Programme ESC Promotion 2010 / 2011 IMPORTANCE DU FACTEUR HUMAIN ET STRATEGIES D’IMPLANTATION: CAS DE L’IMPLANTATION D’ENTREPRISES FRANCAISES EN RUSSIE. Mémoire de fin d’études présenté et soutenu publiquement le 15 septembre 2011 par Emilie JACQUEMIN Membre du Jury : Directeur du Mémoire : Irina SUSSIN, responsable du pôle Langues et Civilisations / Professeur de russe Remerciements L’élaboration de ce mémoire de fin d’études n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs personnes. Je tiens tout d’abord à remercier Irina SUSSIN, mon directeur de mémoire qui a su me soutenir tout au long de ce travail et me donner les indications nécessaires pour réussir mon mémoire de fin d’études. J’ai également envie de la remercier pour m’avoir tout simplement permis de découvrir la Russie, lors des cours de russe durant ma première année au sein du groupe Sup de Co La Rochelle. Sans sa passion pour ce pays et mes expériences sur le territoire russe, ce mémoire de fin d’études n’aurait certainement jamais traité de ce sujet et de cet étonnant pays. Ensuite, je n’aurais jamais pu faire aboutir mon analyse sans l’aide de Denis JULIEN, Directeur Technique du groupe MALTEUROP et de Pierre-Louis GRAS, Directeur Marketing du groupe ADEO. Ils m’ont permis, grâce à leurs précieuses réponses, d’approfondir mon étude exploratoire et de tirer des conclusions sur un sujet qui est encore peu étudié jusqu’à présent. J’insiste sur la gentillesse et la patience dont ils ont fait preuve en m’accordant de leur temps. Je tiens également à remercier mes collègues de travail du groupement des MOUSQUETAIRES, qui ont su me soutenir moralement durant tous ces mois de recherches et de travail. Pour finir, je remercie Nadège PETEUIL ainsi que Philippe LE PAGE qui ont participé à la relecture de ce mémoire de recherches. 1 Résume / Abstract Résumé « Les conflits involontaires naissent souvent de rencontres interculturelles» (HOFSTEDE et MINKOV, 2010). Les raisons sont multiples, mais toutes liées à la problématique du management interculturel. L’étude ci-dessous est dédiée à la compréhension des difficultés que les entreprises françaises rencontrent lorsqu’elles souhaitent s’implanter en Russie. Ce pays, connu pour ses prouesses économiques et ses nouveaux riches, mais aussi pour son Histoire soviétique, sa vodka et ses chapkas, est devenu le pays de toutes les convoitises des entrepreneurs internationaux. Ce pays mystérieux et chaleureux, à seulement 4h de vol de la France, a pourtant fait chuter plus d’une entreprise française lors des tentatives de pénétration de son marché. L’analyse ci-dessous relève plus particulièrement des difficultés liées à la gestion du facteur humain et à l’importance d’une gestion internationale des Ressources Humaines ainsi que des choix stratégiques pour réussir son implantation en Russie. Les raisons des succès français tels qu’Yves Rocher, Danone, Auchan et L’Oréal seront évoqués pour illustrer la revue de la littérature des grands auteurs. Par la suite, les implantations de Leroy Merlin et de Malteurop en Russie seront étudiées et la gestion de leurs Ressources Humaines analysée. Les propositions de recherches dégagées de cette étude seront alors validées par une étude exploratoire du sujet. Mots-clés : Culture, Implantation, Management Interculturel, Russie, Gestion des Ressources Humaines Abstract “Involuntary conflicts are often due to intercultural situations”. The reasons of these issues are multiples, but all are linked in a way or another to intercultural management. The goal of the following study is to understand the difficulties the French companies can meet when they try to establish themselves in Russia. Everyone knows Russia for its economic boom, its new wealthy people, its soviet History, its vodka, its “chapkas” and become a land of desire for lots of international entrepreneurs … Nevertheless, this mysterious and warm country, only at 4 hours flight from France, often brings down French companies when they try to penetrate this market. The following analysis especially point out to difficulties of the Human Resources’ management and the importance to think global to manage the International Human resources to succeed in the establishment. The French successful 2 establishment’s stories such as Yves Rocher, Danone, Auchan and L’Oréal will be mentioned in the goal to illustrate the authors’ theories. In the objective to validate or to refute the theoretical frame, the study will also present two French establishments in details: the case of Malteurop and Leroy Merlin. Their Human Resources’ management will be analyzed and the exploratory researches will help us to conclude on our initial hypothesis. Key-words: Culture, Establishment, Intercultural Management, Russia, Human Resources’ Management 3 SOMMAIRE INDEX DES SIGLES ET ABBREVIATIONS ...................................................................... 5 INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................ 6 I. ENTREPRISES FRANCAISES ET CONTEXTE RUSSE : REVUE DE LA LITTERATURE ..................................................................................................................... 10 A. Culture d’organisation VS Culture nationale ................................................................ 10 B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire .................................................... 22 C. Facteurs clés de réussite en Russie ................................................................................ 30 II. ETUDE EXPLORATOIRE ........................................................................................... 43 A. Champ d’application de l’étude .................................................................................... 43 B. La méthodologie suivie ................................................................................................. 46 C. Le contre-rendu d’entretien ........................................................................................... 47 D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française en Russie ................. 60 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 62 ANNEXES ............................................................................................................................... 65 INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES ............................................................................ 89 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 90 TABLEAUX DES MATIERES............................................................................................. 95 4 Index des sigles et abréviations GIRH : Gestion Internationale des Ressources Humaines GRH : Gestion des Ressources Humaines IDE : Investissement Direct à l’Etranger PME : Petites et Moyennes Entreprises RH : Ressources Humaines TPE : Très Petites Entreprises URSS : Union des Républiques Socialistes Soviétiques 5 Introduction Générale « L’objectif n’est pas de faire changer tel ou tel mais de créer des conditions pour que chacun se mette à agir différemment ». Cette citation, extraite de « Les Interactions pardelà les frontières culturelles » (FORTHOMME et ANDRYUSHCHENKO, 2007) amène la problématique de la nécessité pour les individus de s’adapter à l’environnement mouvant de la société actuelle. En effet depuis les années 70, le commerce international et les échanges entre les pays ne cessent de se développer. L’ouverture des frontières a permis une plus grande liberté de circulation des capitaux, des marchandises et des Hommes. Ces mouvements internationaux ont mené à la découverte de nouvelles cultures et à la mixité des peuples. La mondialisation est aujourd’hui indispensable au bon développement d’un pays. Un système d’échanges est né : un Etat A se spécialise dans un ou plusieurs secteur(s) afin de faire des économies d’échelle et commercialise ainsi sa production dans le pays B qui est luimême spécialisé dans un autre secteur. Les exemples sont multiples, mais celui qui est développé ici est celui de la France et de la Russie : pour ne citer qu’un exemple d’échanges, la Russie et l’un des leaders mondiaux dans la production gazière ; la France quant à elle est reconnue pour ses produits de luxe tels que les cosmétiques ou le vin. Afin de profiter des biens produis dans les deux pays, les Hommes ont appris à échanger avec les pays du monde entier et c’est ainsi qu’est né le principe de globalisation des marchés. Avant d’aborder le sujet plus en détail, il est important de définir certains concepts. Tout d’abord, une implantation à l’étranger est définie comme « des délocalisations et des implantations de nouveaux sites à l’étranger sans réduction d’activité en France en contrepartie » (PLIQUET et RIEDINGER, 2008). Ensuite, ce concept implique une mixité des Hommes et des cultures. La culture est un « ensemble de significations, valeurs et croyances de nature collective et dotées d’une certaine durabilité qui caractérisent un groupe d’individus sur une base nationale, ethnique ou autre et orientent leurs conduites» (FAURE Guy-Olivier, 2004); elle peut être nationale ou organisationnelle. Pour faire collaborer des individus d’origines différentes, il est important d’adopter un management interculturel, qui se 6 définit comme l’ « ensemble des stratégies ou modes de gestion des hommes ou des marchés qui prennent en compte les cultures nationales des interlocuteurs» (THERY Benoit, 2002). Pour finir, ce management interculturel ne peut être établit qu’avec une bonne gestion internationale du facteur humain, qui est définie (SEKIOU, BONDIN et ale, 2004) comme l’ensemble des techniques de gestion du personnel qu’une entreprise, qui souhaite se positionner internationalement, doit maitriser pour obtenir une place favorable dans le contexte de globalisation actuel. Le choix des pays de l’étude résulte de mes différentes expériences en Russie et du manque de connaissance qu’ont les Français sur cette culture. L’objectif est de démontrer que malgré les différences culturelles qui séparent les deux pays, les relations commerciales sont possibles et peuvent même aboutir à de réelles réussites. Il était d’autant plus naturel pour moi de choisir le sujet de l’implantation d’entreprises françaises en Russie que j’ai effectué mon stage de césure au sein du groupe français Malteurop (malterie) à Belgorod (ville de l’Ouest, située à la frontière de l’Ukraine). Etant la seule française de la filiale russe, j’ai ainsi pu me fondre dans la culture russe et comprendre l’importance d’une bonne gestion du facteur humain lorsque deux cultures différentes se rencontrent. La deuxième raison de ce sujet est issue une fois de plus de mes deux expériences sur le territoire russe (la première était une expatriation universitaire à Petrozavodsk, au nord ouest, près de la Finlande). En effet, je me suis rendue compte d’une véritable contradiction entre l’image souvent négative que reflète le pays et la réalité russe. Des personnes, considérées comme dures, ayant un caractère froid et fermé aux autres sont au contraire des hommes d’affaires soucieux du bien-être de leur hôte et qui cherchent à créer des liens amicaux. Pour toutes ces raisons, il serait selon moi intéressant de connaitre « Quelle est l’importance du facteur humain et des stratégies d’entreprises dans le cas d’implantation d’entreprises françaises en Russie ? » A travers cette problématique, il serait utile d’observer si la gestion du facteur humain est identique en France et en Russie. Plusieurs questions se posent alors : Les différences de management ont-elles un impact majeur ou secondaire dans la réussite d’une implantation ? Selon la réponse, quelles pourraient être les raisons de ces différences de management ? 7 Deux propositions de recherche se posent face à cette problématique. - Un management interculturel efficace permet de réduire les problèmes de communication lors d’une implantation française en Russie, - Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger. Dans le but de confirmer ces propositions de recherche, l’étude est composée d’une partie théorique illustrée par des cas d’implantations françaises en Russie et par mes propres expériences et d’une partie empirique, basée sur les résultats d’une étude qualitative posée auprès de managers franco-russes ainsi que des témoignages d’entrepreneurs français. Dans un premier temps, il est utile de définir précisément la différence entre culture d’organisation et culture nationale. Cette dernière présentera la culture russe au quotidien afin d’étudier les différences de comportement, les habitudes et la vision du peuple russe par rapport aux Français. Ensuite, ce point sera approfondi par l’analyse des relations d’affaires et les divergences visibles entre les deux pays. Cette première partie mène vers deux nouveaux termes liés à la culture : l’implantation et l’adaptation humaine nécessaire. Tout d’abord, il serait judicieux d’observer l’impact du facteur humain dans l’entreprise sur une implantation géographique. Ce sujet permet d’en déduire l’importance d’une gestion internationale des Ressources Humaines. Pour finir cette partie théorique, il est nécessaire d’établir les facteurs clés de réussite lors d’une implantation française en Russie. Il en existe deux types : les choix stratégiques, qui peuvent être déterminants pour l’avenir de l’entreprise et l’aptitude au management que doivent posséder les responsables de l’implantation. Ces facteurs de réussite seront ensuite illustrés par des cas d’implantations françaises en Russie. La deuxième partie consiste à l’analyse des enquêtes menées pour valider ou réfuter les hypothèses extraites de la revue de la littérature. Elle sera menée sous forme d’étude exploratoire. Dans un premier temps, les champs d’application de l’étude seront exposés : l’analyse portera sur la gestion du facteur humain et des différences culturelles au sein de Malteurop et de Leroy Merlin, deux entreprises françaises implantées en Russie. Elles correspondant respectivement au secteur industriel et au secteur de la distribution. Ensuite, la méthodologie utilisée permettra de comprendre le choix de la démarche d’investigation et quel en est son but. 8 Le contre-rendu d’enquête viendra par la suite illustrée la méthodologie choisie en suivant deux analyses : premièrement une analyse méthodologique de l’entretien, dans le but de critiquer le déroulement des entretiens et deuxièmement une analyse sociologique qui permettra d’étudier la problématique selon trois axes d’analyses. Pour finir, les résultats extraits du contre-rendu des enquêtes permettront de proposer des facteurs clés de succès pour réussir son implantation en Russie. 9 I. Entreprises françaises et contexte russe : revue de la littérature A. Culture d’organisation VS Culture nationale 1. La culture d’organisation : une nécessité pour l’entreprise a) Définition et mise en place d’une culture d’organisation SLOBODSKOI et KRYLOV (SLOBODSKOI et KRYLOV, 2005) définissent la culture d’organisation comme « les valeurs partagées par l’ensemble de son effectif ou, au minimum, par les instances dirigeantes. […] La rencontre des cultures représente ainsi un échange de réactions différentes sur les situations communes». Cette définition met en avant le fait que la mixité des valeurs fait naître une culture d’organisation spécifique à chaque entreprise. Une culture d’entreprise est créée à partir du moment ou des individus se retrouvent en groupe, qu’ils soient au sein d’une entreprise nationale ou internationale. Cette culture d’organisation n’est pas figée et évolue en fonction de ses acteurs. Cette cohérence de groupe verra le jour seulement si tous les individus impliqués partagent les mêmes valeurs. Je rejoins la position de SEKIOU, BONDIN et ale. (SEKIOU, BONDIN et ale, 2004,) lorsqu’ils affirment que la culture d’entreprise fonctionne grâce à un mélange d’implication individuelle et d’implication collective : c’est-à-dire, d’une part grâce à l’importance de tous les individus pris séparément et d’autre part des atouts qu’ils apportent lors d’actions communes. Chaque employé apporte un plus à l’entreprise, fait part de ses expériences antérieures et aide à construire l’entreprise grâce à son passé. Mais il faut aussi prendre en considération le groupe dans son ensemble et de la création de valeurs qui en résulte. Lorsque les individus se retrouvent ensemble, ils créent sans même s’en apercevoir une force qui pousse l’entreprise à évoluer. Bien entendu, une culture d’organisation comme décrite cidessus n’est possible que si les membres de la société sont pris en considération et se sentent impliqués dans l’entreprise. 10 Je rejoins également la position de Jocelyne ROBERT (ROBERT Jocelyne, 2007) sur l’idée que l’implantation d’une véritable culture d’entreprise soit construite autour de trois pôles : - Un objectif commun : tous les employés doivent avoir une vision globale de l’entreprise. L’objectif de l’entreprise doit être compris par tous et vécu comme un enjeu, une volonté de réussir par tous les membres. - Des outils de communication : La direction d’entreprise doit accorder de l’importance à la communication interne et externe de l’entreprise. En interne, il est important de partager les informations avec toute l’organisation, que ce soit via des documents rédigés par un service de l’entreprise (newsletter à destination des employés, des synthèses sur l’activité de l’entreprise…) que par des séminaires. En externe, l’entreprise doit communiquer pour montrer une image positive du groupe ; dans cette situation, les employés ne seront que motivés pour continuer à faire évoluer la société et pour conserver cette fierté d’y travailler. - Transmettre le projet : La vision commune de l’entreprise doit être enseignée aux managers de manière à ce qu’ils comprennent les enjeux et les transmettent aux employés pour qu’ils ressentent ces objectifs communs et y travaillent pour y parvenir. b) Le rôle d’une culture d’organisation à l’international Toute culture d’organisation est difficile à mettre en place mais celle qui demande le plus d’attention est la mise en place d’une culture au sein d’une multi nationale. En effet, dans un même pays, plusieurs origines se côtoient, entrainant une différence de valeurs entre les individus ; cependant, il existe une certaine similitude à travers la culture nationale du pays. Lors d’une implantation à l’étranger, l’entreprise est un jour ou l’autre amenée à employer des salariés locaux et c’est alors qu’apparaît un réel mixte des cultures. Dans cette situation, établir une culture d’organisation devient une obligation pour faire naître une cohérence parmi les individus et créer des valeurs d’entreprise communes. Cependant, la création d’une culture d’organisation à l’international prend plus de temps et demande plus de travail. Un problème se pose : la création d’une véritable culture d’entreprise est indispensable au-delà des frontières, mais pose de réelles difficultés à mettre en place. 11 Un autre paramètre entre en jeu dans la difficulté d’enseigner une culture d’entreprise à l’international : celui de la différence de cultures entre le pays d’origine et le pays d’implantation. En effet, une entreprise européenne qui décide de s’implanter dans un autre pays européen ne sera pas confrontée à une grande différence culturelle. En revanche, si cette même entreprise européenne décide de s’implanter en Asie par exemple, la culture d’organisation prendra beaucoup de temps à mettre en place. C’est pourquoi le fossé entre les différentes cultures nationales est à prendre en considération avant de s’implanter à l’étranger. 