Les pronoms clitiques dans les langues romanes

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1
Les pronoms clitiques dans les langues romanes
Philip Miller et Paola Monachesi
1 Introduction*
Dans la grande majorité des langues, on trouve certains éléments dont le statut est
problématique parce que leur comportement est en apparence intermédiaire entre celui
des mots indépendants et celui des affixes habituels. S'ils semblent jouir d'une plus
grande autonomie que ces derniers, ils s'appuient phonologiquement à un hôte,
contrairement aux mots, et forment avec lui un seul mot prosodique. De tels éléments
ont souvent été appelés clitiques par les comparatistes du 19e siècle et les structuralistes,
qui distinguaient proclitiques et enclitiques selon que le clitique s'attache
prosodiquement au mot qui le suit ou qui le précède.
L'intérêt pour les clitiques dans la tradition générative au sens large est lié à deux
sources principales, d'une part l'analyse des pronoms clitiques (traditionnellement
nommés faibles ou conjoints) en français de Kayne (1975), livre basé sur sa thèse non
publiée de 1969 et l'étude typologique générale des différentes sortes de clitiques de
Zwicky (1977). Dans ce travail, Zwicky passe en revue l'ensemble des types d'éléments
qui ont pu être appelés des clitiques et relève les problèmes qu'ils soulèvent pour la
syntaxe, la morphologie, la phonologie et leurs interfaces. L'une des distinctions les plus
*
Les auteurs tiennent à remercier Anne Abeillé, Julie Auger, Sabrina Bendjaballah, Berthold Crysmann,
Elisabeth Delais-Roussarie, Paul Hirschbühler, Marie Labelle, Bernard Laks, Marc Plénat et Marleen Van
Peteghem pour l'aide qu'ils leur ont apportée dans la rédaction de ce chapitre. Nous remercions aussi
Anne-Marie Berthonneau et Anne Zribi-Hertz qui ont relu une version préliminaire et qui nous ont fait de
nombreuses remarques ainsi que Danièle Godard pour ses nombreux commentaires et son soutien
indéfectible. Enfin, nous tenons à remercier tout particulièrement nos collègues natifs d'autres langues
romanes, Ileana Comorovski, Donka Farka_, Josep Fontana, Rafael Marín, Alexandra Popescu, Liliane
Santos, Lucia Tovena, Enric Vallduví et Marina Vigário, qui ont consacré beaucoup de temps à nous
aider à éclairer des données souvent complexes. Cependant, ceux-ci ne peuvent en aucun cas être tenus
responsables des erreurs de fait ou d'interprétation qui subsistent.
2
importantes qu'il propose est celle entre clitiques simples et spéciaux. Les clitiques
simples résultent de ce qu'un mot, s'il est non accentué, peut être phonologiquement
réduit et rattaché prosodiquement à un mot adjacent. Il s'ensuit qu'un clitique simple
occupe la même position syntaxique superficielle que les morphèmes non réduits
correspondants. Les clitiques spéciaux, par contre, sont des éléments prosodiquement
dépendants d'un hôte et qui apparaissent comme variantes de formes libres autonomes,
dont ils partagent le sens et qui peuvent avoir une phonologie similaire, mais dont la
distribution syntaxique superficielle est différente. Dans le cadre de cette dichotomie,
des éléments comme les articles ou les prépositions monosyllabiques dans les langues
romanes ont pu être classés comme des clitiques simples, tandis que les pronoms
clitiques1 se rangent parmi les clitiques spéciaux.
En effet, il est bien connu que les pronoms personnels dans les langues romanes se
répartissent en deux grands types2. D'une part, les pronoms clitiques et, d'autre part, ce
que l'on appelle traditionnellement les formes fortes, toniques ou disjointes, qui ont le
même type de comportement distributionnel que les SN habituels3.
(1)
F a. Pierre te le donnera.
I b.
1
Pietro te lo darà.
Nous adoptons la dénomination pronoms clitiques dans ce chapitre, parce qu'elle est aujourd'hui la plus
répandue. Comme on le verra ci-dessous, cependant, il n'est pas du tout clair que l'ensemble des éléments
ainsi désignés dans l'étude des langues romanes doivent être analysés comme clitiques dans les sens
techniques du terme que nous discutons dans cette section introductive. Lorsqu'aucune ambiguïté n'est
possible, nous omettons pronoms et désignons simplement par clitiques les éléments en question.
2
Voir cependant Cardinaletti et Starke (1999) qui distinguent trois classes, les clitiques, les pronoms
faibles et les pronoms forts.
3
Autant que possible, nous donnons dans les exemples des phrases correspondantes dans les différentes
langues romanes illustrées, en commençant par le français, ce qui rend en général les traductions inutiles.
Cependant, dès que cela n'est pas possible, nous fournissons une traduction française, et si nécessaire une
glose morphème par morphème. Chaque exemple est précédé de l'initiale de la langue qu'il illustre :
F(rançais), P(ortugais), E(spagnol), C(atalan), I(talien), R(oumain), FQ (français québecois). On
désignera les versions anciennes, standard et parlées d'une langue en faisant précéder ou suivre l'initiale
par A, S ou P respectivement : AF = ancien français, FS = français standard, FP = français parlé. Sauf
remarque particulière, nous nous limitons à l'espagnol et au portugais européens, et c'est ainsi qu'il faut
donc entendre E et P. Nous utilisons en outre les abréviations suivantes : prés = présent, subj = subjonctif,
acc = accusatif, dat = datif, pl = pluriel, sg = singulier, m = masculin, f = féminin, Ph = Phrase (au sens de
IP en grammaire générative, voir Haegeman 1991).
3
(2)
F a. Pierre lira un livre pour Marie / pour elle.
F b. Pierre donnera le livre à Marie.
I c.
Pietro darà il libro a Maria.
On voit notamment en (1) que les pronoms clitiques apparaissent devant le verbe fini,
contrairement à la forme forte elle en (2a) et aux SN et SP pleins en (2a,b,c). On
constate également que le pronom datif te précède le pronom accusatif en (1) ; l'ordre
inverse entre ces pronoms est agrammatical, alors que l'ordre accusatif – datif est un
ordre possible pour les syntagmes pleins correspondants en (2). On peut donc en
conclure que les pronoms clitiques sont des clitiques spéciaux.
Dans cette étude, nous adopterons l'hypothèse lexicaliste, selon laquelle les mots
morphologiquement complexes sont construits dans le lexique par la morphologie et
insérés tels quels dans les constructions syntaxiques (voir p. ex. Lapointe 1980,
Anderson 1992). Une phrase est ainsi une séquence de mots syntaxiques à laquelle les
principes prosodiques postlexicaux font correspondre une séquence de mots
prosodiques. Cependant la relation entre ces deux structures n'est pas biunivoque, les
règles prosodiques pouvant rattacher un mot syntaxique à un autre pour former un seul
mot prosodique (voir p. ex. Kaisse 1985, Nespor et Vogel 1986)4.
Dans ce cadre, les clitiques simples trouvent une place tout à fait naturelle. Il s'agit
de mots indépendants sur le plan syntaxique qui sont rattachés postlexicalement à un
mot adjacent (l'hôte) pour former un seul mot prosodique avec lui. On peut donc les
appeler des clitiques postlexicaux. Nous suivons Kaisse (1985) et de nombreux autres
en adoptant l'hypothèse selon laquelle les interactions phonologiques et
morphophonologiques entre clitiques postlexicaux et hôtes sont différentes de celles
qu'on constate entre affixes et bases. Notamment, nous posons que la structure
morphologique interne d'un mot syntaxique, ainsi que l'identité des morphèmes qui le
composent, ne sont pas accessibles aux règles postlexicales, mais seulement la structure
phonologique et prosodique. Lorsqu'on les adopte strictement, ces hypothèses sont
confrontées à un certain nombre de contre-exemples apparents bien connus et pour
lesquels différents types de solutions ont été proposées (voir p. ex. Inkelas et Zec 1990
et notamment l'article de Hayes 1990 inclus dans cette collection). Tous les cadres
4
Différents types de rattachements ont été proposés dans la littérature, voir par exemple Peperkamp
(1997), Delais-Roussarie (2000) pour des discussion récentes.
4
théoriques reconnaissent d'une façon ou d'une autre l'existence d'une différence entre
processus lexicaux et postlexicaux et c'est cette distinction qui sera cruciale et
problématique dans la discussion des pronoms clitiques dans les langues romanes.
