2014 l m a r s - av r i l N°19 Le magazine de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Plan Cancer Avis de chercheurs Effets gravitationnels Des souris et des os Benzodiazépines Avec modération Jeux vidéo, jeux d'argent, sexe, travail… Des addictions comme les autres ? & En partenariat avec : Avec le soutien de : ©©François guénet/inserm Si les addictions aux substances psychoactives et les troubles liés aux abus des jeux vidéo se différencient, ils ont pourtant des points communs. On retrouve les mêmes facteurs de risque, à la fois individuels (co-morbidités psychiatriques) et environnementaux (parents en grande souffrance ou absents, groupe de pairs…) dans leur apparition et leur durée. Dans les deux cas, il existe une perte de contrôle qui entraîne la poursuite de l’usage ou de la pratique, malgré la survenue des dommages. Quant aux différences, il faut déjà noter que la toxicité n’est pas la même : la simple expérimentation de drogues peut être dangereuse, voire mortelle. De même, les troubles somatiques ou neurocognitifs provoqués par des consommations chroniques peuvent être redoutables, alors qu’ils sont très rares avec les addictions comportementales. Par ailleurs, la prise excessive de psychotropes se fait souvent dans le cadre d’autres conduites à risques (conduite automobile sous l’emprise de produits, agressions physiques, rapports sexuels non protégés voire non désirés…). A contrario, la pratique excessive des jeux vidéo peut refléter la volonté de l’adolescent de contrôler dans le virtuel ce qu’il ne peut gérer dans le réel et cacher une phobie sociale. Enfin, le syndrome de sevrage, lié à un déséquilibre du système neurohormonal dû à la consommation de substances, n’existe pas pour les abus de jeux vidéo. En conséquence, pour le clinicien, les prises en charge ont également des similitudes : importance de l’alliance thérapeutique, impulsion de changement sur tous les facteurs de risque et nécessité d’une thérapie dans le respect du patient et de ses pratiques. Les jeux existent depuis la nuit des temps, car ils participent de notre humanité. L’important est d’essayer de contrecarrer les effets délétères de leur usage abusif sur le développement de l’adolescent, et non d’éradiquer le jeu de sa vie. Olivier Phan Unité 669 Inserm/Université Paris 11-Paris Sud – Université Paris-Descartes, Trouble du comportement alimentaire de l’adolescent SOMMAIRE ➜ à la une lan Cancer 2014-2019 4 P Avis de chercheurs ➜ Découvertes 6 T oxinologie Un tueur dans la garrigue 10 Effets gravitationnels Des souris au service de nos os ➜ Têtes chercheuses 14 F rançoise Clavel-Chapelon 100 000 femmes à la loupe ➜ REGARDS SUR Le MONDE 17 Hérédité La peur du prédateur transmise par le sperme ? ➜ Cliniquement vôtre 18 N eurosciences L’activité physique… cérébrale 20 Schizophrénie Inégalité face aux traitements ➜ Grand Angle 22 Jeux vidéo, jeux d’argent, sexe, travail Des addictions comme les autres ? ➜ Médecine générale ➜ Entreprendre ➜ Opinions ➜ Stratégies 34 H oméopathie Pour quels patients ? 38 R echerche et innovation L’incontournable alliance 40 B enzodiazépines À consommer avec modération 42 R echerche en médecine générale Une discipline en devenir 43 Système d’information de l’Inserm La nouvelle feuille de route ➜ 50 ans de l’Inserm 44 Génétique Des maladies rares aux maladies infectieuses ➜ Bloc-Notes 46 La voix : l’expo qui vous parle 48 Yves Agid, L’homme subconscient – Le cerveau et ses erreurs mars-avril 2014 ● N° 19 ● ● 3 à la une • Découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes ➜ Plan Cancer 2014-2019 Avis de chercheurs ©©INCa Le 4 février dernier, lors des Rencontres de l’Institut national du cancer, le Président de la République présentait le nouveau Plan Cancer : 17 objectifs déclinés en de nombreuses actions définissent les nouvelles orientations de la lutte contre le cancer. Trois chercheurs déjà impliqués dans ce domaine donnent leur point de vue. LAdipocytes Cellules du tissu adipeux, spécialisées dans le stockage de la graisse LOstéocytes Cellules du tissu osseux L oie de V signalisation Succession de réactions biochimiques en réponse à une activation dans une cellule ☛Olivier ☛ Delattre : unité 830 Inserm/ Institut Curie - Université Paris-Descartes 4● « C’est en effet une nécessité, car les cancers pédiatriques sont très particuliers, commence O ­ livier D el att re * , ­directeur de l’unité Génétique et biologie des cancers à l’Institut Curie de Paris. D’une part, ils ne sont pas ­observés chez l’adulte et ils correspondent à une anomalie du développement, plutôt que du vieillissement ou de l’interaction avec l’environnement. D’autre part, s’ils se traitent très bien - 80 % d’entre eux sont guéris -, il faut tenter de limiter encore plus les éventuels séquelles et effets secondaires des t­ raitements que pour les adultes : l’espérance de vie après le cancer est encore longue ! Chez l’enfant, l’irradiation d’une tumeur cérébrale se fait sur un cerveau en développement : plus que jamais, il faut discriminer la zone ciblée des tissus sains environnants. Dans cette optique particulière, l’un des points importants, « c’est de comprendre les mécanismes Sarcome d’Ewing à l’origine des tumeurs », précise sur le radius d’un le chercheur. Dans le cas des enfant, en orange tumeurs d’Ewing - deuxième (vues face et profil) tumeur primitive de l’os la plus fréquente chez l’enfant - caractérisées par l’existence d’un gène chimérique (fusion de deux autres), le laboratoire a réussi à montrer que les cellules atteintes dérivent de cellules mésenchymateuses, celles qui peuvent se ­différencier en adipocytes (L) ou en ostéocytes (L). Une information essentielle pour cibler les cellules mutées et laisser intactes les cellules d’origine. Par ailleurs, alors que les industriels s’intéressent rarement aux cancers p­ édiatriques - jugés peu rentables -, Olivier Delattre et ses collaborateurs sont parvenus à montrer que le gène chimérique en cause avait un lien direct avec ● N° 19 ● mars - avril 2014 ©©ZEPHYR/SPL/PHANIE Booster la recherche sur les cancers de l’enfant p­ lusieurs voies de signalisation (L), par exemple celle de l’IGF1. « Or, il existe déjà des médicaments, développés pour les adultes, qui agissent à ce niveau ! » Médicaments qu’il sera plus aisé d’adapter pour les enfants. « Surtout, note le chercheur, il faut favoriser l’accès aux innovations thérapeutiques pour les enfants : la labellisation de centres d’essais cliniques de phase précoce par l’INCa dédiés à l’enfant est primordiale. » Car pour les 20 % d’enfants atteints de cancers qu’on ne sait pas encore guérir, il est en effet urgent de mettre en place des essais cliniques novateurs. à la une ➜ Réaliser le séquençage à haut débit de l’ensemble des cancers que le prix a été multiplié par trois, en tenant compte de l’inflation, la vente a été divisée par deux ! « Pour que la mesure soit efficace, le prix doit augmenter de 20 % par an, tous les ans, insiste Catherine Hill, un levier qui jouerait autant pour empêcher les jeunes d’entrer dans le tabagisme que pour aider les adultes à en sortir. » Surtout que, plus que la dose, c’est la durée de tabagisme qui influence l’état de santé : lorsque la dose est doublée, le risque de cancer du poumon est multiplié par deux. Mais si c'est la durée qui est doublée, le risque est multiplié par 20 ! LPrévalence Proportion de fumeurs dans la population 8 www.e-cancer.fr « Analyser 10 000 tumeurs en 2015 et 60 000 en 2018 ; séquencer le génome ­complet de 50 000 patients en 2019 », ce sont les objectifs du Plan pour maintenir la ­position dynamique de la France dans le développement de la médecine personnalisée*. Pour Pierre Laurent-Puig *, directeur de l’unité Bases moléculaires de la réponse aux xénobiotiques au Centre universitaire des Saints-Pères, ce n’est pas nouveau : c’est ce qui guide ses recherches depuis longtemps. Son laboratoire a ainsi montré que les variations de mutation du gène kras, impliquées dans les cancers colorectaux, étaient prédictives de la réponse aux Division de cellules cancéreuses traitements fondés sur l’utilisation d’anticorps dirigés contre EGFR, (cancer colorectal) un récepteur du facteur de croissance (L) épidermique. Depuis, ces mutations ont été retrouvées dans d’autres tumeurs. « C’est pourquoi, plus on connaîtra d’altérations génétiques, plus on sera à même de trouver des traitements efficaces ! » « En outre, insiste le chercheur, la connaissance de la génétique des tumeurs, en plus d’être un outil d’aide au choix thérapeutique, peut aussi être un outil de suivi, qui permettrait d’anticiper sur les ­récidives. Les progrès technologiques permettent, désormais, de ­repérer des cellules tumorales circulantes, précurseurs de métastases, et même l’ADN tumoral.» Ne resterait alors qu’à séquencer ce dernier pour identifier des Facteur caractéristiques biologiques particude croissance lières. Et administrer un traitement ciblé Protéine nécessaire ­préventif. Dans cette optique, les objectifs à la croissance ou à à atteindre semblent très raisonnables pour la différenciation de le chercheur. n Julie Coquart certaines cellules * Voir S&S n° 14, Grand Angle « Médecine personnalisée Les promesses du sur-mesure », p. 22-33 Laurent-Puig : unité 1147 Inserm ☛Pierre ☛ - Université Paris-Descartes ©©STEVE GSCHMEISSNER/SPL/PHANIE « Premier facteur de risque évitable de ­cancers en France, le tabac est responsable à lui seul de près de 30 % des décès par cancer », énonce en préambule de son objectif 10 le Plan Cancer 2014-2019. L’objectif est donc de diminuer d’un tiers la prévalence du tabagisme (L) en France, ­actuellement de 33 %, pour l’abaisser à 22 %. Pour Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut GustaveRoussy, le problème « est que cette prévalence n’est pas un très bon indicateur. Si l’on suit l’évolution du pourcentage de fumeurs déclarés au cours du temps, elle ne suit pas celle de la consommation d’après les ventes ! » En cause d’après la chercheuse ? La fiabilité des déclarations dans les sondages. Si l’on multiplie le nombre de fumeurs par leur consommation moyenne déclarée, le chiffre obtenu est bien inférieur aux données de vente ­complétées par une estimation des achats trans­frontaliers et de la contrebande. Parfois d’un facteur 1,9 ! Quoi qu’il en soit, la chercheuse voit dans l’augmentation du prix du tabac le meilleur moyen de diminuer le tabagisme. Ainsi, entre 1991 et 2004, alors ©©Patrick ALLARD/REA Lancer le programme national de réduction du tabagisme L mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 5 découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes ©©Thierry Hupin • à la une ➜ Toxinologie Un tueur dans la garrigue Le Languedocien est bien plus dangereux qu’il n’y paraît. Non pas l’habitant mais le scorpion jaune, présent dans le sud de la France. Son venin potentiellement létal vient, pour la première fois, de faire l’objet d’études biochimiques pour en déterminer la composition. Et mieux soigner les piqûres de l’arachnide. I LCanaux ioniques Ils permettent le passage des ions à travers la membrane cellulaire. ☛☛Marie-France Martin-Eauclaire : UMR 7286 CNRS – Université AixMarseille, équipe Toxines animales et cible macromoléculaire M.-F. Martin-Eauclaire et al. Toxicon, 1er mars 2014 ; 79 : 55-63 6● l est le Languedocien pour les locaux, Buthus occitanus pour les scientifiques ou « tueur de boeuf ­d’­Occitanie » pour les linguistes (Buthus, « bœuf+tuer » et ­occitanus, « occitan », en latin), mais pour Marie-France ­Martin-Eauclaire *, directrice de recherche Inserm émérite du Centre de recherche en neurobiologie et neuro­physiologie de Marseille, il est un danger. Ce scorpion originaire d’Afrique du Nord (du Maroc à l’Égypte) est l’une des 20 espèces dont le venin peut tuer un homme. Arrivé en France avant que le détroit de G ­ ibraltar ne s’ouvre de nouveau (il y a cinq millions d’années ­environ), son lien de parenté actuel avec ­l’espèce africaine est relativement faible. Mais la bestiole n’en est pas moins virulente. En effet, l’année dernière, en ­Algérie deux à quatre personnes sont ● N° 19 ● mars - avril 2014 décédées des suites d’une p­ iqûre (sur les 25 000 enregistrées). Et la sous-espèce française Buthus occitanus Amoreux, que l’on ne peut confondre avec les autres s­ pécimens présents sur le territoire français des scorpions noirs de la famille des Chactidae aux venins inoffensifs pour l’homme -, protégée et ­inscrite sur la liste rouge du p­ atrimoine ­national, a pu p­ rovoquer plusieurs cas de coma, notamment chez les enfants. La question de la compo­ sition du venin est donc mise en cause. Pour la déterminer, la ­chercheuse et ses collaborateurs sont allés soulever les pierres et ­examiner les terriers du Vaucluse et du massif des Maures à la recherche dudit scorpion. Les 50 à 200 μg de venin de chacun des quatre individus collectés ont été soumis à une nano-chromatographie innovante de très haute pression qui a permis de séparer les constituants issus de cette très petite quantité de venin. Ceux-ci ont été du même coup ­comparés avec les composants les plus meurtriers des venins d’Afrique du Nord. Il en ressort une similarité troublante. “ Le blocage Les toxines issues du « tueur des canaux d’Occitanie » français sont très ioniques proches de celles d’Afrique, répu- par la toxine tées pour leur particulière létalité. On y ­retrouve notamment serait « de petits peptides : des toxines à l’origine des agissant comme modulateurs ou symptômes „ bloqueurs de canaux ioniques (L) responsables du passage des ions Na+ et K+ à travers la membrane des ­cellules nerveuses, musculaires ou glandulaires, explique la chercheuse. Ce blocage serait à l’origine des symptômes observés : vomissements, diarrhées, troubles cardiaques et neuro­logiques… » Pour aller plus loin, l’équipe parvient à ­déterminer sur des souris la dose létale médiane ­au-delà de laquelle 50 % des individus envenimés décèdent. Cette dose se révèle également très proche de celle des venins des scorpions africains. « Le Buthus languedocien peut représenter un danger réel pour l’être humain, au même titre que les spécimens d’Afrique du Nord », conclut la toxicologue. Le faible nombre de victimes constaté serait ­seulement dû à l’isolement géographique des populations de ­scorpions (garrigue ­calcaire, zone protégée, terrain rural en friche…) et donc à la faible probabilité de r­ encontre avec l’homme. Cette toute ­première étude sur la composition biochimique du venin du Buthus occitanus Amoreux permettra ainsi de soigner plus ­efficacement les patients victimes de p­ iqûres et ­d’inciter les Languedociens au réflexe ­« ­Buthus du ­terroir, se ­sauver d ­ are-dare ! ». n Florian Bonetto découvertes ➜ Ostéosarcome Les traitements de chimiothérapie du glioblastome, un cancer du cerveau, se heurtent à la barrière hématoencéphalique qui limite leur passage du sang vers le cerveau. Pour gagner en efficacité, il faudrait les injecter, en continu et très lentement, Une tumeur des cellules directement dans le gliales, ou glioblastome, cerveau. Mais avant vue par IRM (en orange) d’implanter un tel dispositif chez les malades, il est indispensable de l’évaluer dans un modèle animal. À cette fin, l’équipe de François Berger *, neuro-cancérologue à Grenoble, a développé des cochons atteints de glioblastome en leur greffant des cellules tumorales humaines. Les cerveaux humains et porcins présentant des similitudes, notamment au niveau de la taille, l’évaluation de l’injection intracérébrale des traitements anticancéreux va donc pouvoir débuter. F. D. M. ☛☛François Berger : unité 836 Inserm - Université Joseph-Fourier, Institut des neurosciences L. Selek et al. Journal of Neuroscience Methods, 15 janvier 2014 ; 221 : 159-65 Augmenter l’efficacité de la chimiothérapie ©©Dominique HEYMANN /U957 Inserm Une molécule aux multiples cibles thérapeutiques dans l’ostéosarcome Malgré des progrès dans les traitements de l’ostéosarcome, un cancer des os, la chimiothérapie n’est pas totalement efficace. L’unité Inserm et équipe labellisée Ligue nationale contre le cancer 2012, dirigée par Dominique Heymann * à Nantes, a montré dans des modèles murins, que le NVP-BEZ235, une molécule qui inhibe le métabolisme cellulaire (L), ralentit la progression des tumeurs et améliore la durée de vie des souris. En cours d’évaluation chez des Métabolisme malades pour d’autres cancers, cette molécule cellulaire pourrait être proposée en complément de la chimiothérapie de l’ostéosarcome. F. D. M. Ensemble des L ☛☛Dominique Heymann : unité 957 Inserm - Université de Nantes, Physiopathologie de la résorption osseuse et thérapie des tumeurs osseuses primitives B. Gobin et al. Cancer Letters, 28 mars 2014 ; 344 (2) : 291-8 réactions qui se produisent dans une cellule Myopathies centronucléaires Deux gènes mutés se compensent La myopathie myotubulaire est due à des anomalies du gène de la myotubularine. Elle se manifeste, dès la naissance, chez un ­ nourrisson sur 50 000 et entraîne le décès dans l’enfance. C’est donc la forme la plus ­ sévère des myopathies centro­ nucléaires (L), qui implique deux autres gènes : celui de l’amphiphysine 2 et de la dynamine 2. Autre point commun : la myotu­ bularine et la dynamine 2 sont des protéines qui interviennent dans l’organisation des cellules musculaires. On supposait donc que leur fonctionnement était lié. Restait à le prouver. L’équipe de ­Jocelyn Laporte *, à Illkirch, a observé, dans les cellules Myopathie centronucléaire de malades et chez des souris Myopathie caractérisée modèles de cette par des noyaux situés myopathie, que la au centre des cellules quantité de dyna­ musculaires au lieu mine 2 est supé­ d’être en périphérie L rieure à la normale, comme si elle n’était plus régulée faute de myotubularine. Pour vérifier cette hypothèse, les chercheurs ont alors ­généré des souris à la fois sans myo­tu­ bularine et dont l’expression de la dynamine 2 est diminuée. Alors que les souris unique­ ment sans myotubularine meurent au bout de 1 à 3 mois, celles-ci ont recouvré une force musculaire normale et ont vécu deux ans, espérance de vie habituelle de ces animaux. Autrement dit, la ­ myopathie myotubulaire a été « guérie » grâce à la ­diminution de la dynamine 2 pourtant à l’origine d’une autre myopathie. Des ­résultats certes s­ urprenants, mais très ­encourageants, qui ouvrent la voie à une thérapie de la myo­pathie myotubulaire fondée sur une inhibition de la dynamine 2. F. D. M. ☛☛Jocelyn Laporte : unité 964 Inserm/CNRS - Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire d’Illkirch B. S. Cowling et al. The Journal of Clinical Investigation, 24 février 2014 (en ligne) doi : 10.1172/JCI71206 ©©Belinda S Cowling / I.G.B.M.C ©©SIMON FRASER /SPL/PHANIE Cancer du cerveau Un modèle porcin du glioblastome En haut : fibres musculaires petites avec des noyaux centraux (souris myopathes sans myotubularine), en bas : retour à la normale après réduction de la dynamine 2 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 7 découvertes ➜ Méthode contre les rechutes Une équipe de chercheurs coordonnée par Dominique Mazier * et Georges Snounou *, à Paris, est parvenue à cultiver durant 40 jours des cellules hépatiques infectées par la forme dormante de Plasmodium cynomolgi, espèce de parasite responsable du paludisme chez le singe. Nommée hypnozoïte, cette forme du parasite provoque une infection sanguine lors de son « réveil » et donc une crise de paludisme. Mettre en culture les hypnozoïtes aussi longtemps a permis, pour la première fois, de les analyser. En identifiant une nouvelle molécule capable de les réveiller, les chercheurs ont également élaboré une nouvelle stratégie « Wake & Kill » (« Réveiller et tuer ») pour éliminer les rechutes de paludisme, associant cette molécule (Wake) aux traitements disponibles et efficaces contre le parasite en cours de multiplication (Kill). L. L. Rétinopathies La thérapie génique possible La barrière hémato-rétinienne (BHR) contrôle les échanges entre le sang et la rétine. Or, sa rupture est associée à diverses pathologies comme la rétinopathie diabétique ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Deniz Dalkara * et ses collègues de l’Institut de la vision ont montré, chez des souris modèles de ce phénomène de perméabilité pathologique de la BHR, que la rétine devient plus permissive Q ecteur LVviral Virus modifié qui sert à apporter un gène thérapeutique aux cellules. ☛☛Dominique Mazier, Georges Snounou : unité 1135 Inserm/CNRS - Université Pierreet-Marie-Curie, Centre d’immunologie et de maladies infectieuses L. Dembélé, J.