> Fiches de protection espèces > Libellules Régions concernées: fleuves du Plateau > Ophiogomphus cecilia (Fourcroy, 1785) Gomphe serpentin – Grüne Keiljungfer – Gonfo serpentino LR: EN | PRIO: 2 | OPN: protégé Description Ecologie Le Gomphe serpentin, à l’instar des autres gomphes (Gomphidae), se reconnait à ses yeux séparés. Il se distingue de ces derniers par la couleur vert lumineux de la tête, des yeux, du thorax et des deux premiers segments abdominaux et ceci chez les deux sexes. Le reste de l’abdomen est orné de motifs jaune et noir. Les taches jaunes du dessus de l’abdomen sont cunéiformes. Les pattes sont rayées de jaune et de noir. L’abdomen du mâle s’élargit en forme de massue à l’apex, celui de la femelle est plus épais et de largeur plus ou moins uniforme. Les larves de dernier stade et les exuvies mesurent environ 30 mm et portent des épines dorsales marquées sur les segments abdominaux 2-9. Les segments 7-9 arborent également des épines latérales. Ophiogomphus cecilia vit en Suisse sur le cours moyen de grandes et petites rivières de plaine, dans les zones du Barbeau et de l’Ombre. Tous les tronçons occupés sont situés en aval d’un lac, lequel exerce un effet pondérateur sur la température et le débit de l’eau. Les populations qui se développaient dans des ruisseaux de prés de quelques mètres de large sont aujourd’hui éteintes en Suisse alors qu’on en connait encore en Allemagne. En comparaison avec les autres espèces de gomphes, O. cecilia préfère des vitesses d’écoulement plus élevées et un fond sableux plus grossier. Les rives comportent obligatoirement des tronçons bien ensoleillés. Mâle d’Ophiogomphus cecilia. © S. Kohl Femelle fraîchement émergée et son exuvie. © S. Kohl > Fiches de protection espèces > Libellules: Ophiogomphus cecilia 2 Les larves colonisent surtout les sédiments sableux qui s’accu­ mulent proche des rives des secteurs à courant lent. Elles peuvent toutefois également vivre dans les cavités situées entre des blocs de pierre. De grandes concentrations de larves peuvent se former en amont des barrages hydroélectriques conséquence de la dérive due aux crues. Le développement larvaire s’étale sur trois à quatre ans, parfois seulement sur deux ans. L’émergence a lieu avant tout le matin et en fin d’après-midi. Les exuvies se trouvent directement sur la rive, 3-30 cm au-dessus de l’eau, parfois aussi plus haut, jusqu’à 100 cm. Les supports privilégiés sont des plantes de toutes sortes, des pierres couvertes de mousses et les entrelacs de racines de Saule blanc (Salix alba). O. cecilia émerge entre le mois de juin et le début du mois d’août, avec un pic entre fin juin et début juillet. Après une période de maturation passée vraisemblablement à l’étage montagnard, les adultes retournent sur les cours d’eau dès la mi-juillet. Ils se posent en général sur les bancs de gravier ensoleillés, blocs de pierre ou troncs couchés, de même que sur les branches feuillues qui s’étendent au-dessus de l’eau. Les rives consolidées par des enrochements ou même des dalles sont attractives pour les imagos qui cherchent à s’exposer au soleil, mais ne constituent pas un milieu pour les larves en raison de leur pauvreté structurelle, de la rapidité du courant et de l’absence de sédiments fins. Les femelles ont manifestement un comportement très discret et s’observent rarement au bord de l’eau. On les trouve plutôt un peu à l’écart, p. ex. sur les chemins graveleux ou les surfaces en friche. La ponte est rarement observée. Elle a lieu en vol, au-dessus de tronçons peu profonds, à fond sableux ou graveleux. Les imagos se reposent dans la couronne d’arbres isolés et dans les clairières forestières. Ces milieux sont aussi probablement utilisés pour la maturation et peut-être aussi pour l’accouplement. Le mois d’août couvre la période de vol principale. Les derniers imagos s’observent encore jusqu’à mi-octobre. Calopteryx splendens est l’espèce compagne la plus régulière. Le Gomphe serpentin partage en outre son milieu avec Platycnemis pennipes et d’autres gomphes. Rive proche de l’état naturel, habitat primaire d’Ophiogomphus cecilia. Bras latéral aménagé artificiellement. Habitat secondaire d’Ophiogomphus cecilia. © G. Vonwil © G. Vonwil > Fiches de protection espèces > Libellules: Ophiogomphus cecilia 3 Situation en Suisse L’aire de répartition du Gomphe serpentin s’étend de l’Europe centrale et de la Scandinavie jusqu’à l’Asie centrale. En Europe son centre de gravité est situé en Europe de l’Est, quelques populations isolées subsistant au sud et à l’ouest du continent. En Europe centrale, le Gomphe serpentin n’est aujourd’hui plus distribué que localement. De nombreuses populations ont toutefois été découvertes ces dernières années, avant tout en Allemagne et en Suisse. Cela résulte essentiellement d’un effort de prospection mieux ciblé. L’amélioration de la qualité de l’eau et les renaturations de cours d’eau pourraient cependant amorcer une nouvelle expansion de l’espèce. O. cecilia n’est pas menacée en Asie. Au vu de sa relative abondance en Europe de l’Est, elle ne figure plus sur la liste rouge européenne de l’UICN. L’espèce est toutefois inscrite à l’Annexe II de la convention de Berne et figure dans la Directive Faune Flore Habitat de l’UE (Annexes II et IV). Il est probable qu’Ophiogomphus cecilia était autrefois largement répandu le long des rivières du Plateau. Actuellement sa présence n’est plus signalée que sur la Reuss, l’Aar, la Limmat et le canal de la Linth, de même que sur de petites rivières comme la Lorze, la Sarner Aa et la Suhre. Toutes les stations se trouvent en plaine. Une recherche intensive d’exuvies effectuée dans les années 1990 le long des quatre plus grandes rivières du canton d’Argovie a montré qu’elle apparaît encore sur de nombreux tronçons mais généralement en faible nombre. A l’exception de la Reuss, qui est bien colonisée presque partout, les autres rivières ne présentent de grandes populations que très localement. C’est pourquoi l’espèce est affiliée à la catégorie en danger (EN) dans la dernière liste rouge. Une recherche ciblée le long des rivières du Plateau, durant la période de vol principale en août ou durant la période d’émergence à la fin du mois de juin devrait permettre de découvrir d’autres populations. 