Le cas des clitiques spéciaux est a priori plus complexe à traiter dans le cadre
lexicaliste strict. Comme ils n'apparaissent pas dans la même position syntaxique que
les syntagmes correspondants, l'analyse proposée pour les clitiques simples semble a
priori inapplicable. Anderson (1992), Halpern (1995) et Fontana (1993, 1996),
développant l'étude de Klavans (1985), ont proposé que la position des clitiques
spéciaux pouvait s'expliquer par une combinaison de contraintes syntaxiques et
prosodiques. La syntaxe détermine, d'une part, un type de constituant par rapport auquel
le clitique est positionné (p. ex. Ph, SN) ; d'autre part, si le clitique se positionne par
rapport à l'élément initial ou final du constituant en question ; et enfin s'il est positionné
devant ou derrière cet élément. Par exemple, un clitique pourrait être positionné devant
le premier élément de Ph (où Ph ne comprend pas le premier élément, constituant
antéposé ou complémenteur, qui précède le verbe). Ensuite, des contraintes prosodiques
déterminent l'item spécifique auquel s'attache le clitique selon qu'il est proclitique ou
enclitique. Pour prolonger l'exemple, un tel clitique, qui serait prosodiquement
enclitique, s'attacherait au constituant antéposé ou au complémenteur. En l'absence d'un
tel hôte à gauche, deux types de solutions sont possibles selon les cas. Soit le clitique
reste dans sa position normale et reçoit exceptionnellement un rattachement proclitique
(cette analyse est essentiellement celle proposée par Fontana 1993, 1996 pour les
pronoms clitiques en ancien espagnol) ; soit une opération postlexicale appelée
inversion prosodique permet au clitique de se rattacher comme enclitique au premier
mot du domaine P, ce qui revient à dire que la contrainte prosodique sur le rattachement
du clitique prime sur la contrainte syntaxique de position. Cette analyse est proposée par
Halpern (1995) pour différentes langues et est très proche de celle de Hirschbühler et
Labelle (2000, 2001b) pour les pronoms clitiques dans les premiers stades de l'ancien
français. Nous reviendrons sur ces questions en 2.1.6 ci-dessous et, comme nous le
verrons, il est possible qu'une analyse de ce type soit encore partiellement applicable au
portugais et au roumain. Une des conséquences de ce type d'analyse est que l'hôte du
clitique spécial peut être de catégorie syntaxique très variable.
Cependant, pour la majorité des langues romanes modernes, et notamment le
français, l'italien, le catalan et l'espagnol, une analyse différente des pronoms clitiques
peut être avancée, selon laquelle il ne s'agit en réalité pas du tout de clitiques spéciaux
5
attachés postlexicalement, mais d'affixes flexionnels qui sont lexicalement attachés à
une base5. Plusieurs types d'arguments seront avancés dans ce sens ci-dessous,
notamment le fait que, dans ces langues, leur positionnement n'est pas déterminé par
rapport au premier mot d'un syntagme donné, mais bien par rapport au verbe, auquel ils
sont toujours contigus. De plus, on constate des interactions phonologiques et
morphologiques de type lexical entre les pronoms clitiques et celui-ci.
Le but de l'esquisse théorique qui précède est de situer clairement la description qui
va suivre et non de prendre une position polémique6. Si nous adoptons ce modèle
comme cadre de travail, nous sommes néanmoins tout à fait conscients des problèmes
qu'il peut soulever et nous essaierons de rester le plus près possible des données sans
fuir celles qui nous paraissent problématiques et qui sont justement, pour cette raison,
cruciales. Nous tentons en effet, dans ce chapitre, de faire une synthèse de l'état actuel
des connaissances sur la question en insistant sur le côté empirique plutôt que sur les
analyses. Il est évident que nous ne pourrons pas être complets, loin de là, mais nous
espérons faire apparaître les problématiques et les résultats qui nous paraissent les plus
pertinents. Nous essayerons de fournir une présentation détaillée des comportements
particuliers des pronoms clitiques aux niveaux syntaxique, morphologique et
phonologique, dans un certain nombre de langues et de dialectes romans.
A cause de leurs nombreuses propriétés remarquables, les pronoms clitiques ont fait
l'objet d'un grand nombre de recherches en linguistique (voir p. ex. Benveniste 1965
pour une synthèse des propriétés centrales pour le français). Au cours des trente
dernières années ils ont été étudiés dans le cadre de la grammaire générative au sens
large, notamment depuis la publication des importants travaux de Perlmutter (1970) et
5
Cette analyse a été soutenue entre autres par Miller (1992), Fontana (1993), Auger (1994), Monachesi
(1999). Elle a été également proposée pour le roumain par Monachesi (1998, 2000) et pour le portugais
par Crysmann (2000a,b), bien que pour ces deux dernières langues cela impose de recourir à des
extensions de la théorie pour expliquer certains contre exemples apparents, notamment les cas de non
contiguïté au verbe. Cependant, vu l'impossibilité de maintenir une analyse stricte en termes de clitiques
postlexicaux, on peut penser que ces langues sont dans une phase de transition. Le même type
d'hypothèse a également été proposé dans des cadres un peu différents par entre autres Rivas (1977),
Jaeggli (1982) et Enrique-Arias (2000) pour l'espagnol, par Cummins et Roberge (1994) pour le français,
et par Bonet (1991, 1995) pour le catalan.
6
Pour un ensemble de points de vue récents et variés sur le problème des clitiques en général voir les
recueils de van Riemsdijk (1999), Gerlach et Grijzenhout (2000) et Muller (2001), ainsi que la thèse très
utile de Gerlach (2002).
6
Kayne (1975), centrés sur l'espagnol et le français, qui les ont placés au centre des
problèmes théoriques importants. Les travaux qui ont suivi se sont caractérisés d'une
part par l'élargissement du nombre de langues et de dialectes étudiés, avec la prise en
compte d'abord des langues nationales reconnues et, ensuite, de nombreuses variétés
plus restreintes. D'autre part, par une analyse plus détaillée des phénomènes à l'oeuvre
dans chacune de ces langues, que ce soit au niveau de la syntaxe ou au niveau de la
phonologie et de la morphologie. Ces études ont fait apparaître que les comportements
de détail des pronoms clitiques au travers des différentes langues, et même souvent au
sein d'une même langue, sont loin d'être uniformes, même si certaines propriétés sont
partagées. Elles ont aussi fait apparaître une variété de propriétés au travers du champ
de données qui couvre apparemment presque tous les cas imaginables intermédiaires
entre celui de mot plein habituel et celui d'affixe flexionnel normal. Vu leur position à
l'interface entre syntaxe, morphologie et phonologie, et la complexité du champ des
données, les pronoms clitiques dans les langues romanes constituent un terrain
particulièrement pertinent pour mettre à l'épreuve toute théorie linguistique.
2 Propriétés syntaxiques particulières des pronoms clitiques
Les premiers travaux générativistes sur les clitiques, comme Perlmutter (1970) et
surtout Kayne (1975), se sont principalement penchés sur le statut syntaxique particulier
de ces éléments. Leur statut problématique du point de vue de l'interaction entre
syntaxe, morphologie et phonologie n'a pas été véritablement pris en compte avant la
publication de Zwicky (1977). En partant du français, Kayne (1975) a mis en évidence
une série de propriétés syntaxiques particulières des pronoms clitiques dont on a pu
montrer par la suite qu'elles étaient typiques de la situation dans la plupart des langues
romanes, bien que l'on constate beaucoup de variation dans le détail. Nous allons les
passer en revue ci-dessous en mentionnant au fur et à mesure certains cas particuliers
intéressants.
7
2.1 Position des clitiques dans la phrase
2.1.1 Clitiques positionnés par rapport à un verbe fini
La propriété la plus immédiatement distinctive des pronoms clitiques dans les langues
romanes est qu'ils n'apparaissent pas dans les mêmes positions que les SN ou SP pleins
correspondants. Il s'agit donc de ‘clitiques spéciaux’ au sens de Zwicky (1977). Ceci est
particulièrement clair pour les cas où la phrase comporte un verbe fini. En effet, dans ce
cas, les pronoms apparaissent en général devant ce verbe, alors que la position
habituelle des syntagmes pleins correspondants est derrière7.
(3)
I a.
Martina legge il libro.
F b. Martine lit le livre.
(4)
I a.
Martina lo legge.
F b. Martine le lit.
(5)
I a.
*Martina legge lo.
F b. *Martine lit le.
Les données sont identiques de ce point de vue en français, en catalan, en espagnol, et
en italien (sauf le cas exceptionnel de loro en italien, qui a été discuté en détail dans
Monachesi 1999 : 119-133, et sur lequel nous n'aurons pas la place de revenir dans ce
chapitre). En roumain, les pronoms sont proclitiques aux formes finies (6a), sauf pour
certaines configurations avec le pronom féminin accusatif o. Dans les formes verbales
avec auxiliaire de temps, alors que les clitiques en général sont sur l'auxiliaire (6b), cf.
2.1.5, le clitique o est sur le V infinitif avec l'auxiliaire du conditionnel (6e), et sur le
participe passé avec l'auxiliaire du passé (6c) ; o est cependant proclitique à l'auxiliaire
du futur (6d), la règle générale étant que o ne peut apparaître comme proclitique à un
auxiliaire commençant par un voyelle (cf. Lombard 1974 : 128-129).
(6)
R a. Marina îl/o cite_te. [*cite_te-l/o] ‘Marina le/la lit.’
R b. Marina l-a citit. [*a citit-îl] ‘Marina l'a lu.’
7
Le verbe fini dont il est question ici est soit le verbe plein, soit un verbe auxiliaire au sens d'Abeillé et
Godard (ce volume). Lorsque le verbe fini est restructurant au sens d'Abeillé et Godard, les clitiques
peuvent également apparaître sur le verbe complément non fini, voir 2.1.2 et 2.1.5.
