CROISIÈRES – Exemple :

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SAVIEZ-VOUS QUE ?
Cancer : les légumes contre-attaquent
Le docteur Richard Béliveau, sommité mondiale dans la lutte contre le cancer,dévoile son plan de
match : une attaque 100% végétale.
En mai 2004, au très sérieux Laboratoire de médecine moléculaire de
l'Hôpital Sainte-Justine/Université du Québec à Montréal, on a sorti un
extracteur à jus. Les chercheurs ont préparé un cocktail de légumes :
tomate, chou, ail, betterave et kale (chou vert non pommé). Puis, ils y ont
exposé des cellules de médulloblastome, un cancer du cerveau très
agressif chez l'enfant, contre lequel il n'existe aucun traitement.
« Le jus de légumes a freiné le développement des cellules cancéreuses »,
raconte le docteur Richard Béliveau, oncologue, chercheur et directeur du
Laboratoire. Rien de moins !
« Grâce au concours des oncologues Albert Moghrabi et Stéphane
Barrette, nous offrons désormais aux enfants cancéreux une diète riche en produits végétaux
sélectionnés pour compléter la chimiothérapie. Et les résultats préliminaires sont très
prometteurs. »
À 52 ans, le docteur Béliveau est une sommité mondiale dans le domaine de la lutte contre le
cancer. Il y a cinq ans, ses recherches ont pris un tour inattendu : son laboratoire a été le premier
à mettre en évidence les propriétés anticancer des polyphénols du thé vert. Ce mois-ci, il lance
Des aliments contre le cancer (Trécarré), ouvrage qu'il a d'abord conçu pour répondre aux
multiples interrogations de ses patients.
Châtelaine a rencontré le docteur Béliveau à son bureau de l'Hôpital Sainte-Justine, à Montréal.
Prévenir et guérir le cancer, dites-vous, c'est le même combat...
Le docteur Richard Béliveau : Nous sommes tous porteurs de microtumeurs cancéreuses, qui
apparaissent spontanément à cause de facteurs externes : agents chimiques comme fumée de
cigarette, radiations, virus. Et de facteurs internes : chaque jour, des milliards de cellules de notre
corps se divisent pour se renouveler ; alors, de temps en temps, des erreurs se produisent dans
la division cellulaire et, combinées à des chromosomes défectueux, provoquent un début de
cancer.
Prévenir le cancer consiste à empêcher ces microtumeurs de devenir des cancers déclarés.
Comment ? Grâce aux agents anticancer des végétaux. En manger, c'est s'administrer une
véritable chimiothérapie au quotidien. Une alimentation très riche en fruits, légumes et autres
végétaux fournit à l'organisme plusieurs grammes de molécules anticancer chaque jour. Ces
molécules visent les mêmes cibles que les médicaments utilisés en chimiothérapie, mais,
contrairement à ces derniers, elles s'attaquent uniquement aux cellules cancéreuses, sans
conséquence toxique.
Est-on certain de l'effet anticancer des fruits et légumes ?
Absolument. Les études de population le démontrent clairement : les gens qui mangent
beaucoup de fruits et de légumes, en Asie notamment, souffrent beaucoup moins de cancer.
Ceux qui vivent le plus longtemps sont les Crétois et les habitants de l'île d'Okinawa, au Japon,
dont l'alimentation regorge de fruits, légumes et légumineuses. De plus, les expériences en
laboratoire s'avèrent concluantes. Plus précisément : certains végétaux réduisent les risques de
cancer - par exemple, les crucifères (la famille du chou) bloquent la formation des œstrogènes
associés au cancer du sein. Mais c'est la combinaison de molécules végétales différentes qui
exerce un effet protecteur. Cela suppose un menu varié.
Certaines personnes mangent des fruits et des légumes à la tonne et développent
néanmoins un cancer. Pourquoi ?
Il y aura toujours des gens hypersensibles, désavantagés par leur bagage génétique – le cancer
frappe des enfants de trois ans, un non-sens ! Inversement, on connaît tous des abonnés au fastfood qui ne font pas d'exercice, fument comme des pompiers... et sont en forme à 82 ans. Il faut
regarder les statistiques. Une alimentation saine permet de mettre toutes les chances de son
côté.
Donc, on en revient au Guide alimentaire canadien, qui recommande de 8 à 10 portions de
fruits et légumes chaque jour...
Je le recommande aussi, mais pas pour les raisons invoquées dans le Guide, qui ne parle que de
vitamines et de fibres. Vitamines et fibres ne forment qu'une infime minorité des composés
bénéfiques des fruits et des légumes. En fait, il y a au moins 30 000 substances qui protègent
contre le cancer et diverses maladies : lycopène de la tomate, sulforaphane du brocoli... À cause
de leur alimentation déficiente, la majorité des Nord-Américains ne profitent pas de ces
substances salutaires. C'est une première dans l'histoire de l'humanité.
Une première dans l'histoire de l'humanité ? Que voulez-vous dire ?