-F. Franetich et al. Nature Medicine, 9 février 2014 (en ligne) doi:10.1038/nm.3461 aux vecteurs viraux (L) de type AAV (pour Adeno Associated Virus), mais que la rupture de la BHR n’entraîne pas leur fuite vers le sang. Un bon point puisque cela limite la diffusion de ces vecteurs vers des tissus autres que la rétine malade. « Ces résultats indiquent que les thérapies géniques de pathologies liées à la rupture de cette barrière sont envisageables, » conclut la chercheuse. F. D. M. ©©Ophélie VACCA Paludisme Vecteur viral AAV (en vert) au niveau de la barrière hémato-rétinienne ☛☛Deniz Dalkara : unité 968 Inserm/CNRS – Université Pierre-et-Marie-Curie O. Vacca et al. Glia, mars 2014 ; 62 (3) : 468-76 Quesaco ? comme Quinolone Dérivées de l’acide nalidixique, découvert en 1962, les quinolones ­forment une grande famille de molécules de synthèse – objets de plusieurs m ­ illiers de brevets – utilisées comme antibactériens contre différents types ­d’infections : respiratoire, ostéo-articulaire, urogénitale, méningée ou plus généralisée telle que la septicémie. Elles bloquent la réplication de l’ADN ­bactérien en inhibant l’activité d’enzymes impliquées dans l’enroulement et le ­dépliement de la double hélice. Comme pour de nombreux autres anti­ biotiques, l’utilisation excessive des quinolones a entraîné l’apparition de résistance. Un phénomène étudié par Patrice Nordmann * et son équipe, au même titre que les résistances à de nombreux autres antibiotiques. F. B. ☛Patrice ☛ Nordmann : unité 914 Inserm – Université Paris-Sud 11, Résistances émergentes aux antibiotiques Alzheimer et protéine Tau Les protéines Tau sont essentielles à la stabilité des neurones du cerveau. Dans de nombreuses maladies appelées « tauopathies », la plus connue étant la maladie d’Alzheimer, elles s’agrègent en LSauvage Se dit de la forme d’un gène la plus représentée. LSynapse Zone de contact entre deux neurones, ou entre un neurone et une autre cellule 8● filaments pour conduire à une dégénérescence neuronale. Cette dernière se propage dans le cerveau. Cependant, les mécanismes moléculaires et cellulaires qui y participent ne sont pas encore identifiés. En injectant un vecteur contenant le gène de la protéine Tau humaine sauvage (L) dans l’hippocampe de rat, l’équipe Inserm de Luc Buée *, à Lille, a découvert un mécanisme de son transfert à ● N° 19 ● mars - avril 2014 travers les synapses (L) des neurones de l’hippocampe ventral vers des neurones secondaires situés dans les systèmes olfactifs et limbiques du cerveau. Ce travail ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques pour les approches d’immunothérapie anti-Tau dans la maladie d’Alzheimer et d’autres tauopathies. L. L. ☛Luc ☛ Buée : unité 837 Inserm/CHRU Lille Université Lille 2 Droit et santé, Centre de recherche Jean-Pierre-Aubert S. Dujardin et al. Acta Neuropathologica Communications, 30 janvier 2014 (en ligne) doi:10.1186/2051-5960-2-14 Ci-dessus : neurones primaires, ci-contre : neurones secondaires ; la couleur brunâtre (sur les 2 photos) met en évidence la protéine Tau sous forme hyperphosphorylée. ©©Morvane Colin et Simon Dujardin Nouveau mécanisme de transfert découvertes ➜ Embryologie Des cils très sensibles Cil artériel (en vert) à la surface de la membrane cellulaire (en jaune) embryonnaire, la formation du système vasculaire dépend de l’intensité du flux sanguin naissant, ainsi que des angles de courbures des cils cellulaires présents sur la paroi des vaisseaux. C’est ce que révèle l’étude menée par Julien Vermot * et ses collègues de l’IGBMC, sur des embryons de poisson zèbre. Très souples, ces cils sont sensibles au moindre déplacement de sang. En se pliant, ils provoquent une entrée de calcium dans les cellules endothéliales, proportionnelle à l’angle de courbure. Une condition indispensable au développement du réseau sanguin, indiquent les chercheurs, sans pouvoir expliquer pour le moment le mécanisme en jeu. Une fois que le système vasculaire est en place et que le flux sanguin devient plus intense, les cils disparaissent. V. R. ☛☛Julien Vermot : unité 964 Inserm/CNRS - Université de Strasbourg, Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) J. Goetz et al. Cell Reports, 20 février 2014 (en ligne) doi : 10.1016/j.celrep.2014.01.032 Apprentissage des odeurs ©©Nathalie Mandairon/U1028 Inserm Le pouvoir de la noradrénaline L’odorat des mammifères est régi par le bulbe olfactif — une sorte de décodeur des odeurs — qui fonctionne moins bien avec l’âge. L’équipe de Nathalie Mandairon *, du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, a montré, chez des souris âgées, que cette altération est due à une baisse de l’activité de la noradrénaline, une substance qui agit notamment sur les neu­ rones du bulbe olfactif. Or, en stimulant sa libération, les chercheurs ont aussi constaté que les souris retrouvent leur capacité à apprendre des odeurs nouvelles. Malgré l’âge, les neurones du bulbe olfactif sont donc encore fonction­ nels ; ils ont juste besoin d’un petit coup de fouet pour s’activer. F. D. M. Les neurones du bulbe olfactif peuvent être stimulés. La drosophile choisit son repas ☛ Nathalie Mandairon : unité 1028 Inserm/ Université Saint-Étienne-Jean-Monnet/ CNRS – Université Claude-Bernard Lyon 1 2 M. Moreno et al. Neurobiology of Aging, mars 2014 ; 35 (3) : 680-91 ©©David M Phillips /BSIP ©©Goetz et al., Endothelial Cilia Mediate Low Flow Sensing during Zebrafish Vascular Development, Cell Reports (2014), http://dx.doi. org/10.1016/j.celrep.2014.01.032 Pendant les premiers stades du développement Acides aminés Pour garantir leur équilibre en acides aminés essentiels (L), de nombreuses espèces ont la capacité de détecter un manque de ces composants dans les aliments et de rechercher une nourri­ ture plus complète. En utilisant le modèle de la drosophile, ­Marianne Bjordal *, sous la direction de Pierre L ­ éopold * de l’Institut de biologie Valrose à Nice, a découvert le mécaAcides aminés nisme cérébral à l’origine de ce essentiels contrôle de la prise alimentaire : lorsque le contenu en acides Acides aminés non aminés essentiels dans la nour- synthétisés par l’organisme et devant riture est pauvre, des protéines être apportés par de type kinase (L), présentes l’alimentation dans trois neurones dopamiKinase nergiques (L) chez la larve, sont activées, induisant un arrêt Enzyme capable de de la prise alimentaire. Ces pro- transférer un groupement téines étant conservées de la phosphate d’une molécule à une autre et drosophile à l’homme, c’est la dont le rôle est de réguler preuve que les circuits dopami- l’activité de la cellule nergiques jouent un rôle fondaDopaminergique mental dans la régulation de la prise alimentaire. L. L. Qui sécrète de la L L L ☛☛Marianne Bjordal, Pierre Léopold : unité 1091 Inserm/CNRS - Université Nice-Sophia Antipolis M. Bjordal et al. Cell, 30 janvier 2014 ; 156 : 510–521 dopamine, l’une des substances chimiques libérées par les neurones. mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 9 découvertes ➜ ©©Reportage Photo : François guénet/inserm Effets gravitationnels Norbert Laroche dépose la première cage de souris dans une des 4 nacelles disposées symétriquement dans la centrifugeuse. Des souris au service de nos os Alors que le projet Mars One prévoit d’envoyer sur la planète rouge d’intrépides colons en 2025, le Laboratoire de biologie intégrative du tissu osseux fait, depuis peu, voler des souris en centrifugeuse. Avec un but : étudier les effets de l’hypergravité sur les os afin de prévenir les pertes de masse osseuse durant les voyages dans l’espace, de mieux réparer les fractures ou encore de mieux traiter l’ostéoporose. Plongée au cœur d’un lieu qui se préoccupe de notre squelette. À ☛Norbert ☛ Laroche, Laurence Vico : unité 1059 Inserm – Université Jean-Monnet-Saint-Étienne 10 ● Saint-Étienne, on fait tourner les souris. On ? Les membres du Laboratoire de biologie intégrative du tissu osseux (LBTO), situé au sud de la ville, sur le campus de la faculté de médecine. ­Comment ? Grâce à une plateforme conçue et construite par la s­ ociété t­oulousaine COMAT pour le compte du Centre ­national des études spatiales (CNES). Depuis ● N° 19 ● mars - avril 2014 près d’un an, le LBTO, spécialisé dans l’étude des mécanismes de fragilité osseuse, en lien avec l’ostéoporose, a, en effet, été choisi pour accueillir cette centrifugeuse dédiée aux petits mammifères. L’intérêt ? Générer de l’hypergravité et étudier son effet sur les organes, dont le tissu osseux. L’hypergravité, c’est le phénomène où la gravité, G, est renforcée, ce qui se produit lors des phases d’accélération que subissent les astronautes et les pilotes de chasse au moment du décollage de leurs appareils. Sur Terre, par définition, en conditions normales, la gravité est égale à 1 G : quand elle passe à 2 G, le corps pèse deux fois plus lourd ; à 3 G, trois fois plus lourd… Les effets de la gravité C’est au détour d’un couloir, au 2e étage, que l’on a­ ccède à la partie du laboratoire réservée à la plateforme d’expéri­mentation et d’analyse « Plexan ». Derrière une porte relativement banale, la centrifugeuse, d’un diamètre de 3,70 m, attend ses petits passagers à poils ras. Norbert Laroche *, responsable Histologie et recherche animale, les installe : deux souris par cage pour ­aujourd’hui, une cage par nacelle opposée. Une fois les portes refermées, il verrouille la grille de sécurité qui sépare la machine des tableaux de contrôle. Pour mettre la salle aux normes, l’équipe a dû faire poser des panneaux métalliques sur les murs. Au cas où les nacelles se décrocheraient… Et c’est parti pour des tours de piste ! À 2 G, les nacelles tournent juste un peu plus vite qu’un manège pour M E d eci n e d e d emai n découvertes ➜ •• •• La plateforme Plexan : en tournant à la vitesse de 29,5 tr/min, la centrifugeuse crée une force de gravité de 2 G. Elle peut aller jusqu’à 5 G. Ghislaine Roux, gestionnaire de la plateforme, surveille le comportement des souris placées en hypergravité et filmées avec des caméras infrarouge. e­ nfants : on est loin de l’image de souris qui seraient qu’ils pratiquent, les astronautes présentent ­souvent des c­ollées à la paroi par la force centrifuge ! « Quand pertes osseuses à leur retour. Peut-on envisager l’hyper­l’appareil se met en marche, les souris ont un temps gravité comme une contre-mesure, qui lutterait donc d’adaptation où elles restent immobiles. Mais très vite, contre les conséquences néfastes de la microgravité ? », elles agissent n ­ ormalement », fait remarquer Norbert s’interrogent les chercheurs. Sans partir dans l’espace, Diaphyse Laroche. C ­ omment l’équipe le sait-elle ? Grâce aux l’hyper­gravité pourrait aussi être bénéfique pour la Partie médiane d’un os caméras à i­nfrarouge qui équipent réparation des fractures, d’après long chaque nacelle. Au printemps “ Les astronautes présentent les chercheurs de l’unidernier, pour la dernière manipuversité de ­ S amara, lation d’envergure, par sa durée et souvent des pertes osseuses en Russie. Le niveau le nombre de participants, le plus à leur retour „ d’hyper­gravité et son difficile a été de gérer un apport en temps d’application eau et nourriture suffisant pour 48 souris pendant toute pourraient, à terme, être optimisés pour la durée de l’expérience : un mois ! C’est long… Mais c’est lutter contre l’ostéoporose en renforçant les que l’expérience se veut l’exacte opposée de celle qu’ont os par une surcharge mécanique. vécue les souris embarquées à bord du vol spatial russe Si les souris sont ici soumises à une force de BionM1, en avril-mai 2013 : ­pendant un mois, 45 petits 2 G, c’est que l’équipe a déjà fait de premières ­rongeurs ont p­ arcouru l’espace, en état de m ­ icrogravité. études de l’impact de l’augmentation de la « Certes, assez peu d’entre elles sont ­revenues vivantes », ­gravité sur les souris. « À 2 G, il semble y avoir déplorent les scientifiques. Mais le LBTO en a récupéré un renforcement musculaire et osseux, à 3 G, cinq ! Ainsi, l’adaptation physiologique c­ orrespondant la baisse de mobilité induite entraîne des effets aux deux situations opposées pourra être comparée. délétères avec perte de poids corporel et diminuEn microgravité, en effet, quand les voyageurs de tion de l’épaisseur des diaphyses (L) osseuses. ­l’espace flottent dans leurs habitacles spatiaux, c’est Quant à 4 G, c’est tout simplement traumatout le ­système musculo-squelettique qui est altéré : « Le tique », résume Norbert Laroche. L’une des centre de gravité se déplace, le sang afflue vers la région questions qui guident leurs travaux concerne céphalo-thoracique, donnant une sensation de visage la gradation des effets : existe-t-il des seuils bouffi… », décrit Laurence Vico *, la directrice du dans les niveaux de G où certaines conséLaurence Vico laboratoire. « Malgré les deux heures d’activité physique quences apparaissent ou au contraire s’agit-il directrice du LBTO mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 11 ©©Reportage Photo : François guénet/inserm L découvertes ➜ ©©Reportage Photo : François guénet/inserm Les souris, soumises au plateau vibrant, type Powerplate, explorent leur environnement. d’un continuum ? « D’un point de vue plus ­fondamental, ajoute Laurence Vico, l’hypergravité est un des derniers paramètres physiques qu’il reste à étudier, puisque l’on connaît les effets du pH, de l’altitude, de la température… ». De bonnes vibrations eux, il s’agit d’une séance “ Pendant un an, d’un quart d’heure par jour : 240 femmes posés précautionneusement ménopausées sur leur plot vibrant, « les rats ont ­tendance à se coucher tête- sont venues pour bêche. Quant aux souris, elles des séances de vaquent à leurs occupations », Powerplate „ remarque Norbert Laroche. Ce matériel industriel détourné permet de faire varier la fréquence. Malgré les effets bénéfiques trouvés chez l’homme, les premiers résultats sur les rongeurs ont montré que lorsque la fréquence de vibration entre en résonance Mais l’hypergravité ne se rencontre pas que lors des décollages. On la trouve même sur des machines ­surprenantes. De l'autre côté du mur du laboratoire, on s'intéresse à l'hypergravité intermittente : des souris s’essaient au « Powerplate spécial murin ». Après avoir envahi les salles de gym, ces machines vibrantes ont peu à peu investi les cabinets de kinésithérapeutes et les pôles de gérontologie. Car elles pourraient avoir un impact sur la prévention de l’ostéoporose. Ce que l’étude ­clinique VibrOs, débutée en 2010, cherche à démontrer. Elle concerne 240 femmes ménopausées, âgées de 55 à 75 ans et sédentaires. Le dernier critère à respecter : présenter une fragilité osseuse sans pour autant que l’ostéoporose soit déclarée. « Pendant un an, les participantes sont venues deux à trois fois par semaine, pour une séance de Powerplate de 20 minutes. Les p­ ostures étaient tout à fait contrôlées », rassure L ­ aurence Vico. Au début de l’étude, puis à 6, 12 et 18 mois, d­ ifférents paramètres étaient mesurés : tissu osseux, force ­musculaire, dosage des marqueurs sériques… tout ce qui peut renseigner sur le métabolisme osseux et musculaire. R ­ ésultats prélimi­naires : les Virginie Dumas vérifie participantes n’avaient pas perdu d’os et avaient gagné en force musculaire. Un sur l’écran d’oscilloscope que la force enregistrée résultat d’autant plus visible à six mois. au niveau des chambres Ainsi, les chercheurs continuent de culture correspond ­l’exploration des bienfaits potentiels de à celle appliquée par le ces vibrations, sur les rongeurs. Pour déplacement des pistons. 12 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 M E d eci n e d e d emai n découvertes ➜ •• •• avec les segments osseux, les effets sont ­délétères et entraînent une augmen­tation de la résorption osseuse ainsi qu’un défaut de minéralisation de l’os nouvellement formé. Laurence Vico avance une hypothèse : « Il se pourrait que lorsque l’os est trop stimulé, les ostéoblastes, les c­ ellules qui assurent la formation du tissu osseux, sécrètent une matrice de colla­gène qui se ­minéralise peu, comme pour se ­protéger. » Ce qui induit une fragilité osseuse. À l’inverse, des fréquences élevées de l’ordre de 90 Hz sont, quant à elles, favorables à la formation du tissu osseux. « Il faudra donc être capable de déterminer les plages fréquentielles et les accélérations bénéfiques sur le corps humain afin d’utiliser les plateformes vibrantes pour délivrer des stimuli mécaniques dans des populations qui ne font pas d’exercice p­ hysique, fragiles et sédentaires. » Des modèles 3D LNanotomographie Imagerie en 3D à l’échelle nanométrique ©©Reportage Photo : François guénet/inserm Grâce aux équipements d’imagerie haute technologie que le laboratoire héberge, les chercheurs sont à même de faire des “ Les cultures cellulaires se font complexité d’un environobservations très précises. « À l’aide avec des matrices artificielles „ nement physiologique. du ­microscanner, nous pouvons étudier ­Cependant, elles restent l’architecture osseuse sur des rongeurs aussi limitées par des vivants », précise Norbert Laroche. Leurs études les considérations éthiques et par la lourdeur des expéripoussent c­ ependant à faire aussi appel au rayonnement mentations. Aussi, le labo s’attelle à créer des modèles synchrotron de G ­ renoble pour étudier le réseau des complexes de cultures cellulaires tridimensionnelles. ostéocytes en nanotomographie (L)*, une technique de Ainsi, la pièce d’à côté regroupe de nombreux équipepointe qui permet d’ « entrer » au cœur du tissu osseux. ments, à la frontière entre biologie et mécanique, apparCes études sur les modèles animaux permettent d’ana- tenant à la plateforme Ingénierie et vieillissement des lyser les effets des contraintes mécaniques dans toute la tissus vivants (IVTV). Aux manettes : sa responsable, Virginie Dumas *. « D’ordinaire les cultures ­cellulaires se font en boîte de Petri. Ici, nous avons recours à des ­matrices artificielles en 3D, comme l’hydroxyapatite, un minéral qui mime l’architecture ­osseuse », explique-telle. L’objectif de cet axe de recherche ? Développer un système de co-culture 3D, reproduisant les facteurs clés de l’environnement in vivo, dans un milieu d­ ynamique et contrôlé mécaniquement. Pour cela, la jeune femme manipule avec précaution un bioréacteur, un dispositif constitué de quatre chambres perfusées avec un milieu de culture. En appliquant ensuite différents ­stimuli ­biomécaniques, flux et compression, on analyse cette fois, à une échelle plus fine, au niveau cellulaire et ­moléculaire, les effets des contraintes mécaniques. Avec son large spectre de ­recherches, qui va des ­modèles complexes de cultures cellulaires 3D jusqu’à l’expérimentation sur l’animal, le labo Matrices en os stéphanois semble le mieux placé pour cortical poli, titane décrypter les énigmes de la perte et de la ou hydroxyapatite pour formation des os, la charpente de notre tester en 3D différents corps. Sur Terre comme dans l’espace. n environnements Julie Coquart de culture cellulaire À gauche : écran du densitomètre petit animal affichant 4 pattes de souris ex-vivo ; au premier plan : poste d’anesthésie à l’isoflurane pour endormir les animaux avant analyse en microtomographie (en arrière-plan) * Voir S&S n°18, Grand Angle « Imagerie médicale : une (r)évolution continue », p. 22-33 ☛Virginie ☛ Dumas : unité 1059 Inserm – Université Jean-Monnet-Saint-Étienne mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 13 Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes ➜ FranCoise Clavel-Chapelon •• •• 100 000 femmes à la loupe 14 ● qui conclut que la prise de la pilule contraceptive a une influence positive sur le risque de développer un cancer du sein. Mais, « pour pouvoir éviter de nombreux biais et confirmer ses résultats, il fallait une étude de cohorte ». ©©François guénet/inserm Étudier le mode de vie de milliers de femmes pour mieux déceler les risques de développer un cancer : un projet ambitieux et de longue haleine pour lequel Françoise Clavel-Chapelon vient de recevoir le Grand Prix de la recherche décerné par la Fondation de France. U n tempérament enthousiaste et gagneur, ­doublé d’une liberté de penser, ce sont les qualités qui ont permis à Françoise Clavel-Chapelon de faire ­avancer la recherche sur le cancer. Titulaire d’un baccalauréat scientifique à 16 ans, la jeune Françoise Clavel est une élève brillante. Elle se pique rapidement d’intérêt pour l’industrie pharmaceutique et se verrait bien ­travailler dans la gestion et l’administratif. Elle entreprend alors des études de pharmacie à l’université Paris-­Descartes et obtient son diplôme en 1974. Mais même après cinq ans d’études supérieures, Françoise, alors âgée de tout juste 21 ans, se sent un peu trop jeune pour se lancer dans la vie active. « J’avais encore un peu de temps devant moi, dit-elle en riant, je voulais faire un diplôme supplémentaire pour “ ­muscler ” un peu ma ­formation universitaire et avoir un poste plus ­intéressant par la suite. » Elle choisit alors de bodybuilder ses connaissances en économie et finances en s’inscrivant à Sciences Po Paris. Après quoi, elle se forme en biostatis­tique et en épidémiologie à l’université Paris XI. Des études qui lui seront particulièrement utiles quelques années plus tard. Mais un tragique évènement va venir bouleverser ce parcours brillant : le décès de sa mère des suites d’un cancer. C’est ce triste épisode qui va la ­pousser à s­ ’orienter vers la recherche sur cette maladie. « Je pense avoir plutôt un tempérament de fonceuse. Alors, j’ai très vite écrit à un certain nombre de personnalités qui menaient des travaux sur cette ­pathologie, en particulier en épidémiologie. » Elle intègre ainsi l’équipe dirigée par le professeur Robert Flamant à l’Institut Gustave­ illejuif. Sous sa t­ utelle, elle réalise une thèse Roussy de V ● N° 19 ● mars - avril 2014 Une cohorte unique en France C’est alors le point de ­d épart d’une des plus grandes études de cohorte européennes e t d ont ­ F r anç ois e ­Clavel-Chapelon sera la coordinatrice. « L’idée était de suivre une population “ À cette époque, importante de femmes, il n’y avait pas de comprendre leur mode registre des cancers de de vie et d’en déduire des en France „ activités ou des pratiques qui ont une influence sur le développement du cancer. » Mais, même avec en poche une thèse d’état en sciences pharma­ceutiques et biologiques, elle se confronte aux dures lois du monde de la recherche. « Au départ, l’entreprise paraissait assez folle. Beaucoup de ­personnes pensaient que je n’y arriverais pas, parce qu’à cette époque, il n’y avait pas de registre des cancers en France. Et il n’existait aucune autre étude de cette ­ampleur. Je n’avais de financement que pour lancer le ­projet et j’étais une femme, jeune, sans titre de professeur ! » Son patron, Robert Flamant, qu’elle tient en grande ­estime, loin de la dissuader, est au contraire l’un des rares à l’encourager. « C’était quelqu’un d’extrêmement positif, de très humain. Il faisait confiance aux membres de son équipe et il regardait avec bienveillance les idées que l’on pouvait avoir. » Forte de ce soutien, la c­ hercheuse commence alors à monter le projet dès 1990. Par un heureux concours de circonstances, ­l’Inserm et la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) se sont rapprochées à l’époque. Et parmi ses adhérentes, la chercheuse invite 500 000 femmes sélectionnées selon leur année de naissance, entre 1925 et 1950, de façon à avoir des femmes p­ ré-ménopausées ou post-­ménopausées. La cohorte baptisée alors E3N, têtes chercheuses ➜ pour étude épidé­miologique auprès des femmes de la MGEN, venait de naître. La jeune épidémiologiste conçoit alors un questionnaire très détaillé qui les interroge sur diverses caractéristiques de leur mode de vie : leurs antécédents médicaux et chirurgicaux, leur prise de médicaments, leur passé gynécologique, leur statut tabagique, leurs caractéristiques staturo-pondérales, leur pratique d’activités physiques et enfin les cas familiaux de cancer. À sa grande surprise, 20 % des femmes prennent le temps de répondre à ce long ­questionnaire, soit 100 000 exactement. « Je ne m’attendais absolument pas à avoir des réponses aussi rapidement et en aussi grand nombre. Nous n’avions pas l’habitude de gérer ce type de retour, d’autant que la moitié des réponses a été obtenue en quinze jours. » Françoise fait alors la connaissance de Jean-François Bach, président du conseil ­scientifique de la Ligue contre le cancer, qui voit dans E3N le moyen de fédérer les différentes délégations ­départementales de l’association. Il lui promet son soutien. Le premier financement pour une étude qui la mènera certainement plus loin qu’elle n’aurait pensé. « Quand j’ai lancé cette cohorte, je prévoyais de travailler dessus pendant dix ans. Et puis un chercheur m’a dit : “ça va te mener jusqu’à ta retraite !” Je l’ai un peu regardé avec des yeux ronds. Mais, bien sûr, il avait raison. » L’étude fêtera bientôt son 25 e anniversaire. ­Vingt-cinq ans pendant lesquels la chercheuse est parvenue à ­partager astucieusement son temps entre le suivi de ces 100 000 femmes et ses quatre enfants, entre le d­ épouillement des questionnaires et le tennis de ­compétition, entre l’analyse des résultats et le jardinage. « Une des qualités du chercheur est pour moi de produire des t­ravaux intéressants sans oublier la remise en question de ses résultats. » Principe qu’elle applique elle-même dans son travail. Une question qui revient régulièrement : la représentativité des résultats, car 80 % des femmes de la ­cohorte sont des enseignantes. Mais, pour elle, ce n’est pas un biais : « Vu que l’on travaille sur les relations “ Il ne faut pas entre une maladie et une exposition, le fait de ne pas oublier de être ­représentatif n’est pas remettre en cause ­gênant, il n’y a pas de raison ses résultats „ de penser que ce qui est nocif pour des enseignantes ne l’est pas pour la population générale. En revanche, certains comportements nous manquent. » Cette étude démontre, par exemple, que l’alcool, le tabagisme passif et une alimentation occidentale centrée sur les viandes, beurre, pommes de terre, œufs… augmentent le risque de développer un cancer du sein, en comparaison d’une alimentation « méditerranéenne » tournée vers les fruits, légumes et produits de la mer. Depuis le lancement d’E3N, d’autres maladies ont été prises en compte – diabète, asthme, dépression, par exemple – qui apparaissaient fréquemment dans les réponses et « pour éviter de passer à côté de choses qui ©©François guénet/inserm L’enquête s’élargit pouvaient avoir un retentissement important en termes de maladies chroniques ». Celles-ci seront davantage étudiées dans la cohorte dite E4N, qui inclura, en plus des femmes suivies par E3N, leur conjoint, leurs enfants et petits-enfants. Objectif : déterminer ce qui relève de la part génétique, de l’environnement familial et extrafamilial dans l’apparition de ces maladies. Aujourd’hui, la cohorte de Françoise Clavel-Chapelon est considérée comme un véritable patrimoine national. Une grande fierté pour la chercheuse, qui préserve tout de même son patrimoine personnel à elle, ses enfants. n Florian Bonetto 8 www.e3n.fr www.e4n.fr mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 15 regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses ➜ • Coup de stress pour un bain de jouvence L •• •• ETATS-UNIS • ©©Alejandro Balazs / California Institute of Technology Limiter la transmission du sida par les muqueuses En 2011, l’équipe de David Baltimore du California Institute of Technology a réussi à faire produire chez des souris, par transfert de gène grâce à des vecteurs (L), des anticorps qui neutralisent le virus HIV circulant dans le sang. Cette même équipe vient Structure maintenant de montrer que du vecteur cette méthode bloque aussi utilisé pour délivrer des le virus lorsqu’il est au niveau de la muqueuse vaginale. anticorps contre le VIH Cette technique pourrait donc permettre la mise au point d’un vaccin qui protégerait les êtres humains de la Vecteur Virus modifié qui transmission du sida par les sert à apporter muqueuses. L un gène aux cellules 16 ● 2 A. B. Balazs et al. Nature Medicine, 9 février 2014 (en ligne) doi : 10.1038/nm.3471 ● N° 19 ● mars - avril 2014 ©©James Cavallini/BSIP Soulager la psychose associée à Parkinson Les malades de Parkinson souffrent fréquemment d’hallucinations, de délire, de paranoïa. Pour les soulager, un nouveau traitement, la pimavanserine, a Dégénérescence des été développé. Son cellules nerveuses bénéfice par rapport dans le locus niger, à un placebo (L) zone touchée dans la vient d’être évalué maladie de Parkinson chez 199 malades par l’équipe de Clive Ballard du King’s College de Londres. Après six semaines de traitement, l’échelle de mesure des symptômes de la psychose a montré une amélioration chez les malades recevant la pimavanserine. En outre, il Placebo n’y a pas eu d’aggravation des Médicament symptômes moteurs, ce qui composé de n’est pas le cas des traitements substances actuellement prescrits. Reste neutres, sans effet maintenant justement à les pharmacologique comparer à ce nouveau venu. dans la maladie 2 J. Cummings et al. The Lancet, 8 février 2014 ; 383 : 533-40 considérée japon À l’heure actuelle, obtenir des cellules souches à partir de cellules adultes nécessite des manipulations génétiques longues et délicates. Haruko Obokata et ses collègues du Centre de biologie du développement Riken de Kobe (Japon) et de l’école de médecine de Harvard (États-Unis) ont réussi à reprogrammer des cellules adultes en leur appliquant un simple stress. Ils ont plongé des globules blancs de souriceaux dans un milieu acide pendant 25 minutes, les ont passés 5 minutes en centrifugeuse, puis placés dans un milieu de culture. Résultat sept jours plus tard : des cellules souches nommées STAP pour « Acquisition de pluripotence déclenchée par stimulus ». Injectées dans des embryons de souris, elles ont participé normalement à leur développement. Elles sont donc pluripotentes : elles peuvent se différencier en n’importe quel tissu de l’organisme. Mais pas seulement ! ©©RIKEN CDB Royaume-Uni • Un embryon de souris issu de cellules STAP Elles semblent presque totipotentes, autrement dit capables de générer un organisme complet à partir d’une seule cellule ; une capacité qu’aucune cellule de laboratoire n’a jamais eue. Si ces résultats sont confirmés, et si cette méthode simplissime est transposée avec succès aux cellules humaines, la médecine régénératrice pourrait connaître un coup d’accélérateur. H. Obokata et al. Nature, 30 janvier 2014 ; 505 (7485) : 641-7 Australie • Le cancer sous surveillance immunitaire Le lymphome non hodgkinien, un cancer du système immunitaire, est dû à des modifications génétiques des globules blancs. L’équipe d’Axel Kallies, de l’Institut de recherche médicale Walter et Eliza Hall, à Victoria, vient de montrer, grâce à des souris modèles de cette pathologie, que leur système immunitaire élimine les globules blancs génétiquement modifiés avant qu’ils ne donnent une tumeur. Les chercheurs espèrent que ces résultats permettront la mise au point d’un diagnostic très précoce du lymphome. S. Afshar-Sterle et al. Nature Medicine, 2 février 2014 (en ligne) doi : 10.1038/nm.3442 Page réalisée par Françoise Dupuy Maury regards sur le monde ➜ •• •• Hérédité La peur du prédateur transmise par le sperme ? ©©Denis Bringard/Biosphoto ETATS-UNIS • les histones (L) ou présence de petits ARN confèrent à la ­chromatine un certain état. Et que celui-ci est directement lié à la capacité de certains gènes à s’exprimer ou à être ­réprimés. Or, que retrouve-t-on chez ces souris dont les ascendants ont Histones été soumis à un stress associé à Protéines qui une odeur ? Une s’associent à l’ADN expression géné- pour le compacter et former la chromatine. tique différente : au niveau du nez, Glomérules elles présentent olfactifs plus de neurones Premiers relais spécialisés dans la de transmission de reconnaissance de l’information olfactive cette odeur et, au entre la muqueuse nasale et le cerveau niveau du c­ erveau, leurs g­ lomérules olfactifs (L) liés à ces neurones sont plus gros. On a donc identifié un gène-candidat, des neurones et des modifications épigénétiques dans le sperme. La transmission par le sperme du père et du fils est démontrée mais on ne sait toujours pas c­ omment l’information trouvée dans le sperme est transmise à la génération suivante et permet l’augmentation de l’expression du gène du récepteur à l’acétophénone. La sensibilité aux odeurs est essentielle dans le règne animal, même les souris modifient leurs émanations corporelles pour alerter leurs congénères d’un danger. Une équipe de chercheurs américains de l’Université Emory, à Atlanta, s’est intéressée à la transmission de cette sensibilité. Leurs résultats sont étonnants : après exposition à l’acétophénone, une molécule aromatique qui dégage une odeur désagréable aux rongeurs, couplée à un choc électrique pour la rendre « stressante », les comportements de souris mâles se sont modifiés ainsi que l’anatomie et le fonctionnement de leur système nerveux. Leur descendance, sur deux générations, s’est, elle aussi, révélée plus sensible à cette odeur. Pour expliquer cette transmission, les scientifiques ont analysé le sperme du père et des souriceaux de la Épigénétique première génération et y ont décelé une modification Ensemble des épigénétique (L) présente sur le gène du récepteur à mécanismes par lesquels l’acétophénone. l’environnement et L L L l’histoire individuelle influent sur l’expression des gènes B. G. Dias et al. Nature Neuroscience, janvier 2014 ; 17 (1) : 89-96 J. Zidar et al. Animal Behaviour, 84 (3), septembre 2012 ; doi : 10.1016/j.an ;behav.2012.06.006 J. Brechbühl et al. PNAS, 4 mars 2013 (en ligne) ; doi: 10.1073/pnas.1214249110 Le point avec Claudine Junien Science&Santé : En quoi ces résultats éclairent la compréhension des mécanismes épigénétiques ? Claudine Junien : Depuis les années 1998-2000, de nombreuses publications ont montré que des traits se transmettent aux g­ énérations suivantes sans qu’une transmission génétique classique puisse être ­invoquée, mais que quelque chose se joue du côté de l’épigénétique*. Ces t­ravaux sont ­révolutionnaires, car ils concernent les odeurs. Certains phénomènes restaient inexpliqués, comme la peur du prédateur, que ces ­résultats ­pourraient éclaiMéthylation rés : une goutte de l’ADN d’urine de renard Processus où certaines dép osée près bases nucléotidiques d’u n e ­s ou r i s peuvent être modifiées déclenche des par l’addition d’un comportements groupement méthyle. L ©©François guénet/inserm Professeur de génétique médicale à l’université de Versailles Saint-Quentinen-Yvelines, présidente de la société francophone sur l’origine développe­ mentale de la santé (SF-DOHaD) “ La transmission de peur, même si les rongeurs n’ont est démontrée „ jamais vu ni senti de renard de leur vie ! Des réactions innées, mais difficile d’impliquer la génétique… S&S : Et donc qu’apportent-ils ? C. J. : Les chercheurs ont remarqué des ­différences de méthylation (L) sur le gène du récepteur à l’acétophénone dans le sperme du père et du fils sensibilisé à cette odeur, on parle ici d’hypométhylation : l’ADN ­comporte moins de groupements méthyles que celui des souris témoins. On sait que ces marques épigénétiques - hyperméthylation, hypo­méthylation, modifications sur S&S : Comment intégrer ces données à la connaissance des mécanismes épigénétiques ? C. J. : Quand on regarde toutes les publications sur le sujet, les résultats s’accumulent en faveur de mécanismes épigénétiques et de leur transmission à la descendance. Chacun de ces travaux apporte une pièce au puzzle. Pourtant, nous n’arrivons toujours pas à les rassembler car, à chaque fois, ce sont des ­facteurs environnementaux, des marques, des gènes, des tissus et des mécanismes différents qui sont concernés. Nous gagnerons beaucoup à investir dans certains programmes, comme suivre l’évolution d’un grand nombre de marques et mécanismes épigénétiques au cours de différentes étapes cruciales du développement et sur de nombreuses générations. C’est essentiel pour pouvoir relier avec certitude l’impact environnemental à ces mécanismes et mieux les appréhender un jour. n Propos recueillis par Alice Bomboy *V oir S&S n° 11, Grand Angle « Épigénétique – Comment se joue la partition du génome ? », p. 22-33 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 17 Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde ➜ Neurosciences L’activité physique… cérébrale ©©Photos : Sidney Grosprêtre Nul besoin de faire du sport pour entraîner l’ensemble de son système nerveux : imaginer les mouvements suffit à l’activer ! Une découverte qui ouvre la voie à des applications dans la rééducation et les maladies liées au vieillissement. Une bobine électromagnétique placée sur la tête du sujet va stimuler la zone motrice du cerveau. On enregistre (écran à gauche) les signaux électriques qui se produisent en surface du muscle. C ☛Sidney ☛ Grosprêtre : unité 1093 Inserm – Université de Bourgogne 18 ● ’est prouvé : se représenter mentalement un entraî- nerveux central – constitué du cerveau et de la moelle nement physique, sans le réaliser, suffit à ­améliorer épinière – peut être activé sans pour autant qu’il y ait ses performances musculaires en termes de force, contraction musculaire. « Mais le simple fait ­d’imaginer de vitesse et de précision. Bien que cette méthode, un m ­ ouvement avec beaucoup de concentration ne ­nommée « imagerie motrice », soit connue depuis de ­remplace pas un vrai entraînement physique, puisque nombreuses années, les mécanismes nerveux en jeu les muscles ne travaillent pas », admet-il. ne sont pas encore bien identifiés. « Plusieurs études Néanmoins, ses résultats ouvrent la voie à de ­nombreuses ont révélé que lorsque l’on imagine un mouvement et les applications thérapeutiques, à commencer par la réédu­ ­sensations qui l’accompagnent, le cortex moteur est activé cation fonctionnelle. « On pense à la musculation mais de la même manière que lorsqu’on l’effectue véritablement, on oublie souvent qu’une partie du système nerveux peut explique Sidney Grosprêtre *, de l’unité Inserm se travailler sans utiliser beaucoup de force », précise Cognition, action et plasticité sensorimotrice à Dijon. ­Sidney Grosprêtre. Or, quand une personne, victime Mais, dans le premier cas, le muscle ne se contracte pas. » d’une fracture par exemple, est immobilisée, elle perd de Quels sont précisément les mécanismes en jeu quand on la masse musculaire et de la force, mais pas seulement. imagine un ­mouvement ? C’est L’efficacité du système nerveux ce qu’a tenté de comprendre ce “ Lorsqu’on imagine s’amenuise s’il n’est pas entrespécialiste en physiologie durant un mouvement, le cortex moteur tenu régulièrement. Les sportifs sa thèse. de haut niveau pourraient, eux est activé de la même façon Pour y parvenir, le jeune que lorsqu’on l’effectue „ aussi, en tirer profit pour amé­chercheur a eu besoin de s­ imuler liorer leurs performances lors l’imagination du mouvement dans le c­ erveau de sujets d’une phase de récupération. Sans oublier les seniors sains. Seule cette technique permet de retracer avec qui ont de grandes difficultés à faire des mouvements, précision l’ensemble du trajet de l’influx nerveux, du voire une incapacité à les réaliser. « Bien que prometcerveau jusqu’au muscle. Concrètement, il a envoyé de teuse, l’imagerie motrice n’est pas magique et doit donc faibles impulsions magnétiques, qui n’engendrent pas s’effectuer en complément d’une rééducation », souligne le de contraction du muscle, dans le cortex moteur de chercheur. Lors de sa thèse, il a effectué d’autres expéri­ sujets sains. Puis, il a enregistré les réponses nerveuses mentations en demandant cette fois aux sujets d’imade la moelle épinière et du muscle. « Malgré ce que l’on giner seuls un mouvement. En observant par imagerie pourrait croire, l’activité n’est pas stoppée au niveau du l’activité de leur cerveau et de leur moelle épinière, il cerveau, mais va jusqu’à la moelle épinière », constate devrait p­ ouvoir confirmer ses premières conclusions. Sidney Grosprêtre. Ainsi, l’ensemble du système Résultats à paraître prochainement… n Lise Loumé ● N° 19 ● mars - avril 2014 Cliniquement vôtre ➜ Régions impliquées dans le langage Cytomégalovirus Plasticité cérébrale Avec la musique, le cerveau monte en gamme ☛Natacha ☛ Teissier : unité 1141 Inserm – Université Paris Diderot-Paris 7, Neuroprotection du cerveau en développement - PROTECT N. Teissier et al. Journal of Neuropathology and Experimental Neurology, février 2014 ; 73 (2) : 143-58 on remarque une zone (*) dépourvue de neurones et des neurones (➤) en dehors du cortex. ©©Natacha Teissier /U1141 Inserm Le cytomégalovirus (CMV), quand il est transmis par la mère, peut provoquer des lésions graves sur le fœtus. Il cible notamment les cellules souches de certaines zones profondes du cerveau (bulbe olfactif, hippocampe et région périventriculaire). C’est pour cela que le spectre des pathologies qui en d ­ écoulent est très large. Natacha Teissier *, chirurgien ORL à Paris, et ses collègues sont parvenus à ces conclusions en analysant ces zones chez 16 fœtus, suite à une interruption de grossesse après un diagnostic d ­ ’infection par le CMV. Les observations montrent que le système immunitaire est alors débordé et ne parvient pas à se débar­rasser du virus, ce qui peut provoquer des a­nomalies cérébrales. L’infection congé­nitale par le CMV, qui concerne 1 % des grossesses, est d’ailleurs la première cause de Dans le cas de polymicrogyrie ­retard mental et de surdité causée par le CMV, non génétique. B. S. ©©Hervé Platel/U1077 Inserm L’infection cible les cellules souches Régions impliquées dans le jugement émotionnel Exemples de régions cérébrales (en vert et en violet) dont la connectivité est augmentée chez les musiciens, grâce à la présence de régions « graines » ou le volume de substance grise est plus important (en rouge). La pratique musicale intensive modifie l’état du cerveau au repos. Baptiste Fauvel *, doctorant à Caen, a comparé les IRM de cerveaux au repos de non-musiciens et de musiciens. Pour ces derniers, il a noté des connexions accrues entre des zones du cerveau connues pour être plus développées chez les musiciens et plusieurs réseaux de neurones impliqués dans des fonctions cognitives de haut niveau, comme le traitement du langage, la mémoire ou le jugement émotionnel. Résultat cohérent selon les auteurs, puisque la musique est codée comme un langage, son écoute est souvent liée à des souvenirs et sa pratique, à la retranscription d’émotions. B. S. ☛☛Baptiste Fauvel : unité 1077 Inserm/École pratique des hautes études – Université de Caen Basse-Normandie, Neuropsychologie et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine B. Fauvel et al. NeuroImage, 10 janvier 2014 (en ligne) doi : 10.1016/j.neuroimage.2013.12.065 Ménopause Le traitement hormonal (encore) en question À la ménopause, certaines femmes suivent des traitements hormonaux pour compenser la diminution d’œstrogènes qui semble associée à de nombreuses pathologies. Selon les analyses réalisées sur 295 femmes de 65 ans au moins par Joanne Ryan *, épidémiologiste à Montpellier, ces traitements n’ont pas d’effet bénéfique sur différents volumes cérébraux (substances grise et blanche, hippocampe, etc.) qui peuvent être altérés au cours du vieillissement et après la ménopause. En revanche, les femmes qui possédent un certain type de récepteur des œstrogènes (ESR1) présentent un risque accru de lésions de la substance blanche pouvant être associées à des pathologies cérébrovasculaires ou des troubles cognitifs. La causalité reste toutefois à établir. B. S. ☛Joanne ☛ Ryan : unité 1061 Inserm – Université Montpellier 1, Neuropsychiatrie : recherche épidémiologique et clinique J. Ryan et al. Neurobiology of Aging, mars 2014 ; 35 : 645-54 ©©Burger/Phanie Cancer du sein et de l’utérus Les étrangères passent à côté du dépistage Le statut migratoire a une influence sur la fréquence de dépistage des cancers du sein et du col de l’utérus. C’est ce qui ressort d’une enquête menée par Claire Rondet *, chef de clinique à Paris, sur 1 819 femmes de la région parisienne. Ainsi, 26,3 % des étrangères et 12,2 % des femmes nées de parents étrangers n’ont jamais réalisé de frottis de dépistage, contre 6,6 % pour les Françaises nées de parents français. Les différences sont moins flagrantes pour la mammographie, en raison, selon les auteurs, de la gratuité et de la facilité d’accès du test. Il devrait en être de même, préconisent les chercheurs pour le dépistage du cancer du col de l’utérus. L’annonce de sa systématisation dans le nouveau Plan Cancer* va dans leur sens. B. S. * Voir « À la Une » p. 4 ☛Claire ☛ Rondet : unité 1136 Inserm Université Pierre-et-Marie-Curie, Épidémiologie, systèmes d’information, modélisation C. Rondet et al. Plos One, 22 janvier 2014 (en ligne) doi:10.1371/journal.pone.0087046 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 19 Cliniquement vôtre ➜ •• •• Inégalité face aux traitements Les patients schizophrènes ne réagissent pas tous de la même manière aux médicaments. Plusieurs profils ont ainsi été identifiés, ce qui devrait permettre d’anticiper, de façon plus précoce, l’évolution clinique des malades et d’adapter, si besoin est, les thérapeutiques médicamenteuses. ©©TIM BEDDOW/SPL/PHANIE SchizophrEnie L LPsychose Trouble psychiatrique caractérisé par une perte de contact avec la réalité LPrévalence Nombre de cas enregistrés à un temps T ☛☛Clémentine Nordon : unité 669 Inserm/ Université Paris 11-Paris Sud – Université Paris-Descartes a schizophrénie est la plus répandue des alors posée était la suivante : à partir du moment où ­psychoses (L) chez l’adulte et touche environ 1 % les ­personnes reçoivent un diagnostic de schizophrénie, de la population. Marquée par des délires, des quels vont être les modes évolutifs de ces patients dans les hallu­cinations, une pensée désorganisée et un ­isolement ­premiers mois de leur traitement ? Vont-ils tous répondre social, cette maladie chronique, souvent a­ ssociée, à tort, de la même façon ou, au contraire, ne pas répondre du au dédoublement de personnalité, peut r­ apidement tout ? Peu d’études s’y sont intéressées surtout en situation ­devenir un handicap au quotidien. « En Grande-­ réelle de prescription », explique la chercheuse. Bretagne par exemple, la prévalence (L) de prescrip­tions À partir de la cohorte ESPASS (voir encadré), ­Clémentine de neuro­leptiques serait de l’ordre de 80 % chez les p­ atients Nordon s’est penchée sur le suivi, durant six mois, de schizophrènes », affirme ­C lémentine Nordon * de l’unité Inserm Troubles Cohorte ESPASS : mesurer du comportement alimentaire de l’adolescent, à Paris, l’autonomie des schizophrènes et spécialiste en recherche Financée par les laboratoires Bristol-Myers Squibb et Otsuka psychiatrique. Ces médiEurope, cette étude longitudinale observationnelle a été réalisée caments, largement utilisés afin d’évaluer l’évolution de l’autonomie sociale chez des patients dans les cas de psychoses, souffrant de schizophrénie, six mois après l’instauration ou le sont, en effet, devenus LE changement de traitement neuroleptique. Au total, 5 967 patients ont été inclus. Parmi eux, 5 500 étaient déjà traités pour traitement de ­référence de la schizophrénie et 467 prenaient un traitement pour la première fois. schizophrénie. « La q­ uestion que nous nous sommes Obésité abdominale Les signes précurseurs de pathologies associées ©©Houin/BSIP Déceler rapidement les problèmes cardiaques liés à l’obésité abdominale, c’est possible. Romain Eschalier * et l’équipe du CIC-plurithématique de Nancy ont montré que les personnes asymptomatiques qui présentent une obésité abdominale, tout en ne souffrant d’aucune pathologie associée, subissent précocement des modifications structurales et fonctionnelles au niveau du cœur : augmentation de la masse du ventricule gauche, dysfonction diastolique et signes de fibrose. Autant de signes avantcoureurs qui expliquent pourquoi ces patients sont plus susceptibles de dévelop- 20 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 per une insuffisance cardiaque et qui, une fois décelés, peuvent permettre une prise en charge anticipée. Par ailleurs, l’étude, qui portait sur 140 sujets, révèle que, même si ces personnes ne souffrent pas d’hypertension, leur pression artérielle est associée à un risque de développer une insuffisance cardiaque. Ainsi, les auteurs suggèrent que les médicaments ciblant l’hypertension artérielle soient utilisés en prévention chez ces patients. B. S. ☛Romain ☛ Eschalier : CIC-P 9501 Inserm/CHU de Nancy/Université de Lorraine, centre d’investigation clinique Pierre-Drouin R. Eschalier et al. Hypertension, 20 janvier 2014 (en ligne) doi : 10.1161/HYPERTENSIONAHA.113.02419 Cliniquement vôtre ➜ 467 patients traités pour la première fois. L’analyse des données a mis en évidence cinq profils de réponse ­clinique : « réponse rapide », « réponse graduelle », patients « restant modérément malades », patients « restant très malades » et « amélioration Activité cérébrale ­clinique non durable ». En effet, « entre d’un patient ­répondre et ne pas répondre du tout, il schizophrène pendant y a tout un éventail de possibilités », une hallucination précise la chercheuse. L’amélioration clinique observée à un mois serait, par ailleurs, un facteur prédictif important du devenir à six mois, indépendamment du niveau initial de sévérité des symptômes. Un résultat appréciable qui permettrait aux praticiens d’anticiper très tôt l’évolution clinique des patients et d’adapter la prise en charge en conséquence. « S’il n’y a aucune amélioration dès le début du traitement, il y a peu de chance qu’il y en ait une au bout de 6 mois », confirme la spécialiste. Par ailleurs, selon les conclusions de l’étude, un plus faible niveau de sévérité de certains symptômes Symptômes dits négatifs (L) pourrait également constituer négatifs un facteur prédictif d’une meilleure réponse au L’une des trois traitement. De même, le fait d’avoir un emploi catégories de serait associé à une réponse plus rapide chez les symptômes associés patients sensibles au médicament. à la schizophrénie. Les premières années d’évolution de la ­maladie Ils se caractérisent sont importantes en termes de pronostic. par une altération des fonctions Chaque rechute est suivie d’une détérioration cognitives complexes de plus en plus importante de l’état de santé. et se traduisent Les conclusions de cette étude pourraient, notamment par ainsi, permettre d’augmenter les chances du l’atonie du patient, manque de patient traité pour la première fois de guérir un motivation et un d’un premier épisode de schizophrénie. n émoussement Karl Pouillot affectif. Ulcère digital L Produits d’entretien et asthme ne font pas bon ménage Une étude réalisée par Orianne Dumas *, du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, indique que l’exposition à des produits d’entretien et de désinfection sur le lieu de travail – pour le personnel hospitalier par exemple – est associée à un asthme sévère ou mal contrôlé et potentiellement non allergique. Des résultats qui confirment l’effet délétère de ces produits. Toutefois, l’échantillon testé – 391 femmes d’une cinquantaine d’années, dont 73 asthmatiques – est assez faible et incite donc les auteurs à conclure prudemment. B. S. ☛Orianne ☛ Dumas : unité 1018 Inserm/Université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines – Université Paris-Sud 11, équipe Épidémiologie respiratoire et environnementale O. Dumas et al. American Journal of Industrial Medicine, mars 2014 ; 57 (3) : 303-11 Un traitement local pour dilater les vaisseaux ©©Voisin/PHANIE Asthme ©©Jean-Luc Cracowski/ U1042 Inserm Cas de sclérodermie systémique où le flux sanguin de l’index s’élève (en rouge et jaune), suite à une injection d’un vasodilatateur, tandis que celui des autres doigts reste faible (en bleu). Matthieu Roustit * et Jean-Luc Cracowski *, du centre d’Investigation clinique de Grenoble, viennent de mettre au point un nouveau traitement prometteur pour soigner les ulcères des doigts, dus à une vasoconstriction. Cette pathologie peut survenir dans certains cas de phénomène de Raynaud, un trouble de la circulation sanguine, causés par une sclérodermie (L). Le traitement actuel consiste à injecter un vasodilatateur par voie intraveineuse, ce qui nécessite une hospitalisation : un traitement invasif, coûteux et mal toléré. Par ailleurs, LSclérodermie Affection cutanée entraînant un changement d’aspect de la peau LMicrodialyse Technique permettant de doser la concentration dermique d’une substance appliquée sur la peau le succès n’est pas toujours garanti car le médicament peine à atteindre les doigts. À l’inverse, le nouveau traitement testé avec succès sur 12 patients permet la diffusion du produit à travers la peau, à l’aide d’un faible courant électrique. Une méthode appelée iontophorèse cathodale. Grâce à une technique récente, l’imagerie de contraste par laser speckle, qui permet d’observer la diffusion d’une substance sur une surface importante de peau et avec une haute fréquence d’images, les chercheurs ont, en outre, la possibilité de doser directement le médicament par microdialyse (L), s’assurant ainsi de l’efficacité de la méthode. Il leur faut désormais la tester à grande échelle. B. S. ☛☛Matthieu Roustit, Jean-Luc Cracowski : unité 1042 Inserm – Université Joseph-Fourier, Hypoxie et physiopathologies cardiovasculaire et respiratoire, et CIC 1406 Inserm – Université Joseph-Fourier M. Roustit et al. Clinical Pharmacology & Therapeutics, janvier 2014 (en ligne) doi : 10.1038/clpt.2013.255 M. Roustit, J.