8
R c. Marina a citit-o. Marina a lu-la. [*o a citit] ‘Marina l'a lu.’
R d. Marina o va citi. Marina la AUX.FUT lire. [*va citi-o] ‘Marina la lira.’
R e. Marina ar citi-o. Marina AUX.COND lire-la. [*o ar citi] ‘Marina la lirait.’
Le portugais, sur cette question, est exceptionnel dans les langues romanes. En effet,
dans cette langue l'enclise est la position par défaut (7a,b). Le choix entre enclise et
proclise n'est pas lié au statut fini ou non fini du verbe, mais est déterminé par la
présence d'une série d'éléments qui forcent la proclise lorsqu'ils apparaissent devant le
verbe (cf. Barbosa 1996, Rouveret 1999, Crysmann 2000a). Plus précisément, il s'agit
des complémenteurs, des expressions wh-, de la négation, de certains quantificateurs et
de certains adverbes (7c,d,e). En l'absence de tels éléments en position préverbale, les
clitiques sont enclitiques (7a,f). Les propriétés communes à ces différents déclencheurs
de proclise sont peu claires.
(7)
P a. A Marina lê-o. (La Marina lit-le) ‘Marina le lit.’
P b. *A Marina o lê. (La Marina le lit)
P c. A Marina não o lê. ‘Marina ne le lit pas.’
P d. *A Marina não lê-o.
P e. A Marina raramente o lê / *lê-o. ‘Marina le lit rarement.’
P f.
A Marina lê-o /* o lê raramente. ‘Marina lit-le rarement.’
Enfin, l'ordre des clitiques entre eux n'est pas le même que l'ordre entre les
syntagmes pleins correspondants. En effet, comme nous le verrons ci-dessous en 3.4,
l'ordre des clitiques est fixe, contrairement à ce qui est le cas pour les syntagmes
compléments (pour ceux-ci, des facteurs discursifs peuvent favoriser l'un ou l'autre
ordre, mais l'ordre n'est pas syntaxiquement contraint).
(8)
F a. Martine donnera le livre à Jean /à Jean le livre.
I b.
Martina darà il libro a Gianni / a Gianni il libro.
F c. Martine le lui /*lui le donnera.
I d.
Martina glielo /*logli darà.
On notera en particulier que l'ordre entre les clitiques correspondants en français (8c) et
en italien (8d) est inversé. De plus, en français, si l'on a un datif autre que lui, leur, on
9
obtient l'ordre datif suivi de l'accusatif (9a), comme dans le cas italien correspondant
(9b) et comme en (8d).
(9)
F a. Martine me le / *le me donnera.
F b. Martina me lo / *lo me darà.
On constate donc que des facteurs complexes régissent l'ordre des clitiques entre eux
avec des variations entre les langues et au sein d'une même langue. Nous reviendrons en
détail sur cette question en 3.4.
2.1.2 Clitiques positionnés par rapport à un verbe non fini
Dans les cas où un clitique se combine avec un verbe à l'infinitif ou au participe,
l'italien, le catalan, l'espagnol et le roumain exigent l'enclise, comme cela apparaît en
(10) (cf. aussi 6c, 6e ci-dessus). On remarquera que seul l'italien permet la cliticisation
au participe passé comme en (10b), la forme correspondante n'étant possible dans
aucune des autres langues romanes étudiées (10e,i) (cf. p. ex. Fernández Soriano 1999 :
1261 pour l'espagnol, Crysmann 2000a : 78 pour le portugais).
(10) I
a. Martina vuole leggerlo. (Martina veut lire-le) ‘Martina veut le lire.’
b. Lettolo, fu facile decidere. (Lu-le, fut facile décider.) ‘Une fois qu'il fut lu,
il fut facile de décider’
c. Avendolo letto, fu facile decidere. (Ayant-le lu, ...) ‘L'ayant lu, ...’
E d. Martina quiere leerlo.
e. *Leídolo, fue fácil decidir.
f. Habiéndolo leído, fue fácil decidir.
C g. Martina vol llegir-lo.
h. Martina vol vendre'l. (Martina veut vendre le.)
i. *Llegit-lo, va ser fàcil decidir.
j. Havent-lo llegit, va ser fàcil decidir.
P k. Tendo-o lido, foi fácil decidir.
R l. v_zîndu-m_ ‘(en) me voyant’
10
On remarquera que le standard orthographique rattache les enclitiques au verbe dans
toutes les langues (directement en italien et en espagnol, par un trait d'union ou une
apostrophe selon les cas en catalan, par un trait d'union en roumain et en portugais). Ces
conventions orthographiques reflètent le fait que les clitiques ne sont pas, dans ces
phrases, malgré les apparences superficielles, dans la même position qu'un syntagme
plein correspondant. En effet, contrairement aux syntagmes, les enclitiques ne peuvent
en aucun cas être séparés du verbe, et cela dans toutes les langues romanes (voir cidessous 2.1.4).
En français, par contre, on constate une proclise avec l'infinitif et le participe présent
(le participe passé étant incompatible avec les pronoms clitiques), comme avec les
verbes finis.
(11) F a. Martine veut le lire. (vs. *lire-le)
b. En l'ayant lu / En le lisant, il fut facile de décider. (vs. *ayant-le lu / *lisantle, ...)
c. *Lu-le / *Le lu, il fut facile de décider.
En portugais, les facteurs régissant le choix entre proclise et enclise fonctionnent
exactement comme dans les phrases finies. Cette langue romane est ainsi la seule à
avoir un choix entre position enclitique et proclitique qui ne soit pas régi par les seules
propriétés flexionnelles du verbe (cf. Rouveret 1999, Crysmann 2000a,b, Duarte et
Matos 2000). Ceci conduit à obtenir des exemples de proclitiques sur les infinitifs si
ceux-ci sont précédés d'un déclencheur de proclise au sein même de l'infinitive comme
en (12a), qui contraste avec (12b)8.
(12) P a. Marina lamentava não o conhecer.
‘Marina regrettait de ne pas le connaître’
b. Marina lamentava conhecê-lo. ‘Marina regrettait de le connaître.’
8
La situation est identique avec les infinitifs conjugués du portugais. Voir Crysmann (2000a : 83) sur les
exigences de localité sur le déclencheur de proclise (qui n'a pas d'effet s'il est dans la principale).
11
2.1.3 Clitiques positionnés par rapport à un verbe à l'impératif
En français standard, les clitiques apparaissent comme enclitiques avec les
impératifs positifs, mais comme proclitiques avec les impératifs négatifs (13a,b). En
français parlé, dans les impératives négatives sans ne, on trouve une alternance selon les
dialectes entre une conservation de la proclise (13c) et une variante innovante où
l'enclise se généralise à tous les emplois de l'impératif (13d) (voir Hirschbühler et
Labelle 2001a pour une étude détaillée).
(13) F
a. Lis-le !
F
b. Ne le lis pas !
FP
c. Le lis pas !
FP
d. Lis-le pas !
En espagnol (Fernández Soriano 1999 : 1261), en catalan (Wheeler et al. 1999 : §12.2.2,
§16.5.11) et en portugais la situation est assez similaire à celle du français standard,
mais pour ces langues, il faut tenir compte du fait que les formes spécifiques de
l'impératif (qui existent uniquement pour 2sg et 2pl) ne sont possibles que dans les
impératives positives. Dans les ordres négatifs on trouve le subjonctif (sans élément
introducteur du type que). Malgré la variété des formes, un principe unique gouverne la
position des clitiques, à savoir qu'ils sont enclitiques dans les impératives positives
(14a,c,e) et proclitiques dans les imperatives négatives (14b,d,f)9. Les mêmes principes
de positionnement s'appliquent en roumain (14g,h)10.
9
Notons qu'en espagnol et en catalan, avec les emplois habituels du subjonctif (précédés de que), les
clitiques précèdent le verbe, que la négation soit présente ou non. On contrastera ainsi C Llegim-lo !
‘Lisons-le !’ avec És possible que el llegim ‘Il est possible que nous le lisions’, et on notera que lorsqu'on
emploie un subjonctif avec que dans une principale pour exprimer un ordre, on obtient également la
proclise : C Que el llegeixi ! ‘Qu'il le lise !’.
10
Il s'agit en (14g,h) de la 2pl, car pour 2sg (Cite_te-l !) c'est l'infinitif qui est utilisé avec la négation (Nu-
l citi !). A la 2pl, la forme de l'impératif est identique à celle du subjonctif présent. Or, il est possible, en
roumain, d'exprimer un ordre au subjonctif, sans proposition rectrice et sans la particule s_ (plus ou moins
similaire à ‘que’). Dans ce cas on a des enclitiques : Bat_-l Dumnezeu ! ‘Que Dieu le punisse !’ (cf.
Lombard 1974 : 130, qui dit que de tels subjonctifs sont limités à des expressions figées exprimant une
imprécation ou un souhait) ; avec s_, les pronoms sont proclitiques : S_-l bat_ ! (cette dernière forme
étant d'un usage courant). Le fait que dans des exemples comme (14g) on n'a aucun figement suggère qu'il
s'agit bien d'un emploi impératif et non d'un subjonctif. Enfin, Lombard (1974 : 131) mentionne que, dans
12
(14) E a. Léelo !
