles fédèrent l’équipe par leur ancienneté et la qualité
10
M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
Cindy RADOUX
04 366 73 36
[email protected]
de leur travail », affirme Cindy Radoux, « mais les plus
jeunes apportent beaucoup aussi. Certaines sont spécialisées en oncologie et les autres pas, mais personne
ne cultive de complexe de supériorité: la force de notre
équipe, c’est sa cohésion. Elle est parfaitement soudée,
et c’est d’autant plus nécessaire que, durant les deux dernières décennies, les rapports entre patients et infirmières
ont évolué. Quand j’ai débuté, il y a dix-sept ans, les patients nous faisaient spontanément confiance: nous étions
là pour les soigner et ils ne demandaient rien de plus.
Aujourd’hui, nous devons sans cesse regagner cette confiance, par exemple en expliquant nos moindres gestes.
La plupart des patients ne veulent plus subir passivement
les soins, ils veulent être acteurs de leur propre maladie.
C’est une bonne évolution, mais elle augmente encore la
charge de travail des infirmières. »
L'empathie d'abord !
Oncologie générale - Le patient dans sa globalité
En oncologie générale aussi, le maître-mot est ‘diversité’.
« De même que l’hématologie traite les tumeurs liquides,
notre service traite l’ensemble des tumeurs solides, de la
tête aux pieds, explique l’infirmier chef David Simonis.
« Selon moi, c’est plus intéressant que de devoir s’en tenir
à un seul système, comme mes collègues d’oncologie pulmonaire ou d’oncologie digestive. Ici, nous avons chaque
fois affaire à des systèmes différents, avec des spécificités
au niveau de l’histologie. De plus, nous avons la chance
de collaborer avec des oncologues qui travaillent sur des
tumeurs rares, notamment des sarcomes. Les progrès
dans ce domaine sont fabuleux ! Mais cela oblige évidemment toute l’équipe à suivre une formation continue,
afin de rester à la hauteur. » Cette petite unité de 18 lits
à peine – « ce qui en fait tout le charme, même si nous
manquons évidemment de place » - fonctionne avec une
quinzaine d’infirmières, dont plusieurs très jeunes: « Peu
d’infirmières font une carrière complète en oncologie,
car c’est un service très lourd, tant physiquement que
moralement », souligne David Simonis. « Pour ma part,
si je suis devenu chef d’unité, c’est d’abord parce que
j’avais une certaine vision du travail infirmier et que je
voulais la transmettre à d’autres. Une vision basée sur le
respect – des collègues, des familles, mais d’abord et surtout du patient. En oncologie, on ne peut pas se conten-
David SIMONIS
04 366 81 59
[email protected]
ter de lui administrer les traitements nécessaires: il faut
le prendre dans sa globalité, avec toutes les inquiétudes
qui découlent de son cancer – perturbation de la vie familiale, menaces sur l’emploi, difficultés financières, peur
de perdre sa place de père ou de mère, d’être cantonné
dans sa maladie, de ne plus être le pivot de sa famille.
C’est parce que nous en sommes toutes et tous convaincus
que nous parvenons à donner chaque jour, au chevet de
chaque patient, le meilleur de nous-mêmes. »
Hématologie clinique et unité stérile - Perfusions et joie de vivre
« L’hématologie, ce sont tous les cancers dit ‘liquides’,
c’est-à-dire toutes les maladies qui ont trait aux cellules
sanguines », précise l’infirmier chef adjoint Thibaut Degrave. « Des lymphomes aux leucémies en passant par
toutes les formes d’hémopathies. Nous accueillons deux
types de patients. D’une part, les ‘aigus’, chez qui une
prise de sang réalisée pour cause de fatigue excessive, par
exemple, a révélé une leucémie et qui exigent une prise
en charge immédiate, parce qu’ils courent un risque vital.
Thibaut DEGRAVE
04 366 73 16
[email protected]
D’autre part, les ‘chroniques’, qui sont en soins chez nous
pour des chimiothérapies régulières et qui nécessitent par
exemple six à huit mois de traitement. » Techniquement,
l’hématologie est très exigeante : « Un exemple ? Après le
service d’Anesthésie-Réanimation, c’est nous qui utilisons
le plus gros volume de perfusions ! Sans compter les nombreux médicaments intraveineux à administrer, le grand
nombre de chimiothérapies aussi complexes que dangereuses - certaines peuvent même être létales si elles ne
sont pas accompagnées d’une greffe de cellules souches
hématopoïétiques. De plus, l’unité d’Hématologie a cette
particularité d’être proche de la recherche clinique et
nécessite, de la part des infirmières, des réactualisations
constantes de leurs connaissances et compétences afin de
maîtriser des techniques novatrices (nouvelles molécules,
injection de cellules mésenchymateuses, Laserthérapie,
etc.) Ce n’est pas pour rien que notre équipe compte
95 % d’infirmières – je dis toujours ‘infirmières’, car nous
ne sommes que quatre infirmiers pour 44 infirmières !