2. Culture nationale : France VS Russie a) Au quotidien Il suffit qu’un Français parte en Russie pour découvrir à la minute de son entrée sur le territoire les premières différences culturelles. Les deux pays ont deux historiques différents : l’un a connu les restrictions et la dureté de l’époque soviétique et a pu ouvrir ses frontières il y a seulement vingt ans ; l’autre, l’un des pionniers de la création de l’Europe est concentré depuis plus de quarante ans sur son développement. Ces différents passés ont engendré des traditions et valeurs traduisant leur vécu. Outre l’aspect historique d’un pays, de nombreux autres facteurs orientent sa culture : le climat, les croyances, la localisation géographique… Tous ces paramètres ont eu et ont une importance sur les cultures nationales. Il faut bien comprendre que la vie des Russes a toujours été compliquée: le pays connu plus de temps de guerre que d’années de paix. Les conflits avec les peuples frontaliers se sont enchainés durant des siècles, entrainant de lourdes pertes humaines. Puis, vint l’époque soviétique qui fut une période de restrictions, d’obéissance et d’isolement par rapport au reste du monde. Mais ces faits historiques ne sont pas les seuls facteurs qui renforcèrent le caractère des Russes : le climat y est également pour beaucoup. Habitués à vivre dans des conditions souvent rudes (surtout en Sibérie), les Russes ont appris à vivre et à vaquer à leurs activités habituelles malgré les températures (elles peuvent descendre jusqu’à -40 ou -50°C en hiver). Ces conditions de vie ont endurcis leur caractère. L’image qu’ils reflètent aujourd’hui aux yeux des étrangers, et notamment ceux des Français est celle de personnes froides, moroses, non accueillantes. A première vue, et selon Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) le pays tout entier donne l’impression d’une population non chaleureuse. En effet, 12 j’ai un souvenir négatif de mon arrivée à Moscou : que ce soit à la douane, dans la rue ou encore à la gare ferroviaire, personne ne parlait anglais, on me dévisageait avec un regard froid et les gens ne faisaient aucun effort pour essayer de m’aider. J’ai eu l’impression que les étrangers n’étaient pas les bienvenus en Russie… De part leur passé, les Russes se sont construits une culture bien à eux : En Russie, il existe une véritable conscience russe, celle d’être comme tout le monde. Les Russes n’aiment pas se faire remarquer et préfèrent passer inaperçus plutôt que d’attirer l’attention. Les Français quant à eux sont plus exubérants ; lors de promenades dans les villes françaises, il n’est pas rare de trouver des personnes habillées de façon étrange, de telle sorte à être vu ; au contraire, les tenues vestimentaires en Russie sont plus discrètes et passe-partout. Cependant, cette conscience russe est en train de s’effacer avec l’apparition d’une part des nouveaux riches et d’autre part avec l’ouverture des frontières. En Russie, contrairement à la France, il est important et même tout à fait naturel de montrer sa réussite et de l’étaler aux yeux de tous : vêtements de haute couture, voitures de luxe, maisons hors norme… Les nouveaux riches russes sont reconnaissables à travers le monde pour cet étalage de richesses. Ce côté démonstratif des Russes est lié à leur fatalisme : ils croient au destin et pensent que rien de pourra le modifier. Dans cette logique, il ne sert donc à rien de cacher ses richesses ; s’ils doivent se faire voler, cela arrivera, quoi qu’il advienne ; c’est en ce sens que les Russes et les Français sont différents : ces derniers ne croient pas au destin et pensent pouvoir orienter leur vie. Toujours selon l’exemple de la richesse et du luxe apparent, les Français cachent leur réussite pour éviter les jalousies et d’attirer les regards des personnes mal intentionnées. Ce fatalisme en Russie est le résultat du passé : les habitants ont connu beaucoup d’années difficiles sans pouvoir intervenir pour faire changer le cours de leur existence ; pour ne pas s’effondrer, les Russes se sont rattachés au destin et sont devenus fatalistes, se disant qu’ils ne pouvaient rien changer mais seulement espérer qu’un jour leur vie deviendra meilleure. Leur gestion du temps est liée à cette fatalité. En effet, cette différence est due à une différence de perception de la vie et de l’importance de la vie personnelle au quotidien. D’une manière générale, pour les Européens le temps est fixé en fonction des buts et objectifs à réaliser. Lorsqu’ils sont face à un objectif, ils organisent leur vie par rapport à cet 13 objectif. Les Russes quant à eux ont une notion du temps qui varie en fonction des événements et des personnes. C'est-à-dire que l’objectif final peut être modifié selon les imprévus qui ont lieu que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle. Cette distinction de la prise en compte du facteur temps dans ces deux cultures met en avant une totale opposition : les Français ont tendance à passer pour des personnes rigides et beaucoup trop intéressés par le but final d’une affaire aux yeux des Russes. Alors que ceux-ci apparaissent auprès des Français comme des personnes sans parole et à qui l’on ne peut faire confiance. Ces conflits sont tout simplement dû à une signification différente de la vie : les Russes profitent du moment présent, s’intéressent aux personnes et prennent le temps qu’il leurs faut pour conclure une affaire, tandis que les Français sont des personnes plus stressées et rigides dans le suivi des règles. Cette différence s’explique par la perception de la vie d’un pays à l’autre. Les Russes croient au destin. Ils font des projets sur le court terme, ce qui les amène à choisir leurs priorités : c’est pourquoi aujourd’hui, lorsqu’un événement (heureux ou malheureux) parvient dans la vie personnelle d’un Russe, il choisira de prioriser sa vie personnelle à sa vie professionnelle. Il ne faut pas entendre par là qu’ils ne s’impliquent pas dans leur travail ou qu’ils ne tiennent pas leur parole : les Russes partent du principe que les événements qui se passent au sein de leur vie privée peuvent être inattendus, mais restent prioritaires (Alla SERGUEEVA explique ce sens des priorités comme étant le résultat d’années de souffrance, surmontées grâce à la famille, le pilier d’une vie (SERGUEEVA Alla, 2006)). La vie professionnelle quant à elle est prévisible et un rendez-vous d’affaires manqué ou annulé peut être réorganisé à une date ultérieure. De plus, Les Russes ont une vision cyclique de leur vie : c’est-à-dire qu’ils considèrent que la vie est un éternel recommencement et que celle-ci est constituée d’étapes répétitives. Ce rapport au temps les lie au passé : ils gardent en mémoire les expériences passées, pour prendre des décisions futures. Ce trait de personnalité implique une prise de décisions lente ; les Russes préfèrent reculer le moment de prendre une décision. Cette caractéristique culturelle est en totale opposition avec la gestion du temps des Français et plus globalement des Occidentaux. Au contraire, ils ont une gestion du temps linéaire, c’est-à-dire qu’ils agissent par étape et que chaque étape est considérée comme un mouvement vers le futur. Ce fait implique que les Français ont tendance à vouloir prendre des décisions rapidement, afin de passer à l’étape suivante. Cette différence de conception de la vie et de l’avenir engendre des incompréhensions culturelles. 14 Les différences de cultures nationales sont nombreuses et affectent les relations professionnelles. Ci-dessous sont présentés quelques exemples de sujets de discordes entre Français et Russes sur le lieu de travail. b) Les relations d’affaires Les relations d’affaires entre Russes et Français sont souvent délicates car les deux cultures ont de nombreuses habitudes et principes qui s’opposent. D’une manière générale, les Français aiment la formalité, les contrats écrits et ont le sens du détail. Comme l’explique Laurent GOULVESTRE, les Russes préfèrent au contraire les relations plus amicales, aiment aller droit à l’essentiel et accordent une grande importance à établir des relations de confiance avec leur interlocuteur (GOULVESTRE Laurent, 2008). Le Russe a une façon de négocier plus directe, il veut des profits importants et rapides, sinon il ne voit pas l’intérêt de l’affaire ; le Français préfère de longues négociations, prend le temps d’aborder chaque point et tente de trouver un résultat convenant aux deux parties. Ces désaccords peuvent être résumés comme le centre des conflits franco-russes lors des relations d’affaires. Afin de mieux appréhender ces discordes d’ordre culturel, il serait intéressant d’analyser plus en détails toutes les raisons qu’Alla SERGUEEVA donne pour justifier ces relations conflictuelles (SERGUEEVA Alla, 2006). Une approche différente du travail Les relations franco-russe peuvent être conflictuelles de part leur vision différente de travailler. En effet, comme expliqué brièvement ci-dessus, les Russes n’ont pas de limites entre la vie privée et la vie personnelle : l’une affecte l’autre et vice-versa. Tandis que les Français font une grande distinction entre les deux. Le résultat de ces implications différentes est la création de conflits involontaires : les Français se demandent pourquoi les Russe ne tiennent pas les délais et leurs rendez-vous et les Russes ne comprennent pas pourquoi les Français sont si prévisibles et ponctuels, même si les circonstances changent. 15 Si chaque culture reste dans ses traditions, les relations seront alors très conflictuelles et il n’y aura aucune avancée possible. En revanche, si chacun fait des compromis, les relations s’en trouveront donc améliorées. Cette différence au travail va de pair avec l’importance que chacune des deux cultures portent à leur travail. Le Russe accorde beaucoup d’importance à l’environnement dans lequel il travaille. Il est primordial qu’il ait de bonnes relations avec ses collègues, qu’il ne soit pas dans un environnement stressant et qu’il y passe de bons moments. Ces aspects relationnels sont plus importants que la satisfaction matérielle ou bien même que l’épanouissement professionnel : le Russe préférera avoir un travail peu intéressant et un salaire moindre, mais passer du bon temps avec ses collègues. En effet, j’ai été très surprise de voir pendant mon stage au sein de MALTEUROP (à Belgorod) que toutes les raisons étaient bonnes pour se retrouver entre collègues et organiser un repas avec une multitude de plats et d’alcool. Chaque anniversaire, chaque fête nationale était une occasion de se retrouver tous ensemble le temps du déjeuner et de s’amuser, comme le montre ci-dessous la photo, prise le jour de la journée de la femme. Valery KRYLOV met en avant le fait que les Russes privilégient le relationnel plutôt que l’évolution professionnelle (KRYLOV Valery, 2007). Ce trait de la personnalité russe explique cette difficulté à travailler avec des Français, qui eux n’ont pas l’habitude de mélanger vie professionnelle et vie privée. Selon moi, les Français sont plus carriéristes et entrent dans la vie active en pensant évoluer dans leur vie professionnelle ; l’importance d’un bon relationnel avec leurs collègues est moindre ; ils sont plus accès sur leur évolution au sein de l’entreprise que sur le maintien des relations. 16 Bien entendu, cette analyse repose sur les traits de caractère de la majorité de la population de chaque pays et ne tient pas compte des exceptions. La notion de hiérarchie Ensuite, comme le confirme également Valery KRYLOV, en Russie la hiérarchie est bureaucratique, c’est-à-dire que le manager a beaucoup de pouvoir sur ses employés, au contraire de la France qui a une hiérarchie beaucoup plus horizontale (peu de niveaux de hiérarchies) et les décisions prises par le manager sont souvent le résultat d’une consultation avec ses employés (KRYLOV Valery, 2007). Il est également commun de caractériser les managers russes de paternalistes, c’est-à-dire qu’ils ont pour habitude de se comporter comme des pères pour leurs employés et de se faire obéir (ARDICHVILI et DIRANI, 2005). Encore certaines régions reculées de la Russie ont conservé ce style de management de l’époque soviétique : le pays était dirigé par le Parti, et prenait toutes les décisions pour le peuple, qui n’avait qu’à suivre les ordres. Ce système éducatif soviétique, fondé par Anton MAKARENKO (écrivain russe sous influence communiste, du XIXème siècle1) était basé sur l’ « idéologie selon laquelle un salarié devait se livrer corps et âme à son travail, exigeait la mobilisation totale des travailleurs, et induisait une logique d’obéissance » (KRYLOV et SLOBODSKOI, 2005). A l’époque, les dirigeants faisaient régner l’ordre et se faisaient respecter par la peur, qui prenait la forme de menaces et de cris. Si les étrangers adoptent aujourd’hui ce style de management, les employés ne l’accepteront pas, car ils se souviendront alors de l’époque soviétique et se sentiront humiliés qu’un étranger ose les diriger de cette manière. Aujourd’hui heureusement, le style de management a évolué. Les dirigeants continuent à se faire respecter et obéir, mais par simple reflexe, lié à la tradition qui persiste. Durant des années, les Russes ont pris l’habitude d’obéir à leur patron sans discuter. Aujourd’hui, même si les menaces ne sont plus utilisées pour contrôler, les employés ont toujours l’habitude d’accepter les ordres du dirigeant et le niveau hiérarchique est en ce sens toujours fort, mais mieux accepté. De plus, différents styles de managers cohabitent en Russie. Alla SERGUEEVA en a décris trois dans son ouvrage. Tout d’abord, le cas le moins courant est celui du dirigeant qui 1 http://www.skolo.org/spip.php?article145 17 se sert de stimulants matériels pour se faire obéir, qui pourrait également se définir comme le principe de chantage. Ce cas est rare, à cause de l’injustice de cette méthode. Ensuite, le cas le plus pratiqué en Russie est celui du dirigeant charismatique. Le patron est alors défini comme une personne qui a eu accès au pouvoir grâce à sa volonté de réussir et à sa forte personnalité et moins par ses compétences. Cependant, avant de pouvoir diriger, la personne doit avoir démontrée à tout le monde son énergie, sa détermination et son courage de prendre des décisions. Il ne « mérite » pas son poste de part ses compétences professionnelles, mais grâce à son caractère. Et pour finir, il y a le cas du dirigeant venu de l’Occident, sous influence Européenne. C’est le cas du dirigeant qui a les compétences professionnelles, qui a de nombreuses expériences dans le domaine et qui mérite son poste. Ce modèle est encore rare en Russie, mais grâce à la mondialisation et à l’ouverture des marchés, il se répand de plus en plus. La Russie est en plein changement d’ordre structurel : les influences occidentales sont en train de moderniser le système de management du pays et annonce une hiérarchie de moins en moins verticale et plus horizontale, permettant la participation des employés à la prise de décisions. Cette nouvelle orientation est également confirmée par les auteurs de « Leadership styles and management practices of Russian entrepreneurs : Implications for transferability of Western HRD Interventions » (ARDICHVILI, CARDOZO, GASPARISHVILI, 1998) qui citent la théorie de Sheila M. PUFFER (auteur du XXème siècle qui rédigea de nombreuses publications sur les affaires internationales et la Russie2) selon laquelle les managers Russes ont tendance, depuis la chute de l’ex-URSS, de partager le pouvoir et de déléguer les prises de décisions, afin de se concentrer sur la stratégie d’entreprise. Un accès différent à l’information L’un des autres sujets de discorde entre les deux cultures est la manière de collecter l’information. Laurent GOULVESTRE rejoint la position de SERGUEEVA et affirme que les Français et les Russes possèdent chacun une manière différente d’aller chercher l’information manquante (GOULVESTRE Laurent, 2008). Les Français ont tendance à se référer à des sources écrites, telles que des livres, des statistiques, des bases de données, Internet… D’une certaine manière, il faut comprendre que les Français ne font confiance qu’à des sources officielles, considérées comme sûres. 2 http://www.gfna.net/peopledetail.php?people=14& 18 En revanche les Russes collectent l’information auprès des personnes : ils parlent affaires avec leur proches, leur demandent conseil et font confiance à leur jugement, même s’ils ne sont pas du milieu professionnel en question. Une fois de plus, il est intéressant d’observer que les Russes privilégient le relationnel aux documents officiels. Cette habitude peut s’expliquer par leur passé. Les Russes ont toujours été confrontés à la corruption qui entraina des falsifications de documents et des informations cachées. Ne pouvant pas faire confiance à l’Etat, ils ont appris à se renseigner seuls, auprès des personnes à qui ils pouvaient faire confiance, c'est-à-dire leurs proches. Cette époque mena à la destruction complète de la confiance du peuple aux forces supérieures telles que l’Etat, la Défense du pays et le système judicaire, qui furent tous un jour ou l’autre corrompus (BENAROYA François, 2006). Aujourd’hui, l’Etat russe lutte contre la corruption et tente de changer la perception négative que le peuple a du gouvernement. Cependant, des pratiques illégales sont toujours utilisées comme le prouve mes expériences en Russie. Lors de mon premier séjour en Russie, le conducteur de la voiture dans laquelle j’étais s’est fait arrêté par la police pour excès de vitesse : après une discussion rapide et le versement d’un pot de vin, le conducteur est reparti sans aucune contravention… Ensuite, pendant mon deuxième séjour en Russie, qui était initialement prévu pour une durée de 6 mois, j’ai malheureusement eu un problème de visa qui m’a forcé à rentrer définitivement en France au bout de 3 mois. En apprenant cette nouvelle, le directeur général de Malteurop Russie m’a dit qu’il essaierait de faire toutes les démarches légales possibles pour me faire revenir, mais en vain. Je pense que le terme « légal » confirme bien que des pratiques illégales sont toujours utilisées pour enfreindre les lois. Même si de nombreuses améliorations sont à noter, le peuple, une fois de plus par habitude et par tradition, considère les sources orales plus fiables que les sources officielles écrites. La négociation et ses coutumes Pour finir, la culture intervient également dans les négociations commerciales. En effet, « la culture est introduite dans les négociations par les acteurs eux-mêmes. Elle conditionne la manière dont ceux-ci conçoivent l’interaction » (FAURE Guy-Olivier, 2004). 19 C’est-à-dire qu’une négociation peut représenter un acte différent selon les cultures. Par exemple en Russie, l'importance est portée sur la personne plutôt que sur l'affaire négociée. En revanche, les négociations occidentales sont axées sur le sujet de la négociation. Chaque partie a ses objectifs et essaie de négocier pour tirer un maximum de profits ; les Russes quant à eux se concentrent sur l’interlocuteur de la négociation et le sujet de la négociation arrive en seconde ligne. Le Russe va chercher à connaître l'adversaire pour savoir s'il pourra à terme lui accorder sa confiance ou non. Un bon relationnel lors d'une négociation aboutira à la conclusion de l'affaire en question. Cette confiance mutuelle est le résultat d’un certain nombre de traditions russes et de certains rituels d’affaire : il est par exemple normal pour l’entrepreneur russe d’inviter son interlocuteur au Bania, le bain traditionnel russe, dans lequel de nombreuses négociations et discussions d’affaires ont lieu. Dans cet environnement beaucoup moins formel que dans un bureau, le Russe peut découvrir et avoir des discussions amicales avec son adversaire. Ensuite, il peut décider si oui ou non, il pourra accorder sa confiance dans un cadre professionnel. Il en est de même avec la tradition liée à la vodka ; inviter son interlocuteur au restaurant et porter plusieurs toasts de vodka fait partie des mœurs russes. Il est du devoir de l’étranger d’accepter cette proposition et de connaitre ses limites. Les Russes préféreront un interlocuteur qui connait ses limites et ose refuser d’autres verres plutôt qu’une personne qui finira par se ridiculiser par l’abus d’alcool. J’ai moi-même assisté à plusieurs reprises à des repas entre Russes. Sans l’avoir vécu au moins une fois, on ne peut pas s’imaginer à quel point la vodka a une place importante sur la table, c’est une véritable tradition et tous les Russes participent aux toasts portés. Je rejoins la position d’Alla SERGUEEVA qui infirme que toutes ces manières d’appréhender une négociation peuvent interloquer l’étranger (SERGUEEVA Alla, 2006). C’est pourquoi il est important de connaitre les habitudes et traditions russes avant de se lancer dans les affaires avec eux. Bien entendu, il y a une grande différence entre connaître les coutumes russes et les vivre ; une fois dans le pays, les étrangers ne peuvent être que surpris par les traditions. Pour conclure cette partie dense en informations culturelles sur les deux nations étudiées ici, il est important de retenir que de nombreux obstacles rendent très difficile les relations franco-russe. A priori, tous les opposent dans les relations professionnelles : les 20 différences hiérarchiques, l’intérêt porté au travail, leurs différentes visions pour traiter une affaire (formelle et informelle)… Et pourtant, une fois les barrières culturelles passées et quelques compromis réalisés des deux côtés, les relations aboutissent à de réels succès. Plus bas dans cette analyse seront détaillées les expériences réussies d’implantation telles qu’Auchan, Yves Rocher, Danone et L’Oréal, tous les quatre ayant su s’adapter à toutes ces différences culturelles. A présent, il serait judicieux d’évoquer les enjeux d’implantations françaises en Russie et de se rendre compte de quelle façon les entreprises françaises sont parvenues à concurrencer les entreprises russes sur leur propre territoire, grâce à une bonne gestion du facteur humain. 21 B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire 1. Impact du facteur humain sur l’implantation Une implantation représente une étape clé dans le développement de l’entreprise et de nombreux efforts doivent être faits en termes de capital humain. En effet, l’entreprise étrangère prépare ses équipes, les forme, organise des cours de préparation ayant pour objectif de les aider à appréhender la culture avec laquelle ils s’apprêtent à travailler, mais toute cette partie théorique est loin de ressembler à la réalité, une fois l’entreprise implantée. Pierre FORTHOMME et Irina ANDRYUSHCHENKO ont dit que « Quand les acteurs ne partagent pas le même contexte de référence, ils se retrouvent mutuellement piégés » (ANDRYUSHCHENKO, FORTHOMME, 2007); les auteurs ont tout à fait cerné le problème auquel se heurte toute entreprise lors d’une implantation à l’étranger. De nombreuses questions apparaissent, que ce soit pour l’étranger ou pour l’hôte qui accueille : Pourquoi ces réactions ? Pourquoi ces comportements ? Pourquoi ne comprend-t-il pas l’importance de telle ou telle chose ? Ces questions perturbent les relations et des conflits involontaires naissent alors. Dans un monde idéal, cette incompréhension pourrait être évitée si les individus avaient été élevés sur un modèle de biculturalisme : c’est-à-dire évoluer dans un milieu ou coexistent deux cultures. Ainsi, un enfant grandissant selon une éducation qui l’oblige à jongler entre deux cultures différentes l’aiderait à apprendre à s’adapter aux changements culturels ; malheureusement, cette situation est peu fréquente. Lors d’une implantation, il est sujet de transferts de capitaux, de marchandises, et d’Hommes. Le transfert de capitaux représente un flux monétaire alors que les deux autres un flux physique. Le transport de marchandises ne demande à l’entreprise que de l’organisation logistique, tandis que le transfert d’Hommes, est plus problématique. Le transfert du capital humain regroupe d’une part, les personnes en charge de l’implantation dans le pays et d’autre part tous les salariés du pays d’accueil qui seront embauchés grâce à cette nouvelle entité. Comme vu dans le paragraphe ci-dessus, la culture engendre des dysfonctionnements involontaires au sein des groupes, mais si ces dysfonctionnements d’ordre organisationnel et structurel sont surpassés, le facteur humain peut alors se révéler être un avantage compétitif sur le marché. En effet, l’élément qui reflète 22 le mieux les valeurs et la réussite d’une entreprise est son capital humain. Si l’Homme est bien formé, il développera des compétences ; s’il est satisfait de son travail, il donnera en retour tout son savoir-faire ; si tous les employés de l’entreprise adoptent cette attitude, le bien-être de l’ensemble du groupe n’en sera que meilleur. C’est dans ce sens que le facteur humain pourra devenir l’avantage compétitif du groupe. De plus, comme il a déjà été mentionné, une implantation implique la mixité des cultures : ouverture d’esprit, confrontation d’idées, de méthodologies différentes, développement des connaissances interculturelles… tout ce panachage de cultures permet de ne prendre que le meilleur de chaque organisation culturelle et ainsi de se différencier des entreprises nationales qui n’ont pas l’ouverture d’esprit des multinationales. Pour conclure sur l’impact du facteur humain dans une implantation à l’étranger, il est important de rappeler que malgré les difficultés (liées au facteur humain et aux divergences de cultures) rencontrées lors d’une implantation, le facteur humain est également un facteur de réussite, une fois la création d’une culture d’entreprise commune. Cette culture d’entreprise commune résulte d’une gestion internationale des Ressources Humaines efficace ; il est maintenant nécessaire de développer cette notion. 