Expérience de la gomme quantique à choix retardé

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Expérience de la gomme quantique à choix retardé
L’expérience de la gomme quantique à choix retardé1 est une expérience de mécanique quantique qui constitue une
extension de celle d'Alain Aspect et des fentes d'Young en y introduisant ce qui semble être une rétroaction implicite dans le
temps. Proposée en 1982 par Marlan Scully 2 et Kai Drühl, une version de cette expérience a été réalisée en 1998 dans l'équipe
de Yanhua Shih (University of Maryland, États-Unis).
Schématiquement, deux dispositifs similaires aux fentes d'Young sont installés en cascade.
On sait que l'incertitude quantique concernant le passage (éventuel !) de particules par l'une ou l'autre fente :
■ n'est levable que par un processus de détection,
■ et subsiste en l'absence de celle-ci, non seulement en tant que connaissance de l'expérimentateur, mais bien en tant qu'état
du système.
L'idée de Marlan Scully est de ne décider l'intervention de cet observateur qu'au dernier moment, alors que la particule 3 a déjà
franchi la première série de fentes.
Les équations de la mécanique quantique imposent à la particule d'avoir vérifié lors du premier passage des conditions qui ne
sont pourtant stipulées que postérieurement, par intervention ultérieure du détecteur ou non. En d'autres termes, cette
intervention du détecteur semble modifier le passé de la particule.
L'observation confirme pour le moment ce résultat prévu, mais Marlan Scully ne se prononce pas encore sur les
enseignements que l'on peut ou non en tirer. John Wheeler s'est montré parfois moins réservé et a tenu à ce sujet des propos
controversés sur la modification du passé par des processus d'observation (à moins, selon une autre interprétation du même
phénomène, qu'il ne s'agisse d'une définition du présent par le résultat de l'observation de phénomènes passés — voir
l'interprétation d'Everett).
Sommaire
1 Description de l'expérience
2 Figures d'interférences
3 Enjeux et interprétations
4 Enjeux et interprétations - complément
5 Notes et références
5.1 Sources
6 Voir aussi
6.1 Articles connexes
6.2 Lien externe
Description de l'expérience
L'expérience est plus simple qu'il n'y paraît. Le
dispositif va être décrit progressivement, afin de
bien faire apparaître les idées derrière chaque
élément de l'expérience.
Décrivons d'abord la première partie du dispositif :
si nous remplaçons les appareils B et C par de
simples miroirs, nous nous retrouvons avec une
variante de l'expérience des fentes de Young : le
miroir semi-réfléchissant A provoque une
interférence « du photon avec lui-même » et
provoque une figure d'interférence en I. Il est
important de bien comprendre l'expérience de
Young avant de tenter de comprendre celle-ci.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_la_gomme_quantique_%C3%A0... 28/11/2012
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En fait, en B et en C, sont placés des
« convertisseurs bas ». Un « convertisseur bas » est
un appareil qui, à partir d'un photon en entrée, crée
deux photons en sortie, corrélés, et de longueur
d'onde double par rapport au photon en entrée. Étant
corrélés, toute mesure effectuée sur un des deux
photons de sortie nous renseigne sur l'état de l'autre
photon. Par définition, un des deux photons en sortie
sera appelé « photon signal » et l'autre « photon
témoin ». Il est important aussi de souligner que le
« convertisseur bas » ne détruit pas l'état quantique
du photon : il n'y a pas de « mesure » et l'état des
deux photons en sortie respecte l'état de
superposition du photon en entrée. Cependant, les
photons corrélés par les convertisseurs bas ne
génèrent pas de figure d'interférences
immédiatement visible en I (voir paragraphe figure
d'interférences).
