COUVERTS_FINAL (Page 1) - Conseil de l`industrie forestière du

publicité
Association des manufacturiers
de bois de sciage du Québec
1175, avenue Lavigerie, bureau 200
Sainte-Foy (Québec) G1V 4P1
Tél. : (418) 657-7916
Téléc. : (418) 657-7971
www.sciage-lumber.qc.ca
WWF—Canada, bureau du Québec
1253, avenue McGill College, bureau 446
Montréal (Québec) H3B 2Y5
Tél. : (514) 866-7800
Téléc. : (514) 866-7808
www.wwf.ca
Évaluation du potentiel de conservation
des terres publiques du Québec méridional et
identification des territoires à potentiel élevé
Rapport préparé par l’AMBSQ et le WWF-Canada
Juillet 2001
© Copyright 1986 du WWF-Fonds Mondial pour la Nature
® Marque déposée par le WWF
Auteurs : Gaétane Boisseau, biologiste, M.Sc., consultante pour le WWF-Canada,
et Jean-Luc Bugnon, biologiste, M.Sc., directeur de l'environnement pour
l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec.
Référence à citer : AMBSQ – WWF-Canada. 2001. Évaluation du potentiel de
conservation des terres publiques du Québec méridional et identification des
territoires à potentiel élevé. Rapport méthodologique préparé dans le cadre de
l’entente de collaboration AMBSQ – WWF-Canada sur les aires protégées. 40 p.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier particulièrement Denise Moranville et Louise
Leclerc de la Société de protection des forêts contre les insectes et maladies
(SOPFIM) et la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) pour le
prêt de la banque de données SIFORT. Nous tenons également à remercier Tony
Iacobelli et Angèle Blasutti du WWF-Canada à Toronto pour l’appui technique en
géomatique, ainsi que pour les échanges fructueux tout au long de l’élaboration
de la méthodologie. Nous remercions enfin tous les membres du groupe de travail
AMBSQ-WWF pour leur collaboration tout au long du processus.
Dépôt légal — Bibliothèque nationale du Québec, 2001
Dépôt légal — Bibliothèque nationale du Canada, 2001
ISBN 2-9806658-6-X (AMBSQ)
ISBN 0-9693730-2-3 (WWF-Canada)
Table des matières
PRÉAMBULE
I
SOMMAIRE
II
EXECUTIVE SUMMARY
IV
1. INTRODUCTION
1
2. CONTEXTE
3
2.1 Aire d’étude
3
2.2 Outils méthodologiques
3
2.3 Découpage territorial
4
3. THÈMES ET CRITÈRES
6
3.1 Hétérogénéité
7
3.2 Intégrité écologique
11
Corridors
11
Coupes forestières
13
3.3 Valeurs de conservation
16
Têtes des bassins versants
16
Vieilles forêts
16
Milieux humides
17
3.4 Amalgame des thèmes
21
4. IDENTIFICATION DES TERRITOIRES À POTENTIEL ÉLEVÉ
DE CONSERVATION
24
5. CONCLUSION
27
BIBLIOGRAPHIE
28
ANNEXE I : INFORMATION SUR LES DONNÉES
30
ANNEXE II : ÉLÉMENTS PERSISTANTS DÉVELOPPÉS PAR LE WWF
32
ANNEXE III : COMPARAISON DES SCÉNARIOS
33
ANNEXE IV : ANALYSE DE CARENCES
34
Liste des tableaux
Tableau 1 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation du
thème de l’hétérogénéité
8
Tableau 2 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation
du thème de l’intégrité écologique
12
Tableau 3 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation
du thème des valeurs de conservation
18
Tableau 4 : Pondération des thèmes et critères de l’évaluation
du potentiel de conservation
21
Liste des figures
Figure 1 : Régions naturelles du cadre écologique de référence
5
Figure 2 : Distribution et classement des pixels selon leur valeur d’hétérogénéité
8
Figure 3 : Thème de l'hétérogénéité
10
Figure 4 : Zones tampons des corridors et pointages respectifs
13
Figure 5 : Thème de l'intégrité écologique
15
Figure 6 : Thème des valeurs de conservation
20
Figure 7 : Amalgame des thèmes et potentiel de conservation qui en découle
21
Figure 8 : Le potentiel de conservation (amalgame des thèmes hétérogénéité,
intégrité écologique et valeurs de conservation)
23
Figure 9 : Les territoires à potentiel élevé de conservation
26
Préambule
En février 2000, l’Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec
(AMBSQ) et le Fonds mondial pour la nature (WWF-Canada) ont entamé une
collaboration visant à apporter une contribution conjointe à la démarche
gouvernementale devant mener au parachèvement, en territoire public, d’un
réseau représentatif d’aires protégées au Québec. Même si les décisions
concernant les aires protégées relèvent du gouvernement, il est apparu qu’un
consensus entre ces deux organisations pouvait constituer un apport non
négligeable compte tenu des enjeux soulevés par l’implantation d’un tel réseau.
L’un des résultats de cette collaboration consiste en l’élaboration d’une
méthodologie servant à effectuer une évaluation du potentiel de conservation
des territoires du domaine public, ceci dans le but d’identifier ceux possédant les
potentiels les plus élevés. Le présent rapport expose la méthodologie élaborée
ainsi que les résultats obtenus.
I
Sommaire
L'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec (AMBSQ) et le WWF ont
élaboré une méthodologie pour évaluer le potentiel de conservation des terres publiques au
sud du 52e parallèle, dans le but d'identifier des territoires à potentiel élevé de conservation et,
ce faisant, d’apporter une contribution conjointe à la démarche gouvernementale devant
mener au parachèvement d'un réseau représentatif d'aires protégées. La protection
d’échantillons de territoires choisis en fonction de critères physiques et biologiques devrait
contribuer au bon fonctionnement des écosystèmes et au maintien de la diversité des espèces.
L'évaluation du potentiel de conservation a été réalisée sur l'ensemble de l'aire d'étude selon
l'approche du filtre brut, c'est-à-dire à l'échelle du paysage. Les résultats de cet exercice ont
servi à identifier les territoires à potentiel élevé de conservation de chacune des régions
naturelles du cadre écologique de référence. Ces derniers comprennent environ le 20 % de la
superficie de chaque région naturelle qui a les potentiels de conservation les plus élevés.
Trois thèmes ont servi à évaluer le potentiel de conservation du territoire. Le premier thème
est la diversité des formes du paysage (hétérogénéité) qui sont, pour les besoins de la présente
étude, les éléments persistants élaborés par le WWF. Ces derniers sont des unités
géographiques basées sur les paramètres structuraux du paysage, à savoir la physiographie, la
géologie, la topographie, le relief et les dépôts de surface. L’hypothèse sous-tendant ce thème
est que plus une aire est hétérogène, plus elle va supporter de fonctions écologiques différentes
et présenter une grande variété d'habitats et d'espèces.
Une « analyse de voisinage » (neighborhood analysis) a permis d'identifier les territoires les
plus hétérogènes. Cette analyse consiste à compter le nombre d’éléments persistants différents
à l’intérieur d’un cercle qui représente une superficie établie en fonction de considérations
écologiques. En forêt boréale, la superficie représentée par le cercle a été établie à 100 000
hectares (ou 1 000 km2) afin de refléter l’impact des feux sur cet écosystème, tandis qu’en forêt
mélangée et en forêt décidue, où les perturbations (principalement les épidémies d’insectes et
les chablis) affectent de plus faibles superficies, le cercle utilisé représente 50 000 hectares (ou
500 km2).
Le deuxième thème est celui de l'intégrité écologique du territoire, les écosystèmes peu ou non
altérés étant plus susceptibles de contenir et de supporter l'éventail complet des attributs de
composition, de structure et de fonctions de ces écosystèmes. Dans le cadre de la présente
étude, les territoires les plus éloignés des corridors (routes, chemins forestiers primaires, voies
ferrées et lignes de transport d'énergie hydroélectrique) et ceux exempts de coupes totales
sont considérés comme étant les plus intègres. Des zones tampons ont été ajoutées aux
corridors et aux coupes pour tenir compte des perturbations créées par ces interventions dans
le paysage. Toutefois, l'intégrité du territoire a été légèrement surestimée puisque les banques
de données sur les chemins forestiers et sur les coupes totales datent respectivement de 1996
et 1998.
Le dernier thème est celui des valeurs de conservation, consistant en la tête des bassins
versants, les vieilles forêts et les milieux humides. La présence de ces milieux augmente
la valeur d'intérêt pour un territoire donné puisqu'ils y exercent des fonctions écologiques
II
importantes et sont souvent l'hôte d'espèces animales et végétales particulières. La tête des
bassins versants a été circonscrite en retenant 20% de la superficie du bassin où se trouvent les
altitudes les plus élevées. Pour les vieilles forêts, les peuplements identifiés aux classes d’âges
les plus élevées de l’inventaire forestier, soit 90 et 120 ans, ou à prédominance de ces classes
d'âge, de même que les peuplements inéquiennes, ont été retenus. Cependant, le temps écoulé
depuis l'inventaire n'a pas été tenu en compte, avec pour conséquence que certaines forêts
aujourd'hui matures n'ont pas été retenues. Enfin, les milieux humides dans l'analyse sont les
milieux classifiés « dénudés humides » dans les inventaires forestiers et correspondent surtout
aux tourbières.
Les analyses ont été réalisées avec l'aide d'un système d'information géographique (SIG) et les
données ont été utilisées sous une forme matricielle où chacun des pixels a une résolution de
1 km2. Une série de critères accompagnés de pointages respectifs ont été élaborés pour chacun
des thèmes afin de quantifier la contribution de chacun des pixels au thème donné. Une
pondération égale (30 points chacun) a été attribuée aux trois thèmes.
Ainsi, le potentiel de conservation de chacun des pixels est dérivé de l'addition des points
obtenus pour chaque thème. La carte du potentiel de conservation illustre que de vastes
territoires ayant les plus hautes valeurs de conservation sont situées dans la portion nordique
de l'aire d'étude. La carte des territoires à potentiel élevé de conservation par région naturelle
présente pour sa part les meilleures options de conservation. Ces deux cartes, de même que la
banque de données, qui contient les résultats complets de cette méthodologie, sont des outils
complémentaires pouvant guider le gouvernement dans un processus de sélection de sites
candidats à la protection, et ce, en tenant compte des trois dimensions du développement
durable : l’environnement, l’économie et les aspects sociaux.
III
Executive Summary
The Quebec Lumber Manufacturers’ Association (QLMA) and WWF-Canada developed a
methodology to evaluate the conservation potential of public lands south of the 52nd parallel
in order to identify areas of high conservation value in each natural region. The goal of the
partnership was to bring a joint contribution to the government process leading to the
completion of a representative network of protected areas on Quebec public lands. The
protection of sites selected according to physical and biological criteria should contribute
to the health of ecosystems and the preservation of biodiversity.
The methodology, known as a conservation suitability analysis, was conducted on the entire
study area using a coarse filter approach at the landscape level. The results of this exercise
were used to derive areas of high conservation value by selecting approximately 20 % of each
natural region with the highest conservation values.
The analysis was based on three themes. The first theme was heterogeneity of landforms.
Enduring features of the landscape identified by WWF were used to delineate landform types.
These are spatial units which are based on structural parameters of the landscape such
as physiography, geology, topography, relief and surficial deposits. Areas of higher
geomorphological diversity support more ecological functions, habitats and species.