2. Création d’une Gestion Internationale des RH dans une implantation a) Concept de Gestion Internationale des Ressources Humaines et son utilité « Globalement les ressources humaines réfèrent à la contribution que l’humain fait à la définition et à la réalisation des objectifs des organisations de travail et de leur fonctionnement. C’est cette contribution qui fait l’objet de gestion […]. La GRH englobe des composantes essentielles qui s’intègrent et se manifestent internationalement pour aider chaque pays à obtenir sa juste place dans le contexte de la mondialisation des marchés » (SEKIOU et BONDIN, 2004). Cette définition de la gestion des Ressources Humaines met en avant l’importance de la gestion du personnel pour le pays tout entier. Avant l’ouverture des frontières et la mondialisation, le service des Ressources Humaines se préoccupait du fonctionnement de la structure de l’entreprise. Le facteur humain n’était qu’un outil à manipuler pour atteindre des objectifs d’ordre structurels. 23 La fin des trente Glorieuses a laissé place dans les années 70 à l’apparition de difficultés économiques. C’est à cette période que les gouvernements décidèrent d’accélérer le phénomène de mondialisation (LASSERRE Michel, 2005), en favorisant les échanges entre les pays grâce à une plus grande liberté de circulation des marchandises, des capitaux et des Hommes. Dans ces conditions, la gestion des Ressources Humaines eut un nouveau paramètre à gérer et pas des moindres : la coordination du facteur humain et de ses compétences (internationales et d’adaptation à des systèmes managériaux étrangers) au sein de la structure. Aujourd’hui, les entreprises se sont rendu compte que le facteur humain n’était plus un simple outil à manipuler pour accroitre les objectifs d’ordre structurel : l’entreprise évolue grâce aux compétences humaines développées et non plus à défaut de la main d’œuvre ; il y a une véritable différence de vision entre ces deux options. La deuxième met en avant le développement du potentiel de la structure ; et cet axe d’évolution permet à un pays d’en augmenter sa puissance économique et sociale. Comment cela est-il possible ? Une entreprise française par exemple, qui décide de s’étendre à l’international, qui fait les bons choix stratégiques d’implantation et qui comprend la différence culturelle de chacun parviendra à s’épanouir avec cette nouvelle entité et apportera du chiffre d’affaires au siège français. Selon moi, si toutes les entreprises de la France adoptent le même axe d’évolution, la bonne santé des entreprises françaises favorisera le développement économique et social du pays et participera à l’enrichissement de celui-ci. b) Des évolutions de GIRH différentes Cependant, pour parvenir à de tels résultats, l’une des décisions importantes à prendre lors de l’implantation dans un pays étranger est de choisir quelle stratégie de GIRH est préférable d’adopter pour gérer le facteur humain. Le problème est que chaque pays conçoit la GRH de manière différente, à cause de sa culture nationale, de ses traditions et de ses valeurs. C’est pourquoi à l’heure actuelle la gestion des ressources humaines est différente selon les pays. Dans les pays en développement (définis comme des Etats recevant de hauts revenus, mais à la merci des fluctuations erratiques des capitaux privés donc marqués par le poids de crises financières récurrentes3), la GRH n’est pas encore développée et il s’agit surtout d’une « administration des Ressources Humaines ». C’est-à-dire que le rôle du service est de maintenir la structure en place, en priorisant l’intérêt de l’entreprise et en délaissant quelque 3 « Quel pays en développement ? », www.ladocumentationfrancaise.fr, 2003 24 peu le facteur humain. Il faut entendre par là, qu’à ce stade, le service RH gère des problématiques de base : la rémunération des salariés, l’embauche, la gestion des congés… Pour synthétiser, la GRH des pays en développement se résume à une vision à court terme des employés. C’est à ce niveau que se situe la différence entre le service RH d’un pays développé et celle d’un pays en développement. La GRH des organisations actuelle des pays développés a dépassé ses missions initiales. Aujourd’hui, elle prend en compte non seulement ses activités de base, mais également des activités favorisant la mondialisation des entreprises et le bien-être du facteur humain dans ce nouveau contexte économique et social. La GRH comprend aujourd’hui des missions telles que le management interculturel des cadres et intègre des dimensions psychosociologiques au sein de l’entreprise. Ces nouvelles activités apparues avec la mondialisation développent des capacités d’adaptation interculturelles chez les individus. Ces formations sont nécessaires dans plusieurs situations. Premièrement, elles permettent de sensibiliser les employés restant dans le pays d’origine de comprendre les dimensions internationales de l’entreprise, d’expliquer ses choix d’implantation et ses stratégies, variables d’un pays à l’autre. Ensuite, toute multinationale est amenée à recevoir un jour ou l’autre ses homologues étrangers au siège de l’entreprise. A ce moment, les cadres et managers doivent pouvoir gérer la différence de cultures et s’adapter en fonction de la culture et des valeurs qui viennent à eux. Et enfin, les formations au management interculturel et la sensibilisation aux dimensions psychosociologiques sont fondamentales pour les managers participant à l’implantation dans le pays et qui doivent négocier avec une culture différente de la leur. 25 c) Passage d’une GRH soviétique à une GRH Occidentale A la chute de l’URSS, l’ancien système économique et politique, confortable en un sens fut bouleversé du jour au lendemain et la Russie traversa une thérapie de choc, non sans conséquence pour la GRH. Comme expliqué par les auteurs KRYLOV et METZGER, à cette époque, les entreprises russes suivaient un système de gestion correspondant à un système centralisé, planifié et très hiérarchisé (KRYLOV et METZGER, 2009). Elles fonctionnaient selon le modèle taylorien, laissant aucune prise d’initiative aux salariés, caractérisé par une répétition des tâches et une hiérarchie fonctionnant avec le principe de la terreur et des menaces pour faire régner l’ordre. Le pays et plus particulièrement les entreprises à ambition internationales ont dû accepter un nouveau système de management, importé par les entreprises étrangères. Les compagnies russes furent confrontées à une économie ultra libérale qui mena à un bouleversement complet des organisations. Ce néo-management les obligea à traiter avec la fluctuation des prix, la privatisation des entreprises (qui étaient jusque là sous le contrôle de l’Etat), l’ouverture des marchés et les nouvelles obligations financières. La culture russe se retrouva bouleversée et sans aucune cohérence avec le nouveau système qui leur fut imposé par les importateurs. Durant cette période, la GRH n’était plus la priorité des entreprises. Le but était de réadapter l’appareil productif à la demande et de trouver des solutions pour sauver la structure. D’un côté, les entrepreneurs russes ont conservé leurs traditions de gestion russe et d’un autre côté, elles ont dû adopter le nouveau système de management d’origine anglosaxonne. La coexistence de ces deux systèmes d’organisation créa un déséquilibre dans l’organisation. Ce bouleversement mit en avant la tendance du « retour en arrière», terme employé par KRYLOV et METZGER (KRYLOV et METZGER, 2009) ; il faut entendre par là que dans cet environnement incertain, les managers russes avaient tendance à se replier sur le mode de management soviétique : dirigeants paternalistes, forte hiérarchie, centralisation de la prise de décisions et recrue des sens des réseaux claniques, que je peux définir comme étant le recours à une organisation basée sur les relations interpersonnelles, utilisée dans les réseaux personnels et professionnels. Mais d’un autre côté, les managers russes n’ont pas eu le choix et ont dû adopter le mode de management anglo-saxon. Seulement, plutôt que d’adopter entièrement les stratégies 26 du néo-management, les dirigeants russes ont préféré utiliser ce nouveau concept de gestion selon leurs intuitions. C’est ainsi que sont réapparues d’anciennes pratiques, autrefois utilisées à l’époque soviétique. L’une des plus marquantes et caractéristiques de ces années est le recours aux retards de versement de salaires. Durant cette thérapie de choc, le service des Ressources Humaines a même utilisé cette menace comme facteur de motivation pour les salariés. L’un des autres changements du fonctionnement de la GRH, caractéristique de l’époque soviétique, était la façon de recruter les employés: Les compétences et l’expérience du salarié pour le poste n’étaient plus les raisons de son embauche ; seuls ses réseaux professionnel et personnel jouaient un rôle dans le recrutement. Les embauches par relations claniques (à cette époque, le réseau social des Russes était le seul moyen d’avoir une situation convenable et d’être reconnu au sein de la société) ont permis de sélectionner les candidats en toute confiance, malgré l’environnement incertain. Une fois encore, cette pratique de recrutement appartient au passé soviétique. Cette période de transition économique fut difficile au niveau organisationnel et encore aujourd’hui, toutes les anciennes pratiques n’ont pas disparu de toutes les entreprises russes. La France quant à elle, est composée d’entreprises ayant un niveau de GRH développé. Le terme de gestion des Ressources Humaines est apparu en France dans les années 70, suite à de grandes modifications sociales telles que le chômage, l’augmentation de la concurrence et les progrès techniques, qui ont eu des impacts majeurs sur les relations professionnelles entre employés et patrons. Aujourd’hui, la quasi-totalité des entreprises françaises sont composées d’un service Ressources Humaines, département obligatoire pour le maintien des entreprises. Seules quelques très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) peuvent s’autoriser un fonctionnement sans ce service (PINAUD Henri, 2008). Comme observer ci-dessus, la Russie n’a pas encore atteint ce niveau de développement de la gestion des Ressources Humaines. Bien entendu, il ne faut pas oublier que ce décalage est justifié par le fait que la France se développe depuis une soixantaine d’années, contrairement à la Russie qui en est qu’au début de son développement. Un retard de management des entreprises est donc visible et les salariés français expatriés en Russie peuvent paraître décontenancés face à ces différences de GRH. En effet, 27 derrière le masque de la pratique du néo-management, les étrangers se retrouvent dans des situations de gestion d’entreprises difficiles à gérer s’ils n’ont pas pleinement connaissance des anciennes pratiques soviétiques, et peuvent se retrouver déstabilisés et finir par échouer dans leur stratégie d’implantation. d) GIRH et cultures différentes : une combinaison difficile Depuis une quarantaine d’années les services Ressources Humaines du monde entier ont été contraints de s’adapter aux évolutions des marchés et à la mondialisation grandissante. Pour règlementer ce nouveau système de croissance, le service des RH a mis en place des normes pour organiser le facteur humain dans l’entreprise et pour lutter contre les préoccupations sociales qui en découlent (mobilité des salariés, rémunération, formations…). Ce système de réglementation est nécessaire, mais chaque pays a ses propres règles en matière de GRH. Au fur et à mesure des années, une multitude de normes sont nées à travers le monde. Malheureusement, ces normes n’ont pas évoluées internationalement et ce manque de règlementations communes à l’ensemble des pays pose aujourd’hui problème dans la cohérence des pratiques. Même si dans un monde idéal il existait des normes internationales en termes de GRH, il serait intéressant de voir qu’il y aurait toujours des dysfonctionnements de pratique. En effet, les gouvernements peuvent obliger le respect des règles, mais ne peuvent modifier les cultures des pays. Par exemple, un pays qui considère le sexe féminin comme inférieur à celui de l’homme ne pourra pas considérer que le traitement des salariés (et des salaires) soient identiques aux deux sexes ; selon moi, si les normes internationales venaient à l’encontre de la culture nationale (ici respecter l’égalité des sexes), il y aurait une certaine confusion et les individus ne sauraient quelle règle respectée. Je rejoins la position d’HOFSTEDE et de MINKOV lorsqu’ils affirment que la culture et les valeurs acquises tout au long de la vie sont plus fortes que des normes imposées (HOFSTEDE et MINKOV, 2010). Ces règles internationales finiraient par perdre leur sens et entraineraient le mécontentement de toute la population. Pour résumer, chaque pays a sa propre culture pour laquelle en découle sa propre gestion des Ressources Humaines. Cette problématique de GRH n’a toujours pas été résolue, mais il existe des solutions pour maximiser ses chances de découvrir et de comprendre une autre culture. 28 L’une d’elle, imaginée par Benoit THERY serait l’adoption d’une « politique de Groupe pour la gestion internationale des ressources humaines » (THERY Benoit, 2002) par toutes les multinationales. Concrètement, il s’agit de créer un modèle commun, une ligne directrice de GRH à toutes les filiales de l’entreprise (nationale et internationale) afin de développer une véritable culture d’entreprise internationale. Cette méthode consiste en l’élaboration de règles communes à tous les salariés (système de rémunération, de formation..) et à divulguer des valeurs communes, partagées par tous les salariés, quelque soit leur pays. Ce modèle sert de repère pour tous les employés de l’entreprise. C’est un compromis entre adopter complètement une culture et ses valeurs et l’incompréhension totale. Ainsi en cas de problème ou d’incompréhension, ces normes établies au préalable permettent de rétablir l’ordre et d’éviter les désaccords d’ordre social. Cette politique de Groupe permet ainsi d’obtenir une GRH efficace, qui favorise l’expansion de potentiel de chaque employé. 29 C. Facteurs clés de réussite en Russie 1. Adopter des choix stratégiques judicieux Etre convaincu des potentiels du marché russe: telle est la marche à suivre pour quiconque souhaiterait lancer ses activités en Russie. En effet, selon Alla SERGUEEVA tout étranger au pays a des aprioris sur le pays: individus peu chaleureux, pays hostile dû à la rudesse du climat, forte présence de la mafia dans les affaires, pays fermé sur lui-même (SERGUEEVA Alla, 2005). Les adjectifs négatifs au sujet de la Russie sont nombreux, mais souvent faux. La Russie telle que les personnes se l'imaginent aujourd'hui est encore un pays mené par une politique soviétique et fermé aux échanges avec l'étranger. Seulement, cette Russie des années 80 est abolie et a laissé place à une envie de découvrir le reste du monde en acceptant les capitaux étrangers et leurs expériences. C'est pourquoi il est essentiel pour l'investisseur étranger de passer au-delà des aprioris et de découvrir les réels atouts d'une implantation dans ce vaste pays. Le fait d’être persuader par le potentiel de l'économie russe est lié au besoin pour les investisseurs étrangers de s'adapter à la culture et aux traditions russes. En effet, comment peuvent-ils miser sur l'avenir de la Russie sans être passer outre les aprioris et sans avoir étudier le comportement des Russes ? Si, lors de l'implantation, l'investisseur a compris l'environnement culturel et développe ses affaires en cohérence avec les valeurs partagées par tous les Russes, l'implantation n'en sera que réussie. En revanche, si l'entreprise décide de s'implanter sans s'adapter aux coutumes locales et de conserver ses orientations occidentales, l'implantation n'en sera que plus difficile et aura de grande chance d'échouer au bout de quelques mois seulement. Pour favoriser ses chances de réussir une implantation sur le marché russe, les entreprises étrangères ont tout intérêt d’une part, à comprendre la culture du pays d’accueil et d’autre part à faire des choix stratégiques avant de se lancer. 30 a) Un secteur d’activités porteur Premièrement, le choix du secteur d’activité est l’un des éléments majeurs à prendre en compte. Il est important de savoir que le marché russe, communiste d’origine, a connu une grande vague de privatisation de ses entreprises lors de la chute de l’ex-URSS à partir de 1991. Seulement, certains secteurs sont restés sous le contrôle de l’Etat et la concurrence étrangère est très difficilement acceptée. C’est le cas de l’industrie énergétique, du gaz, de la métallurgie, des voies de communications telles que les transports maritimes et aériens ainsi que la Défense Nationale. Pour investir dans ces secteurs, les groupes étrangers doivent effectués des demandes spécifiques à l’Etat Russe, ne facilitant pas les IDE (Investissement Directs à l’Etranger) dans ces domaines. Selon moi, le meilleur exemple pour illustrer la main mise de l’Etat russe sur les secteurs à fort potentiel est l’entreprise russe GAZPROM, détenue à 51% par l’Etat. Cependant, le groupe a besoin d’importants investissements pour financer ses nombreux projets ; tel est le cas par exemple avec le gisement de Chtokman (ECKERT Denis, 2007) qui devrait produire à partir de 2013, 11milliards de m3 de gaz. Ce projet a demandé au groupe russe de s’associer à Total à 25% et à Statoilhydro à 24%... bien entendu, Gazprom reste majoritaire à 51% et reste donc le décisionnaire de cette nouvelle entité multinationale. Bien que la Russie souhaite conserver ses secteurs clés, le pays a conscience de la nécessité de laisser entrer sur le marché des compagnies étrangères, afin de financer ses projets. Même si ces secteurs sont et resteront inaccessibles aux entreprises étrangères pendant encore longtemps, d’autres secteurs sont majoritairement portés par des groupes étrangers et notamment français. La distribution alimentaire est l’une des portes d’accès au marché russe. L’un des exemples français est le distributeur Auchan, qui a su parfaitement s’imprégner de la culture russe et envisager les évolutions du marché en termes de grande distribution. Implanté pour la première fois en Russie en 2002, Auchan possède aujourd’hui 44 hypermarchés et fait partie du top 5 des distributeurs en Russie, occupant la 2ème place du marché4. L’industrie cosmétique est quant à elle dominée par les groupes français, leaders en Russie, remportant 40% des parts de marché du secteur. L’un des grands groupes est Yves Rocher, avec ses boutiques partout en Russie et son savoir-faire dans la vente par correspondance. Cette présence française dans le milieu de l’esthétique symbolise l’image de la mode et du luxe à la française, ce dont les Russes raffolent (SERGUEEVA Alla, 2006). 4 www.groupe-auchan.com 31 D’autres industries, telles que l’industrie de la viande et du blé sont quant à elles détenues par des capitaux russes. Ces deux industries sont privatisées et n’appartiennent donc pas à l’Etat comme les secteurs précédemment analysés, mais les marchés de la viande et du blé tiennent à cœur aux Russe qui sont décidés à conserver leur pouvoir et à démontrer leur savoir-faire dans ces domaines. C’est pourquoi Alla SERGUEEVA conclue que les étrangers ne se risquent pas d’investir dans ces secteurs. b) Une implantation géographique stratégique Deuxièmement, le choix du lieu de la première implantation est un point essentiel à prendre en compte dans la réussite de son intégration en Russie. Effectivement, le territoire de la Russie étant si dense, que toutes les régions ne sont pas aussi fertile en terme de commerce les unes par rapport aux autres. La région Occidentale, c'est-à-dire l’Ouest de la Russie est la plus prisée et la plus conseillée en termes de première implantation. Les pôles économiques et commerciaux s’y trouvent : il y a tout d’abord Moscou et Saint-Pétersbourg, capitales économique pour la première et culturelle pour la seconde, qui représentent le cœur du pays. Mais le résultat de cet engouement est le prix excessif que les étrangers doivent payer pour pouvoir s’y implanter. En 2010, Moscou a été élu la ville la plus chère d’Europe en terme d’immobilier et arrive à la seconde place au niveau mondial (derrière Tokyo), avec au mètre carré dépassant la barre des 3000€. Proportionnellement, les Moscovites gagnent également trois fois plus que les habitants des autres villes plus reculées de Russie (GRYNSZPAN Emmanuel, 2010). Avec de tels loyers, l’implantation de bureaux et de magasins dans ces deux monopoles demandent aux investisseurs de grands moyens uniquement pour s’installer, sans parler de la gestion du groupe. C’est pourquoi l’Oural, région connue pour sa ville à fort potentiel Ekaterinbourg, peut également être un lieu stratégique à envisager par les potentiels investisseurs. Jean-François COLLIN (COLLIN, Jean-François, 2009) définit cette ville comme étant plutôt centrale par rapport au reste du territoire russe, permettant une meilleure gestion de l’espace et facilitant les transports avec les autres régions. 