La salinité et la salinisation des nappes des zones littorales du Sénégal Senghor Marie-Jeanne, Descroix Luc, Ruë Olivier, Niang Souleymane, Dianko Ibrahima, Sow Mamadou, Bouaita Yasmin, Thior Mamadou, Mendy Victor Tous membres du Laboratoire Mixte International PATEO (Patrimoines et Territoires de l’Eau), IRD/UGB/UASZ, Dakar, Saint Louis, Ziguinchor, Sénégal contact : [email protected] L’Afrique de l’Ouest développe une grande façade sur l’océan Atlantique ; apparemment assez rectiligne, n’était le Cap Vert qui s’avance à l’extrémité ouest, le littoral est en fait très découpé dans le détail, par de profonds estuaires (Sénégal, Saloum, Gambie, Casamance, Geba, etc) et par de grandes zones aux contours fluctuants de marais maritimes de plus en plus recouverts de mangrove quand on se déplace vers le Sud. En conséquence, le fait littoral s’étend en profondeur dans une zone de contact située à une altitude très proche de celle de l’océan. la première conséquence de cette morphologie générale est la profonde pénétration des eaux océaniques dans le continent par ces estuaires et les nombreuses « rivières » salées qui parcourent la mangrove et les « tannes », très étendus eux aussi. Avec l’eau de mer, le sel est aussi omniprésent jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres du littoral parfois, dans les nappes et parfois dans les sols. Le sel est une ressource mais il contraint aussi l’accès à l’eau douce pour les populations très denses habitant ces espaces au fil de l’eau. Les agrosystèmes et les sociétés se sont adaptés à ce milieu et ont su le modeler parfois pour permettre certaines activités comme le maraichage dans les Niayes, ou encore la riziculture, très ancienne dans les « Rivières du Sud ». Mais depuis la phase de sécheresse qu’a connue l’Afrique de l’Ouest à la fin du 20ème siècle, les conditions de vie semblent plus difficile, l’omniprésence du sel plus contraignante encore. Cette recherche vise à déterminer l’évolution de la salinité afin de savoir si on peut parler de salinisation, au-delà de la perception de celle-ci par les sociétés. Par-dessus tout, elle vise à faire un état des lieux de la situation actuelle de la salinité des ressources en eau, et de définir s’il y a progression réelle de la salinité. L’objectif est de déterminer, là où cette salinisation est avérée, quelles en sont les facteurs explicatifs. On sait à présent que la pluviométrie est revenue à son niveau moyen de la période 1900-2015. Les sols et les nappes devraient donc se dessaler. Par contre la demande en eau augmente encore plus vite dans les zones littorales que dans la moyenne des pays, du fait de l’urbanisation et de l’attraction des littoraux et des activités industrielles, agricoles et touristiques. Parmi les facteurs humains d’une éventuelle salinisation, il faut donc retenir le sur-pompage. Parfois ce sont des politiques publiques qui aboutissent à aggraver le problème de salinité des sols et des nappes comme dans le cas de nombreux barrages « anti-sel » dressés en Casamance, dans le cas de la rupture volontaire de la Langue de Barbarie ou encore de la construction du barrage de Diama au nord du Sénégal. D’autres éléments d’explicatifs proviennent de facteurs « naturels » même s’ils sont indirectement aggravés par l’homme. Ainsi la rupture de la pointe de Sangomar dans la région du Saloum a pu accélérer la salinisation de l’arrière-pays. De même l’augmentation de la fréquence des vents de secteur Nord-Ouest et Sud-Ouest au large de la côte ouestafricaine pourrait « pousser » l’eau de mer plus profondément dans les estuaires et les bras de mer. Enfin et surtout, l’élévation du niveau océanique produit mécaniquement une entrée plus profonde du biseau salé dans les sols des zones littorales. Mais ces trois derniers éléments sont liés et dus au réchauffement climatique, dont on sait qu’il est essentiellement d’origine humaine.