A neighbourhood analysis was used to identify the most heterogeneous territories by
counting the number of different enduring features in a circle (the neighbourhood), the
dimension of which reflects ecological considerations. In the boreal forest, the surface area
represented by the circle was established at 100,000 ha (or 1,000 km2) to reflect the impact of
forest fires on this ecosystem. In mixed and deciduous forests, where perturbations (mainly
insect outbreaks and windthrows) affect smaller surface areas, the circle neighbourhood was
50,000 ha (or 500 km2).
The second theme was ecological integrity, reflecting the concept that non-fragmented
ecosystems are more likely to support a complete array of ecosystems attributes like
composition, structure and functions. In the present study, the territories outside utility
corridors (roads, primary logging roads, railways and hydroelectric transport lines) and
exempt of clearcuts received the highest marks. Buffer zones were added to corridors and
clearcuts to take into account the perturbations associated with these interventions. However,
one of the consequences of using 1996 and 1998 data, for logging roads and clearcuts
respectively, is that integrity has been slightly overestimated.
The last theme - conservation values - comprises headwaters, older forests and wetlands.
They were chosen because they fulfill important ecological functions and are often hosts to
specific animal and plant species. The headwaters were delimited by retaining 20 % of the
watershed’s surface area with the highest elevations. The information on wetlands and older
forests was based on forest survey data taken between 1980 and 1990, the most recent and
complete set available. Older forests were the stands included in the highest age classes (90
and 120 years), including uneven aged stands and stands with a predominance of these age
classes. Not taking into account the years that have elapsed since the survey, however, suggests
that some forests which have matured did not receive marks for this theme. Finally, wetlands
IV
were the sites classified as “dénudés humides”in forest inventories and correspond mainly to bogs.
The analyses were conducted by representing, using a Geographic Information System,
the study area in a grid with a 1 km2 resolution. Criteria were established in order to determine
the contribution of each grid to the given theme and the scores were added to determine the
conservation potential of each grid. Thirty points were given to each theme.
The resulting map illustrates the conservation potential across the study area. Territories with
the highest conservation values are found in the northern portion of the study area. The map
showing the highest conservation value areas identifies the best remaining options for
protection in each natural region. These two maps, and the data used to derive them, could be
used by the Quebec government to select candidate sites for protection, one of the component
of a sustainable development strategy that includes environmental, economic and social
aspects.
V
1. Introduction
Une aire protégée est un territoire qui bénéficie d’une protection légale, et ce, à des fins de
conservation de la diversité biologique. Au Québec, par le passé, les parcs ont souvent été
établis en fonction de leur potentiel récréatif et touristique, mais la récente sensibilisation à la
protection de la biodiversité a entraîné une révision des critères utilisés dans la planification
des aires protégées.
De nos jours, il est généralement admis que la représentation du plus grand nombre possible
d’habitats et de gradients environnementaux joue un rôle important dans le maintien de la
diversité des espèces. Partant du principe que la répartition des espèces est grandement
influencée par le climat et les éléments permanents du paysage (topographie, relief, géologie,
etc.), le WWF a élaboré une méthode, appelée analyse de carences, qui permet d’identifier les
éléments du paysage qui ne sont pas adéquatement saisis au sein d’un réseau d’aires protégées
(Kavanagh et Iacobelli, 1995).
L’analyse de carences ne permet toutefois pas de déterminer le meilleur endroit pour établir
de nouvelles aires protégées. Une méthode dite d’analyse du potentiel de conservation qui
incorpore des données biologiques en plus des éléments permanents du paysage doit être
élaborée afin d’identifier les meilleures options existantes qui pourraient être intégrées au
processus de planification. La protection d’échantillons de territoires choisis en fonction de
critères physiques et biologiques devrait contribuer au bon fonctionnement des écosystèmes
et au maintien de la diversité des espèces.
La méthodologie élaborée pour le besoin de la présente étude avait comme objectif d’évaluer
le potentiel de conservation du territoire public situé au sud du 52e parallèle et, ce faisant, de
cartographier les territoires publics dont le potentiel est le plus élevé.
Compte tenu de la grandeur du territoire à couvrir et de la quantité de données à traiter, un
système d’information géographique a été utilisé pour produire dans des délais raisonnables
des résultats facilement compréhensibles. Un tel système permet également d’additionner ou
de soustraire, pour chaque unité de superficie du territoire, la valeur associée à chacun des
critères retenus pour évaluer le potentiel de conservation. Pour procéder au choix de ces
critères, le comité technique a consulté des experts œuvrant dans les milieux universitaires,
gouvernementaux et non gouvernementaux. Une revue de diverses analyses similaires
réalisées ailleurs au Canada a également été effectuée. Mentionnons, par exemple Lands For
Life en Ontario (WWF et al., 1999), la Stratégie des zones protégées au Nouveau-Brunswick
(Lapierre et al., 1999) et le projet de parc national des Monts-Mealy au Labrador (WWF, 2000).
L’évaluation du potentiel de conservation a été réalisée à l’échelle du paysage. Cette approche,
dite du filtre brut, vise à capturer le maximum de biodiversité à partir de l’analyse des
composantes permanentes du paysage (hétérogénéité des éléments permanents et têtes des
bassins versants) et de certaines composantes biologiques (intégrité écologique, vieilles forêts
et milieux humides) retenues pour leur apport reconnu à la conservation de la biodiversité.
Le choix des thèmes à traiter, de leurs critères d’évaluation, ainsi que leur pondération
respective s’est avéré un processus évolutif. Trois scénarios ont été élaborés et leurs résultats
1
comparés. Une analyse de carences a été réalisée sur les territoires à potentiel élevé de
conservation générés par chacun des scénarios afin de vérifier lequel réussissait le mieux
à capturer l’éventail des éléments rares et communs. L’analyse comparative des différents
scénarios constitue l’annexe III. Le scénario retenu fait l’objet du présent rapport.
La présente évaluation du potentiel de conservation du territoire public québécois n’est pas
exhaustive, compte tenu de contraintes de temps et de ressources, mais elle permet d’identifier
des territoires à potentiel élevé de conservation qui pourraient faire l’objet d’une analyse plus
détaillée. Celle-ci pourrait permettre notamment de prendre en considération des dimensions
d’ordre culturel, social et économique.
2
2. Contexte
2.1 Aire d’étude
L’analyse du potentiel de conservation au Québec porte sur l’ensemble des terres publiques au
sud du 52e parallèle, ce qui exclut les terres privées. Le territoire à l’étude fait l’objet de
différentes attributions de volumes de bois aux détenteurs de contrats d’approvisionnement et
d’aménagement forestiers (CAAF), sauf dans les secteurs les plus au nord et à l’est. De plus, il
fait l’objet de droits et de projets d’exploitation des ressources naturelles, tant au plan minier et
de production d’énergie que de la faune.
L’aire d’étude s’insère dans deux zones bioclimatiques : la forêt tempérée nordique (forêt
mélangée et forêt décidue) et la forêt boréale (forêt boréale continue). La forêt boréale
constitue 72,2 % de tout le territoire forestier de l’aire d’étude. Elle est composée à 74 % de
pessières à mousses (402 500 km2) et à 26 % de sapinières à bouleaux blancs (139 000 km2).
La forêt mélangée constitue 13,1 % de l’aire d’étude et elle est principalement composée de
sapinières à bouleaux jaunes. Pour sa part, la forêt décidue constitue 14,7 % de l’aire d’étude et
elle est notamment composée d’érablières (Gouvernement du Québec, 2000).
2.2 Outils méthodologiques
Un système d’information géographique (SIG) a été utilisé pour réaliser l’analyse du potentiel
de conservation. Un SIG combine de l’information à référence spatiale avec d’autres types
d’information et il permet d’effectuer des analyses spatiales.
Toutes les analyses ont été réalisées en format matriciel dont la résolution du pixel est de
1 km2. Le pixel est la plus petite unité d’espace géographique à laquelle sont rattachées les
données. La valeur associée à chacun des critères retenus a été additionnée ou soustraite pour
chaque parcelle d’un kilomètre carré du territoire sous étude. Les logiciels Arc View et Spatial
Analyst ont servi à effectuer les différentes étapes de cette analyse.
Les données spatiales suivent la projection conforme conique de Lambert.Toute projection cartographique entraîne des distorsions sur une ou plusieurs propriétés spatiales (forme,
surface, distance, direction). La projection conforme de Lambert, quant à elle, respecte la
forme. Ce type de projection, surtout dédié aux grandes surfaces, est d’ailleurs très utilisé en
Amérique du Nord.
Les bases de données qui ont été retenues (Annexe 1) devaient satisfaire certaines conditions :
• forme numérique et couvrant toute l’aire d’étude afin d’assurer un traitement efficace et
uniforme du territoire;
• facilité d’accès dès le début des travaux;
• échelle appropriée à une analyse du paysage.
3
2.3 Découpage territorial
L’évaluation du potentiel de conservation est réalisée pour l’ensemble du territoire public,
tandis que l’identification des territoires à potentiel élevé de conservation nécessite un cadre
de référence géographique à l’intérieur duquel les principes rattachés à la conservation
peuvent s’appliquer. C’est le cadre écologique de référence élaboré par le ministère de
l’Environnement pour évaluer la biodiversité au Québec qui a été choisi. Plus précisément, ce
sont les régions naturelles (niveau II du cadre écologique) qui servent de référence (Figure 1).
Le découpage territorial des régions naturelles, à une échelle approximative de 1:1 000 000,
repose en bonne partie sur la physiographie, donc sur les éléments permanents du paysage
tels que la géologie, le relief et la topographie. Aux facteurs physiographiques qui structurent
le paysage, s'ajoutent le climat, la végétation et la faune qui induisent un fonctionnement
particulier des écosystèmes. Les régions naturelles constituent donc des unités fonctionnelles
de paysage au sein desquelles s'exprime la diversité écologique du territoire.
Les régions naturelles A1 (Complexe appalachien de l’Estrie), B1 et B2 (Basses-Terres du
Saint-Laurent), ainsi que D2 (Plaine du lac Saint-Jean) ont été exclues étant donné qu’elles
sont constituées presque uniquement de terres privées.
4
5
Source des données : Régions naturelles (MENV, 1998)
Figure 1 : Régions naturelles du cadre écologique de référence
3. Thèmes et critères
L’évaluation du potentiel de conservation se fait à partir de plusieurs thèmes qui peuvent
varier d’un exercice à l’autre, mais qui se regroupent invariablement en deux grandes classes :
les éléments permanents du paysage et les composantes biologiques. Les éléments permanents
du paysage sont pris en considération vu leur stabilité à long terme et le rôle qu’ils jouent en
tant que support à la biodiversité.
L’idée qui en découle est que la saisie des éléments permanents dans un réseau d’aires
protégées contribue à sauvegarder l’éventail des espèces sauvages. Cela suppose que la
biodiversité est largement prévisible à partir des éléments permanents du paysage et que les
facteurs, comme les régimes de perturbation et l’historique de colonisation par les espèces,
jouent un rôle secondaire. Cette affirmation doit être approchée avec prudence. En effet, une
attention insuffisante aux composantes biologiques pourrait produire un réseau physiquement
représentatif mais biologiquement pauvre (Noss, 1995). Une sélection optimale doit donc combiner des couches d’information biologique (incluant l’intégrité écologique) et physique
(Kirkpatrick et Brown, 1994).