(imp)
E b.
No lo leas !
(subj)
C c. Llegeix-lo ! (imp)
C d.
No el llegeixis !
(subj)
P e. Lê-o !
(imp)
P f.
Não o leias !
(subj)
R g. Citi_i-l !
(imp)
R h.
Nu-l citi_i !
(imp)
En italien (Cordin et Calabrese 1988 : 552 ; Vogel et Napoli 1995), on trouve
des formes impératives spécifiques à la 2sg, à la 1pl et à la 2pl. Ces formes sont
compatibles avec la négation, sauf la 2sg qui est remplacée par l'infinitif en présence de
la négation, comme en roumain. Par ailleurs, les formes du subjonctif sont possibles à
toutes les personnes avec une valeur exhortative, mais elles relèvent d'un registre plus
formel. Pour ce qui est du placement des clitiques, la situation est plus complexe que
dans les autres langues. Avec les formes spécifiques de l'impératif, en l'absence de
négation, seule l'enclise est possible (15a,d). Par contre avec la négation, la proclise et
l'enclise sont toutes deux possibles (15b,c,e,f). Enfin, avec les formes du subjonctif
(15g,h,i), la proclise toujours est obligatoire, même avec la négation.
(15) I a. Leggi-lo !
I b. Non lo leggere !
I c. Non leggerlo !
I d. Leggete-lo !
I e. Non lo leggete !
I f. Non leggetelo !
I g. Lo legga !
I h. Non lo legga !
I i. *Non leggalo !
On notera que les mêmes types de contraintes rigides sur l'ordre entre clitiques,
constatées dans le cas de la proclise pour les formes finies, se retrouvent également dans
les cas d'enclise sur les formes non finies et les impératifs, bien que l'ordre entre les
clitiques ne soit pas toujours le même en enclise et en proclise. Les impératifs
correspondant à (9a,b) sont donnés en (16). On constate que l'ordre est préservé en
italien, mais inversé en français standard (cf. 3.4 pour plus de détails).
(16) I a.
Dammelo !
F b. Donne-le-moi !
une coordination d'impératifs, on peut avoir proclise devant le second coordonné, comme en français
classique (Haase 1930 : 417, p. ex. Faites-en faire des informations, et me les envoyez le plus tôt que
vous pourrez).
13
2.1.4 Contiguïté des clitiques avec le verbe
Outre leur position linéaire particulière, les pronoms clitiques dans les langues romanes
modernes doivent être contigus au verbe, sauf dans quelques cas particuliers très limités.
Cette contrainte est catégoriquement respectée dans toutes les langues romanes en ce
qui concerne les enclitiques11.
(17) I
a. *Leggi-bene-lo !
a'.
*Voglio leggere-bene-lo.
E b. *Lée-bien-lo !
b'.
*Quiero leer-bien-lo.
P c. *Lê-bem-o !
c'.
*Quero lê/ler-bem-lo.
R d. *Cite_te-bine-o !
d.
*Marina ar citi-bine-o.
En ce qui concerne les proclitiques, les exemples en (18) illustrent le cas général.
(18) F a. *Martine le souvent lit.
I
b. *Martina lo non legge.
E c. *Martina lo no lee.
L'exemple français (18a) peut paraître peu convaincant parce qu'il est en général
anormal de placer un adverbe devant un verbe fini, et que l'inversion de l'adverbe et du
pronom clitique ne conduit pas à une phrase tout à fait acceptable (?Martine souvent le
lit). Cependant, la phrase où le clitique est séparé du verbe est d'un degré
d'inacceptabilité beaucoup plus extrême que la variante où l'adverbe apparaît devant le
pronom clitique, au point même de sembler totalement ininterprétable. Par ailleurs, en
11
L'infinitif ler se réduit à lê devant un clitique accusatif (cf. 3.2 ci-dessous), mais le choix de lê ou ler
devant bem en (17c') ne change rien à l'agrammaticalité de la phrase. En (17c,c'), la forme choisie pour le
pronom clitique est celle attendue après le verbe dont il est séparé par bem (cf. lê-o ; lê-lo). Cependant,
après une forme verbale qui se termine par [m], le clitique 3m.sg.acc est réalisé -no (cf. ci-dessous 3.2) et
on pourrait se demander si le problème posé par les exemples ne vient pas du choix de -o et -lo derrière
un mot se terminant par [m]. Mais ceci n'est pas la bonne explication, vu que le remplacement par -no
n'améliore en rien l'acceptabilité des exemples : *Lê/ler-bem-no !
14
français, où les clitiques sont proclitiques aux infinitifs, on peut montrer bien plus
clairement la distinction. En effet les infinitifs peuvent être précédés par des adverbes12.
(19) F a. Je veux bien le regarder. a'.
*Je veux le bien regarder.
Cependant, alors que les enclitiques ne peuvent en aucun cas être séparés du verbe,
la situation est un peu plus complexe pour les proclitiques. En effet, le portugais et le
roumain permettent quelques cas (classiquement appelés ‘interpolations’) où les
clitiques peuvent être séparés du verbe par un nombre limité d'éléments, typiquement
des adverbes ‘légers’. En portugais, il s'agit principalement de la négation não13.
L'exemple (20a) est emprunté à Barbosa (1996 : 7). Notons cependant que l'ordre
inverse (20b) est le seul naturel dans la langue ordinaire. Quant au roumain, il s'agit d'un
nombre limité d'éléments adverbiaux d'intensité, mai ‘encore’, cam ‘un peu, à peu près’,
prea ‘très’, _i ‘aussi’, tot ‘encore’, comme illustré en (20c). Cependant, ces éléments
eux-mêmes doivent sans doute être analysés comme des clitiques adverbiaux (cf.
Dobrovie-Sorin 1994 : 10sv ; 63sv, Monachesi 2000).
(20) P a. Ela prometeu que lhe não diria nada. ‘Elle promit qu'elle lui ne dirait rien.’
P b. Ela prometeu que não lhe diria nada.
R c. Îl mai v_d. (le encore vois.1sg) ‘Je le vois encore.’
12
En français classique, il est possible de violer la contrainte habituelle de contiguïté lorsque le verbe est
à l'infinitif, et cela peut encore marginalement se faire dans un style archaïsant, comme dans Il a
délibérément choisi de n'en pas tenir compte ; Puis j'avais découvert le moyen infaillible de ne les plus
jamais confondre, ces deux exemples étant empruntés à Togeby (1982, I : 398). Il est à remarquer que la
construction est un peu moins choquante avec les clitiques adverbiaux y et en comme le montre le
contraste entre les deux exemples cités. Cependant, aucun exemple de ce type n'est attesté dans la langue
courante.
13
Sur ce point, voir aussi Vigário (2003) et Crysmann (2000a : 85). Barbosa (1996 : 7) donne pour
acceptables dans des dialectes portugais conservateurs du nord, et en galicien, des cas d'interpolation par
un pronom sujet tonique. Par contre, Sánchez-Rei (1999) affirme que l'interpolation en général est
agrammaticale en galicien contemporain. Selon les informateurs portugais consultés, les formes avec
interpolations ne sont pas du tout naturelles en portugais contemporain. Il semblerait donc qu'elles soient
en voie de disparition.
15
Pour conclure, même si dans quelques cas extrêmement limités les pronoms
clitiques peuvent être séparés du verbe, ils ne peuvent en aucun cas apparaître dans une
phrase où le verbe dont ils dépendent est absent, comme le montre l'agrammaticalité des
réponses elliptiques (21a,b,c,d,e) et du gapping dans (22a,b,c,d) par exemple. On
remarquera que ceci est vrai même en portugais et en roumain où le clitique peut
apparaître non contigu au verbe dans les quelques cas que nous venons de discuter14.
(21) F a. Que voit Martine ? *Le./*Me. [= Martine le/me voit]
I
b. Che vede Martina ? *Lo./*Mi.
P c. Que vê a Marina ? *O./*Me.
R d. Ce vede Marina ? *O./*Îl./*M_.
R e. Cui îi vorbe_te Marina ? ‘A qui lui parle Marina ?’
*Î_i./*Îmi. ‘Leur. / Me.’
(22) F a. *Jean la voit, et Martine le/me. [= et Martine le/me voit]
I
b. *Gianni la vede e Martina lo/mi.
P c. *O João vê-a e a Marina o/me.
R d. *Radu îl vede _i Marina *o/*îl/*m_. [= _i Marina o/îl/m_ vede]
De même, les clitiques ne peuvent être directement cliticisés à une catégorie autre
qu'un verbe, même si celle-ci peut régir un SP plein qui correspond à ce clitique. C'est
ce que montrent des exemples comme les suivants, où, comme indiqué en (23a), le
clitique est sémantiquement le complément datif de l'adjectif attribut, mais doit
cependant avoir le verbe copule comme hôte (voir également les exemples (66), (67),
(68) et (70) en 4.2 pour des exemples où en et y sont sémantiquement arguments d'un
adjectif ou d'un nom complément d'un verbe mais sont attachés à ce dernier).