Maintenant, imaginons qu'il n'y ait pas de miroir
semi-réfléchissant en D et en E. Ne pourrait-on pas
détecter par quel chemin ( « par B » ou « par C »)
est passé le photon initialement émis? Si le détecteur
J se déclenche, c'est que le photon est passé par B, si
c'est K, c'est que le photon est passé par C. Les
« photons signaux » se comportant de la même
manière que s'il y avait des miroirs en B ou en C, la
figure d'interférence ne devrait-elle pas apparaître,
tout en nous renseignant sur le chemin pris par le
photon ? (ce serait en contradiction avec
l'expérience de Young)
En fait, non. La « mesure » effectuée par un des
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détecteur J ou K détruit l'état quantique des photons
« signal » et « témoin » (ceux-ci étant
quantiquement corrélés, voir paradoxe EPR), et aucune figure d'interférence n'apparaît en I. Nous retrouvons bien les résultats
de l'expérience de Young.
Maintenant, considérons le dispositif complet, représenté par la figure. Le photon témoin a une chance sur deux d'être réfléchi
par le miroir D ou E. Dans ce cas il arrive en F et il n'y a alors plus moyen de savoir si le photon est passé par B ou par C. En
effet, que le photon vienne de E ou de D, il a dans les deux cas une chance sur deux d'être détecté en H ou en G. Donc la
détection en H ou G ne permet pas de savoir d'où vient le photon. Ce miroir F est la « gomme quantique » imaginée par
Scully : il détruit l'information permettant de savoir par quel chemin est passé le photon.
Cependant, si au lieu d'avoir été réfléchi par D ou E, le photon témoin a été détecté par J ou K, alors il est possible de savoir le
chemin emprunté par le photon, et le photon signal correspondant enregistré en I ne contribue pas à faire une figure
d'interférence. Les miroirs D et E "tirent au sort", en quelque sorte, le destin du photon témoin : une chance sur deux de
devenir un photon dont on connaît le chemin, une chance sur deux de devenir un photon dont le chemin est indéterminé.
Or, la distance BD (et a fortiori BF) peut être très supérieure à la distance BI, et de même pour respectivement CE/CF et CI.
Et c'est le cas dans cette expérience. Donc, quand le photon signal vient impressionner la plaque photographique en I, le
photon témoin n'a pas encore atteint D ou E, et encore moins F. C'est le « choix retardé » dont il est question dans
l'expérience. Le résultat enregistré en I est donc fixé avant que le photon témoin ait été détecté en J/K, ou en G/H.
Au moment où le photon signal impressionne I, le chemin du photon témoin est encore indéterminé. La figure en I devrait
donc s'organiser systématiquement en figure d'interférence. Pourtant, un photon témoin sur deux en moyenne sera détecté en
J/K, et les photons signaux correspondant ne doivent pas s'organiser en figure d'interférence (puisqu'on connaît le chemin
emprunté). Comment le photon signal « sait-il » que le photon témoin sera détecté en J/K ou non ? Telle est la question
fondamentale de cette expérience.
Expérimentalement on constate qu'il n'y a jamais d'erreur : les photons signaux dont les photons témoins sont détectés en J/K
ne s'organisent pas en figure d'interférence, les photons signaux dont les photons témoins sont détectés en G/H s'organisent en
figure d'interférence (voir section suivante).
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Figures d'interférences
Lorsque les impacts de photons sont matérialisés en I, on ne voit qu'un brouillard sans signification. C'est la corrélation entre
chaque impact et le capteur qui permet de faire apparaître les franges d'interférence. Ici, les photons sont colorés en fonction
du capteur qui les a reçus. Lorsque l'on sépare l'image en quatre, on voit nettement apparaître les figures d'interférence pour
les photons détectés en G et H.
À noter que les deux figures 3. et 4. sont complémentaires, en opposition de phase. L'addition de ces deux figures donne une
figure similaire à la figure 2. ou 1. Cela explique la nécessité de recevoir des corrélations pour faire apparaître les figures
d'interférence. Sans corrélations, il n'y a aucun moyen de distinguer le cas 3.+4. du cas 5.+6.