La méthode la plus couramment utilisée pour traiter l’information sur le milieu physique
consiste à accorder les valeurs les plus élevées aux territoires qui comprennent le plus grand
nombre d’éléments permanents du paysage soit, pour les besoins de la présente étude, les
éléments persistants1 . Ces derniers sont des unités géographiques basées sur les paramètres
structuraux du paysage, à savoir la physiographie, la géologie, la topographie, le relief et les
dépôts de surface (Kavanagh et Iacobelli, 1995). Les éléments persistants du WWF sont
élaborés principalement à partir des pédopaysages du Canada (Annexe II). Une crainte a été
soulevée lors de l’élaboration de la méthodologie selon laquelle cette méthode pourrait
sous-représenter les éléments les plus communs. Par conséquent, un thème appelé
« représentativité » a été inclus. Il visait à s’assurer que les éléments persistants les plus vastes
et les plus communs étaient adéquatement saisis. Ce thème a cependant été abandonné après
avoir exploré les conséquences de son application (Annexe III). Une analyse de carences
(Annexe IV) a également été effectuée sur certaines régions naturelles afin de comparer les
scénarios et de retenir celui procurant la meilleure représentation à l’échelle de la région
naturelle.
L’évaluation du potentiel de conservation a été réalisée sur l’ensemble de l’aire d’étude, avec
pour thèmes principaux : l’hétérogénéité des éléments persistants, l’intégrité écologique et les
valeurs de conservation (têtes des bassins versants, vieilles forêts, milieux humides). Une
pondération égale (30 points chacun) a été attribuée aux trois thèmes, favorisant ainsi un
certain équilibre entre des valeurs considérées comme importantes dans l’évaluation du potentiel de conservation.
Bien que le découpage des régions naturelles n'intervienne pas dans l'évaluation du potentiel
de conservation, il a été superposé aux résultats pour en faciliter l'interprétation. Les régions
naturelles interviennent seulement lors de l'identification des territoires à potentiel élevé de
conservation, à la section 4 de ce rapport.
1. L’utilisation des districts écologiques du MRN a été considérée mais n’a pas été retenue puisque la base de
données ne couvrait pas alors l’ensemble de l’aire d’étude.
6
3.1 Hétérogénéité
Les éléments persistants étant présumés exercer une influence considérable sur la répartition
des espèces et des communautés naturelles à l’intérieur des régions naturelles définies par le
climat et la physiographie (Burnett et al. 1998; Noss, 1995), il est supposé que plus une aire est
hétérogène, c’est-à-dire qu’elle comprend un nombre élevé d’éléments persistants, plus elle va
supporter de fonctions écologiques différentes et présenter une grande variété d’habitats et
d’espèces.
Une « analyse de voisinage » (neighborhood analysis) a été utilisée pour identifier les zones les
plus hétérogènes. Cette analyse consiste à compter le nombre d’éléments persistants différents
à l’intérieur d’un cercle qui représente une superficie établie en fonction de considérations
écologiques. En forêt boréale, la superficie représentée par le cercle a été établie à 100 000
hectares (ou 1 000 km2) afin de refléter l’impact des feux sur cet écosystème. Sur de longues
périodes, il n’est en effet pas rare que des feux couvrent 100 000 hectares et plus dans ce milieu
(Iacobelli, 1999).
En forêt mélangée et en forêt décidue, le cercle utilisé représente 50 000 hectares (ou 500 km2).
Dans ces forêts plus méridionales, les perturbations naturelles qui ont un impact sur le paysage
forestier sont le plus souvent les épidémies d’insectes, comme la tordeuse des bourgeons de
l’épinette, et les chablis. Les perturbations sévères n’affectent en général que de faibles
superficies, de quelques hectares à une centaine d’hectares (Lefort et Leduc, 1998). Ce n’est
donc pas sur la base des perturbations naturelles qu’a été fixé ce 50 000 hectares, mais plutôt
sur les besoins de la faune (domaine vital, disponibilité des ressources, hétérogénéité de
l’habitat, etc.), et plus particulièrement sur les besoins des espèces à grand domaine vital et des
grands prédateurs (Terborgh et al., 1999).
L’analyse de voisinage a permis de dénombrer jusqu’à treize éléments différents à l’intérieur
d’un même cercle. Le pixel au centre du cercle s’est vu attribué la valeur qui correspondait à la
quantité d’éléments persistants différents ainsi dénombrés. Les données ont ensuite été
regroupées en cinq classes afin que le pourcentage de pixels soit relativement similaire entre les
classes. Il s’ensuit que 14,8 % du territoire est couvert par des pixels qui représentent 6 éléments
persistants ou plus, 13,8 % par 5 éléments, 23,5 % par 4 éléments, 26,5 % par 3 éléments et
21,4 % par 1 ou 2 éléments (Figure 2). Une pondération différente a été attribuée à chacune de
ces classes pour un maximum de 30 points (Tableau 1).
7
250 000
Nombre de pixels
Proportion
de l'aire d'étude
(% de pixels)
I
II
III
IV
V
21,4
26,5
23,5
13,8
14,8
classe II
200 000
classe III
150 000
Classe
classe I
classe IV
100 000
classe V
50 000
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11 12
13
Nombre d'éléments persistants
Figure 2 : Distribution et classement des pixels selon leur valeur d’hétérogénéité
Tableau 1 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation du thème de l’hétérogénéité
Critères
Pondération
Nombre d’éléments persistants dans un
cercle de dimension donnée (100 000 ha
en forêt boréale et 50 000 en forêt mélangée ou
feuillue),suivant une analyse de voisinage avec
la fonction statistique « variété focale »
6 éléments persistants ou plus
5 éléments persistants
4 éléments persistants
3 éléments persistants
1 ou 2 éléments persistants
30 points
25 points
20 points
15 points
0 point
Les résultats de l’analyse de l’hétérogénéité sont présentés à la Figure 3. Sur cette carte,
le découpage des régions naturelles a été ajouté afin de faciliter l’interprétation des résultats.
Les secteurs qui obtiennent le maximum de points couvrent environ 15 % de l’aire d’étude et
sont dispersés sur l’ensemble de celle-ci, sauf dans la région de la Côte-Nord où ils sont non
seulement peu nombreux mais situés aussi dans la limite inférieure de la classe V.
En effet, étant donné l’étendue de la classe (entre 6 et 13 éléments persistants), les secteurs qui
obtiennent le plus grand nombre de points dans les régions E03 et E06 (Basse-Côte-Nord) ne
comprennent que 6 ou 7 éléments persistants, alors que dans les régions A02 (Beauce) et C09
(sud du Lac-Saint-Jean), le nombre d’éléments persistants rencontrés dans un même rayon va
jusqu’à 13. À l’échelle de la région naturelle, toutefois, il n’en demeure pas moins que les
secteurs qui obtiennent le maximum de points sont effectivement les plus hétérogènes pour
la région en question.
8
Les régions F01 et F02 (Abitibi) et G04 (lac Mistassini) présentent un cas différent étant donné
que plus de la moitié des pixels appartiennent à la classe V. Un plus grand nombre de classes
aurait permis de mieux cibler les secteurs les plus hétérogènes.
Le fait d’appliquer le même regroupement de classes sur toute l’aire d’étude a quelque peu
diminué le pouvoir discriminant de l’hétérogénéité dans les secteurs couverts par la classe V,
mais il permet quand même de distinguer, à l’intérieur d’une région naturelle, les secteurs les
plus hétérogènes de ceux qui sont peu ou moyennement hétérogènes. Dans l’ensemble, cette
façon de procéder s’avère rapide et efficace.
9
10
Sources des données : Éléments persistants pour les formes du paysage (WWF-Canada, 1994); régions naturelles (MENV, 1998).
Note : L’analyse est réalisée sur l’ensemble de l’aire d’étude, les régions naturelles apparaissant sur cette carte ont été ajoutées afin d’aider à l’interprétation des résultats.
Figure 3 : Thème de l’hétérogénéité
3.2 Intégrité écologique
Le terme « intégrité » désigne l’état d’une chose demeurée intacte, intégrale ou totale.
Les systèmes biologiques écologiquement intègres sont ceux qui sont complets, c’est-à-dire
que l’ensemble des espèces, des éléments du paysage et des processus écologiques sont
présents (Agence Parcs Canada, 2000). Les processus écologiques comportent tous les
systèmes qui entretiennent la vie, comme les cycles des nutriments (comme le cycle de
l'azote), les régimes de perturbations naturelles (feux, chablis, etc.), la succession végétale, les
relations prédateurs-proies, les migrations animales, la pollinisation, etc. Des échantillons
d’écosystèmes non altérés sont plus susceptibles de contenir et de supporter l’éventail complet
des attributs de composition, de structure et de fonctions de ces écosystèmes. Dans le cadre de
la présente analyse, une parcelle est considérée intègre lorsqu’il n’y a pas de corridor (route,
chemin, voie ferrée, ligne hydroélectrique) ou de coupe forestière.
Corridors
Parmi les territoires les plus intègres viennent en premier lieu les aires sans route, non
développées, ou autrement dit les aires sauvages. Ces aires offrent d’importants refuges aux
espèces sensibles aux activités humaines (Noss, 1995). La fragmentation des habitats naturels
est considérée comme l’un des principaux facteurs de perte de la diversité biologique (Wilcox
et Murphy, 1985; Temple et Wilcox, 1986; Morrison et al., 1992). Les petits fragments d’habitat
ne supportent pas, ou du moins peu, les espèces qui vivent au cœur des habitats ou qui ont un
grand domaine vital (Brown et Dinsmore, 1986; Stauffer et Best, 1980; Warner, 1992; Freemark
et Collins, 1992).
Plusieurs impacts négatifs sont associés aux routes :
1) la fragmentation de l’habitat par les routes perturbe les aires de mise bas et de croissance,
les aires d’alimentation, les déplacements et les routes de migration;
2) les routes augmentent le nombre de collisions entre la faune et les véhicules2, donnent accès
à de nouveaux territoires aux chasseurs et aux braconniers, et favorisent la pénétration de
véhicules hors routes (VTT, motoneige, etc.);
3) la construction de routes peut engendrer une sédimentation dans les cours d’eau, une
modification des conditions hydrologiques (drainage, débit) et l’obstruction des frayères;
4) les routes peuvent induire une pollution accrue par l’augmentation de déchets, de produits
pétroliers (essence, huiles) et du bruit;
5) la plus grande accessibilité aux territoires peut aussi favoriser l’introduction d’espèces
exotiques pouvant nuire à la biodiversité.
Quant aux autres corridors, tels les voies ferrées et les lignes de transport d’énergie
hydroélectrique, outre le fait qu’ils fragmentent le territoire, ils peuvent comporter d’autres
types de nuisances pour la biodiversité. Les corridors hydroélectriques, par exemple, doivent
être fréquemment entretenus (avec des phytocides ou mécaniquement) afin de maintenir à un
bas niveau la hauteur du couvert végétal. Le caractère non sélectif de ces phytocides peut
affecter nombre d’espèces végétales et animales (BAPE, 1991).
2. . Deuxième cause de mortalité pour l’orignal et le cerf de Virginie au Québec (Jean et al., 1999).
