Anxiolytiques et antidépresseurs dans les troubles anxieux Dominique SERVANT Cours du DES de Psychiatrie Université de Lille II Introduction • Peu de recommandations en France • L’arsenal thérapeutique reste limité (2 classes) • Dans les formes modérées et moyenne d’anxiété : une prescription médicamenteuse n’est pas nécessaire et les prises en charge non médicamenteuses (TCC) sont à privilégier. • En cas de prescription : information et accompagnement psychologique doivent être systématiquement proposées. Recommandations • Diagnostic et prise en charge en ambulatoire du trouble anxieux généralisé de l' adulte. ANAES 2001 • Bon usage des médicaments antidépresseurs dans le traitement des troubles dépressifs et des troubles anxieux de l’adulte Afssaps 2006 • Affections psychiatriques de longue durée Troubles anxieux graves Actualisation HAS2012. • Ansm 2013 2 approches • Traitement symptomatique rapidement efficace et de très grande innocuité indiquée dans la réduction de l’anxiété symptomatique particulièrement en aigu et en sub aigu (anxiolytiques) • Des régulateurs émotionnels considéré comme des traitement de fond de certains troubles anxieux récidivant dans une perspectives de long terme (antidépresseurs) Diagnostic et évaluation • • • • • Evaluation symptomatique Diagnostique des troubles anxieux Comorbidité, forme subsyndromique Facteur de stress, personnalité Attentes, demande, adhésion du sujet à un traitement Psychopharmacologie de de l’anxiété l’anxiété :: Psychopharmacologie chronologie chronologie 1900 Ethanol Barbituriques Paraldéhyde hydrate de chloral 1960 1980 1985 2000 ISRS Benzo diazépines GABA GABA-A 5HT ISRNA 5HT/NA NA 5HT1A 5HT2A / 2C 5HT3 De quel titre, album, artiste est extrait…. Valium would have helped that dash…. • Le valium l’ayant peut être aidé à sa chute (trad libre) Les benzodiazépines Jackie is just speeding away Thought she was James Dean for a day Then I guess she had to crash Valium would have helped that dash She said, hey babe, take a walk on the wild side Médicaments psychotropes possédant une activité anxiolytique rapide • BENZODIAZEPINES : – Large littérature internationale démontrant l’efficacité – Pharmacologie largement explorée – Absence de toxicité et d’interactions médicamenteuses autres qu’avec les sédatifs du SNC • AUTRES ( Hydroxyzine , étifoxine … ) – AMM anciennes , preuves limitées d’efficacité – Littérature pharmacologique peu fournie – Pharmacovigilance plutôt favorable • A DISCUTER ( Neuroleptiques ) OU A PROSCRIRE ( Carbamates , barbituriques ) Les anxiolytiques • les benzodiazépines sont indiquées lorsque le contrôle rapide de l’anxiété est crucial, car elles ont un effet anxiolytique significatif et rapide. Elles ont un risque de rebond de l’anxiété à l’arrêt, risque qui est diminué par le sevrage progressif. • Outre la dépendance physique et psychique, les autres effets indésirables sont notamment une amnésie antérograde, une baisse de la vigilance, une confusion, des chutes chez le sujet âgé. • La durée de traitement maximale préconisée est de 12 semaines, sevrage progressif inclus ; • Afssaps L’arsenal thérapeutique • Benzodiazépines Traitement des manifestations anxieuses sévère et/ou invalidantes • Stresam® Etifoxine manifestations psychosomatiques de l'anxiété telles que dystonie neurovégétative, notamment à expression cardiovasculaire. • Atarax® hydroxyzine anxiété mineure • Buspar® anxiété généralisée, en cas de névrose, dans les formes réactionnelles, en cas d’autres affections somatiques (cancers,…) • Lyrica ® Prégabaline Trouble anxieux généralisée • Phytothérapie : Euphytose®, Spasmine® … traitement symptomatique des états neurotoniques de l'adulte et de l'enfant, notamment en cas de troubles mineurs du sommeil L’arsenal thérapeutique • IRS, IRSNa : Deroxat®, Effexor® … Prévention des attaques de panique, troubles d’anxiété sociale, anxiété généralisée • Tercian ® Traitement symptomatique de courte durée de l’anxiété de l’adulte en cas d’échec des