– spécialisées en oncologie ! Cependant, nous n’oublions
jamais qu’une spécialisation n’est pas une garantie de sécurité et que tout le monde peut commettre une erreur.
Nous nous remettons systématiquement en question au
moindre incident, afin d’éviter que le prochain ne dégénère en accident ! »
CHU DE LIEGE
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L'empathie d'abord !
Il en résulte un stress considérable, encore accentué par la
proximité psychologique avec le patient. « Il y a bien sûr
des cas qui nous touchent plus que d’autres, parce qu’ils
nous renvoient notre propre image : la mère de famille,
le jeune adulte, etc. Mais de façon plus générale, l’infirmière s’intéresse au patient en tant que personne. A la
recherche de sa problématique du moment, elle prend le
temps de lui demander comment il se sent et d’écouter
la réponse, d’entendre un déni éventuel. Parfois, le dialogue est plus important que les soins. La toilette n’a pas
été faite à l’heure pile ? Tant pis ! L’essentiel est que le
patient ait obtenu les réponses à ses interrogations »
Cette pression morale explique-t-elle le turnover qui caractérise le service ? « C’est sans doute, un des nombreux
facteurs ! Nous gardons quelques infirmières ‘piliers’,
qui ont la passion de l’hématologie et dont nous puisons la précieuse expérience pour l’enseigner aux jeunes
recrues. De manière globale, les infirmières ne font pas
de longues carrières dans notre service, que ce soit dû
à des faits de vie personnelle, au vœu de s’occuper de
sa famille ou à la concentration de tristesse, de souffrance et de décès qui peut devenir difficile à assumer.
Accompagner une personne en fin de vie et sa famille, par
exemple, cela fait peur à la plupart des gens, alors que nos
infirmières le font quasi quotidiennement, en tentant de
soulager à la fois la douleur physique et la douleur morale »
Pourtant, le service d’hématologie n’a rien de lugubre ?
« Au contraire, il y règne une gaieté, une joie de vivre
étonnante. Nos patients nous parlent parfois de leur
maladie avec beaucoup de profondeur et d’émotion,
mais il leur arrive également, bien plus souvent qu’on ne
pourrait le croire, de s’entretenir de sujets légers, d’avoir
envie de rire et de plaisanter. Là aussi nous sommes à
leur disposition ! L’humour est une arme de communication incroyable et aussi nécessaire aux infirmières d’oncohématologie. »
Je termine sur un mot concernant le rôle de responsable
d’unité dans ce secteur. Bien qu’il puisse sembler peu attrayant, avec l'aspect "bureaucratique" d’une activité qui
limiterait les soins de proximité avec le patient, le métier
n’en reste pas moins épanouissant. Il rend possible la création et l’adaptation des outils, en partenariat avec les infirmières, pour fournir du travail de la plus haute qualité
tout en veillant à l’épanouissement personnel de chacun.
Radiothérapie – 13 minutes
En radiothérapie, c’est pareil, sauf que c’est (beaucoup !)
plus court. « Nous traitons 2500 patients par an », insiste
Willy Ruyange, infirmier chef adjoint. « Certains sont hospitalisés, la plupart viennent en ambulatoire, mais l’infirmier manipulateur a exactement 13 minutes à consacrer à
chaque patient. Treize minutes pendant lesquelles doivent
passer tout ce qu’il a appris sur la relation d’aide par rapport à un patient : humanité, disponibilité, empathie,
compétence… C’est vraiment la particularité de notre service: nos agents doivent être capables d’établir le contact
Willy RUYANGE
04 366 81 31
[email protected]
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M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
avec le patient, de le mettre à l’aise, de lui expliquer son
traitement et de le lui administrer avec toute la précision et la sécurité nécessaires en un temps extrêmement
limité. Ce qui suppose une grande capacité à aimer les
gens – chez nous, la bienveillance est la première qualité
– mais aussi de grandes compétences techniques. » L’infirmier qui arrive en radiothérapie doit donc se soumettre
à une formation de six mois sur le terrain : « Le libérer
avant serait trop risqué, d’autant que les traitements sont
de plus en plus délicats. La radiothérapie progresse à une
telle vitesse que le recyclage doit être quasi quotidien.