11
Dans la présente analyse, les routes, les corridors d’utilité publique (lignes de transport
d’énergie hydroélectrique, voies ferrées) et les chemins forestiers primaires ont été
considérés. Des zones tampons ont été établies pour tenir compte des perturbations dues aux
corridors et pour compenser le manque de données disponibles concernant les chemins
forestiers secondaires et tertiaires. La zone tampon varie de 1 à 5 km, selon le type de
corridor. L’autoroute est jugée comme étant le plus important perturbateur de la biodiversité,
notamment en raison de sa largeur, son utilisation intensive et de l’accessibilité accrue. La
largeur maximale de la zone tampon de cinq kilomètres pour les routes a été inspirée d’une
analyse similaire effectuée en Ontario dans le cadre du projet Lands For Life (WWF et al.,
1999). Elle ne semble pas excessive lorsqu’on considère qu’une forêt est jugée « accessible » s’il
existe une route à moins de dix kilomètres (Environnement Canada, 1997).
Les données sur les routes et autres corridors d’utilité publique (lignes de transport d’énergie
hydroélectrique et voies ferrées) proviennent de l’Atlas National du Canada, tandis que celles
sur les chemins forestiers primaires ont été fournies par le ministère des Ressources naturelles
du Québec. La dernière mise à jour de la base de données sur les chemins forestiers
primaires, disponible pour l’analyse, remonte à 1996.
Aussi, outre le fait qu’il manque à l’analyse tous les chemins forestiers primaires construits
après 1996, il manque également un grand nombre d’autres chemins tels que les chemins
forestiers secondaires et tertiaires, les chemins miniers et les chemins d’accès pour HydroQuébec. Les données numérisées pour ces chemins n’étaient pas disponibles pour toute l’aire
d’étude. Il y a donc une sous-estimation des corridors routiers dans l’analyse de l’intégrité
écologique.
Pour chacun des types de corridors, deux zones tampons ont été définies pour refléter le fait
que les impacts diminuent à mesure que l’on s’éloigne du corridor (Tableau 2). Étant donné
que ces corridors sont parfois côte à côte ou se croisent, les zones tampons peuvent alors se
superposer. Plus le pixel est éloigné du corridor, plus sa valeur devrait être élevée. Lorsque la
zone tampon la plus près d’un corridor se superpose à la zone tampon la plus éloignée d’un
autre corridor, le pixel se voit attribuer la valeur la plus faible, soit celle de la zone tampon la
plus près des corridors (Figure 4).
Tableau 2 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation du thème de l’intégrité écologique
Critères
Éloignement d’un corridor
Voie ferrée
Corridor hydroélectrique
Chemin forestier primaire
Route ou autoroute
Coupe forestière
Pondération
1re zone tampon
(0 point)
≤ 0,5 km
≤ 1,0 km
≤ 1,5 km
≤ 2,5 km
2e zone tampon
(10 points)
> 0,5 km et ≤ 1,0 km
> 1,0 km et ≤ 2,0 km
> 1,5 km et ≤ 3,0 km
> 2,5 km et ≤ 5,0 km
À l’extérieur des
zones tampons des
corridors
(30 points)
Coupe totale ou sa zone tampon de 1 km (-10 points)
12
Extérieur des zones tampons
30
10
0
2 ième zone tampon
30
10
10
0
1ère zone tampon
0
0
0
0
Route
0
0
10
0
10
30
10
0
30
Chemin forestier
Figure 4 : Zones tampons des corridors et pointages respectifs
Coupes forestières
La présence de coupes totales constitue un deuxième critère utilisé pour l’analyse de l’intégrité
écologique. Il s’agit d’une activité anthropique dont il est difficile de mesurer les effets à moyen
et long termes sur la biodiversité. Bien que ce type d’aménagement forestier puisse être
assimilé à la perturbation naturelle d’un feu de forêt, cela reste à démontrer (Ordre des
ingénieurs forestiers du Québec, 1996).
En raison de coupes totales, l’abri nécessaire aux animaux pour se protéger contre les
prédateurs ou le climat (neige, vent) se trouve modifié et souvent réduit sur de vastes étendues
pour des périodes plus ou moins longues. L’effet de la coupe sur une espèce dépend de ses
besoins d’habitat, de sa mobilité et de son adaptabilité. Il variera aussi selon la grandeur et la
forme de la superficie déboisée et selon l’âge et la distribution de la forêt résiduelle (Kimmins,
1991). Les espèces vivant en forêt jeune seront favorisées par la coupe totale à court ou moyen
terme (Telfer, 1974), alors que celles qui fréquentent la forêt mûre ou surannée seront affectées
pour plusieurs dizaines d’années (Thompson, 1991).
La base de données SIFORT (Système d’information forestière par tesselle), élaborée par la
Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) et la Société de protection des forêts
contre les insectes et les maladies (SOPFIM) à partir des données d’inventaire du ministère des
Ressources naturelles (MRN), a constitué la source d’information sur les coupes totales. Les
coupes forestières sont sous-estimées dans la présente analyse du fait que nous n’avons pas
intégré l’information sur les coupes partielles et que la base de données n’inclut pas les coupes
survenues après décembre 1998. De plus, ces données d’inventaire ne permettent pas une
analyse raffinée portant sur certaines considérations d’importance en matière de conservation.
13
Par exemple, ne sont identifiés comme « coupe totale » que les peuplements ayant subi ce type
d’intervention au cours des 30 années précédant l’inventaire. On ne peut donc pas distinguer, à
l’intérieur des données SIFORT, les peuplements n’ayant jamais subi d’interventions humaines
(coupes, éclaircies, récolte après brûlis, etc.).
Il faut également noter que chacune des tesselles a une dimension approximative de
14 hectares (ou 0,14 km2). Lorsque les données de SIFORT ont été transformées en format
matriciel, où chacun des pixels fait 1 km2, il fallait, pour que le logiciel désigne le pixel comme
ayant subi une coupe totale, qu’au moins cinq des sept tesselles SIFORT aient subi une coupe
totale. Cette situation vaut aussi pour les autres données qui proviennent de SIFORT (vieilles
forêts et milieux humides).
Une zone tampon de 1 km a été ajoutée aux coupes totales, permettant ainsi d’atténuer une
limite méthodologique de l’analyse due aux données incomplètes concernant les chemins
forestiers. Il va de soi que là où il y a des coupes, il doit y avoir des chemins. La zone tampon
contribue aussi à éliminer les petites parcelles de territoire intercalées entre les coupes très
rapprochées et, ce faisant, à consolider de plus gros blocs de territoires éloignés des secteurs de
coupe. La pondération est la même pour la coupe totale et pour sa zone tampon (Tableau 2).
Les résultats de l’analyse de l’intégrité écologique sont présentés à la Figure 5 et tiennent
compte tant des corridors que des coupes totales. On y remarque que, dans la région F02
notamment, de grandes superficies ont été récoltées même si elles sont éloignées des routes, ce
qui vient souligner notre manque de données en ce qui a trait aux chemins forestiers. Comme
on pouvait s’y attendre, les territoires les plus au nord de l’aire d’étude sont les plus intègres.
Cela s’explique surtout par l’absence de chemins forestiers et de coupes totales (selon les
données disponibles). À l’autre extrême, les régions de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent
(A03 et A04) sont extrêmement morcelées.
14
15
Sources des données : Corridors d’utilité publique (Atlas national du Canada, 1994); chemins forestiers primaires (MRN, 1996); coupes totales
(SIFORT : MRN-DCF, SOPFEU, SOPFIM, 1998); régions naturelles (MENV, 1998)
Note : L’analyse est réalisée sur l’ensemble de l’aire d’étude, les régions naturelles apparaissant sur cette carte ont été ajoutées afin d’aider à l’interprétation des résultats.
Figure 5 : Thème de l’intégrité écologique
3.3 Valeurs de conservation
Les valeurs de conservation retenues aux fins de l'analyse sont des milieux naturels particuliers :
• les têtes des bassins versants;
• les vieilles forêts;
• les milieux humides.
La présence de ces milieux augmente la valeur d'intérêt pour un territoire donné puisqu’ils y
exercent des fonctions écologiques importantes et sont souvent l’hôte d’espèces animales et
végétales particulières.
Têtes des bassins versants
Un bassin versant est un territoire à l’intérieur duquel toutes les eaux sont acheminées vers un
même exutoire (lac, rivière, océan) et qui est délimité par ses plus hauts reliefs. L’intérêt pour
la conservation de protéger les têtes de bassin versant tient à ce qu’une perturbation à cet
endroit peut avoir des répercussions sur les différentes composantes biologiques et propriétés
hydrologiques de l'ensemble du bassin versant. C’est également à la tête des bassins versants
que plusieurs espèces de poissons trouvent les conditions idéales pour se reproduire. Or, ces
conditions (nature du gravier, débit, oxygénation de l’eau, etc.) sont relativement fragiles étant
donné leur vulnérabilité à la sédimentation.
La localisation de la tête de chaque bassin versant a été déterminée à l’aide des gradients
d’élévation du terrain. Il a été jugé que 20 % de la superficie du bassin versant comprenant les
plus hautes altitudes devait circonscrire la tête du bassin versant. Ce pourcentage n’a pu être
corroboré dans la littérature scientifique.
La base de données d’où a été puisée l’information sur les bassins versants provient du
ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec. Cette base de données
est toutefois limitée au nord par la ligne du 52e parallèle. Or, étant donné que certains bassins
versants se prolongent au-delà de cette ligne, la portion du bassin située au nord du 52e
parallèle n’a pas été prise en compte lors de l’identification de la tête du bassin. La tête des
bassins versants chevauchant cette frontière est donc imprécise lorsque de hautes élévations se
trouvent au nord du 52e parallèle.
Vieilles forêts
L’intérêt porté aux vieilles forêts tient au fait qu’elles sont d’une grande complexité et d’une
forte diversité biotique (Hunter, 1990). Les forêts surannées constituent également l’habitat
d’une grande variété d’espèces animales, en raison de la multitude de niches qu’elles comptent.
Nombre d’espèces fauniques y trouvent des éléments de leur habitat (gros chicots et arbres
vivants, débris ligneux au sol, lichens arboricoles, etc.) (Thomas et al., 1988; Bunnell et
Kremsater, 1990). Au Québec, on estime qu’environ le tiers des vertébrés terrestres qui
fréquentent le milieu forestier, dont certains figurent parmi la liste des espèces susceptibles
d’être désignées menacées ou vulnérables, préfèrent ce type de forêt (Ordre des ingénieurs
forestiers du Québec, 1996).
16
Dans l’analyse du potentiel de conservation, la sélection des vieilles forêts3 est basée
uniquement sur les classes d’âge les plus élevées de l’inventaire forestier, sans distinction de
leur appartenance aux résineux ou aux feuillus. Ainsi, les classes d’âge retenues sont 90 ans et
120 ans. À cela s’ajoutent les peuplements classés « vieux inéquiennes » qui ont au moins 80
ans et les peuplements étagés avec prédominance de vieilles forêts (120-70 ans, 120-50 ans,
90-50 ans et 90-30 ans). Or, il est fort probable que la plupart des vieux peuplements
inéquiennes d’essences feuillues retenus dans notre analyse ont fait ou font l’objet de coupes
de jardinage. Quoiqu’il en soit, même si cette identification se base uniquement sur une
appellation cartographique sans autre égard que l’âge du peuplement, elle permet toutefois
une première approximation des territoires les plus susceptibles de renfermer des vieilles
forêts au sens écologique du terme.