L'être humain a évolué grâce aux femmes qui, par la cueillette, ont choisi les produits de la
nature bénéfiques pour leurs enfants. Très tôt dans l'histoire de l'évolution, les femmes ont
décidé que les pommes, les patates et le céleri étaient comestibles. Elles ont procédé par
tâtonnements, pendant des milliers d'années. Ainsi sont nées les cuisines chinoise, indienne ou
méditerranéenne.
Ces grandes traditions culinaires reposent sur une consommation importante de fruits et de
légumes et on y trouve, sous une forme ou une autre, la combinaison bénéfique légumineusescéréales : pois chiches et semoule de blé (le couscous) en Afrique du Nord, fèves rouges et maïs
en Amérique du Sud, soja et riz en Asie, fèves blanches et blé en Occident. Le tout agrémenté
d'un peu de viande ou de poisson. Ces cultures ont aussi misé empiriquement sur des produits
végétaux aux effets anticancer importants : la combinaison curcuma-poivre noir en Inde, le soja
en Extrême-Orient, le thé vert partout en Asie.
On est loin de l'assiette nord-américaine typique...
La grosse pièce de viande accompagnée d'une petite patate anémique et de brocoli trop cuit
n'existe dans aucune des grandes traditions, où l'alimentation a toujours constitué la base de la
médecine. Ici, en 50 ans d'industrialisation, nous avons fait une croix sur le savoir empirique
accumulé pendant 200 000 ans. Nous avons
délaissé les produits frais au profit d'aliments préparés, dont on a retiré en grande partie les
substances nutritives essentielles.
Nous avons perdu ce contact entre la santé et l'aliment, et nous en subissons les conséquences.
La plupart des maladies qui touchent l'Occident sont rattachées à notre style de vie, c'est-à-dire
avant tout à ce que nous mangeons. On attribue 30 % des cancers au tabac, 30 % à
l'alimentation. La pollution ne cause que 2 % des cancers, contrairement au mythe répandu.
Nous sommes malades de ce que nous mangeons en trop – trop gras, trop sucré, trop salé, d'où
l'obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires, l'hypertension. Et, dans le cas du cancer, de
ce que nous ne mangeons pas assez : les végétaux.
Et les oméga-3, auxquels vous consacrez un chapitre de votre livre ?
Le problème vient surtout du déséquilibre entre les oméga-3 et les oméga-6 dans notre
alimentation. On trouve les premiers notamment dans les poissons gras et les graines de lin
fraîchement moulues ; les seconds viennent essentiellement des huiles de tournesol, de maïs ou
autre utilisées dans le commerce. Chez nos lointains ancêtres, le ratio était de 1 pour 1, alors
qu'il est aujourd'hui de 30 pour 1 au profit des oméga-6. Cette disproportion a des effets
inflammatoires et cancérigènes.
Notre espérance de vie a quand même augmenté considérablement...
Grâce à l'hygiène et aux antibiotiques, pas à l'alimentation !
Les fruits et légumes biologiques sont-ils préférables aux autres ?
Le message que je veux faire passer est le suivant : mangez plus de fruits et de légumes,
biologiques ou pas, surgelés ou en conserve, bien que les produits frais s'avèrent toujours
préférables. Les résidus de pesticides et d'herbicides restent négligeables quand on lave les
fruits et les légumes. Je ne dis pas qu'ils sont bons pour l'environnement – il s'agit d'un autre
débat.
Cela dit, les produits biologiques contiennent un peu plus d'éléments bénéfiques pour la raison
suivante : les substances anticancer sont des composés que la plante fabrique pour se protéger
contre les insectes et autres prédateurs. Quand nous arrosons la plante avec un insecticide, nous
venons à son secours, alors elle produit moins de ces éléments phytochimiques.
Est-il possible de les consommer en suppléments ?
Je suis contre les suppléments et pilules de toutes sortes. Il faut rester le plus près possible de
l'aliment. La majorité des molécules anticancer deviennent instables une fois extraites de
l'aliment. C'est biologique : elles sont protégées contre l'oxydation et la dégradation dans des
compartiments à l'intérieur de cellules. Si vous brisez un légume pour en extraire le principe actif,
la molécule, exposée à l'air, se dégrade. Pour la même raison, les graines de lin représentent
une bien meilleure source d'oméga-3 que l'huile de lin, qui s'oxyde rapidement à l'air.
L'huile de canola n'est-elle pas une bonne source d'oméga-3 ?
À mon avis, l'huile d'olive demeure le seul corps gras à consommer. Le canola est souvent
bombardé de pesticides. Nommez-moi un seul peuple qui consomme de l'huile de canola depuis
des millénaires ? On invente des choses, alors que l'huile d'olive est reconnue depuis 5 000 ans.
Les molécules anticancer résistent-elles à la chaleur ?