(23) F a. L'article semble incompréhensible à Paul.
F b. L'article lui semble incompréhensible. /*semble lui incompréhensible.
14
Dans la section 3.1 nous parlerons de certains cas où les pronoms clitiques du roumain sont
phonologiquement enclitiques au mot qui précède le verbe devant lequel ils sont placés (cf. (13j) et nu-l
citi !, s_-l bat_ ! dans la note 10). Cependant, de telles formes ne permettent pas de créer des exceptions à
la règle générale qui exige que le clitique soit contigu à un verbe, car elles ne peuvent en aucun cas
apparaître sans être suivies d'un verbe.
16
I
c. L'articolo gli sembra incomprensibile. /*sembra gli incomprensibile.
E d. El artículo le parece incomprensible. / *parece le incomprensible.
Enfin, même en l'absence de verbe, un adjectif épithète ne peut régir un clitique datif
(24a,b,c). On doit recourir à une forme forte introduite par une préposition (24d,e,f).
(24) F a. *Un article lui incompréhensible
I
b. *Un articolo gli incomprensibile
E c. *Un artículo le incomprensible
F d. Un article incompréhensible pour lui
I
e. Un articolo incomprensibile per lui
E f. Un artículo incomprensible para él
2.1.5 La montée des clitiques
Dans toutes les langues romanes, il existe des classes de verbes qui régissent des SV
non finis et qui autorisent ou exigent que les compléments du verbe régi soient cliticisés
sur le verbe recteur et non sur le verbe dont ils sont un argument sémantique. Dans les
exemples en (25a,b), le pronom est l'argument du verbe enchâssé lire/leggere mais il
doit se cliticiser sur le verbe recteur avoir/avere. En (25c), le pronom argument du verbe
enchâssé peut se cliticiser soit sur celui-ci, soit sur le verbe recteur volere. Ce
phénomène est traditionnellement désigné par le terme de ‘montée des pronoms
clitiques’.
(25) F a. Jean a lu le livre. / *Jean a le lu. / Jean l'a lu.
I
b. Gianni ha letto il libro. / *Gianni ha lettolo. / Gianni l'ha letto.
I
c. Gianni vuole leggere il libro. / Gianni vuole leggerlo. /
Gianni lo vuole leggere. ‘Gianni veut lire le livre / veut lire-le / le veut lire.’
Il est intéressant notamment de contraster (25b) et (10b). En effet ce dernier montre
qu'au moins en italien, dans les temps composés avec participe passé, l'impossibilité de
conserver les clitiques sur le verbe plein ne peut s'expliquer par une incompatibilité du
17
pronom clitique avec la forme même du participe passé15. On se reportera au chapitre
d'Abeillé et Godard dans ce volume pour une analyse détaillée du phénomène de
montée des clitiques dans les langues romanes. Elles montrent que la position spéciale
des clitiques dans ces structures est une conséquence d'un phénomène plus général
d'héritage des arguments du verbe non fini par le verbe recteur.
Enfin, on notera que lorsqu'il y a plusieurs clitiques arguments d'un même verbe, ils
ne sont pas libres de monter indépendamment les uns des autres. Si l'un des clitiques
monte, les autres doivent le suivre (“bandwagon effect”), comme cela est illustré par les
exemples italiens en (26)16.
(26) I
a. Gianni vuole darglielo. ‘Gianni veut donner-lui-le.’
I
b. Gianni glielo vuole dare.
I
c. *Gianni gli vuole darlo.
I
d. *Gianni lo vuole dargli.
2.1.6 Conclusion
L'ensemble des données discutées ici montre clairement que les pronoms clitiques dans
les langues romanes sont des clitiques spéciaux au sens de Zwicky (1977), puisqu'ils
n'apparaissent pas dans la position des syntagmes pleins qui leur correspondent.
Cependant, le principe de positionnement des clitiques fait référence à des propriétés
syntaxiques (contiguïté au verbe) et morphosyntaxiques (forme finie, non finie,
impérative) et non prosodiques. Ceci nous fournit donc un premier argument en faveur
de l'idée que les pronoms clitiques doivent en fait être analysés comme des affixes
15
Cet argument pourrait être invoqué pour les autres langues romanes, où l'on a vu qu'il y avait une
impossibilité d'attacher un pronom clitique à un participe passé.
16
On notera cependant que le clitique 3f.sg o du roumain reste sur le participe, même si un autre clitique
monte : Le-am dat-o ‘(je) le lui ai donné’. Par ailleurs, on notera les exemples classiques du type Je l'en ai
fait se souvenir (Martinon 1927 : 302) où le clitique réfléchi se reste sur l'infinitif alors que en monte (cf.
Kayne 1975 : 427-8, Kayne 1991 : 661). Enfin, Kayne (1991 : 661) mentionne des exemples comme (i)
de séparation de clitiques dans des dialectes de type franco-provençal, empruntés à Chenal (1986). Ce
type de cas demeure cependant totalement marginal dans les langues romanes.
(i)
T'an-të deut-lo ? (2.sg.dat-avoir-3.pl.suj dit-3.sg.acc ?) ‘Te l'ont-ils dit ?’
18
flexionnels du verbe, du moins dans les langues romanes modernes17. De plus, le fait
que les clitiques doivent être contigus au verbe (sauf pour les exceptions très limitées
notées en portugais et en roumain) montre qu'ils sont très sélectifs quant à la catégorie
syntaxique de l'élément auquel ils s'attachent, caractéristique typique des affixes et non
des clitiques selon les critères de Zwicky et Pullum (1983)18.
Dans les variantes anciennes, on peut suggérer suivant Fontana (1993, 1996),
Hirschbühler et Labelle (2000, 2001b) que les pronoms clitiques étaient au contraire de
véritables clitiques spéciaux. Fontana avance que les clitiques en ancien espagnol se
placent syntaxiquement devant le premier élément de Ph, mais qu'ils sont, par défaut,
prosodiquement enclitiques. Il avance également que l'ancien espagnol était une langue
dite V2 (similaire au néerlandais ou à l'allemand modernes), le verbe étant le premier
élément de Ph, mais pouvant être précédé d'un constituant dans une position initiale.
Ainsi on obtient des exemples comme les suivants, empruntés à Fontana (1996 : 55 ;
1993 : 20)19.
(27)
AE
a.
mas que=l diessen a los freyres del Temple
mais que=le ils.donnent aux frères du Temple
‘mais qu'ils le donnent aux frères du Temple’
b.
Esto=t lidiare aqui antel Rey don alfonsso
ceci=te je.défie ici devant.le Roi don alfonsso
‘Je te défie sur ceci devant le Roi don Alfonsso’
c.
tomo=l consigo por compannero
il.prit=le avec.lui pour compagnon
17
Le fait que les clitiques se réalisent tantôt comme préfixes, tantôt comme suffixes, selon les propriétés
morphosyntaxiques du verbe ne peut en aucun cas constituer un argument définitif contre une analyse
affixale. En effet, d'une part, il existe des langues ou des morphèmes qui sont clairement des affixes ont la
même propriété de ‘mobilité’ par rapport à la base (voir p. ex. Noyer 1994 et Bendjaballah 2002) ; d'autre
part la forme des pronoms clitiques n'est pas toujours la même selon qu'ils sont proclitiques ou enclitiques
(voir p. ex. Morin 1979b pour des données du français parlé, notamment le fait que y et en se réalisent /zi/
et /zã/ lorsqu'ils sont derrière le verbe dans de nombreuses variétés : ‘donne-z-en ; donne-moi-z-en’).
18
Voir cependant Monachesi (1998, 2000) et Crysmann (2000a,b) pour des propositions d'analyses en
termes d'affixe pour les cas de non contiguïté en roumain et en portugais respectivement.
19
Le signe = est utilisé ici pour séparer le clitique du verbe auquel il est phonologiquement et
orthographiquement attaché, montrant bien qu'il s'agit à chaque fois d'un enclitique.
19
‘il le prit avec lui pour compagnon’
d.
por que=las vos dexastes
parce que=les vous abandonnâtes
‘parce que vous les abandonnâtes’
En (27a), on a une subordonnée et l'élément en position initiale est le subordonnant que,
le verbe diessen étant le premier élément de Ph. En (27b), le SN objet est dans la
position initiale et en (27c), c'est le verbe lui-même qui occupe cette position. L'exemple
(27d) est intéressant car il montre un cas d'interpolation, qui serait tout à fait impossible
en espagnol contemporain. De tels exemples sont possibles à cette époque parce que la
structure syntaxique des subordonnées offre une position préverbale dans le domaine
Ph, où apparaît le sujet vos qui sépare le clitique las du verbe. La disparition de cette
possibilité en espagnol (et plus généralement dans toutes les langues romanes, sauf pour
les exceptions limitées qui subsistent en portugais et en roumain, voir 2.1.4) conduit à
éliminer le seul cas de figure où les clitiques ne sont pas contigus au verbe.