On doit également noter que les données utilisées proviennent de la base de données SIFORT
construite à partir des inventaires forestiers du 2e programme décennal (1980-1990). L’écart
de temps séparant les inventaires de la présente analyse peut amener tant une surestimation
des vieilles forêts qu’une sous-estimation. D’une part, la surestimation s’explique par la
possibilité que certaines des vieilles forêts identifiées aient été coupées depuis. D’autre part,
la sous-estimation des vieilles forêts peut être causée par le fait que la classe d’âge 70 ans (âge
au moment du 2e programme décennal) n’ait pas été retenue aux fins d’analyse alors que,
nonobstant une perturbation d’origine naturelle ou anthropique, ces forêts seraient classées
aujourd’hui dans la classe des 90 ans et pourraient donc être considérées comme de vieilles
forêts.
Finalement, la classe d’âge la plus élevée lors des inventaires forestiers est de 120 ans. Dans
cette classe d’âge, ainsi que dans les peuplements classés vieux inéquiennes, peuvent se
trouver des peuplements beaucoup plus âgés atteignant 200, voire 300 ans. Or, il est
impossible de les distinguer et ce faisant de leur accorder une valeur plus élevée si on voulait
le faire. De même, certains milieux dénudés humides supportent de vieux peuplements
(pessières) dont il n’est pas possible de connaître l’âge car ils sont classés « terrain forestier
improductif » lors de l’inventaire forestier et aucune donnée forestière n’y est jointe. Ainsi, les
vieilles forêts sur tourbières ne sont pas prises en compte dans l’analyse.
Milieux humides
Les milieux humides comprennent les bogs, fens, marais, marécages et eaux peu profondes
que définit le Système de classification des terres humides du Canada. Au Québec, les milieux
humides couvrent 9 % de la superficie du territoire (121 510 km2), dont la presque totalité
(96,4 %) sous forme de tourbières (Groupe de travail national sur les terres humides, 1988).
Les secteurs de la baie de Rupert et de la baie James sont les plus riches en tourbières au
Québec (Couillard et Grondin, 1986).
3. Dans le cadre de la présente étude, l’appellation « vieilles forêts » doit être interprétée comme un terme
générique qui réfère autant aux forêts matures, surannées qu’anciennes.
17
Les milieux humides remplissent de nombreuses fonctions écologiques :
1) Milieux de transition entre les milieux terrestre et aquatique, ils sont de ce fait utilisés par
toute une panoplie d'espèces, tant terrestres, aquatiques que semi-aquatiques (poissons,
castor, orignal, sauvagine et autres oiseaux, insectes, plantes carnivores, sphaignes, etc.). Ils
constituent des aires de reproduction, de nidification et d’alimentation pour de nombreuses
espèces fauniques.
2) Ils accumulent et libèrent lentement d’énormes volumes d’eau. En effet, les sphaignes
absorbent jusqu’à 25 fois leur poids en eau. Constituant ainsi un énorme réservoir d’eau
douce, les milieux humides jouent un rôle important dans le régime hydrologique des
bassins versants, souvent en atténuant les débits de pointe de crue et les apports d’eau
saisonniers, en améliorant la qualité de l’eau et en protégeant les rivages contre l’érosion
(Gouvernement du Canada, 1991).
3) En créant d’importantes réserves d’énergie sous forme de tourbe, les milieux humides
constituent un « puits » naturel pour le dioxyde de carbone et la pollution atmosphérique.
En milieu boréal, les milieux humides peuvent être transformés par l’aménagement de
réservoirs et de corridors hydroélectriques, l’utilisation de la tourbe à des fins agricoles et
énergétiques, ainsi que les travaux d’aménagement forestier (Groupe de travail national sur les
terres humides, 1988).
Le terme générique « dénudé humide » de la base de données SIFORT a été utilisé pour
identifier les milieux humides de l’aire d’étude.
En se référant au Tableau 3, il faut se rappeler que le maximum de points accordés aux valeurs
de conservation est 30 et non 40, étant donné que les données d’inventaire ne tiennent pas
compte de la possibilité qu’une vieille forêt puisse être située sur une tourbière. Par conséquent,
dans la présente analyse, les vieilles forêts et les milieux humides sont mutuellement exclusifs
puisqu’un pixel ne peut se trouver dans ces deux milieux à la fois. De plus, la pondération
associée aux vieilles forêts ainsi qu’aux milieux humides est moins élevée que celle attribuée à
la tête des bassins versants parce que ces valeurs sont déjà en partie représentées par le thème
de l’hétérogénéité (un milieu humide constitue un élément persistant différent) et celui de
l’intégrité (les territoires éloignés des corridors comportent davantage de vieilles forêts).
Tableau 3 : Critères et pondération utilisés pour l’évaluation du thème des valeurs de conservation
Critères
Pondération
Tête des bassins versants : les 20 % de la superficie du bassin
ayant les altitudes les plus élevées
20 points
Vieilles forêts : 90 ans, 120 ans, vieilles inéquiennes, forêts
étagées (120-90, 120-50, 90-50 et 90-30 ans)
10 points
Milieux humides : dénudés humides répertoriés dans l’inventaire forestier
10 points
18
Les résultats de l’analyse des valeurs de conservation sont présentés à la Figure 6 et tiennent
compte tant de la tête des bassins versants, des vieilles forêts que des milieux humides. Les
territoires ayant le plus haut pointage relativement à ce thème (30 points) sont situés à la tête
d’un bassin versant et possèdent en plus des vieilles forêts ou des milieux humides. La région
D06 (Massif de la Manouanis) est particulièrement pourvue de ces territoires hautement
valorisés. Règle générale, de tels territoires sont plus abondants dans les régions nordiques
encore peu utilisées pour l’approvisionnement des usines de transformation du bois.
Les territoires qui se trouvent à la tête de bassins versants mais qui sont exempts de vieilles
forêts ou de milieux humides se trouvent surtout dans le sud de l’aire d’étude, où les vieilles
forêts et les milieux humides sont moins abondants. Par ailleurs, les territoires identifiés par
la présence d’une vieille forêt ou d’un milieu humide et qui ne coïncident pas avec la tête d’un
bassin versant portent la même teinte de couleur (à cause du pointage égal). Même si cela ne
permet pas de distinguer la présence de vieilles forêts de celle de milieux humides, on sait que
les milieux humides sont fortement concentrés dans les secteurs de la baie de Rupert et de la
baie James, soit pratiquement la totalité des régions F04, F05 et F06. D’autres zones montrent
une concentration modérée de milieux humides le long du fleuve, en Moyenne et Basse-CôteNord (E02 et E03), ainsi que sur l’île d’Anticosti (surtout dans la portion est).Les vieilles forêts
sont très présentes sur toute la Côte-Nord (régions E), sur une bonne partie de la région du
Saguenay–Lac-Saint-Jean (régions D04 à D10), ainsi que dans la région C01.
19
20
Sources des données : Bassins versants (MAPAQ); vieilles forêts et milieux humides (SIFORT : MRN-DCF, SOPFEU, SOPFIM,
1998); régions naturelles (MENV, 1998).
Note : L’analyse est réalisée sur l’ensemble de l’aire d’étude, les régions naturelles apparaissant sur cette carte ont été ajoutées afin d’aider à l’interprétation des résultats.
Figure 6 : Thème des valeurs de conservation
3.4 Amalgame des thèmes
L’évaluation du potentiel de conservation a été réalisée par l’addition, sur chaque km2 de
territoire, des valeurs associées aux trois thèmes, soit l’hétérogénéité, l’intégrité écologique et
les valeurs de conservation selon la pondération présentée au Tableau 4. La Figure 7 illustre
comment se fait l’amalgame des thèmes par l’addition des valeurs matricielles.
Tableau 4 : Pondération des thèmes et critères de l’évaluation du potentiel de conservation
Pondération des thèmes
Critères
Hétérogénéité :
30 points
6 éléments persistants ou plus
5 éléments persistants
4 éléments persistants
3 éléments persistants
1 ou 2 éléments persistants
30 points
25 points
20 points
15 points
0 point
Intégrité écologique :
30 points
1ère zone tampon des corridors
2e zone tampon des corridors
À l'extérieur des zones tampons
Coupe totale ou sa zone tampon
0 point
10 points
30 points
- 10 points
Valeurs de conservation :
30 points
Tête de bassin versant
Vieille forêt ou Milieu humide
20 points
10 points
Valeurs de conservation
30
30
20
10
10
0
-10
-10
10
25
25
30
30
10
20
20
25
25
25
0
30
20
25
25
Intégrité
Hétérogénéité
Pondération
Pixel de 1 km2
Potentiel de conservation
65
55
40
30
70
65
55
45
90
60
55
45
Figure 7 : Amalgame des thèmes et potentiel de conservation qui en découle
21
Les résultats de l’évaluation du potentiel de conservation sont présentés à la Figure 8. Sur cette
dernière, le découpage des régions naturelles a été ajouté afin de faciliter l’interprétation des
résultats. La carte du potentiel de conservation nous révèle que de vastes territoires à fort
potentiel sont situés dans la partie nord de l’aire d’étude. Néanmoins, cette carte montre que
des territoires à potentiel élevé de conservation sont présents dans chaque région naturelle, y
compris celles situées plus au sud.
22
23
Sources des données : Éléments persistants (WWF-Canada, 1994); corridors d’utilité publique (Atlas national du Canada, 1994); chemins forestiers primaires
(MRN, 1996); bassins versants (MAPAQ); coupes totales, vieilles forêts et milieux humides (SIFORT : MRN-DCF, SOPFEU, SOPFIM, 1998); régions
naturelles (MENV, 1998).
Note : L’analyse est réalisée sur l’ensemble de l’aire d’étude, les régions naturelles apparaissant sur cette carte ont été ajoutées afin d’aider à l’interprétation des résultats.
Figure 8 : Le potentiel de conservation (amalgame des thèmes hétérogénéité, intégrité écologique et valeurs de conservation)
4. Identification des territoires
à potentiel élevé de conservation
Alors que l’évaluation du potentiel de conservation est réalisée sur toute l’aire d’étude,
l’identification des territoires à potentiel élevé de conservation est faite pour chacune des
régions naturelles étant donné que ces dernières constituent le cadre de référence utilisé pour
évaluer la contribution des aires protégées et des territoires d’intérêt à la protection de la
biodiversité. Une façon d’identifier les territoires à potentiel élevé de conservation consiste à
sélectionner les pixels de 1 km2 dont les valeurs sont les plus élevées, entre 70 et 90 points par
exemple. Cependant avec cette méthode, dans certaines régions naturelles, le territoire couvert
par ces valeurs est très faible voire inexistant (0,7 % dans C08; 1,4 % dans C09; et 1,7 % dans
D03, par exemple). Par conséquent, l’éventail de territoires susceptibles de devenir des sites
candidats d’aires protégées serait trop limité dans certains cas.
Une autre option est de sélectionner approximativement 20 % de la superficie de chaque
région naturelle qui a les valeurs les plus élevées. C’est ce que nous avons fait. Cela nous a
permis d’identifier les meilleures options existantes pour la conservation pour chaque région
naturelle (Figure 9). Il faut cependant noter que les territoires à potentiel élevé n’ont pas tous
les mêmes valeurs selon la région naturelle. Par exemple, dans la région D05, les valeurs dans
les territoires à potentiel élevé de conservation varient entre 75 et 90 points, alors que dans la
région A04, ces territoires incluent les valeurs comprises entre 50 et 90 points. Ceci s’explique
par la disponibilité au sein d’une même région naturelle, de territoires qui rencontrent tous les
critères d’évaluation du potentiel de conservation.