La plupart demeurent stables à haute température, contrairement à plusieurs vitamines. Dans la
majorité des cultures millénaires, on fait cuire les légumes, mais peu longtemps. Les polyphénols
du thé restent stables dans l'eau bouillante, mais il ne faut pas entreposer l'infusion dans un
thermos. Comment les Japonais et les Chinois consomment-ils le thé ? Ils mettent une cuillerée...
à thé de thé, versent de l'eau bouillante, laissent infuser plusieurs minutes et boivent.
Comment s'orientent vos recherches ?
Mon équipe et moi travaillons à un projet fascinant. Un peu comme cela a été fait pour les gènes
humains dans le projet Génome, nous voulons dresser le profil anticancer de chaque fruit et
légume en rapport avec les cancers les plus fréquents. Nous avons baptisé ce projet Nutrinome.
Comme il n'y a pas d'argent à gagner dans cette entreprise – on ne peut breveter un chou-fleur !
–, nous effectuons nos recherches grâce au soutien de la Chaire en prévention et traitement du
cancer de l'UQAM, dont je suis le titulaire, et au soutien de la Fondation Charles-Bruneau de
Sainte-Justine.
Je rencontre des agronomes du ministère de l'Agriculture ainsi que des agriculteurs qui
cultiveront diverses variétés de produits, pour que nous puissions cerner la plus active. Je veux
que dans trois ans nous ayons, au Québec, des fermes de thérapies expérimentales qui
produiront les fruits et les légumes aux vertus anticancer les plus efficaces. Et je souhaite que
ces variétés soient offertes chez Provigo, IGA ou Métro dans une section appelée « Alicaments
présentant le plus haut potentiel anticancer ». Cela n'a jamais été fait. C'est cela le projet
Nutrinome, mon véritable plan de match !
Voici la liste des « alicaments » dont l'oncologue et chercheur Richard Béliveau recommande la
consommation.
Aliments
Quantité quotidienne suggérée
Choux de Bruxelles
125 ml (1/2 tasse)
Chou, chou-fleur, navet, brocoli
125 ml (1/2 tasse)
Pâte de tomate
1 c. à soupe
Chocolat noir 70 %
30 g
Bleuets, framboises, mûres
125 ml (1/2 tasse)
Curcuma
1 c. à thé
Thé vert
1
3 fois 250 ml (1 tasse)
Raisin
Soja
125 ml (1/2 tasse)
2
Graines de lin moulues
125 ml (1/2 tasse)
3
1 c. à soupe
Oignon, échalotes, poireau
125 ml (1/2 tasse)
Poivre noir
1/4 c. à thé
Ail
1 c. à thé
Canneberges séchées
125 ml (1/2 tasse)
Épinards, cresson
125 ml (1/2 tasse)
Jus d'agrumes
125 ml (1/2 tasse)
Vin rouge
1 verre
1
Certains thés verts ont des effets beaucoup plus marqués que d'autres. Choisir des thés en
feuilles, japonais de préférence. Les thés les plus actifs, d'après nos analyses, sont les thés
sencha, qu'on trouve à Montréal chez Ruchiyama – (514) 393-1342 – ou le yumiya, en vente à la
pharmacie Jean Coutu de l'Hôpital Sainte-Justine. Utiliser 1 c. à thé par tasse (250 ml) d'eau
bouillante et laisser infuser 10 minutes.
2
La meilleure source de soja est la fève entière en vente dans la section des produits surgelés
des supermarchés, sous le nom d'edamame. Le lait de soja possède une concentration plus
faible en isoflavones, mais il est plus facile à trouver. Choisir un lait provenant de fèves entières.
Les autres sources de soja sont les fèves séchées ou la soupe miso (offerte en sachets pour
bouillon instantané).
3
Les graines de lin doivent être fraîchement moulues (entières, elles ne sont pas absorbées) ou
moulues et gardées au réfrigérateur dans un sac à congélation scellé dont on aura retiré le plus
d'air possible. Consommer dans les trois semaines. Délicieuses dans les céréales ou le yogourt.
À proscrire : Charcuteries, marinades, fast-food, aliments fumés, toutes les fritures.
Combinaison à proscrire : lait et chocolat (le lait neutralise les composés bénéfiques du
chocolat).
Combinaisons à privilégier : thé et curcuma ; curcuma et poivre noir. Le poivre noir, à
consommer tous les jours, fraîchement moulu, multiplie par 400 le pouvoir anticancer du
curcuma.
À noter :
• Mieux vaut consommer un peu de ces aliments chaque jour qu'une fois la semaine.
• Ne fuyez pas les aliments et boissons au goût amer, indice d'activité anticancer.
• Ainsi, plus le thé vert sera fort et amer, plus il sera efficace. Idem pour le chocolat ou les
légumes.
• Puisez votre inspiration dans les cuisines du monde et utilisez les aliments de manière
traditionnelle, au lieu d'improviser de nouvelles recettes.
Par Véronique Robert. Publié dans Châtelaine de août 2005. Les Éditions Rogers Ltée.
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