Cette analyse, présentée ici de façon très simplifiée, semble pouvoir s'étendre à
l'ensemble des langues romanes anciennes (même s'il ne subsiste aucun exemple attesté
d'interpolation en ancien français, cf. Hirschbühler et Labelle 2000). De façon très
schématique, on peut comprendre le changement qui s'est opéré en espagnol, en catalan,
en italien, en roumain et en français de la façon suivante. Ces langues perdent leur statut
V2, ce qui a conduit à augmenter considérablement le nombre de phrases où le verbe
fini est en position initiale dans Ph et précédé d'aucun élément (rappelons que dans ces
langues, y compris l'ancien français, un sujet anaphoriquement récupérable n'est
simplement pas exprimé, et que dans ce cas le verbe est à l'initiale dans une principale
SVO). Dans ces conditions, on trouve de plus en plus souvent des clitiques devant un
verbe fini à l'initiale absolue de phrase ce qui force un rattachement de type
proclitique20. Ce rattachement proclitique est ensuite étendu aux cas où le verbe fini
n'est pas initial, conduisant à la proclise systématique sur le verbe fini que nous avons
vue dans les langues modernes.
20
Fontana montre que le rattachement proclitique existe même dans l'espagnol le plus ancien, mais qu'il
est très rare puisque la structure syntaxique de la langue est telle qu'il existe normalement toujours un
élément dans la position initiale devant Ph.
20
Pour les impératives, au stade V2, Fontana fait l'hypothèse que le verbe lui-même
est dans la position initiale devant Ph, sauf s'il est accompagné de la négation qui
occupe alors elle-même cette position. Il s'ensuit que les clitiques sont enclitiques au
verbe sauf si la négation est présente. Dans ce cas, ils sont enclitiques à celle-ci. On peut
alors expliquer l'ordre des langues modernes, décrit en 2.1.3, comme un figement de cet
ordre caractéristique des impératives positives, accompagné d'une réanalyse des
clitiques dans les négatives comme proclitiques au verbe et non enclitiques à la négation
(sauf en roumain, voir (14h)).
En portugais, par contre, l'évolution du système se fait de façon très différente. On
peut faire l'hypothèse que le statut phonologique d'enclitique a été privilégié21,
conduisant à une enclise sur le verbe par inversion prosodique (cf. Halpern 1995) dans
les phrases à verbe initial. Avec l'augmentation en fréquence de ce type de construction,
cette position est devenue la position par défaut, la proclise n'étant plus déclenchée par
des contraintes prosodiques mais par la présence d'un ensemble bien délimité de types
de syntagmes initiaux. Voir aussi Vigário (2003 : 309-314) pour une analyse plus
détaillée de l'émergence de l'enclise en portugais européen, basée sur des facteurs
prosodiques.
On peut donc faire l'hypothèse que dans les langues romanes anciennes, les pronoms
clitiques étaient des clitiques postlexicaux, dont la distribution était définie par une
combinaison de contraintes syntaxiques et prosodiques typique des clitiques spéciaux.
Cependant, un processus de morphologisation de ces éléments serait en cours (et est
peut-être terminé dans des langues comme le français, l'espagnol, le catalan et l'italien)
par lequel ils sont réanalysés comme affixes flexionnels du verbe.
2.2 Le redoublement des SN ou SP pleins par des pronoms clitiques
En français standard et en italien, on constate une distribution complémentaire entre les
pronoms clitiques et les syntagmes pleins correspondants, ce qui est illustré en (28) et
(29).
(28) F a. Martine lit le livre.
21
Voir ci-dessous la fin de la section 3.1.
21
b. Martine le lit.
c. %Martine lei lit le livrei.
d. Martine lei lit, le livrei.
(29) I
a. Martina legge il libro.
b. Martina lo legge.
c. *Martina loi legge il libroi.
d. Martina loi legge, il libroi.
La phrase (28c) est un cas où le SN objet direct le livre est dit ‘doublé’ par un clitique
coréférent le. Il en va de même pour (29c). Il faut distinguer ce cas de celui de la
dislocation à droite donné en (28d) et (29d). La différence de statut est indiquée à l'écrit
par la virgule, qui marque une rupture intonative entre la phrase et le syntagme disloqué,
cette rupture étant absente en (28c) et (29c). Les phrases avec redoublement par un
clitique sont considérées comme inacceptables en français standard normatif et en
italien. Les phrases avec dislocation (28d) et (29d) sont parfaitement grammaticales,
bien que leur utilisation en discours soit soumise à certaines conditions (voir par
exemple Ashby 1988, Lambrecht 1994). Cependant, en français parlé, ainsi que dans
d'autres langues romanes, la phrase avec redoublement (28c) est tout à fait naturelle
dans certains cas et tend alors à être préférée à (28a)22. Les données sur cette question
sont extrêmement complexes, d'une part parce qu'elles sont soumises, dans chaque
langue, à de fortes variations selon les dialectes et les registres, et d'autre part parce que
la possibilité du doublement est liée en partie à des facteurs pragmatiques et discursifs
complexes, ce qui rend incertains les jugements sur les phrases hors contexte. Ceci
explique un certain nombre d'incohérences dans les données telles qu'elles sont
présentées dans différents travaux antérieurs sur la question.
Il n'est évidemment pas possible de faire le point sur ce problème complexe dans le
cadre de ce chapitre. Cependant, on notera tout l'intérêt que représente ce domaine de
variation pour les études typologiques sur la source des marques d'accord. En effet,
depuis les travaux de Moravcsik (1974) et Givón (1976), on peut, sur des bases
typologiques, faire l'hypothèse que les systèmes d'accord entre verbe et arguments
résultent de la morphologisation de pronoms doublant les arguments en question, et que
le développement de ce processus est soumis à certains principes universels. Givón
22
Nous reviendrons sur le cas du doublement des clitiques sujet en français dans la section 4 ci-dessous.
22
propose que l'accord se développe d'abord avec les arguments qui sont les plus
susceptibles d'être des topiques. En effet, il constate que l'accord apparaît plus
rapidement avec des pronoms qu'avec des SN pleins, avec des SN définis plutôt qu'avec
des SN indéfinis, avec des datifs plutôt qu'avec des accusatifs, avec des SN à référent
humain plutôt qu'inanimé, etc. Dans cette perspective, une étude systématique de la
variation sur ce point dans les langues romanes constituerait un champ
remarquablement intéressant pour développer et vérifier de telles hypothèses,
notamment en comparant avec les travaux sur les langues bantoues où un processus
similaire est à l'oeuvre (voir Givón 1976, et p. ex. Bresnan et Mchombo 1987, Creissels
2001).
On constate en effet que les données dont on dispose pour les langues romanes sont
largement compatibles avec les hypothèses de Givón. Les premiers travaux qui ont
discuté les conditions du doublement, par exemple, Farkas (1978) pour le roumain et
Jaeggli (1982 : 12-14) pour l'espagnol, ont avancé que les paramètres pertinents étaient
effectivement le statut pronominal ou non du SN objet, le fait qu'il soit datif ou
accusatif, le fait qu'il soit animé ou non et spécifique ou non. Farkas fait en outre
remarquer la pertinence des facteurs discursifs informationnels.
En espagnol (cf. Jaeggli 1982 : 12-14, Suñer 1988 : 394, Fernández Soriano 1999,
Franco 2000), par exemple, le doublement par un pronom clitique est obligatoire si
l'objet direct ou indirect est un pronom fort, et ce dans tous les dialectes (30a, b). Pour
ce qui est des objets non pronominaux, la situation varie en fonction de différents
paramètres syntaxiques, sémantiques et pragmatiques, et selon les dialectes. En
espagnol standard, quand les objets sont derrière le verbe en position non marquée, le
doublement est possible avec les objets datifs pleins (30c) mais impossible avec les
objets directs (30d,e). Il est cependant obligatoire avec certains verbes avec expérient
datif (le clitique ne pouvant être omis que si l'expérient n'est pas exprimé et est
interprété comme générique).
(30) E a. Lo veo a él. / *Veo a él.
‘Je (le) vois lui’
b. Le hablo a él. / *Hablo a él.
‘Je (lui) parle à lui.’
c. Le hablo a Juan. / Hablo a Juan.
‘Je (lui) parle à Jean’
d. *Lo veo a Juan. / Veo a Juan.
‘Je (le) vois [à] Juan.
e. *La veo la mesa. / Veo la mesa.
‘Je (la) vois la table.
23
Certains dialectes, cependant, notamment latino-américains, ont un doublement quasi
systématique des datifs pleins, et une forte préférence pour le doublement des objets
directs animés et spécifiques. Dans ces dialectes les variantes avec clitique de (30c,d)
sont très nettement préférées23. De même, le doublement est obligatoire lorsqu'un
complément datif ou accusatif marqué par a est placé devant le verbe. Il est obligatoire
pour les accusatifs sans a placés devant le verbe s'ils sont définis. Divers arguments ont
été avancés pour démontrer que les SN doublés ne sont pas disloqués dans une position
non argumentale. Jaeggli (1986 : 34) montre que le doublement est soumis à la
condition de subjacence ; Suñer (1988) observe que le constituant doublé n'est séparé
par aucune rupture intonative. D'après les informateurs consultés, les faits du portugais
semblent être assez proches de ceux de l'espagnol standard, mais nous avons trouvé très
peu de données publiées à ce sujet.