En effet, selon des caractéristiques régionales, l’impact de chacun des thèmes est différent et
il arrive qu’un ou plusieurs des thèmes et sous-thèmes interviennent peu dans l’identification
des territoires à potentiel élevé de conservation. Par exemple, dans la région naturelle A03 du
Bas-Saint-Laurent, les routes sont tellement nombreuses que la région est presque
entièrement couverte de zones tampons. L’intégrité n’est donc pas un facteur discriminant,
puisque les notes accordées à ce thème sont uniformément faibles. Ce constat est identique
pour les valeurs de conservation puisque les vieilles forêts y sont peu abondantes. Par
conséquent, les points viennent surtout des thèmes de l’hétérogénéité et de la tête des bassins
versants, d’où des valeurs maximales dépassant rarement les 50 points (Figure 8).
L’hétérogénéité et la tête des bassins versants sont aussi des facteurs discriminants dans la
région naturelle G03 située dans le nord de l’aire d’étude, mais pour des raisons différentes.
L’intégrité écologique du territoire n’est pas un facteur discriminant étant donné que,
exception faite de la présence de quelques corridors pour le transport d’énergie, la majorité
des pixels obtiennent le maximum de points. Les résultats expriment donc l’interaction des
deux autres thèmes que sont l’hétérogénéité du territoire et les valeurs de conservation.
La variation dans le pouvoir de discrimination des thèmes confirme la nécessité d’avoir
plusieurs thèmes différents. Il faut cependant faire attention à ce que ceux-ci n’interfèrent pas
entre eux et que les résultats n’aillent pas à l’encontre de l’objectif visé, comme ce fut le cas
lorsque le thème de la représentativité a été inclus dans l’analyse. Contrairement à ce qui était
attendu, les territoires à potentiel élevé contribuaient moins à la représentation dans les
scénarios qui incluaient le thème de la représentativité (voir Annexe III). Un autre
désavantage consistait au fait qu’un poids disproportionné était accordé aux composantes
24
permanentes du paysage par le biais des thèmes de l’hétérogénéité, de la représentativité et de
la tête des bassins versants, au détriment des valeurs biologiques. Or, pour que les aires
protégées puissent remplir leur rôle de maintien des processus naturels et de protection de la
biodiversité, il faut qu’elles possèdent au départ plusieurs qualités qui vont en ce sens.
Il faut également noter qu’étant donné les limites des données, certains territoires identifiés
comme étant intègres dans notre analyse pourraient, par exemple, avoir fait l’objet de coupes
forestières, être traversés par des routes ou avoir passé au feu. Une mise à jour des données
permettrait de compléter cette analyse. De façon similaire, dans un cas comme celui du
Bas-St-Laurent où nos critères biologiques (intégrité, vieilles forêts et milieux humides)
interviennent peu dans l’identification des territoires à potentiel élevé, des données
supplémentaires sur d’autres composantes biologiques seraient nécessaires pour compléter
l’analyse du potentiel de conservation de la région naturelle. Une telle étape déborde toutefois
du cadre de l’entente entre l’AMBSQ et le WWF.
25
26
Sources des données : Éléments persistants (WWF-Canada, 1994); corridors d’utilité publique (Atlas national du Canada, 1994); chemins forestiers primaires
(MRN, 1996); bassins versants (MAPAQ); coupes totales, vieilles forêts et milieux humides (SIFORT : MRN-DCF, SOPFEU, SOPFIM, 1998);
régions naturelles (MENV, 1998).
Note : Les territoires à potentiel élevé de conservation représentent environ 20 % de la superficie de chacune des régions naturelles.
Figure 9 : Les territoires à potentiel élevé de conservation
5. Conclusion
L’évaluation du potentiel de conservation sur les terres publiques québécoises au sud du 52e
parallèle a été réalisée selon une méthodologie élaborée conjointement par l’AMBSQ et
le WWF. Ces résultats visent à contribuer à la démarche gouvernementale quant au parachèvement d’un réseau d’aires protégées au Québec.
La méthode utilisée pour évaluer le potentiel de conservation, et notamment les territoires à
potentiel élevé, est basée sur l’approche du filtre brut, c’est-à-dire à l’échelle du paysage. Les
thèmes utilisés souscrivent aux principes fondamentaux de la biologie de la conservation que
sont la diversité du paysage, l’intégrité du territoire et les valeurs de conservation. L’évaluation
de ces thèmes est basée sur des critères objectifs et lorsque ce n'était pas possible de procéder
autrement, sur des critères subjectifs avec justification à l’appui. Une analyse de carences
partielle a permis de vérifier que les territoires à potentiel élevé contribuent de façon
appréciable à la représentation des régions naturelles.
Ces travaux ont été réalisés avec les meilleures données disponibles pour l’ensemble de l’aire
d’étude, lesquelles étaient à une échelle appropriée pour une analyse du paysage. La carte du
potentiel de conservation démontre que de vastes territoires ayant de hauts potentiels se
situent dans la portion nordique de l’aire d’étude. Cela ne nous empêche pas d’identifier les
meilleures options de conservation à l’intérieur des régions naturelles situées plus au sud.
Tout en tenant compte de la localisation de sites candidats, de leur grandeur, de leur
configuration et de leur connectivité, la mise en place d’un réseau d’aires protégées
représentant les régions naturelles du Québec dépend d’une multitude de facteurs, tant
écologiques, économiques, politiques, sociaux que culturels. L’intégration de ces facteurs dans
le processus de planification d’un tel réseau peut amener un gestionnaire à identifier des
territoires à protéger autres que ceux initialement envisagés. La méthodologie et les outils
élaborés par l’AMBSQ et le WWF peuvent répondre à une telle situation.
La carte du potentiel de conservation et celle des territoires à potentiel élevé de conservation
sont en effet des outils complémentaires qui permettent de guider le processus de sélection de
sites candidats à la protection. Par exemple, les territoires à potentiel élevé peuvent servir
d’ancre initiale à l’identification de sites candidats tandis que la valeur du potentiel de
conservation accordée à chaque kilomètre carré des régions naturelles peut orienter la
sélection des prochains territoires à considérer pour délimiter une future aire protégée.
27
Bibliographie
Articles scientifiques
Brown, M. et J.J. Dinsmore. 1986. Implications of marsh size and isolation for marsh bird management.
J. Wildl. Manage. 50:392-397.
Bunnell, F.L. et L.L. Kremsater, 1990. Sustaining wildlife in managed forests, Northwest Environ. J. 6:243-269.
Burnett, M.R., P.V. August, J.H. Brown Jr. et K.T. Killingbeck. 1998. The influence of geomorphological
heterogeneity on biodiversity. II. A landscape perspective. Cons. Biol. 12(2):371-379.
Freemark, K.E. et B. Collins. 1992. Landscape ecology of birds breeding in temperate forest fragments. Pages
443-454 in J.M. Hagan III et D.W. Johnston (eds.), Ecology and conservation of Neotropical migrant land
birds. Smithsonian Institution Press, Washington, D.C.
Kimmins, J.P. 1991. Clear cutting: responsible forest management or environmentally destructive forest
exploitation, dans G. Blouin et R. Comeau, édit. Forestry on the hill, Can. For. Ass., Ottawa, p.5-17.
Kirkpatrick, J.B. et M.J. Brown. 1994. A comparison of direct and environmental domain approaches to
planning reservation of forest higher plant communities and species in Tasmania. Cons.
Biol. 8:217-224.
Stauffer, D.F. et L.B. Best. 1980. Habitat selection by birds of riparian communities: evaluating effects of
habitat alterations. J. Wildl. Manage. 44:1-15.
Telfer, E.S. 1974. Logging as a factor in wildlife ecology in the boreal forest, For. Chron. 50:186-190.
Temple, S.A. et B.A. Wilcox. 1986. Introduction: predicting effects of habitats patchiness and fragmentation.
Pages 261-262 in J. Verner, M.L. Morrison, et C.J. Ralph (eds.). Wildlife 2000: Modelling habitat
relationships of terrestrial vertebrates. University of Wisconsin Press, Madison.
Terborgh, J., J.A. Estes, P. Paquet, K. Ralls, D. Boyd-Heger, B.J. Miller et R.F. Noss. 1999. The role of top carnivores
in regulating terrestrial ecosystems. P 39-64 in M.E. Soulé et J. Terborgh [éditeurs]. Continental
conservation, Scientific foundations of regional reserve networks. Island Press, Washington, D.C.
Thomas, J.W., L.F. Ruggiero, R.W. Mannan, J.W. Schoen et R.A. Lancia. 1988. Management and conservation of
old-growth forests in the United States. Wildl. Soc. Bull. 16:252-262.
Thompson, I.D. 1991. Could marten become the spotted owl of eastern Canada? For. Chron. 67:136-140.
Warner, R.E. 1992. Nest ecology of grassland passerines on road rights-of-way in central Illinois.
Biol. Conserv. 59:1-7.
Wilcox, B.A. et D.D. Murphy. 1985. Conservation strategy: the effects of fragmentation on extinction.
Am. Nat. 125:879-887.
Documents gouvernementaux
Agence Parcs Canada. 2000. « Intacts pour les générations futures? » Protection de l’intégrité écologique
par les parcs nationaux du Canada.Vol. I « Le temps d’agir ».Vol. II « Une nouvelle orientation pour
les parcs nationaux ». Rapport de la Commission sur l’intégrité écologique des parcs nationaux du
Canada. Ottawa (Ontario).
Environnement Canada. 1997. Série nationale d’indicateurs environnementaux. Bulletin EDE no. 97-1
été 1997.
Couillard, L. et P. Grondin. 1986. La végétation des milieux humides du Québec. Gouvernement du Québec.
Les publications du Québec. 400 p.
Gouvernement du Canada. 1991. La Politique fédérale sur la conservation des terres humides. Ministre des
Approvisionnements et Services Canada. 1991. 16 p.
Gouvernement du Québec. 2000. Ressources et industries forestières, portrait statistique, édition 2000.
Ministère des Ressources naturelles, Québec (Canada).
Groupe de travail national sur les terres humides. 1988. Terres humides du Canada. Série de la classification
écologique du territoire, no24. Direction du développement durable, Service canadien de la faune,
Environnement Canada, Ottawa, Ontario et Polyscience Publications Inc., Montréal, Québec. 452 p.
28
Jean, D., L. Gignac et G. Lamontagne. 1999. Gros gibier au Québec en 1998 (Exploitation par la chasse et
mortalité par des causes diverses). Société de la faune et des parcs du Québec. Direction de la faune
et des habitats. 63 p.
Lapierre, L., G.J. Forbes et S. Woodley. 1999. Une stratégie de zones protégées pour le Nouveau-Brunswick.
Une approche basée sur les sciences. 171 p.
Lefort, P. et A. Leduc. 1998. Les perturbations forestières au Québec et leurs implications dans la conservation
des écosystèmes forestiers exceptionnels. Pour le ministère des Ressources naturelles du Québec,
Direction de l’environnement forestier, Québec. 96 p.
Monographies
BAPE (Bureau d’audiences publiques sur l’environnement), 1991. Des forêts en santé. Rapport d’enquête et
d’audience publique sur la Stratégie de protection des forêts. Rapport spécial numéro 2. 277 p.