Lorsque le manipulateur pousse sur le bouton, il doit être
certain que la dose arrivera au bon endroit. Au millimètre
près ! » Mais il ne doit pas pour autant oublier l’indispensable contact avec le patient, qui commence déjà entre
la cabine et la salle de traitement. « Pendant que deux
agents préparent le traitement, le troisième va chercher
le patient. Le trajet permet un premier échange: ‘Comment allez-vous ? Avez-vous des choses à nous signaler ?’
Nous devons savoir ce qu’il ressent, ses inquiétudes, ses
angoisses, parce que, dans un traitement contre le cancer, le moral compte. Il n’y a pas d’étude randomisée pour
le prouver, mais, quand vous êtes bien dans votre tête,
vous avez plus de force pour affronter la maladie! C’est
pourquoi, pendant les 13 minutes qui nous sont dévolues,
nous nous occupons entièrement de notre patient. Et, en
un mois – puisque ces 13 minutes doivent être multipliées
par 30 – il se passe vraiment quelque chose entre le soignant et le soigné ! »
L’équipe mobile de
soins continus et palliatifs
Omniprésente et cependant discrète, toujours disponible mais jamais intrusive, l’équipe
mobile de soins continus et palliatifs a comme
membre d’honneur… une valise!
« Ne cherchez pas notre local : il n’est pas fléché ! » Pour
Nathalie Breesch, infirmière de l’équipe mobile de soins
continus et palliatifs (EMSCP), cette absence d’indications n’est pas anodine : elle rappelle que son équipe,
créée officiellement en 2005, mais en gestation depuis la
fin du XXe siècle, s’est longtemps heurtée à l’opposition
de certains médecins, qui confondaient soins palliatifs
et "mouroir". « Nous existons parce que la Belgique a
fait de l’accès aux soins palliatifs une obligation pour son
système de santé », insiste Nathalie Breesch. « Mais, au
départ, nous n’avions pas de local du tout. Sans l’infirmier chef d’hématologie, Fernand Courtois, qui nous a
fait une petite place dans son service, nous n’aurions pas
de point de chute. Je crois que nous symbolisons trop de
réalités dérangeantes, mais pourtant inévitables. »
Nathalie BREESCH
04 366 81 92
[email protected]
Massage ou pas massage ?
Pr. Marie-Elisabeth FAYMONVILLE
Sur le terrain, cependant, cette équipe de seconde ligne,
qui est censée intervenir aux côtés des soignants de première ligne et en concertation avec eux, afin d’assurer
aux personnes atteintes d’une maladie grave et à leurs
proches la meilleure qualité de vie possible, suscite un
intérêt croissant. « Dès que je suis entrée en hématologie, en 1997, je me suis rendu compte de l’importance
de cet accompagnement », remarque encore l’infirmière.
« Aujourd’hui, nous sommes la seule équipe mobile de
Belgique à réunir autant de membres de spécialités différentes : deux infirmières, deux psychologues, deux esthéticiennes, une ergothérapeute, trois kinésithérapeutes,
et un médecin, le Pr. Marie-Elisabeth Faymonville. Nous
travaillons sur tous les sites du CHU, en fonction des besoins. » L’équipe ne se présente pas systématiquement
aux nouveaux patients : elle se déplace généralement à la
demande des soignants, qui ont constaté chez un patient
une souffrance, une anxiété ou un problème pratique,
comme une perte de cheveux. « Nous rencontrons alors le
patient et sa famille afin d’évaluer leurs attentes, qui ne
correspondent d’ailleurs pas toujours aux conclusions du
soignant. Ainsi, il peut arriver qu’un soignant s’imagine
qu’un de ses patients pourrait bénéficier d’un massage,
alors qu’il nous suffit de quelques instants pour comprendre que ledit patient déteste être touché, mais qu’il
s’ennuie et serait ravi de se voir proposer un jeu ou une
activité artisanale par l’ergothérapeute. »
CHU DE LIEGE
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L'équipe mobile de soins continus et palliatifs
Equipe à tout faire
Au premier contact, l’équipe n’utilise pas l’expression
"soins palliatifs". « Nous préférons nous définir comme
une équipe de soins continus et de confort, parce que
c’est moins agressif pour le patient et ses proches »,
reconnaît Nathalie Breesch. « Au CHU, beaucoup nous
ont suggéré de laisser tomber le terme « palliatif », sous
prétexte qu’il est connoté négativement, mais nous nous
sommes battus pour le garder : il figure en toutes lettres
sur le dépliant que nous laissons au patient pour lui permettre de nous recontacter, et il suscite souvent, de sa
part, des questions auxquelles nous répondons en toute
franchise. Dans notre esprit, d’ailleurs, "palliatif" n’est
pas synonyme de "terminal", même si cette correspondance est bien établie dans la conscience collective. »