thérapeutiques habituelles. Les benzodiazépines ont-elles toutes les mêmes indications ? Classe pharmacologique homogène: Mécanisme d’action commun (potentialisation de l’action du GABA) Propriétés pharmacologiques communes Effet sédatif Myorelaxant Anticonvulsivant Hypnotique Anxiolytique Amnésiant Parmi ces benzodiazépines lesquelles ont l’indication anxiété 1 Alprazolam Zanax 2 Loprazolam Havlane 3Prazepam Lysanxia 4 Nordazepam Nordaz 5 Clonazepam Rivotril Benzo indication anxiolytiques Les benzodiazépines ont-elles toutes les mêmes indications ? Mais des différences sur les paramètres pharmacocinétiques: Demi-vie d’élimination Affinité pour les récepteurs Quelle BZD a la demi vie la plus courte et la plus longue ? 1 Alprazolam Zanax 2 Bromazepam Lexomil 3 Clorazepate potassique Tranxene 4 Diazepam Valium 5 Oxazepam Seresta 6 Prazepam Lysanxia La demi-vie peut guider le clinicien • Les benzodiazépines à demi vie courte seront préférées lors d’une prise unique et chez le sujet très âgés ou fragiles (insuffisant rénaux ou hépatiques) en raison du risque d’accumulation. • Les benzodiazépines à demi vie longue seront préférées lors de l’instauration d’un traitement de courte durée car elle facilitent le sevrage et réduisent le risque. Bien distinguer les BZD Les principales BZD à demi vie longue • Lysanxia – prazépam • Tranxène - clorazepate • Nordaz – nordiazepam Les principales BZD à demi vie courte • • • • Temesta - lorazepam Lexomil- bromazepam Xanax – alprazolam Seresta - oxazepam Les BZD à demi vie longue permettent une libération très progressive des récepteurs à l’arrêt du traitement limitant l’apparition de phénomène de sevrage Le bon usage des benzodiazépines Règles de prescription des benzodiazépines • Débuter par les doses les plus faibles possibles • Augmenter progressivement les doses si nécessaire • Avertir le patient des risques de sédation , d’interaction avec l’alcool et de dépendance à long terme • Réévaluer la prescription sans dépasser 4 semaines pour les hypnotiques et 12 semaines pour les anxiolytiques, y compris la période de sevrage • Arrêter le traitement de façon très progressive • Ne pas associer deux benzodiazépines Contre-indications des benzodiazépines ABSOLUES – Insuffisance respiratoire avancée – Apnées du sommeil, myasthénie RELATIVES ( Précautions d’emploi ) – Dépendance à l’alcool ou aux drogues – Anxiété ou insomnie chroniques – Vieillard (diminution de l’élimination + augmentation de sensibilité des récepteurs) – Grossesse (1er trimestre) et lactation – Insuffisance hépatique ou rénale Quel est le pourcentage en France de sujets ayant fait un usage ponctuel d’une benzodiazépine sur l’année • • • • • 5% 10 % 15 % 20 % 30 % Quelques chiffres récents • 134 millions de boîtes vendues en 2010 dont 50,2 % d’anxiolytiques et 37,6 % d’hypnotiques ; • En 2010, 20 % de la population française a consommé au moins une fois une BZD,ou apparentée ; • 60 % des consommateurs sont des femmes ; • Le temps de traitement médian est de 7 mois • La moitié des sujets traités le sont plus de 2 ans (avec ou sans interruption de traitement) ; Connaître le risque dépendance • En France, environ 25 a 30% des adultes prennent de manière occasionnelle des benzodiazépines (au moins une fois par an). • Environ 5% de ces patients en consomment presque tous les jours. • Au total, on peut donc estimer que la dépendance aux benzodiazépines concerne 2 à 3 % des adultes français. Facteurs de dépendance • Tenant au patient : antécédents additifs (alcool, autres produits), trouble anxieux sévère notamment trouble panique, traits de personnalité phobique et dépendante; • Tenant au médicament : les benzodiazépines à demi-vie courte induisent des syndromes de sevrage plus brutaux et sensibilisants; • Tenant aux modalités du traitement : posologies élevées , traitement continu sur des durées longues (dés 3 mois mais surtout après un an)… Demi vie courte risque plus élevé • Les benzodiazépines à demi vie courte exposent plus au risque