32 Source : www.daletale.net A contrario, si l’investisseur décide de s’implanter sur le marché russe sans prendre en compte les zones à fort potentiel économique, les chances de réussite sont encore plus fines. En effet, les régions plus reculées de Russie ont un niveau de consommation bien plus faible et très différent de la partie Occidentale du pays. Ces régions représentent de grands risques pour les investisseurs étrangers ; c’est pourquoi le peu d’entreprises ayant essayé cette stratégie ont renoncé et se sont retirées du pays seulement après quelques mois. c) Une stratégie d’implantation efficace Ensuite, il faut reconnaitre que l’un des autres facteurs primordiaux pour réussir son implantation en Russie réside également dans la stratégie d’implantation. En effet, deux solutions sont envisageables pour les entreprises qui décident de se lancer sur le marché russe : la croissance interne ou l’acquisition de sociétés russes. La croissance interne consiste pour l’entreprise étrangère à construire de nouveaux magasins, c’est-à-dire de créer de nouvelles entités sur le territoire russe. Tel fut le cas par exemple du distributeur français Auchan. Le groupe a ouvert son premier hypermarché à Moscou en 2002 et compte à ce jour 44 hypermarchés dans le pays5. La deuxième solution est l’acquisition d’entités russes afin d’agrandir l’entreprise qui s’implante. Dans les faits, l’entreprise arrive sur le marché en rachetant des sociétés russes 5 www.groupe-auchan.com 33 déjà existantes, dans le même secteur d’activité et s’agrandit de la même façon. L’exemple récent d’une implantation par acquisition est l’achat de Vimm Bill Dann, le leader des produits laitiers en Russie par PepsiCo en 2010. Le groupe Américain est devenu propriétaire du groupe Russe à 66%6. Pour conclure cette partie sur les clés de la réussite d’une implantation en Russie il est juste de souligner que les traditions et mœurs russes sont toujours très présentes, et même lors de rencontres internationales. Il est nécessaire de garder à l’esprit que le peuple russe a vécu de longues années en autarcie, suivant ses propres règles et s’est donc habitué à des comportements (tel que la corruption) qui sont aujourd’hui difficile d’effacer et de gérer lors de relations internationales. Le passé difficile des Russes a renforcé leur envie de croître et de devenir un peuple respecté comme d’antan. Il est donc primordial de traiter ses interlocuteurs Russes de manière particulière. Il doit se sentir important, doit être valorisé et pris au sérieux lors des négociations malgré toutes les différences de comportements observées ci-dessus. 2. Passer d’une perception uni-culturelle au management interculturel La problématique de cette partie se résume à la recherche de solutions pour parvenir à transmettre son savoir malgré le contexte interculturel, sous-entendu un environnement incertain. L’objectif du manager est d’arriver à passer du transfert des connaissances au développement des compétences ; pour cela, le manager doit être une personne dotée d’expériences à l’international. a) Les qualités requises d’un manager international Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que tous les managers ne sont pas destinés à devenir des managers internationaux. Certains seront très efficaces dans leur pays d’origine, mais ne sauront pas s’adapter aux conditions de travail d’autres cultures, alors que d’autres, munis d’un fort potentiel d’adaptabilité, et d’expériences pourront devenir de très bons managers dans un contexte interculturel. 6 L a Tribune, « Pepsi s’offre le géant russe WBD », www.latribune.fr, 2010 34 Selon Benoit THERY, avant d’envoyer un manager à l’étranger, il est important que le service des Ressources Humaines décèle les compétences suivantes chez le candidat (THERY Benoit, 2002): - Le manager doit être curieux et à la recherche de nouveautés et de nouvelles expériences. Si le manager possède ce trait de caractère, il cherchera inconsciemment à comprendre le contexte dans lequel il évolue et fera l’effort de comprendre les valeurs inculquées. Après cette période de découverte, le manager pourra établir une relation stable avec son équipe. - Il doit avoir un esprit d’analyse poussé, afin de gérer des situations complexes au-delà des frontières. Le manager en charge de l’implantation peut se retrouver seul de son pays d’origine et doit donc découvrir, comprendre et analyser les problématiques du marché pour en tirer une analyse qui lui permettra de construire une structure solide dans ce nouveau pays. - Il doit être capable de prendre des décisions, même dans un contexte incertain et savoir négocier avec tact, c’est-à-dire agir en ayant compris les valeurs de l’interlocuteur étranger. Cette capacité à décider dans de telles conditions n’est pas donnée à tous les managers. Il doit savoir prendre le recul nécessaire pour analyser la situation et décider en faisant abstraction de ses lacunes dans ce contexte interculturel. - Enfin, le manager international doit avoir avant tout un fort potentiel d’adaptabilité qui lui permettra de gérer les situations sans stress et être capable de vivre au sein d’autres cultures que la sienne. Ce trait de caractère est la clé de réussite lors d’une implantation. La facilité d’adaptation du manager lui permettra de s’intégrer et de devenir opérationnel rapidement. Le manager peut être d’un caractère extraverti, curieux et à l’aise dans ses relations mais il aura tout de même besoin de longues années d’expériences avant de développer un véritable savoir-faire et savoir-être à l’étranger. b) Les compétences professionnelles nécessaires Un bon management interculturel ne repose pas essentiellement sur les compétences ci-dessus. Le manager international doit utiliser une communication adaptée pour transmettre ses connaissances à son équipe afin qu’elle en développe des compétences. La réussite de cette communication repose sur quatre aspects. 35 Le premier est la maîtrise de la langue ; le manager doit maîtriser l’anglais, langue universelle dans les relations internationales. Il sera d’autant plus efficace s’il parle également la langue nationale du pays ; même s’il ne la maîtrise pas, son équipe lui sera reconnaissante de ses efforts pour s’intégrer et s’imprégner de la culture. Ensuite, le manager devra adapter son style de management au contexte interculturel du pays, ce qui sous entend qu’il aura étudié et pris connaissance de la culture, se sera renseigné sur les habitudes culturelles et sur les traits de caractères de ses habitants. D’après une définition de « Manager dans la diversité culturelle » (THERY Benoit, 2002) le « management interculturel est la capacité à adapter sa communication, sa négociation et son leadership au contexte culturel différent d’un pays ou d’un groupe de pays ». Deux solutions s’offrent alors au manager : soit il décide de créer un style de management qui sera utilisable dans plusieurs pays, soit il adopte un style de management pour chaque pays. Le choix se fait en fonction de l’aptitude du manager à s’adapter et des leçons retenues de ses diverses expériences. Le troisième aspect est le fait de transférer ses connaissances via des formations et des séminaires à destination des équipes. Le manager doit être capable d’enseigner ses connaissances de façon claire et explicite. Le manager doit avoir l’esprit de synthèse et une bonne communication orale. Pour finir, le manager international ne pourra pas être en permanence dans le pays d’accueil. Il est dont important que l’entreprise développe des outils qui permettent de communiquer efficacement à distance : l’utilisation de l’Intranet de l’entreprise, l’organisation de vidéoconférences et tout autre système permettant le dialogue entre les deux pays. c) L’approche théorique de la différenciation culturelle dans le management D’après différentes études, la solution la plus efficace dans cette situation est d’étudier la théorie des grands auteurs du management interculturel tels qu’ Hofstede, Trompenaars et Hall&Hall et de développer cette théorie avec la participation des personnes du pays d’accueil. Les approches peuvent être différentes, mais le résultat doit rester le même : transmettre des messages clairs et efficaces qui aboutiront au développement des compétences de l’équipe interculturelle. Benoit THERY, dans son œuvre « Manager dans la diversité culturelle » (THERY Benoit, 2002), a établit un tableau résumant les six principaux critères de différenciation 36 culturelle dans le management, basé sur les travaux des principaux auteurs du management interculturel. Critères Pôles Auteurs de référence Relation hiérarchique Distance hiérarchique Hofstede Partenariat Hampden-Turner Individualisme Hofstede Sens communautaire Trompenaars Compétition Hofstede Relation dans l’entreprise Relation dans l’équipe Consensus Gestion du temps Gestion de l’information Programmation Hall et Hall Réactivité Trompenaars Explicite Hall et Hall Implicite Gestion du statut socioprofessionnel Au mérite Trompenaars Au statut d’origine Ce tableau synthétique met en avant les différents choix de management. D’une manière naturelle, le manager va opter pour un style de management en fonction de son caractère et de son ressenti sur le pays. Avant de partir à l’international, le manager doit travailler sur lui-même pour définir et comprendre sa manière de transmettre les informations et de gérer son équipe. En fonction de sa définition propre du management, il lui sera plus facile de savoir dans quels pays il pourra utiliser ce management et dans quels pays il devra faire des efforts pour s’adapter et établir une bonne relation avec son équipe interculturelle. Par exemple, un manager français rencontrera peu de difficultés à travailler dans un autre pays occidental ; en revanche, il devra revoir sa méthodologie s’il souhaite s’implanter dans un pays tel que la Chine ou la Russie, qui ont des cultures à tendance orientale. Le travail du manager lors de son arrivée dans le pays d’implantation repose donc sur le degré d’accentuation qu’il souhaite établir pour chaque critère de différenciation culturelle. Selon mon analyse et pour ne citer que les dimensions qui touchent le sujet directement, le manager doit tout d’abord déterminer quelle relation hiérarchique il souhaite avoir avec son équipe. S’il est issu d’une culture à faible relation hiérarchique (comme la 37 France), il doit prendre en compte la distance hiérarchique habituelle du pays et s’adapter pour trouver le juste milieu entre sa perception et celle de son équipe. Il en est de même avec la relation dans l’équipe : le manager doit savoir allier consensus et compétition ; c’est-à-dire qu’il doit trouver le moyen de challenger les membres de son équipe, sans que la compétition affaiblisse la cohésion du groupe ; à l’inverse, il doit maintenir un certain degré de rivalité pour maintenir l’ambition de son équipe à atteindre les objectifs. Un autre exemple de choix de management que doit adopter le dirigeant est la gestion du statut socioprofessionnel : certains managers, en fonction de leur culture nationale préféreront récompenser les membres de leur équipe en fonction des efforts menés et d’autres s’en tiendront au statut d’origine des postes de chacun. Une fois de plus, le manager devra mettre de côté son instinct naturel et prendre en compte les habitudes culturelles du pays d’implantation. Pour finir, le rôle du manager international est de transformer, de part ses compétences, un contexte incertain en environnement connu et maîtrisé par lui et son équipe. Ainsi, il ne sera plus perçu comme l’étranger, mais aura crée une situation dans laquelle il se sent en confiance, malgré les différences culturelles et aura formé son équipe pour qu’elle se sente également à l’aise dans cette nouvelle organisation biculturelle. L’idée centrale du management interculturel est de faire avancer de manière égale les deux parties l’une vers l’autre pour créer une culture d’organisation interculturelle. 3. Exemples de réussites françaises en Russie. Les entreprises françaises ayant réussies leur implantation en Russie sont le résultat d’une parfaite maitrise des facteurs clés de succès étudiés auparavant. Malgré un risque d’échec élevé lors de l’implantation, un grand nombre de secteurs d’activités sont aujourd’hui représentés en Russie : les cosmétiques avec Yves Rocher et l’Oréal, le secteur agroalimentaire avec Danone, le secteur bancaire avec BNP-Paribas et la Société Générale, le secteur de la grande distribution avec Auchan, l’industrie avec Arcelor et Alstom, les médias avec Lagardère, le BTP avec Bouygues Construction… Cependant des échecs ont lieu : les deux plus importants français sont ceux de Carrefour et de Casino, tous deux concurrents de la grande distribution. Ils ont tenté l’implantation en Russie en 1998, année de la crise économique et se sont confrontés en parallèle à l’arrivée de leurs concurrents allemand et turc (respectivement Metro et Ramstore), 38 qui ont su conquérir toutes les parts de marché, laissant les deux groupes français abandonner l’aventure seulement quelques mois après leur arrivée dans le pays (MARITON Hervé, 2003). Quelles sont les raisons de ces réussites ? Il serait intéressant d’analyser ces cas d’implantations au travers les dimensions culturelles d’HOFSTEDE. Cette analyse porte sur les implantations d’Auchan, d’Yves Rocher, de Danone et de L’Oréal. La première dimension développée par HOFSTEDE et MINKOV (HOFSTEDE et MINKOV, 2010) est la distance hiérarchique. Elle désigne « l’acceptation de l’inégalité de pouvoir par celui qui y est soumis ». Historiquement, la France a une distance hiérarchique faible définie comme ayant peu de niveaux hiérarchiques dans l’entreprise (organisation horizontale) contrairement à la société russe qui avait de nombreux niveaux de hiérarchies dans ses entreprises (hiérarchie verticale). Depuis la chute de l’URSS, ce mode d’organisation est devenu de plus en plus rare et tend à devenir horizontal, suivant le modèle Occidental. Cette dimension n’a pas d’impact décisif sur la réussite ou l’échec d’une implantation française en Russie. En revanche, la deuxième dimension développée par les deux auteurs, le contrôle de l’incertitude, peut avoir une incidence sur l’implantation. Cette dimension met en avant le « degré de tolérance qu’une culture peut accepter face à l’inquiétude provoquée par les événements futurs ». En France, les individus n’acceptent pas l’incertitude alors que les Russes la tolèrent très bien, de part leur passé chaotique. Auchan illustre bien cette dimension. En effet, en tant que pionnier de la distribution française en Russie, Auchan s’est implanté en 2002 sur le territoire russe en développant un nouveau modèle de distribution : les hypermarchés. Les concurrents russes d’Auchan (X5 Retail Group et Magnit) étaient alors des supermarchés et ne bénéficiaient pas d’une aussi grande offre de produits que le distributeur français. Auchan a su s’imposer sur le territoire russe en tentant une nouvelle stratégie, alors inconnue de la population. Le groupe français a fait preuve d’une innovation fondamentale sur un marché inconnu. Les Russes ont tout à fait accepté ce nouveau concept. La troisième dimension est la différence de vision entre l’individualisme et le collectivisme. Elle désigne le « degré de liberté d’un individu par rapport à un groupe ». Toujours selon l’ouvrage « Cultures et Organisations » (HOFSTEDE et MINKOV, 2010), la France et la Russie sont deux pays avec une vision semblable, qui repose sur l’individualisme, se traduisant par un grand degré de liberté des individus au sein d’un groupe. Les deux pays réagissant de la même manière, cette dimension ne représente pas un frein aux implantations. 39 Ensuite, HOFSTEDE et MINKOV ont identifié le degré de masculinité et de fémininité de chaque culture. Il faut comprendre cette dimension comme la « séparation marquée ou non des rôles des deux sexes dans les tâches de la vie quotidienne » ainsi que la « sensibilité aux facteurs émotionnels ». Les individus peuvent être soit sensibles aux facteurs émotionnels (fort degré de fémininité) soit sensible aux facteurs factuels (fort degré de masculinité). La France et la Russie ont une dimension masculine, avec des tendances différentes : la France a sensiblement un degré de fémininité supérieur à la Russie. Cependant, L’Oréal, le numéro un du cosmétique en Russie a su joué avec la part de fémininité de la population russe, lors de son implantation en 1994. A l’époque, la société a dû faire preuve d’une grande pédagogie auprès des femmes de l’exURSS pour les convertir à l’utilisation de cosmétiques. L’Oréal a usé de stratégies : distribution d’échantillons de crèmes gratuits, vente de shampoings à prix abordables (CAHUZAC Adrien, 2010). Le groupe français a détourné la dimension masculine du pays pour sensibiliser la population aux facteurs émotionnels, alors fragilisée par la nouvelle économie. Auchan quant à lui a misé sur des faits concrets pour conquérir la Russie. Les raisons de sa puissance sont une bonne gestion des coûts, des moyens de financement moins chers que ses concurrents et à sa puissance d’achats supérieure de part ses hypermarchés. Enfin, les deux auteurs ont différencié les cultures grâce à leur orientation à court terme (« synonyme du respect des traditions ») ou à long terme (représentant la persévérance et l’économie). La France est caractérisée par sa vision à long terme alors que la Russie a une orientation à court terme (dû à l’Histoire du pays). Yves Rocher est typiquement l’exemple de réussite sur le sol russe de part sa parfaite adaptation à l’orientation du temps7. Yves Rocher, groupe de cosmétique français est apparu en Russie en 1991. La vision à long terme de l’entreprise était le développement de la vente par correspondance de ses produits. Pour atteindre son but, elle a fixé plusieurs objectifs à court terme : tout d’abord, développer ses ventes par l’intermédiaire d’agents locaux, ensuite en expatriant son personnel français en Russie pour finalement atteindre son objectif de vendre principalement par correspondance. Aujourd’hui, malgré ses 120 magasins implantés sur tout le territoire, Yves Rocher est davantage connu pour son système de vente à distance. Ce succès est la preuve que le groupe a su trouver un juste milieu entre la gestion du temps française et l’orientation à cours terme de la Russie. 7 MERCATOR, « Yves Rocher Vostok, ou la stratégie de marketing glocal d’une entreprise internationale en Russie », www.mercator-publicitir.fr, 2009 40 Conclusion Cette première partie basée sur la revue de la littérature du sujet de l’implantation d’entreprises françaises en Russie a permis d’éclaircir plusieurs points. Tout d’abord, la culture nationale est le pilier d’un Homme ; cette culture lui inculque des valeurs, des normes et des habitudes qui rythment sa vie. La présence de cette culture est inévitable et incontrôlable, posant problème lorsqu’il y a une mixité des cultures, qu’elle soit désirée ou non. En effet, la mondialisation actuelle impose un mélange quotidien des cultures. Afin de tirer une véritable puissance de cette mixité, les entreprises internationales, implantées dans le monde entier, sont aujourd’hui contraintes de créer une réelle culture d’organisation, dédiée à réunir tous les individus sous de même valeurs et croyances. La création de cette culture d’organisation est le travail de tout manager international qui tente d’établir des relations avec son équipe locale. Cette culture d’entreprise implique bien entendu la création d’une gestion internationale des Ressources Humaines, permettant ainsi de fixer des normes communes à tous les membres du Groupe. J’ai choisi de centrer cette étude théorique sur le cas de l’implantation d’entreprises françaises en Russie et sur les troubles liés aux rencontres franco-russes. En effet, l’observation de ces cultures a permis de mesurer le peu de similitude que possèdent les deux pays. Ce cas d’implantation est d’autant plus intéressant que les essais pour pénétrer le marché russe sont nombreux et les échecs se succèdent. En revanche, lorsqu’une entreprise française réussi son implantation, son succès est exemplaire. A ce point de la recherche et avant de commencer l’analyse, les propositions de recherches de départ semblent être confirmées. Pour rappel, la première était : Un management interculturel efficace permet de réduire les problèmes de communication lors d’une implantation française en Russie. La théorie extraite des propos des auteurs de ce domaine valide cette affirmation. Grâce à un manager doté de bonnes qualités d’adaptation et d’expériences à l’international, le groupe multiculturel, composé du manager français et des équipes locales, parviendra à créer une réelle culture d’organisation. 41 La deuxième proposition de recherche était la suivante : Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger. En effet, une implantation requiert la mise en place d’une gestion internationale des Ressources Humaines efficace ainsi que des choix stratégiques adaptés à la culture russe. Afin de pouvoir répondre d’une manière complète à la problématique « Quelle est l’importance du facteur humain et des choix stratégiques lors d’une implantation française en Russie ? », l’analyse se porte à présent sur la gestion du facteur humain au sein de deux groupes français, implantés en Russie : Malteurop et Leroy Merlin. 42 II. Etude exploratoire Cette étude exploratoire va permettre dans un premier temps de valider ou de réfuter les propositions de recherches et dans un second temps, de comparer les différentes approches d’une implantation selon le secteur d’activités. Dans cette analyse, il est question du secteur de l’industrie avec le cas de MALTEUROP et du secteur de la distribution avec le groupe LEROY MERLIN. Les réponses aux enquêtes ont été complétées par des témoignages d’entrepreneurs français implantés en Russie, également présents dans le secteur de l’industrie. Les entreprises en question sont ALSTOM, l’un des leaders mondiaux de la production et de la transmission d’électricité et STEP CONSTRUCTION, entreprise russe spécialisée dans la construction de projets industriels. A. Champ d’application de l’étude 1. Le secteur de l’Industrie : Cas de Malteurop a) Le contexte Malteurop est une malterie, c’est-à-dire que son activité principale est de transformer l’orge, récoltée auprès des coopératives agricoles et de le transformer en malt après un processus de transformation de plusieurs semaines. Malteurop vend ensuite ce malt aux brasseries, ingrédient indispensable pour la fabrication de la bière. Son principal concurrent, lui aussi français, est le groupe Soufflet. Soufflet et Malteurop se partagent ainsi le marché mondial du malt. Malteurop a développé sa première filiale à l’étranger en 1991, avec la création d’une usine en Espagne. Depuis 2008 et grâce à ses implantations à travers le monde (Europe, Ukraine, Etats-Unis, Russie, Chine, Australie…), Malteurop est devenu le leader de l’industrie du malt. Le groupe possède aujourd’hui 23 usines, présentent dans 12 pays, avec une capacité de production de 2 200 000 tonnes par an8. 