Les données du catalan (Wheeler et al. 1999 : 462-4) sont également assez
similaires. Les pronoms forts objets directs et indirects doivent être doublés par un
clitique. Dans les registres informels, on trouve un doublement dans les relatives et les
questions wh- , et même lorsqu'un SN plein datif est présent derrière le verbe (cas
considéré comme non standard par certains grammairiens). Il existe certains verbes à
complément datif expérient comme plaure ‘plaire’ et convenir ‘convenir’ pour lesquels
le doublement par un clitique est obligatoire dans tous les cas, que le datif soit un
syntagme normal, un élément wh- ou un relatif.
Enfin, il existe également une littérature abondante sur le doublement en roumain
(cf. Lombard 1974 : 150-151, Farkas 1978, Dobrovie-Sorin 1990, 1994), qui montre
que les mêmes types de facteurs sont à l'oeuvre. Selon Farkas (1978), quand l'objet
direct est un pronom fort défini et suit le verbe, le doublement est obligatoire pour les
pronoms [+humain], optionnel pour les pronoms [±humains] quand ils réfèrent à des
non humains, et impossible pour les pronoms strictement non humains. Pour les
pronoms objets directs indéfinis derrière le verbe, le doublement est impossible sauf en
cas de référents partitifs spécifiques pour lesquels il est optionnel. Quant aux SN pleins
objets directs placés derrière le verbe, le doublement est optionnel s'ils sont définis et
23
Voir Suñer (1988), Fernández Soriano (1999), Villada Moirón (2001 : 36sv) pour une discussion
détaillée de la variation dialectale et des conditions syntaxiques et sémantiques sur le doublement. On
notera enfin que dans certaines constructions à possession inaliénable le doublement de l'objet indirect est
obligatoire, p. ex. *(Le) duele la cabeza a Mafalda ‘lui fait-mal la tête à Mafalda’ (Jaeggli 1982 : 13).
24
humains (31a) ou s'ils sont indéfinis et ont un référent humain extrait d'un ensemble
spécifique. Quand l'objet direct est devant le verbe, le doublement est plus fréquent dans
tous les cas (comme le laisseraient attendre les généralisations de Givón) ; il devient
obligatoire dans tous les cas où l'objet est défini, et optionnel si l'objet direct est indéfini
humain (31b), ou indéfini non humain extrait d'un ensemble spécifique (31c) (ces
exemples sont empruntés à Farkas 1978 : 88, 94).
(31) R a. L-am v_zut pe Ion. ‘J'ai vu Ion’
[je] 3m.sg.acc-ai vu PE Ion
b. Pe un argat l-a mînat la cîmp. ‘Il a envoyé un des travailleur au champ.’
PE
un travailleur 3m.sg.acc-a envoyé au champ [= un pris dans un groupe
déjà connu]
c. O parte din pîine am mîncat-o eu. ‘J'ai mangé une partie du pain’
une partie du pain [j'] ai mangé-3f.sg.acc moi
Avec les objets indirects, le doublement est courant. Il est toujours possible, et il est
obligatoire avec les pronoms définis et les SN pleins préverbaux. Même les SN pleins à
référent non animé placés derrière le verbe peuvent être doublés. Les études de
Dobrovie-Sorin (1990, 1994) proposent des analyses détaillées des phénomènes de
doublement, en particulier dans leur interaction avec le mouvement wh-, dans le cadre
‘principes et paramètres’.
2.3 Les pronoms clitiques et la coordination
Kayne (1975 : 83, 97) remarque que les pronoms clitiques du français ne se
comportent pas comme des syntagmes pleins du point de vue de la coordination. Pour
commencer il est impossible de coordonner les clitiques entre eux24. Ceci est vrai dans
24
Morin (1981 : 19n) fait remarquer que des exemples avec coordination de clitiques sujets, comme le
suivant, sont acceptables :
(i)
Le candidat doit s'adresser au surveillant lorsqu'il ou elle veut quitter la salle.
Les emplois de ce type sont cependant très contraints et ne sont acceptables que dans un emploi
“métalinguistique” (voir Miller 1992 : 150-151) où ils permettent d'éviter de se prononcer sur le sexe du
25
toutes les langues romanes, sauf certains cas très limités en roumain, qu'il s'agisse
d'enclitiques ou de proclitiques.
(32) F a. *Martine le et la voit.
I
b. *Martina lo e la vede.
E c. *Martina lo y la ve.
C d. *La Martina el i la veu.
P e. *A Marina não o e a vê.
(33) I
a. *Martina vuole vederlo e -la. ‘Martina veut voir le et la’
E b. *Martina quiere verlo y -la.
C c. *La Martina vol veure'l i -la.
P d. *A Marina quer vê-lo e -la.
(34) F a. *Prends-le et -la !
I
b. *Prendilo e -la !
E c. *Tómalo y -la !
C d. *Pren-lo i -la !
P e. *A Marina vê-o e -a. ‘Marina voit le et la’
P f. *Olha-o e -a. ‘Regarde-le et -la !’
En roumain, la situation est plus complexe. La coordination des enclitiques est
impossible dans tous les cas, mais la coordination des proclitiques est parfois possible,
au moins pour certains locuteurs. Ileana Comorovski, c.p., suggère qu'il s'agirait peutêtre des cas où ces pronoms peuvent former un mot prosodique autonome. En effet, le
référent. On remarquera par exemple que (ii), qui a pourtant exactement la même structure syntaxique,
mais qui n'est pas susceptible d'une telle interprétation, est inacceptable :
(ii)
*Les candidats doivent s'adresser aux surveillant lorsqu'il et elle veulent quitter la salle.
Ces types d'exemples avec interprétation métalinguistique sont très marginalement acceptables avec des
pronoms objets, dans des cas de figure similaires à (i).
(iii)
??Dans ce cas, le surveillant le ou la fera sortir.
(iv)
*Dans ce cas, le surveillant le et la fera sortir.
Le type illustré en (iii) avec interprétation métalinguistique est également marginalement disponible en
cas de proclise en italien, en espagnol et en catalan. De même qu'en français, les cas de type (iv) sont
exclus dans toutes ces langues. En cas d'enclise, même l'interprétation métalinguistique est inacceptable.
La convergence des données entre les langues est étonnante sur un point a priori aussi marginal et
mériterait une investigation plus approfondie.
26
verbe lexical à consonne initiale a scrie (‘écrire’) se combine avec les formes
syllabiques des clitiques datifs de 1e et 2e personne, îmi et î_i, qui peuvent se
coordonner (35a) (au moins pour certains locuteurs) et celles-ci peuvent former des
mots phonologiques autonomes. Par contre, l'auxiliaire du passé a doit se combiner avec
les formes non syllabiques mi et _i, qui, elles, ne peuvent former un mot phonologique
autonome et ne sont pas coordonnables (35b)25.
(35) R a. Îmi _i î_i scrie. ‘[Il] me et te écrit.’
R b. *Îmi/mi _i _i-a scris. ‘[Il] me et te a écrit.’
Vu le statut prosodiquement déficient des pronoms clitiques, l'impossibilité de les
coordonner n'est a priori pas surprenante. On peut cependant observer que dans d'autres
langues, des clitiques postlexicaux peuvent avoir des variantes non réduites qui, elles,
sont coordonnables. Les raisons pour lesquelles cette stratégie est en général impossible
dans les langues romanes ne sont pas claires et mériteraient d'être étudiées en détail, et
cela d'autant plus qu'il existe des exceptions, notamment les cas roumains du type (35a)
ci-dessus, et les cas à interprétation métalinguistique discutés dans la note 24. Ces cas
exceptionnels montrent que ce ne peuvent être les propriétés prosodiques des clitiques
en tant que telles qui rendent la coordination impossible, ni leur statut de clitique
‘spéciaux’ dans la terminologie de Zwicky (1977). Dans la perspective d'une analyse
affixale des pronoms clitiques, cette contrainte trouve naturellement une explication
dans la mesure où il est habituellement impossible de coordonner des affixes
flexionnels.
Kayne (1975) faisait également observer une deuxième propriété remarquable des
clitiques objets en français, à savoir qu'ils ne pouvaient avoir une portée large sur une
coordination de verbes, comme le montre (36a). Les données sont similaires en italien
comme indiqué en (36b)26,27.
25
Ces données mériteraient d'être examinées de plus près, car la nature précise des conditions autorisant
la coordination n'est pas claire. En effet, pour d'autres clitiques syllabiques, la coordination est
impossible.
(i)
*Ma _i te vede. (‘[Il] me et te voit’)
(ii)
*Te _i îl vad. (‘[Je] te et le vois’)
26
Kayne (1975 : 97n) remarque cependant qu'avec des paires de verbes du type V et re-V la portée large
est possible : Paul les lit et relit sans cesse. De même pour l'italien, l'espagnol et le catalan : I Paolo lo
27
(36) F a. *Martine la voit et écoute. (comparer : Martine voit et écoute Marie)
I b.