Hunter, M.L., Jr. 1990. Wildlife forests and forestry. Principles of managing forests for biological diversity.
Prentice Hall, Englewood Cliffs, N.J. 370 p.
Morrison, M.L., B.G. Marcot et R.W. Mannan. 1992.Wildlife-habitat relationships: concepts and applications.
University of Wisconsin Press, Madison.
Ordre des ingénieurs forestiers du Québec. 1996. Manuel de foresterie. Les Presses de l’Université Laval. 1428 p.
Rapports du WWF
Iacobelli, T. 1999. Spatial Analysis of Biodiversity Information: Summary of Efforts by WWF Canada.
Kavanagh, K. et T. Iacobelli. 1995. A protected Areas Gap Analysis Methodology: planning for the
Conservation of Biodiversity. World Wildlife Fund Canada, Toronto (Canada). 68 p.
Noss, R. 1995. Maintaining Ecological Integrity in Representative Reserve Networks. World Wildlife Fund
Canada / World Wildlife Fund - United States, Discussion Paper, 77 p.
World Wildlife Fund Canada/Federation of Ontario Naturalists/Wildlands League. 1999. Protected Areas
Identification Across the Lands For Life. Planning Area in Ontario, Canada.
WWF. 1999. Forest Management Areas and Gaps in Ecological Representation – Analysis
Description. 10 p.
WWF. 2000. Conservation Suitability Analysis for the Mealy Mountains Proposed National Park
(Draft). 11p.
29
Annexe I : Information sur les données
Type de
données
Format et
échelle
cartographique
Source
Informations
complémentaires
Régions
naturelles
Format vectoriel
Ministère de
Échelle : 1:2 000 000 l'Environnement,
Direction du
patrimoine
écologique et du
développement
durable (1998)
Saisie des données : 1) Mosaïque
Landsat-MSS (Multi-Spectral-Scanner), échelle : 1:1 000 000, 2) images
Landsat-TM (Thematic Mapper), 3)
carte géologique du Québec
(Avramtchev, 1985 et Gauthier, 1992),
échelle : 1:1 500 000, et 4) cartes
topographiques, échelle : 1:250 000.
Éléments
persistants
du WWF
Format vectoriel
Centre for Land
Échelle : 1:1 000 000 and Biological
Resources.
Research Branch,
Agriculture and
Agri-Food Canada,
Ottawa (1994)
Basés principalement sur les
Pédopaysages du Canada, version 2.0
(novembre 1994).
Des cartes complémentaires ont aidé
à élaborer les éléments persistants :
Carte des Divisions physiographiques : échelle 1:5 000 000 (Bostock,
1970); Carte des Régions écoclimatiques du Canada : échelle :
1:7 500 000 (Ecoregions Working
Group, 1989); Carte des Régions
forestières du Canada : échelle :
1:7 500 000 (Rowe, 1972); Cartes
« National Topographic Series (NTS) »,
échelle : 1:1 000 000
Routes
Format vectoriel
secondaires,
Échelle :
autoroutes, voies 1:7 500 000
ferrées et corridors
hydroélectriques
Atlas national du
Canada (1994)
Chemins forestiers Format vectoriel
Ministère des
primaires
Datum : NAD83
Ressources
Échelle : 1:1 250 000 naturelles
Mise à jour 1996
Coupes totales
Inventaires forestiers du 2e programme décennal. Mise à jour en
décembre 1998. Code : « CT » sous
la rubrique « Origine » des inventaires
forestiers. Résolution moyenne de 14
ha ou 15 secondes.
Format hybride
(vectoriel - matriciel)
Datum : NAD83
Échelle : 1:250 000
SIFORT (Système
d'information
forestière par
tesselle) : MRNDCF, SOPFEU,
SOPFIM. Ministère
des Ressources
naturelles du
Québec
30
Type de
données
Bassins versants
Format et
échelle
cartographique
Source
Informations
complémentaires
• Bassins versants :
Projection
géographique
Échelle de saisie
estimée : 1:250 000
Élévation: Format
matriciel
Échelle : 1:1 000 000
• Bassins versants : • Bassins versants :
Uniquement au sud du 52e parallèle
Ministère de
l'Agriculture, des
• Élévation : Résolution : 1 km
Pêcheries et de
l'Alimentation du
Québec
Vieilles forêts
Format hybride
(vectoriel matriciel)
Datum : NAD83
Échelle : 1:250 000
SIFORT (Système
d'information
forestière par
tesselle) : MRNDCF, SOPFEU,
SOPFIM. Ministère
des Ressources
naturelles du
Québec
Inventaires forestiers du 2e programme décennal. Mise à jour
en décembre 1998. Résolution
moyenne de 14 ha ou 15 secondes.
Codes : « 1200 », « 900 », « 1209 »,
« 1207 », « 905 », « 903 » et « VIN »
sous la rubrique « âge » des
inventaires forestiers.
Milieux humides
Format hybride
(vectoriel matriciel)
Datum : NAD83
Échelle : 1:250 000
SIFORT (Système
d'information
forestière par
tesselle) : MRNDCF, SOPFEU,
SOPFIM. Ministère
des Ressources
naturelles du
Québec
Inventaires forestiers du 2e programme décennal. Mise à jour en
décembre 1998. Résolution moyenne
de 14 ha ou 15 secondes. Code « DH»
sous la rubrique « Code » des inventaires forestiers.
• Élevation : Digital
Elevation Model
31
Source des données : Éléments persistants (WWF-Canada, 1994)
Annexe II : Éléments persistants développés par le WWF
32
Annexe III : Comparaison des scénarios
Le premier scénario envisagé pour réaliser l’analyse du potentiel de conservation incluait les
trois thèmes de l’hétérogénéité, de l’intégrité et des valeurs de conservation, ainsi qu’un
quatrième, appelé « représentativité ». La représentativité était basée sur deux paramètres :
1) l’importance de l’élément persistant en terme de pourcentage de superficie par rapport à une
région naturelle donnée; 2) la répartition de l’élément persistant dans la région naturelle sur la
base d’une présence dans un ou plusieurs quadrats.
L’interaction des quatre thèmes a été testée dans les scénarios A et B, en faisant varier les
pondérations. L’analyse des résultats a conduit à l’exclusion du thème de la représentativité
dans ce qui est devenu le scénario C.
Thèmes et pondération
Scénario A
Scénario B
Scénario C
Hétérogénéité
50 points
30 points
30 points
Représentativité
25 points
20 points
0 point
Intégrité écologique
• Corridors
• Coupes totales
15 points
(0, 7, 15)
-2 points
25 points
(0, 10, 25)
-10 points
30 points
(0, 10, 30)
-10 points
Valeurs de conservation
• Tête de bassins versants
• Vieilles forêts
• Milieux humides
8 points
6 points
2 points
2 points
25 points
15 points
10 points
10 points
30 points
20 points
10 points
10 points
Total
98 points
100 points
90 points
Scénario A : La prise en compte de l’intégrité écologique et des valeurs de conservation
n'apparaissait pas suffisante. Seuls les territoires les plus hétérogènes ressortaient de l’analyse. Par
conséquent, les autres valeurs telles que l’intégrité écologique ou les valeurs de conservation ne
jouaient pas leur rôle dans la détermination des territoires d’intérêt. De plus, les éléments les plus
communs à la région naturelle étaient sur-représentés dans les territoires d’intérêt,alors qu’un seul
échantillon de cet élément d’une superficie adéquate aurait pu être suffisant.
Scénario B : Les plus grandes différences avec le scénario A se trouvent dans la diminution de la
pondération accordée à l'hétérogénéité et l'augmentation de la pondération pour l'intégrité et les
valeurs de conservation. Ce faisant, on accentuait une sur-représentation des éléments les plus
communs au détriment de l'hétérogénéité et des valeurs de conservation. C’est-à-dire que même
si en valeur absolue la pondération accordée à la représentativité a diminué de 5 %, le rapport
30 % : 20 % (hétérogénéité : représentativité) donnait plus de poids à la représentativité que le
rapport 50 % : 25 %. On a observé que les territoires aux valeurs les plus élevées étaient le plus
souvent situés à l’intérieur des éléments les plus communs,allant même jusqu’à suivre les contours
de ces éléments, ceci au détriment des territoires hétérogènes qui étaient sous-représentés.
Scénario C : Le scénario C se distingue par une pondération équivalente entre les trois thèmes
retenus et le retrait complet du thème de la représentativité. L'hypothèse était que le thème de
l'hétérogénéité était suffisant pour capturer les éléments les plus communs à la région naturelle
ainsi qu'une bonne gamme des éléments rares. Cette hypothèse a été vérifiée grâce à une
évaluation visuelle et comparée des cartes, ainsi que par une validation faite par une analyse de
carences réalisée sur quelques régions naturelles (Annexe IV).
33
Annexe IV : Analyse de carences
L’analyse de carences4 vise à évaluer dans quelle mesure les composantes permanentes d’une
région naturelle donnée sont représentées au sein des territoires protégés ou d’intérêt pour la
conservation. Les critères d’évaluation du degré de représentation des éléments persistants
tiennent compte autant de leur disposition et de leur répartition géographiques que des
échelles spatiales et temporelles des processus écologiques qui sont indispensables au
maintien de la diversité biologique (WWF, 1999; Kavanagh et Iacobelli, 1995).
L'analyse de carences s'effectue à deux niveaux : celui de l'élément persistant (unité de
paysage) et celui de la région naturelle. Dans un premier temps, l'analyse de carences évalue
dans quelle mesure chacun des éléments persistants qui composent une région naturelle
donnée est saisi par le territoire protégé ou d'intérêt pour la conservation. Cette évaluation
repose sur des critères scientifiques, lesquels ont été élaborés et pondérés en vertu de leur
importance dans la constitution d'un réseau d'aires protégées. Ils font référence, notamment,
au maintien des processus de perturbations naturelles, à la représentation des gradients
environnementaux et des habitats riverains importants, à l'intégrité écologique ainsi qu'à la
connectivité entre les sites (WWF, 1999).
Dans un deuxième temps, l'analyse de carences évalue le niveau de représentation de la région
naturelle. Cette évaluation prend en considération : 1) la proportion (en nombre)
d'éléments persistants saisis au sein d'une région donnée, et 2) la proportion (en superficie)
des éléments saisis par rapport à la superficie de la région naturelle.Ainsi, les composantes du
paysage qui caractérisent une région naturelle sont prises en considération autant par leur
représentativité et leur diversité que leur répartition spatiale.
La présente analyse de carences a porté sur les territoires intègres qui figuraient parmi les
territoires à potentiel élevé de conservation (20 % de la superficie de chacune des régions
naturelles). Seuls les territoires à potentiel élevé qui consistaient en des blocs d’au moins
10 km2 ont été examinés par l’analyse de carences. Les territoires très morcelés n’ont pas été
considérés.
1) L’évaluation au niveau de l'élément persistant
La saisie d'un élément persistant au sein d'une aire protégée ou d’un territoire d’intérêt est
évaluée en fonction de cinq critères scientifiques. Ces critères sont : la superficie de l’élément
persistant saisi; les gradients environnementaux; les types d'habitats physiques importants; la
qualité ou condition de l'habitat; la connectivité.