8 www.malteurop.com 43 L’usine de Belgorod en Russie est ouverte depuis 2009 et peut produire jusqu’à 100 000 tonnes de malt par an. b) Le choix de l’implantation Le groupe Malteurop s’est implanté en Russie pour des raisons économiques : la consommation de bière du pays ne cessant d’augmenter, il était donc logique de prendre une place sur ce marché en plein essor économique. De plus, les partenaires du groupe étant des brasseurs reconnus internationalement tels que Heineken, Carlsberg et ABInBev, Malteurop est entré sur le marché russe en concluant de nouveaux accords avec ces brasseurs déjà implantés dans le pays. Maintenant, la raison pour laquelle Malteurop a choisi de s’implanter à Belgorod est une raison d’ordre stratégique. En effet, l’oblast (région) de Belgorod est connue pour avoir la plus grande production d’orge du pays. En y implantant une usine, Malteurop fait donc des économies sur les coûts de transports entre les coopératives agricoles et l’usine. 2. Le secteur de la Distribution : Cas de Leroy Merlin a) Le contexte Leroy Merlin est une enseigne française de grande distribution, détenue par le groupe ADEO et spécialisée dans le bricolage d’intérieur et d’extérieur ainsi que la décoration et l’ameublement. Aujourd’hui Leroy Merlin est le leader sur le marché français des grandes surfaces spécialisées dans le bricolage et l’aménagement de la maison9. Le groupe a décidé de s’internationaliser dès 1989 en exportant son concept tout d’abord en Espagne, en Belgique et en Italie, avant de s’étendre à travers le monde. A ce jour, Leroy Merlin est présent dans 12 pays et son parc s’étend quasiment à 300 magasins. 9 www.leroymerlin.fr 44 Le groupe est présent en Russie depuis 2004 et a ouvert jusqu’à aujourd’hui 17 magasins à travers le pays10. A ce jour, Leroy Merlin est le leader du marché, devant ses concurrents locaux Maxidom et Klondike. b) Le choix de l’implantation Leroy Merlin a tout naturellement décidé de s’implanter sur le territoire russe à la vue de l’engouement de la population pour le domaine du bricolage et d’aménagement de la maison. Il est important de savoir que la Russie connait depuis la chute de l’ex-URSS une modification complète du mode de vie de ses habitants. Par exemple, la population a maintenant accès à la propriété privée, et peuvent s’acheter des biens immobiliers. C’est donc pour cette raison que le chiffre d’affaires du marché du bricolage en Russie a augmenté de 25% chaque année, entre 2003 et 200811. Leroy Merlin a alors profité de cette tendance économique positive pour, en 2004, ouvrir son premier magasin à Moscou, qui fut le premier d’une grande série (actuellement 15 magasins dans toute la Russie). 10 11 www.leroymerlin.com D.B, « Un défi de taille pour Leroy Merlin », www.pointsdevente.fr, n°1068, 2010 45 B. La méthodologie suivie 1. La démarche d’investigation Cette étude exploratoire a été menée pour répondre aux propositions de recherche dégagées durant la revue de la littérature. Les études sur les différences culturelles entre la Russie et la France existent, mais peu nombreuses sont celles qui préconisent des solutions pour adopter une bonne gestion du facteur humain dans cette situation. C’est pourquoi la démarche de recherches est basée sur un raisonnement hypothético-déductif, c’est-à-dire sur la déduction faite à partir des propositions de recherches posées. L’étude empirique sur les deux entreprises Malteurop et Leroy Merlin va alors permettre de déduire les tendances à adopter lors d’implantations d’entreprises françaises en Russie. 2. Le choix de la méthodologie de recherche Cette étude a été menée dans une démarche qualitative afin de pouvoir extraire les tendances comportementales à développer dans ce type de situation. De plus, cette étude qualitative va permettre de faire ressortir les principaux thèmes à analyser, tels que le management interculturel, la gestion des Ressources Humaines et les différences culturelles entre la France et la Russie. Une fois les thèmes dégagés, l’analyse des réponses pourra être réalisée. 3. Le but Le but de l’étude exploratoire est de mesurer l’importance du facteur humain et de sa gestion, dans l’implantation d’entreprises françaises en Russie. La recherche théorique a permis d’extraire des propositions de recherches, qu’il est impératif de valider ou de réfuter afin de trouver des solutions. C’est la raisons pour laquelle les secteurs de la distribution et de l’industrie ont été analysés au travers les cas de Malteurop et de Leroy Merlin. 46 C. Le contre-rendu d’entretien 1. Introduction a) Le choix du public cible Les entretiens ont été réalisés auprès de managers français et russes, qui ont participé à une implantation française en Russie. Plus précisément, l’analyse porte sur trois managers, tous trois ayant participé soit à l’implantation de l’entreprise Malteurop à Belgorod en 2009, soit à l’implantation de Leroy Merlin à Moscou en 2004. Tout d’abord, j’ai choisi d’interroger deux personnes au sein de la multinationale Malteurop. J’ai contacté ces personnes à la suite de mon stage de césure au sein la filiale russe, dirigée par Andrey Kichigin, directeur général des opérations de Malteurop en Russie. Durant ces trois mois au service marketing du groupe, M. Kichigin fut mon interlocuteur direct pour l’élaboration de mon étude de marché sur la bière en Russie. Après plusieurs postes à responsabilité dans le milieu agricole et plus précisément dans celui de l’orge, il fut embauché pour prendre la direction de la filiale. Il a pour mission de développer le réseau commercial en Russie et dans les pays frontaliers et d’optimiser la production du malt. M. Kichigin est un Russe, originaire de Moscou, qui a un style de management à tendance occidentale ; il souhaite modifier le style de management russe et est en parfaite adhésion avec la gestion occidentale du service des Ressources Humaines. Ensuite, j’ai également décidé d’interroger Denis Julien, le directeur technique du groupe Malteurop. Il a une carrière très internationale : il parcourt le monde pour définir les choix stratégiques des différentes filiales du groupe et pour veiller au bon déploiement opérationnel des filiales. Il est en charge d’implanter les nouvelles usines : M. Julien a entre autre déjà passé trois ans en Chine, a participé à l’implantation de l’usine en Ukraine et a également passé l’année 2009 en Russie, au côté d’Andrey Kichigin pour démarrer les opérations à Belgorod. 47 M. Julien m’a permis d’effectué mon stage en Russie. Je l’ai rencontré lors de l’une de ses visites à l’usine de production et nous sommes restés en contact depuis ce temps. J’ai donc la chance de pouvoir comparer la vision russe et la vision française sur le déroulement de l’implantation de la filiale de Malteurop en Russie. Afin d’étoffer mon analyse, j’ai également interrogé Pierre-Louis Gras, ancien directeur marketing et achat du groupe français Leroy Merlin en Russie. Je suis entrée en contact avec ce professionnel par l’intermédiaire de Philippe Vigier, ancien professeur du groupe Sup de Co La Rochelle. En effet, les managers de Leroy Merlin expatriés en Russie sont formés au sein de l’établissement ; M. Vigier était l’un de leurs formateurs. M. Gras a participé au lancement du premier magasin Leroy Merlin à Moscou ; il est resté en poste de 2002 à 2008. Son profil est très intéressant de part ses nombreuses expériences à l’international : en vingt ans de carrières, M. Gras est resté 6 ans en Russie et auparavant 7 ans sur le continent asiatique. Grâce à sa participation active dans l’élaboration de ce mémoire de recherches, j’ai pu étendre mon analyse sur le secteur de la distribution. Pour finir, j’ai décidé d’exploiter des témoignages tirés d’Internet, d’entrepreneurs français qui se sont implantés il y a quelques années en Russie. Il y a tout d’abord le témoignage de Joël-Henri Micheau, embauché par l’entreprise russe Step-Construction (spécialisée dans la construction de projets), en tant que responsable du développement international du groupe. Il est arrivé à Saint-Petersbourg en 2003 en tant que professeur de marketing et d’économie en université. Après s’être créé un réseau relationnel aux seins d’associations culturelles, on lui a proposé de prendre ce poste qu’il a accepté12. Ensuite, j’ai également utilisé le témoignage d’Eric Brisset, directeur général de l’usine Alstom Grid à Ekaterinbourg. Il a commencé à découvrir la culture russe au travers de courtes missions en Russie pour le groupe Lesaffre (fabriquant de levure). C’est en 2008 12 Témoignage de M. Micheau, p 83 48 qu’un cabinet de recrutement français lui a proposé le poste de directeur général de l’usine de production d’AREVA T&D (filiale d’Alstom et de Schneider Electric depuis 2010)13. b) Le contexte des enquêtes Par des soucis de localisation, les enquêtes ont toutes été menées par écrit. En effet, Andrey Kichigin vit à Belgorod en Russie ; Denis Julien est rarement en France ; Pierre-Louis Gras travaille dans le Nord de la France. La prise de contact avec les interlocuteurs s’est donc faite par mail, dans lequel je leur ai exposé le but de mon mémoire de recherches et joins le questionnaire. J’ai obtenu des réponses positives de la part de M. Julien et de M. Gras sans difficultés. En revanche, après quelques échanges de mails avec M. Kichigin, je n’ai pas pu récupérer les réponses à ses questions à temps pour la rédaction de l’étude. L’étude a donc été menée seulement auprès des deux managers français. Les réponses aux questionnaires sont authentiques (cf. Annexes B et C p. 67 et 75). c) L’entretien semi-directif Le guide d’entretien est la ligne directrice des interviews (cf. Annexe A, p 63). Il a été mené sous la forme d’un questionnaire semi-directif. Les questions sont majoritairement orientées grâce à des propositions de réponses et demandent toutes d’illustrer les propos par des exemples et des remarques. Il a été rédigé en français et également en anglais, dans le but d’interroger le contact russe. La version française a pour but d’analyser la perception qu’ont eue les managers français au sujet des Russes, lors de l’implantation. La version anglaise quant à elle examine le ressenti des Russes lors de l’arrivée des Français pour procéder à l’implantation. Enfin, cette enquête est organisée par thèmes : le premier traite de l’implantation en Russie et du ressenti des intervenants sur la culture russe. Ensuite, le sujet est approfondi sur 13 Témoignage de M. Brisset, Q1. R1., p. 85 49 l’organisation du travail en Russie. Pour finir, l’enquête interroge les intervenants sur les différences géographiques en Russie et leurs impacts sur le management. Le premier thème cherche à comprendre la réaction des managers français lors de leur arrivée en Russie. Cette première partie analyse la phase du choc culturel, son intensité et sa durée. Elle traite également de l’accueil qui leur a été réservé par leurs hôtes russes et sur leurs premières impressions. Pour finir, je demande également aux intervenants de me décrire la façon dont ils ressentent la culture russe. Ensuite, l’enquête traite le thème de l’organisation du travail en Russie. Cette partie, volontairement plus grande que les deux autres a pour but d’observer différents aspects de la vie en entreprise en Russie. Elle analyse l’organisation structurelle de l’entreprise et ses différents services internes (service des RH, juridique, marketing…) ainsi que ses relations avec les différents partenaires externes tels que l’Etat, les fournisseurs et les clients. De cette analyse est demandée quelles sont les évolutions majeures visibles entre le moment de l’implantation et aujourd’hui. Puis, cette partie met en avant les différences de comportements dans les relations d’affaire dues à la divergence des cultures entre la France et la Russie. Sont traitées ici les problèmes d’ordre stratégiques liés à une possible différence de visions professionnelles, les difficultés à établir une relation hiérarchique équitable entre les deux cultures ainsi que la notion de relation de confiance au travail. Enfin, l’enquête aborde le thème de la localisation géographique des entreprises et de leur impact sur le mode de management à adopter. 50 2. L’analyse méthodologique de l’entretien Comme dit précédemment, ces entretiens se sont déroulés par écrit. La distance de mes interlocuteurs fut le frein principal aux entretiens physiques. Malgré des réponses pertinentes, l’ensemble des questions ne traitaient pas suffisamment en profondeur l’ensemble du sujet. Par exemple, le thème de la gestion internationale des Ressources Humaines ne fut pas assez approfondi. Ce manque de développement dans les questions aurait pu être rattrapé lors d’un entretien en face-à-face ; il est plus facile de rebondir sur des réponses, au moment de l’interview qu’une fois le questionnaire complété. Afin de compléter l’étude, des témoignages tirés d’Internet d’entrepreneurs français en Russie ont également été utilisé. Ils vont permettre d’approfondir et de valider ou réfuter les propos tenus par les deux intervenants. La prise de contact fut très positive : M. Gras qui ne me connaissait pas à tout de suite accepter de m’aider dans mon analyse en répondant au questionnaire et en m’encourageant pour la réalisation de mon mémoire de recherches. M. Julien, que j’avais déjà rencontré lors de mon stage chez Malteurop Russie, m’a également répondu positivement. Je n’ai malheureusement pas obtenu les réponses de M. Kichigin, le directeur général de Malteurop Russie. Il m’a informé à deux reprises qu’il allait répondre à mon étude, mais qu’il était très occupé pour le moment. La date de remise du mémoire approchant, j’ai donc décidé de poursuivre mon étude exploratoire sans attendre les propos de M. Kichigin. Cet échec dans la récolte de réponses a certainement réduit les possibilités d’analyses du sujet. Le thème de la différence de perception entre les deux cultures aurait pu permettre d’analyser plus en profondeur les différences culturelles entre Français et Russes et permis d’observer des raisonnements différents. 51 3. L’analyse des enquêtes Ces entretiens, témoignages et leurs confrontations avec la théorie ont permis d’en extraire une problématique qui se pose tout au long de l’analyse des résultats : Quel est l’impact de la différence de cultures sur les implantations en Russie ? C’est-à-dire que le but de cette partie est de comprendre quels sont les éléments clés qui ont joué un rôle dans ces deux cas d’implantation. Il s’en dégage alors trois axes d’analyses : - La compréhension de la culture nationale est l’élément majeur pour réussir une implantation. - La confrontation de cultures, ici française et russe, a des conséquences sur la gestion du facteur humain. - Une implantation à l’internationale nécessite des choix stratégiques pertinents. Afin de suivre une démarche démonstrative, il est maintenant nécessaire de créer un parallèle entre la théorie des grands auteurs citée dans la première partie et les réponses des managers interrogés. Axe d’analyse n° 1 : La compréhension de la culture nationale est l’élément majeur pour réussir une implantation. A la lecture des réponses des différents intervenants, il semble tout à fait primordial de comprendre et de tolérer les différences culturelles pour réussir son implantation. En effet, comment réussir à collaborer avec les Russes si les personnes en charge de l’implantation ne perçoivent pas les subtilités de la culture ? Il semble évident que M. Gras a compris la culture russe en la définissant de la sorte : « la fameuse âme russe qui mélange la plus grande dureté au plus grand romantisme14 ». M. Julien complète également cette définition de la culture russe en caractérisant les Russes comme des personnes fières de leur pays, et cultivant un caractère très individualiste15. Ces définitions correspondent aux traits de la personnalité des Russes, décrits par Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006). 14 15 Interview de M. Gras, Q4.R4, p. 71 Interview de M. Julien, Q4.R4, p. 79 52 Cependant, M. Gras vient compléter la théorie sur le sujet en relevant un « certain complexe d’infériorité ». Il explique que ce sentiment est dû à leur retard sur le reste du monde, causé par l’ancien régime, qui les coupa du monde jusqu’à la chute de l’ex-URSS. Comme l’a si clairement mentionné M. Micheau dans son témoignage, « La Russie d’aujourd’hui, c’est l’Europe il y a vingt ans16 ». En effet, je comprends ce sentiment : les Russes estiment qu’ils doivent prouver en un temps record la puissance de leur pays s’ils veulent eux aussi faire partie des grandes puissances mondiales. Un élément vient néanmoins compliquer cette volonté. Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) affirme que la culture russe est le résultat d’un mélange de pensés occidentale et orientale ; M. Gras a confirmé les propos de l’auteur: la culture russe est « un mix entre un esprit assez rationnel européen et cette forme très asiatique de faire confiance au destin17 ». En effet, la situation géographique de la Russie a crée une réelle mixité des cultures occidentale et orientale qui tend à compliquer leur insertion dans l’une des deux cultures. L’effort pour le pays est donc considérable. Un point rassurant et positif pour les relations franco-russe a été relevé dans les réponses de M. Gras18: la culture française et la culture russe ont des similitudes de part leurs relations historiques. Les deux pays ont très souvent été alliés, les mariages royaux francorusses étaient fréquents et leurs liens d’amitiés ont toujours été très forts19. Cette complicité peut se ressentir par exemple dans l’architecture de Saint-Pétersbourg, ville construite en 1703 par Pierre le Grand20, sous influence de l’architecture française. Des traits de caractères communs aux deux pays en découlent, comme par exemple l’importance portée à la politesse dans les relations21. Les réponses des intervenants sur l’importance de la compréhension de la culture nationale lors d’une implantation viennent confirmer les propos développés dans la revue littéraire. Sans une approche préalable de la culture russe, l’implantation française en Russie est plus difficile et l’implantation peut être ponctuellement compromise. 16 Témoignage de M. Micheau, Q6. R6, p. 84 Interview de M. Gras, Q4.R4, p. 71 18 Interview de M. Gras, Q14.R14, p. 76 19 Les relations officielles franco-russes, http://www.russie.net/paris-moscou/histoire.htm 20 Saint-Pétersbourg : repères historiques, http://www.russie.net/russie/pet-histoire.htm 21 Interview de M. Gras, Q14.R14, p. 76 17 53 Axe d’analyse n° 2 : La confrontation des cultures, ici française et russe, a des conséquences sur la gestion du facteur humain. Les intervenants ont remarqué un nombre assez important de différences de pensées, résultat de la confrontation culturelle, qui intervient dans la gestion du facteur humain. Tout d’abord le premier élément commun aux deux questionnaires est la différence de hiérarchie entre la culture française et la culture russe. M. Julien et M. Gras ont tous deux trouvé que les relations en Russie sont hiérarchiques22 et voir même très hiérarchiques23. A priori, ce sens de l’organisation ne semble pas avoir d’impact direct sur les Hommes de l’entreprise. Et pourtant, les managers français doivent s’adapter aux habitudes locales tout en sachant imposer leur propre organisation. M. Brisset décrit le management russe comme « un management directif, avec une très forte personnalité du directeur24 ». L’adaptation peut alors se révélée difficile. Comme l’a mentionné M. Julien dans ses réponses, l’idée est de développer une « hiérarchie intermédiaire25 », afin de ne pas perturber les salariés russes habitués à un management autoritaire et de ne pas faire perdre la face au Français qui pourrait se retrouver en difficulté pour manager une équipe russe. Au sein de Malteurop, implanté depuis deux ans à Belgorod, cette hiérarchie intermédiaire semble encore avoir quelques difficultés à se mettre en place. Denis Julien a dit que le « DG est encore trop souvent confronté aux problèmes quotidiens, qui ne sont pas de son ressort 26 ». Cette affirmation me fait penser que le travail d’adaptation est peut-être encore plus délicat dans le sens ou le Directeur Général n’est autre qu’Andrey Kichigin, un russe. Je suppose donc que les employés, tous russes également, ont quelques difficultés à comprendre cette nécessité d’alléger la hiérarchie, alors qu’ils travaillent dans un environnement totalement russe, sans expatrié français à leur côté quotidiennement. L’un des autres facteurs dans lequel intervient la divergence de cultures dans la gestion du facteur humain est le mode opératoire dans les affaires commerciales et administratives, principalement avec les intervenants extérieurs. M. Gras et M. Julien sont 22 Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81 Interview de M. Gras, Q10.R10, p. 75 24 Témoignage de M. Brisset, Q8. R8, p. 87 25 Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81 26 Interview de M. Julien, Q10.R10, p. 81 23 54 tous deux d’accord sur le fait que les relations d’affaires sont compliquées dues aux démarches administratives obligatoires occidentales. Tous les entrepreneurs français des différents témoignages sont également convaincus des difficultés à établir des contrats écrits avec les Russes. M. Puteaux insiste sur la longueur des procédures administratives en Russie et sur la nécessité, voir l’obligation pour les étrangers de « rédiger des contrats très précis 27» pour ne pas avoir de soucis professionnel. En effet, comme vu dans la revue de la littérature les Russes ne font pas confiance aux contrats écrits et concluent souvent les affaires oralement. Pour reprendre les mots de Denis Julien, « […] la part administrative, tels que les contrats, garanties, etc.