Soutien psychologique, aide à la prise en charge de la
douleur et de l’inconfort, allégement de l’anxiété par le
recours à la relaxation, à la réflexologie plantaire, soins
esthétiques, une équipe mobile de soins palliatifs peut
apparaître comme une équipe "à tout faire", toute aussi
capable de réfléchir avec le patient à la signification du
mot "acharnement" ou à une éventuelle demande d’euthanasie, que de le conseiller sur les manières les plus
seyantes de nouer un foulard ou encore de l’informer sur
les aides financières disponibles. « Nous nous efforçons
d’être à l’écoute du patient dans l’ici et maintenant »,
insiste Nathalie Breesch. « Et de l’aider à mettre des mots
sur ce qu’il veut vraiment. C’est lui et sa famille qui déterminent la nature de notre intervention. »
Maboul-la-valise-qui-roule
Et le moins qu’on puisse dire, c’est que, dans l’exercice de
ce métier complexe, tous les membres de l’équipe font
preuve d’une imagination débordante. La "kinesthéticienne" Véronique Albinovanus, par exemple, conjugue
ses talents de kinésithérapeute et d’esthéticienne pour
mieux soulager le patient. L’ergothérapeute Julie Bodeus
lui propose, à côté d’exercices ciblés visant à améliorer la
dextérité, la mémoire ou la concentration, des activités
créatives sans autre but que de lui faire passer un bon
moment. « Il ne faut pas croire que les gens en fin de
vie ne pensent qu’à ça. Il leur arrive évidemment de parler de leurs angoisses ou de leurs difficultés. Mais ils ont
aussi envie, comme tout le monde, de rire, de se divertir,
de jouer. » Quant aux deux psychologues, Régine Hardy
et Charline Waxweiler, elles ont inventé, pour les enfants
dont un proche est atteint d’une maladie grave, un lieu
d’accueil appelé la "boîte à bulles", qu’elles animent en
compagnie de Maboul-la-valise-qui-roule, une vieille valise pittoresque, badigeonnée de couleurs vives et contenant un matériel ludique que l’enfant s’approprie peu
à peu. « Nous intervenons à la demande des parents »,
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M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
explique Régine Hardy. « Pour l’instant, par exemple, je
m’occupe d’un petit garçon de cinq ans dont le papa est
gravement malade. La maman s’inquiète d’autant plus
pour son fils que celui-ci lui donne l’impression d’aller
bien. Ne lui cacherait-il pas quelque chose ? Dans un premier temps, je me contente de l’observer : il est content
de venir, il apprécie Maboul, mais, comme pour toute
relation thérapeutique, il faut attendre que la confiance
s’établisse. »
Ressourcement
Même une équipe mobile a besoin d’un point de ralliement, d’un endroit où se poser, raconter sa journée,
échanger sur les cas difficiles. « Certains jours, quand le
rythme des interventions est soutenu et la pression forte,
ce petit local, qui n’est pas ouvert aux patients, est pour
nous un véritable lieu de ressourcement », constate Nathalie Breesch. « C’est ce qui nous a amenés à penser aux
autres soignants, et plus largement à tous les membres du
personnel du CHU qui sont en contact avec les patients et
se laissent parfois déborder par la souffrance ambiante.
Nous avons créé pour eux, une fois par mois, un espace
transversal qui s’appelle la Bulle, et où tout membre du
personnel qui le souhaite – même une technicienne de
surface, par exemple, qui reçoit souvent, plus ou moins
consciemment, beaucoup d’informations – peut venir
discuter d’une situation clinique. » Mais une équipe
mobile, même lorsqu’elle s’occupe aussi efficacement
de tout et de tout le monde, est-elle préférable à une
unité de soins palliatifs ? « J’ai envie de répondre oui »,
avoue Nathalie Breesch, « parce que je crois qu’entourer
le patient là où il se trouve, dans un service "normal" –
les soins palliatifs n’étant évidemment pas réservés aux
patients en oncologie – vaut mieux que de le déplacer
dans une unité conçue spécialement pour les malades en
fin de vie : pour le patient et sa famille, c’est plus facile
à accepter, plus progressif aussi. Bien sûr, les services de
soins palliatifs ont des avantages. Les week-ends et jours
fériés, par exemple, ils fonctionnent aussi efficacement
qu’en semaine. De plus, comme la proportion est d’une
infirmière pour deux ou trois patients, les soignants sont
forcément plus disponibles. Mais je crois à la formule
que nous avons mise au point, parce qu’elle est centrée
sur le patient et ses besoins. A tous les niveaux. »
Les psychologues à l’hôpital :
des spécialistes (pas) comme les autres ?