de dépendance en provoquant des syndrome de sevrage d’intensité plus forte • Une demi vie longue diminuera l’intensité du sevrage un nouveau palier de diminution. Lors de la diminution ou à l’arrêt d’une BDZ quel type de manifestation apparaît en 1er ? • Rebond • Sevrage • Rechute Ce qu’il faut prévenir à l’arrêt du traitement par BZD Évolution Symptômes Rebond Réapparition des symptômes antérieurs au traitement, majorés en intensité Insomnie et angoisse (tension anxieuse, attaques de panique…) Apparition quelques heures ou quelques jours après les dernières prises, atténuation progressive Syndrome de sevrage Symptômes nouveaux à l’arrêt, n’existant pas avant le traitement Rechute du trouble Réapparition des symptômes habituels, avec l’intensité antérieure Signes généraux (anxiété, insomnie) et spécifique (hypersensibilité auditive, visuelle, olfactive); convulsions, confusion, hallucinations Anxiété, phobies, insomnie, attaques de panique Apparition quelques heures ou quelques jours après les dernières prises, atténuation progressive Plusieurs jours à plusieurs semaines après les dernières prises Indication selon la demi vie : proposition Comment arrêter un traitement par les benzodiazépines ? • De manière d’autant plus progressive que le traitement aura été prolongé et/ou à posologie importante (plusieurs mois) • En fractionnant les doses au maximum • En associant suivi, support, information • En proposant une alternative thérapeutique – substitution par benzodiazépine à demi-vie longue – relaxation, psychothérapie TCC ou autre – couverture médicamenteuse : buspirone, antidépresseurs, carbamazépine Schéma de réduction • • • • • Stabilisation des posologies, si possible en plusieurs prises, sur au moins une ou deux semaines. Passage à un produit à demi vie longue Planification de la réduction posologique sur 4 à 6 semaines si la posologie est faible et la dépendance moyenne, ou sur 8 à 12 semaines si la posologie est élevée et la dépendance semble forte. Réduction d'environ un quart de la dose initiale par semaine ou toutes les deux semaines, avec un palier supplémentaire pour le dernier quart; il est préférable de conserver en dernier les prises du soir. Suivi régulier et technique adjuvante (ex relaxation) • Un patient prend 3 Xanax 0.50 (Alprazolam) par jour et un ½ Lexomil bromazepam au coucher vous avez décidé de mettre en place un sevrage • Quelle dose de lysanxia (prazepam) équivalent au traitement reçu pour la substitution ? • Proposer un schéma de réduction progressive Equivalence de doses Les antidépresseurs Now I can’t climb the stairs Pieces missing everywhere Prozac painkillers Bone Radiohead Indications • Des symptômes anxieux isolés ou ne correspondant pas à un trouble anxieux caractérisé ne sont pas une indication à un traitement antidépresseur. • Seuls les troubles anxieux caractérisés ayant un retentissement sur la vie du patient sont une indication à un traitement antidépresseur. • Il n’y a pas d’indication à un traitement antidépresseur dans les phobies simples et l’agoraphobie isolée. • Affsaps 2006 Les antidépresseurs dans l’anxiété • Traitement des formes prolongées • Début de traitement peuvent entraîner une aggravation de l’anxiété, une agitation ou, rarement, des idées suicidaires. • Effets indésirables notamment des insomnies, des nausées, une dysfonction sexuelle, une prise de poids. • Un syndrome de sevrage peut apparaître lors de l’arrêt L’arrêt d’un antidépresseur • La période de diminution des posologies sera d’autant plus prolongée que la durée de traitement aura été longue. Elle sera généralement comprise entre 1 et 6 mois par exemple : • traitement < 1 an : arrêt en quelques semaines, en diminuant par exemple toutes les semaines la posologie journalière ; • traitement > 1 an : arrêt en quelques mois, en diminuant par exemple tous les mois la posologie journalière. Les facteurs de risque du syndrome de sevrage • • • • Posologie élevée, Durée de traitement prolongée, Arrêt brutal du