Développer la recherche en médecine générale et en soins primaires en France : Propositions Rapport remis à Monsieur le Ministre de la Santé Monsieur le Ministre Délégué à la Recherche par Gérard de Pouvourville, Directeur de Recherche au CNRS, Coordonnateur du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale. 31 mai 2006 1 Introduction ................................................................................................................................ 3 1. Qu’est-ce que la recherche en médecine générale ?.............................................................. 4 La recherche et les médecins généralistes. ............................................................................. 4 La recherche en soins primaires. ............................................................................................ 9 2. La recherche en médecine générale en France : état des lieux ........................................... 10 Les « producteurs de recherche » ......................................................................................... 10 La production scientifique française en médecine générale................................................. 15 Un milieu dynamique mais des ressources insuffisantes et dispersées ................................ 16 3. Propositions d’action ........................................................................................................... 17 Créer les bases d’un potentiel de recherche universitaire .................................................... 17 Une organisation en pôles inter-régionaux........................................................................... 20 La filière universitaire en médecine générale ...................................................................... 20 Le rôle des sociétés savantes ................................................................................................ 23 La formation à la recherche .................................................................................................. 24 Le financement de la recherche ............................................................................................ 28 Le développement de bases de données ............................................................................... 29 4. Synthèse des propositions..................................................................................................... 30 Annexe 1- Liste des personnalités rencontrées ........................................................................ 34 Annexe 2 : Compte-rendu d’entretien ...................................................................................... 36 Professeur Didier Giet .......................................................................................................... 36 Annexe 3 – La recherche en médecine générale au Royaume-Uni. ......................................... 38 Annexe 4- La recherche en médecine générale aux Pays-Bas ................................................. 40 2 Développer la recherche en médecine générale et en soins primaires en France : Propositions Introduction Pour toutes les spécialités médicales, la recherche est un moteur essentiel de l’amélioration de la qualité de soins. Or, la médecine générale souffre indéniablement en France d’un handicap par rapport aux autres spécialités médicales, tant en matière de formation à et par la recherche au cours des études médicales, que par la faiblesse quantitative et l’éparpillement des travaux qui sont conduits sur l’amélioration de la prise en charge des malades par les services de santé de première ligne. Certes, il existe des travaux de très grand intérêt conduits avec abnégation par des médecins « missionnaires », au sein des Départements Universitaires de Médecine Générale, des sociétés savantes et au sein de réseaux qui se sont constitués pour répondre aux besoins de recherche. Mais ces initiatives peinent à atteindre une masse critique, en comparaison avec ce qui se passe dans d’autres pays développés, qui ont investi bien avant notre pays dans la recherche en soins primaires et dans l’organisation de la médecine de première ligne. Aujourd’hui, l’accession à l’internat de la médecine générale et au statut de spécialité qui y est attaché est l’occasion de structurer de façon durable dans notre pays une recherche conduite par des médecins généralistes sur leurs pratiques et sur leur rôle dans le système de soins. Par lettre de mission du 4 novembre 2005, M. le Professeur Gérard Bréart, au nom de M. le Ministre de la Santé, M. Xavier Bertrand, et M. le Professeur Philippe Thibault, au nom de M. le Ministre Délégué à la Recherche, M. François Goulard, m’ont demandé de présenter des propositions d’actions pour le développement de la recherche en médecine générale. Au cours de cette mission, j’ai mené près de quarante entretiens avec des représentants des Départements Universitaires de Médecine Générale, des sociétés savantes de la spécialités, avec des doyens de Faculté de Médecine, des représentants des trois Ministères concernés, la Santé, L’Education Nationale et l’Enseignement Supérieur, la Recherche ; les trois Médecins Conseils Nationaux des régimes d’assurance maladie, le Président du Conseil Scientifique de la CNAMTS, les représentants de syndicats médicaux, de l’URML de l’Ile-de-France et du syndicat des internes ; enfin, j’ai effectué des missions au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, et en Belgique. Je remercie tous mes interlocuteurs de leur écoute, et je peux témoigner qu’ils ont tous manifesté leur soutien à l’idée du développement d’une recherche forte réalisée par des médecins généralistes ayant reçu une formation de qualité aux méthodes scientifiques. Je les remercie aussi pour les idées qu’ils m’ont suggérées, et sur les conditions de la faisabilité des mes propres idées. Néanmoins, selon la formule consacrée, la synthèse de ces entretiens est de ma responsabilité et les propositions qui en découlent n’engagent que moi. Enfin, je n’ai pas pu organiser tous les entretiens que j’aurais souhaité tenir, et je m’en excuse auprès de ceux qui ont un point de vue légitime et important sur le sujet. C’est en tant que coordinateur du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale que cette mission m’a été confiée. Ce comité a été créé en 2000 par M. le Professeur Claude Griscelli, 3 alors Directeur Général de l’INSERM, qui avait compris l’importance de ce domaine de recherche en santé. J’ai été confirmé dans mes fonctions par M. le Professeur Christian Bréchot, actuel Directeur Général de l’INSERM, qui a pris l’initiative en 2003 de l’organisation d’un premier appel d’offre permettant d’accueillir des médecins généralistes au sein d’unités de recherche de l’Institut, dans un partenariat avec les Départements Universitaires de Médecine Générale et les principales sociétés savantes de la spécialité. La Caisse Nationale de l’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés a également soutenu cette initiative. Cet appel d’offre s’est renouvelé en 2005. Mon rapport est organisé en trois parties. Dans un premier temps, il importe de répondre à la question : qu’est-ce que la recherche en médecine générale ? Quelle place a-t-elle dans la recherche médicale, et plus généralement, dans la recherche en santé ? Dans une deuxième partie, l’organisation actuelle de la recherche française en médecine générale sera analysée, au regard de l’organisation existante au niveau international. La troisième partie sera consacrée aux propositions détaillées d’action. La quatrième partie est une synthèse de l’ensemble du rapport. 1. Qu’est-ce que la recherche en médecine générale ? La recherche et les médecins généralistes. Ce rapport repose sur un principe général : la recherche est une condition nécessaire à l’existence d’une médecine de haute qualité. Ce principe a été à la base de la réforme de 1958, dont un des objectifs a été de mettre la recherche scientifique au cœur des facultés de médecine, pour encourager le progrès des connaissances et leurs diffusions dans les pratiques. L’existence d’une masse critique de spécialistes formés à la recherche et consacrant une partie significative de leur temps à des projets scientifiques, la possibilité pour un plus grand nombre de futurs médecins généralistes de recevoir au cours du troisième cycle une formation à et par la recherche, aura des retombées positives à la fois sur la formation de l’ensemble des étudiants et sur les pratiques médicales. A l’heure où en France, comme dans la plupart des pays développés, on encourage la diffusion d’une culture médicale fondée sur les preuves (l’evidence based medicine) il paraît difficile de soustraire la moitié des médecins à une formation leur permettant de comprendre les méthodes scientifiques et la valeur des preuves qu’elles apportent. On pourrait penser que la médecine générale est principalement un domaine d’application, de diffusion de connaissances produites par les recherches en sciences de la vie et les recherches en santé. Dans cette conception, la seule question pertinente serait celle des conditions d’un transfert optimal de connaissances produites en amont dans les pratiques des médecins de ville. Il s’agit en soi d’une question de recherche, dont on conçoit mal qu’elle puisse se conduire sans une participation active des intéressés, qui seront a priori bien placés pour analyser les conditions de leurs pratiques et la transposition de résultats obtenus dans des contextes expérimentaux. Ce point de vue est cependant trop restrictif. En effet, la médecine générale occupe dans les systèmes de santé de nos pays une place particulière, qui justifie l’existence d’un questionnement scientifique spécifique qui n’est pas à l’heure actuelle (du moins dans notre pays) pris en charge par les autres spécialités, à l’exception partielle de la santé publique. 4 Une première façon de positionner la médecine générale est de rendre compte de son importance quantitative dans les soins délivrés. Si l’on raisonne en termes de contacts avec les patients, en 2003, les omnipraticiens libéraux ont réalisé environ 294 millions de consultations et visites, soit 4,9 contacts par habitants. Par comparaison, l’ensemble des médecins spécialistes libéraux ont réalisé environ 123 millions de consultations, visites et actes techniques, soit 42% du volume des contacts des omnipraticiens et 2 contacts par habitant. Enfin, en cumulant toutes les modalités de prise en charge à l’hôpital, on aboutit à une activité de 39,7 millions de venues sur la même année, soit 13% des contacts réalisés par les omnipraticiens et 0,7 contact par habitant. Le carré de White En 1961, White et al. ont publié un article dans le New England Journal of Medicine un article intitulé The Ecology of Medical Care. En se fondant sur plusieurs sources, les auteurs avaient estimé pour les Etats-Unis et la Grande Bretagne que dans une population de 1000 habitants, 750 signalaient une maladie, 250 consultaient un médecin, 9 étaient hospitalisés, 5 dirigés vers un autre médecin et 1 hospitalisé dans un centre universitaire. White a réactualisé ses travaux en 1997, ainsi que Green et al. en 2001. Sur la base d’une enquête sur un échantillon représentatif de la population américaine, les auteurs ont réactualisé les premiers résultats de White et ont trouvé des résultats très similaires. Ce résultat a conduit tant aux Etats-Unis qu’en Grande Bretagne à préconiser un rééquilibrage de la formation médicale et de la recherche clinique de l’hôpital et les spécialités vers la médecine de première ligne. Les résultats initiaux de White avaient été présentés sous la forme de carrés emboîtés qui ont contribué à diffuser l’argument selon lequel il n’était pas raisonnable de laisser en friche l’étude des problèmes de santé les plus fréquents dans la population. White KL, Williams TE, Greenberg BG. The Ecology of Medical Care. N Engl J Med 1961 265:885-92 White K. The ecology of medical care: origins and implpications for healthcare research. Health Serv Res 1997; 32:11-21 Green L, Fryer G, Yawn B, Lanier D, Dovey SM. The ecology of medical care revisited. N Engl J Med 2001; 344:2021-25. 5 Population adulte à risque Adultes consultant un médecin ou plus par mois 1000 750 250 Adultes déclarant une maladie ou plus par mois 9 adultes hospitalisés par mois 5 adultes consultant un autre médecin par mois 1 adulte hospitalisé dans un centre tertiaire Ces trois segments des services de soins ne prennent pas en charge les mêmes problèmes de santé, même s’ils se coordonnent et se complètent. De ce fait, il est peu réaliste de prétendre que les travaux de recherche en santé existants permettent de couvrir toutes les questions pertinentes relatives au domaine de la médecine générale. La recherche cognitive en sciences de la vie n’a pas vocation première à produire des résultats immédiatement applicables à la pratique médicale, et on ne saurait lui imputer d’ignorer un secteur plus qu’un autre. Il y a également peu de chances que la recherche clinique menée soit à l’hôpital, soit en médecine de spécialité à pratique ambulatoire, soit centrée directement sur les problèmes de santé de la patientèle de médecins généralistes. Seule la recherche épidémiologique, qui a vocation à observer, analyser et rechercher les facteurs explicatifs de la survenue des maladies et leur histoire, peut inclure dans ses investigations les problèmes qui sont pris en charge en première instance par les médecins de ville. Cependant, si cette recherche peut avoir besoin des médecins généralistes comme investigateurs associés au cours des études qui sont menées, les questions de recherche elles-mêmes émergent principalement de la communauté des épidémiologistes (qui peuvent certes être alertés par des médecins de première ligne sur l’émergence de problèmes nouveaux ou sur la persistance de problèmes mal étudiés). La justification première d’une recherche en médecine générale est donc qu’il existe un vaste domaine de soins offerts à la population qui ne bénéficie pas, ou peu, d’investigations scientifiques rigoureuses, alors que celles-ci sont considérées comme nécessaires et 6 incontestables en médecine hospitalière, avec des retombées pour la médecine spécialisée de pratique ambulatoire. Ces investigations scientifiques ne relèvent pas d’une recherche en sciences de la vie : il s’agit essentiellement de recherche clinique et épidémiologique dont le domaine d’application est celui des patients pris en charge en médecine générale. Cette patientèle a des caractéristiques et présente des problèmes de santé spécifiques, qui sont ceux que l’on observe en médecine de première ligne. Celle-ci remplit plusieurs fonctions. Lors d’un premier contact avec un patient, ou d’un contact pour un nouveau problème de santé d’un patient ancien, le médecin généraliste doit conduire une démarche diagnostique lui permettant d’écarter des hypothèses de risques graves évitables requérant une prise en charge urgente en milieu hospitalier, ou relevant d’une autre spécialité médicale. Une caractéristique importante des affections présentes en médecine générale est que la probabilité de la présence d’une affection grave suggérée par l’examen clinique accompagné ou non d’examens complémentaires est en général faible, mais non nulle. Une fois que le médecin a écarté provisoirement l’hypothèse d’un risque grave, il doit apporter une réponse à la plainte du patient, en proposant au patient une réassurance, un traitement et une surveillance adéquats, jusqu’à la disparition de l’affection ayant justifiée le recours. Cette fonction diagnostique, de prise en charge première et de surveillance est le fondement des modèles existants de « gatekeeper », ou, selon la conception française entérinée par la réforme de 2004, de médecin traitant. Il est celui qui doit orienter à bon escient le patient dans le système de soins, soit en lui évitant des soins inutiles, soit en le guidant vers les compétences spécialisées requises par son état. L’efficacité de cette intervention est également la garantie d’une efficience dans l’utilisation de ressources spécialisées, donc plus coûteuses. De ce fait, le médecin généraliste prend en charge des affections que ne verront pas les autres intervenants du système de santé. Du fait de sa position de premier contact, le médecin généraliste est également en position privilégiée pour mener des actions de prévention primaire et de dépistage, et également de prévention secondaire par la gestion des