-L. Cracowski. Trends in Pharmacological Sciences, juillet 2013 ; 34 (7) : 373-84 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 21 Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre ➜ Jeux vidéo, jeux d'argent, sexe, travail… Des addictions comme les autres ? 22 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 grand angle Surfer sur Internet, jouer au ­casino ou à World of Warcraft, tout simplement s’adonner au sexe ou travailler comme un fou... Des activités parfaitement licites. Mais qui peuvent avoir un retentissement néfaste sur notre vie sociale si nous les pratiquons avec excès. Un usage immodéré est-il pour autant synonyme ­d’addiction ? Une prise en charge des « drogués 2.0 » est-elle toujours possible ou même souhaitable ? Sommes-nous tous addicts à un niveau ou à un autre ? Des questions que se pose aujourd’hui notre société, face notamment à l’essor des nouvelles technologies liées à Internet. Cliniciens, chercheurs et épidémiologistes tentent d’apporter des réponses. mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 23 © Urban Jörén / Bildhuset / SCANPIX/AFP ➜ Grand Angle ➜ «M LEscapad Enquête sur la santé et les consommations lors de l’appel de préparation à la défense, régulièrement réalisée par l’OFDT à l’aide de questionnaires distribués aux jeunes de 17 ans lors de leur journée Défense et citoyenneté www.ofdt.fr ☛☛Marc Valleur : psychiatre et médecin chef de l’hôpital Marmottan, responsable du groupe de parole « Entourage des joueurs de jeux vidéo » et membre de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) M.-L. Tovar et al. Les jeux d’argent et de hasard sur Internet en France en 2012. Tendances n° 5, OFDT, juin 2013, 6 p. J.-M. Costes et al. Les niveaux et pratiques des jeux de hasard et d’argent en 2010. Tendances n° 77, OFDT, septembre 2011, 8 p. L. M. Koran, et al. Am J Psychiatry, 1er octobre 2006 ; 163 : 1806-12 doi:10.1176/appi.ajp.163.10.1806 Council on Science and Public Health. Emotional and Behavioral Effects of Video Games and Internet Overuse (report), 12 août 2007, Action of the AMA House of Delegates 24 ● ©©Pierre HAVRENNE/PACHACAMAC-REA 8 on fils passe tout son temps sur sa console, je me dire que le sexe était le contraire de l’addiction, car cette demande s’il n’est pas accro... » Cette phrase, ­dernière était réservée à ceux qui n’avaient pas accès à maintes fois formulée, a fini par ériger en vérité ces merveilleux plaisirs que sont la séduction et le sexe », populaire le concept d’addiction aux jeux vidéo. Les poursuit Marc Valleur. Si l’impression d’addiction se loisirs numériques ne sont d’ailleurs pas les seuls à être fait sentir aujourd’hui, c’est justement parce q­ u’Internet suspectés de provoquer des comportements addictifs. fait de la sexualité un plaisir marchand comme un Y a-t-il un toxicomane en chacun de nous ? « La drogue autre. La consultation de Marmottan est ainsi passée de ma copine, c’est le shopping », « Mon mari est un obsédé de 26 ­patients suivis en 2008 pour cyber-addiction sexuel ! » Au-delà des interrogations d’une société aux sexuelle, à 102 en 2012. Dans ce service, les addictions prises avec ses mutations, la question des addictions sans sans drogue représentent 15 à 20 % de la patientèle, substance est un sujet épineux où cliniciens, épidémio- dont 200 à 250 joueurs pathologiques de jeux d’argent logistes, ­chercheurs et même parlementaires se piquent par an et une quarantaine d’adeptes du jeu en réseau. régulièrement les doigts. La question de la dépendance aux jeux vidéo est devenue un sujet qui passionne les Internet, un dealer ? foules malgré le manque de preuve de son existence. S’il semble douteux de parler d’addiction à Internet Selon l’expertise collective de l’Inserm annoncée en nous y reviendrons -, la Toile joue néanmoins un rôle février dernier, qui s’appuie notamment sur les ­enquêtes décisif dans l’émergence de comportements problémaEscapad (L) 2008 et 2011, 5 % des jeunes de 17 ans tiques. Dans le cas du cybersexe, la mise à disposition ­joueraient aux jeux vidéo entre cinq et dix heures immédiate d’une grande quantité de contenus porno­ par jour. De plus, en raison du temps passé devant graphiques fait que « les marchands s’adressent directeles écrans, 23 % d’entre eux disent avoir ­rencontré, ment aux pulsions en court-circuitant l’imaginaire, les au cours de ­l’année écoulée, un problème avec leurs désirs et les fantasmes », note Marc Valleur. Comme c’est ­parents, 5 % avec leurs amis et 26 % à l’école ou au un plaisir immédiat qui ne passe pas par l’élaboration ­travail. Toutefois, Marc Valleur *, psychiatre de d’un contenu fantasmagorique, certains sont tentés l’hôpital ­Marmottan à Paris, relativise : « L’addiction aux d’« augmenter les doses » pour amplifier les sensations. jeux vidéo est très ­minoritaire par rapport à une pratique De leur côté, l’achat compulsif et l’addiction aux jeux en train de ­devenir le loisir majoritaire de la société. » ­d’argent bénéficient largement du rôle facilitateur du Web. Ancien directeur de l’Observatoire En parallèle, 3 à 5 % des adolescents pourraient français des drogues et des toxicoprésenter un usage problématique d’Internet “ On s’adresse manies (OFTD), ­Jean-­Michel Costes selon le rapport de l’Inserm. La consommation directement fait partie des huit ­personnalités pathologique de pornographie sur la Toile serait d’ailleurs en plein « boum », de même que celle aux pulsions en qualifiées rassemblées au sein de de relations sexuelles tarifées. « Dans un discours court-circuitant ­l’Observatoire des jeux mis en place par le ministère des Finances psychanalytique classique, on avait tendance à l’imaginaire „ en 2010, suite à l’ouverture des paris sportifs et hippiques et du poker en ligne. En 2010, il avait mené une vaste enquête sur les jeux de h­ asard et d’argent. Dans la popu­lation générale, 0,9 % des Français de 18 à 75 ans étaient des joueurs pathologiques, soit 200 000 personnes, et 1,9 %, des joueurs à risque modéré, soit 400 000 individus, tous types de jeux confondus. « Mais lorsque l’on ne considère que les joueurs en ligne, on obtient des chiffres bien supérieurs, ­affirme-t-il, puisque l’on a 6,6 % de joueurs pathologiques et 10,4 % de joueurs à risque. Et c’est ­encore pire sur les sites illégaux de jeux d’argent, où la proportion de joueurs pathologiques est de l’ordre de 50 %. » Comme pour la pornographie, le Net exerce Internet fait de la une action facilitatrice en rendant le sexualité un plaisir jeu d’argent plus accessible. « C’est marchand comme une question de dispo­nibilité. Ceux un autre. qui pratiquent les machines à sous ● N° 19 ● mars - avril 2014 Grand Angle sont souvent des joueurs occasionnels. Cela ne veut pas dire que l’on a moins de risque d’être a­ ddict, mais simplement que, si on ­laissait des machines à sous en libre service chez les bura­listes, nous ­aurions beaucoup plus de ­problèmes de ­dépendance », ajoute Jean-Michel Costes. Face à ces comportements problématiques, une question taraude les clini­ciens et les neuro­biologistes : s’ag it-i l ré el lement ­d’addictions ? « J’ai un peu peur que l’on banalise cette notion », nuance Michel ­Lejoyeux *. Pour ce chef du département de Psychiatrie et d’addictologie des hôpitaux BichatBeaujon, à Paris, « il n’y a Les machines à sous n'étant pas de mort dans l’addicdisponibles que dans certains tion aux jeux vidéo ou à lieux, ici un casino, les joueurs restent occasionnels. Internet, alors que c’est le cas avec les a­ ddictions au tabac. Il ne faut pas tout mettre au même niveau : si l’on c­ onsidère que tout est Une définition en 11 critères Fédération ­addiction, on court le risque de ne plus rien c­ onsidérer addiction comme une dépendance et de continuer à avoir une Elle est cliniquement définie par la classification du Réseau qui fédère ­mortalité considérable sous l’effet du tabac et de ­l’alcool. » DSM-5 (L). Un patient est considéré comme v­ ictime les structures et les Le doute est encore plus grand avec des activités socia- d’une addiction quand il présente, pendant une p­ ériode professionnels de lement validées comme le sport ou le travail. Comment d'au moins un an, deux des 11 critères recensés (voir­ l’addictologie et assure faire la part, en effet, entre un « ­Workaholic », un ergo- ­encadré p. 26). Parmi eux, on retrouve la perte de contrôle, des missions de formation de constitution de mane en français, et un simple bourreau de ­travail ? le fait que la consommation devient telle qu’elle empêche et réseaux régionaux. Ces derniers ne risquent pas autant la désocia­lisation la poursuite d’une activité scolaire ou professionnelle, ou ou la précarisation que les addicts au encore la poursuite de la consommation crack ou aux jeux d’argent, il s’agit même “ C’est la relation malgré la prise de conscience de troubles DSM-5 de personnes dont la réussite sociale est sociaux. Un nouveau critère est récem- Cinquième version du de contrainte à un ment ­apparu, le craving, habituellement Manuel diagnostique et « boostée » par les 60 heures de travail hebdomadaires consenties au détri- produit qui signe associé à la prise de cocaïne, qui renvoie statistique des troubles (2013), classifie ment de leur vie de famille. « ­L'addiction l’addiction „ à une envie irrépressible. « Ce n’est pas la mentaux et catégorise des critères n'est pas une maladie tant que l'on n’a dépendance physique qui signe ­l’addiction, diagnostiques et des pas posé un diagnostic qui repose sur le fait que les confirme Michel Lejoyeux, mais bien la relation de recherches statistiques ­critères diagnostiques présents sont à l’origine soit d’une contrainte à un produit. » Par exemple, un patient qui de troubles mentaux souffrance personnelle et d’une plainte du sujet, soit doit prendre de la morphine pour calmer des d­ ouleurs spécifiques. d'une altération importante de son fonctionnement chroniques est physiquement dépendant, mais il n’est pas social dans la vie ­quotidienne », insiste le psychiatre toxicomane pour autant. ­Jean-Michel ­Delile *, vice-président de la Fédération Cette définition clinique officielle étant posée, peut-on ☛☛Michel Lejoyeux : unité 1123 Inserm – Université Paris-Diderot–Paris 7, Épidémiologie ­addiction (L). Encore faut-il que son comportement l’appliquer aux troubles liés à l’usage du jeu d’argent, à clinique et évaluation économique appliquées soit socialement considéré comme un trouble, ce qui ­Internet, aux achats compulsifs, au sexe… ? Actuellement, aux populations vulnérables (ECEVE) est rarement le cas des gens qui t­ ravaillent de manière seuls les troubles associés aux jeux d’argent sont inscrits ☛☛Jean-Michel Delile : psychiatre au CEID de Bordeaux, vice-président de la déraisonnable. Dans ce cas, c'est souvent l'entourage dans le DSM-5 (avec 9 ­critères diagnostiques, 4 au moins Fédération addiction et coordinateur régional Aquitaine TREND (Tendances récentes familial qui va tirer la sonnette d'alarme plus que le étant nécessaires pour pouvoir porter le d­ iagnostic). Ce et nouvelles drogues) de l'OFDT, membre milieu professionnel ou le sujet lui-même. Alors, quand type de dépendance c­ omporte, en effet, toutes les caracde la Commission consultative nationale des stupéfiants et psychotropes (ANSM) peut-on v­ raiment parler d’addiction ? téristiques des ­addictions ­« ­classiques », avec, en L L mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 25 ©©Bildagentur/SPL /PHANIE ➜ Grand Angle ➜ Addiction : une définition internationale Dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), un patient est considéré comme dépendant quand il présente au minimum deux de ces 11 critères pendant au moins un an : • Incapacité de remplir des obligations importantes • Usage même lorsqu'il y a un risque physique • Problèmes interpersonnels ou sociaux • Augmentation de la tolérance au produit addictif • Présence d’un syndrome de sevrage, c’est-à-dire de l’ensemble des symptômes provoqués par l’arrêt brutal de la consommation • Perte de contrôle sur la quantité et le temps dédié à la prise de substance • Désir ou efforts persistants pour diminuer les doses ou l’activité • Beaucoup de temps consacré à la recherche de substances • Activités réduites au profit de la consommation • Poursuite de la consommation malgré les dégâts physiques ou psychologiques • Le craving, nouveauté introduite par le DSM-5, qui peut se traduire par un « besoin impérieux et irrépressible ». L’arrivée des jeux compétitifs en ligne a changé le comportement des joueurs. prime, un processus t­ypique : le fait de ­retourner jouer pour se « refaire » après une grosse perte. Mais pour les autres, il n’y a guère de c­ onsensus. Si Marc Valleur considère l’addiction sexuelle comme un vrai trouble, Michel Lejoyeux est plus dubitatif : « La ­question de pornographie pour o­ ublier une vie sexuelle défaillante. ­l’addiction à la sexualité est très complexe. Il y a des notions Une épouse ­d’industrielle insatisfaite se découvrait des de perversité et parfois de délit qui s’ajoutent. On ne va pas ­envies i­nsatiables à 48 ans. Dans tous les cas, les témoitout expliquer par l’addiction. » Pourtant les témoignages, gnages insistaient sur le « manque à combler » et sur le comme ceux rapportés dans le livre Les sex addicts, de fait que la ­pratique sexuelle assidue n’est apparue comme la journaliste Florence Sandis et du psychanalyste Jean- problé­matique que lorsque les menaces sur la vie de couple Benoît Dumonteix, insistent sur la relation contrainte au ou le ­dégoût de soi-même sont devenus trop importants. sexe et à la pornographie. L’une des p­ ersonnes décrites « J’ai longtemps pensé que l’addiction sexuelle n’existait pas, jouait le rôle de rabatteur pour des hommes politiques, avoue le psychiatre et addictologue Philippe Batel *. il était pris « dans une spirale sans fin » Mais j’ai ­découvert, chez des patients qui dans laquelle il n’avait jamais le « temps “ La question venaient me voir pour une dépendance de reprendre son souffle ». Un autre de l'addiction au sexe à des p­ roduits, comme l­’ecstasy, qui faisait une consommation effrénée de est très complexe „ augmentent fortement le désir sexuel, ➜ Les sex addicts : quand le sexe devient une drogue dure Florence Sandis et Jean-Benoît Dumontex, Hors Collection, mai 2012, 272 p., 19,50 € ☛Philippe ☛ Batel : Unité de traitement ambulatoire des malades alcooliques (UTAMA), hôpital Beaujon, Paris Les auteurs du DSM-5 ont classé l’addiction au sexe du côté de l’hypersexualité. 26 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 ©©Martilla /LEHTIKUVA OY/SIPA Grand Angle ➜ ©©Lehtikuva/VESA MOILANEN /AFP PHOTO des ­addictions au sexe, “ Peut-on retarder certes induites mais qui les premiers usages persistaient ensuite. » Philippe Batel voit désor- du jeu vidéo comme mais aussi des patients l’usage du tabac ? „ pour des dépendances sexuelles pures. « Le problème est que, d’une part, la société a du mal à comprendre que des gens puissent se plaindre de trop faire l’amour et que, d’autre part, elle y attache des notions de morale autour de la p­ erversion. » Dans ce contexte, percevoir l’addiction au sexe n’est évidente ni pour le patient, ni pour le médecin. Les auteurs du DSM-5 ne s’y sont d’ailleurs pas risqués et, plutôt que de reconnaître l’existence d’une addiction au sexe, ils « ont botté en touche en classant ces comportements du côté de l’hypersexualité », note Philippe Batel. Le jeu vidéo, plus une « béquille » qu’une drogue La preuve de l’existence de la dépendance aux jeux vidéo n’est pas moins difficile à établir que celle de la dépendance au sexe. Pour l’addictologue Olivier Phan *, responsable de la consultation Jeunes consommateurs du Centre Pierre-Nicole, « si on met la surconsommation de jeux vidéo au même plan que les addictions aux ­drogues classiques, on arrive à des impossibilités. Peut-on retarder les premiers usages du jeu vidéo comme on ☛Olivier ☛ Phan : unité 669 Inserm/ Université Paris 11-Paris Sud – Université Paris-Descartes, Trouble du comportement alimentaire de l’adolescent, Maison de Solenn, Croix Rouge française, Clinique Dupré, Fondation Santé des étudiants de France À 20 ans, Raymond est un mid laner à League of Legends (Lol), un jeu multijoueur dans lequel deux équipes s’affrontent pour détruire la base adverse. Membre de la ligue platine, certains le rémunèrent pour qu’il joue sur leurs comptes afin d’améliorer leurs statistiques. Certains jours, ce petit commerce lui rapporte jusqu’à 60 euros, soit une bonne raison de garder le rythme : 30 heures par semaine. Il ne se considère pas comme dépendant aux jeux vidéo. Il ne ressent pas de phénomène physique, de craving ou de sevrage lorsqu’il n’a pas joué. Il admet cependant que ses parents s’inquiètent du temps passé dans les cybercafés. C’est un jeune homme intelligent qui ne se berce pas d’illusions. « Je ne pense pas devenir un joueur professionnel. Cela représente beaucoup trop de travail et de stress pour des gains minimes. » Contrairement à d’autres patients suivis par Olivier Phan au Centre Pierre-Nicole à Paris, il fait la part des choses. Depuis sa seconde, il consulte avec sa famille. « J’avais beaucoup de mal à me concentrer et à travailler, mais pas à cause du jeu, je ne jouais pas énormément à l’époque. Cette année, j’ai commencé des études de droit, mais je suis en train d’arrêter, car ça ne m’intéresse pas. » League of Legends, une arène de bataille en ligne multijoueur, Pour Raymond, est l’un des jeux les plus joués au monde en 2013. l’arrêt de toutes eux s’est amélioré, mais le blocage les études entreprises - il avait déjà dans les études persiste. « La thérapie abandonné une première année en école de commerce - est un choix. Pour aide mes parents à s’inquiéter un peu moins et à se poser des questions plus son thérapeute, les choses sont plus pertinentes à mon sujet », confirme complexes, « il essaie de contrôler les Raymond. Le jeu vidéo est pour lui, choses. Cependant, je crois qu’il y a un comme pour beaucoup de jeunes véritable blocage dans la vie réelle, une qui viennent consulter, une béquille paralysie dès qu’il est parmi d’autres indispensable pour supporter le monde étudiants. Avec le jeu, au contraire, tout extérieur. « En s’attaquant directement à blocage disparaît, comme si les relations celle-ci, les parents se montrent contrevirtuelles étaient moins paralysantes… » productifs, car en réalité, devant leur En plusieurs années de thérapie, à écran, c’est le seul endroit où ces jeunes raison d’une séance par semaine se sentent bien », conclut Olivier Phan. avec ses parents, le dialogue entre mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 27 ©©2013 riot games Inc./dr Quand le jeu vidéo devient un refuge Grand Angle Les jeux vidéo sont de plus en plus attractifs. On peut les découvrir dans les salons internationaux qui leur sont consacrés. LPhobie sociale Se caractérise par une importante anxiété causée par la crainte de s’exposer à une interaction avec d’autres individus. A. Weinstein, M. Lejoyeux. The Americain Journal on Addictions, 13 septembre 2013 ; doi: 10.1111/j.1521-0391.2013.12110.x C. Lanteri et al. Neuropsychopharmacology, 2008, 33, 1724–34 ; doi:10.1038/ sj.npp.1301548; (en ligne 5 septembre 2007) C. Lanteri et al. J Neurosci, 28 janvier 2009 ; 29 (4) : 987-97 ; doi: 10.1523/JNEUROSCI.3315-08.2009. 