traitement Caractéristiques pharmacocinétiques du médicament. Syndrome de sevrage aux antidépresseurs • Un syndrome de sevrage peut apparaître lors de l’arrêt d’un traitement antidépresseur. Les symptômes les plus habituels sont : • anxiété, irritabilité, tension nerveuse, • cauchemars et autres troubles du sommeil, • sensations vertigineuses, troubles de l’équilibre et autres troubles neuro-sensoriels, • syndrome pseudo-grippal (rhinorrhée, myalgies, malaise, nausées, vomissements, diarrhée, frissons). Vous décidez de traiter un patient qui présente une phobie sociale quel(s) traitement(s) pouvez vous prescrire en vous basant sur l’AMM ? 1 Paroxetine (Deroxat) 2 Fluoxetine (Prozac) 3 Sertraline (Zoloft) 4 Fluvoxamine (Floxyfral) 5 Venlafaxine (Effexor) 6 Clomipramine (anafranil) 7 Citalopram (Seroplex) 8 Duloxétine (Cymbalta) Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) des antidépresseurs dans les différents troubles anxieux en France TPA TAG Phobie sociale TOC PTSD Paroxetine (Deroxat) oui oui oui oui oui Citalopram et Escitalopram (Séropram et Séroplex) oui oui oui oui oui oui Venlafaxine (Effexor) Fluoxetine (Prozac) oui Sertraline (Zoloft) oui Duloxétine (Cymbalta) Clomipramine (Anafranil) oui oui oui Indications actuelles des ISRS* • • • • • Citalopram Seropram (TP, TAG, TOC, PS) Escitalopram Séroplex (TP, TAG, TOC, PS) Fluoxétine Prozac (TOC) Fluvoxamine Floxyfral (TOC) Paroxétine Deroxat Divarius® (TP, TAG, TOC, PS, ESPT) • Sertraline Zoloft (TOC) • Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine Trouble panique : particularités • Même posologie que pour la dépression mais plus progressive (débuter à 50% voire 25% de la dose efficace), de façon à éviter une aggravation de la symptomatologie anxieuse en début de traitement. • La réponse clinique complète est attendue après 6 à 8 semaines de traitement, comme dans les épisodes dépressifs. • Le traitement est poursuivi plusieurs semaines après la disparition des attaques de panique. Il est d’au • moins 6 mois, parfois compris entre 12 et 18 mois, et sera diminué très progressivement . TAG : particularités • Agit préférentiellement sur anxiété psychique • Délai d’action 1 à 3 semaines • Durée du traitement au moins 6 mois Phobie sociale : particularités • Réservée aux formes généralisée avec retentissement important • Amélioration symptomatique débute après 3 à 4 semaines • Traitement poursuivi 6 à 12 mois, peut être plus long TOC : particularités • Délai d’action plus long : 4-8 semaines ( réponse thérapeutique (10-12 semaines) Traitement doit être continué au moins 3 mois avant de juger d’une inefficacité • Possologie peuvent être plus élévée (pas d’emblée) • Traitement à prolonger> 1 an Trouble panique : exemple de prescription • • • • Choix d’une molécule Posologie Schéma de début Durée de traitement Combien de patients guérissent? • 50% à 70% de patient ‘panic free’ à court terme (2-3 mois) • Réduction de l’anxiété globale des symptômes dépressifs et de la qualité de vie • 50% de réponse à 9 mois après arrêt du traitement • Rechutes à long terme assez fréquentes • Yonkers et al 2003 Faut-il associer les traitements? • Medicament + TCC > Médicament (phase aigue 8 à 12 semaines) • Antidépresseur +TCC > Antidépresseur Phase de suivi (6-24 mois) • Antidépresseur +TCC > TCC (Phase aigue) • Antidépresseur + TCC = TCC (Phase de suivi après arrêt) Furakawa et al Brit J Psychiatry 2006 Quels sont les facteurs de résistance ? • 30 à 50% des patients ne répondent pas au traitement • Facteurs souvent associés - Comorbidité psychiatrique (dépression, alcoolisme…) - Troubles de la personnalité - Comorbidité somatique - Stress et difficultés relationnelles Milrod B, Busch F.1996 Conclusions Avant de prescrire • Evaluation clinique (diagnostic et suivi) • Choix de 1ère ou 2ème intention • Approche psychothérapeutique (TCC…) associée de façon systématique si prescription • Information du patient ( effets clinique attendus, effets secondaires, observance, sevrage…)