facteurs de risque pour ses patients ayant eu un premier épisode de maladie et présentant un risque de récidive. Il peut également jouer un rôle important en matière d’éducation à la santé. Enfin, dans son rôle de médecin traitant, il doit adopter une démarche globale de prise en charge qui prenne en compte les dimensions biologiques, psychologiques et sociales des affections présentées par ses patients. Cette démarche s’inscrit dans la durée. Ces dimensions sont également présentes dans la pratique de ville d’autres spécialités mais dans une moindre mesure : le spécialiste d’organe ou de maladie de système met en œuvre ses compétences principalement pour résoudre un problème de santé bien identifié après orientation, ou pour confirmer la présence d’une affection chez des patients préalablement triés par la première ligne. Il n’a pas vocation à gérer l’ensemble des problèmes de santé du patient sur la durée. Certes, dans le système de santé français, il se peut qu’un médecin spécialiste devienne le médecin traitant d’un patient (ce qui est prévu dans la réforme de l’Assurance Maladie d’août 2004), mais dans les faits ce choix est resté marginal. Ces dimensions sont également présentes à l’hôpital. Cependant, à l’exception des pathologies chroniques, requérant des séquences multiples de recours à l’hôpital, une hospitalisation est un contact isolé dans le temps et non répétitif. La dimension sociale interviendra principalement aux urgences, pour les personnes âgées fragiles et les personnes socialement défavorisées. Dans le premier cas, une part importante des problèmes pris en 7 charge sont des problèmes de médecine de première ligne, dans le contexte de l’urgence mais sans la continuité des soins. Dans le second cas, l’hôpital ne peut prendre en charge ces patients seul, et doit collaborer avec la médecine de ville. L’ensemble de ces caractéristiques conduit à esquisser un premier contour de la recherche faite par des médecins généralistes. C’est d’abord une recherche clinique et épidémiologique, portant sur les problèmes de santé rencontrés en première ligne. Elle vise à qualifier et à quantifier ces problèmes, en analyser si possible les facteurs déterminants, à en déduire des modalités d’intervention, à évaluer les prises en charge existantes (démarches diagnostiques et thérapeutiques) de façon rigoureuse, de façon à énoncer des recommandations de pratiques adaptées au contexte de la médecine de première ligne. C’est aussi une recherche qui va emprunter aux méthodes des sciences humaines et sociales dans le but d’analyser les comportements des médecins, des malades et leur interaction. C’est donc principalement une recherche finalisée vers l’amélioration des pratiques médicales ; c’est également une recherche dont les résultats ont vocation à être opérationnels. Esquisse d’une typologie de la recherche en médecine générale. Toute recherche peut se définir par ses objets, ses concepts et ses méthodes, et ses effecteurs. En matière de médecine générale, on peut distinguer dans un premier temps des recherches en médecine générale, et des recherches sur la médecine générale. Des recherches en médecine générale vont inclure de la recherche clinique, épidémiologique, de la recherche évaluative, etc. dont les objets seront les maladies et les malades pris en charge par les médecins généralistes. Des recherches sur la médecine générale porteront par exemple sur la démographie de la profession, le lien entre les modes de rémunération et les comportements de prise en charge, les stratégies de sélection des patients, etc. En matière de méthodes et de concepts, on distinguera les méthodes expérimentales (recherche clinique, épidémiologie, évaluation d’intervention) et leurs outils statistiques, les méthodes d’évaluation des pratiques (audit clinique), l’observation directe, et les méthodes et concepts d’autres disciplines (notamment de sciences humaines et sociales : psychologie, psycho-sociologie, sociologie, anthropologie, économie, etc.). Les effecteurs peuvent être des médecins généralistes formés aux méthodes de la recherche, aidés ou non d’autres spécialistes, ou des spécialistes d’autres disciplines scientifiques s’intéressant à la médecine générale. Dans le premier cas, ce sont les médecins généralistes qui sont à l’origine du questionnement, dans le deuxième cas ils sont objet d’observation. Un exemple de recherche en médecine générale : une étude d’épidémiologie clinique aux Pays-Bas. Pour évaluer les risques de morbidité et de mortalité cardio-vasculaire chez les patients diabétiques de Type 2 non insulino-dépendants pris en charge en médecine générale, une étude de cohorte a été réalisée à partir de quatre cabinet de groupe de la région de Nimègue utilisant un enregistrement systématique de la morbidité. Chaque nouveau cas de diabète de Type 2 a été apparié à un cas contrôle. L’inclusion a commencé en 1967 et a durée 22 ans en tout, chaque patient ayant été suivi 7 ans en moyenne. Le risque relatif de morbidité cardiovasculaire était de 1,76 ( 1,34-2,30) pour les patients diabétiques, le risque de mortalité de 1,54 (1,07-2,23). Le taux de mortalité à dix ans était de 36% dans le groupe des diabétiques contre 20% dans le groupe contrôle. L’étude a contribué à sensibiliser les médecins généralistes sur l’importance d’une prise en charge et d’un suivi rigoureux des diabétiques de type 2 aux Pays-Bas. de Grauw WJ, van de Lisdonk EH, van den Hoogen HJ, van Weel C. Cardiovascular morbidity and mortality in type 2 diabetic patients: a 22-year historical cohort study in Dutch general practice. Diabet Med 1995 Feb;12(2):117-22. Dans les trois pays que nous avons pu analyser au cours de la mission, c’est d’abord ce type de recherche clinique et épidémiologique sur les problèmes de santé des patients pris en charge en première ligne qui a été développé, par les médecins généralistes eux-mêmes. Au Royaume-Uni, le Royal College of General Practitioners (RCGP) a joué un rôle moteur dans 8 l’initiation de recherches de ce type. Aux Pays-Bas, la création de chaires universitaires de médecine générale date de la fin des années 60, correspondant à l’accès de la médecine générale au statut de spécialité médicale. C’est de cette époque que date l’essor de travaux de recherche en médecine générale. La création de postes universitaires pour la médecine générale date de 1992, et a été également à l’origine du développement de travaux scientifiques. Pour les deux premiers pays, l’organisation des soins primaires et le rôle de « gatekeeper » dévolu à la médecine générale a été un facteur de facilitation du développement de travaux, par la constitution de patientèles quasi-captives qui pouvaient être suivis sur la durée. La recherche en soins primaires. Le domaine de recherche qui vient d’être défini est connexe à un autre champ de travaux scientifiques, la recherche sur (ou en) les soins primaires. Celle-ci recouvre des thèmes qui vont porter non seulement sur la médecine générale, mais sur l’ensemble des services de soins de santé de première ligne : autres spécialités médicales de premier recours (par exemple la pédiatrie de ville), les soins dentaires, les troubles de la vue (rôle important joué par les optométristes non médecins dans les pays anglo-saxons), les soins infirmiers, kinésithérapie, les intervenants du champ médico-social, etc. La recherche en soins primaires intègre également une autre dimension du fonctionnement des services, qui est celui de la coordination entre les différents acteurs : coordination entre médecins et autres professionnels de santé et du secteur médico-social, coordination médecine générale/autres spécialités médicales, coordination ville/hôpital. Dans ces cas, les questions de recherche visent à évaluer le fonctionnement des services au regard de critères d’efficacité sur l’état de santé des individus, mais également au vu de critère d’accessibilité, d’équité et d’efficience économique. Ce type de travaux, qui s’inscrit dans la tradition anglo-saxonne de la « health services research », mobilise des médecins généralistes, mais aussi des chercheurs d’autres disciplines : santé publique, économie, et sciences humaines et sociales, principalement. Ils peuvent aussi impliquer des membres des autres professions de santé qui auraient acquis une formation à la recherche. Les équipes de recherche qui investiront dans ce domaine devront donc organiser cette multi-disciplinarité. Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, c’est la reconnaissance par le payeur de l’importance du bon fonctionnement des soins primaires pour la mise en œuvre de politiques de santé publique et pour la maîtrise des dépenses de santé, qui a permis l’essor des travaux de recherche réalisés par des médecins généralistes. En particulier, la publication en 1997 du rapport présenté par le Professeur David Mant au Département de Santé du gouvernement du Royaume-Uni, intitulé « R&D in primary care » a été à l’origine du lancement d’un plan de soutien à la recherche dans ce domaine. La préface du document est signée par le Professeur John Swales, Directeur de la Recherche et du Développement au Service National de Santé (NHS), et pourrait s’appliquer mot pour mot à la France : “Primary care is at the heart of NHS decision-making. The stated objective of a primary care led NHS only recognises a fact of life where most patient interactions and most treatment is delivered through primary care. It also carries a heavy responsibility in carrying out strategies to prevent disease. The opportunities are great, but as a field of research, it is still relatively under-explored. It is a field where collaboration between workers with different disciplinary backgrounds is essential. It requires the development of new methods to address its own specific questions and needs. It requires to develop its own structures for carrying out effective investigation, but most of all it needs the enthusiastic dedicated individuals who will ask the right questions and set about finding an 9 appropriate way of answering them. Our task is to ensure that they are given every encouragement and obstacles are removed.” Quels contours pour la recherche en médecine générale ? En résumé : - il est nécessaire de produire des connaissances scientifiques utiles aux professionnels de santé qui sont en première ligne pour répondre aux besoins des patients, et dont l’activité recouvre une part majeure des soins dispensés dans le système de santé. - il est illusoire de penser que les besoins de recherche dans ce domaine pourront être couverts par les forces déjà existantes, que ce soit dans les autres spécialités médicales et en santé publique, même si les travaux de recherche réalisés par ces disciplines ont des retombées importantes pour la médecine de première ligne. Celles-ci sont mobilisées par leur propre domaine d’une part, et d’autre part, les problèmes de santé pris en charge en médecine de première ligne ne sont pas les mêmes que ceux qui sont traités à l’hôpital ou en médecine spécialisée de ville. - il est donc logique de donner les moyens à la médecine générale, devenue spécialité médicale au même titre que les autres, de produire les connaissances scientifiques nécessaires au progrès de leur pratique. Si l’on reconnaît l’utilité de la recherche clinique à l’hôpital pour l’amélioration de la qualité des soins, comment le refuser aux médecins de ville, et particulièrement aux médecins généralistes ? - cette recherche sera d’abord clinique et épidémiologique, à l’instar de celle qui est conduite à l’hôpital et par les spécialistes de santé publique. Mais elle devra aussi intégrer les dimensions psychologiques et sociales de la demande de soins qui leur est adressée par les patients, et l’analyse des comportements des médecins et des malades tiendra dans ces travaux une part importante. - cette recherche devra par ailleurs s’inscrire dans une perspective plus large, qui est celle de la recherche en soins primaires. Cette ouverture implique la création d’équipes multidisciplinaires. 2. La recherche en médecine générale en France : état des lieux Cette partie a été rédigée à partir des entretiens réalisés, des documents et publications disponibles et de la connaissance acquise au sein du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale. Elle ne prétend pas à une vision exhaustive du potentiel de recherche en médecine générale existant aujourd’hui en France complétée d’une évaluation bibliométrique de sa production scientifique. Elle vise à dégager les grandes caractéristiques de cette recherche, avec ses forces et ses faiblesses. Les « producteurs de recherche » On peut identifier aujourd’hui trois sortes de lieux de production de connaissance au sein desquels les médecins généralistes jouent un rôle dominant. Par ailleurs, des équipes universitaires de santé publique, des EPST et autres mènent de projets touchant à la médecine générale et à l’organisation des soins primaires. Les médecins généralistes sont aujourd’hui peu présents dans ces équipes. 10 Les départements universitaires de médecine générale Outre les enseignants-généralistes, les Départements Universitaires de Médecine Générale mobilisent leurs étudiants de troisième cycle et se servent de la rédaction de la thèse d’exercice comme support principal de production de connaissance scientifique. L’encadrement des thèses est confié non seulement aux PU et aux MCU associés, mais aussi aux maîtres de stage. Ceux-ci sont par ailleurs sources de proposition de sujet. Les DUMG se sont efforcés au cours du temps d’augmenter les exigences de qualité scientifique des travaux, en offrant des formations à la méthodologie de la recherche. On dispose avec la thèse de Vincent Hélis1 d’une analyse récente des conditions de réalisation des thèses d’exercice par les médecins généralistes. On retiendra de ce travail les enseignements suivants. En premier lieu, la formation à la recherche ne se fait pas par l’acquisition d’une maîtrise ou d’un DEA/DESS (ancien système). Dans les 27 UFR de médecine qui ont répondu (sur 34), la majorité des formations à la recherche se fait par des enseignements ad hoc offerts soit au cours du 2ème cycle ou du 3ème cycle. Les stages pratiques sont rares. Avec les thèses d’exercice, il est cependant difficile de maintenir un niveau homogène de pertinence et de qualité. Dans le fonctionnement actuel de la filière, très peu d’étudiants de 3ème cycle en médecine générale s’inscrivent en Maîtrise ou DEA/DESS et maintenant en Master. En général, les certificats de maîtrise obtenus au cours du 1er et 2ème cycle sont tournés vers la clinique, et rarement sur l’apprentissage de l’épidémiologie, de la statistique et de la méthodologie des essais cliniques. De l’avis même des enseignants-généralistes avec lesquels nous avons pu discuté depuis la création du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale, il est difficile de coordonner les travaux de telle façon que plusieurs étudiants investissent un même domaine dans le cadre d’un projet de recherche structuré ; les étudiants manquent de temps, les DUMG manquent de moyens matériels et financiers pour monter des enquêtes ambitieuses, et peu de thèses seront valorisées par un article publié. Cet état de fait résulte de l’absence, jusqu’à présent, d’une filière universitaire. Sans perspective de carrière de recherche universitaire, il est difficile d’inciter des jeunes médecins à investir dans une formation à et par la recherche. Les enseignants généralistes ne sont pas en règle générale titulaires d’une thèse de sciences, et d’un diplôme d’habilitation à diriger des recherches. Certains d’entre eux sont titulaires d’une maîtrise, d’un DU ou d’un DEA. Selon les facultés de médecine, ils peuvent compter sur un soutien méthodologique des autres disciplines médicales, en santé publique, en recherche clinique, en thérapeutique ou en médecine interne. Dans la collaboration avec les autres spécialités médicales, la capacité à mobiliser des investigateurs de terrain (les maîtres de stage et d’autres médecins non enseignants, les résidents de médecine générale eux-mêmes) est une ressource précieuse qui permet de monter des projets de recherche plus ambitieux. Par exemple, l’existence dans un CHU d’un Centre d’Investigation Clinique (CIC) est un facteur facilitant : le CIC offre une aide logistique et méthodologique et un savoir-faire dans la réponse aux appels d’offre, les DUMG apportant le potentiel d’investigateurs autour de projets dont les objectifs sont négociés entre les deux parties. C’est le cas de deux lauréats du premier appel d’offre INSERM/CNAMTS, dont les projets s’appuient sur les CIC de leur faculté. Au cours de l’évaluation intermédiaire de leur projet, les responsables des CIC ont fait valoir tout l’intérêt 1 Hélis V. Quelle est aujourd’hui en France, la formation à la recherche des thésards en médecine générale ? Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteur en médecine, soutenue le 16 décembre 2005, Université de Poitiers. 11 qu’ils trouvaient à pouvoir développer leurs problématiques vers la médecine de ville (par exemple, la prise en charge de l’obésité) en s’appuyant sur les réseaux du DUMG. Dans le cadre d’une filière universitaire permettant aux DUMG de disposer de temps et de compétences méthodologiques solides, la capacité à mobiliser des réseaux d’investigateurs deviendra un atout encore plus précieux pour mener des recherches ambitieuses. Par ailleurs, la création de la filière incitera plus de jeunes médecins à acquérir une formation à la recherche et à obtenir au moins un diplôme de M2, et donc à devenir plus tard des investigateurs intéressés et avisés dans le cadre de leur pratique. Les sociétés savantes Les sociétés savantes de médecine générale sont un deuxième lieu de production de recherche. Elles fonctionnent également comme des lieux d’animation de réseaux de médecins investigateurs adhérents. Elles ont une double fonction de formation continue et de recherche. La formation représente la part la plus importante de leur activité : il existe en effet des financements institutionnels permanents et abondants, et dès lors qu’une organisation professionnelle obtient un agrément, elle peut émarger aux budgets prévus. Les projets financés par ce biais peuvent servir à financer indirectement des opérations de recherche, mais ceci est rarement optimal pour la qualité du protocole du point de vue des objectifs de recherche par rapport aux objectifs d’enseignement. En revanche, ces financements permettent d’investir dans la recherche pédagogique, et ceci peut expliquer pourquoi les médecins généralistes sont en général en avance dans ce domaine sur les autres spécialités médicales. Un autre thème de recherche important est celui de l’action sur les comportements des médecins (comportement de prescription par exemple) : la réflexion pédagogique se prolonge par une réflexion sur les modalités de formation et d’intervention les plus efficaces pour obtenir une inflexion vers des attitudes et des comportements jugés souhaitables du point de vue de la santé publique, ou en fonction des connaissances fondées sur les preuves (par exemple la prescription des antibiotiques, ou le suivi de recommandations de bonne pratique dans la prise en charge des patients diabétiques, etc.) Enfin, la création du Fonds d’Action Pour la Qualité des Soins de Ville (FAQSV) a également été l’occasion pour les sociétés savantes de développer des expérimentations innovantes en matière d’organisation des soins mais aussi en matière de développement d’outils d’aide à la pratique. Le FAQSV ne finance pas des projets de recherche. Mais les financements octroyés sont assortis d’une obligation d’évaluation, qui a conduit les sociétés savantes (et les autres bénéficiaires des fonds FAQSV) à solliciter des coopérations avec les équipes de recherche. Si le bilan de ces financements reste à faire, cette interaction avec des équipes externes a crée une dynamique d’apprentissage des méthodes de la recherche et une exigence plus élevée de rigueur scientifique2. Il existe de nombreuses associations de médecins généralistes qui ont développé au niveau local et au niveau national des actions de formation continue. Avant 2003, la Conférence Permanente de la Médecine Générale (CPMG, remplacée depuis par le Collège de Médecine Général) fédérait les actions de neuf organisations3. Cependant, celles-ci ont maintenu une 2 Cette analyse vaut pour tous les bénéficiaires de fonds FAQSV, mais cette dynamique d’apprentissage est sans doute plus efficace avec des organisations pérennes (sociétés savantes, DUMG) qu’avec des réseaux de médecins de plus petite taille et s’associant pour une expérience ponctuelle. 3 Ces neuf organisations sont : l’Atelier Français de Médecine Générale (AFMG), le Collège Général des Généralistes Enseignants (CNGE), l’Institut Français pour l’Etude et le Développement de la Médecine Générale (IFED-MG), l’Institut de Recherche en Médecine Générale (IRMG), MG-Form, le Groupe Repères, la Société Française de Médecine Générale (SFMG), la Société Française de Thérapeutique Généraliste (SFTG), la Société Médicale Balint (SMB). 12 identité et une autonomie forte liées à leur histoire et les actions fédératives menées par la CPMG sont soumises à un principe de subsidiarité : la CPMG ne mène pas d’actions de recherche en dehors de celles menées par ses membres. Elle joue en revanche un rôle de facilitateur lors de l’organisation de manifestations scientifiques, par exemple à l’occasion des congrès internationaux de recherche en médecine générale organisés tous les deux ans4. La vocation nationale et la visibilité de trois de ces associations est plus importante que celle des autres : le Collège National des Généralistes Enseignants (CNGE), la Société Française de Médecine Générale (la SFMG), et la Société Française de Thérapeutique Généraliste (SFTG)5. La SFMG est la plus ancienne des trois6. Elle a été créée en 1973, avec un projet scientifique affirmé. Les fondateurs se sont appuyés sur les travaux de recherche d’un Professeur de médecine générale autrichien, Robert Braun. Robert Braun a eu l’ambition de développer une théorie de la pratique généraliste, fondée d’abord sur une épidémiologie rigoureuse des problèmes traités en médecine de ville. Ses travaux l’ont d’abord conduit à développer une classification des cas pris en charge en médecine générale, qui tienne compte du contexte d’incertitude dans lequel se trouve le médecin de première ligne. Dans un deuxième temps de sa démarche de recherche, il a développé des démarches programmées de prise en charge pour chaque cas. La classification Braunienne est à la base du Dictionnaire des Résultats de Consultation (DRC) développé par la SFMG. Ce dictionnaire est devenu un outil de base des actions de formation développées par la SFMG. Mais son apport principal a été la constitution d’un panel permanent de médecins généralistes informatisés qui se servent du DRC pour enregistrer les pathologies prises en charge au sein de leur cabinet, ainsi que les traitements mis en œuvre. L’Observatoire de Médecine Générale existe maintenant depuis 1993, il est devenu un outil essentiel (mais pas exclusif) pour les projets de recherche menés au sein de la SFMG et avec d’autres partenaires. Le réseau OMG comporte à l’heure actuelle plus de 250 médecins. La SFMG a des partenariats de recherche avec l’IRDES, le CERMES (INSERM U750), et l’Unité de Pharmaco-Epidémiologie de l’Université de Bordeaux II. Elle est membre de la WONCA (World Organization of National Colleges and Academies of General Practitioners). La SFTG a été fondée en 1977, avec une vocation principale de formation continue. La SFTG fonctionne comme un réseau national de groupes locaux, qui organisent des actions de formation continue et animent des séminaires locaux. Par ailleurs, au niveau national, la SFTG animent des groupes de réflexion sur des thèmes transversaux, dont certains en association avec d’autres spécialités médicales. La recherche s’est développée à partir de 1987. En 1990, un Département recherche a été crée, couvrant les thèmes suivants : l’histoire naturelle des maladies, les stratégies diagnostiques et thérapeutiques en médecine générale, la relation entre le médecin, son patient et son entourage, la recherche sur l’organisation des soins primaires. La SFTG s’est fait connaître par ses travaux mettant en évidence les inégalités sociales d’accès au dépistage organisé du cancer du sein dans le Val-de-marne et en Seine-Saint-Denis, malgré la mise en œuvre du dépistage mammographique organisé, les travaux portant sur le dépistage du saturnisme infantile et sur la résurgence de la coqueluche. 4 Toulouse (1999), Biarritz (2001), Paris (2003), Perpignan (2005). Le Centre de Documentation et de Recherche en Médecine Générale (le CDRMG) a été créé en 2001 comme société savante de l’UNAFORMEC. Ses objectifs affichés sont ceux d’une diffusion des connaissances scientifiques en médecine générale. Il réalise également des travaux d’enquête et d’étude en milieu généraliste. 6 Entretien avec les Docteurs François Raineri (Président de la SFMG), Philippe Boisnault, Luc Martinez, Pascal Clerc. 5 13 La SFTG a développé des partenariats de recherche avec la Société Française de Santé Publique, et depuis 2003 avec l’Unité INSERM 149 et le CERMES (INSERM U750). Elle compte 800 adhérents actifs. Le potentiel actif de recherche est de quinze médecins environ7, qui conjuguent pratique en cabinet, formation continue et recherche et qui peuvent mobiliser facilement des réseaux d’investigateurs. Le CNGE, créé en 1983, cumule plusieurs fonctions8. Le Collège est une instance représentative de l’ensemble des enseignants de médecine générale, des professeurs associés aux maîtres de stage. Depuis le début 2006, la dimension syndicale de cette représentation a été dissociée du CNGE, par la création du Syndicat National des Généralistes Enseignants. Le CNGE se donne pour objectif d’améliorer la formation initiale et continue des médecins généralistes. Il intervient à la fois sur le contenu des enseignements, publie des manuels, des supports de cours et participe à la construction des cursus des médecins généralistes au sein de chaque faculté et au niveau national. Il cherche à promouvoir la qualité des enseignants, en étant force de proposition en matière de critères d’évaluation des dossiers au recrutement. Enfin, il est également force d’animation au niveau national des actions de recherche développées dans les DUMG. Le CNGE a créé une section Recherche en 2003, qui comporte un Comité scientifique national organisé en cinq sections thématiques : - Epidémiologie et santé publique - Etudes d’intervention - Sciences sociales et humaines - Qualité des soins - Sciences de l’éducation. Le Comité scientifique national a pour responsabilité l’animation collective de la recherche dans les DUMG, l’incitation à des actions de coopération et la recherche de complémentarité, la diffusion de travaux de recherche et la veille bibliographique. Le CNGE Recherche s’appuie sur un réseau de référents (un par DUMG) dont le rôle est d’animer la recherche au niveau local et rechercher des partenariats avec les autres spécialités médicales et les autres UFR non médicales des universités d’implantation. Le CNGE est membre de la WONCA, et membre fondateur de sa branche européenne, la European Society of General Practice/ Family Medicine. Il anime la revue Excercer. Les réseaux locaux Un troisième type de lieu de production de travaux d’études et de recherche réalisés par des médecins généralistes est constitué d’un grand nombre de réseaux locaux, de taille et de finalité diverses9. Certains de ces réseaux existent depuis longtemps, ont été créés à partir d’initiatives locales mais peuvent également avoir une action au niveau national. D’autres ont été créés pour réaliser une étude particulière, ou à l’occasion du montage d’une expérimentation dans le cadre du FAQSV. Ces réseaux souffrent de réels handicaps : peu de ressources pour mener une opération de recherche fondée sur un recrutement suffisant de patients, résultant en d’importants biais d’échantillonnage, pas ou peu de soutien 7 Entretien avec les Dr Isabelle de Beco, Anne-Marie Magnier, Hector Falcoff. Entretiens avec les Docteurs Pierre-Louis Druais (Président du CNGE), Patrick Chevallier et Bernard Gay. 9 L’Atelier de Recherche en Médecine Générale (Bobigny), l’Association Pour l’Evaluation de la Qualité (Rennes), l’Association pour le Développement de la Recherche en Médecine Générale (Nantes), le Réseau Epidémiologique Lorrain (Nancy), le Collège Parisien de Médecine Générale (Paris), le GROG, etc. 8 14 méthodologique, niveau faible de formation à la recherche. Néanmoins, leur activité témoigne d’une capacité de mobilisation de médecins de terrain dans des opérations d’études et de recherche. Dans le futur, l’augmentation du nombre de médecins généralistes qui auront eu accès à une formation à la recherche et l’émergence de pôles de recherche universitaires devrait permettre d’améliorer la qualité des travaux réalisés. La production scientifique française en médecine générale Levasseur et Schweyer ont analysé en 2001 les articles de recherche en médecine générale publiés dans trois revues françaises : la revue Exercer, (1990-2000) la revue du PraticienMédecine Générale (1990-2000) et le Concours Médical (1997-2000). Ces trois revues sont les supports de publications privilégiés par les médecins généralistes français. Exercer est la revue du CNGE. La Revue du Praticien, qui appartenait jusqu’à l’an dernier au groupe de presse Baillières, a mené une politique systématique depuis plusieurs années de diffusion des travaux de recherche en médecine générale et d’animation scientifique du milieu, notamment par l’octroi tous les ans d’un Prix de Recherche récompensant le meilleur article publié au cours de l’année. La Revue du Prat publie une quinzaine d’articles de recherche en médecine générale par an. Le Concours Médical est une revue professionnelle bien connue qui n’a pas à proprement parler de politique éditoriale pour la recherche, mais qui est bien diffusée au sein de la médecine de ville. Les auteurs ont identifié cinq thèmes principaux : l’épidémiologie, les sciences médicales (analyse des pratiques, audit, prise en charge des patients, qualités des soins), sciences sociales, politiques, méthodologie, théorisation. Le thème le plus fréquent était celui de l’analyse des pratiques en cabinet de ville. Par ailleurs, l’analyse des revues a conduit à dénombrer 271 articles sur 11 ans, et 161 premiers auteurs différents. Douze auteurs ont publié quatre articles et plus sur la période d’étude, une vingtaine entre 2 et 3 articles, les autres publications sont isolées, ce qui conduit les auteurs à parler d’une production dispersée, ne reposant pas sur une stratégie régulière de production de recherche. Enfin, les auteurs identifient quatre UFR de médecine qui se distinguent des autres organismes de rattachement : Nantes, Bichat, Lyon et Paris V. Le Comité d’Interface a également réalisé un travail d’analyse portant sur la période 19972000 et sur deux supports de publications : la Revue du Praticien-Médecine Générale, Exercer. Le travail a porté sur 114 articles, qui ont été classés en fonction de la nature du travail réalisé et des méthodes utilisées. Ces caractéristiques sont décrites dans les tableaux qui suivent. On observe la prépondérance de travaux portant sur l’identification des spécificités de la pratique généralistes, avec en second rang des travaux de recherche clinique et d’évaluation de soins, de prévention et de promotion pour la santé, et des travaux d’épidémiologie. Plus de la moitié des études sont de nature descriptives, un tiers sont des études d’évaluation avec un dispositif expérimental. Le matériau principal utilisé provient de registres de clientèle multi-centrique. Lorsque les lieux de production ont pu être identifiées, les principaux effecteurs sont des sociétés savantes ou des structure de formation continue. Les travaux de recherche réalisés par les médecins généralistes sont également diffusés par des documents de recherche dactylographiés des sociétés savantes ou des réseaux les plus structurés, comme les Documents de Recherche de la SFMG ou les cahiers de l’Atelier de Recherche en Médecine Générale. En revanche, les publications dans une revue de langue anglaise restent très marginales. La maîtrise de l’anglais écrit est sans doute un obstacle important, encore aujourd’hui, bien qu’un petit nombre de médecins généralistes chercheurs aient rejoint le European General Practice 15 Research Network (EGPRN), qui relève de la branche européenne de la WONCA et participent régulièrement à des réunions scientifiques du réseau en communiquant en anglais10. Type de recherche Epidémiologie Caractérisation de l’état de santé d’une population Recherche clinique-aide à la décision Evaluation de stratégies diagnostiques et thérapeutiques- Elaboration/ Evaluation d’outils d’aide à la décision Relation médecin-malade Caractérisation de la dimension psychothérapeutique de la relation aux soins Observations cliniques Description de cas cliniques Prévention et promotion de la santé Mise en place/évaluation d’actions de dépistage ou de promotion de la santé Organisation des soins de première ligne Description du domaine d’intervention du MG en soins de première ligne Interfaces entre le MG et les autres acteurs du système de soins Conditions d’exercice Aspects démographiques et économique de la pratique généraliste Spécificités de la pratique Caractérisation de la nature et de la spécificité des problèmes de santé des populations traités par le MG Autres % 10% 16% 7% 2% 11% 6% 8% 32% 8% La production scientifique de recherche en médecine générale reste encore modeste, surtout domestique et elle est le fait d’un petit nombre d’auteurs. Ceci n’est pas surprenant : les médecins généralistes enseignants n’ont pas reçu une formation spécifique à la recherche au cours de leur cursus, et n’ont pas non plus encore un environnement favorable à la réalisation de projets ambitieux. C’est précisément l’objet de ce rapport de rattraper le retard pris en comparaison avec d’autres spécialités et aux autres pays qui ont investi dans ce domaine. Un milieu dynamique mais des ressources insuffisantes et dispersées En résumé : Les médecins généralistes français ont investi dans la recherche depuis plus de trente ans, malgré le handicap de l’absence d’une filière universitaire offrant des formations aux méthodes de la recherche et un environnement scientifique favorable au développement de travaux de qualité. Les DUMG d’une part, et les principales sociétés savantes sont les 10 Les revues de langue anglaise ayant la plus forte diffusion et publiant des travaux de recherche en médecine de famille, en médecine générale ou en soins primaires sont les suivantes : le BMJ, Family Practice, Family Medicine, Family Practice Research Journal, Journal of Family Practice, Journal of the American Board of Family Practice, American Family Physician. Cette liste ne prétend pas à l’exhaustivité. Des travaux réalisés dans le domaine de la médecine de première ligne sont également publiés dans les revues plus généralistes ou de spécialité. 