A l’instar des médecins et des infirmières,
les psychologues hospitaliers suivent la tendance
générale à l’hyperspécialisation. A tort ou à raison ?
Il y a trois ans, Martine Devos a été nommée coordinatrice
des psychologues au CHU de Liège – soit une cinquantaine
de professionnels sur l’ensemble des sites. Comme elle
travaille aussi en onco-hématologie depuis vingt ans, elle
est bien placée pour se prononcer sur les avantages et les
inconvénients de l’hyperspécialisation des psychologues.
Fausses impressions
« Depuis que le Plan Cancer a multiplié les psychologues
dans les hôpitaux, c’est une question très débattue »,
souligne-t-elle. « Elle figurait d’ailleurs au programme
du colloque de l’Association francophone de psychiatrie
de liaison, en mai dernier. » Que certains psychologues
choisissent de se consacrer aux personnes atteintes d’un
cancer, par exemple, rien de plus normal. Mais, de l’extérieur, une spécialisation par services peut paraître superflue. « Face au cancer, tous les patients partagent évidemment la même peur de la maladie, de la déchéance
physique et de la mort », admet Martine Devos. « Mais
les confier à un psychologue généraliste, c’est oublier
que leur parcours est très différent selon qu’ils relèvent
de l’hématologie, de la pneumologie ou de l’oncologie
digestive. Pour établir une alliance thérapeutique efficace avec eux, nous devons leur prouver que nous comprenons ce qu’ils vivent, que nous percevons leur réalité.
De plus, une des principales causes de stress, pour les patients en oncologie, c’est d’avoir une fausse impression de
ce qui les attend, parce qu’ils ont prêté plus d’attention
aux idées reçues de leur entourage qu’aux explications
de leur oncologue. Comment leur psychologue pourraitil les rassurer s’il en sait moins qu’eux ? »
dit, le psychologue doit fonctionner à la demande. » Si les
membres de l’équipe sont en demande, par contre, c’est
un autre psychologue qui les prend en charge. « Et, quand
des réunions de parole sont organisées pour l’équipe, ce
n’est pas moi qui les anime », insiste Martine Devos. « Je
me contente d’y assister, au même titre que les autres.
Parce que le fait d’être psychologue ne me rend pas invulnérable : moi aussi, il y a des patients qui me touchent au
cœur et des situations que je trouve difficiles. Je me sens
solidaire de toute personne, qu’elle ait 25 ou 75 ans, qui
aime la vie et a encore des choses à vivre. »
Crise de larmes
De la part des infirmières, dont elle mesure « l’impact
énorme sur le moral du patient », certaines réactions
l’étonnent parfois. « Les larmes des patients, par exemple,
les désarçonnent. Je ne parle pas d’une symptomatologie anxieuse ou dépressive, mais d’une simple crise de
larmes. Récemment encore, en sortant d’une chambre,
une jeune infirmière m’a annoncé, bouleversée : « M. X
est en train de pleurer ». Je lui ai répondu : C’est normal.
Si je te raconte une blague, tu ris. Si je te raconte une
histoire triste, tu pleures. Ce patient est comme toi : on
lui a raconté une histoire triste. »
Un discours cohérent
Par ailleurs, dans chaque service, la participation du psychologue à l’équipe pluridisciplinaire renforce la crédibilité de l’ensemble des soignants : « Le patient fait davantage
confiance à une équipe dont tous les membres s’expriment d’une même voix et parlent le même langage »,
constate Martine Devos. « La cohérence du discours est
fondamentale ! » Ce qui ne signifie pas que le psychologue doive s’imposer aux patients. « Lorsque l’infirmière
ou le médecin décèle une souffrance, il ou elle en parle
au patient et lui propose de voir un psychologue. Mais, en
cas de refus, le psychologue n’insiste pas : en intervenant
trop tôt, il risquerait de blesser le patient et de compromettre définitivement ses chances de l’aider. Autrement
Martine DEVOS
04 366 76 23
[email protected]
CHU DE LIEGE
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Infirmier de liaison
(MÛQLHDQĮCDĮKH@HRNMĮĮ
« Si vous n’y croyez pas, passez votre chemin... »
Bien qu’indispensable, le métier d’infirmier de liaison
est relativement neuf : à peine une dizaine d’années.
Il consiste, comme son nom l’indique, à être l’interface
entre le corps médical, le corps infirmier et le patient.