• La superficie de l’élément persistant
Des cinq critères, la superficie occupée par l’élément persistant dans le territoire d’intérêt est
le plus important. Deux facteurs entrent en ligne de compte : la grandeur relative de l’élément
persistant et le type de perturbation dominant dans la région naturelle où est situé l’élément
persistant. La classification des éléments persistants comme étant petit, petit à moyen, moyen
ou grand en terme de superficie, a été faite à partir d’un histogramme de fréquence des
éléments persistants, et ce, pour chacun des grands biomes forestiers (ex. forêt boréale, forêt
feuillue ou mélangée).
4. L’analyse de carences est un outil qui permet d’évaluer la représentation de régions naturelles au sein d’aires de
conservation. Cet outil a été élaboré par le WWF en association avec le Conseil canadien des aires écologiques
(CCAE).
34
Classes de grandeur
de l’élément persistant
Forêt boréale
Forêt feuillue
ou mélangée
Petit
Moins de 35 000 ha
Moins de 10 000 ha
Petit à moyen
35 000 ha à 150 000 ha
10 000 ha à 30 000 ha
Moyen
150 000 ha à 700 000 ha
30 000 ha à 100 000 ha
Grand
Plus de 700 000 ha
Plus de 100 000 ha
Quant au type de perturbation, il varie également selon que le territoire d’intérêt se situe en
forêt boréale ou feuillue/mélangée. Par conséquent, lorsque la mosaïque du paysage est régie
par des processus écologiques de grande envergure (ex. : les feux en forêt boréale), le maintien
de ces processus va nécessiter un territoire d’intérêt de plus grande dimension.
Qui plus est, la superficie du territoire d’intérêt représentant un élément persistant donné va
également varier en fonction de la grandeur de celui. Pour les petits éléments persistants, la
superficie recommandée est établie sur la base des superficies affectées par les perturbations à
l’échelle locale. Pour les éléments persistants de grandeur moyenne, c’est l’échelle régionale qui
entre en ligne de compte, tandis que pour les grands éléments persistants, c’est celle du
paysage.
Échelles spatiales des
processus écologiques
Forêt boréale
Forêt feuillue
ou mélangée
Parcelle
2 500 ha
750 ha
Région
10 000 ha
3 000 à 5 000 ha
Paysage
Plus de 100 000 ha
20 000 ha
À la lumière de données tirées de WWF (1999), des lignes directrices pour la grandeur des
territoires d’intérêt ont été définies :
Lignes directrices quant à la grandeur pour les territoires d’intérêt
Forêt boréale
Classe de grandeur de
Grandeur recommandée pour
l’élément persistant
le territoire d’intérêt
Petit (moins de 35 000 ha)
2 500 à 5 000 ha
Petit à moyen (35 000 à 150 000 ha)
5 000 à 20 000 ha
Moyen (150 000 à 700 000 ha)
20 000 à 70 000 ha
Grand (plus de 700 000 ha)
Plus de 70 000 ha
35
Forêt feuillue ou mélangée
Classe de grandeur de
Grandeur recommandée pour
l’élément persistant
le territoire d’intérêt
Petit (moins de 10 000 ha)
500 à 1 500 ha
Petit à moyen (10 000 à 30 000 ha)
1 500 à 5 000 ha
Moyen (30 000 à 100 000 ha)
5 000 à 20 000 ha
Grand (plus de 100 000 ha)
Plus de 20 000 ha
Par exemple, le territoire d’intérêt qui capture un petit élément persistant doit allouer à celuici une superficie d’au moins 2 500 hectares si celui-ci est en forêt boréale et d’au moins
500 hectares s’il est en forêt feuillue ou mélangée.
• Les gradients environnementaux
Des gradients environnementaux tels que les changements dans l'élévation et le climat qui
surviennent à l'intérieur d'un élément persistant doivent être représentés dans les territoires
d’intérêt.Pour l'évaluation de ce critère, nous comparons les classes d'élévation présentes dans
l'élément avec celles présentes dans le site.
• Les types d'habitats physiques importants
Ce critère fait surtout référence aux habitats riverains et aux sources de rivières. Ces habitats
sont d'une grande importance pour les espèces en tant qu'interface entre le milieu terrestre et
le milieu aquatique, ainsi que pour l'intégrité du réseau hydrographique (source de rivière,
tête de bassin versant). Ainsi, nous constatons de façon visuelle l'importance des lacs et
rivières, de même que de l'habitat côtier dans l'élément persistant, puis nous évaluons la
représentation de ces habitats dans le site.
• La qualité ou condition de l'habitat
Ce critère fait référence à la fragmentation du site par les corridors tels que routes, autoroutes,
chemins forestiers, corridors hydroélectriques et voies ferrées. Nous évaluons ce critère de
façon visuelle et l’utilisons pour estimer l'intégrité du site.
• La connectivité
Ce critère n'est pris en compte que pour les petits éléments persistants, c'est-à-dire ceux
auxquels ont été associés des processus écologiques de faible ampleur. Un territoire d’intérêt
de superficie modeste peut être suffisant pour bien représenter cet élément persistant.
Or, il est important de s'assurer que les petits territoires d’intérêt soient reliés entre eux par des
corridors naturels afin de permettre la libre circulation des espèces et de maintenir le pool
génétique au sein des populations.
36
La pondération des critères dans l’analyse de carences
Critère
Note
maximale
possible
Lignes directrices
Grandeur
Respecte le
critère de
grandeur
Note = 4
Gradients
environnementaux
Représentation des classes
d'élévation dans les mêmes
proportions
Note = 1
Au moins
80 % de la
grandeur
recommandée
Note = 3
Au moins
50 % de la
grandeur
recommandée
Note = 2
4
Moins de
50 % de la
grandeur
recommandée
Note = 1
L'amplitude d'élévation du
territoire d’intérêt représente
80 % de l'amplitude d'élévation de l'élément persistant
Note = 0,5
Habitats Des proportions équivalentes Les habitats Les habitats
physiques
de rivage, de rivières et de présents dans présents dans
importants
l'élément sont l'élément ne
sources de rivières sont
représentés sont pas tous
représentées
mais en plus représentés
Note = 1
dans l'aire
faible
protégée
proportion
Note = 0
Note = 0,5
1
1
Qualité de
l'habitat
Le territoire d’intérêt
est non fragmenté
Note = 1
Le territoire d’intérêt
est fragmenté
Note = 0
1
Connectivité
Le site est adjacent à un
territoire d’intérêt plus grand
Note = 1
Le site est isolé
Note = 0
1
Évaluation globale de l'élément persistant en vertu des critères
Adéquatement
saisis
Modérément
saisis
Partiellement
saisis
Petits éléments
persistants
Note = 6 à 8
Note = 4 à 5
Note = 1 à 3
Autres éléments
persistants
Note = 5 à 7
Note = 3 à 4
Note = 1 à 2
2) L’évaluation au niveau de la région naturelle
La première partie de l’analyse de carences se faisait au niveau de l’élément persistant. Sur la
base de quatre ou de cinq critères, l’élément persistant pouvait alors être jugé adéquatement,
modérément, partiellement ou non saisi par le territoire d’intérêt. La deuxième partie de
l’analyse de carences se fait au niveau de la région naturelle. L’évaluation finale de la représen37
tation de la région naturelle au sein de territoires d’intérêt se fait de deux façons : 1) le
nombre d’éléments persistants saisis au sein d’une région naturelle donnée (ex. au moins
50 % des éléments persistants de la région naturelle), ou 2) la superficie occupée par ces
éléments persistants comparativement à la superficie terrestre totale de la région naturelle
(ex. au moins 80 % de la superficie de la région naturelle).
Conditions pour qu’une région naturelle soit :
• adéquatement représentée
- plus de 95 % des éléments persistants sont adéquatement saisis par un ou plusieurs
territoires d’intérêt;
• modérément représentée
- au moins 50 % des éléments persistants sont adéquatement saisis et au moins 80 % des
éléments persistants restants sont soit modérément soit partiellement saisis ou
- les éléments persistants modérément ou adéquatement saisis constituent au moins 80 %
de la région naturelle;
• partiellement représentée
- les éléments persistants adéquatement, modérément et partiellement saisis constituent au
moins 80 % de la région naturelle ou
- les éléments persistants modérément et partiellement saisis constituent au moins 80 % de
la région naturelle ou
- les éléments persistants adéquatement et partiellement saisis constituent au moins 80 %
de la région naturelle ou
- les éléments persistants modérément saisis constituent au moins 50 % de la région
naturelle ou
- les éléments persistants partiellement saisis constituent au moins 80 % de la région
naturelle ou
- au moins un élément persistant est adéquatement saisi et il est présent dans la région
naturelle;
• peu ou pas représentée
- aucun des cas mentionnés précédemment n'existe.
Résultats de l’analyse de carences
L’analyse de carences a été réalisée sur plusieurs régions naturelles, réparties sur le territoire
à l’étude, à partir des territoires à potentiel élevé de conservation qui constituent environ
20 % de la région naturelle.
38
Région
naturelle
Scénario A
Scénario B
Scénario C
A04
Modérément représentée
Les éléments persistants
modérément ou
adéquatement saisis
couvrent 90,4 % de
la région naturelle.
C01
Partiellement représentée Partiellement représentée Modérément représentée
75,0 %
84,4 %
60,7 %
D09
Modérément représentée Modérément représentée
88,4 %
93,2 %
F03
Modérément représentée
> 80 %
F04
Partiellement représentée Modérément représentée
93,9 %
46,0 %
E01
Modérément représentée
96,0 %
G01
Modérément représentée
70,3 %
G02
Modérément représentée
80,5 %
Note : Tous les pourcentages doivent être interprétés de la même façon que pour la région A04 :
« les éléments persistants modérément ou adéquatement saisis couvrent X % de la région
naturelle ».
Avec le troisième scénario, sept des huit régions testées sont modérément représentées. Pour
ces régions, cela signifie que les territoires à potentiel élevé de conservation (sur, tout au plus,
20 % de la région naturelle) représentent, à eux seuls, la diversité écologique d’au moins 80 %
de la région naturelle.
Bien que l’analyse ait porté sur environ 20 % de la région naturelle, cela ne signifie pas
que la totalité de ce 20 % soit nécessaire pour atteindre le niveau de représentation obtenu.
Par exemple, il arrive fréquemment que plusieurs grands territoires à potentiel élevé de
conservation soient présents au sein d’un même élément persistant, mais que seulement un ou
deux d’entre eux suffisent pour satisfaire tous les critères d’évaluation de l’élément persistant
(grandeur suffisante, gradients environnementaux et habitats riverains bien représentés, non
fragmentés).
39
40
Association des manufacturiers
de bois de sciage du Québec
1175, avenue Lavigerie, bureau 200
Sainte-Foy (Québec) G1V 4P1
Tél. : (418) 657-7916
Téléc. : (418) 657-7971
www.sciage-lumber.qc.ca
WWF—Canada, bureau du Québec
1253, avenue McGill College, bureau 446
Montréal (Québec) H3B 2Y5
Tél. : (514) 866-7800
Téléc. : (514) 866-7808
www.wwf.ca
Évaluation du potentiel de conservation
des terres publiques du Québec méridional et
identification des territoires à potentiel élevé
Rapport préparé par l’AMBSQ et le WWF-Canada
Juillet 2001
© Copyright 1986 du WWF-Fonds Mondial pour la Nature
® Marque déposée par le WWF
Téléchargement