Éditorial DMLA : la part de l’ombre AMD: always in shadow… N. Leveziel (Service d’ophtalmologie, CHU de Poitiers) L a dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) occupe classiquement la première place au palmarès des causes de malvoyance après l’âge de 50 ans. Toute publication sur le sujet commence en général par ce rappel, et on ne peut en blâmer les auteurs. Un article publié tout récemment dans une revue anglo-saxonne a frappé ma curiosité (1). Il recense les causes de cécité et de malvoyance dans différentes régions du monde, dont l’Europe de l’Ouest, où, en 1990, la cataracte représentait la principale cause de cécité (19 %), devant la DMLA (16 %) et les troubles réfractifs non corrigés. Vingt ans plus tard, la chirurgie de la cataracte s’est largement répandue, et la DMLA a enfin trouvé un traitement qui, s’il n’est pas encore curatif, est devenu suspensif dans la majorité des cas, et permet d’assez bons résultats fonctionnels et anatomiques. Dans cette nouvelle configuration, la DMLA se hisse sur la plus haute marche du podium des causes de cécité (16 %), tandis que la cataracte est reléguée 2 marches plus bas (environ 14 %), tout juste dominée par les troubles réfractifs non corrigés. En ce qui concerne la DMLA, je m’attendais à de plus grands bouleversements. Mais il ne faut pas s’y tromper, car, dans ce registre, plusieurs forces s’opposent : le vieillissement démographique assure un afflux toujours plus important de nouveaux cas chaque année, les traitements et mesures préventives réduisent au contraire le nombre de cas évoluant vers la cécité. Néanmoins, si le vieillissement démographique augmente, d’une part, l’incidence de la DMLA, il augmente aussi la proportion de cas de DMLA atrophique par rapport aux cas de DMLA exsudative dans les tranches d’âge les plus élevées, puisque, après 80 ans, l’incidence de la DMLA atrophique semble être plus importante que celle de la DMLA exsudative (2). L’exemple danois, probablement transposable à la France, montre que l’incidence de la cécité attribuable à la DMLA semble avoir été réduite de moitié entre 2000 et 2010 (3). Ces résultats sont très encourageants lorsque l’on a connu les périodes sombres de la photocoagulation périfovéale et de la thérapie photodynamique − lesquelles ont rendu de grands services aux patients − où atteinte du deuxième œil rimait alors avec perte d’autonomie, dépendance, voire institutionnalisation de la personne. Ce paradigme a beaucoup évolué depuis pour la DMLA exsudative, car, même si les résultats sont malheureusement parfois mitigés, le patient reste intégré à un parcours de soins et continue d’être acteur dans l’évolution de sa maladie. Néanmoins, si les traitements disponibles pour la forme exsudative utilisés depuis 2007 ont sans aucun doute permis de réduire de façon significative les causes de cécité en rapport avec la DMLA exsudative, il reste la part de l’ombre, celle de la DMLA atrophique toujours orpheline de traitement. Bien souvent, dans cette forme clinique particulière, les patients sont les témoins passifs de la chronique d’une cécité annoncée dont le couperet tombe plus ou moins vite. Au moins autant que pour les autres patients, il est primordial de conserver les liens afin de pouvoir évoquer les possibilités d’aménagement du domicile, les aides visuelles et la rééducation basse vision, l’ensemble de ces mesures pouvant rendre de grands services à ces malades. II N. Leveziel déclare être consultant pour Novartis, Bayer et Allergan. Références bibliographiques 1. Bourne RR, Jonas JB, Flaxman SR et al.; on behalf of the Vision Loss Expert Group of the Global Burden of Disease Study. Prevalence and causes of vision loss in high-income countries and in Eastern and Central Europe: 1990-2010. Br J Ophthalmol 2014 Mar 24. [Epub ahead of print] 2. Owen CG, Jarrar Z, Wormald R et al. The estimated prevalence and incidence of late stage age related macular degeneration in the UK. Br J Ophthalmol 2012;96:752-6 3. Bloch SB, Larsen M, Munch IC. Incidence of legal blindness from age-related macular degeneration in Denmark: year 2000 to 2010. Am J Ophthalmol 2012;153(2):209-13. AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. 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