Il doit aussi apporter encore davantage de professionnalisme à ce dernier et à sa famille, notamment en termes
de connaissances de la maladie. Anne Lawarée, Florence
Neissen, Sabine Brouers et Jean-Luc Létargez sont tous les
quatre infirmiers de liaison. Ils font part de leur vision du
métier, de ses difficultés et de ses richesses.
Anne LAWARÉE
04 366 74 87
[email protected]
Comment définiriez-vous votre métier ?
Anne Lawarée : Tout d’abord, j’emploie assez rarement
le terme "infirmier de liaison". Je me présente d’abord
comme une grande sœur, celle à qui on peut tout demander, qui accompagne les patients au jour le jour, dans
l’organisation de leur cure, en prenant des rendez-vous,
par exemple ou en assurant la transition entre toutes les
professions qui gravitent autour d’eux, parfois même avec
leur mutuelle !
Jean-Luc Létargez : Pour moi, les relations humaines
sont primordiales et le métier d’infirmier de liaison en est
l’illustration parfaite. Je dirais que je suis un intermédiaire
ou un entremetteur. Mon rôle consiste donc à la fois à
coordonner et à informer.
Sabine Brouers : A mes yeux, l’infirmière de liaison est
une personne de référence, une personne ressource qui
accompagne le patient à travers les différentes étapes de
sa maladie. Notre rôle consiste aussi à nous assurer que le
patient a reçu toute l’aide qu’il est en droit d’attendre.
Florence Neissen : Je définirais ce métier comme le point
de rencontre entre le patient et l’hôpital lors de son traitement. Et par "hôpital", j’entends aussi bien le corps médical et infirmier que les services administratifs. Je m’occupe
de tout pour le patient, y compris les rendez-vous.
Florence NEISSEN
04 366 83 31
fl[email protected]
« On s’est rendu compte que les patients
étaient soit désarmés soit déboussolés. »
Anne Lawarée
Pourquoi avoir quitté votre ancien service
pour devenir infirmier de liaison ?
A. L. : J’adorais ce que je faisais mais la place était vacante
en 2007, créée grâce à des fonds privés, et j’ai postulé,
en même temps que sept autres personnes. Sans regret
car cette nouvelle fonction s’inscrit dans la continuité de
mon job précédent où j’étais bombardée de questions.
J.-L. L. : Je voudrais d’abord recontextualiser mon parcours professionnel qui a été, c’est une chance à mes yeux,
assez multiple : d’abord en médecine interne, en chirurgie, en psychologie et psychiatrie, en oncologie digestive
et enfin à l’hôpital de jour, le tout sur une trentaine d’années. Etant donné mon expérience et mon intérêt pour
la discipline, je pensais posséder le profil requis et donc,
naturellement, j’ai postulé. Je m’y épanouis pleinement.
S. B. : Il se fait que je voulais réorienter ma carrière tout
en restant dans ce domaine et en étant proche de mes
patients après près de vingt ans. Quand le poste s’est ouvert, j’ai posé ma candidature et ai été retenue parmi les
trois candidates.
Jean-Luc LÉTARGEZ
04 366 78 01
[email protected]
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M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
F. N. : Après une dizaine d’années, je voulais réorienter ma carrière et ai demandé mon transfert à l’hôpital
de jour oncologique où j’ai travaillé encore une année
quand l’équipe de pneumologie est venue me débaucher
et, depuis 2010, j’occupe cette fonction.
Infirmier de liaison
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ?
A. L. : Tout d’abord, il faut noter que les horaires sont,
sur le papier en tout cas, plus réguliers. C’est le côté peutêtre positif du métier. Cela dit, psychologiquement, c’est
plus éprouvant car l’infirmier de liaison est sollicité en
permanence, ce qui reste logique puisque c’est la nature
même de sa fonction. De même, on n’a pas toujours affaire au patient mais aussi à toute la famille et aux relations entre les membres de celle-ci. Il faut donc s’adapter
aussi aux us et coutumes de certains de nos compatriotes.
J.-L. L. : Chaque jour amène son lot de difficultés. Il faut
parfois être imaginatif. Ainsi, lorsque je fais face à des
patients qui ne comprennent pas le français, je requiers
des traducteurs, d’abord en interne, puis en externe.
Ceux-ci viennent alors traduire la consultation. Un climat
de confiance doit s’établir entre les intervenants car, parfois, on n’annonce pas que de bonnes nouvelles. Il faut
donc aussi assurer un suivi ou un soutien psychologique
au traducteur.
S. B. : Avec tous leurs d’imprévus, les journées sont
très denses. Les principales difficultés auxquelles je suis
confrontée sont d’ordre "logistique" compte tenu de l’investissement personnel envers chaque patient.
« Sans cesse, je fais le point avec mes patients.»