28 ● pairs et d’une illusion de “ Quand un contrôle absolu. Selon un adolescent passe rapport commandé par l’Association médicale des jours et des ­américaine, jusqu’à 15 % nuits devant son des jeunes américains au- écran, il faut faire raient une pratique exces- une évaluation sive du jeu vidéo, mais les psychiatrique „ auteurs se gardent bien de les qualifier de dépendants. D’autres addictions ont par ailleurs une existence plus théorique qu’avérée. « Tant que personne n’est venu me consulter, je ne peux pas dire qu’un type d’addiction est une réalité, estime Marc Valleur qui cite l’exemple de la télévision. Cela fait quarante ans que nous avons ouvert une consultation qui lui est dédiée, et seulement trois personnes sont venues nous voir pour une dépendance aux programmes télévisés. Il s’agissait de gens qui ­téléchargeaient des séries et qui ne pouvaient pas s­ ’arrêter tant qu’ils n’avaient pas tout vu ! » Là encore le rôle facilitateur d’Internet est mis en avant, et le très petit nombre de cas interdit de conclure à l’existence d’une dépendance à la télévision. retarde le premier usage du tabac ? ­Comment quanti­ fier l’usage non problé­matique ? » Pour ce ­spécialiste, qui ­reçoit de nombreux adolescents ­accompagnés Le point de vue de la neurobiologie de ­parents inquiets, il y a derrière chaque ­prétendu Puisque la clinique ne peut pas encore dessiner la ­frontière « ­addict », un jeune qui refuse de se confronter à ses entre l’addiction et la manie, peut-on trouver la réponse du peurs. Si les jeux ne sont pas des « drogues » en soi, la côté de la neurobiologie ? En ­septembre dernier, la métamanière dont ils sont conçus depuis quelques années les analyse, menée par Michel Lejoyeux et le psychologue a rendus plus attractifs encore. « Cela fait trente ans que israélien Aviv Weinstein, spécialiste de la dépendance, le jeu vidéo existe, mais seulement quatre ou cinq ans que montrait des modifications dans le fonctionnement du l’on voit a­ rriver des jeunes qui passent vraiment b­ eaucoup circuit de la récompense chez les patients incapables de de temps à jouer. Depuis que les jeux en ligne compé- ­contrôler leur consommation de jeux vidéo et d­ ’Internet. titifs sont arrivés. » Un jeu de combat qui rassemble Celui-ci représente les mécanismes cérébraux qui règlent plusieurs joueurs devant un même écran se révélera, ­l’intensité de la motivation en fonction de la récompense en effet, moins « dangereux » qu’un jeu de s­ tratégie perçue (nourriture, argent, drogue...). Les ­chercheurs auquel ­chacun joue depuis chez lui, seul derrière son constataient notamment une altération de la taille du ordinateur. Le temps passé à jouer n’est en revanche striatum ventral et une forte augmentation de l’activité des pas un indicateur. « Je me souviens d’un é­ tudiant qui neurones dopaminergiques dont le rôle est, entre autres, jouait sept heures par jour à World of ­Warcraft, mais qui de nous pousser à réagir davantage face à une source de avait 16 partout parce qu’il était extrêmement brillant. » motivation. Des effets similaires sont observés chez les Comme pour l’addiction sexuelle, cette frénésie de jeux patients alcooliques ou toxicomanes. « Nous avons ­montré vidéo peut cacher autre chose. « Quand un adolescent que, confronté à la stimulation qui provoque le plaisir, le passe des jours et des nuits d’affilée devant son écran, il ­cerveau du dépendant au jeu va s’exciter plus, analyse faut faire une évaluation psychiatrique et on peut tomber Michel Lejoyeux. Les modifications révèlent qu’il se met à sur une ­phobie sociale (L) sévère non encore répérée », dysfonctionner lorsque qu’il est en présence d’un jeu vidéo. » confirme Jean-Michel ­Delile. Il est également possible qu’un joueur ­abusif ­recherche avant tout à fuir une ­situation difficile (conflit familial, échec ­personnel…) dans une pratique où il ­b énéficie d'une distraction par ­rapport à ses difficultés, d’une Dans ce cerveau, les zones, en jaune, sont activées lorsque le joueur ­reconnaissance par ses gagne de l’argent. ● N° 19 ● mars - avril 2014 ©©Stefano Palminteri/Inserm ©©Juergen Schwarz/Getty Images/AFP ➜ Grand Angle ➜ Le circuit de la récompense occupe un rôle central dans la mise en place et le maintien d’une addiction. Pour savoir quelle réaction adopter vis-à-vis d'une récompense perçue, qu'il s'agisse d'un verre d'alcool ou d'une partie de poker, notre cerveau s’appuie sur les informations sensorielles qui transitent par le tronc cérébral puis les aires associatives, de l’arrière vers l’avant, pour aboutir au noyau accumbens. L’action de cette région dicte des sorties comportementales, comme la sensation de plaisir ou de peur, mais aussi, l’accoutumance et la sensation de dépendance. Le circuit de la récompense Ces résultats valident l’idée qu’il s’agit d’un trouble avec une véritable identité neurobiologique qui ressemble étrangement à celle de l’addiction telle que décrite dans le DSM, « mais je ne voudrais pas que l’on fasse un amalgame pour autant », insiste Michel Lejoyeux. Pendant très longtemps, les spécialistes ont, par ailleurs, envisagé l’addiction comme uniquement causée par un est régulé par l’activité des neurones dopaminergiques (en vert) qui activent les sorties comportementales et les neurones sérotoninergiques (en bleu) et noradrénergiques (en rose) qui, eux, régulent la remontée des entrées sensorielles. Le dysfonctionnement de ces trois systèmes peut générer l'addiction. dysfonctionnement de l’activité des neurones dopaminergiques impliqués dans la motivation et la modulation de notre réponse à l’environnement (voir infographie). Une explication qui ne satisfait pas le neuro­biologiste Jean-Pol Tassin * pour qui « la modification induite par les drogues sur la d­ opamine n’est pas un mécanisme pérenne et n’explique pas à elle seule les changements ☛☛Jean-Pol Tassin : UMR 952 Inserm/CNRS 7224/Université Pierre-et-Marie-Curie, Paris 6 équipe Physiopathologie de la dépendance et de la rechute J.-P. Tassin. Biochemical Pharmacology, 1er janvier 2008, 75 (1) : 85–97 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 29 ©©infographie : frédérique koulikoff/inserm, FOTOLIA Désir, récompense, addiction... un enchevêtrement complexe de circuits de régulation Grand Angle ➜ 30 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 Les joueurs pathologiques présentent un déficit de motivation et d’activité cérébrale (en jaune) au sein du système de récompense lorsqu’ils sont face à des récompenses autres que monétaires. Sescousse ☛☛Guillaume Sescousse : post doctorant senior, Donders Institute for Brain, Cognition and Behaviour, Nijmegen, Pays-Bas G. Sescousse et al. Brain, août 2013 ; 136 (Pt 8) : 2527-38 ; doi: 10.1093/brain/ awt126 (en ligne 11 juin 2013) G. Sescousse et al. J Neurosci, 29 septembre 2010 ; 30 (39) : 13095-104 ; doi: 10.1523/JNEUROSCI.3501-10.2010 Ce tableau s’applique-t-il aux addictions sans drogue ? Pour Jean-Pol Tassin, le jeu d’argent ou les jeux vidéo ne sont pas assez puissants pour provoquer un tel découplage. « Le stress lié au jeu pourrait cependant activer de façon symétrique les systèmes noradrénergique et séroto­ ninergique et soulager le joueur qui souffrirait d’autres addictions. » Cette explication serait cohérente avec les résultats de la méta-analyse menée par Michel Lejoyeux, et avec les résultats de l’étude de l’OFTD de 2010 selon laquelle deux tiers des joueurs excessifs fument, soit le double de la population générale. La moitié d’entre eux présente aussi une consommation problématique d’alcool et un quart développe une alcoolodépendance, ce qui est très largement supérieur aux 3 à 4 % que l’on retrouve dans la population française. Philippe Batel fait le même constat pour la dépendance sexuelle. Selon une étude en cours sur 800 patients alcoolodépendants, 13 % d’entre eux souffriraient également d’addiction sexuelle. Mais certains mécanismes neurobiologiques pourraient être très spécifiques à l’addiction aux jeux d’argent, comme la distorsion de la perception des probabilités, sur laquelle ont travaillé Guillaume Sescousse * et ses collègues du Centre des neurosciences cognitives à Bron, dans la banlieue de Lyon. Ils sont partis d’un Guillaume Perdre la notion des probabilités résultat ­décrit par la théorie des perspectives élaborée par le Prix Nobel Daniel Kahneman et son collègue Amos Tversy. Ces deux psychologues avaient modélisé le comportement de la population générale qui consiste à surestimer les faibles probabilités et à sous-­estimer les fortes probabilités. « Notre perception des probabilités, au lieu d’être linéaire, suit une sorte de courbe en S inversée », raconte Guillaume Sescousse. Dans leur expérience, les chercheurs de Bron demandaient aux patients : « Vous préférez obtenir de façon certaine 10 euros tout de suite, ou bien avoir une chance sur deux de gagner 20 euros ? » Lorsqu’ils choisissaient la somme d’argent certaine, les expérimentateurs abaissaient la somme à 5 euros. Si, ensuite, ils choisissaient le pari, la somme était r­ emontée à 7,5 euros. Au bout de cinq ou six choix, les chercheurs parvenaient à une situation d’indifférence subjective où le participant hésitait entre l’issue risquée et l’issue c­ ertaine. L’expérience était ensuite r­ épétée avec © de compor­tement qui perdurent sur un très long terme », ­explique-t-il. En 2002, son équipe a mené de nombreux ­travaux sur les neurones noradré­ nergiques et sérotoninergiques qui n’agissent pas sur nos réactions (les sorties comportementales) comme les n ­ eurones dopaminergiques, mais en amont, sur les ­entrées s ensorielles. Ils ont ­ ­démontré que, chez une souris privée de récepteurs à la ­noradrénaline, la dopamine n’est plus ­activée. « La noradrénaline augmente la réaction vis-àvis d’un élément n­ ouveau et la sérotonine protège le ­système nerveux central des émotions trop fortes (voir infographie p. 29). Pour J­ ean-Pol Tassin, « la dopamine ne peut pas faire son travail s’il n’y a pas de sérotonine et de noradrénaline. Chez la souris, la drogue conduit à un découplage entre ces deux systèmes alors qu’ils doivent fonctionner ensemble en temps ­normal. » Les toxicomanes sont donc submergés par leurs émotions jusqu’à ce que la prise de drogue synchronise à nouveau ces deux systèmes. Grand Angle ➜ ©©Sophie Brandstrom/Lookatsciences Lorsqu’un jeu de roulette apparaît sur un écran, le joueur volontaire, placé dans un caisson d’IRMf, doit parier sur la couleur qui va sortir. Son activité cérébrale va être enregistrée pendant 4 heures et étudiée par Guillaume Sescousse (à droite). n’a pas de valeur intrinsèque, c’est ce diffé­rentes chances de gains telles que “ Le stress lié au que l’on peut acheter avec, sa valeur 25 %, 75 % ou 10 %, ce qui p­ ermettait subjective, qui en fait une gratification. de tracer une ­fonction de proba­bilité jeu pourrait activer Les récompenses primaires activent ­subjective. Résultat : les données des symétriquement joueurs ­pathologiques ­présentaient une les systèmes une région ­phylogénéti­quement (L) courbe en S inversée comme les autres, noradrénanergique plus ancienne que celle activée par mais nettement d ­ éplacée vers le haut, et sérotoninergique „ l’argent. Chez les joueurs problémasignifiant que les joueurs font preuve tiques, la présentation d’images en d'une forme d’optimisme quelles que soient les chances rapport avec l’argent provoque une a­ ctivation de cette de gains. La m ­ éthodologie e­ mployée lors de cette expé- « aire des gratifications primaires » en plus d’activer celle rience fait désormais partie des tests utilisés pour repérer des récompenses secondaires. « C’est un peu comme si les sujets présentant une forte impulsivité. Selon Jean-­ l’argent leur apportait un plaisir déconnecté du fait que Michel D ­ elile, cette distorsion de la perception des proba­ ce n’est qu’un outil qui donne accès à d’autres récompenses bilités « explique aussi la forte prévalence de ces troubles primaires », analyse Guillaume Sescousse. Si cette du contrôle de l’impulsion au moment de l’adolescence où ­théorie est exacte, cela voudrait dire que les « accros » la maturation du cortex préfrontal n’est précisément pas aux jeux d’argent considèrent le gain comme étant aussi encore arrivée à son terme ». vital que la nourriture ou la boisson. Cela s­ ignifierait-il Les joueurs invétérés perdent donc la notion des proba­ que l’on a découvert une explication aux addictions bilités. Mais perdent-ils aussi celle de la h­ iérarchie entre compor­tementales et peut-être même une piste de les gratifications ? C’est une autre voie explorée par les ­traitement ? Non, car, outre le fait que cette expérience chercheurs du Centre de Bron, dont des études d’imagerie doit être confirmée, les troubles liés à la pratique de par résonance magnétique ­fonctionnelle (L) ont montré jeux d’argent sont des maladies multi­factorielles, avec une confusion entre les aires du cerveau associées aux des origines bien plus complexes. Une telle découverte ­récompenses primaires et secondaires situées au sein du fournirait cependant des approches supplémentaires cortex orbitofrontal. Localisée en avant de l’encéphale, pour mener des thérapies fondées sur la parole, visant juste derrière les arcades sourcilières, cette région inter- à remettre l’argent à sa place parmi les préoccupations vient dans l'évaluation s­ ubjective des r­ écompenses et secondaires de la vie. les processus de ­décision en ­collaboration avec l’hippo­ campe (voir i­nfographie p. 29). Notre c­ erveau fait la La psychothérapie en première ligne distinction entre les récompenses ­primaires qui ont une En attendant, pour trouver son plaisir ailleurs que valeur innée, le sexe et la n ­ ourriture par exemple, et les dans l’addiction, Michel Lejoyeux propose une autre récompenses secondaires qui nécessitent un apprentis- démarche dans son dernier livre, Réveillez vos désirs : sage, comme l’argent ou la considération sociale. L’argent la r­ echerche du plaisir. Pour le thérapeute, « la seule LIRMf Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, technique d’imagerie médicale permettant d’avoir une vue 2D ou 3D d’une partie du corps, utilisée pour étudier le fonctionnement du cerveau. LPhylogénétique Fait référence au point d'apparition d'un caractère au cours de l'évolution. ➜ Réveillez vos désirs Vos envies et vos rêves à votre portée Michel Lejoyeux Plon, février 2014, 272 p., 18,50 € mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 31 Grand Angle ©©Daniel Allan /Cultura Creative/AFP ➜ « Workaholic » ou simple bourreau de travail, comment faire la différence ? J. Grant et al. Ann Clin Psychiatry, septembre 2002 ; 14 (3) : 155-61 J. Grant et al. Am J Psychiatry, février 2006 ; 163 (2) : 303-12 J. Grant et al. Biol Psychiatry, 15 septembre 2007, 62 (6) : 652-7 (en ligne) on va lui présenter les possibilités de traitement et ainsi de suite », détaille Michel Lejoyeux. Quand on lui amène un jeune qui consomme trop de jeux vidéo, Olivier Phan a une démarche différente. « C’est très rare qu’il n’y ait pas de p­ roblé­matique familiale, explique-t-il. J’essaye alors de voir tous les membres de la famille. ­J’explique aux couples en difficulté qu’il ne faut pas se disputer devant les enfants. Si son foyer n’est plus accueillant, l’enfant peut en effet choisir le jeu vidéo comme refuge. » Les premières séances sont consacrées à la création de l’alliance avec le patient. Une fois celle-ci conclue, vient l’étape du changement : faire prendre conscience à l’enfant de ce qui l’effraie et le confronter à ses peurs, et enfin la consolidation du changement. La même approche est employée dans l’addiction sexuelle par Philippe Batel. « Je suis convaincu que la ­psychanalyse seule ne ­fonctionne pas, expliquet-il. Il faut en premier lieu faire une évaluation de ­manière de sortir d’une addiction, ce n’est pas l’inter- l’ampleur du s­ ymptôme et fixer un objectif raisonnable diction mais c’est de retrouver des désirs qui ne sont pas dans le temps pour le faire disparaître totalement. » C’est là addictifs ni nocifs ». La simple prise de conscience ne que les d ­ ifficultés c­ ommencent : on peut discuter sur une ­suffit cependant pas. Jean-Michel Delile cite l’exemple ­abstinence ­totale de cocaïne ou d’héroïne, mais comment de ce patient, ingénieur en statistiques : « Il pouvait faire avec la sexualité ? « À un moment ou à un autre, il m’expliquer pourquoi il avait mathématiquement tort de faut une période d’abstinence sexuelle, selon Philippe Batel. continuer à miser de l’argent, mais c’était plus fort que lui, Puis, dans un second temps, il faut réorganiser la sexualité, il le faisait quand même, avec la croyance que lui-même et rendre l’estime de soi au patient. Il faut qu’il puisse se qualifiait d’irrationnelle qu’il allait finir par se “refaire ”. » juger autrement qu’à travers le prisme de sa sexualité. » Il faut donc passer par les cinq stades Cette étape d’assèchement des ­symptômes classiques du dialogue ­thérapeutique “ C’est très rare est d’autant plus compliquée à négocier définis dans le modèle trans-théorique que toutes les tentatives de traitement qu’il n’y ait pas du ­changement, établi dans les années pharma­cologique comme la naltrexone, 1970 par les psychiatres James Prochaska, de problématique un inhibiteur des opiacés, le baclofène, de l’université de Rhode Island, et Carlo familiale „ utilisé dans la réduction de l’alcoolo­ DiClemente de l’université du Maryland. dépendance, ou encore les ­traitements Le premier stade est la pré-contemplation, quand le hormonaux, qui agissent sur la synthèse de la patient considère qu’il n’y a pas de problème, puis ­testostérone, ont échoué, quand ils n’ont pas a­ ggravé la vient la contemplation, le patient reconnaît qu’il a un s­ ituation. « J’ai un patient catholique intégriste et militant problème, la préparation au traitement, le traitement d’extrême-droite qui passe six heures par jour à ­regarder et la maintenance. L’action thérapeutique dépend du de la pornographie sur le Web. C’est une ­souffrance stade dans lequel se trouve le patient. « Nous allons absolument monstrueuse car cela heurte ­profondément ­provoquer la prise de conscience chez celui qui est dans la ses préceptes moraux, raconte le psychiatre. Comme ­pré-contemplation. À celui qui contemple son problème, il a aussi un ­problème d’alcoolisation, je l’ai mis sous Jeux d’argent et addiction, une association qui ne date pas d’hier Le premier texte qui décrit médicalement l’addiction aux jeux d’argent sans recourir au prêtre ou à la morale date de 1561. Son auteur, le médecin flamand Pascasius Justus, y relate les erreurs que font les joueurs face au hasard. En 1923, Sigmund Freud réalise la première analyse psychanalytique du jeu pathologique à travers son 32 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 texte Dostoïevski et le parricide, dans lequel il évoque les problèmes de l’auteur de Crimes et châtiments. Mais il faut attendre 1957 pour que le psychanalyste Edmund Bergler écrive Psychology of Gambling, considéré comme fondateur. C’est également dans celui-ci qu’apparaissent les premières références au Workaholisme, ou ergomanie en bon français, à travers une catégorie de joueurs que Bergler appelait les « Success hunters ». Il faudra néanmoins attendre 1968 pour la première véritable définition de l’ergomanie par un autre psychologue américain, Wayne Oates, qui s’est appuyé sur l’observation de son propre besoin incontrôlable de travailler. Grand Angle ➜ ©©Jean-Claude MOSCHETTI/REA Les centres de soins dédiés vont permettre une meilleure prise en charge des personnes qui ont un problème de jeu. nature pathologique du phénomène dont ils souffrent. Cela impose donc de développer notre c­ ommunication, le repérage initial reposant fondamentalement sur le patient lui-même et son entourage. » La média­tisation du baclofène contre l’alcoolo­ dépendance a montré que le simple fait qu’il existe un traitement médicamenteux pousse les malades à frapper à la porte des consultations. Quelques pistes existent, comme les antagonistes aux opiacés, qui réduisent les effets euphorisants des substances addictives et préparent le terrain à la réduction de la consommation. Le psychiatre Jon Grant, de l’université de Chicago, avait ainsi noté que la moitié des joueurs ­pathologiques inclus dans son étude de 2006 voyaient leur dépendance diminuer grâce au n ­ alméfène. « Il est important de ­disposer d’une ­batterie d’outils, même si l’on sait qu’on ne les utilisera pas tous. Mais pour le jeu comme pour le reste, le cœur du traitement doit rester la psycho­ thérapie », juge Marc Valleur. À la question : les addictions sans baclofène, ce qui a eu pour effet de “ Le repérage initial drogue sont-elles des ­addictions démultiplier son addiction sexuelle. Il les autres ? Il serait repose fondamentalement comme ­maladroit de répondre par « oui » s’est mis à aller sur des sites gays ou sur le patient lui-même encore scatophiles. » ou « non ». La réponse est bien Avec peu, voire pas de traitement et son entourage „ plus subtile que cela. Il existe fiable, la prise en charge de l’ensemble de ­n ombreux mécanismes et de ces patients est donc bien c­ omplexe. Mais m ­ aintenant ­symptômes communs mais cela ne s­ uffit pas t­ oujours. que le jeu d’argent a fait son entrée dans le DSM, les En dehors de l’addiction aux jeux d’argent qui est correc­ centres de soins d’accompagnement et de prévention tement étudiée, un manque de données important en addictologie en ambulatoire (CSAPA) vont pouvoir frappe les autres formes d’addictions comportemens’emparer du problème. « Cela ­signifie que l’on va avoir tales et empêche de conclure clairement. Combien de une communication plus agressive pour que les personnes patients sont concernés exactement ? Comment les qui ont uniquement un problème de jeu puissent l’iden- ­traiter ? Doit-on passer par le sevrage ? Autant de tifier, non plus comme une sorte de “ tare ” personnelle, questions dont les r­ éponses nécessiteront de nouvelles mais comme un problème médical pour lequel ils p­ ourront études aussi bien cliniques, qu’épidémiologiques et recevoir une aide, espère Jean-Michel Delile. Ce qui est neuro­biologiques. D’ici là, et qu’elles soient officiellecompliqué en psychiatrie, c’est que nous n’avons aucun ment qualifiées d’addiction ou non, certaines consom­examen complémentaire, aucun outil diagnostic biolo- mations excessives peuvent entraîner une ­souffrance gique pour “objectiver” le diagnostic, il reste exclusivement au quotidien, que les cliniciens devront, dans tous les clinique avec une délimitation assez floue pour le profane cas, prendre en charge avec les armes dont ils disposent, présentant des comportements excessifs mais normaux… qu’ils soient face à une dépendance avec substance Damien Coulomb Beaucoup de patients restent donc dans l’ignorance de la ou sans. n Conduites addictives chez les adolescents Inserm, coll. Expertise collective, 2014 (à paraître) Jeux de hasard et d’argent : contexte et addiction Inserm, coll. Expertise collective, 2008, 492 p., 40 € 8 www.inserm.fr Les Mardis de l’Espace des sciences Quand la passion du jeu devient addiction avec Jean-Luc Venisse, psychiatre, professeur de psychiatrie à l’université de Nantes, fondateur du Centre de référencement du jeu excessif (CRJE) au CHU de Nantes ➜ 20 mai, 20h30 salle Hubert-Curien des Champs Libres, Rennes 8 www.espace-sciences.org mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 33 Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle ➜ •• •• HomEopathie Pour quels patients ? Deux laboratoires de l’Inserm ont participé à EPI3*, l’une des plus larges études épidémiologiques qui aient été conduites sur la pratique homéopathique en médecine générale. Leurs conclusions : les patients qui l’utilisent se distinguent principalement par la vision holistique qu’ils ont de la médecine fondée sur une prise en charge globale de la personne. À * Epidemiology in three groups of primary care practice ☛☛France Lert : unité 1018 Inserm/ Université Versailles-Saint-Quentin-enYvelines - Université Paris Sud 11 F. Lert et al. Homeopathy, janvier 2014 ; 103 (1) : 51-7 34 ● l’époque de la médecine fondée sur les preuves, l’usage de l’homéopathie est souvent décrié car peu d’études cliniques démontrant son efficacité sont ­disponibles. La pratique reste toutefois une alternative thérapeutique dispensée couramment en médecine générale (36 % des F­ rançais utili­sateurs réguliers selon un s­ ondage IPSOS 2012). Dans ce contexte, les chercheurs Inserm du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP), à Villejuif, et de l’unité Pharmaco-épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations, à Bordeaux, ont participé à l’étude épidémiologique EPI3. Objectif : décrire la pratique des médecins généralistes et la perception