…reste très compliquée. Les accords commerciaux ne sont pas toujours très fiables […28] ». Quant à M. Gras, il explique que même si les partenaires externes ne comprennent pas l’utilité des contrats écrits et qu’ils ne conçoivent pas ce genre de relations, ils n’ont aujourd’hui plus le choix : s’ils veulent faire des affaires avec Leroy Merlin, leader du marché russe rappelons-le, ils doivent se plier aux règles occidentales29. Ces témoignages confirment la théorie de Laurent GOULVESTRE, (GOULVESTRE Laurent, 2008), selon laquelle la confiance dans le monde des affaires russe s’accorde oralement, par manque de confiance dans les documents officiels. Mais cette analyse démontre également que le monde occidental s’impose aux Russes, sans qu’ils ne puissent refuser ; si la Russie souhaite évoluer et s’ouvrir au monde, les entreprises locales sont obliger de se soumettre aux volontés occidentales, sans même toujours comprendre l’utilité de ces documents. Comme l’a mentionné M. Gras, les relations commerciales et administratives tendent à s’améliorer ces dernières années30 ; mais je me pose la question de savoir si ces améliorations sont dues au pouvoir de Leroy Merlin en Russie ou tout simplement à l’évolution de la culture russe. J’aurai tendance à penser que la force de négociation est l’élément majeur dans l’amélioration et dans la soumission des Russes aux règles occidentales. En effet, le discours de Denis Julien est moins optimiste sur l’amélioration des relations commerciales et administratives et laisse à penser que Malteurop, implantée dans une région plus reculée de la Russie que Leroy Merlin, a encore du mal à convaincre les locaux de l’utilité, de la valeur et surtout de l’obligation des documents officiels écrits. 27 « Travailler avec des sociétés russes. Les conseils pour réussir en affaires », www.journaldunet.com Interview de M. Julien, Q5.R5, p. 79 29 Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72 30 Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72 28 55 Pour finir l’analyse sur cet axe de discussion, la notion de vision abordée par Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) semble être validée par l’expérience terrain des deux intervenants français. En effet, selon la théorie, les Russes ont acquis de leur Histoire, une vision à court terme basée sur les actions passées. Lors de la question « Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? », M. Gras a répondu qu’ils avaient une vision à court terme. Il a argumenté cette réponse par deux explications : « une confiance dans l’avenir très limitée par rapport à l’Histoire » et « une méfiance naturelle visà-vis du discours de l’entreprise31 ». La première explication confirme exactement la théorie évoquée lors de la revue de la littérature et notamment celle d’Alla SERGUEEVA. La deuxième explication quant à elle est une réponse supplémentaire à la vision à court terme des Russes. M. Gras complète cette deuxième raison par un exemple tout à fait surprenant, mais typique du manque de confiance qu’ont les Russes envers les entreprises. Il explique qu’ « un collaborateur préférera changer de job pour une augmentation de 100€ plutôt que de croire au discours de son employeur sur les promotions potentielles32 ». Cet exemple est très fort et montre selon moi le chemin qu’il reste à parcourir par les entreprises russes et étrangères pour faire changer la mentalité des employés et leur redonner une confiance disparue depuis des années. Tout comme l’effort que réalisent les Russes pour croire à la nécessité des documents écrits, les Russes une fois de plus sont obligés de raisonner différemment de leur volonté. Comme l’explique M. Julien dans sa réponse à la question « Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? », par soucis d’évolution à l’internationale et d’ouverture des frontières, les Russes sont obligés de trouver un juste milieu entre leur vision à court terme et la vision à long terme des entrepreneurs étrangers 33. C’est la raison pour laquelle ils sont contraints de raisonner au minimum à moyen terme. C’est pourquoi Lydie EVRARD et Ronan VENETZ conseillent d’entrer sur le marché avec une vision à court terme, avec pour objectifs de petits projets afin de tester le marché. Une fois les objectifs atteints et la culture assimilée, l’entreprise peut envisager des projets à moyen et long terme (EVRARD et VENETZ, 2010). 31 Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74 Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74 33 Interview de M. Julien, Q8.R8, p. 80 32 56 La localisation géographique a également son importance : suite à l’étude menée par les auteurs de « Human Capital Practices of Russian Enterprises » (ARDICHVILI et DIRANI, 2005), il a été prouvé que les entreprises situées à Moscou ont obligatoirement une vision qui tend vers le long terme dû à la plus grande compétitivité et à l’internationalisation des entreprises qui ont des modes de management occidentales. En comparant les réponses de M. Julien et de M. Gras, une question se pose : à combien d’années correspond une vision à court terme ? Une vision à long terme ? À en juger par les réponses des deux interlocuteurs, une vision à long terme serait une vision à partir de 5 ans. En effet, M. Gras écrit qu’il est difficile de faire des « démarches stratégiques de type plan à 5 ans 34». Par simple déduction, je conviendrai qu’une vision à court terme correspond à des prévisions à un an, une vision à moyen terme est un plan sur environ 3 ans et un plan à long terme en Russie correspond à une vision à partir de 5 ans. Cette analyse est limitée à une déduction personnelle et est donc discutable. En effet, elle ne repose sur aucun fait scientifique. Axe d’analyse n° 3 : Une implantation à l’internationale nécessite des choix stratégiques pertinents. Ce troisième axe d’analyse met en avant d’une part l’importance de la prise en compte du facteur humain et d’autre part les choix stratégiques favorables à l’implantation d’entreprises françaises en Russie. Le premier choix stratégique pour l’implantation en Russie est la localisation de la filiale sur le territoire. Comme mentionné dans la partie théorique par Jean-François COLLIN (COLLIN Jean-François, 2009) la Russie comporte des régions bien plus reculées que Moscou et Saint-Pétersbourg où l’ouverture à l’international est encore assez limitée et où l’adaptation à la culture locale est plus que nécessaire. Par exemple, M. Julien est bien sûr au courant de ces différences, mais l’unique filiale russe de Malteurop étant située dans la région sud-ouest, à la frontière ukrainienne (pays dans lequel le groupe s’est implanté dès 2002), il 34 Interview de M. Gras, Q8.R8, p. 74 57 n’a pas ressenti le besoin de s’adapter différemment culturellement parlant35. En effet, la région de Belgorod et l’Ukraine cultivent une culture identique. En revanche, Leroy Merlin qui possède des magasins dans tout le pays est organisé sous forme de PME (Petite et Moyenne Entreprise), qui évoluent en fonction des clients et des besoins locaux. M. Gras insiste sur le fait que cette démarche est primordiale pour réussir dans toutes les régions du territoire36. Ensuite, le modèle d’organisation a également un impact sur le succès d’une implantation. Comme énoncé précédemment, chaque magasin Leroy Merlin est une PME et chacune d’entre elle évolue en fonction de la région d’implantation. Cependant, M. Gras met en évidence « l’importance de réfléchir à des notions de gouvernance pour accompagner l’autonomie et la prise de décision de chacun37 ». Selon moi, sa position confirme la théorie de Benoit THERY (THERY Benoit, 2002) qui convient de l’importance d’une culture d’organisation dans une multinationale. M. Julien quant à lui, explique le choix stratégique d’organisation du groupe Malteurop : « La filiale dépend de l’organisation commerciale, achat des matières premières et industrielles centralisés par Malteurop Groupe. Rapprochement avec la filiale Ukraine pour bénéficier des services du laboratoire central de Kharkov et des expertises techniques de process. RH organisation commune, mais responsable en Ukraine38 ». Le choix stratégique réside dans la division des services : une partie stratégique centralisée et dépendante de l’orientation générale du Groupe, et une partie plus opérationnelle raccrochée à la filiale Ukrainienne, déjà bien implantée et efficace. Il est selon moi important de relever ici que les deux modèles d’organisation sont différents, mais ont tous deux une ressemblance : Malteurop Russie et Leroy Merlin Russie possèdent une partie propre à la filiale et à sa zone géographique et une autre partie reliée à la stratégie globale du groupe. Pour finir, le dernier choix stratégique qui ressort des réponses de M. Julien, de M. Gras et des témoignages est le système de recrutement adopté. 35 Interview de M. Julien, Q13.R13, p. 81 Interview de M. Gras, Q13.R13, p. 76 37 Interview de M. Gras, Q5.R5, p. 72 38 Interview de M. Julien, Q6.R6, p. 79 36 58 Toutes les entreprises ont procédé à l’implantation d’une manière différente, mais avec une vision identique. Comme le résume M. Gras, « seul un commerçant russe peut comprendre des clients russes39 ». En effet, l’embauche de salariés locaux est la priorité à donner lors d’une implantation. M. Julien est resté la première année à Belgorod pour lancer la filiale dans ses activités de production et développer le réseau commercial. Aujourd’hui, Malteurop Russie emploie dans sa globalité uniquement des salariés russes40. C’est également le cas avec l’entreprise Alstom Grid : M. Brisset est arrivé seul en Russie et a été rejoint par un directeur financier français. Ils sont les deux seuls expatriés de l’usine41. Leroy Merlin en revanche, de part sa forte présence sur tout le territoire, emploie 6000 russes et 40 expatriés sont toujours sur place pour « établir un transfert de compétence le plus fort possible42 ». D’après mon analyse, quelque soit le secteur d’activités, la présence d’expatriés est indispensable, au moins au lancement de la filiale russe. Ensuite, l’étendue de l’entreprise justifie un contrôle continu ou non des activités étrangères par la société mère. Dans tous les cas, il est important que la communication entre le pays d’origine et le pays d’accueil soit efficace et permanente afin de garder le contrôle sur les activités. La théorie de Benoit THERY (THERY Benoit, 2002) sur la pertinence d’une communication effective est donc validée. Afin de conclure sur cette analyse des enquêtes, il est indispensable de retenir que cette étude exploratoire suit une démarche démonstrative ; les suppositions sont donc seulement basées sur des tendances et non pas sur des faits scientifiques. Les éléments de recherches et leurs réponses sont discutables et de nombreux axes de discussions sont envisageables. 39 Interview de M. Gras, Q6.R6, p. 74 Interview de M. Julien, Q6.R6, p. 79 41 Témoignage de M. Brisset, Q11. R11, p. 87 42 Interview de M. Gras, Q6.R6, p. 74 40 59 D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française en Russie L’utilisation des entretiens de M. Gras et de M. Julien ainsi que de témoignages d’entrepreneurs français m’ont permis d’élaborer une liste des facteurs clés de réussite dans le cas d’une implantation d’entreprise française en Russie. J’en ai relevé quatre. Premièrement, l’élément majeur à prendre en compte avant son entrée sur le territoire russe est de prendre conscience des différences culturelles et de les comprendre. Comme l’ont démontré les personnes interrogées ci-dessus, il est essentiel de comprendre la personnalité contrastée des Russes et de s’en imprégner. Les Russes sont tantôt froids et fiers, tantôt accueillants et chaleureux ; les entrepreneurs français doivent sans cesse s’adapter aux situations pour ne pas froisser leurs interlocuteurs et établir des relations de confiance stables. Deuxièmement, il est impératif pour les managers français de connaître l’Histoire du management russe à l’époque soviétique et d’être au courant du style de management actuel. Les deux pays sont opposés de part leurs structures hiérarchiques. Afin de trouver un équilibre entre les deux managements, les entretiens ont permis de relevé l’importance d’installer une hiérarchie intermédiaire dans les entreprises franco-russes. Elle permet alors de rapprocher les deux cultures, qui sont toutes deux obligées de faire des efforts pour pouvoir collaborer. Elles se retrouvent donc sur un terrain neutre, sur lequel Français et Russes doivent s’adapter pour évoluer ensemble. Troisièmement, il a largement été démontré que les Russes accordent une grande importance à leur réseau relationnel pour accorder leur confiance. La logique de ce système d’organisation par clan est de faire confiance oralement et de minimiser les contrats écrits. Cependant, les règles administratives françaises sont d’une part beaucoup plus contractuelles qu’en Russie et d’autres parts sont obligatoires dans les relations franco-russes pour ne pas se faire avoir lors des négociations. C’est pourquoi l’une des clés de réussite en Russie est d’établir des règles administratives claires et les plus précises possibles afin d’être couvert en cas de litige. Pour finir, la quatrième clés de succès pour une entreprise française implantée en Russie est de pénétrer progressivement le marché Russe. En effet, les entretiens et les enquêtes ont mis en avant l’importance d’adopter une stratégie d’implantation progressive, en 60 prenant le temps de fixer des objectifs à court terme au début et d’augmenter cette vision stratégique si l’implantation est réussie. Cette stratégie d’implantation réside également dans le choix de localisation de l’entreprise. Il a également été démontré qu’une première implantation devrait toujours commencer à Moscou ou Saint-Petersbourg afin de tester le marché et de se développer dans d’autres régions par la suite si le marché est porteur. Finalement, Eric Brisset, leur de son témoignage, a très bien résumé le comportement à adopter pour un Français en Russie : « Une des clés de succès, c’est qu’il faut être Russe en Russie 43». C’est-à-à-dire que pour augmenter ses chances de réussite, il faut s’adapter au maximum à la culture russe et ne pas essayer d’imposer le mode de gestion occidentale ; je pense que les Russes ne sont pas encore tout à fait prêts pour cela. 43 Témoignage de M. Brisset, Q12. R12, p. 88 61 Conclusion Générale « C’est dans la durée que le succès se construit » (BRISSET Eric, www.lecourrierderussie.com, 2011). Effectivement cette phrase résume parfaitement la patience dont doivent faire preuve les managers français pour implanter leurs entreprises sur le territoire russe. Pour rappel, ce mémoire de recherches a été mené dans le but de comprendre l’importance du facteur humain et des choix stratégiques dans le cas d’implantations d’entreprises françaises en Russie. Pour répondre à cette problématique, deux propositions de recherches sont ressorties de la revue de la littérature : - Un management interculturel efficace permet de réduire les problèmes de communication lors d’une implantation française en Russie, - Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger. L’étude exploratoire menée en deuxième partie de ce mémoire de recherches a permis de valider ces deux propositions de recherche. En effet, la première proposition de recherche, extraite entre autre de l’ouvrage d’Alla SERGUEEVA (SERGUEEVA Alla, 2006) a été validée par tous les intervenants, que ce soit à travers les enquêtes de M. Julien et de M. Gras que les témoignages de M. Brisset et de M. Micheau. Ils affirment tous que la réussite d’une implantation repose en grande partie sur la compréhension de la culture nationale russe. Je rejoins moi-même leur position pour avoir également vécu deux immersions totales au sein de la culture russe. Son insertion au sein de la société russe demande des efforts pour comprendre la culture et surtout, pour ne pas juger ouvertement leur mode de vie, sous peine de vexer ses interlocuteurs russes et de bloquer la communication. Une bonne compréhension de la culture nationale permet donc un management interculturel efficace. De plus, la mise en place d’une culture d’organisation, c’est-à-dire la création d’une véritable identité d’entreprise partagée par tous les employés est primordiale pour favoriser l’adhésion de toutes les cultures aux valeurs de l’entreprise. Je pense effectivement que la 62 culture d’organisation permet de créer une nouvelle culture, basée sur la culture française et la culture russe. Ainsi, chacun fait un pas vers l’autre et permet que les deux parties soient égales en termes d’efforts à fournir pour évoluer dans un environnement international nouveau. Enfin, un management interculturel efficace passe par un entrepreneur possédant des qualités multiculturelles et de longues expériences dans le domaine du management international. En effet, les enquêtes et témoignages ainsi que Benoit THERY (THERY Benoit, 2002) sont convaincu que des années d’expériences sont nécessaires pour maitriser toutes les qualités essentielles d’un manager international. M. Julien, M. Gras ou bien encore M. Brisset et M. Micheau ont tous acquis de l’expérience à l’international avant de diriger une équipe russe. Tous ces éléments permettent donc de valider la première proposition de recherche qui consistait à faire réduire les problèmes de communication grâce à un management interculturel efficace. La deuxième proposition de recherche, qui était « Le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger » a également été validée par les propos des intervenants. En effet, la revue de la littérature a permis de développer l’importance de la présence d’une gestion internationale des Ressources Humaines au sein d’une entreprise internationale. Si le service des Ressources Humaines occupe une place si importante dans la vie de l’entreprise, c’est pour une raison : sans employés motivés et à l’aise dans leur travail, grâce à une bonne gestion de leurs carrières, une entreprise ne peut pas fonctionnée correctement et étendre ses activités. De plus, toutes les entreprises analysées au cours de ce mémoire de recherches ont toutes un point commun : toutes fonctionnent avec une ou plusieurs personnes françaises au sein de leurs usines russes, mais la grande majorité des employés sont des Russes. Comme déjà cité auparavant par M. Gras, « seul un commercial russe peut comprendre un client russe ». Une fois de plus, cette affirmation valide la proposition de recherche. Cependant, j’aimerais ajouter un complément à cette proposition de recherche : le facteur humain est l’élément majeur à prendre en considération lors d’une implantation à l’étranger, mais les choix stratégiques d’implantation représentent également un facteur incontournable dans la réussite d’une implantation. En effet, comme mentionné plus en détails auparavant, toutes entreprises ne peuvent pas s’implanter en Russie : certains secteurs 63 d’activités tels que la production gazière sont condamnés pour le moment à rester majoritairement russes, car ils représentent la fierté du pays. Le choix de la ville d’implantation est également important. La théorie de Jean-François COLLIN (COLLIN Jean-François, 2009) ainsi que les témoignages et enquêtes portent tous un intérêt important à la localisation des filiales russes. Tous (Leroy Merlin, Step Construction, Yves Rocher, Alstom) ont commencé leurs affaires en Russie par une implantation stratégique à Moscou ou Saint-Pétersbourg ; la seule exception est Malteurop, qui a choisit de s’implanter à Belgorod, pour des raisons également stratégiques, mais cette fois-ci en terme de logistique. Pour résumer, les deux propositions de recherche ont été validées et même complétées par l’importance des choix stratégiques lors d’une implantation. Cependant, cette étude a quelques limites. En effet, ce mémoire de recherches est basé sur une analyse exploratoire et permet de relever des tendances. Aucune réponse n’a été scientifiquement prouvée et le sujet de discussion reste ouvert. Ensuite, cette étude a été possible car la culture française est très différente de la culture russe, de part leurs origines (occidentale pour la France, orientale et occidentale pour la Russie). En revanche, cette étude aurait été bien plus difficile à mener s’il était question de deux pays à tendance similaires, tels que la France et l’Italie par exemple, tous deux étant des pays latins. Le sujet de l’implantation d’entreprises françaises en Russie peut amener de nombreuses autres problématiques, et notamment celle de la différence de la prise en compte du facteur humain en fonction du secteur d’activité. En effet, il pourrait être intéressant de comparer plus en détails les différences de management entre le secteur de la distribution et de l’industrie, toujours dans le cadre des différences culturelles franco-russes. 64 Annexes A. Grille de l’enquête terrain ................................................................................................ 66 B. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Pierre-Louis GRAS ................................. 70 C. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Denis JULIEN ......................................... 78 D. Témoignage de Joël-Henri Micheau : "Les Russes sont très directs en affaires" ............. 83 E. Témoignage d’Eric Brisset : « Je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à être Français en Russie » ............................................................................................................................... 