16 principaux points d’ancrage de cette activité de recherche. Il existe aussi de nombreuses initiatives méritoires, individuelles ou en réseau de petite taille, qui peinent à atteindre une taille critique tant en compétences méthodologiques qu’en moyens matériels. De ce fait, les travaux sont souvent descriptifs, ou manquent d’une base d’échantillonnage (de médecins ou de patients) suffisante pour aboutir à des conclusions robustes. La production est avant tout nationale. Parmi les supports de publication, seulement deux revues françaises publiant des travaux de médecine générale sont référencées dans Medline : le Concours Médical, et la Revue du Praticien. Les médecins généralistes français publient également mais de façon plus marginale dans la Presse Médicale, et peuvent être associés à des articles publiés dans des revues de spécialité. La présence dans les revues internationales de spécialité est émergente. Cet état de fait est largement explicable par l’absence d’une filière recherche qui s’adresserait aux internes en médecine générale. Sans formation structurée de base, sans environnement scientifique suffisant, on ne peut que se féliciter que malgré tout, la communauté des médecins généralistes se soit efforcée de produire des travaux visant à améliorer leurs pratiques et la prise en charge de leurs patients. Par ailleurs, sur les dix dernières années, cette communauté a multiplié les manifestations scientifiques et les contacts avec les équipes internationales de recherche. Enfin, il convient de remarquer que les DUMG et les sociétés savantes ont une capacité éprouvée à mobiliser leurs collègues du terrain pour entreprendre des enquêtes, et ceci est un atout important dans le futur. 3. Propositions d’action Créer les bases d’un potentiel de recherche universitaire. Comme pour toute autre spécialité médicale, la base de la recherche en médecine générale sera universitaire : ce sont les Départements Universitaires de Médecine Générale qui auront la responsabilité de mettre en œuvre des programmes de recherche, et d’accueillir les médecins en cours de formation à la recherche (étudiants de master et de doctorat). Les « opérateurs » principaux de cette recherche seront donc les assistants universitaires, les maîtres de Conférence et les professeurs, ayant un statut universitaire équivalent à celui des autres spécialités. Notamment, le passage à des postes à temps plein devrait permettre aux médecins généralistes universitaires de dégager un temps de recherche qui est très réduit aujourd’hui, compte tenu de charges d’enseignement. En régime permanent, il y aura un flux régulier de jeunes médecins s’inscrivant dans le cursus universitaire en médecine générale, en acquérant d’abord un master recherche, puis un titre de doctorat en sciences, puis l’habilitation à diriger les recherches. Cependant, ce flux n’a pas encore été amorcé : en admettant que les premiers chefs de clinique-assistants soient nommés à l’automne 2006, il faudra attendre 4 ans au minimum pour pouvoir nommer maîtres de conférence ceux d’entre eux titulaire d’un doctorat de sciences, puis quelques années encore pour une promotion au professorat. Autrement dit, pendant 7 à 8 ans, les Départements Universitaires de Médecine Générale continueraient à fonctionner avec des enseignants associés employés à mi-temps et dont on sait qu’une grande partie d’entre eux n’a pas reçu de formation spécifique à la recherche, et qui consacrent la majeure partie de leur temps universitaire à l’enseignement. Ce modèle de transition n’est pas souhaitable, car le délai qu’il implique avant tout émergence d’un potentiel scientifique de bon niveau et en nombre significatif est démobilisateur pour les équipes existantes au sein des DUMG mais également 17 pas très attractif pour les jeunes médecins, puisqu’ils devront s’engager dans une formation à la recherche au sein d’équipes n’ayant pas le temps de les encadrer correctement. Il est donc nécessaire de trouver un régime de transition, qui utilise le potentiel existant des enseignants associés, par titularisation comme Professeurs et Maîtres de Conférence à plein temps de ceux qui ont au cours de leur carrière réalisé des travaux de recherche. Le profil de carrière des enseignants associés de médecine générale ne peut pas se comparer avec ceux de médecins ayant suivi d’autres filières de spécialité, notamment sur le plan du nombre et de la qualité des publications dans des revues scientifiques à comité de lecture. Dans les dossiers de titres et travaux, il est attendu qu’une large part soit faite au développement et à la participation aux enseignements. Sur ce point, les médecins généralistes enseignants ont contribué de façon importante à des travaux de recherche portant sur des méthodes pédagogiques nouvelles, adaptées aux conditions de la pratique en médecine de ville. Le champ de l’audit et de l’évaluation des pratiques est également un domaine privilégié des recherches en médecine générale en France. Enfin, au cours des dernières années, les enseignants en médecine générale ont été sollicités par l’ANAES et maintenant par l’HAS pour contribuer à l’élaboration de recommandations de bonne pratique. L’évaluation des candidats doit tenir compte de cette production, qui se traduit par l’écriture de manuels, de rapports ou de guides méthodologiques et par la conduite d’expérimentations pédagogiques et leur mise en œuvre dans la pratique. La capacité à conduire des recherches peut s’évaluer sur les dimensions suivantes : - l’acquisition d’une formation aux méthodes de la recherche : certificats de maîtrise en méthodologie de la recherche clinique, en biostatistique, en épidémiologie, ou d’autres disciplines pertinentes pour la recherche en médecine générale, formation continue, DEA, thèse de sciences, ou tout autre diplôme étranger équivalent, stages dans des unités de recherche ou dans les Centres d’Investigation Clinique (CIC). - la formation de jeunes médecins aux méthodes de la recherche et l’encadrement des thèses d’exercice. - la conduite de projets de recherche donnant lieu à production de rapports scientifiques et d’articles, dans les revues à comité de lecture de langue française et anglaise, mais aussi dans les revues professionnelles de bon niveau ; la collaboration scientifique avec des équipes de recherche labellisées (équipes universitaires d’autres disciplines médicales, CIC, équipes de recherche INSERM). Dans la mesure où les premiers enseignants associés titularisés vont être les moteurs du développement de travaux scientifiques en médecine générale et en soins primaires, un critère subsidiaire d’environnement scientifique (existence de collaboration scientifique avec des équipes de recherche, Master et Ecole Doctorale en Santé Publique, par exemple) devra être pris en compte. Il serait également souhaitable, pour obtenir rapidement une masse critique suffisante sur un site donné, de nommer simultanément lorsque la qualité des dossiers le justifie un Professeur et un Maître de Conférence. Enfin, dans cette première vague de titularisation, les candidatures de médecins qui ne sont pas à l’heure actuelle enseignants associés mais qui ont une bonne formation à la recherche attestée par l’obtention et/ou une expérience acquise, attestée par des travaux publiés, pourront faire acte de candidature. Compte tenu de la nouveauté de ces candidatures et du champ de recherche dans le cadre des Facultés de Médecine, il est recommandé que les travaux de candidats ne soient pas jugés uniquement sur la qualité des supports de publications, mais sur la qualité et la pertinence de leur contenu, ce qui implique une lecture critique de ceux-ci sur la base de tirés à part joints 18 aux dossiers. Par ailleurs, il est envisageable que la section de CNU appelés à évaluer les dossiers fasse appel à des Professeurs titulaires de chaire de médecine générale au niveau international pour donner un avis extérieur et informé sur les travaux réalisés11. A l’heure actuelle, la section de CNU qui paraît la plus appropriée pour évaluer cette première vague de titularisation est la section de médecine interne, au sein de laquelle une sous-section pourrait être créée pour la médecine générale. Cette première vague de titularisation porte principalement sur les chercheurs-enseignants en fonction. Elle pourra se reproduire plusieurs fois, en fonction du nombre de candidats éligibles au vu des critères précédents, parmi l’effectif actuel d’enseignants associés, et en fonction des arbitrages budgétaires réalisés entre les disciplines médicales au niveau national. Néanmoins, il est attendu qu’assez rapidement, les candidatures futures seront celles de jeunes médecins généralistes ayant suivi une formation classique à la recherche, par le biais de la filière Master-Doctorat, ou celles d’enseignants associés non éligibles dans la première vague mais qui auraient acquis la formation requise à la recherche. Nous proposons par ailleurs de maintenir le statut d’enseignants associés à mi-temps, à côté de la filière universitaire temps-plein statutaire. En effet, l’augmentation du numerus clausus va conduire à une augmentation prévisible de la charge d’enseignement dans tous les cycles de la formation médicale. Pour s’assurer que ces charges supplémentaires ne saturent le temps des nouveaux enseignants titulaires et protéger leur temps de recherche, il faut donc maintenir un potentiel d’enseignants associés à mi-temps. Par rapport à la situation actuelle, ceux-ci seront un vecteur privilégié de transfert des connaissances de la recherche vers la formation. Cette double filière entre titulaires temps plein universitaire et associés à temps partiel existe dans les pays que nous avons visités, et n’est pas ressenti comme une « carrière à deux vitesses », où seuls les titulaires auraient la reconnaissance attachée à un statut et à une activité de recherche. Néanmoins, pour ouvrir l’accès à la titularisation aux enseignants qui souhaiteraient s’engager plus dans des activités de recherche, on peut, sous réserve des obligations d’enseignement, prévoir des « années recherche » pour un petit nombre d’entre eux avec décharge de cours et contrat personnalisé de formation à la recherche (inscription en Master et en Doctorat, aide à la valorisation des travaux effectués). Une autre solution évoquée dans nos entretiens avec les représentants des trois régimes d’assurance-maladie et avec les syndicats médicaux est la négociation d’une rémunération forfaitaire compensatoire en échange de « temps recherche » en substitution de temps de soins, et assortie d’une obligation d’obtention d’un diplôme de 3ème cycle. En première analyse, la mise en place des modalités concrètes de cette rémunération bute sur les principes d’utilisation des ressources de l’Assurance-Maladie, destinées au financement des soins. On peut néanmoins observer que l’Assurance Maladie finance explicitement des travaux de recherche clinique hospitalière, par le biais des dotations de missions de recherche et d’enseignement des CHU (les MERRI). 11 Les interlocuteurs que nous avons rencontrés au Royaume-Uni, en Belgique et aux Pays-Bas ont donné leur accord pour procéder à ces évaluations. 19 Une organisation en pôles inter-régionaux. L’organisation de la recherche scientifique française est marquée ces dernières années par une politique publique soutenue de restructuration par concentration des moyens humains et matériels au sein de pôles ou de sites. La notion de pôle a été déclinée de plusieurs façons, au sein des grands établissements de recherche (EPST) par la création d’Instituts Fédératifs de Recherche et de grands instituts thématiques, par le renforcement des liens contractuels entre les Universités et les équipes des EPST, et dans le cadre de la loi de programmation de la recherche par l’incitation à la création de Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES). La même politique a été suivie pour les formations à la recherche, la réforme LMD visant à diminuer le nombre de formations de troisième cycle et d’écoles doctorales. Cette politique part du constat d’un émiettement trop grand d’équipes de recherche de trop petite taille, et cherche à créer des ensembles ayant une taille critique suffisante leur permettant de rivaliser dans la compétition scientifique internationale, tant au niveau de la recherche que de l’enseignement supérieur. Dans le domaine de la santé publique, dont les travaux de recherche et les centres d’intérêt sont les plus proches de la recherche en médecine générale et en soins primaires, l’INSERM a affiché une politique de création de pôles régionaux ou interrégionaux, ayant une fonction d’organisation des formations à la recherche (Master et Doctorat) et d’animation des équipes de recherche situées dans leur proximité géographique. La médecine générale peut d’entrée de jeu se situer dans cette dynamique et viser cette cible à moyen terme. Une fois constitué un potentiel suffisant de médecins généralistes formés à la recherche et ayant intégré l’Université, à l’instar des autres spécialités médicales, il reviendrait au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et au Ministère de la Santé de provoquer la création de pôles de recherche en médecine générale (et en soins primaires) au niveau de chaque inter-région de l’internat. Ces pôles auraient vocation à jouer un rôle moteur dans la formation à la recherche par le biais d’une offre de masters et d’écoles doctorales, et dans la conduite de projets de recherche d’ambition nationale et internationale. En tant que lieu de formation, ces pôles pourraient bénéficier de la force d’appoint constituée des médecins généralistes doctorants, et pourraient également s’appuyer sur les médecins enseignants associés. Cette formation de pôle pourrait se faire par l’ouverture d’un appel d’offres national organisé par l’ANR, avec une évaluation quadriennale de la performance des équipes sélectionnées. L’émergence de ces pôles n’est pas exclusive de la création de postes universitaires au sein de Facultés de Médecine qui ne seraient pas maître d’œuvre dans le pilotage des pôles. Celles-ci seraient encouragées à se rattacher aux pôles existants, pour venir les renforcer12. La filière universitaire en médecine générale A l’heure actuelle, les filières