Outils informatiques :
sécurité et qualité des soins aux patients.
Florence Neissen
Quelles compétences pour un infirmier de liaison ?
SAVOIR
SAVOIR-FAIRE
SAVOIR-ÊTRE
Art infirmier
Ecouter
Empathique
Procédures, protocoles …
Organiser et planifier son travail
Poli et prévenant
Règles d’hygiène, d’asepsie …
Respecter les échéances
Précis et rigoureux
Cadre légal et règlementaire
Respecter et appliquer les protocoles
Ponctuel
Environnement de l’employeur
Prendre en charge les patients
Flexible
Logiciels de gestion
Gérer les situations cliniques
Altruiste
Agir efficacement et rapidement
Tolérant
Appliquer les prescriptions médicales
Objectif
Utiliser les logiciels de gestion
Prévoyant
Honnête
Discret
Respectueux des autres
Animé d’un esprit d’équipe
CHU DE LIEGE
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Qu’est-ce qu’un bon infirmier de liaison ?
Quelle est votre spécificité ?
A. L. : D’abord un bon infirmier tout court. Ensuite, l’infirmier de liaison doit pouvoir prendre du recul par rapport
aux événements, jouir d’une certaine expérience pour rassurer les gens, ne pas craquer après cinq minutes. Il faut de
la bouteille. Parfois, je dois aussi sévir. Aussi, je ne crois pas
qu’on puisse devenir infirmier de liaison au sortir de l’école.
De plus, il faut un certain intérêt pour la pathologie.
J.-L. L. : S’il existe un tronc de compétences communes
pour chaque infirmier de liaison, à chaque pathologie
dont il est spécialiste correspond un arsenal de médicaments et des techniques de soins particulières. Pour ce qui
me concerne, les organes sont très divers : de l’œsophage
jusqu’à la marge anale alors que mes collègues ne s’occupent "que" d’un sein ou d’un poumon, par exemple.
J.-L. L. : Le bilinguisme : parler la langue du médecin et
celle du patient. Car parfois, ce dernier, déjà sous le choc
de sa cure, ne comprend pas les trois quarts de ce qui
lui a été dit. Je suis donc un peu interprète même si on
observe un effort de vulgarisation dans le chef du corps
médical. Je pense aussi qu’un bon infirmier de liaison
doit être disponible au-delà de son horaire. C’est la raison
pour laquelle mes patients possèdent mes coordonnées
et peuvent m’appeler en permanence.
S. B. : En qualité d’infirmière de liaison en oncologie gynécologique, j’ai bien entendu plus d’affinités avec mes
patientes que pourrait n’en avoir mon collègue puisque
ces dernières abordent plus facilement les questions de
sexualité avec une autre femme. Il y a moins de tabou, je
pense.
F. N. : C’est avant tout une personne qui doit posséder
un bagage infirmier minimum, être à l’écoute et pouvoir encaisser certains coups psychologiques parfois durs.
Il faut aussi pouvoir faire preuve d’organisation à tous
les niveaux.
F. N. : Dans ma branche, celle de la pneumologie, je suis
confrontée à des personnes dont le pronostic vital est généralement assez court. Il faut donc pouvoir résister psychologiquement à des décès fréquents dus aux méfaits du
tabac, à l’amiante, aux particules toxiques industrielles.
Par ailleurs, j’essaye, autant que faire se peut, de me former en permanence.
« Outre son expérience, un bon infirmier de liaison
doit pouvoir prendre d’importantes responsabilités. »
Sabine Brouers
Sabine BROUERS
04 366 80 91
[email protected]
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M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
Infirmier de liaison
Plaie oncologique : une fracture du miroir
Infirmière stomathérapeute, Christiane Vranken
s'occupe principalement des patients atteints d'un
cancer colorectal. « C'est ma première casquette »,
explique-t-elle. Mais sous son titre de clinicienne
en soins de plaies, sa seconde casquette, elle
soigne aussi les plaies oncologiques. « Ces plaies
ne sont pas induites par la chimiothérapie mais
sont intimement liées à la pathologie cancéreuse. »
On les reconnait, notamment, par leurs berges
déchiquetées et fragiles. Pour ce genre de plaie,
on ne parle pas de cicatrisation mais de cycle de
vie. « En effet », poursuit Christian Vranken, « si la
maladie évolue mal, la plaie suit le même chemin
puisqu'une promesse de guérison ne peut jamais
être formulée. » Il est donc indispensable que les
objectifs de soins soient réalisables et réalistes.
C'est une expérience de vie personnelle
qui a mené Christiane Vranken à développer
le projet de traitement de la plaie oncologique.