85 65 A. Grille de l’enquête terrain GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF Nom : Prénom : Entreprise : Poste occupé : Introduction Etudiante en dernière année du programme ESC au sein du groupe Sup de Co La Rochelle, je réalise un mémoire de fin d’études sur le thème de l’importance du facteur humain lors d’implantations d’entreprises françaises en Russie. Cette enquête est menée dans le but de comprendre l’importance du management interculturel lors d’implantations d’entreprises françaises en Russie et d’analyser les différences de comportements entre les deux cultures. Ce questionnaire a également pour but de montrer l’évolution de la structure et de la gestion du facteur humain en fonction des phases de l’implantation. Je vous remercie de répondre le plus précisément à cette enquête en illustrant vos propos par des exemples. L’IMPLANTATION EN RUSSIE 1) A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ : 1 semaine 1 mois 3 mois 6 mois et plus 66 2) Ce choc culturel fut : Très difficile Difficile Facile Très facile 3) La réaction de vos hôtes fut : Agressive Froide Courtoise Chaleureuse Remarques / Exemples : 4) Comment définiriez-vous la culture russe ? Dans leur vie quotidienne : Dans leur vie professionnelle : L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE 5) Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? : Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH, juridique, marketing, financier…) Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les agences, les clients…) Remarques / Exemples : 6) Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ? Embaucher en intégralité des expatriés français Embaucher des expatriés français et des salariés russes Embaucher seulement des salariés locaux Remarques / Exemples : 67 7) Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ? Organisation identique De légères adaptations ont été mises en place De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place Organisation totalement différente Remarques / Exemples : 8) Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? Très court terme Court terme Court terme à moyen terme Long terme Remarques / Exemples : 9) Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ? Oui Non Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ? 10) Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ? Très hiérarchiques Hiérarchiques Peu hiérarchiques Manque de hiérarchie Remarques / Exemples : 11) Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ? Oui Non Remarques / Exemples : 68 12) Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel). Que pensez-vous de ce fonctionnement ? DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE 13) Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en Russie. Le saviez-vous ? Oui Non Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région d’implantation ? Oui Non Remarques / Exemples : Conclusion 14) Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en Russie ? Je vous remercie pour le temps accordé à cette enquête et pour la précision de vos réponses. 69 B. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Pierre-Louis GRAS GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF Nom : GRAS Prénom : Pierre-Louis Entreprise : LEROY MERLIN Poste occupé : Directeur Marketing et Achat de Leroy Merlin Russie L’IMPLANTATION EN RUSSIE Q1 : A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ : 1 semaine 1 mois 3 mois 6 mois et plus R1 : Je ne peux pas vraiment parler de choc culturel. Cette expatriation n’était pas pour moi la première et mes précédentes expatriations se sont déroulées en Asie Chinoise (sur 20 ans de carrière pro, j’en ai effectué 13 hors de France avec une première expatriation à Taiwan à l’âge de 24 ans). D’un point de vue personnel on doit plutôt parler d’une construction de repères plus que de choc culturel. Effectivement il y a une première étape où l’on doit reconstruire ses référentiels et ses habitudes (quelque chose d’aussi basique que faire ses courses est un peu compliqué). Sur le plan pro, je suis arrivée en Russie pour le lancement d’un projet (ouverture de Leroy Merlin) et non pour rentrer dans une société/équipe déjà en marche. Cela veut dire que je n’ai pas été confronté à une autre culture directement. Au final nos amis russes restent très proches de nous. Q2 : Ce choc culturel fut : Très difficile Difficile Facile Très facile 70 R2 : Nous ne parlons pas de choc mais de prise d’habitudes. D’un point de vue professionnel cela fut facile. D’un point de vue personnel, c’est plutôt difficile car il faut apprendre la langue et se repérer dans un environnement de commerce et service très peu développé et sortant de 70 ans de collectivisme. Q3 : La réaction de vos hôtes fut : Agressive Froide Courtoise Chaleureuse R3 : Les Russes ont un premier abord plutôt froid mais deviennent chaleureux à partir du moment où l’on rentre un peu dans leur intimité. Vous êtes toujours désagréablement surpris par l’accueil déplorable de votre boulanger mais séduit par l’attention que va porter votre concierge à vos enfants en bas âge. Q4 : Comment définiriez-vous la culture russe ? Dans leur vie quotidienne : Dans leur vie professionnelle : R4 : C’est une culture façonnée par plusieurs paramètres : un pays immense aux conditions extrêmes (froid, nature hostile….) couvrant deux continent (Europe-Asie), De nombreux échanges de populations (slaves, turco-mongols, asiatique…), une histoire assez agitée, 70 ans de totalitarisme (faisant suite à 450 ans d’autocratie absolue – mais bon , cause ou conséquence)….etc. Il faut également comprendre que pendant 50 ans, la Russie (à travers l’URSS) a fait trembler le monde, mais qu’ils sont réduits aujourd’hui sur beaucoup de points au rang de pays en voie de développement. Dans leur vie quotidienne : La fameuse âme russe qui mélange la plus grande dureté au plus grand romantisme. Ce sont des gens à l’approche très abrupte, dur au mal (à mon arrivée j’ai vu 7 cadavres de personnes renversée sur la route, sans que cela ne bouleverse personne). Puis ils sont capable de s’émouvoir pour la beauté des choses, sont très cultivés, ont la larme facile. Ils sont parfois allemands et parfois italiens. 71 Ils sont également un mix entre un esprit assez rationnel européen et cette forme très asiatique de faire confiance au destin. Dans leur vie professionnelle : Il s’appuie sur le précédent mais opère sur une espèce de no man’s land de jurisprudence et pratiques éprouvées. Seuls les plus jeunes (20 ans maximum en 1990) ont compris comment fonctionne le capitalisme. Il pratique ainsi une forme de capitalisme de la ‘première heure’ où la loi du plus fort à tendance à régner (un peu comme le développement du capitalisme au USA à la fin du 19iéme). Une grande phrase : ‘tous mes millions sont honnêtes, sauf le premier’. C’est un pays ou la corruption est endémique (en partie héritage du communisme, en partie la conséquence de cette vision asiatique du relationnel, en partie le résultat de l’absence de repères et structures…). Ce sont des gens redoutablement intelligent, qui apprennent très vite. Ils sont plus spéculateurs que entrepreneur (mais j’aurai du mal à dire que cela est du à leur culture). Dans les deux cas ils sont très nationalistes (pas chauvins, vraiment nationalistes), ce qui les amène dans la vie professionnelle à alterner un certain complexe d’infériorité (le sentiment d’avoir tout à apprendre après tant d’année à l’écart du monde ‘normal’) et en même temps une envie de dominer le monde (ce que leur poids dans les matières premières mondiales et l’hyper richesse que cela a entraine leur permet de nourrir) L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE Q5 : Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? : R5 : Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH, juridique, marketing, financier…) La société est passée de 3 collaborateurs (expatriés) à 5000 quand j’en suis parti (6000 aujourd’hui), de 1 magasin ouvert en 2004 à 12 en 2009 (18 aujourd’hui). Tout à donc changé car mis en place, mais nous avions dés le départ des départements marketing-achats, RH, Finance-gestion, Juridique, SI et développement (en charge de la recherche de nouveaux terrains). Est venu s’ajouter en 2007 un département organisation (comment mieux gérer les 72 ‘gestes métiers’, les flux d’informations…) accolé au SI, puis la création de 3 régions (ensemble de 4 à 6 magasins) en 2008 pour accompagner la chaine de management. La principale avancée est bien entendu la prise de compétence de l’ensemble des collaborateurs et ainsi la responsabilisation induite. Un développement d’une forme d’affectio societatis faisant suite à non croyance du discours de la société, et au-delà un rééquilibrage de la notion de droit et devoir chez les collaborateurs. Enfin il a été important de réfléchir à des notions de gouvernance pour accompagner l’autonomie et la prise de décision de chacun ‘au plus prés de l’action’. Cette notion ne semble sur pas vitale qd il n’y a qu’un magasin et donc une grande proximité/présence des dirigeants. A 5000 personnes et 12 magasins de Novosibirsk à Moscou, cela devient primordial. Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les agences, les clients…) Principalement une plus grande crédibilité devant la montée en puissance de notre société. En parallèle les tiers sont devenus de plus en plus professionnels ce qui nous permet de construire des partenariats beaucoup plus puissant (au service du client final par exemple). Enfin nous pouvons plus facilement imposer nos règles du jeu qu’au tout début, ce qui ne veut pas dire que nous déséquilibrons les relations en notre faveur : Remarques / Exemples : Aujourd’hui, tous les grands promoteurs immobiliers pensent à nous et viennent nous voir quand ils travaillent sur des projets de centre commerciaux. Cela n’était bien sur pas le cas au tout début. A l’ouverture du premier magasin, seul 50% de nos fournisseurs était capable de ‘gencoder’ les produits (un gencode est primordial dans un système libre service) nous obligeant à le faire nous même. Aujourd’hui ce cas a disparu. Au début certains partenaires ne comprenaient pas pourquoi il fallait signer des contrats pour formaliser notre relation (une société européenne moderne et responsable ne peut plus faire autrement). Certaines discussions achoppaient sur ce point. Aujourd’hui certains partenaires ne comprennent toujours pas (ils sont de moins en moins) mais ne discutent même plus ce point dans l’espoir de travailler avec nous. 73 Q6 : Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ? Embaucher en intégralité des expatriés français Embaucher des expatriés français et des salariés russes Embaucher seulement des salariés locaux R6 : La priorité est, et doit être, donnée au recrutement local (seul un ‘commerçant’ Russe peut comprendre des clients Russes). Il faut cependant accepter que certaines compétentes ne se trouvent pas sur le marché de l’emploi local. Il faut donc les ‘importer’ (expatriés) pour établir un transfert de compétence le plus fort possible. Il y a aujourd’hui 40 expatriés pour 6000 collaborateur.s Q7 : Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ? Organisation identique De légères adaptations ont été mises en place De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place Organisation totalement différente R7 : J’ai répondu à la question 5 Q8 : Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? Très court terme Court terme Court terme à moyen terme Long terme R8 : Vision plutôt court terme. Deux explications (au moins), une confiance dans l’avenir très limitée par rapport à l’histoire, une méfiance naturelle vis-à-vis du discours de entreprise (pas de référentiel et beaucoup d’exagération). Cela a été accentué par une période d’euphorie (2002 – 2008) où tout allé très vite et où les référentiels vont plutôt à l’argent rapide. Il est par exemple très difficile de lancer des démarche stratégique de type ‘plan à 5 ans’. Un collaborateur préférera changer de job pour une augmentation de 100€ plutôt que croire au discours de son employeur sur les promotions potentielles. 74 Q9 : Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ? Oui Non Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ? R9 : On ne parle pas vraiment de vision stratégique, les différences prenant source dans bien d’autres facteurs plus que dans la vision de l’échelle temps. Le plus problématique dans la gestion de la vision court terme est d’arriver à fidéliser des collaborateurs et à leur faire comprendre que la montée en ‘vraie’ compétence prend du temps et de l’investissement. Q10 : Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ? Très hiérarchiques Hiérarchiques Peu hiérarchiques Manque de hiérarchie R10 : Relation très hiérarchique. Tout d’abord, une construction de la société très hiérarchique (450 ans d’autocratie absolue + 70 de totalitarisme). Puis un monde de l’entreprise articulé autour de patrons-propriétaires qui décident (et veulent décider) de tout et entretiennent une forme de paternalisme (comme Louis Renault en son temps). Enfin une forme de société (voir et comprendre la pyramide de Maslow) où travailler sert à vivre et non pas à s’épanouir. Q11 : Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ? Oui Non R11 : Dans l’ensemble oui, car la Russie est un pays de règles et normes (tout cela est lié). Par contre la corruption, même la plus petite, est un vrai problème (certainement pas généralisé) et nous avons vu par exemple un collaborateur en magasin demander de l’argent à un chauffeur-livreur s’il voulait que son camion soit déchargé (ce qui était son travail). 75 Q12 : Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel). Que pensez-vous de ce fonctionnement ? R12 : Je ne suis pas sur de bien comprendre la question. Les russes utilisent effectivement leur réseau mais pas dans le but d’établir une relation de confiance au travail. Dans certains cas un patron ne va s’entourer que de membres de sa famille ou d’amis, c’est effectivement pour lui une façon d’avoir confiance. Dans d’autres cas, par exemple, un acheteur va plus travailler son réseau de ‘fournisseur’ que la négociation qu’il doit mener pour son employeur. Ainsi fait, il garde son réseau quand il change d’employeur (comme le ferait un VRP). On ne peut pas vraiment parler là de relation de confiance. DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE Q13 : Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en Russie. Le saviez-vous ? Oui Non R13 : Cela semble évident Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région d’implantation ? Oui Non R13 : Chacun de nos magasins est une PME qui est destiné à servir un client et des besoins locaux et à s’inscrire dans une collectivité (locale). La première des clefs est donc pour nous de comprendre et modifier nos approches. C’est primordial. Conclusion Q14 : Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en Russie ? R14 : Tout d’abord beaucoup de plaisir et surtout une très grande aventure humaine (couronnée d’un succès d’entreprise). 76 Comme je le mentionnais au début je n’ai pas le sentiment d’avoir vécu de choc culturel mais plus d’avoir rencontré les difficultés normales de quelqu’un qui à changé son environnement. On s’aperçoit que les Russes ont énormément de points en communs, et d’ailleurs, de croisement d’histoire, avec les Français (la notion de la politesse par exemple). Après ils sont extrêmement multi-facettes car baignés de multiples influences (ethnique, géographique….) ce qui peut les rendre un peu déroutants sur certaines situations. La plus grande difficulté provient plus de ce manque de structuration des affaires et des différents chaos qu’ont engendré l’histoire récente. Ils se construisent des repères et avancent de façon parfois surprenante sur le chemin de la démocratie et de l’économie de marché, en effectuant de temps en temps, ‘Un pas en avant et deux pas en arrière’ comme avait dit Lenine au moment de lancer la NEP (1924). Rien de plus normal quand on voit le temps que nous avons mis à construire la société française tel qu’elle est aujourd’hui. 77 C. Questionnaire semi-directif : Réponses de M. Denis JULIEN GUIDE D’ENTRETIEN INDIVIDUEL SEMI-DIRECTIF Nom : JULIEN Prénom : Julien Entreprise : MALTEUROP Poste occupé : Directeur Technique du Groupe L’IMPLANTATION EN RUSSIE Q1 : A votre arrivée en Russie, la phase du choc culturel fut de/d’ : 1 semaine 1 mois 3 mois 6 mois et plus R1 : Nous n’avons pas eu de choc culturel, grâce à notre expérience en Ukraine depuis de nombreuses années. Mais je peux estimer cette période d’adaptation à 6 mois pour une première expérience à l’Est. Q2 : Ce choc culturel fut : Très difficile Difficile Facile Très facile R2 : Très facile, de fait. Q3 : La réaction de vos hôtes fut : Agressive Froide Courtoise Chaleureuse 78 R3 : Nos contacts Russes sont essentiellement des producteurs d’orges, des traders ou des fournisseurs d’équipements, donc très courtois. Les relations avec nos clients brasseurs internationaux implantés en Russie sont identiques aux autres pays. Les relations administratives et politiques sont plus délicates et sensibles, mais restent courtoises. Q4 : Comment définiriez-vous la culture russe ? R4 : Dans la vie quotidienne : Les Russes sont très fiers de leur pays, mais n’ont pas de vision de leur avenir à long terme. Ils sont donc très individualistes. Dans la vie professionnelle : Idem dans la vie professionnelle, mais ils attendent un grand support de l’entreprise employeur et sont très opportunistes. L’ORGANISATION DU TRAVAIL EN RUSSIE Q5 : Quelles évolutions avez-vous observé entre cette date et aujourd’hui (observations d’ordre organisationnelles, structurelles, relationnelles..) ? : R5 : Au sein des services internes de l’entreprise (tels que les services RH, juridique, marketing, financier…) : Les entreprises se structurent selon le modèle occidental. Dans vos relations avec les prestataires externes (tels que les fournisseurs, les agences, les clients…) : Les relations commerciales sont normalisées, mais la part administrative, tels que les contrats, garanties etc… reste très compliquée. Les engagements commerciaux ne sont pas toujours très fiables si la volatilité des cours varie en défaveur du fournisseur. Q6 : Quel type d’organisation avez-vous choisi d’implanter ? Embaucher en intégralité des expatriés français Embaucher des expatriés français et des salariés russes Embaucher seulement des salariés locaux R6 : … 79 Q7 : Aujourd’hui, quelle est la situation de l’organisation initiale ? Organisation identique De légères adaptations ont été mises en place De grandes modifications organisationnelles ont été mises en place Organisation totalement différente R7 : La filiale dépend de l’organisation commerciale, achats matière premières et industrielle centralisées par Malteurop Groupe. Rapprochement avec la filiale Ukraine pour bénéficier des services du laboratoire central de Kharkov et des expertises techniques de process. RH organisation commune, mais responsable en Ukraine. Q8 : Comment définiriez-vous la vision professionnelle de vos collègues russes ? Très court terme Court terme Court terme à moyen terme Long terme R8 : Ils sont confrontés aux contrats longs termse, préparés par le groupe avec les clients internationaux et donc contraints de raisonner au minimum à moyen terme. Q9 : Ces différences de visions stratégiques ont-elles été problématiques ? Oui Non Si oui, de quelle manière les avez-vous géré ? R9 : Nous avons du les former à cette nouvelle approche des marchés et aux visions long terme des budgets de fonctionnement, notamment, les CAPEX. 80 Q10 : Comment qualifieriez-vous les relations hiérarchiques en Russie ? Très hiérarchiques Hiérarchiques Peu hiérarchiques Manque de hiérarchie R10 : Nous avons eu des difficultés à créer une hiérarchie intermédiaire et le DG est encore trop souvent confronté aux problèmes quotidiens, qui ne sont pas de son ressort. . Q11 : Pensez-vous que les règlements / normes internes à l’entreprise sont bien respectées ? Oui Non R11 : … Q12 : Afin d’établir une relation de confiance au travail, les russes utilisent souvent leurs différents réseaux (qu’ils soient professionnel ou personnel). Que pensez-vous de ce fonctionnement ? R12 : Il est pour le moment indispensable et il fait partie de leur organisation et culture. Cette pratique doit être strictement contrôlée et transparente. Il devrait toutefois tendre à se normaliser et nous y employons prudemment. DIFFERENCES GEOGRAPHIQUES EN RUSSIE Q13 : Des différences culturelles apparaissent en fonction de la situation géographique en Russie. Le saviez-vous ? Oui Non R13 : Oui, mais nous sommes concernés uniquement par la région sud_ouest. Si oui, avez-vous adapté votre mode de fonctionnement en fonction de la région d’implantation ? Oui Non R13 : Très proche de la culture Ukrainienne que nous connaissions bien. 81 Conclusion Q14 : Quelle conclusion générale pourriez-vous tirer de cette expérience d’implantation en Russie ? R14 : La Russie est un pays à fort potentiel de développement et d’influence sur les pays périphériques et reste pour le moment incontournable dans cette région du globe, malgré : Notre expérience difficile dans un marché instable mais si il est en prévision de croissance et de stabilité. Un relationnel administratif compliqué, mais en légère évolution. Une ouverture croissante vers l’Europe. Fort potentiel de consommation et de production de matières premières agricoles. 