2500 Situation mondiale Altitude 2000 Distribution, répartition altitudinale et phénologie d’Ophiogomphus cecilia en Suisse. 500 1000 1500 © CSCF 0% 50% 80 60 40 20 < 1970 1970 - 1999 2000 - 2009 0 J F M A M J J A S O N D > Fiches de protection espèces > Libellules: Ophiogomphus cecilia 4 Priorité Menaces Mesures de conservation Ophiogomphus cecilia est très localisé en Europe centrale et rare dans la plupart de ses stations. L’espèce est considérée comme une priorité de niveau 2. Rectification, canalisation des cours d’eau, consolidation des rives Renaturer les cours d’eau, revitaliser les rives, supprimer les consolidations en dur, favoriser la diversité des structures et des écoulements Réduction du charriage naturel de sédiments par les barrages, bassins de dessablage et dragage des bancs de gravier Créer de la place pour un lit plus large. Permettre une dynamique alluviale avec érosion des rives, dépôt de bancs de gravier, arbres tombés à l’eau, etc. Renoncer au prélèvement de gravier dans les rivières Assombrissement du cours d’eau par reboisement naturel ou artificiel des rives Aménager des portions de rives ensoleillées, entretenir et éclaircir les boisements riverains par tronçons Vagues dues aux bateaux à moteur pendant la période d’émergence. Les individus en pleine mue imaginale sont emportés par les eaux Réguler de la navigation fluviale pendant la période d’émergence en fixant une distance minimale aux rives et en réduisant la vitesse des bateaux Activités de loisirs dans les habitats larvaires Limiter les activités de loisirs dans les habitats larvaires privilégiés Eutrophisation et envasement du lit des rivières Poursuivre l’amélioration de la qualité des eaux, créer des zones tampon le long des rives Menaces Les principales menaces sont la rectification et la canalisation des rivières, de même que la consolidation des rives. Les multiples barrages qui entravent le cours de toutes les grandes rivières réduisent la vitesse du courant et ont interrompu le charriage naturel. Ceci a fortement altéré les habitats larvaires. L’assombrissement du cours d’eau par les boisements riverains péjore en maints endroits la qualité des habitats des imagos. Mesures de protection et de restauration La renaturation des grands cours d’eau est la mesure la plus importante. On visera à modifier la structure des rives en couchant des troncs d’arbre à moitié dans l’eau ou en plaçant des blocs émergents. Cela a pour effet de diversifier les écoulements et de favoriser le dépôt de sédiments fins. Les habitats larvaires sont ainsi améliorés. Les coupes dans les boisements riverains sur certains tronçons permettent de rendre plus attractifs les habitats des imagos. Une solution simple et particulièrement rentable de promouvoir l’espèce est de laisser le castor jouer son rôle d’architecte paysager. Les arbres qu’il abat sur la berge ont le même effet que les arbres tombés et partiellement immergés encore ancrés à la rive: ils génèrent des zones de plus faible courant que les larves de libellules peuvent coloniser alors que leurs branches émergentes peuvent servir de perchoir aux adultes. > Fiches de protection espèces > Libellules: Ophiogomphus cecilia 5 Bibliographie Gonseth Y. & C. Monnerat (2002): Liste rouge des libellules menacées en Suisse. OFEV, Berne et CSCF, Neuchâtel. Hedinger C. (2008): Grüne Keiljungfer: In: Das Smaragdgebiet Oberaargau im Überblick Die Massnahmen für die Arten im Detail. Verein Smaragdgebiet Oberaargau, 32-34. Bericht über Internet verfügbar: http://cms.webofsections.ch/ fileadmin/data/wwf_be/Artenvielfalt/Massnahmedetails.pdf(8.2.2010) Odonat (Hrsg.) (2005): Fiche espèce: le Gomphe serpentin (Ophiogomphus cecilia, Fourcroy 1785). 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Contributions à la protection de la nature en Suisse N° 32, Pro Natura, Bâle. Abréviations Impressum LR Auteur Gerhard Vonwil (traduction: Laurent Juillerat) Citation Vonwil G. 2013. Fiches de protection espèces – Libellules – Ophiogomphus cecilia. Groupe de travail pour la conservation des Libellules de Suisse, CSCF info fauna, Neuchâtel et Office fédéral de l’environnement, Berne. 5 p. Contact Groupe de travail pour la conservation des Libellules de Suisse GTCLS, c/o Life Science AG, 4058 Basel · [email protected] Liste rouge des Libellules menacées en Suisse (Gonseth & Monnerat 2002, http://www.bafu.admin.ch) PRIO Liste des espèces prioritaires au niveau national (OFEV 2011, http://www.bafu.admin.ch) OPN Ordonnance sur la protection de la nature et du paysage RS 451.1 (16 janvier 1991) Publiée avec le soutien technique et financier de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), cette fiche de protection peut être téléchargée sur le site www.cscf.ch SAGLS GTCLS