La cuLture La culture : introduction I 17 nature et cuLture 1. un rapport d’opposition ● Du latin colere (« habiter », « cultiver »), cultura désigne étymologiquement l’action de cultiver la terre . Le mot « culture » a ensuite pris un sens plus large et renvoie désormais à l’ensemble des activités humaines issues de la réflexion . ● Lacultureest cequis’opposeàlanature, à ce qui estdonné,inné . Elle est de l’ordre de l’acquis . 2. une définition de l’homme ● Si l’homme a une origine animale et donc naturelle, il n’en diffère pas moins qualitativement des animaux . L’instinct est ce qui régit la vie de l’animal : c’est un savoir inné, dépourvu de conscience, peu susceptible de progrès . Tandis que chez l’homme, l’instinct est atrophié . ● Pour parer au déficit de la vie instinctuelle, l’homme invente des solutions individuelles et collectives qui sont transmises par la parole, et non génétiquement . Aussi la nature de l’homme est-elle sa perfectibilité . En lui, l’intelligencesuppléeàl’instinct . II Le traVaiL a créé L’hoMMe 1. Le travail comme transformation de la nature ● L’ethnologue André Leroi-Gourhan a montré dans Le Geste et la Parole (1964) que le premier critère biologique de l’humanité, c’est le passageà lastationverticale, qui a eu pour conséquence la libération de la main . ● C’est par le travail, rendu possible par la saisie de l’outil, que l’homme s’est construit lui-même dans l’histoire . En transformant la nature, il s’est éloigné de son animalité originaire . 2. Le langage est le propre de l’homme ● Le langage apparaît alors comme l’un des moyens nécessaires du travail . Comme l’outil, il est un intermédiaire entre l’intention et l’action . Par exemple, pour couper un objet, l’homme prépare une lame tranchante au lieu de s’attaquer directement à l’objet . De même, au lieu de montrer un objet désiré et de faire signe qu’on le lui apporte, il émet des sons . ● De ce décalage est née la pensée, qui est le produit de l’action différée, médiatisée par l’outil et la parole . Langage, pensée, outils se sont donc engendrés mutuellement et se sont renforcés sur la base du travail . Philosophie Tles L-ES-S 37 III LES PROGRÈS DE L’ESPÈCE HUMAINE SONT CULTURELS 1. Les étapes de l’évolution de l’espèce humaine ●●Les progrès psychiques de l’humanité au cours des quarante ou cinquante derniers millénaires ont été d’une ampleur extraordinaire. ●●Ils s’expliquent par l’apparition de quatre faits absolument nouveaux dans l’histoire de l’évolution des espèces : – le travail, rendu possible par la découverte et l’utilisation des outils ; – le développement de la coopération entre les hommes et des échanges ; – la réalisation, par la collectivité, d’un patrimoine social accumulé et transmis de génération en génération ; – l’acquisition du langage et la genèse de la pensée. 2. L’homme s’éloigne du biologique ●●Chez l’animal, les progrès se manifestent sous la forme d’une modification de l’organisation biologique, dans le développement du cerveau. ●●Chez l’homme, les progrès de l’espèce ne se fixent pas dans un patrimoine biologique transmis héréditairement, mais dans un patrimoine social accumulé : il s’agit de tout le patrimoine constitué par l’accumulation des outils, des instruments de production, du savoir transmis de génération en génération par l’oral, puis par l’écrit, l’ordinateur, les bibliothèques, les institutions scolaires. 3. Le rôle des progrès sociaux ●●Ce glissement d’un plan à un autre représente un événement fondamental dans l’histoire des évolutions de l’espèce humaine : à des fonctions d’acquisition et de transmission individuelles de type organique, tels l’hérédité et l’instinct, se substituent des progrès collectifs d’ordre social, culturel. ●●Ainsi, chez l’homme, ce ne sont pas les changements biologiques qui jouent le rôle capital, mais les progrès sociaux. Et quelques millénaires d’histoire sociale et culturelle ont permis à l’homme de réaliser plus de progrès que les centaines de millions d’années d’évolution biologique des animaux. 4. Le naturel et le culturel mêlés ●●L’homme est donc un être de culture au point qu’il est impossible de démêler en lui ce qu’il y a d’originaire et d’artificiel. Il n’existe aucune nature biologique de l’homme qui serait séparée de toute culture. En lui, tout est fabriqué (culturel) et tout est naturel. à lire : Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues, 1781. 38 Philosophie Tles L-ES-S