82 D. Témoignage de Joël-Henri Micheau : "Les Russes sont très directs en affaires" Etabli à Saint-Petersbourg depuis trois ans, Joël-Henri Micheau explique comment trouver un travail sur place et évoluer dans le monde des affaires. Ses impressions, ses conseils. Il y a déjà près de trois ans que Joël-Henri Micheau travaille à Saint-Petersbourg, tout d'abord en tant qu'enseignant en université et maintenant pour le compte d'une entreprise russe : Step Construction. Seul étranger dans l'entreprise, il occupe le poste de responsable du développement international directement sous les ordres du PDG. Il est chargé de trouver des investisseurs industriels étrangers, les accompagner, voire leur proposer de prendre en charge la construction de leur usine sur le sol russe. Q1 : Qu'est-ce qui vous a amené à travailler en Russie ? R1 : A 53 ans, j'étais considéré comme un "vieux" en France, et après une courte période sans activité, j'ai commencé à dispenser des cours de marketing et d'économie en français et en anglais dans une université russe. On m'a ensuite proposé un poste avec un salaire de cadre supérieur, des missions intéressantes, le tout couronné au final d'un certain succès. Q2 : Comment avez-vous trouvé votre emploi ? Vers qui vous êtes-vous tourné ? R2 : Je suis très rapidement entré dans des associations culturelles comme Les volontaires de l'Hermitage, l'équivalent à Saint-Pétersbourg du Louvre, où j'ai travaillé et conçu les textes en français pour la visite. Cela m'a ouvert les portes des musées de la ville et surtout celles d'un important réseau relationnel, chose indispensable en Russie, plus qu'en France. J'espérais un bon poste, c'est pourquoi je me suis fait très présent dans ce réseau pour me faire remarquer. J'ai également passé du temps au Spiba - Saint-Pétersbourg International Business Association - association ouverte à toutes les entreprises internationales. Q3 : Comment se déroule une négociation en Russie ? R3 : Une négociation doit aller vite. C'est-à-dire qu'il faut rentrer le plus rapidement possible dans le sujet, sans prendre de précautions oratoires. Par contre, tant qu'on n'a pas signé quelque chose, ça ne vaut rien. Les gens parlent et oublient vite. Il ne faut pas s'attendre non plus à recevoir des écrits tout de suite. Il faut donc faire preuve de patience. Puis, il y a immanquablement des moments de convivialité où les gens en profitent pour vous juger. Et une vodka ne se refuse pas : vous risqueriez qu'on vous laisse mariner ou carrément qu'on vous envoie balader ! Les Russes sont sur le même continent que les Chinois, ne l'oublions pas... 83 Q4 : Comment se présente l’organisation du travail, la vie des entreprises ou encore les relations d’affaires ? R4 : Les Russes sont plus désorganisés que les Français, qui le sont eux-mêmes nettement plus que les Japonais. Concrètement, les Russes n'arrivent jamais à l'heure à un rendez-vous ou une réunion. D'un autre côté, ils sont très directs, favorisent le fonctionnel, quitte à être un peu brutal et ce, dans beaucoup de choses. C'est une caractéristique très slave. Par exemple, si un sous-traitant ou un candidat à l'embauche n'intéresse pas un patron, il le lui dira directement sans fioritures, de la même manière que pour embaucher ou licencier quelqu'un. J'ai déjà vu des salariés quitter l'entreprise en l'espace de dix minutes. La Russie est ultra libéraliste et le social passe en second. Q5 : Qu'est-ce qui vous a surpris à Saint-Pétersbourg ? R5 : Quand on ne connaît pas la Russie, on a une première impression de musée à l'air libre, que tout est suranné, à l'image des bus par exemple. Au-delà de l'apparence, cela marche de 30°C à +30°C ! Le plus difficile, ce sont les nuits qui s'étalent de 16h00 à 10h30 de fin août à fin janvier. De mai à début août, les nuits blanches de Saint-Pétersbourg durent quant à elles de 1h15 à 2h30, sans obscurité totale : une période propice à de nombreuses fêtes. Tout à fait sur un autre plan, les gens consomment comme des fous, plus qu'en France je pense. Il y a une sorte de frénésie et on sent bien qu'il y a eu auparavant des temps difficiles. De plus, c'est une société de l'image, de l'apparence, où beaucoup veulent avoir les produits dernier cri. Pourtant, les salaires sont peu élevés : 200 à 300 dollars par mois pour un ouvrier. Vous êtes richissime si vous touchez 1.000 dollars par mois. Enfin, certains Russes sont très nationalistes et peu tolérants, même au sein de leur propre pays. Q6 : Quels conseils donneriez-vous à un Français qui serait amené à travailler avec des Russes ? R6 : Tout d'abord, de ne jamais se mettre en colère devant un Russe. Il risquerait de perdre toute crédibilité car les affaires ou le travail ne sont pas primordiaux. On n'efface pas un siècle d'habitudes soviétiques : le travail a pour beaucoup une connotation alimentaire, c'est tout. Il ne faut pas non plus faire de critiques, ni de commentaires en prenant exemple sur la France. Ils ont l'impression qu'on ne les prend pas au sérieux, et ont un certain complexe d'infériorité. La Russie d'aujourd'hui, c'est l'Europe il y a vingt ans. Q7 : Quel bilan faîtes-vous aujourd'hui de votre situation ? Souhaiteriez-vous revenir en France ? R7 : J'ai aujourd'hui un emploi indéboulonnable. Le fait que je parle russe est un avantage important ici mais pas hors de Russie pour l'instant. Je suis certain que je ne trouverais pas de poste équivalent au mien en France. 84 E. Témoignage d’Eric Brisset : « Je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à être Français en Russie » À 34 ans, Éric Brisset est directeur général de l’usine Alstom Grid à Ekaterinbourg. Pour lui, l’expérience du management en Russie exige humilité et persévérance. C’est dans la durée que le succès se construit. Et à l’entendre, plus l’expérience est longue, plus elle devient passionnante. Q1 : Comment a débuté votre carrière en Russie ? R1 : Je suis arrivé en Russie pour une première mission en décembre 2003. Le groupe Lesaffre était alors sur le point de racheter trois sites industriels : deux en Russie, à Kourgan et dans la région de Toula, et un en Ukraine, à Krivoï Rog. Il fallait envoyer des experts qualifiés techniquement et capables d’établir un plan d’action sur les premières mesures à prendre pour améliorer la qualité, la rentabilité, etc. C’était une mission courte, disons de reconnaissance, qui consistait aussi à faire connaissance avec les gens sur place et comprendre les mentalités. Pendant trois à quatre mois, j’ai fait des allers-retours sur la Russie : je passais une semaine au siège de l’entreprise puis une semaine sur chaque site. Q2: Vous partiez seul ou avec des collègues ? R2 : Non, non, seul. Enfin, des collègues m’accompagnaient les premiers temps, mais en général, j’étais seul avec un interprète. Il y avait déjà une équipe d’expatriés sur le site en Ukraine, mais personne en Russie. Ensuite, j’ai continué à sillonner la Russie pour le même type de mission, mais cette fois en étant basé à Moscou. Puis on m’a proposé la direction technique et, pratiquement dans la foulée, en mars 2006, la direction du site de Kourgan. Une des clés est de trouver des gens motivés pour prendre la responsabilité d’un département ou d’une activité; c’est cette motivation qu’il faut entretenir. Q3 : Comment êtes-vous passé de la levure à l’électricité ? R3 : Fin 2008, le groupe Areva T&D m’a contacté par l’intermédiaire d’un cabinet de recrutement basé en France. Ils cherchaient quelqu’un pour diriger un gros site de production dans l’Oural et assurer la distribution du courant de moyenne tension sur la Russie. Ils voulaient une personne avec de l’expérience, autant dans le management avec des Russes sur un site industriel au-delà de l’Oural, que dans les relations avec les administrations. De ce point de vue, ils se sont montrés très constructifs car, venant de l’agroalimentaire, je ne connaissais pas bien le monde de l’énergie. C’est un pari qui a été tenté et qui a bien fonctionné. Q4 : La pratique est-elle courante ? R4 : Il y a plusieurs cas de figure : certaines entreprises françaises envoient des cadres en mission, d’autres emploient des expatriés, d’autres recrutent – très cher – des Russes parlant français ou anglais. 85 Q5 : Vous pensez que recruter un Russe sur un poste de direction coûte plus cher que d’embaucher un expatrié ? R5: Ça peut arriver, oui. Par exemple, recruter un directeur financier russe qui parle français et comprenne en profondeur les standards français, ou qui parle parfaitement anglais, ce n’est pas évident. Et forcément – parce que beaucoup de demande et peu d’offres – les salaires exigés sont élevés. La vraie valeur ajoutée d’un Français installé depuis longtemps en Russie, c’est qu’il est capable non seulement d’expliquer à ses collègues russes les réalités et les attentes de la maison-mère basée en France ou en Europe, mais aussi de faire comprendre à la maison-mère la réalité du marché. Qu’on le veuille ou non, je crois que dans la plupart des cas, les Français installés en France ont plus confiance dans les dires d’un Français basé en Russie que dans un Russe, qui n’aura peut-être pas la même capacité de conviction. Q6 : Un jeune cadre français peut-il aujourd’hui réaliser un parcours similaire au vôtre ? R6 : Oui, il y a beaucoup d’usines en construction, notamment dans la région de Kalouga, mais pas seulement. Il y a également de nombreuses sociétés à capital partagé. Bien sûr, il y a des opportunités. Je recommande aux jeunes qui ont de l’ambition, l’envie de démontrer quelque chose, de partir pour ces aventures. D’un point de vue personnel, ça vaut le coup. Moi j’ai appris énormément. Ce n’est pas facile comme expérience, mais je ne serais jamais arrivé à un poste de direction si rapidement en France ou en Europe. Il y a de réelles responsabilités à prendre vis-à-vis des gens que vous dirigez, vis-à-vis de votre employeur. Ce n’est pas toujours évident de faire correspondre les attentes de l’employeur aux réalités du marché et vice versa. Q7: Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ? R7 : D’abord la langue. Mais aussi les mentalités. L’échelle de temps est différente. Quatre ans après, j’attends toujours des tuyaux qui étaient censés arriver « demain ». Il ne s’agit pas d’une critique, ce sont simplement des choses qu’il faut intégrer. Et c’est parfois un choc. J’ai souvenir de trois phases : Durant la première, juste après mon arrivée, mes sensations étaient excellentes. J’avais l’impression que les gens comprenaient bien ce que je demandais, que je m’exprimais suffisamment clairement pour que les projets avancent. Et puis, au cours des mois qui ont suivi, j’ai ressenti complètement l’inverse. Cette deuxième phase est une période d’expériences amères, je ne veux pas dire négatives, mais difficiles, où vous êtes en proie au doute. C’est là que j’ai compris que les exigences de temps et de qualité n’étaient pas les mêmes. On voit d’ailleurs beaucoup d’expatriés quitter la Russie dès la première année. Et puis je pense qu’à un moment, je suis entré dans une troisième phase, où j’ai essayé de m’entourer d’une équipe de gens qui me comprenaient, en qui j’avais confiance, de m’appuyer sur de petits succès pour remonter la pente et comprendre les moments où ça marche et ceux où ça ne marche pas. Aujourd’hui, cela fait six ans que je suis dans cette dynamique positive. 86 Q8 : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur vos collègues russes ? R8 : Foncièrement, les Russes sont charmants. Ils sont attachants. Tous ceux qui vivent depuis plus de 2 ou 3 ans en Russie vous diront la même chose. En revanche, quand vous leur parlez de coordination au travail, il y a là des moments d’incompréhension qu’il faut savoir surmonter. Le management russe tel que je l’ai observé est plutôt un management directif, avec une très forte personnalité du directeur. Ce système a tendance à supprimer les initiatives et ce n’est pas ma manière de faire. Mais la difficulté c’est que les gens en face de vous attendent ça. A mon avis, une des clés est de trouver des gens motivés pour prendre la responsabilité d’un département ou d’une activité; c’est cette motivation qu’il faut entretenir. Q9 : Comment s’est passée votre prise de fonctions à Ekaterinbourg ? R9 : Avant moi, il y avait un directeur allemand. Puis, quand il est parti à la retraite, le directeur commercial russe a assuré l’intérim pendant deux ans. Quand je suis arrivé en poste, j’ai pris deux mois pour observer comment les choses se passaient. Durant cette période, j’ai laissé à mon prédécesseur le pouvoir de signer. J’ai identifié les potentiels, notamment grâce à la responsable des ressources humaines, puis j’ai établi un plan d’action qui devait permettre de mettre en place une nouvelle structure. Plus vous êtes libre de récompenser une personne pour une bonne initiative, vos commerciaux pour de bons résultats, plus vous avez de chance de réussir en Russie. Q10: Vous parlez de restructuration, j’imagine que cela implique aussi des licenciements. Comment avez-vous réussi à gérer cela au niveau de votre légitimité ? R10 : Je suis arrivé au pire moment de la crise, il n’y avait plus de commandes, l’usine était à l’arrêt. À mon arrivée, nous étions environ 320 dans l’usine. Aujourd’hui nous sommes 240. Je pense que pour les gens cela a été un choc, car ils ont associé mon arrivée à des licenciements. D’un autre côté, nous avons obtenu très rapidement des résultats. Nous avons sauvé l’usine de la fermeture en 2009 et multiplié par quatre les commandes en 2010. L’activité est repartie, et ça, les gens l’ont ressenti : ils n’étaient plus en chômage technique et ont commencé de croire au projet. Je suis plutôt partisan d’un effectif plus réduit, avec des gens mieux payés. Moins de personnes, mais qui travaillent beaucoup, qui sont bien formées et motivées : je pense que c’est l’équation vertueuse. Avant le plan social, il y avait des gens qui quittaient l’usine pour faire taxi. Plus vous êtes libre de récompenser une personne pour une bonne initiative, vos commerciaux pour de bons résultats, plus vous avez de chance de réussir en Russie. Actuellement, nous connaissons un turn-over extrêmement faible. Q11 : Avez-vous des collègues français à l’usine ? R11 : Nous ne sommes que deux : le directeur financier et moi. Ce n’est pas facile d’aller en province, c’est un contexte russo-russe, ce n’est pas comme à Moscou. Par exemple, il n’y a pas d’école française, et c’est un réel handicap pour un cadre expérimenté qui voudrait venir avec sa famille. À Ekaterinbourg, nous travaillons actuellement sur ce dossier avec le nouvel attaché culturel, Ronan Prigent. 87 Q12 : C’est ce qui explique que vous n’êtes que deux ? R12 : Non. La vraie raison, c’est que nous avons les bonnes ressources sur place, il y a beaucoup de jeunes spécialistes compétents ici. Il faut juste éviter de tomber dans le piège du spécialiste qui parle un fluent English, car ce n’est pas forcément le meilleur dans son domaine. On trouve d’excellents spécialistes en Russie, mais ils ne parlent pas nécessairement anglais. Il faut savoir les identifier, ce que saura faire un expatrié vivant depuis longtemps ici et parlant la langue. Une des clés du succès, c’est qu’il faut être Russe en Russie. Q13: Et quelles sont les autres clés du succès ? R13 : Il faut de l’humilité, il ne faut pas arriver en Russie et prétendre bouleverser le marché, changer les mentalités. Le marché est tel qu’il est, il faut simplement essayer de le comprendre au mieux. Il faut de l’ouverture d’esprit. Ensuite, ténacité et persévérance, car des échecs, il y en aura, ça fait partie du paysage. Cela semble banal à dire, mais il faut se préparer à vivre ces moments de solitude. Le troisième facteur – ça c’est le facteur perso, ma clé à moi – c’est mon épouse, que j’ai rencontrée à Kourgan. Elle m’a aidé professionnellement, elle me soutient beaucoup. Et puis il y a toute la partie culturelle. J’ai découvert des films fantastiques et je suis devenu un fan du théâtre russe. Q14: Comment voyez-vous votre avenir professionnel ? R14 : Je le vois très clairement, à court et moyen terme, en Russie. D’abord, je m’y sens bien malgré le climat. Les personnes les plus intéressantes que j’ai rencontrées ici, ce sont des collègues ou des amis russes. Ensuite, d’un point de vue plus pragmatique, je pense qu’il y a une vraie valeur ajoutée à être Français en Russie. Elle s’exprime surtout au bout de quatre ans, lorsque vous parlez la langue, que vous êtes capable de mieux comprendre le pays et que votre carnet d’adresses s’est étoffé. 88 Index des tableaux et figures Tableau Critères de différentiation culturelle dans le Management, Partie I. C. 1 ................ 37 Figures Repas russe, Partie I. A. 2 ........................................................................................ 16 Carte de Russie, Partie I. C. 1 .................................................................................. 33 89 Bibliographie Ouvrages/Manuels BENAROYA François, « L’économie de la Russie », Paris, La Découverte, 2006 BOUTILLIER Sophie, PEAUCELLE Irina, UZUNIDIS Dimitri, « L’économie russe depuis 1990 », Bruxelles, De Boeck, 2008 CHEVRIER Sylvie, « Le management des équipes interculturelles », Paris, PUF, 2000 COLLIN Jean-Francois, « S’implanter en Russie », Moscou, UbiFrance, 2009 ECKERT Denis, « Le monde russe », Paris, Hachette, 2007 EVRARD Lydie, VENETZ Ronan, « Réussir ses projets en Russie », Paris, Presses de l’Ecole des Mines, 2010 GOULVESTRE Laurent, « Les clés du comportement à l’international », La Plaine SaintDenis, Afnor, 2008 HOFSTEDE Geert, HOFSTEDE Gert Jan, MINKOV Michael « Cultures et organisations », Paris, Pearson, 2010 PINAUD Henri, « La gestion des Ressources Humaines en France », Paris, L’Harmattan, 2008 ROBERT Jocelyne, « Organisation et changement en entreprises », Belgique, Edition de l’Université de Liège, 2007 SEKIOU, BONDIN et ale. , « Gestion des Ressources Humaines », Montréal, De Boeck, 2004 90 SERGUEEVA Alla, « Qui sont les russes ? 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ENTREPRISES FRANCAISES ET CONTEXTE RUSSE : REVUE DE LA LITTERATURE ..................................................................................................................... 10 A. Culture d’organisation VS Culture nationale ................................................................ 10 La culture d’organisation : une nécessité pour l’entreprise ....................................... 10 1. a) Définition et mise en place d’une culture d’organisation ...................................... 10 b) Le rôle d’une culture d’organisation à l’international ........................................... 11 2. Culture nationale : France VS Russie ........................................................................ 12 a) Au quotidien........................................................................................................... 12 b) Les relations d’affaires ........................................................................................... 15 Une approche différente du travail ..................................................................... 15 La notion de hiérarchie ....................................................................................... 17 Un accès différent à l’information ..................................................................... 18 La négociation et ses coutumes .......................................................................... 19 B. L’Implantation : une adaptation humaine nécessaire .................................................... 22 1. Impact du facteur humain sur l’implantation ............................................................ 22 2. Création d’une Gestion Internationale des RH dans une implantation ..................... 23 a) Concept de Gestion Internationale des Ressources Humaines et son utilité ......... 23 b) Des évolutions de GIRH différentes ...................................................................... 24 c) Passage d’une GRH soviétique à une GRH Occidentale ....................................... 26 d) GIRH et cultures différentes : une combinaison difficile ...................................... 28 C. Facteurs clés de réussite en Russie ................................................................................ 30 1. Adopter des choix stratégiques judicieux .................................................................. 30 a) Un secteur d’activités porteur ................................................................................ 31 95 b) Une implantation géographique stratégique .......................................................... 32 c) Une stratégie d’implantation efficace .................................................................... 33 Passer d’une perception uni-culturelle au management interculturel ....................... 34 2. a) Les qualités requises d’un manager international .................................................. 34 b) Les compétences professionnelles nécessaires ...................................................... 35 c) 3. L’approche théorique de la différenciation culturelle dans le management .......... 36 Exemples de réussites françaises en Russie. ............................................................. 38 Conclusion ........................................................................................................................ 41 II. ETUDE EXPLORATOIRE ........................................................................................... 43 A. Champ d’application de l’étude .................................................................................... 43 Le secteur de l’Industrie : Cas de Malteurop ............................................................. 43 1. a) Le contexte ............................................................................................................. 43 b) Le choix de l’implantation ..................................................................................... 44 2. Le secteur de la Distribution : Cas de Leroy Merlin ................................................. 44 a) Le contexte ............................................................................................................. 44 b) Le choix de l’implantation ..................................................................................... 45 B. La méthodologie suivie ................................................................................................. 46 1. La démarche d’investigation ..................................................................................... 46 2. Le choix de la méthodologie de recherche ................................................................ 46 3. Le but ......................................................................................................................... 46 C. Le contre-rendu d’entretien ........................................................................................... 47 1. Introduction ............................................................................................................... 47 a) Le choix du public cible ......................................................................................... 47 b) Le contexte des enquêtes........................................................................................ 49 c) L’entretien semi-directif ........................................................................................ 49 2. L’analyse méthodologique de l’entretien .................................................................. 51 3. L’analyse des enquêtes .............................................................................................. 52 D. Les résultats : Les clés de réussite d’une implantation française en Russie ................. 60 96 CONCLUSION GENERALE ............................................................................................... 62 ANNEXES ............................................................................................................................... 65 INDEX DES TABLEAUX ET FIGURES ............................................................................ 89 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 90 97