1. La figure telle qu'elle est reçue
en I
2. Corrélation entre les impacts et
les 4 détecteurs
3. Photons corrélés avec le
détecteur G
4. Photons corrélés avec le
détecteur H
5. Photons corrélés avec le
détecteur J
6. Photons corrélés avec le
détecteur K
Note : Ces images sont des simulations
Enjeux et interprétations
L'aspect le plus spectaculaire de cette expérience est l'interprétation que l'on fait a posteriori de la figure d'interférence en I.
Tant que l'on n'a pas reçu les informations de corrélation en provenance des détecteurs G et H (qui peuvent être, disons, à cent
années-lumière!), il est impossible de déterminer si la figure en I contient ou non une figure d'interférence.
Si cela était possible, cela voudrait dire que l'on pourrait recevoir des messages du futur ! Par exemple, si, en même temps que
le photon, on émettait un message en destination d'un physicien (à cent années-lumière de là) lui demandant si, par exemple,
la théorie des cordes est exacte ou non, et de remplacer les miroirs D/E par des miroirs parfaitement réfléchissants si oui, et de
les enlever si non, alors il serait possible de savoir immédiatement si la théorie des cordes est valable ou non en décryptant
une figure d'interférence en I.
On pourrait alors véritablement parler de « rétroaction en provenance du futur ». Mais tel n'est pas le cas. Certaines
interprétations hâtives et sensationnalistes laissent penser cela, mais on voit clairement que ce n'est pas aussi simple.
En effet, force est de constater que la figure en I contient une information indécryptable qui dépend de quelque chose qui se
passe dans le futur. Mais elle ne peut être décryptée qu'avec des informations « classiques » (sur cette chose) qui ne peuvent
être connues, au plus tôt, que dans un délai qui annule le bénéfice de la rétroaction temporelle (par exemple, dans le cas de
l'interrogation d'un physicien à 100 années-lumière, on ne connaîtrait la réponse à la question que - au mieux - 100 ans plus
tard).
En fait, ce résultat, bien que spectaculaire, n'est pas plus surprenant (ni moins) que les résultats déjà connus des expériences
EPR. En effet, dans ces expériences, l'effondrement d'un côté du dispositif provoque immédiatement l'effondrement de l'autre
côté, aussi éloigné soit-il. Mais on ne peut s'en rendre compte qu'avec l'envoi d'une information classique (interdisant de
pouvoir communiquer à une vitesse supérieure à celle de la lumière).
Mais l'effet est plus frappant encore que dans l'expérience EPR, et nous pose avec une force plus grande encore la question :
qu'est-ce que le temps ?
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Enjeux et interprétations - complément
Considérons la situation où la "gomme quantique" est présente. La complémentarité des figures d'interférence obtenues par
corrélation des points reçus sur l'écran I avec les signaux reçus en G et H est une donnée importante qui doit être interprétée.
On nommera ces figures Fig(G) et Fig(H). On appellera de même Fig(0) la figure obtenue en absence d'interférences.
Si la figure d'interférence était identique dans les deux cas (Fig(G) = Fig(H)), l'impact d'un photon sur une frange sombre de
cette figure pourrait donner une information de type probabiliste. Nous pourrions dire dans ce cas qu'il y a davantage de
chance de détecter le photon en J ou K (cas où il n'y a pas interférence car on détecte quel chemin le photon a emprunté) qu'en
G ou H (cas où il y a interférence car la détection en G ou H n'apporte pas d'information sur le chemin emprunté).
Mais ce n'est pas le cas : les figures d'interférence sont exactement complémentaires (Fig(G)+Fig(H)=Fig(0)). Si le photon
tombe sur une frange sombre de Fig(G) alors cela donne bien une information de type probabiliste : si le photon est détecté en
G ou H alors le photon a davantage de chance d'être détecté en H (probabilité d'être détecté en H sachant qu'il est détecté en G
ou en H). Mais cette information n'a aucun lien avec la connaissance du chemin emprunté par le photon.