« Les plaies oncologiques sont parfois insupportables pour le patient qui demande alors, dans des
cas extrêmes, qu'il soit mis fin à ses jours, mais avant
tout, mon objectif est qu’il se réapproprie son corps
pour jouir, malgré tout, d'un certain confort de vie. »
En effet, le patient est confronté au quotidien avec
la vision externe de sa maladie. « Et si lui la voit, son
entourage aussi. »
Christiane VRANKEN
04 366 71 11
[email protected]
Et Christiane Vranken d'observer aussi une évolution
du nombre de plaies oncologiques. « Il y a quelques
années, j'en recensais trois ou quatre par an ; maintenant, elles sont plus fréquentes car, notamment, le
traitement est davantage poussé aujourd'hui qu'hier
et puis le patient est moins gêné de venir consulter. »
Une plaie oncologique, parfois aussi appelée tumorale ou cancéreuse, est causée par un processus
néoplastique ou est consécutive à un traitement oncologique. Cette plaie est de type chronique ou aigu.
Sa prise en charge reste délicate et les soins qu'elle implique nécessitent une bonne connaissance
du patient et de sa pathologie.
On distingue la plaie oncologique primaire, la métastase ulcéreuse cutanée
et la lésion cutanée occasionnée par le traitement (chimiothérapie ou radiothérapie).
Le processus de cicatrisation et d'évolution d'une plaie oncologique est souvent perturbé
par des facteurs de retard de cicatrisation induits par les traitements et une période de vie difficile.
Précisément, le traitement doit tenir également compte de l'hygiène et du risque infectieux,
de la gestion des exsudats, des odeurs, des saignements et du risque hémorragique.
La plaie oncologique touche indifféremment l'homme et la femme quelle que soit leur origine sociale.
Le taux de guérison atteint 5 à 10%.
CHU DE LIEGE
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Actualités
Nouvelles
en bref
Départ pour le chantier du nouveau bâtiment CIO-UNILAB
Le 05 août 2014, le chantier de ce bâtiment imposant
(100 m x 36 m, 6 étages pour une superficie totale de
23 000 m²) a commencé par les activités de déboisement
(photo de droite) et la mise en place de la route d’accès
(photo ci-dessous).
Pour rappel, le CIO-Unilab est le seul centre intégré d’oncologie de Wallonie et le premier regroupement coordonné de laboratoire d’analyses médicales (cfr Magazine de l’Oncologie n° 8, mai 2014). L’architecture du
bâtiment est particulièrement soignée de façon à favoriser l’accueil du malade et son bien-être et traduit
fidèlement le souhait de décloisonner les disciplines
au bénéfice du patient. Totalement financé sur fonds
propres, il traduit la volonté du CHU de continuer à assurer pleinement son rôle universitaire.
Création d’un Institut de Cancérologie
au sein du CHU de Liège
Le 02 septembre 2014, à l’issue d’un vote unanime, le
Conseil de Faculté de Médecine de l’ULg a approuvé la
création d’un Institut de Cancérologie. Ainsi, la Faculté
prend acte que le développement de l’oncologie ne peut
se limiter à la simple juxtaposition des compétences et
des technologies. A l’avenir, le label de Centre intégré
de lutte contre le cancer sera réservé aux institutions de
soins oncologiques multidisciplinaires intégrant les soins
aux patients (hospitalisés et ambulatoires), la formation
aux professionnels et la recherche (clinique, translationnelle et fondamentale).
C’est pour y arriver que le CHU désire élargir le périmètre
du projet CIO en s’engageant dans la création d’un institut de Cancérologie CHU-ULg. Celui-ci vise notamment
à atteindre les standards qualitatifs et quantitatifs de
Comprehensive Cancer Center définis par l’OECI (Organisation of European Cancer Institutes).
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M A G A Z I N E D E L’ONCOLOGIE
L’Institut de Cancérologie déploiera ses activités selon
trois axes : axe patients, axe recherche et axe qualité.
Les trois axes seront coordonnés par un Conseil de
Gouvernance où les différents cliniciens spécialistes
et les disciplines techniques seront largement représentés. S’y ajouteront un représentant du nursing, de
la direction médicale et du GIGA (Groupe Interdisciplinaire de Génoprotéomique Appliquée).
Une des premières missions du Conseil de Gouvernance
sera de proposer au Conseil d’Administration du CHU un
plan quinquennal définissant les développements prioritaires et les orientations de chacun des axes.
Nouvelles
G. FILLET
enbref
en
bref
Responsible editor : Ph. L. Van Driessche/O-BELUX-AMG-480-2012- October-P
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Singular Vision
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