des patients en matière d’homéo­pathie. Le dernier volet de cette étude visait n ­ otamment à ­dessiner le profil des patients reçus en premiers recours, selon la place de l’homéopathie et des autres médecines complémentaires (acupuncture, méso­thérapie…) dans la pratique de leur médecin ­traitant. « Nous avons conduit des entretiens téléphoniques auprès d’un panel représentatif de généralistes, explique France Lert * du CESP et co-auteure de l’étude. Ils devaient préciser la nature de leur pratique : est-elle fondée exclusivement ou majoritairement sur un recours à la médecine conventionnelle ? Quelle est la place faite aux médecines complémentaires et, notamment, à l’homéopathie ? Ou encore ces généralistes ont-ils une reconnaissance auprès de l’Ordre des médecins en homéopathie ? Ensuite, un attaché de recherche clinique a été envoyé chez 804 de ces praticiens pour recueillir les données par questionnaire standardisé sur le profil des patients reçus durant une ● N° 19 ● mars - avril 2014 journée de consultation, sur leur perception des thérapeutiques alternatives et complémentaires, et sur la manière dont les médecins les prennent en charge, notamment en termes de prescription d’actes et de médicaments (via un autre questionnaire rempli par le médecin à l’issue de la consultation). Nous avons ensuite comparé le profil des médecins et les caractéristiques des 6 379 consultants selon la catégorie de praticiens fréquentée : médecine conventionnelle exclusive, ou mixte - médecine conventionnelle et pratiques des médecines complémentaires et homéopathes. » Une meilleure hygiène de vie En premier lieu, ces travaux ont permis d’observer les spécificités des patients selon le profil du médecin consulté. Bien que modestes, quelques distinctions ont été relevées : ceux qui consultaient des médecins spécialisés en homéopathie étaient plus souvent des femmes, avec un niveau d’éducation supérieur et une meilleure hygiène de vie en termes d’indice de masse corporelle, de consommation d’alcool ou de tabac. Les motifs médecine générale ➜ ©©Illustration : Paul Gendrot L’homéopathie, c’est quoi ? Fondée par Samuel Hahnemann en 1796, cette méthode thérapeutique non conventionnelle repose sur trois principes : la similitude - d’où elle tire son nom, du grec homoios « semblable » et pathos « maladie » -, l’individualisation et l’infinitésimal. Le premier principe énonce que ce qui rend malade à forte dose, guérit à faible dose. Les traitements homéopathiques sont fabriqués à base de substances qui, chez un individu sain, produiraient des symptômes similaires à ceux du malade. Le principe suivant dicte que tous les symptômes doivent être pris en compte, et pas seulement ceux liés à une maladie. Et le dernier, que les substances actives, dites « souches », sont diluées de nombreuses fois pour éviter leur toxicité, une dilution qui peut parfois être inférieure à celle d’une goutte dans l’océan Pacifique. L’autorisation de mise sur le marché n’est obligatoire que si une indication thérapeutique est revendiquée. Si ce n’est pas le cas, la législation française oblige seulement les fabricants de médicaments homéopathiques à prouver leur innocuité mais pas leur efficacité, sujette à controverses. ceux qui consultaient un médecin de pratique mixte (médecin généraliste) et, à plus forte raison, ceux qui consultaient un médecin spécialisé en homéopathie, ­accordaient plus d’importance à ce que « les traitements n’aient pas d’effets secondaires » et « qu’ils n’utilisent que des ingrédients naturels ». Ils considéraient aussi que « les déséquilibres de la vie peuvent entraîner des maladies », que « les traitements doivent prendre en compte le bien-être de la ­personne dans son ensemble » et que « le corps a natude consultation d­ ifféraient “ Ces patients illustrent rellement une capacité à guérir ». aussi légèrement : certaines résumer : « Ceux qui consultent les leur volonté d'autonomie Pour ­maladies c­ hroniques (­ anxiété, médecins pratiquant l’homéopathie se ­caractérisent par une vision holistique de dépression, fatigue, troubles et d'implication dans du sommeil, pathologies leur prise en charge „ la ­médecine, et donnent un rôle important ­ostéo-articulaires, problèmes à l’environnement et au comportement dermatologiques) étaient ­légèrement plus fréquentes ­individuel en matière de santé », p­ récise France Lert. chez ceux ayant consulté un médecin homéopathe, à Une vision qui colle aux principes mis en avant par l’inverse des pathologies cardiovasculaires et endo- l’homéopathie, qui r­ evendique une prise en charge criniennes. Une des hypothèses pouvant expliquer ce globale du patient. constat, et suggérée par certains auteurs de l’étude, est « Cela illustre leur volonté d’autonomie et d’implication que cette surreprésentation de troubles chroniques ou en matière de prise en charge, poursuit-elle. Les patients récurrents pour lesquels la réponse de la médecine trouvent donc les soignants qui leur conviennent, sans que conventionnelle serait perçue comme insatisfaisante. l’on ait exploré pour l’heure si cette opinion est antérieure ou influencée par leurs premiers contacts avec un médecin Une vision holistique pratiquant l’homéopathie. » Le questionnaire comportait également une échelle Complété par les données propres aux pratiques des ­spécifique (Complementary and Alternative Medicine médecins, l’ensemble de l’étude EPI3 devrait apporter Beliefs Inventory) sur les perceptions et croyances en une vision épidémiologique actualisée de l’homéo­ ­matière de médecines alternatives et complémentaires. pathie en médecine de premier recours. n Les différences étaient ici plus nettement marquées : Caroline Guignot mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 35 Médecine générale ➜ Médecine du travail et généralistes Pour un mariage de raison ©©B. BOISSONNET / BSIP Les médecins généralistes doutent de l’indépendance des médecins du travail qui, eux-mêmes, regrettent la méconnaissance de leur champ de compétences par leurs pairs. En pratique, voilà un frein à une prise en charge efficace des problématiques de retour à l’emploi, un enjeu important dans un contexte de recul de l’âge de départ à la retraite et de hausse des maladies chroniques. Pour améliorer le niveau de confiance, il serait donc nécessaire, selon l’auteur de cette étude, Pierre Verger *, du Sesstim, de clarifier le rôle et les obligations de ces deux professions pourtant désireuses de travailler main dans la main pour plus de 70 % de leurs membres. E. C. ☛Pierre ☛ Verger : unité 912 Inserm/IRD – Aix-Marseille Université, Sciences économiques et sociales de la santé et traitement de l’information médiale (Sesstim) P. Verger et al. Journal of Occupational and Environmental Medicine, février 2014 ; 56 (2) : 209-13 Les jeunes femmes plus touchées Les femmes les plus concernées par les accidents du travail sont les plus jeunes, tous métiers confondus. C’est la conclusion de l’étude menée par Nearkasen Chau *, épidémiologiste à Paris, pendant trois ans auprès de 23 000 employées de la SNCF. La faible expérience et le manque de connaissance du métier jouent un rôle puisqu’au-delà de quatre ans d’activité dans un même service, les accidents diminuent. En revanche, après 45 ans, le risque de chute est accru. Cette fois, les effets du vieillissement seraient incriminés. De façon générale, les risques s’expliqueraient surtout par les conditions du travail et aussi, en partie, par l’accumulation du stress et de la fatigue au sein de la cellule familiale en plus de celle du travail. Ces résultats pourraient aider les décideurs socio-économiques à développer le suivi des risques professionnels dans les premières années d’activité de son personnel et à adapter les postes en fonction de l’âge. E. C. ☛Nearkasen ☛ Chau : unité 669 Inserm/ Université Paris 11 - Paris Sud - Université Paris-Descartes, Troubles du comportement alimentaire de l’adolescent N. Chau et al. American Journal of Industrial Medicine, février 2014 ; 57 (2) : 172-83 36 ● Enquête épidémiologique Par téléphone ou par Internet ? Un questionnaire audio et écrit, à remplir via un ordinateur, semblerait a priori plus appro­ prié qu’un entretien téléphonique pour mener une enquête épidémiologique sur des sujets ­sensibles. Pourtant, d’après François Beck * au Cermes3, la différence de résultat entre les deux méthodes n’apparaît pas si évidente. En comparant les données de deux enquêtes nationales portant sur l’usage de drogues et l’abus d’alcool, le chercheur et ses collègues ont pu observer que les données obtenues par ­téléphone sont tout aussi fiables pour les femmes et les personnes de plus de 30 ans. Les jeunes hommes sont, en revanche, plus enclins à révéler leurs pratiques en passant par un a ­ uto-questionnaire. Un constat qui confirme l’intérêt d’une approche combinée pour caracté­ riser au mieux la population générale. V. R. ☛☛François Beck : unité 988 Inserm/CNRS/Université Paris-Descartes – École des hautes études en sciences sociales, Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale et société (Cermes 3) F. Beck et al. Plos One, 22 janvier 2014 (en ligne) doi : 10.1371/journal.pone.0085810 Douleur chronique Plus la tête est alerte, moins elle s’installe Des fonctions cognitives performantes permettraient de limiter le développement d’une douleur chronique. C’est ce que suggère l’étude menée par Nadine Attal * qui a suivi 189 patients après une intervention chirurgicale. Leur flexibilité cognitive capacité à s’adapter et à passer d’une tâche à une autre -, leur aptitude à planifier, leur mémoire visuelle ainsi que leur attention ● N° 19 ● mars - avril 2014 ©©Attal et al (2014). Brain in press Accidents du travail ont été mesurées avant l’opération. Six mois et un an après la chirurgie, ils ont été interrogés sur les douleurs ressenties. Résultat : les patients rapportant une douleur significative présentaient, avant leur opération, une altération des performances cognitives. Une évaluation neuropsychologique pourrait donc prédire l’apparition de douleurs chroniques, ce qui permettrait une prise en charge adaptée. V. R. ☛Nadine ☛ Attal : unité 987 Inserm – Université Versailles-Saint-Quentinen-Yvelines, Physiopathologie et pharmacologie clinique de la douleur N. Attal et al. Brain, 17 janvier 2014 (en ligne) doi : 10.1093/brain/awt354 L’altération cognitive est 2 à 3 fois plus élevée chez les patients douloureux à 12 mois que chez les autres. médecine générale ➜ Endocardite infectieuse Anti-inflammatoires non stéroïdiens Les lésions cutanées, signes de possibles complications ☛Tobias ☛ Kurth : unité 897 Inserm - Université de Bordeaux Segalen T. K urth et al. Eur J Intern Med, 10 février 2014 ; doi : 10.1016/j.ejim.2014.01.013 schémie LIcérébrale transitoire Déficit neurologique soudain, lié à une diminution de l’apport sanguin, qui régresse en moins d’une heure, sans séquelles. LNodules d’Osler Nodules violacés de la pulpe des doigts ou des orteils LLdeésions Janeway Rougeurs aux paumes des mains ou aux plantes des pieds LPurpura Lésion hémorragique de la peau de couleur pourpre L’endocardite infectieuse, majoritairement due à des bactéries, cible les valves du cœur. L’infection est difficile à pronostiquer car certaines manifestations extracardiaques, Patient présentant une en particulier endocardite et un purpura cérébrales, cutané : l’angiographie IRM peuvent révèle des micro-hémorragies survenir. cérébrales et un anévrysme Par ailleurs, non rompu. la maladie s’accompagne souvent de lésions cutanées, telles que des nodules d’Osler (L), des lésions de Janeway (L), des hémorragies conjonctivales ou du purpura (L). Xavier Duval *, coordinateur du centre d’investigation clinique Bichat, a montré que ces lésions cutanées sont associées aux complications cérébrales jusqu’ici difficiles à repérer car asymptomatiques. Ces résultats devraient permettre de guider les praticiens dans le choix du traitement le plus approprié. B. S. ☛☛Xavier Duval : unité 1137 Inserm/Université Paris 13-Paris Nord – Université Paris Diderot-Paris 7, Infection, antimicrobiens, modélisation, évolution, et CIC 1425 Inserm A. Servy et al. Jama Dermatology, 5 février 2014 (en ligne) doi : 10.1001/jamadermatol.2013.8727 Consommation de cocaïne Des douleurs thoraciques fréquentes ©©Africa studio/Fotolia L’utilisation de molécules anti-inflammatoires non stéroïdiennes (NSAID), comme l’ibuprofène, est liée à un risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC). Mais comment la sévérité des séquelles d’un ­ AVC est-elle, elle aussi, influencée par la prise de ces molécules ? Pour le savoir, une équipe franco-américaine dirigée par Tobias Kurth *, du Centre de recherche Inserm Épidémiologie et biostatistique, de ­Bordeaux, a suivi 39 860 femmes pendant près de seize ans : au cours de cette période, 1 325 d’entre elles ont été victimes d’une ischémie cérébrale t­ransitoire (L) ou d’un AVC avec des séquelles ­allant de mineures à un handicap sévère. Pour les femmes sous NSAID, cette consommation est associée à un risque plus élevé d’AVC avec des conséquences fonctionnelles modérées (symptômes absents ou sans r­ etentissement sur la vie ­quotidienne). En ­revanche, il semble que la survenue d’un AVC à l’impact plus sévère, ou d’une ischémie ­cérébrale ­transitoire, n’est pas significativement liée à la prise de ce type de m ­ édicaments. Reste, au regard de ces ­résultats, aux experts de la ­pratique ­clinique d’établir des recommandations quant à la prise de NSAID. A. B. ©©Pr. Xavier Duval Un risque d’AVC avec des séquelles modérées Sur les 50 consommateurs réguliers de cocaïne interrogés par Yavor Delchev, sous la direction de Florence Vorspan *, addictologue à Paris, plus de la moitié (52 %) avaient déjà ressenti une douleur dans la poitrine. Un constat qui souligne le risque d’infarctus du myocarde en lien avec la prise de cocaïne. Chez ces consommateurs, la sensation est apparue dans les 16 minutes qui ont suivi l’inhalation et a perduré 22 minutes en moyenne. La douleur se situait majoritairement (61 %) derrière le sternum et était perçue comme oppressante dans plus d’un quart des cas (28 %). Quasiment aucun d’entre eux n’a consulté de médecin, précisent les chercheurs, qui espèrent désormais identifier des biomarqueurs pour déterminer les profils à risque. V. R. ☛☛Yavor Delchev, Florence Vorspan : unité 1144 Inserm Université Paris-Descartes, Variabilité de réponse aux psychotropes Y. Delchev et al. Journal of Addiction Medicine, 5 février 2014 (en ligne) doi: 10.1097/ADM.0000000000000016 mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 37 Entreprendre • Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale ➜ Recherche et innovation L’incontournable alliance ©©François guénet/inserm L’Alliance pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan)* a un partenaire industriel privilégié : l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé (Ariis). Par son intermédiaire, une grande part de nos recherches trouve une valorisation industrielle, nationale ou internationale, pour le bénéfice quotidien des malades. Claude Bertrand, président de l’Ariis, analyse le paysage français de l’innovation et présente sa vision stratégique. Claude Bertrand président de l'Ariis * Voir S&S n° 9, Stratégies « Politique de recherche – Aviesan souffle ses 3 bougies », p. 42-43 38 ● Science&Santé : Comment est née l’Ariis ? Claude Bernard : Elle fait suite à la naissance d’Aviesan en 2009. Et elle a vu le jour en février 2010. Ces deux institutions résultent, en effet, d’une volonté stratégique commune. D’un côté, face à la complexité de l’organisation de la recherche publique française, notamment au grand nombre d’organismes de recherche et à l’intrication des équipes, il semblait utile de créer une institution fédératrice : Aviesan. De l’autre, il fallait que la recherche académique trouve, dans le monde industriel, un environnement structuré avec un point d’entrée unique et accessible : l’Ariis. Celle-ci représente toutes les industries de santé du territoire national, de la santé humaine et vétérinaire jusqu’aux dispositifs médicaux, en passant par le diagnostic et toutes les ­biotechnologies appliquées à la santé. Une telle organisation, assez unique au monde, n’existe nulle part ailleurs en Europe ! Elle fait de nous une alliance aux deux sens du terme : nous sommes un groupement d’industriels unis par le même désir d’innovation et l’indéfectible allié d’un partenaire exceptionnel, Aviesan. S&S : N’y a-t-il pas, pourtant, de profondes ­divergences de culture entre recherche ­publique et innovation industrielle privée ? C. B. : Cette vision est typiquement française et dommageable car elle freine la valorisation de la recherche dans notre pays. En réalité, secteur public ou secteur privé, nous avons le même parcours scientifique. Moi-même, par exemple, qui suis directeur de la R&D du groupe pharmaceutique Ipsen, j’ai un doctorat en pharmacie et ● N° 19 ● mars - avril 2014 un PhD en pharmacologie. Et nous mesurons le succès de la même façon : à la qualité des publications ! En revanche, le privé a certainement une vision plus « court-termiste », nous ne pouvons pas allouer les mêmes ressources que les institutions publiques à des recherches fondamentales de longue haleine. Mais nous pouvons créer un environnement favorable à l’innovation pour accélérer son émergence. Il y a donc une vraie complémentarité ! Avec André Syrota, président d’Aviesan et président-directeur général de l’Inserm, et Thierry Damerval, directeur ­général délégué de l’Inserm, nous luttons contre ce fossé idéologique qui oppose public et privé. Nous favorisons, par exemple, les partenariats public-privé, ou la mise en place de bourses doctorales réalisées en partie en entreprises. Et tous les deux ans, Aviesan organise avec nous l’École de l’innovation théra­peutique, dont la prochaine se tiendra du 11 au 13 juin prochain. Cette rencontre de deux jours entre étudiants, chercheurs et entrepreneurs est très appréciée. Elle p­ ermet aux étudiants de découvrir très tôt nos métiers, dès le commencement de leur ­formation, en quoi nos ­univers sont complémentaires, et par quelles étapes “ Nous pouvons créer passent la découverte et le développement d’une un environnement solution thérapeutique. favorable à C’est aussi l’occasion de l'innovation pour resserrer nos liens, avec accélérer son une volonté nette de ne émergence „ pas se cloisonner. S&S : Aviesan et l’Ariis co-organisent aussi les Rencontres internationales de la recherche (RIR)… C. B. : Oui et leur succès va croissant d’année en année : en octobre 2013, plus de 300 participants se sont r­ etrouvés autour de la prévention et du traitement des maladies ­inflammatoires. En 2012, le thème était le cancer. Le format de ces journées est assez original : des chercheurs français et des industriels, ainsi que des investisseurs et décideurs internationaux, se rencontrent d’abord à des conférences et des tables rondes classiques, puis conduisent des sessions de speed dating extraordinairement dynamiques – des rendez-vous entre partenaires désireux de se parler quelques minutes, de manière informelle, pour peut-être vivre ensuite un belle histoire ensemble. Je crois qu’il est toujours fructueux de faire se côtoyer des acteurs qui n’en ont pas l’habitude. Ces RIR créent un véritable foisonnement d’idées, qui se concrétisent par la signature de partenariats inédits. L’intérêt mutuel est en tout cas si fort que nous devons limiter le entreprendre ©©François guénet/inserm ➜ nombre de participants en nous fondant sur l’excellence scientifique. Aux Rencontres 2014, les maladies rares seront à l’honneur. Il faut dire que l’industrie s’y intéresse de plus en plus. Leur étude permet parfois de changer le regard que nous portons sur des maladies plus courantes. Par exemple, les travaux menés sur la mucoviscidose permettent d’améliorer notre compréhension d’autres maladies pulmonaires. Qui plus est, les temps de développement industriel sont potentiellement plus courts que par le passé, ce qui facilite l’investissement dans ce secteur. D’un côté, donc, l’industrie souhaite investir dans ce domaine. D’un autre, justement, la recherche ­française est très bien placée au niveau international, ce qui peut en faire un partenaire de premier choix. Je pense, entre autres, à des instituts de maladies rares vraiment uniques et remarquables comme la Fondation Imagine à l’hôpital Necker. S&S : Cette excellence française est-elle assez reconnue ? C. B. : La recherche en santé est l’un des fleurons de la France ! Il ne s’agit pas d’une vision idéaliste, mais d’une réalité dont on a surtout pris conscience à partir de 2012, avec le rapport de Louis Gallois sur la compétitivité de l’industrie française. Celui-ci recommandait de r­ enforcer le domaine de la santé et de l’économie du vivant. Nous avons encore une chance de défendre ce secteur en France et de le rendre attractif au niveau interna­tional : l’excellence de la recherche française en santé mérite que l’on s’y acharne. Le gouvernement a “ Nous sommes l'indéfectible montré qu’il nous appuyait. Sa ­présence allié d'Aviesan „ aux deux dernières Rencontres a été précieuse, alors que nous traversions une crise de confiance dans le sillage des victimes du Mediator®. Jean-Marc Ayrault y expliquait, en 2012, que « la France doit demeurer une force d’entraînement et une référence en matière de recherche médicale dans le monde ». Par son excellence, la recherche française a des arguments à défendre au niveau international ! S&S : Y compris au niveau européen ? C. B. : Bien sûr. L’Europe ouvre des opportunités à ne pas manquer. Aviesan et l’Ariis retroussent littéralement leurs manches pour soutenir les atouts de la ­recherche française en Europe, par exemple sur les cohortes popula­ tionnelles, la création de biobanques (L) ou la lutte contre l’antibiorésistance ! Nous actionnons tous les leviers ­possibles afin d’accroître notre participation à la recherche européenne. Il faut que les chercheurs répondent à plus d’appels à projets européens. Nous avons, dès cette année, de très bonnes perspectives de coopérations au sein du p­ rogramme H ­ orizon 2020**, et nous avons reçu, avec André ­Syrota, des membres de la commission scientifique de la C ­ ommunauté européenne, pour définir quelles compé­tences françaises sont les plus à même de contribuer à la croissance européenne. Ce chantier nous occupera ­activement durant les deux prochaines années ! n Propos recueillis par Nicolas Rigaud 8 LBiobanques Structures qui regroupent des collections d’échantillons biologiques pour la recherche scientifique. ** Voir S&S n°16, Stratégies « Horizon 2020 », p. 42 www.horizon2020.gouv.fr mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 39 Opinions • Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre ➜ •• •• BenzodiazEpines À consommer avec modération Nous prenons trop et trop longtemps de somnifères et d’anxiolytiques en France, alerte l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Ces médicaments, des benzodiazépines, ont de grandes vertus thérapeutiques mais aussi des effets indésirables dont certains peuvent être ravageurs sur le long terme. Trois spécialistes analysent les risques d’une consommation déraisonnable. Ce qui fait débat Jean-Jacques Laboutière L 40 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 Psychiatre et président de la Fédération française de psychiatrie En quinze ans, la consommation de benzo­ ©©François guénet/inserm es Français sont des champions de la consommation de benzodiazépines en Europe : tous les rapports nationaux et européens concordent sur ce point. Ces médicaments, qui agissent sur le système nerveux central, sont notamment utilisés comme somnifères (hypnotiques) ou pour atténuer l’anxiété (anxiolytiques). Entre 2000 et 2010, la prise d’anxiolytiques avait chuté et celle des hypnotiques restée stable. Mais depuis, comme le révèle un récent rapport de l’ANSM, l’excès de ces deux médicaments repart de plus belle. Cette remontée signale le faible respect des bonnes pratiques, qui peut avoir de graves conséquences pour le patient : état confusionnel, amnésie, somnolence impliquée dans les accidents de la route, agitation, pharmacodépendance, chutes des personnes âgées avec lésions et fractures, coma. Alors que les risques à long terme se précisent (démence, vieillissement cérébral précoce…), pouvoirs publics et praticiens se réuniront bientôt pour définir, dès 2014, une action commune de lutte contre cette surconsommation. diazépines a nettement chuté en France. Les ­médecins généralistes, principaux ­prescripteurs, évitent maintenant de les ­associer entre eux et respectent assez bien les doses ­recommandées. Les patients aussi ont conscience des effets ­indésirables, au point même de redouter de les prendre. Leur efficacité thérapeutique est réelle et, en l’absence d’alternative pharmaco­ logique, il n’est pas souhaitable que cette prise La durée de en charge disparaisse : les benzo­diazépines prescription sont une r­éponse de première intention à ­l’anxiété et aux troubles du sommeil. Certes, est souvent elles r­ enforcent le risque d’accidents de la excessive et la consommation route, mais ­l’épuisement aussi ! Reste que la durée de prescription cumulée est par patient souvent excessive et que la consommation par augmente „ patient augmente. Pourquoi tant de femmes prennent-elles continuellement des anxioly­ tiques après 50 ans ? Et pourquoi les troubles du sommeil sont-ils si répandus ? Face à de sévères insomnies, sans signes caractéristiques d’anxiété ni de ­dépression, le médecin, démuni, aide un patient épuisé à récupérer. Ce soulagement doit déboucher, dès que possible, sur une autre prise en charge. Mais il serait illusoire de limiter le pouvoir de prescription des généralistes pour pousser les patients vers la consul­ tation psychiatrique : celui qui va mal n’est pas toujours disposé à voir un psychiatre, ni en mesure de changer de mode de vie, ni prêt à s’engager dans une psychothérapie afin de vivre mieux sans ces médicaments. opinions ➜ Sophie Billioti de Gage Doctorante, unité Inserm 657 Pharmaco-épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations, Inserm/Université de Bordeaux ©©B. Boissonnet/bsip Agence nationale de sécurité du médicament. État des lieux de la consommation des benzodiazépines en France, janvier 2012. Rapport d’expertise ©©François guénet/inserm 8 ansm.sante.fr Peut-on préciser ces résultats entre consommation de benzo­ par durée de traitement ou type diazépines et risque accru de démence, de molécule ? Nous étudions définie comme une altération cognitive des ­données de santé publique progressive et irréversible. Ces travaux du Canada, qui semblent mon­ ne tiennent pas compte des signes trer un risque au-delà de trois ­précoces de la maladie (dépression, mois de traitement, une rela­ anxiété, ­insomnie), ­potentiellement tion dose/effet, et une i­ nfluence associés à un r­ ecours plus marquée avec plus fréquent aux des ­ m olécules à Le risque de démence demi-vie (L) longue. b e n z o­d i a z é p i n e s quelques années avant peut être lié à la durée L’ensemble de ces le ­diagnostic clinique résultats incite à du traitement ou au de démence. Afin de ­renforcer la sensi­ type de molécule„ mini­miser l’influence bilisation actuelle sur de ce biais, des sujets âgés et nouveaux le respect de la règlementation d’usage : consommateurs de benzo­diazépines ne pas dépasser les quelques semaines ont été comparés à des non-consom­ de traitement recommandées, préférer mateurs vis-à-vis du risque et du délai les molécules à demi-vie courte chez le de survenue de la démence, en utili­ sujet âgé. Même s’il faut plus d’études sant les vingt ans de suivi de la cohorte sur des groupes plus jeunes ou sur les ­Paquid (L). Résultat : le traitement mécanismes impliqués, on voit bien que ­augmente de 50 % le risque de d ­ émence l’usage sans discernement des benzo­ au-delà de cinq ans après son début. diazépines est à proscrire ! Nathalie Richard Directrice adjointe à la Direction des médicaments en neurologie, psychiatrie, antalgie, rhumatologie, pneumologie, ORL, ophtalmologie, stupéfiants (ANSM) En France, 11,5 millions de personnes consomment des benzodiazépines. Ces médicaments sont utiles et ont des ­effets positifs quand ils sont bien utilisés. Mais on leur connaît aussi des effets indési­ rables, confirmés par des ­données de pharmacovigilance récentes, et leurs conséquences sanitaires à long terme ©©François guénet/inserm Plusieurs études indiquent un lien LPaquid Cohorte de l’Inserm regroupant des sujets de plus de 65 ans en Aquitaine et visant à suivre l’évolution temporelle des fonctions cognitives. 3 777 sujets ont participé à l’étude. LDemi-vie Temps mis par un médicament pour perdre la moitié de son activité pharmacologique. se dévoilent. Or, en 2012, 131 millions de avons étudié le temps d’exposition à boîtes de benzodiazépines ont été ven­ une benzodiazépine sur six ans – un dues, dont 117,5 millions d’anxiolytiques patient sur six n’arrête jamais ! Or, et d’hypnotiques. C’est trois millions de certaines études montrent que la sur­ moins qu’en 2010 mais cette diminution venue d’une démence augmenterait est due à la chute de la consomma­ avec cette consommation ! Les consé­ tion de clonazépam et de tétrazépam. quences sanitaires à long terme de Le premier, utilisé cette surconsom­ contre l’épilepsie, mation promettent Seule une action a vu ses conditions d’être élevées. Face d’accès fortement à ce phénomène, concertée permettra de restreintes, ce qui a les pouvoirs publics réduire cette tendance „ permis de limiter son disposent d’une usage détourné. Le second, décon­trac­ palette d’actions possibles : sensibi­ turant musculaire, a été déremboursé lisation des patients et des médecins, en 2011 avant d’être interdit en Europe en particulier des généralistes, qui en 2013, en raison de risques d’affections prescrivent 90 % des benzodiazépines, cutanées parfois mortelles. encadrement plus strict de la prescrip­ En réalité, c’est la consommation tion ou de la délivrance… Dans tous par patient, et non le nombre de les cas, seule une action concertée ­patients, qui a fortement augmenté. avec les professionnels permettra de Et ­l’inquiétant n’est pas tant le dosage réduire cette tendance préoccupante. que la durée de ces traitements : nous Propos recueillis par Nicolas Rigaud mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 41 Stratégies • Bloc-Notes • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions ➜ •• •• •• •• •• •• Recherche en mEdecine gEnErale Une discipline en devenir En janvier dernier, le Comité d’interface Médecine générale de l’Institut et le Collège de la médecine générale (L) ont publié dix propositions pour développer la recherche en médecine générale en France. Une activité bien peu soutenue à ce jour. Association qui fédère les sociétés scientifiques et les structures universitaires de médecine générale, et les syndicats de professionnels. Pour en savoir plus : www.lecmg.fr oins de santé LSprimaires Premier niveau de contact de la population avec le système de santé, ils concernent la prévention, le dépistage, le diagnostic et le traitement des maladies, mais aussi l’orientation et le suivi des patients dans le système de soins. A lors que les politiques de santé ne cessent de réaffirmer l’importance des soins de santé ­primaires (L), prodigués essentiellement par les médecins généralistes, la recherche en la matière est négligée. Or, « c’est la première source de données qui permet d’implémenter de nouvelles pratiques », souligne Pierre-Louis Druais, président du Collège de la médecine générale. Il vient de cosigner, avec le Comité d’interface de l’Inserm, une lettre contenant leurs propositions pour développer la recherche en soins de santé primaires, envoyée en janvier dernier respectivement aux ministres des Affaires sociales et de la Santé et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la médecine générale est une spécialité récente et la filière universitaire associée également. Ce n’est qu’en 2007 que sont nommés les premiers chefs de clinique en médecine générale. « Avec la structuration de l’université et des postes de chef de clinique, il y a eu des avancées, reconnaît Pierre-Louis Druais. Nous ne sommes toutefois qu’une trentaine d’enseignants-chercheurs titulaires en médecine les 10 propositions Formation • Mettre à disposition des jeunes médecins généralistes-chercheurs des bourses de recherche (masters M2, thèses d’université). • Donner les moyens humains et matériels aux départements de médecine générale de développer un secteur recherche, sur le modèle des unités de recherche clinique hospitalières. Appels d’offres • Mettre en place au sein de l’Agence nationale de la recherche un appel thématique « Santé et système de soins ambulatoires » pour des projets de recherche sur 42 ● les soins de proximité. • Créer et abonder des Programmes ambulatoires de recherche clinique. • Instituer le lancement par l’Institut de recherche en santé publique d’un appel d’offres centré sur les soins de santé primaires à partir de l’exploitation de bases de données existantes. Bases de données • Proposer un financement pérenne et coordonné des actions, et mutualiser les ressources actuelles. • Mettre en place et financer un dispositif de recueil en continu des pratiques réelles concernant les prestations ● N° 19 ● mars - avril 2014 de soins de santé primaires. • Mettre à disposition, au sein de l’assurance maladie, des ressources humaines permettant aux médecins-chercheurs d’accéder aux bases de données institutionnelles de type SNIIRAM (L). Implication des médecins dans la recherche • Valoriser la participation au recueil de données comme une mission du médecin généraliste, et l’inclure dans les indicateurs de la rémunération sur objectifs de santé publique. • Favoriser le développement de la recherche en soins de ©©Yves Rousseau / BSIP L Collège de la médecine générale Beaucoup de généralistes sont prêts à faire de la recherche générale ! C’est ridicule au regard des 5 200 enseignantschercheurs en CHU. » Ce n’est pas faute de vocations, puisque un tiers des médecins généralistes seraient prêts à faire de la recherche ou à s’investir dans le recueil de données, encore en jachère. « Notre base de données, l’Observatoire de la médecine générale, a été fermée il y a deux ans, par manque de moyens », regrette-t-il. « Or, imaginez ce que pourraient collecter 20 000 médecins généralistes qui reçoivent 100 patients par semaine sur 45 semaines par an ! », soit 90 millions de consultations... Fin février, tandis qu’une réponse du ministère de ­l’Enseignement supérieur et de la Recherche est attendue, le ministère de la Santé, quant à lui, a proposé de réaliser des travaux de médecine générale dans le santé primaires au sein cadre du programme hosdes maisons et pôles de santé pluri-professionnels pitalier de recherche cliet l’intégrer dans les nique (PHRC)*. Solution nouveaux modes de jugée complexe pour Pierrerémunération et dans les Louis Druais, qui aspirerait critères de labellisation universitaire. à pouvoir aussi adosser la recherche en médecine générale à une structure SNIIRAM comme l’Inserm. n Créé en 1998 et mis en Pascal Nguyên place progressivement L depuis 2004, le Système national d’information intertégimes d’assurance maladie est une base de données nationale à vocation médico-sanitaire (données sur les patients, consommation de soins, maladies traitées…). * Créé en 1982, le PHRC a pour objectifs de dynamiser la recherche clinique hospitalière, participer à l’amélioration de la qualité des soins et valider scientifiquement les nouvelles connaissances médicales. I. Supper et al. Family Practice 2010 ; 28 (2) : 226-32 ; doi : 10.1093/fampra/cmq073 8 w ww.sante.gouv.fr www.lebottinrecherche.fr stratégies ➜ •• •• •• •• •• •• SystEme d information de lInserm La nouvelle feuille de route Le département du Système d’information (DSI) de l’Inserm se mobilise à l’aune des nouveaux besoins et au service du contrat d’objectifs 2011-2015 de l’Institut. Laurent Vigneron, son directeur, détaille cette mutation dont le maître-mot est d’être un véritable partenaire des utilisateurs. Tous les logiciels, de la messagerie aux outils de gestion financière, de RH et d’évaluation… directeur LCduomité Système d’information Créé en janvier 2013 sous l’impulsion de Thierry Damerval, directeur général délégué de l’Inserm, c’est la nouvelle gouvernance du Système d’information de l’Institut. nformatiques LIscientifiques Concevoir des algorithmes, adopter des langages de programmation..., adaptés aux besoins des chercheurs * Voir S&S n° 18, À la Une, « Colloque de l’Inserm - La recherche de demain se prépare aujourd’hui », p. 4-5 &Revu corrigé Dans le n° 18 de Science&Santé, à la rubrique « Stratégies » (p. 43), il convenait de lire que « la Mildt soutiendra encore le projet des Apprentis Chercheurs Maad (Mécanismes Addiction Alcool et Drogues) qui est développé par l’Inserm et l’association l’Arbre des connaissances ». S&S : Vous êtes en train de mettre en place une nouvelle stratégie. Quelles en sont les grandes lignes ? L. V. : Depuis 2013, le DSI développe une nouvelle politique de soutien en faveur des unités de recherche. Pour vous donner un exemple, nous avons accompagné les scientifiques dans l’élaboration du cahier des charges pour le suivi de la cohorte SEPAGES*. Cet appui aux utilisateurs, particulièrement aux chercheurs, fait partie de nos nouveaux objectifs. La note d’orientation stratégique 2013-2017, approuvée par le comité directeur du Système d’information (CSI) (L), est notre nouvelle feuille de route qui repose sur 4 axes : • soutien au pilotage de l’établissement, par la mise en place notamment de tableaux de bord et de bases de données relatifs aux finances, aux ressources humaines et à l’évaluation ; • soutien à la recherche via, par exemple, une démarche de coordination des informatiques scientifiques (L) ; • soutien à la gestion en faisant évoluer les outils informatiques des départements administratifs du siège (finances, RH, évaluation…) ; • soutien transverse et mise en place des moyens qui permettent notamment l’accès simplifié et sécurisé à l’information et aux données de référence. La construction de cette nouvelle stratégie a été réalisée par Isabelle Perseil et Régis Lacour, chefs de service au sein du DSI. Laurent Vigneron directeur du DSI de l'Inserm ©©François guénet/inserm LApplications Science&Santé : Pouvez-vous nous rappeler concrètement quelle est la mission du DSI à l’Inserm ? Laurent Vigneron : Le DSI réalise, bien sûr, des ­interventions techniques, comme la création d’un réseau informatique ou le traitement des incidents de messagerie, mais sa mission est aussi bien plus large. Elle consiste à mettre en œuvre et coordonner la politique de l’établissement en matière de système d’information (SI) pour, notamment, améliorer les flux de données entre les applications(L) et conduire des projets applicatifs en faveur des différentes structures de l’établissement (départements, instituts thématiques, unités). S&S : Justement, avec quelle volonté a-t-elle été construite ? L. V. : Celle de respecter une logique : • de mutualisation forte avec nos partenaires (universités, CNRS, CEA, Inra, Inria, IRD…) ; • de renforcement des collaborations en interne avec les départements administratifs, les instituts thématiques scientifiques et les délégations régionales de l’Inserm ; • de changement progressif de l’organisation du DSI pour améliorer son fonctionnement ; • et d’évolution professionnelle de ses agents pour plus de savoir-faire (conduite des projets, pilotage des prestataires externes, soutien aux activités de recherche), dans le respect des délais, des objectifs et des coûts. S&S : En pratique, quelles actions vont être menées ? L. V. : Elles sont en cours de programmation. Après avoir recueilli les exigences d’une quinzaine de laboratoires, des départements du siège et des instituts thématiques, nous avons défini les projets prioritaires à réaliser jusqu’en 2015. Nous présenterons au CSI du 28 avril une planification pluriannuelle, en distinguant les projets déjà validés par le CSI comme la refonte de notre système d’évaluation des personnels déjà amorcée, les projets estimés prioritaires à lancer prochainement, ceux en cours d’étude de cadrage - la coordination, incluant information et formation, s’agissant des informatiques scientifiques en support à la recherche biomédicale - et les projets à reporter à 2015. Ces priorités seront revues chaque année via le CSI, en fonction de notre capacité de travail, du budget imparti et des objectifs de l’Inserm. n Propos recueillis par Pascal Nguyên mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 43 •• •• GEnEtique Des maladies rares aux La génétique a peu à peu investi tous les domaines de la médecine. Hier, les recherches concernant les maladies rares de l’enfant occupaient la première place. Aujourd’hui, on découvre que les maladies infectieuses peuvent avoir un fondement génétique. Le texte est blanc mais il existe... Arnold Munnich, qui prit la suite de Jean Frézal à la tête de la première unité de génétique médicale de l’Inserm et Anne Puel, responsable d’une équipe à l’Institut des maladies génétiques Imagine, témoignent. ©©Patrice Latron/Inserm et de demain C j­amais ce que notre formation doit à l’Inserm. » Parmi les pionniers, ceux qui ont donné une orientation « génétique » à la pédiatrie de l’hôpital Necker dans les années 1950, Robert Debré, Maurice Lamy, Jean ­Frézal et Pierre ­Maroteaux ont décrit un grand nombre de ­maladies génétiques. « Jean Frézal a, le premier, ­introduit la génétique moléculaire au lit même de l’enfant malade et suscité, ainsi, d’innombrables vocations parmi nous », se souvient le chercheur, qui lui succèdera un temps à la direction de l’unité 12 de l’Inserm, ­Génétique médicale. Au cours de ses travaux, alliant médecine de recherche et médecine de soins, Arnold Munnich a pu avec ses collègues, notamment Judith Melki, Stanislas Lyonnet, Valérie Cormier, Agnès Rotig et ­Josseline ­Kaplan, identifier une cinquantaine de gènes ­responsables de maladies rares, dont l’achondroplasie ­(nanisme), la maladie de Hirschprung (défaut congénital de la motricité colique), l’amyotrophie spinale (faiblesse et atrophie des muscles)... Des découvertes dont les premières retombées ont consisté à rendre possibles des diagnostics prénatals et préimplantatoires, et qui ont permis d’élaborer des approches théra­peutiques dans certains cas. « Les recherches sur les maladies génétiques rares doivent continuer, ­souligne le cher­ cheur. Ce sont des modèles prodigieux pour les maladies communes. De l’observation attentive d’une forme rare, même unique de maladie génétique o­ sseuse ou dermatologique, peuvent émerger des avancées spectaculaires pour le traitement de maladies telles que l’ostéoporose ou le psoriasis. » C’est tout le défi de l’Institut hospitalouniversitaire Imagine, dont son unité Inserm est fonda­ trice, que d’associer étroitement soins, recherches, enseignement Qu’est-ce qui vous fascine dans la génétique ? et valorisation. « Notre ambition est de faire en sorte que cet institut soit le lieu géométrique où se « Nous sommes tous 50 000 gènes. Et tous pratique la meilleure médecine porteurs de 3 milliards de sont susceptibles de présenter d’aujourd’hui et où s’invente celle nucléotides, correspondant à des anomalies. » de demain. » Vaste programme ! ’est dans les années 1980 que les ­premiers gènes de maladies ­génétiques ont été identifiés en France. Et Arnold ­Munnich *, chef du département de génétique médicale de Centre de génétique ­l’hôpital N ­ ecker-Enfants malades, est à l’origine de la médicale ­découverte de nombre d’entre eux, responsables de Jean-Frézal, handicaps neuro­logiques, ­métaboliques et malfor­matifs hôpital NeckerEnfants malades de l’enfant. Au cours de ses études, le futur ­lauréat du Grand Prix Inserm (en 2000) effectue plusieurs stages (Paris) auprès de personnalités « qui vont l­’impressionner » et le pousser à la ­recherche. ­Parmi eux, les pédiatres de ­ ecker qui accueillaient dans une même salle ­l’hôpital N de l’hôpital les enfants atteints de maladies rares, qu’on ­appellerait plus tard les maladies ­génétiques ! « À cette ­ édicale époque, poursuit Arnold Munnich, la g­ énétique m était l’apanage des pédiatres puisque les m ­ aladies concernées se déclaraient à la n ­aissance. » Comme cétonurie, un trouble métabolique respon­ la phényl­ sable ­d’arriération mentale si un régime alimentaire ­particulier n’est pas suivi par l’enfant. Regrettant que l’enseignement médical ne soit pas assez scientifique, après avoir été nommé à l­’internat, ☛Arnold ☛ Munnich : unité 1163 le jeune médecin complète son parcours par une Inserm/CNRS – Université Paris­inscription en fac de sciences, en maîtrise de b ­ iochimie. Descartes, IHU Institut Imagine Et se forme « à la recherche, par la recherche », comme old Munn disait Philippe Lazar. Un concept novateur pour ich l’époque. « Grâce aux postes d’accueil pour les Arn internes des hôpitaux dans les laboratoires de l’Inserm, beaucoup d’entre nous avons été formés à la recherche. Nous ­n’oublierons ©©François guénet/inserm ENJEU d'hier •• •• 44 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 maladies infectieuses REPÈRES Première description d’une maladie héréditaire : l’alcaptonurie, par Archibald Garrot. Les membres d’une même famille avaient les urines noires. 