Mathématiquement, la fonction d'onde juste après les convertisseurs bas s'écrit :
On a noté
la fonction d'onde d'un photon signal et
celle d'un photon témoin. Juste avant l'impact sur l'écran I, on a :
La probabilité d'impact en un point x de l'écran est :
Les fonctions
et
sont orthogonales donc :
Il n'y a pas d'interférence. L'observation d'un impact en un point
réduit la fonction d'onde du photon signal à
Il s'agit d'une constante que l'on peut éliminer dans la suite. L'espace se réduit donc à un espace à une seule particule :
.
Dans l'expérience de gomme quantique à choix retardé décrite dans l'article de Kim et al., la particule témoin prend la
différence de phase de la particule signal. Comme après l'observation sur l'écran on connaît cette différence de phase, on a :
Comme les miroirs semi-réfléchissants introduisent des déphasages de
, on a finalement au niveau des détecteurs finaux :
Le signe + ou - dépend du détecteur G ou H. On observe donc la corrélation avec la première observation car la différence de
phase a été "enregistrée" dans la deuxième particule. Il n'y a donc aucune transmission d'une information du futur vers le
passé : la connaissance du résultat x0 de la mesure en I pour le photon signal modifie, pour l'observateur, la probabilité de
détection du photon témoin en G ou en H, de telle manière qu'apparaisse une figure d'interférence. La mécanique quantique
explique correctement cette expérience de façon déterministe. Il n'y aurait pas eu de corrélation si expérimentalement la
particule témoin n'avait pas pris la différence de phase de la particule signal.
Notes et références
1. http://fr.arxiv.org/abs/quant-ph/9903047
2. The Time-Dependent Schrödinger Equation Revisited: Quantum Optical and Classical Maxwell Routes to Schrödinger’s Wave Equation,
Marlan Scully, in Time in Quantum Mechanics, Spinger, 2009, ISBN 978-3-642-03173-1, article disponible également sur le site de
Harvard : http://adsabs.harvard.edu/abs/2010LNP...789...15S
3. Stricto sensu, selon l'interprétation de Copenhague, il est abusif de parler de particule tant que celle-ci n'a pas été détectée. Pour
l'interprétation causale de Bohm, la terminologie est correcte, puisque la variable cachée sur laquelle se fonde la théorie est la position de la
particule. Voir Hiley, B.1; Callaghan, R. What is erased in the quantum erasure?
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(http://www.birkbeck.ac.uk/tpru/BasilHiley/QuantEraserLight.pdf) Foundations of Physics, Volume 36, Number 12, December 2006, pp.
1869-1883(15)
Sources
■ Delayed "Choice" Quantum Eraser, Y.-H. Kim, R. Yu, S.P. Kulik, Y. Shih et M.O. Scully, Phys. Rev. Lett. 84, 1-5 (2000)
[1] (http://www.bottomlayer.com/bottom/kim-scully/kim-scully-web.htm)
■ Cette même expérience est décrite dans cette présentation (http://speckle.inaoep.mx/QOII/ppts/Scully.ppt) .
■ (en) Détails (http://www.metanexus.net/metanexus_online/show_article.asp?5561)
■ (en) Expérience illustrée (http://grad.physics.sunysb.edu/~amarch/)
■ (en) Nouvelle expérience de « choix différé » allant dans le même sens (http://fr.arxiv.org/abs/quant-ph/0610241) , d'Alain
Aspect.
Voir aussi
Articles connexes
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■
Causalité inversée
Expérience d'Aspect
Gomme quantique
David Deutsch
Freeman Dyson
Hugh Everett
John Wheeler
Vitesse supraluminique
Interféromètre de Mach-Zehnder
Interprétation transactionnelle de la mécanique quantique
Théorie de l'absorbeur de Wheeler et Feynman
Lien externe
■ Article sur l'expérience (http://strangepaths.com/lexperience-de-la-gomme-quantique/2007/03/20/fr/)
Ce document provient de « http://fr.wikipedia.org/w/index.php?
title=Expérience_de_la_gomme_quantique_à_choix_retardé&oldid=84791256 ».
Dernière modification de cette page le 31 octobre 2012 à 13:38.
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