universitaires des autres spécialités reposent sur le statut hospitalo-universitaire, hérité de la réforme de 1958. Il n’est pas possible de maintenir un rattachement hospitalier pour la médecine générale : le lieu d’exercice des médecins généralistes est le cabinet, en pratique individuelle ou en pratique de groupe. Vouloir à tout 12 Ce soutien à un nombre restreint de pôles universitaires de référence a été mise en place au Royaume-Uni dans le cadre de la politique d’investissement sur la recherche en soins primaires mise en place à la suite du rapport Mant. Huit « Primary Care Academic Units » ont été sélectionnées sur appel d’offre et on reçu un financement sur 5 ans. 20 prix inventer un mode d’exercice hospitalier pour cette spécialité serait un contresens, même si la présence d’un petit nombre de médecins généralistes à l’hôpital peut se justifier, par exemple aux urgences. Il s’agit dans cette réforme de contribuer à la revalorisation de la médecine de première ligne, de pratique ambulatoire. Cette médecine de première ligne est une médecine libérale et c’est une réalité à laquelle il faudra adapter le statut universitaire des médecins généralistes. De la même manière, il faut éviter le mimétisme hospitalier dans l’organisation de la pratique médicale des médecins généralistes universitaires, en transposant la notion de service hospitalier dans la pratique ambulatoire. Le concept de Service Universitaire de Médecine Générale Ambulatoire (SUMGA), proposé par l’ISNAR-MG part certes d’une bonne idée : l’existence de lieux de pratique ayant un label universitaire pour la formation. Mais la notion de service correspond à l’hôpital à une unité de lieu, de ressources, à l’exercice d’une relation d’autorité hiérarchique et à un rattachement à une organisation unique, l’établissement, dont on ne voit pas l’équivalence en pratique de médecine de ville. Il nous paraît dangereux d’utiliser le même mot pour des réalités si différentes. De ce point de vue, les exemples étrangers que nous avons examinés sont éclairants. Rappelons tout d’abord que dans les trois pays que nous avons visité, la médecine générale est une médecine exercée par des médecins indépendants. En Belgique, la situation est similaire à celle de la France : les médecins généralistes pratiquent en cabinet, seuls ou en groupe, et sont payés à l’acte. Ils ne jouent pas de rôle de « gatekeeper ». En Hollande, les médecins généralistes, peu nombreux, ont plus souvent des pratiques de groupe. Ils emploient du personnel non médical et sont payés à la capitation. Ils jouent un rôle de « gatekeeper ». Les médecins généralistes du Royaume-Uni sont des praticiens indépendants sous contrat avec le NHS. Ils pratiquent majoritairement au sein d’un groupe, comportant plusieurs médecins, du personnel soignant non médical et du personnel administratif. Leur mode de rémunération est mixte : ils reçoivent une capitation pour les patients inscrits sur leurs listes, ils reçoivent une subvention qui couvre un partie des frais de fonctionnement de leur cabinet, ils reçoivent des rémunérations complémentaires à l’acte ou à la performance en fonction de programmes cibles définis par le NHS : dépistage, couverture vaccinale, prise en charge de la grossesse et de la petite enfance, prise en charge de l’asthme, etc. Depuis peu ils reçoivent des primes indexées sur leur performance en termes de qualité des soins. Ils jouent un rôle de « gatekeeper » et contrôlent l’accès aux autres spécialités médicales, principalement hospitalières. Dans ces trois pays, les Professeurs de médecine générale combinent leurs fonctions universitaires avec une pratique au cabinet. Cependant, dès lors qu’ils atteignent des responsabilités importantes au sein de leur département universitaire, leur pratique clinique est marginale, de l’ordre d’une journée par semaine. L’essentiel de leurs revenus provient de leur salaire universitaire. En Belgique, ils continuent d’être payés à l’acte. Aux Pays-Bas, ils peuvent continuer à recevoir une capitation pour les patients inscrits sur leur liste, mais l’organisation en cabinet de groupe permet aussi qu’ils soient rémunérés en fonction de leur travail. Aux Royaume-Uni, trois modèles coexistent : le modèle traditionnel, un modèle où le cabinet rémunère le médecin en fonction de son travail, et un modèle où le cabinet rémunère l’Université de façon forfaitaire, qui reverse ensuite à l’enseignant. Le premier modèle, qui prévalait au début de la création de chaires de médecine générale, tend à disparaître. Dans les trois pays, il y a eu des tentatives de créer des cliniques universitaires de médecine générale avec des médecins salariés, mais celles-ci sont exceptionnelles, pour des raisons de concurrence avec les médecins de ville eux-mêmes. 21 Le fonctionnement des Départements Universitaires de Médecine Générale repose sur un petit nombre d’enseignants temps plein et des médecins enseignants associés à temps partiel. Ces médecins associés sont des relais importants des départements vers les cabinets, pour la conduite de travaux de recherche. Ces exemples témoignent qu’il est possible de développer une activité d’enseignement et de recherche à temps plein et maintenir en même temps une activité clinique, certes à un niveau modeste. Ces aménagements ont été possibles dans les trois pays grâce à l’autonomie des universités. La situation française est différente sur ce plan et, ces principes étant posés, il est néanmoins nécessaire d’examiner si la législation française actuelle peut être un obstacle à la coexistence d’une pratique médicale libérale et d’une fonction universitaire temps plein salariée, et si les conditions présentes de cette pratique libérale sont compatibles avec les fonctions d’enseignement et de recherche. On distinguera dans cette analyse le cas des professeurs et maîtres de conférence à temps plein, titulaires de la fonction publique universitaire, du cas des chefs de clinique, non titulaires13. Pour les corps de Maître de Conférence et de Professeur à temps plein, il est nécessaire d’adapter les textes relatifs au statut des médecins hospitalo-universitaires définit à l’origine par l’ordonnance 558-1373 du 30 décembre 1958. Ces textes précisent que la rémunération des professeurs (PU-PH) et maîtres de conférences (MCU-PH) correspond à celle d’un enseignant temps plein des universités, à laquelle se rajoutent des émoluments hospitaliers non soumis à retenue pour pension de retraite. La notion de temps plein couvre les trois fonctions d’enseignement, de recherche et de soins, mais la répartition du temps consacrée à chacune n’est pas précisée dans les textes. Par ailleurs, les PU-PH ont le droit de consacrer une partie de leur temps à une activité médicale libérale payée à l’acte, dans le cadre de règles définissant un plafond d’activité et un reversement d’une part des honoraires à l’établissement hospitalier auquel ils sont rattachés. On se place donc dans le cadre de l’option 1 envisagée par la Direction des Personnels Enseignants du Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la recherche, et de la modification du décret statutaire du 6 juin 1984 sur les corps d’enseignants-chercheurs. Dans le cas de la médecine générale, et puisque le maintien d’une activité clinique est une obligation de service, une solution envisageable serait d’accorder aux médecins généralistes la possibilité de recevoir l’équivalent en termes de revenus libéraux des émoluments hospitaliers (sous réserve de vérifier que cette disposition est compatible avec les dispositions générales et particulières de la réglementation sur les cumuls d’emploi). Il faudrait par ailleurs adapter les règles en matière de droit à une activité libérale, dans la mesure où celle-ci ne s’effectuerait pas en milieu hospitalier. Une autre solution consisterait à considérer les enseignantschercheurs titulaires en médecine générale comme des universitaires sans fonction de soins (PU), et soumettre leurs revenus libéraux à autorisation de cumul dans le cadre des règles générales et particulières existantes. En particulier, ces règles pourraient porter sur un plafond de temps passé en cabinet. Le cas des chefs de clinique est plus complexe14. Il faut d’abord définir la fonction d’enseignement confiée aux futurs chefs de clinique en médecine générale (CCU-MG). A 13 L’auteur s’est appuyé sur la Fiche technique préparée par la Direction du Personnel Enseignant du Ministère de l’Enseignements Supérieur et de la Recherche. DPEA2/YC du 17/01/2006 14 Nous nous appuyons sur une note technique préparée par la Direction du Personnel Enseignant du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche qui nous a été communiquée au cours de notre mission. DPE A2/JC-FUMG-CCU-MG du 24/02/06 22 l’hôpital, cette fonction s’exerce de deux façons : par la participation aux enseignements théoriques et par la formation clinique pratique dans les services (encadrement des internes). Si la première partie ne pose pas de problèmes en médecine générale, la deuxième introduit une innovation par rapport à la situation actuelle, puisque ce sont les maîtres de stage (et les enseignants généralistes associés) qui assurent la formation clinique en cabinet. Les chefs de clinique étant encore des médecins inexpérimentés, il n’est pas possible d’organiser une substitution entre les deux dans les cabinets qui reçoivent des internes en médecine générale. Il paraît également irréaliste de prévoir autant de postes de chefs de clinique en médecine générale que de lieu de stages d’internat. Enfin, une autre contrainte naturelle à la création de postes de CCU-MG est la disponibilité de places dans les cabinets de groupe permettant un accueil dans des conditions correctes de pratique pour un médecin exerçant à temps partiel. La fonction d’encadrement des chefs de cliniques pourrait alors s’exercer principalement au sein des DUMG, chaque chef ayant la responsabilité du suivi de plusieurs internes et exerçant cette fonction par des staffs réguliers en dehors des cabinets. Le reste de son temps serait consacré à la pratique de la médecine générale en cabinet dans le cadre d’un contrat de collaborateur libéral. Cette activité serait plafonnée en volume de telle façon qu’il n’y ait pas de différences de revenus entre un CCU-MG et un CCU-AH. La création de postes de chefs de clinique posera également à terme la question de l’accès au secteur 2 de médecins généralistes anciens chefs de clinique. Enfin, tous les chefs de cliniques nommés n’auront pas d’activité de recherche. Dans la perspective de la création d’un vivier de futurs maîtres de Conférence et professeurs dont le recrutement serait fondé sur l’obtention d’un titre de Docteur d’Etat et du diplôme d’habilitation à diriger les recherches, il serait néanmoins souhaitable de sélectionner dans les premiers recrutements des candidats titulaires d’un diplôme de M2 ou qui s’engageraient dans cette voie au cours de leur clinicat. Ce critère pourrait jouer également pour le renouvellement des postes de CCU-MG au-delà des deux premières années. Enfin, les CCU s’engageant dans la voie de la recherche pourraient bénéficier comme les CCU-AH de la prime de recherche et d’enseignement supérieur. La création de la filière universitaire à temps plein en médecine générale pose enfin la question du statut des cabinets au sein desquels les futurs enseignants-chercheurs exerceront. A l’évidence, il sera plus facile d’associer enseignement, recherche et soins dans un cabinet de groupe, mais ceci ne peut pas être tenu dans l’immédiat comme condition nécessaire à la titularisation. Il est probable que la majorité des enseignants associés de médecine générale ayant développé une activité de recherche travaille déjà dans un cabinet de groupe. Cette évolution se fera spontanément, au fur et à mesure du développement de ce mode d’exercice en France. Les cabinets au sein desquels exerceront des professeurs, maîtres de conférences et chefs de clinique, ainsi que les enseignants associés du statut actuel pourront faire l’objet d’une convention d’agrément avec l’Université qui validerait leur rôle de lieu privilégie de formation et de recherche. Ils constitueraient en quelque sorte le premier cercle de cabinets de pratique de première ligne en matière de formation et de recherche en médecine générale et en soins primaires. Le rôle des sociétés savantes Chacune des trois grandes sociétés savantes de médecine générale, le CNGE, la SFTG et la SFMG a une identité marquée par son histoire. Le CNGE est plus qu’une société savante : un 23 des ses objectifs est la défense des médecins généralistes enseignants, qu’ils soient Professeurs, Maîtres de Conférence ou Maîtres de Stages. L’activité la plus importante sur le plan quantitatif de la SFTG est la formation médicale continue, mais elle intervient également comme opérateur de recherche, en s’appuyant sur ses réseaux d’adhérents. La SFMG a été créée avec pour objectif principal de construire un domaine nouveau de recherche, fondée sur une réflexion théorique sur la pratique du médecin généraliste et son rôle dans le système de soins. Par ailleurs, elle dispose, avec l’Observatoire de Médecine Générale, d’un outil de recherche qui lui permet de mobiliser rapidement des données médicales et des médecins généralistes de terrain pour lancer des enquêtes. Des médecins généralistes enseignants sont à la fois membres du CNGE, en tant qu’instance représentative d’une catégorie d’emplois universitaires, et à l’une ou l’autre des deux autres sociétés savantes. Si la recherche en milieu universitaire se développe, la question se posera du positionnement relatif de ces trois organisations, en tant que sociétés savantes opérateurs de recherche. Il n’est pas du ressort de ce rapport de définir une stratégie collective pour chacune d’entre elles, d’autant qu’elles ont chacune une identité forte, des ressources propres, et leurs réseaux de médecins généralistes. Elles vont bénéficier toutes les trois de l’amélioration de la formation à la recherche des médecins généralistes ; elles doivent collaborer sur un enjeu commun, qui est celui du développement d’un panel représentatif de médecins généralistes « producteurs » de données, à l’instar de l’Observatoire de la Médecine Générale. La création d’un tel observatoire, ou d’un réseau d’observatoires régionaux, serait profitable aux médecins généralistes eux-mêmes, aux autres chercheurs qui travaillent sur les services de santé, à l’Assurance Maladie et aux services publics, qui dépendant aujourd’hui de bases de données commerciales pour connaître les problèmes de santé traités en médecine de ville et analyser les pratiques médicales. La formation à la recherche Le développement final de la recherche en médecine générale passe par la formation à la recherche, chaque année, d’un nombre suffisant de jeunes internes. Le cursus normal est celui de l’acquisition d’un Master, généralement au cours de l’internat, puis d’un titre de Docteur en Sciences au cours du clinicat. La période actuelle est une période de transition : les étudiants en médecine souhaitant s’inscrire directement en M2 Recherche doivent soit avoir obtenu une Maîtrise de Sciences Biologiques et Médicales (MSBM) par la validation de trois certificats, soit avoir validé deux certificats et avoir été reçus à l’internat. Cette règle s’impose pour les étudiants de médecine générale qui sont encore résidents. S’ils n’ont pas validé une MSBM, ils doivent d’abord s’inscrire en M1, mais ils bénéficient de crédits d’enseignement leur permettant de ne pas suivre tout le cursus. Dans le nouveau régime, les étudiants devront valider une 1ère année de Master à partir du PCEM2 et du DCEM2, à raison de 2 modules par an. L’obtention de quatre modules de M1 et la validation du 2ème cycle permet l’inscription en M2. Pour les étudiants en médecine générale comme pour les autres spécialités, la difficulté est celle de l’anticipation du choix de la spécialité, et donc du diplôme de Master au cours du 2ème cycle des études médicales. Pour l’instant, dans l’attente de l’existence d’un Master ou de plusieurs Masters spécifiques à la médecine générale, le choix de modules de M1 à valider doit être fait en fonction de la nature des travaux de recherche dans la spécialité. Dans la 24 première partie du rapport, nous avons présenté ce qu’est le domaine de recherche qui est couvert par la médecine générale : - l’évaluation des pratiques, tournées vers la recherche d’une amélioration continue de la qualité de la prise en charge, incluant