1902 Description de la première immunodéficience primaire (i.e. d’origine génétique) : l’agam­ maglobulinémie liée au chromosome X, par Ogden Bruton et ses collaborateurs 1952 James Watson et Francis Crick présentent la structure en double hélice de l’ADN. 1953 Premiers séquençages et analyse du génome humain 2001 l’approche géné­ tique des mala­ dies infectieuses est en plein développement. C’est là le r­egistre d’Anne Puel *, colla­ boratrice ­ d’Arnold Munnich. En 1992, quand elle choisit son sujet de thèse, « l’outil génétique n’est pas si répandu dans la recherche en immunologie ». C’est pourtant ainsi qu’elle questionne la thématique du laboratoire d’immunolo­ gie qui l’accueille : pourquoi des lignées de souris, obtenues par croisement sélectif, produisent-elles plus ou moins d’anticorps après immunisation par des globules rouges de mouton. La jeune chercheuse met alors en évidence une dizaine de régions génétiques qui parti­ cipent au contrôle de la production de ces molécules du système immunitaire. La suite de son parcours, incluant un stage post-doctoral au NIH de ­Bethesda qui portait sur les enfants souffrant d’immunodéficience sévère combinée – « les bébés-bulles » – , n’a de cesse de répondre à cette ­question : pourquoi certains enfants présentent-ils des in­ fections sévères à des pathogènes plutôt communs ? Elle s’intéresse ainsi aux patients pré­ sentant une susceptibilité accrue aux infections fongiques, comme dans le cas de la candidose cutanéo-muqueuse chronique (CCMC) alors caractéri­ sée par des infections persistantes ou ­récurrentes de la peau, des ongles et muqueuses par les champignons des ­ Candida, principalement C. a­ lbicans. Une origine génétique de la CCMC avait été proposée dans les a ­nnées 1970, mais ce n’est qu’en 2011 que les pre­ mières causes ont été identifiées par ­ ettant en é ­vidence le rôle l’équipe, m majeur de l­’interleukine 17 (L) dans l’immunité mucocutanée vis-à-vis de C. ­albicans. L’une de ces causes résultait de mutations dans le facteur de ­transcription (L) STAT1. Contrai­ rement aux mutations « perte de fonction » de STAT1, p ­ réalablement identifiées par le laboratoire, cette fois-ci, la mutation produisait un « gain de fonction » de la protéine ! Les ­implications de ces travaux sont majeures puisqu’ils aident à d ­ écrire et caractériser des mécanismes bio­ logiques impliqués dans l’immunité protectrice spécifique de C. albicans. De plus, ils offrent une meilleure compréhension des mécanismes physiopathologiques associés à une susceptibilité a ­ccrue aux infections fongiques en conditions naturelles. D’un point de vue médical, c’est aussi la possibilité d’effectuer un d ­ iagnostic moléculaire, plus sûr que le diagnos­ tic clinique, et de proposer une meil­ leure prise en charge des patients. Récemment, à la fin de l’année 2013, l’équipe dirigée par Anne Puel a identifié la cause génétique d’une autre maladie infectieuse fongique parfois mortelle, la dermatophytose profonde. Les pre­ miers cas décrivaient des personnes at­ teintes issues de familles consanguines ou de familles avec plusieurs individus touchés, suggérant un défaut immu­ nitaire monogénique (i.e. lié à un seul gène). Et c’est le cas, puisqu’il s’agit d’une mutation du gène CARD9. Ces découvertes ont un impact ­direct pour les patients. En termes de re­ cherche fondamentale, cela renforce l’hypothèse que certaines maladies infectieuses peuvent révéler des mala­ dies héréditaires monogéniques de la réponse immunitaire. C’est toute l’approche des maladies infectieuses ­ qui en est révolutionnée ! Rubrique réalisée par Julie Coquart Anne Pu e « La diversité ou au contraire le spectre très restreint des phénotypes cliniques qui peuvent être associés à des mutations dans un même gène. » LInterleukine Protéine du système immunitaire (SI) servant de messagers entre les cellules du SI acteur de LFtranscription Molécule qui intervient dans la régulation de l’expression des gènes ☛Anne ☛ Puel : unité 1163 Inserm/ CNRS – Université Paris-Descartes, IHU Institut Imagine &Revu corrigé Dans le n° 18 de Science&Santé, à la rubrique « Les 50 ans de l’Inserm » (p. 45), sur la photo de Jean-François Landrier, une erreur d’appartenance de laboratoire s’est glissée, ce chercheur est bien à l’unité Inserm 1062 comme il est indiqué en bas de la page. mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 45 ©©François guénet/inserm ©©Lanternier F et Dermatophyte à l'intérieur d'un granulome (forme filamenteuse) chez un patient atteint de dermaphytose invasive A ctuellement Qu’est-ce qui vous fascine dans la génétique ? l coll. Puel A. N Engl J Med. 2013 Oct 31;369(18):1704-14 Une nouvelle approche Bloc-Notes ● SANTÉ EN QUESTIONS Mémoire et oubli : un couple inséparable avec, à Paris, Francis Eustache (EPHE, unité Inserm 1077-Université Caen Basse-Normandie, directeur du GIP Cyceron) et, à Marseille, Patrick Lemaire (laboratoire de psychologie cognitive, CNRS UMR 7290 Aix-Marseille Université) ➜ 22 mai, 19 heures à 20 h 30 Cité des sciences et de l’industrie, Paris 19e en duplex avec le Campus Saint-Charles d’Aix-Marseille Université EXPOSITION •• •• conferences • à la une • découvertes • Têtes chercheuses • regards sur le monde • Cliniquement vôtre • Grand Angle • Médecine générale • Entreprendre • Opinions • Stratégies ➜ La voix : l’expo qui vous parle Consacrée à la voix humaine, la nouvelle exposition de la Cité des sciences et de l’industrie regroupe 25 dispositifs qui s’étendent sur 600 mètres carrés. Objectif : comprendre toutes les subtilités de notre principal moyen de communication. A ●E nquête de santé : des populations sous surveillance avec Denis Hémon et Marcel Goldberg, du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Villejuif) Un partenariat Inserm/Paris bibliothèques ➜ 10 avril 2014, 19 heures Bibliothèque Batignolles - Paris 17e www.idf.inserm.fr 8 equipement.paris.fr ●V ie et mort des épidémies ➜ jusqu’au 28 septembre Pour tous les publics à partir de 8 ans Cité des sciences et de l’industrie, Paris 19e avec Patrice Debré Un partenariat Inserm/ Paris bibliothèques manifestaTIONs P. Debré et J.-P. Gonzalez 2013, Odile Jacob, 288 p., 23,90 € ➜ 17 avril, 19 heures Bibliothèque Valeyre, Paris 9e www.idf.inserm.fr 8 equipement.paris.fr 8 www.cite-sciences.fr Le mois de la santé et de la recherche médicale en Alsace Conférences, discussions, débats, séances cinéma, expositions, cafés des sciences avec des chercheurs, médecins, associations de malades… ➜ 11 mars-12 avril à Strasbourg et dans toute l’Alsace 8 www.grand-est.inserm 46 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 u détour d’un couloir de la Cité des sciences et de l’industrie, la lumière tamisée et ­l’ambiance feutrée attisent votre curiosité. À peine l­’entrée franchie, les éclats de voix de Céline Dion se m ­ êlant aux monologues de Fabrice Lucchini et aux vocalises de Natalie Dessay vous mettent la puce à l’oreille. Alors, cédant aux chants des sirènes, vous vous engouffrez à la découverte de l’instrument dont tout le monde sait jouer : la voix. « Il n’y avait jamais eu d’exposition d’une telle envergure faite sur ce thème en Europe, assure Evelyne Hiard, l’une des deux ­commissaires. Elle ­permet de croiser sciences, technique et art. En partenariat avec l’Ina et l’Ircam, nous avons réalisé de nombreux éléments d’exposition intuitifs et ludiques pour montrer toute la richesse de la voix, pour une durée de visite de plus de trois heures. » Devant vous, s’étend alors un premier ensemble de films et d’expériences à la fois ludiques et didactiques invitant à comprendre le processus de production de la voix ou comment l’air des poumons est transformé en voix. Après avoir construit un puzzle représentant l’appareil vocal, vous vous amusez à vieillir ou Festival Sciences Métisses Salon du livre scientifique, l’Inserm partenaire de l’Association Science Technologie et Société NordPas-de-Calais sur le thème : L’agriculture, du champ à l’assiette Pour les enfants, le jeu de l’oie sur la nutrition de l’Inserm ➜ 3-5 avril, à Hellemmes www.nord-ouest.inserm.fr 8 www.sciences-metisses.org Les mois de la santé à Angers Conférences, visites de labos, rencontres élèves chercheurs, ciné-débats, expositions ➜ 7 avril-4 juin 8 www.grand-ouest.inserm.fr bloc-notes ©©Arnaud Robin/EPPDCSI ➜ •• •• cinema Mon cerveau a-t-il un sexe ? Documentaire de Laure Delesall (2010, 52 minutes) De la recherche biologique aux dernières avancées en sciences humaines, la réalisatrice mène l’enquête et secoue les idées reçues. ➜ 8 avril, 20 heures UGC Ciné Cité Strasbourg Réservation conseillée : [email protected] devant le quiz situé dans la troisième “ Dis-moi comment tu parles, partie de l’exposition qui s’attache au lien entre voix et art. « À qui appartient je te dirai qui tu es „ cette voix ? » C’est le thème de ce jeu où vous affrontez quatre adversaires. Ça joue, ça apprend et ça rit ! Alors, fort de vos résultats, vous vous décidez à aller pousser la chansonnette dans la « douche vocale ». Que vous ayez une voix de stentor ou de crécelle, dans ce dispositif, votre chant est magnifié par un chœur virtuel s’adaptant à votre mélodie. En sortant, le mur orné d’une frise chronologique propose, en 12 tableaux sonores, l’histoire du chant de l’antiquité à nos jours. Du chant grégorien au rap, en brassant les courants baroque et romantique, toutes les périodes ont voix au chapitre et sont illustrées par des extraits musicaux. Dans la continuité de ce mur, vous entrez, pour finir, dans une petite salle de projection où toutes les techniques vocales sont Un serious game décortiquées et analysées. pour la recherche Petits ou grands, vous vous laisserez donc envoûter. Mais, développé par bien qu’elle puisse faire vibrer votre corde sensible, il ne quatre chercheurs faudrait pas que cette exposition vous laisse sans voix, du Cnam, et primé elle y perdrait tout son intérêt… n Florian Bonetto à la compétition JEU rajeunir, puis féminiser ou masculiniser des voix de personnalités célèbres, pour ensuite en faire de même avec la vôtre. Plus loin, vous croyez entendre un Québécois parler à un Toulousain… La présence de deux si lointains cousins francophones vous intrigue. Vous vous approchez d’un panneau introductif dominé par la maxime « Dis-moi comment tu parles, je te dirai qui tu es », qui vous propose alors d’entrer dans la deuxième partie de l’exposition. Celle-ci se consacre au rapport entre expression et voix, ou encore comment cette dernière reflète votre personnalité. Ici, vous découvrez les caractéristiques des différents accents régionaux et la façon dont la voix est utilisée à travers le monde. Effectivement, elle révèle nos origines géographiques et sociales, mais aussi notre état physique et émotionnel. Progressivement, les diverses expériences vous amènent à vous convaincre que « la voix est un second visage », phrase de l’essayiste Gérard Baüer, reprise dans l’exposition. Mais les jeunes visiteurs ont la langue bien plus ­pendue Malevil de Christian de Chalonge (France 1980 - 1h59), avec Michel Serrault, Jacques Dutronc, Jean-Louis Trintignant, Jacques Villeret Ciné-club Univers Convergents – Sciences, Fictions, Société, organisé par l’Institut Henri-Poincaré Suivi d’un débat autour des questions de risque nucléaire et de création de nouvelles sociétés après une catastrophe, avec François Taddeï (unité Inserm 1001), Patrick Criqui (économiste, CNRS) et Gaëlle Clavandier (sociologie des catastrophes) ©©dr Dans ce casting vocal, chacun cherche sa voix… de célébrité ➜ 27 mai à 19 h 30 Grand Action Paris 5e Entrée gratuite, sur réservation 8 www.ihp.fr Udock internationale de jeux pour l’éducation et la recherche (décembre 2013). Accessible à tous, Udock est un projet de recherche dont l’objectif premier est de découvrir si des joueurs peuvent trouver des assemblages de protéines qui ont du sens pour les chercheurs. ➜ Gratuit et librement téléchargeable sur udock.fr 8 recherche.cnam.fr mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 47 bloc-notes •• •• ● Rencontres du Café des techniques Médicaments génériques, copies conformes ? Livre conferences ➜ ➜ 15 mai, 18 h 30 - 20 heures Salle des conférences ● Dialogues – Des clés pour comprendre Maladies émergentes, nouvelle menace sur la planète ! avec François Renaud (Maladies infectieuses et vecteurs, CNRS/IRD) et Stéphane Blanc (CNRS/Institut écologie et environnement) * Voir aussi S&S n° 17, Grand Angle « Virus émergents – Comment garder le contrôle », p. 24-35 ➜ 22 mai, 18 h 30 - 20 heures Amphithéâtre Abbé Grégoire, Paris 3e Musée des arts et métiers 8 www.arts-et-metiers.net Yves Agid L’homme subconscient – Le cerveau et ses erreurs Membre fondateur de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, professeur émérite de neurologie et de biologie cellulaire, Yves Agid nous invite à découvrir comment notre subconscient gère automatiquement la masse d’informations que notre cerveau reçoit en permanence. Mais l’auteur nous explique aussi ce qui se passe quand notre subconscient est malade et comment le soigner. ●L e choc allergique, des modèles expérimentaux à la réalité clinique avec Pierre Bruhns (Laboratoire des anticorps en thérapie et pathologie, Institut Pasteur) ➜ 8 avril, 14 h 30 Institut Pasteur, Paris 15e (accès sans réservation, entrée 6 €) 8 www.pasteur.fr ● Immunologie et cancer avec Franck Pagès et Éric Tartour (Immunologie biologique, hôpital européen Georges-Pompidou) ➜ 10 avril, 14 h 30 Bâtiment Biologie du développement, Institut Curie, Paris 5e Entrée libre rencontre 8 chercheurs_toujours.vjf.cnrs.fr ➜ L’homme subconscient – Le cerveau et ses erreurs Yves Agid Robert Laffont, septembre 2013, 288 p., 24 € Les chercheurs accueillent les malades À l’occasion de ses 50 ans, l’Inserm ouvre plus de 180 laboratoires aux malades et à leurs familles pour 4 journées thématiques, en partenariat avec 60 associations de malades. Maladies rares en partenariat avec Alliance maladies rares, l’AFM-Téléthon et avec Orphanet Une soixantaine d’associations participeront à cette journée organisée dans près de 20 villes où plus d’une trentaine de laboratoires Inserm accueilleront les malades. ➜ 23 mai Nombre de places limité, s’inscrire sur 8 www.chercheurs-malades.fr 48 ● ● N° 19 ● mars - avril 2014 Science&Santé : Pouvez-vous, tout d’abord, nous définir ce qu’est exactement le subconscient ? Yves Agid : C’est le « pilote automatique » du cerveau. Il nous donne la possibilité de réaliser des actions habituelles ou routinières sans y penser. « Je ne pense pas que je fais mais je fais de façon automatique. » Par exemple, quand nous marchons, nous ne pensons pas à mettre un pied devant l’autre, ni à balancer les bras pour garder l’équilibre. Nous marchons, voilà tout. C’est aussi lui qui nous permet de conduire tout en parlant à notre passager. Cet état de subconscience, qui est permanent, nous désengage des routines pour que nous puissions adopter des comportements non automatiques, intelligents et créatifs, ceux-là. S&S : Et pourquoi avez-vous souhaité consacrer un livre à ce sujet précis ? Y. A. : D’abord parce que très peu d’ouvrages abordent le subconscient et les comportements automatiques. Or, nous passons la plupart de notre existence dans un état de subconscience, sans penser à ce que nous faisons ou r­ essentons. Par ailleurs, la pratique clinique et nos r­echerches m’ont amené à travailler sur de petites structures primitives situées à la base du cerveau qui gèrent le subconscient : les noyaux gris centraux. J’ai donc voulu partager avec le grand public mon expérience, en illustrant de découvertes scientifiques et de cas cliniques. Et démythifier ainsi un certain nombre d’idées reçues sur le subconscient, en particulier, et la fonction cérébrale, en général. S&S : Vous abordez aussi les erreurs du cerveau. À quoi faites-vous allusion exactement ? Y. A. : Aux dysfonctionnements des noyaux gris c­ entraux, qui provoquent une altération des comportements ­moteurs automatiques, comme dans le cas de la maladie de Parkinson. Les patients ont des ­difficultés à réaliser des auto­matismes - marcher ou enfiler un vêtement, par exemple. Mais leurs dysfonctionnements peuvent aussi bloc-notes EXPOSITIONs ➜ Science/Fiction : voyage au cœur du vivant Exposition Inserm ➜ 26 mars-17 avril Lycée Jean-Mermoz, Saint-Louis (Alsace) La science se livre 2014 À la découverte du temps Précieux sommeil En collaboration avec Isabelle Arnulf (unité Inserm 975, Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpétrière) Le sommeil est riche en activités de toutes sortes dont le rêve n’est pas la moindre. ➜ 11-29 mars Médiathèque, Cherves-Richemont (Charente) 8 www.emf.fr ©©François guénet/inserm La radioactivité : de Homer à Oppenheimer Palais de la découverte, Paris 8e 8 www.palais-decouverte.fr photographiée par Mathieu Pernot L’Asile des photographies ©©Installation réalisée et Mathieu Pernot et Philippe Artières Des centaines d’images, des années 1930 à nos jours, témoignent de la vie de l­’hôpital psychiatrique Le Bon Sauveur, à ­Picauville (Manche). ➜ 13 février – 11 mai Maison Rouge, Paris 11e www.lamaisonrouge.org Le dortoir des agités à Picauville 8 www.artistikrezo.com Science Tour Pour célébrer ses « 50 ans », l’Inserm s’associe au Science Tour* : ➜ Nord-Ouest : 3-5 avril à Hellemmes, 10-21 avril à Berck-sur-Mer Grand-Est : 11 avril à Strasbourg, 18 avril à Nancy, 6 mai à Besançon, 13 mai à Dijon Grand-Ouest : 24-26 avril à Nantes, 28 avril à Redon Le texte est blanc mais il existe... •• •• •• •• en tournee S&S : Est-ce qu’il existe des solutions thérapeutiques à ces différents troubles ? Y. A. : Oui. Grâce à des médicaments ou à la stimulation électrique intracrânienne pour les cas échappant à tout traitement, on peut rétablir un fonctionnement normal des noyaux gris centraux et, ainsi, améliorer de façon spectaculaire les symptômes de la maladie de Parkinson. C’est également possible pour certains patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette ou de TOC. Peut-être même pour d’autres maladies psychiatriques qui impliquent des émotions anormales involontaires comme la schizophrénie, l’autisme ou la dépression. J’invite donc les psychiatres, les neurologues, et les industriels de la pharmacie, à coopérer plus étroitement et à considérer les noyaux gris centraux comme une cible thérapeutique potentielle. n Propos recueillis par Simon Pierrefixe ➜ jusqu’au 8 juin Debats se traduire par des troubles émotionnels, tels que la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou des tics sévères comme dans la maladie de Gilles de la Tourette. Nous parlons alors d’« émotions et pensées anormales involontaires ». “ J'ai voulu démythifier un certain nombre d’idées reçues sur le subconscient „ L’exposition évoque aussi bien les épisodes les plus dramatiques de la radioactivité que les usages positifs, notamment en médecine et, dans un tout autre genre, les personnages de dessins animés qui y font référence. Bar des sciences La robotique au service des neurosciences avec Mehdi Khamassi (Institut des systèmes intelligents et de robotique, CNRS et UPMC) et Peter Dominey (unité 846 Inserm/CNRS, Institut Cellule souche et cerveau) ➜ 8 avril, 20 heures Bar de l’hôtel Bristol Montbéliard Entrée libre et gratuite * Voir S&S n° 18, Bloc-notes p. 47 Autres dates, voir sur : 8 www.inserm.fr 8 www.pavillon-sciences.com mars - avril 2014 ● N° 19 ● ● 49 bloc-notes ➜ livres Enquête de satisfaction sur Science&Santé Handicap et perte d’autonomie : des défis pour la recherche en sciences sociales - Conférences inaugurales des trois chaires EHESP-CNSA Jean-François Ravaud, Claude Martin, Florence Weber (dir.) Merci à nos lecteurs qui ont bien voulu répondre à notre enquête. Pour ceux qui n’auraient pas pu le faire, le questionnaire est disponible sur le site de l’Inserm. Vous pouvez répondre en téléchargeant le pdf. janvier 2014, Presses de l’EHESP, 168 p., 8 € 8 www.inserm.fr Engagée dans la création d’une Maison des sciences sociales du h ­ andicap, l’EHESP a créé trois chaires au sein du département des Sciences humaines, sociales et des comportements de santé, associant l’Inserm, le CNRS et l’ENS Paris, en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. ➜ Retour du questionnaire rempli par mail [email protected], ou par courrier Inserm – Disc/Science&Santé, 101, rue de Tolbiac – 75013 Paris AlicE 2630 Armelle Rancillac Face au risque épidémique Didier Houssin janvier 2014, Rancillac/CloniTech éd., 212 p., 11,95 € Un roman d’anticipation, écrit par une jeune chercheuse ­Inserm, qui dépeint un monde futuriste aux nombreuses avancées en neurobiologie, qui pourraient bien devenir r­ éalité ! février 2014, Odile Jacob, 304 p., 24,90 € Aujourd’hui conseiller de l’OMS, l’auteur a été au cœur des nombreuses crises de nature épidémique qui se sont enchaînées au XXe siècle. Il en retrace ici les temps forts et dresse le bilan des réponses qui ont été apportées. Cabanis – Anthropologie médicale et pensée politique Textes réunis et présentés par Marie Gaille Côté nuit, côté soleil Témoignages recueillis par Muriel Scibilia janvier 2014, CNRS Editions, 254 p., 23 € « Des observations sur les hôpitaux » et « Quelques ­principes et quelques vues sur les secours publics », deux textes présentés par Marie Gaille, chercheuse au CNRS, pour redécouvrir un médecin réformateur, qui plaçait son exercice dans une approche g­ lobale, proprement politique. février 2014, éditions Slatkine (Genève), 160 p., 27 € Ils avaient entre 3 ans et 18 ans quand le cancer a bouleversé leur vie. Dix jeunes témoignent de ce combat impensable, pour aider à comprendre et à accompagner. Faire des enfants demain Jacques Testart Chercheur au quotidien Sébastien Balibar janvier 2014, Seuil coll. Raconter la vie, 80 p., 5,90 € L’auteur, physicien au CNRS, nous fait partager la vie ­quotidienne d’un chercheur, entre « bricolage » rationnel et production de connaissances auxquelles le scientifique associera son nom. Les 100 mots du rêve Jean-Pol Tassin, Serge Tisseron mars 2014, Seuil coll. Documents, 216 p., 16 € Près de 3 % des enfants sont conçus avec l’aide de la biomédecine dans les pays industrialisés. Aujourd’hui la régulation bioéthique fait l’objet d’une permissivité croissante et la question se pose de savoir jusqu’où ira la médicalisation de la procréation. L’auteur, directeur de recherche honoraire à l’Inserm, fut un pionnier des méthodes de procréation assistée. Les conflits d’intérêts en médecine : quel avenir pour la santé ? France, États-Unis, Japon Marc A. Rodwin, trad. Geneviève Knibiehler, préface de Martin Hirsch, introduction de Dominique Thouvenin février 2014, PUF coll. Que sais-je ?, 128 p., 9 € Deux regards croisés, celui d’un neurobiologiste, chercheur à l’Inserm, et celui d’un psychiatre-psychanalyste, pour tenter de comprendre ce qu’est le rêve. mars 2014, Presses de l’EHESP, 384 p., 30 € Le poids du corps à l’adolescence Annie Birraux, Didier Lauru février 2014, Albin Michel, 304 p., 18,50 € Cet ouvrage, qui réunit des psychanalystes d’adolescents, des pédopsychiatres, psychothérapeutes et spécialistes des services de chirurgie pour adolescents obèses, éclaire sur ce problème de santé publique et les drames qu’il peut causer. N°19 mars - avril 2014 Abonnement gratuit, écrire à : science-et-sante @ inserm.fr 50 ● Directeur de la publication Pr André Syrota Directeur de la rédaction Arnaud Benedetti Rédacteur en chef Yann Cornillier Secrétaire de rédaction Maryse Cournut Chef de rubrique Julie Coquart ● N° 19 ● mars - avril 2014 Les conflits d’intérêt, courants dans le système de soin, questionnent la loyauté des médecins envers leurs patients et leur indépendance professionnelle et économique. L’auteur, professeur invité à la chaire Droit et santé à l’EHESP et à l’ESSEC-Santé, examine le développement de ces conflits en France, aux États-Unis, et au Japon. Assistante d’édition Coralie Baud Ont collaboré à ce numéro Alice Bomboy, Florian Bonetto, Damien Coulomb, Élodie Courtejoie, Françoise Dupuy Maury, Caroline Guignot, Lise Loumé, Pascal Nguyên, Rubrique réalisée par Maryse Cournut Simon Pierrefixe, Karl Pouillot, Vincent Richeux, Nicolas Rigaud, Bruno Scala Conception graphique et direction artistique Ghislaine Salmon-Legagneur Iconographie Cécile Depot Consultante projet Françoise Harrois-Monin Crédit de couverture Illustration : Jean Leblanc Impression Groupe Burlat N° ISSN : 2119-9051 Dépôt légal : Mars 2014 2012 2013 www.inserm.f r Pub_S&S.indd 1 19/02/2014 18:41 50 ans © La Sorbonne - Chancellerie des universités de Paris / Xavier Richer et Gilles Trillard / Lycée Brassaï Suivez en direct le colloque organisé à l’occasion des 50 ans de l’Inserm jeudi 3 avril 2014 de 10 h à 19 h sur Inserm.fr En présence de Monsieur François Hollande, Président de la République et de Madame Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, Madame Geneviève Fioraso, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Madame Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel 2008, directrice de recherche à l’Inserm et Monsieur Jules Hoffmann, Prix Nobel 2011, membre de l’Académie française Le colloque sera ouvert par le Professeur André Syrota, Président-directeur général de l’Inserm et animé par Franz-Olivier Giesbert. Cette rencontre internationale rassemblera scientifiques, politiques, partenaires institutionnels et économiques, associations de malades et tutelles afin de porter un regard sur l’avenir et l’évolution des sciences, la prospective et l’indispensable interdisciplinarité des sciences de la vie et de la santé. 101, rue de Tolbiac 75654 Paris Cedex 13 www.inserm.fr magazine gratuit ne peut être vendu