les travaux de recherche sur l’analyse médecin-patient. - la recherche clinique, qui peut traiter d’outils diagnostiques et thérapeutiques nouveaux issus de la recherche biomédicale, mais aussi de modalités particulières de prise en charge, comme l’éducation pour la santé, l’information donnée aux patients ou la pratique en réseaux. - les études épidémiologiques. - les travaux portent sur les soins primaires Les disciplines de recherche concernées par ces questions et qui vont contribuer à la formation à la recherche des médecins généralistes sont alors les suivantes : - l’épidémiologie la bio-statistique les méthodes de la recherche clinique les sciences humaines et sociales de la santé : psychologie, psychosociologie, sociologie médicale et de la santé, anthropologie l’économie de la santé le droit de la santé l’éthique médicale La formation à ces disciplines dans une perspective de recherche comprend une acquisition approfondie des concepts de base, des méthodes et des outils de travail. L’informatique, et le maniement de logiciels spécialisés, sont des outils de travail incontournables. Les méthodes de la recherche documentaire sont un autre outil de travail dont il faut acquérir la maîtrise, quelque soit la discipline étudiée. Faut-il créer un Master en médecine générale ou en soins primaires ? Lorsqu’un domaine de recherche se développe, les spécialistes du domaine vont progressivement développer une offre de formation spécifique avec des spécialisations diverses au cours du temps. Il est donc probable qu’au fur et à mesure où la professionnalisation de la recherche en médecine générale va progresser, des masters et des formations doctorales spécifiques apparaîtront. Dans le même temps, la politique française actuelle est celle d’une limitation du nombre d’étiquettes LMD. Les formations spécialisées sur la médecine générale et les soins primaires s’inscriront sans doute dans les filières existantes, comme options en M1 et en M2. Par ailleurs, pour l’instant, les enseignants généralistes ne peuvent pas compter sur un réservoir suffisant d’enseignants pour assurer les enseignements de base aux méthodes de la recherche, et devront faire appel à leurs collègues des autres disciplines. Il paraît donc réaliste de proposer que les internes en médecine générale s’inscrivent dans les masters existants et que progressivement émergent au sein de ces masters des options et des parcours spécifiques. Un médecin généraliste n’a pas besoin d’acquérir des compétences spécialisées sur les concepts et les méthodes de l’ensemble des disciplines listées ci-dessus. Le choix d’une formation particulière va dépendre des questions de recherche que l’on souhaite traiter. Dans une grande majorité de cas, les travaux de recherche en médecine générale vont mobiliser les méthodes et les outils de l’épidémiologie, de la bio-statistique et de la recherche clinique : l’apprentissage de ces disciplines doit former le socle de base d’un futur chercheur en 25 médecine générale, qui pourra ensuite se perfectionner ou se spécialiser dans l’acquisition d’autres disciplines et outils. Mais cet apprentissage de base sera utile dans la pratique de ces autres disciplines : les outils statistiques, la conception d’un plan d’étude expérimentale sont utilisés en sciences humaines et sociales et en économie de la santé. C’est donc prioritairement dans ces domaines que les futurs médecins généralistes universitaires devront choisir leurs modules de M1, afin d’accéder à la deuxième année de master et de se préparer à la recherche au cours de l’internat. Enfin, l’apprentissage de l’anglais écrit et oral est une condition nécessaire à la diffusion internationale des travaux. Par ailleurs, pour favoriser la formation des médecins généralistes à la recherche, nous proposons qu’à l’instar de ce qui se fait pour d’autres spécialités médicales (comme la santé publique), un petit nombre d’internes en médecine générale puissent effectuer leur stage de 6ème semestre (le SASPAS) dans un laboratoire de recherche qui serait agrée à cet effet, tout en gardant leur rémunération. Comme pour les autres spécialités, il est nécessaire de prévoir des financements spécifiques pour faciliter l’accès des internes en médecine générale au M2 et l’obtention de ce diplôme. Il existe à l’heure actuelle deux dispositifs principaux : l’année recherche, et l’obtention d’une bourse de M2 se substituant à la rémunération de l’interne pendant une année de disponibilité. L’année recherche est offerte à 10% des internes ayant validé au moins deux semestres. Ils obtiennent une dispense d’un an avec maintien de leur rémunération pour effectuer un travail de recherche au sein d’un laboratoire, soit dans le cadre de l’obtention d’un M2, soit pour effectuer un travail doctoral. Jusqu’à présent, le critère de sélection est celui du rang de classement à l’internat parmi les internes d’une UFR de médecine : à l’heure actuelle, ce critère défavorise les internes en médecine générale, car la spécialité n’est pas choisie parmi les premières à la suite de l’ENC. En attendant que cette situation évolue, il serait nécessaire de changer les critères d’admission à cette année-recherche en valorisant non plus le rang de classement, mais la qualité du projet de formation des candidats. Il existe un programme identique d’année-recherche en recherche clinique financé conjointement par la Fédération Hospitalière de France et le LEEM, syndicat de l’industrie pharmaceutique, qui offre 15 années-recherche pour des internes. L’Ecole de l’INSERM : accéder à la formation à la recherche de façon précoce au cours des études médicales L’INSERM offre la possibilité à un petit nombre d’étudiants en médecine de préparer un diplôme de Master au cours de 1er et 2ème cycle des études médicales et de préparer une thèse de sciences au cours de l’internat. L’inscription se fait en PCEM2. Une initiation à la recherche se fait en quinze jours au cours de l’Ecole de février, puis les candidats passent un concours d’admission en 2ème année. En DCEM1, les étudiants passent 6 mois dans une unité de recherche et peuvent préparer un M1. En 3ème année, les étudiants interrompent leurs études pendant un an pour préparer un M2 recherche. Ils peuvent alors interrompre leurs études médicales, obtenir un doctorat à la suite duquel ils termineront leurs études, ou terminer le second cycle et s’inscrire en thèse au cours de l’internat. L’Ecole est ouverte à tous les domaines de recherche couverts par l’INSERM. Un étudiant préparant un Master de santé publique pourrait par exemple préparer ensuite une thèse de sciences sur un projet de recherche en médecine générale. 26 En matière de bourses, il existe de nombreuses sources de financement tant au niveau du Master que du Doctorat. En matière de recherche médicale, le guichet principal est celui de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM). Mais les Conseils Régionaux ont également des programmes de financement de formation à la recherche, auxquels les internes en médecine générale peuvent postuler. La Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés finance depuis 2005 une dizaine de bourses de M2 spécialement dédiées aux étudiants en médecine générale. Enfin, une démarche est possible auprès des Unions Régionales de Médecine Libérale (les URML) pour obtenir le financement annuel d’un petit nombre de bourses pour des projets de mémoires de M2 centrés sur la médecine de ville15. La question n’est pas tant la disponibilité de financements pour le M2 que la diffusion large de l’information sur l’offre existante auprès des internes de médecine générale. Une fois un diplôme de M2 obtenu, il est alors possible de s’inscrire dans une école doctorale et de préparer une thèse de sciences. A l’heure actuelle, la contrainte principale pour des médecins généralistes est celle du nombre d’enseignants en médecine générale titulaires d’une habilitation à diriger des recherches (HDR). La titularisation d’une première vague de Professeurs d’Université en médecine générale permettra de pallier partiellement cette pénurie, mais il sera nécessaire que les Départements Universitaires de Médecine Générale développent des partenariats avec des Ecoles Doctorales existantes (en santé publique, par exemple) de façon à augmenter si nécessaire l’offre d’encadrement. Nos interlocuteurs du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de Belgique nous ont également offert l’ouverture de leurs programmes doctoraux en médecine générale, ce qui présente l’avantage d’une formation spécifique et dans un contexte international. Ce travail doctoral peut se faire soit dans le cadre de l’internat, soit dans le cadre du clinicat, et avec ou sans financement spécifique. L’internat de médecine générale ne durant que trois ans, il paraît difficile d’obtenir à la fois un diplôme de M2 et de commencer une thèse au cours de son déroulement. Il est donc probable que la plupart des médecins généralistes qui s’inscriront en doctorat le feront au cours de leur clinicat, ou en dehors de celui-ci avec un financement spécifique. A nouveau, il existe de nombreux organismes offrant des financements doctoraux, de niveau et de durée variée. Il n’y a pas de raison que les médecins généralistes ne puissent pas en bénéficier, et que le déroulement d’un travail doctoral soit très différent de celui des autres spécialités médicales, puisque celles-ci, comme la médecine générale, doivent concilier la poursuite d’une activité clinique avec la conduite d’un projet de recherche. Parmi les dispositifs existants, citons les allocations de recherche du Ministère de l’enseignement Supérieur et de la Recherche, les allocations des conseils régionaux, les bourses de la FRM, les bourses de l’Académie de Médecine, les bourses offertes par l’industrie pharmaceutique, mais aussi les postes d’accueil INSERM pour les internes et les chefs de clinique. En particulier, l’appel d’offre INSERM/CNAMTS initié par le Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale pourrait progressivement se déplacer du recrutement de médecins généralistes ayant déjà fait leurs preuves en matière de recherche vers de jeunes médecins désireux de réaliser une thèse au sein d’équipes de recherche EPST et en relation avec les DUMG et les sociétés savantes. En 2006, l’Ecole Nationale Supérieure de la Sécurité Sociale offre trois bourses doctorales pour des étudiants travaillant sur des thèmes qui recouvrent la recherche en soins primaires. Comme pour les bourses de M2, et pour faciliter le démarrage de la filière universitaire en médecine générale, on peut néanmoins envisager de flécher pendant quelques années des financements doctoraux pour les médecins généralistes. 15 Ce point a été évoqué avec le Dr Bernard Ortolan, URML d’Ile-de-France, qui a proposé de transmettre cette demande aux instances nationales de coordination des URML. 27 A nouveau, cette éventualité a été envisagée avec les acteurs des trois régimes de l’assurancemaladie, qui seraient les premiers intéressés à contribuer à l’amélioration de la formation de la médecine de première ligne et au développement de recherches en soins primaires. Ces financements seraient possibles dans le cadre des Fonds d’Action Sanitaire et Sociales. Le Régime Social des Indépendants (le RSI, ex-CANAM) finance déjà des bourses de recherche clinique pour des chefs de cliniques, et des bourses de santé publique dans le cadre de l’Institut Virtuel de Recherche en Santé publique, et pourrait orienter ces financements vers des médecins généralistes16. A nouveau, la question qui se pose n’est pas tant la disponibilité de financement que l’apprentissage par la nouvelle filière universitaire des ressources existantes pour leurs étudiants. Le financement de la recherche La mise en œuvre au cours des dernières années d’une politique d’amélioration des pratiques médicales dans tous les services de santé (diffusion de la médecine fondée sur les preuves, amélioration de la qualité des soins, recommandations de bonne pratiques, développement des réseaux de soins) et de politiques de santé publique a conduit à l’allocation par les pouvoirs publics et l’assurance-maladie de fonds de recherche et d’études distribués par appel d’offre. Les principaux financeurs sont aujourd’hui la Haute Autorité de Santé en tant que telle ou par l’intermédiaire de l’ex-ANAES, le Ministère de la Santé par le biais de la DREES et de la MIRE, les organismes d’assurance-maladie, et les organismes mutualistes. Les URML ont également des besoins d’études et font appel soit à des organismes commerciaux, soit à des équipes de recherche publique ou privées à but non lucratif. Enfin, il convient de rappeler l’appel d’offres pour postes d’accueil créé conjointement par l’INSERM et la CNAMTS à l’initiative du Comité d’Interface INSERM/Médecine Générale17. Cependant, ces appels d’offre ne sont pas dédiés spécifiquement à des problématiques de recherche en médecine générale ou en soins primaires, à l’exception notable de l’appel d’offre animé par le Conseil Scientifique de la CNAMTS et de l’appel d’offre conjoint INSERM/CNAMTS. Dans la compétition, il est clair qu’à l’heure actuelle les équipes existantes de recherche en médecine générale, réseaux volontaires, sociétés savantes ou DUMG, n’ont pas la même maîtrise de préparation des dossiers que les équipes de recherche universitaires (en santé publique par exemple) ou de l’INSERM. Si elles ne s’associent pas à l’une de ces équipes, la probabilité qu’elles obtiennent un financement est faible. Par ailleurs, les projets présentés par les médecins généralistes souffrent d’un autre handicap majeur, qui est celui de la rémunération des investigateurs de terrain. Dès lors qu’ils doivent constituer un échantillon représentatif de médecins, collecteurs de données, ou faire travailler des groupes de pairs, il est nécessaire d’indemniser au moins partiellement les investigateurs du temps pris sur leur pratique. Les montants disponibles dans les appels d’offre publics sont rarement suffisants pour financer ces indemnisations. Les projets présentés ne sont pas donc pas crédibles d’un point de vue méthodologique, soit doivent faire appel à des ressources autres. Les financements de formation médicale continue offrent ce complément de ressources, mais conduisent à des compromis sur les protocoles qui diminuent leur pertinence scientifique. Dans ces dispositifs de financement, une place particulière doit être faite au Fonds d’Amélioration de la Qualité des Soins de Ville, le FAQS, qui est le fonds le plus richement 16 Entretien avec le Professeur Claudine Blum-Boisgard, Médecin Conseil National du RSI. Les médecins généralistes sont par ailleurs sollicités comme investigateurs pour participer à des essais cliniques financés par l’industrie pharmaceutique, ou à des observatoires centrées sur l’utilisation d’un médicament, mais ils ne sont évidemment pas maîtres du questionnement de recherche. 17 28 doté. Ce fonds est géré paritairement par l’Assurance-Maladie et les principaux syndicats des médecins, puisque sa création fait partie de la politique conventionnelle. Mais le FAQSV n’a pas été crée pour financer des recherches sur les soins de ville et sur les soins de santé : il finance des expérimentations dont l’objectif est l’amélioration de la qualité de soins. Le domaine d’application privilégié du FAQSV a été celui des réseaux de soins, les expérimentateurs devant apporter la preuve du concept qu’ils proposent. Malgré cela, indirectement et inévitablement, le FAQSV a permis à des réseaux de médecins généralistes et aux sociétés savantes de développer des recherches autour des expérimentations et d’acquérir des compétences en méthodologie de l’évaluation. En concertation avec les principaux financeurs publics de la recherche en santé, l’assurancemaladie, les mutualistes et les fondations, nous proposons que soient lancés des programmes d’appel d’offre suffisamment dotés et maintenus sur le moyen terme (au moins 5 ans) dédiés à la recherche en médecine générale et en soins primaires. Deux pistes peuvent être creusées. D’une part, l’Agence Nationale de la Recherche pourrait inscrire dans ses appels d’offre annuels une ligne portant sur ce domaine, dans le cadre des recherches en santé. Certes, il est déjà possible aujourd’hui de déposer un dossier à l’ANR, mais dans le contexte concurrentiel actuel les équipes de recherche en médecine générale ont peu de chance de succès. D’autre part, le Ministère de la Santé pourrait utiliser le modèle du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (le PHRC) et mettre en œuvre un Programme de Recherche Clinique en Médecine de Ville. Rappelons que le PHRC est financé par une part réservée prise sur l’ONDAM hospitalier. Il faut donc explorer la possibilité de procéder de la même façon pour la médecine de ville, sachant que dans ce cas il faudra impliquer les syndicats de médecine libérale dans la négociation, et que ce fonds viendra en sus du financement du FAQSV. Par ailleurs, un tel fonds devra être ouvert non seulement aux médecins généralistes, mais également aux autres spécialités médicales exerçant en ville ainsi qu’aux autres professionnels de santé non médecins. Le contenu thématique de tels programmes sur le moyen terme implique un travail préalable d’identification des axes de recherche les plus prometteurs du point de vue de la production de connaissances et des retombées sur la pratique de ville et l’organisation des soins. Si la décision de créer des tels programmes est prise, il faudra constituer un comité préparatoire impliquant les médecins généralistes impliqués dans la recherche, les autres équipes de recherche travaillant sur le domaine, le Ministère de la Santé et les organismes d’assurancemaladie. Le développement de bases de données Dans les pays où la médecine de première ligne joue un rôle de « gatekeeper », et où les médecins généralistes ont une patientèle stable sur liste, ceux-ci disposent d’un atout en matière de travaux de recherche menés sur une base populationnelle. L’informatisation des cabinets a été par ailleurs un facteur facilitant important par la mise à la disposition des équipes universitaires d’un matériau d’observation et d’une infrastructure d’investigation. En France, si l’informatisation des cabinets médicaux est maintenant un acquis, la constitution de bases de données issues des cabinets de ville est toujours en débat. L’Assurance Maladie dispose certes des données de la gestion du risque (données de remboursement des prestations) mais celles-ci ne comportent pas de données décrivant les pathologies prises en charge. Il existe deux opérateurs commerciaux, la CEGEDIM et IMS, qui mettent à la disposition des pouvoirs publics les données issues de panels de médecins généralistes (et de 29 certaines spécialités de ville) avec un décalage dans le temps, mais l’acquisition de ces données est onéreuse pour des équipes de recherche18. La SFMG est en phase d’accroissement de son panel, l’Observatoire de la Médecine Générale, avec le soutien de l’IRDES et a plusieurs partenariats avec des équipes de recherche. Disposer soit d’une base nationale établie sur des critères rigoureux de représentativité de la médecine générale et des autres spécialités de ville, comportant une identification des pathologies prises en charge et des traitements, et soumis à un contrôle de la qualité des données, soit d’un réseau de bases régionales aurait un double avantage : permettre aux pouvoirs publics et aux payeurs d’évaluer la performance des services, et offrir une plateforme technique aux équipes de recherche. Il est possible que le déploiement du DMP permette de répondre à ce besoin : dans ce cas, il serait souhaitable de prendre en compte les besoins de recherche dans la structuration du dossier informatisé commun. 4. Synthèse des propositions. Rappelons les principes sur lesquels les propositions qui précèdent ont été élaborées. Principe 1 : la formation à et par la recherche, et l’existence d’une activité de recherche de qualité sont des conditions nécessaires de l’amélioration de la qualité des soins pour tous les professionnels de santé, parmi ceux-ci de tous les spécialistes médicaux, et par voie de corollaire pour la médecine générale. On ne peut pas demander aux médecins de ville, généralistes ou autres, de mettre en œuvre une médecine fondée sur les preuves sans développer la production de ces preuves. Principe 2 : la production de ces preuves n’est à l’heure actuelle pas ou peu assurée par les équipes de recherche existantes, à l’exception des équipes de santé publique. Deux raisons à cela : la patientèle des médecins de ville diffère notablement de celle des spécialistes et encore plus de celle des hôpitaux, par conséquent il y peu de chance que les équipes universitaires existantes s’y intéressent. Elles ont elles-mêmes leur propre champ d’investigation à couvrir. Il existe donc un champ d’investigation spécifique à la médecine générale, en recherche clinique, en épidémiologie, en évaluation d’interventions, en analyse des déterminants des comportements des médecins et de leurs patients. Cette spécificité est une spécificité de domaine, pas de méthodes. Principe 3 : les deux premiers principes justifient la constitution d’une filière universitaire forte en médecine générale et l’implication des médecins généralistes sur un domaine d’investigation spécifique. Cependant, la médecine générale s’insère dans une offre de soins de première ligne qui va au-delà des cabinets médicaux. En France, certaines spécialités jouent également un rôle dans l’offre de soins de première ligne. La recherche sur les soins primaires est également un domaine dont on doit encourager le développement en France. Celle-ci est par nature pluri-disciplinaire et mobilisera donc d’autres professionnels et d’autres disciplines scientifiques, et ne sera pas l’apanage des médecins généralistes. Mais ceux-ci en seront un pilier. Autrement dit, au prétexte que la médecine générale doit inscrire ses recherches dans un ensemble plus vaste de recherches en soins primaires, on pourrait être tenté de faire l’impasse de l’investissement dans la recherche en médecine générale ou 18 Il est juste de signaler que les deux opérateurs sont très ouverts à des partenariats recherche et proposent des conditions tarifaires aux équipes qui souhaitent utiliser leurs bases. 30 subordonner celle-ci au développement de la recherche en soins primaires. Cette politique serait contradictoire avec les deux premiers principes énoncés. Ces principes étant posés, nos principales recommandations sont les suivantes : Investir dans la recherche en médecine générale et en soins primaires : Cet investissement doit se faire à tous les nivaux de la formation des médecins. Il convient de combiner la consolidation des DUMG par la titularisation des généralistes-enseignants associés ayant fait la preuve de leurs capacités à diriger des recherches, et l’amorçage d’un recrutement de futurs enseignants-chercheurs ayant reçu une formation classique à la recherche par la filière Master-Doctorat. Les actions proposées ci-dessous doivent s’inscrire dans une durée d’au moins 5 ans, voire 10 ans. 1. Outre la qualité des candidats, nous proposons de tenir compte de l’environnement scientifique et des collaborations préexistantes de recherche des DUMG. Ceci ne devrait pas poser de problèmes majeurs, dans la mesure où il y a souvent corrélation entre les deux critères. Ceci devrait faciliter la constitution future de pôles interrégionaux de recherche en médecine générale et en soins primaires. La titularisation d’enseignants-chercheurs pourra inclure des médecins généralistes qui ne seraient pas encore enseignants associés mais qui auraient déjà acquis une formation à la recherche et l’obtention d’un diplôme de doctorat de sciences biologiques et médicales. 2. Nous proposons de maintenir en parallèle le corps des généralistes enseignants associés. Cette mesure permettra de maintenir le potentiel d’enseignants requis (voire de l’augmenter) compte tenu des besoins prévisibles de formation de médecins généralistes. Ceci permettra également que le temps des enseignants titulaires temps plein de soient pas immédiatement absorbé par l’enseignement. 3. Les Professeurs Universitaires de Médecine Générale (PU-MG) et les Maîtres de Conférence de Médecine Générale (MCU-MG) auront comme leurs homologues hospitaliers une triple fonction de soins, d’enseignement et de recherche. Ils exerceront leurs fonctions de soins en cabinet (le plus souvent des cabinets de groupe) qui recevront un agrément universitaire. Leur temps de soins sera plafonné, de façon à garantir l’exercice des deux autres missions, et en particulier de la recherche. 4. Les Chefs de Clinique Assistants en médecine générale auront également une fonction de soins, une fonction d’enseignement théorique et de formation clinique des internes en médecine générale. Ils travailleront dans les cabinets agrées par l’Université avec un contrat de collaborateur libéral. Leur temps de soins sera plafonné. Ils exerceront un rôle d’encadrement d’un petit nombre d’internes en médecine générale en stage en cabinet. Cet encadrement ne se fera pas au cabinet, mais au sein des DUMG. 5. Les généralistes enseignants associés qui ne seraient pas titularisés au cours d’une première vague de trois ans compte tenu de leur dossier de travaux de recherche se verraient offrir pour un petit nombre d’entre eux la possibilité de compléter leur formation à la recherche actuelle par l’offre d’années-recherche, voire par la mise en place de rémunérations forfaitaires venant se substituer à leurs revenus libéraux, afin de pouvoir faire acte de candidature aux concours universitaires. L’évolution des 31 travaux de doctorat vers des thèses sur articles publiés devrait faciliter cette formation complémentaire. L’appel d’offre INSERM/CNAMTS pourrait également servir de modèle pour l’acquisition de cette formation complémentaire dans un premier temps, pour ensuite s’orienter vers la formation de jeunes médecins. 6. L’accès à la formation à et par la recherche sera facilité pour les étudiants en médecine. Maintenant qu’il existe un DES de médecine générale, comme pour les autres spécialités médicales, il convient de remarquer que le principal obstacle à l’accès à ces formations pour des étudiants qui se destineraient à la médecine générale tient plus du choix tardif et souvent par défaut d’une filière d’internat, d’une méconnaissance des filières de Master et de Doctorat, et de l’absence d’un filière universitaire statutaire que de l’absence de financements et de formations adéquates. Néanmoins, il existe sans doute à l’heure actuelle un biais de sélection des dossiers de bourses pour Master et Doctorat en faveur de candidats appartenant à des disciplines plus établies sur un pan scientifique. Pour remédier à ce biais, il est possible pendant un certain nombre d’années (5 ans, par exemple), de proposer des allocations de recherche fléchées sur des thèmes de recherche en médecine générale et en soins primaires. Plusieurs organismes pourraient participer à ces programmes fléchés : les organismes d’assurance-maladie, intéressés au premier chef par la qualité des soins de première ligne ; les organismes mutualistes ; les collectivités territoriales ; les URML ; les différentes fondations (FRM, Fondation de France, etc.). 7. La formation à la recherche des médecins généralistes pourra s’effectuer de façon fructueuse au sein de départements universitaires de médecine générale des autres pays européens. 8. L’amorçage d’un flux de jeunes médecins au sein des formations doctorales à la recherche permettra de renforcer le potentiel des DUMG (surtout pour les doctorants) mais aussi de former les futurs enseignants-chercheurs de l’ensemble des DUMG, audelà des premiers pôles inter-régionaux de recherche. En revanche, dans un premier temps, ceux-ci auront la responsabilité de former les étudiants. 9. A la fin de la première vague de titularisation, et en fonction de la montée en charge de la formation à la recherche de nouveaux médecins généralistes, un appel d’offre à la constitution de pôles inter-régionaux sera ouvert, avec les procédures habituelles de l’ANR mais sur la base d’un fléchage des programmes vers la recherche en médecine générale et en soins primaires. L’ANR pourra également déléguer la gestion de cet appel d’offres aux instances représentatives des facultés de médecine et à l’INSERM. Le financement des pôles inclura des budgets de fonctionnement et de recrutement de personnel, notamment des ingénieurs et des techniciens de recherche. 10. Les pôles inter-régionaux auront parmi leurs missions celle d’animer les réseaux locaux existants de médecins généralistes impliqués dans la recherche. Ils pourront ainsi augmenter la qualité scientifique de ces réseaux, et en même temps bénéficier de leur capacité à mobiliser des investigateurs. Ces réseaux associés pourraient obtenir un label témoignant de leur capacité à participer à des recherches. 11. Avant la mise en place de l’appel d’offre à structure de recherche, il convient de mettre en place des programmes de financement sur projet dédiés à la médecine générale et aux soins primaires. La mise en place d’un programme équivalent au 32 Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) pour la médecine de ville répondrait à ce besoin. Il convient de remarquer que ce programme serait également ouvert à des projets de recherche impliquant des spécialistes de ville autre que les médecins généralistes mais jouant un rôle dans le dispositif de soins primaires, ainsi qu’à d’autres professionnels non médecine, dès lors que les projets ont la qualité scientifique requises. L’appel d’offre annuel du Conseil Scientifique de la CNAMTS pourrait être un modèle utile pour ce programme national. 12. Les Sociétés Savantes de Médecine Générale continueront à jouer un rôle important d’animation du milieu, de diffusion des connaissances et d’opérateurs de recherche pour des projets multi-centriques. Elles bénéficieront de l’augmentation du nombre de médecins généralistes ayant acquis une formation à la recherche. Chacune a une identité forte liée à son histoire, mais à l’instar des autres pays, on peut espérer qu’à terme elles fédèrent leurs actions. 13. Il convient également que les pouvoirs publics, les organismes d’assurance maladie, l’Université et les organisations professionnelles s’engagent dans un partenariat pour construire progressivement des outils d’observation de la médecine de ville dont la qualité serait incontestée et qui seraient mis à la disposition de tous les acteurs. 33 Annexe 1- Liste des personnalités rencontrées Nom Fonction Professeur Jean-François Dhainaut Professeur Francis Brunelle Professeur Marc Brodin Professeur Hubert Allemand Docteur Joëlle Guyot M. Jean-Paul Aubert Professeur Bernard Nemitz Président de l'Université Paris V Conseiller technique au Cabinet du Ministre de la Santé Président du Conseil Scientifique de la CNAMTS Médecin Conseil National, CNAMTS Médecin Conseil, CNAMTS CNAMTS Doyen de la Faculté de Médecine d'Amiens, conseiller technique du Ministre de L'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Professeur Jean-Paul Francke Professeur Rissane Ourabah Doyen de la Faculté de Médecine de Lille Médecin généraliste, Professeur associé de médecine générale, Faculté de Bicêtre Médecin généraliste, Maître de conférence associé de médecine générale, Faculté de Bicêtre Médecin généraliste, Professeur associé de médecine générale, Faculté de Paris Ouest, Responsable du CNGE Recherche Docteur Patrice Marie Professeur Patrick Chevallier Professeur Bernard Gay Médecin généraliste, Professeur associé de médecine générale, Faculté de Bordeaux Professeur Hector Falcoff Médecin généraliste, Professeur associé de médecine générale, Faculté Paris V, SFTG Docteur François Raineri Médecin généraliste, Président de la SFMG Docteur Philippe Boisnault Médecin généraliste, SFMG Docteur Luc Martinez Médecin Généraliste, SFMG Docteur Martin Schuers Interne en médecine générale, ISNAR-MG, CHU de Rouen Docteur Catherine Laporte Interne en médecine générale, ISNAR-MG, CHU de Nîmes Docteur Etienne Gallet Interne en médecine générale, ISNAR-MG, CHU de Tours Professeur Claudine Blum-Boisgard Médecin conseil national, Régime Social des Indépendants (RSI) Professeur Dominique Bertrand Médecin Conseil National, Mutualité Sociale Agricole Docteur Lisa Cotterill PhD, NHS Research Capacity Program, Departement of Health, UK. Professeur Amanda Howe Médecin généraliste, Professeur de soins primaires, membre du RCGP, Université de Norwich, RoyaumeUni. Professeur Bonnie Sibald Professeur Christian van Weel Professeur Didier Giet Docteur Pierre-Olivier Koehret Docteur Pierre Costes Docteur Michel Chassang Directeur du National Primary Care Research & Development Centre, Université de Manchester, UK. Médecin généraliste, Professeur de médecine générale, Université de Nimègue, Pays-Bas Médecin Généraliste, Professeur de médecine générale, Université de Liège, Belgique Médecin Généraliste, MG France/MG Recherche. Président de MG France CSMF 34 Docteur Bernard Ortolan Docteur Régis Mouriès Docteur Michel Doré Professeur Bernard Charpentier Professeur Serge Gilberg Monsieur Philippe Garnier Président de l'UMRL Ile-de-France Vice-Président de la Section Généraliste, URML Ile-deFrance Secrétaire Général de la Section Généraliste, URML Ile-de-France Président de la Conférence des Doyens, Doyen de la Faculté de Médecine de Bicêtre. Médecin généraliste, Professeur Associé de Médecine Générale, Faculté Paris V Sous-Direction des Statuts et des Réglementations, Service du Personnel Enseignant, Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Madame Leroux Sous-Direction des Statuts et des Réglementations, Service du Personnel Enseignant, Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Monsieur Yannick Coirint Sous-Direction des Statuts et des Réglementations,Service du Personnel Enseignant, Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Docteur Anne-Marie Gallot Sous-Direction des Professions de santé, Direction Générale de la Santé, Ministère de la Santé Médecin Généraliste, Président du CNGE, Professeur associé de médecine générale, Pairs Ouest Professeur Pierre-Louis Druais 35 Annexe 2 : Compte-rendu d’entretien Professeur Didier Giet Chef du Département de Médecine Générale Université de Liège, Belgique. L’impulsion initiale pour la création de Départements Universitaires de Médecine Générale a été la Directive Européenne de 1980 d’harmonisation de la formation des médecins généralistes. La Directive imposait trois années de formation après la fin des études médicales. Il existait auparavant deux ans de formation spécifique à la médecine générale, et les futurs généralistes étaient tenus d’effectuer 200 heures de cours pour obtenir un agrément final d’exercice du Ministère de la Santé. L’enseignement a d’abord été confié aux internistes. A Liège l’Université a crée cinq charges d’enseignement à temps partiel, occupées par des médecins généralistes praticiens pour assurer les 200 heures de cours obligatoires. En 1992, la première chaire de médecine générale est créée. Le poste est un poste de titulaire, pas nécessairement à temps plein. Le médecin nommé conserve une pratique de ville, et n’a pas de fonction hospitalière. Petit à petit, les 6 autres Facultés de Médecine créent également des chaires. A cette époque, les candidats retenus l’ont été sur la base de leur expérience d’enseignants et des services rendus aux Universités. Aucun candidat n’est titulaire d’un diplôme de doctorat en sciences. Comme en France, l’Université a le monopole de la formation initiale, mais la formation continue est aux mains de la profession. Le Professeur Didier Giet est nommé en 1995 à Liège, sur un poste à temps partiel. Le Diplôme d’Etudes Spécialisées en 3 ans se met en place. En Belgique, la formation initiale est de 6 ans + 1 année au cours de laquelle un Travail de Fin d’Etude est réalisé, qui s’apparente à la thèse d’exercice en France. A la fin de cette année, les étudiants passent un examen d’entrée en DES. En 2000, une nouvelle réforme est introduite, qui a pour conséquence d’augmenter le nombre relatif de médecins généralistes en formation. La Doyen de la Faculté de Médecine de la Faculté de Liège prend en compte l’augmentation des étudiants futurs généralistes et met en place une nouvelle forme de pédagogie, fondée sur l’apprentissage de la résolution des problèmes. Le Professeur Giet occupe une fonction à temps plein, qu’il assure en maintenant une activité libérale en cabinet de groupe, le matin et le soir cinq jours par semaine. Le Département s’appuie sur une équipe de 8 enseignants à temps partiel, ainsi que d’un réseau de 300 maîtres de stage pour la formation à la pratique clinique en cabinet. Petit à petit, la pression interne au sein de l’Université augmente sur l’activité de recherche, évaluée par la production de publications dans les revues indexées à facteur d’impact. Les nouveaux jeunes enseignants doivent publier régulièrement et sont titularisés après une période probatoire de trois ans. Le temps de présence à l’Université augmente pour les nouveaux recrutés. Le Département peut compter sur le soutien méthodologique du service de bio-statistique de l’Université, mais n’a pas de personnel technicien en propre. Le Professeur Didier Giet met l’accent sur les caractéristiques suivantes de la situation belge. En premier lieu, par rapport à la France, l’autonomie des Université belges leur a donné une plus grande souplesse pour développer des départements de médecine générale. A contrario, l’utilisation de cette souplesse en faveur des médecins généralistes a été très dépendante des doyens, et la création des Départements de Médecine Générale s’est fait dans un contexte de 36 résistance forte des médecins hospitaliers. Il existe une exigence croissante de production de recherche pour les enseignants, qui doivent faire la preuve de leurs qualités scientifiques comme les enseignants des autres disciplines. La publication dans une revue internationale du domaine est le standard, même si les médecins généralistes continuent également à publier sur des supports nationaux. 37 Annexe 3 – La recherche en médecine générale au Royaume-Uni. Le Royal College of General Practitioners, fondé en 1952, est à l’origine d’un investissement en recherche en médecine générale et en soins primaire. Un comité de la recherche a été crée en 1953, dans le but d’encourager les médecins généralistes adhérents au RCGP de mener des travaux à partir de leurs cabinets, recherches coordonnées au niveau national par le Collège. La tradition d’une recherche épidémiologique et de santé publique en médecine de première ligne est ancienne au Royaume-Uni, La première chaire universitaire de médecine générale a été fondée en 1963. Depuis, le nombre de chaires n’a cessé d’augmenter. En 1969 il existait 5 chaires universitaires de médecine générale, en 1986 toutes les facultés de médecine en étaient dotées (24) et le mouvement s’est continué avec la création de 7 nouvelles universités. Les départements de médecine générale comportent des effectifs de médecins, d’enseignants chercheurs en sciences sociales, de statisticiens et d’épidémiologistes. Le Rapport Mant recensait 335 médecins généralistes avec des positions académiques en 1995, sur un total de 32 000 médecins généralistes, soit 11% de la spécialité. En 2001, l’ensemble des départements de médecine générale avait bénéficié de 452 contrats de recherche, dont 170 pour un montant supérieur ou égal à 100 000 £ et 8 pour un montant supérieur à 1 Million de £. 5 départements avaient le plus haut classement en termes de qualité scientifique au Medical Research Council. Cet état des lieux positif masque le fait qu’une véritable impulsion en termes de recherche a été donnée par le Ministère de la Santé (Department of Health) à la suite de la publication du rapport Mant. Ce rapport est le fruit du travail d’un comité sous la présidence du Professeur David Mant, Directeur de la Recherche et du Développement au NHS. L’objet en a été la recherche et le développement en soins primaires. Le rapport part du constat d’un sousinvestissement de la communauté de recherche sur un domaine qui pourtant, recouvre une très large part des services de santé offerts à la population. Le domaine couvert par le Comité a dépassé le cadre de la médecine générale. Le rapport fait état des réalisations passées des départements de médecine générale et du RCGP, tout en mettant en avant l’insuffisance des moyens mis en œuvre. Par ailleurs, le Comité adopte une définition large des soins primaires qui englobent la médecine générale. A l’issue de ce rapport, un plan ambitieux de développement sur cinq ans a été mis en œuvre par le Ministère de la Santé, avec une série d’actions à trois niveaux : l’investissement dans la formation des professionnels à la recherche, l’investissement dans les infrastructures de la recherche, enfin le financement des recherches en propre. Ce serait 5 millions de livres qui ont été investies sur 5 ans pour les deux premières actions, et 12 millions de livres pour le financement de projets de recherche. L’investissement dans la formation des professionnels s’est fait par le soutien à des études doctorales et post-doctorales. En cinq ans, 20 médecins généralistes ont obtenus des bourses doctorales, 6 des bourses post-doctorales. L’investissement en infrastructure a pris plusieurs formes. Des réseaux de médecins généralistes ont reçu un agrément et un soutien financier pour les inciter à participer à des travaux de recherche initiés par les départements universitaires (les Primary Care Research 38 Networks). Cette initiative est venue compléter une initiative plus ancienne du RCGP, qui avait également crée le label de « Research Practice » pour distinguer des cabinets médicaux qui avaient montré leur capacité à s’insérer dans des travaux de recherche universitaire (1995). Une deuxième action a consisté à financer des postes de chercheurs et des chaires de recherche au sein des équipes universitaires de recherche en soins primaires. Un appel d’offre à la création de centres d’excellence en recherche en soins primaires a été lancé, garantissant un financement récurrent sur 5 ans dont le renouvellement était soumis à évaluation scientifique. Huit « primary care academic units » ont été sélectionnées dans le cadre de ce programme. Enfin, le NHS a crée un centre national de recherche en soins primaires, rattaché à l’Université de Manchester et à l’Université de York : le « National Primary Care R&D Centre », dirigé par le Professeur Bonnie Sibald. Ce centre emploie 40 chercheurs de plusieurs disciplines et 20 personnels de soutien, et dispose d’un budget annuel de 2,5 millions de livres. Le NPCRDC doit allier recherche de qualité et réponses aux besoins des décideurs publics. Par ailleurs, il a une responsabilité importante en termes de diffusion des résultats de la recherche auprès des professionnels de santé. Le financement de programmes de recherche (le Joint Primary Care Initiative) a été lancé conjointement par le Ministère de la Santé et le Medical Research Council. Il a été doté de 12 millions de Livres sur 5 ans. Il fonctionne par appel à projets. Un deuxième rapport, le Walport Report, préparé sous la responsabilité du Directeur du Welcome Trust, a également émis des recommandations pour impulser des travaux de recherche clinique au Royaume-Uni. Ce rapport a eu un impact indirect sur la recherche menée par des médecins généralistes. En effet, il a recommandé que les réseaux de recherche en soins primaires financés par la première initiative se regroupent et se rattachent à des centres académiques de référence. Cette initiative a donc introduit une sélection certaine parmi les réseaux existants sur la base de leur capacité à participer à des essais cliniques en respectant des critères de qualité. L’inscription des sciences sociales dans la recherche en soins primaires est à l’heure actuelle encore jugé difficile par le Département de la Santé. Le rapport Mant avait souligné la difficulté que rencontraient les chercheurs en sciences sociales à valoriser leurs travaux en soins primaires dans leur champ disciplinaire d’origine. 39 Annexe 4- La recherche en médecine générale aux Pays-Bas La création d’une filière universitaire de plein droit en médecine générale date des années soixante, au cours desquelles la législation hollandaise a imposé une formation universitaire de spécialité de trois ans aux médecins généralistes. Entre 1967 et 1973, les huit facultés de médecine ont donc crée des départements de médecine générale de régime similaire aux autres départements de spécialités. Cette création ne s’est pas faite sans opposition et conflit avec les autres spécialités médicales, qui ont eu du mal à accepter que certains enseignements (par exemple la pédiatrie) soient transférés vers des médecins généralistes, au titre que les patients vus en cabinet n’étaient pas les mêmes que ceux vus par les spécialistes à l’hôpital. L’investissement initial des départements a donc été principalement sur la formation : il fallait organiser les enseignements de 1er et de 2éme cycle et la formation de spécialistes. Cependant, les départements de médecine générale pouvaient s’appuyer sur des réseaux de cabinets de ville, procédant à des enregistrements systématiques de cas, pour effectuer des travaux d’épidémiologie en soins primaires. Comme au Royaume-Uni, le rôle de « gatekeeper » joué par les médecins hollandais et l’inscription des patients sur la liste des cabinets a facilité cette tenue des registres et les études longitudinales de clientèles. Cette création des départements universitaires s’est faite dans un contexte particulier, proche de celui du Royaume-Uni. Le Collège Hollandais de Médecine Générale existe depuis 1956, et a toujours encouragé les praticiens à conduire des actions de recherche. C’est parmi les membres dirigeants de ce collège qu’ont été nommés les premiers chefs de département. Par ailleurs, il n’était pas inhabituel aux Pays Bas qu’un médecin généraliste prépare une thèse de doctorat (pas une thèse d’exercice). En 1989, ce serait 3% des médecins généralistes hollandais qui auraient été titulaires de l’équivalent d’un doctorat de sciences biologiques et médicales. Extrapolé à la France d’aujourd’hui, ce serait donc 1800 médecins généralistes sur 60 000 en exercice qui seraient titulaires de ce diplôme ! Malgré ces atouts initiaux, ce n’est qu’au début des années 80 que les départements de médecine générale ont pu atteindre une taille critique suffisante pour développer des activités de recherche. En 1986, le Medical Institute a lancé un programme de financement de programmes doctoraux pour médecins, et des programmes de financement dédiés à la recherche en médecine générale. 20 médecins généralistes ont bénéficié du programme doctoral, et 4 d’entre eux ont obtenu depuis une chaire de médecine générale à l’Université. Une préoccupation importante des départements de médecine générale est la création d’une infrastructure de recherche. Si tous les départements disposent d’une équipe d’au moins 5 équivalent-temps plein, ils cherchent aussi à s’appuyer sur des médecins travaillant en cabinet. L’outil de travail principal des départements est alors le réseau de cabinets médicaux. Un débat important porte sur le financement des activités de recherche de ces réseaux. Les spécialités médicales hospitalières bénéficient de financements spécifiques pour mener des travaux de recherche clinique, mais les cabinets médicaux reçoivent uniquement un financement pour les soins délivrés. Les départements de médecine générale ne reçoivent pas ou peu de financements récurrents des universités en dehors des salaires, et doivent donc 40 recourir à des financements externes pour couvrir leurs dépenses de recherche et celles des cabinets participants. Le Département de Médecine Générale de l’Université de Nimègue nous servira à illustrer le fonctionnement de la recherche aux Pays-Bas. Il emploie 5 équivalent-temps plein, plus du personnel d’enseignement et de recherche associés. Il travaille avec un réseau de 24 médecins praticiens, dont la moitié sont titulaires d’un doctorat. L’essentiel de son financement est assuré par la réponse à des appels d’offres de recherche provenant de fondations, du Medical Research Council hollandais, de l’Union Européenne, et de l’industrie. Il assure des enseignements en 1er et 2ème cycle, et tout au long des trois ans de formation spécialisée. Il assure également un programme doctoral en quatre ans. A l’heure actuelle, l’enseignement de spécialité a été réorganisé de façon à permettre à des jeunes médecins de mener de front programme doctoral et formation médicale. Le Chef de Département, le Professeur Christian van Weel, assure une consultation en cabinet un jour par semaine. Plusieurs tentatives de créer des cliniques universitaires de médecine générale ont été faites, sans succès. Une des raisons de ces échecs est la lourdeur de la gestion universitaire pour des cabinets de médecine de ville. La pratique médicale des enseignants chercheurs est donc indépendante. Cependant, les cabinets de ville peuvent passer deux types de contrat avec l’Université : des contrats s’apparentant à des agréments pour la formation des étudiants en médecine (stages), et des contrats de partenariat de plus long terme pour des activités de recherche, ou pour des actions expérimentales de formation. 41