*Martina la vede e ascolta. (comparer : Martina vede e ascolta Maria)
Dans les autres langues romanes, cependant, les faits sont plus complexes. En cas
d'enclise, la portée large est impossible dans tous les cas. Pour sauver les exemples (37),
il suffit de répéter le clitique sur chaque verbe28.
(37) I
a. *Voglio vedere e ascoltarla. ([Je] veux voir et écouter.la)
E b. *Quiero ver y escucharla.
C c. *Vull veure i escoltar-la.
P d. *Posso aplaudir e festejá-lo. ([Je] peux applaudir et fêter-le)
P e. *Ele viu-me e cumprimentou. (Il vit-moi et salua)
P f. *Ele viu e cumprimentou-me. (Il vit et salua-moi)
legge e rilegge continuamente ; E Pedro los lee y relee sin parar ; C En Pere els llegeix i rellegeix sense
parar. Comme le fait remarquer Josep Fontana (c.p.) d'un point de vue pragmatique cela n'est pas
tellement étonnant, puisque l'action ‘V et re-V’ est conçue comme un seul événement complexe. La
question demeure cependant de savoir comment cette propriété pragmatique peut lever ce qui est
apparemment une impossibilité morphosyntaxique (voir d'ailleurs à ce sujet la note 28). Par ailleurs, les
phrases de type (36a) semblent possibles en français jusqu'au 17e siècle au moins. Haase (1930 : 401)
donne des exemples attestés de ce type (cependant, tous les exemples sauf un proviennent d'œuvres en
vers et la répétition du pronom conduirait dans tous les cas à l'ajout d'une syllabe ; ces données
demandent donc à être confirmées).
27
Il est important de voir que l'impossibilité n'apparaît que si la coordination concerne directement le
verbe auquel serait attaché le clitique en l'absence de coordination. Des exemples comme Martine l'a vu
et écouté sont parfaitement bien formés parce que le clitique ne se rattache pas aux éléments coordonnés
vu et écouté, mais à l'auxiliaire a, qui a lui-même portée sur la coordination des deux verbes. En
négligeant cette distinction cruciale, Vigário (2003 : 133), citant Matos, donne (i) comme contre exemple.
(i)
P
Ele estava-lhe sempre a telefonar e a comprar livros.
Il lui-était toujours à telephoner et à acheter des livres
Or celui-ci est non pertinent pour les raisons indiquées, ce type de cas de figure étant grammatical dans
toutes les langues romanes.
28
Les exemples (37e,f) et (38a) sont empruntés à Rouveret (1999 : 648). On notera que la portée large
pour les enclitiques est exclue même dans les coordinations du type ‘V et re-V’ discutées dans la note 26
(I *Voglio leggere e rileggerlo continuamente ; F *Lis et relis-le sans cesse !, cf. Benincà et Cinque
1993), ce qui montre bien que l'explication pragmatique suggérée n'est pas suffisante en tant que telle.
28
Par contre en cas de proclise, les résultats semblent acceptables en portugais et en
roumain. Pour l'espagnol et le catalan, les résultats semblent marginaux, mais pas tout à
fait exclus29.
(38) P a. Afirmo que ele me viu e cumprimentou.
‘J'affirme qu'il me vit et [me] complimenta.’
P b. Todos o aplaudiram e festejaram. ‘Tous l'applaudirent et [le] fêtèrent.’
R c. Marina îl cunoa_te _i admir_. ‘Marina le connaît et [l']admire.’30
R d. Marina îmi scria _i telefona zilnic. ‘Marina m'écrivait et [me] téléphonait
tous.les.jours.’
E e. ??Martina la ve y escucha [comparer : Martina ve y escucha a María]
C f. ??La Martina la veu i escolta [comparer : La Martina veu i escolta la Maria]
Les difficultés posées par la portée large sur une coordination d'hôtes ne peuvent
s'expliquer, dans le cadre d'une analyse des pronoms clitiques romans comme clitiques
postlexicaux, simplement en termes du statut prosodiquement déficient des clitiques, car
il n'y a aucune restriction universelle contre la cliticisation d'un élément prosodiquement
faible sur l'un des membres d'une structure coordonnée (voir Miller 1992 : 155sv).
Comme on s'y attend, le rattachement prosodique d'un clitique est une opération qui ne
peut normalement pas être soumise à la condition sur les structures coordonnées, qui
veut que les phénomènes syntaxiques s'appliquent de façon symétrique aux deux
membres de celles-ci. En effet, seule la structure prosodique, et non la structure
syntaxique, peut contraindre les opérations postlexicales. Par contre, il est bien connu
que les affixes sont typiquement répétés sur chaque membre d'une coordination de mots,
29
Il semble que l'on ait affaire à une situation de variation où la portée large correspond à un système plus
ancien, mais encore partiellement accessible aux locuteurs modernes. Par exemple, Uriagereka (1995 :
105) donne l'exemple suivant de proclitique avec portée large comme bien formé : E Juan les hablará y
perdonará ‘Juan leur parlera et [leur] pardonnera’ mais ce type d'exemple n'est pas considéré comme
naturel par les natifs. De plus, il semble que la situation soit similaire en italien où certains locuteurs
acceptent marginalement et dans les mêmes conditions les exemples de portée large d'un proclitique du
type (36b).
30
Cependant, le résultat semble moins acceptable avec le pronom féminin accusatif o : ?Marina o
cunoaste _i admir_.
29
bien que certaines exceptions existent31. Le fait que l'on doive obligatoirement répéter
un élément sur une coordination d'hôtes peut donc être considéré comme un argument
très fort en faveur du statut affixal et non clitique postlexical de cet élément. Par contre,
dans la mesure où il existe des affixes qui peuvent avoir une portée large sur une
coordination de bases, la possibilité de la portée large, constatée pour les proclitiques
dans plusieurs langues romanes, ne nous dit rien sur leur statut d'affixes ou de clitiques
postlexicaux (cf. Miller 1992 : 155sv).
2.4 Règles syntaxiques affectant un verbe et les clitiques qui lui sont attachés
L'italien et le catalan ont une construction syntaxique, typique du registre parlé, qui est
parfois appelée dislocation à gauche du verbe (voir Benincà 1988 ; Monachesi 1999 :
31, Vallduví 2001). Il s'agit d'une construction où l'infinitif est disloqué à gauche, et
doublé dans la phrase par le même verbe à l'indicatif, comme en (39a,b). Cette
construction est disponible pour des infinitifs nus comme en (39a,b), mais aussi pour
des infinitifs accompagnés d'un clitique, comme en (39c,d). Par contre, il est impossible
de détacher de la sorte un verbe infinitif avec un complément de type syntagme plein,
comme le montre l'agrammaticalité de (39e,f).
(39) I
a. Dormire, dormo benissimo. ‘[Pour ce qui est de ]dormir, je dors très bien’
C b. Dormir, dormo molt bé.
I
c. Vederla, la vedo ogni giorno.
‘[Pour ce qui est de] la voir, je la vois chaque jour’
C d. Veure-la, la veig cada dia.
I
e. *Vedere Martina, la vedo ogni giorno.
‘[Pour ce qui est de] voir Martine, je la vois chaque jour’
C f. *Veure la Martina, la veig cada dia.
On constate que du point de vue de cette construction, un verbe nu et un verbe muni de
clitiques sont traités de la même façon, par opposition à la combinaison d'un verbe et
31
P. ex. la portée large pour le suffixe ordinal -ième en français, comme dans. à la cinq ou sixième
entrevue (Stendhal, cité dans Grevisse 1980 §892).
30
d'un syntagme. Ceci s'explique aisément si on admet que la dislocation à gauche du
verbe s'applique à un constituant de niveau X0, et non à un syntagme et fournit donc un
argument pour dire que l'unité formée par un verbe et les clitiques qui y sont attachés est
une unité lexicale dès le niveau de la syntaxe. Dans le cadre lexicaliste adopté ici, ceci
implique une analyse affixale des pronoms clitiques italiens et catalans (cf. Zwicky et
Pullum 1983). En effet, à défaut, il faudrait supposer que les résultats de la cliticisation
postlexicale puissent être "visibles" par une règle syntaxique, ce qui contredirait le
principe d'inaccessibilité de la phonologie par la syntaxe (voir Miller, Pullum et Zwicky
1997)32.
2.5 Le statut obligatoire de la cliticisation.
En français, il est généralement impossible d'employer une forme forte du pronom en
position de complément s'il existe un clitique correspondant, comme cela apparaît en
(40a,b,c,d). On peut donc dire que la cliticisation des pronoms objets est obligatoire. Il y
a cependant deux cas de figure qui permettent d'échapper à cette contrainte, d'une part
en cas de modification, par exemple un focus en que (40e,f), ou de coordination du
pronom forme forte (40g,h), d'autre part s'il s'agit d'une stratégie permettant d'éviter une
séquence de clitiques illicite (40i,j, cf. section 3.4 ci-dessous). Cependant, pour les cas
de coordination, il est beaucoup plus naturel, en tout cas en français oral spontané, de
doubler les formes fortes coordonnées par un pronom clitique comme en (40g',g")33.
32
Un argument similaire a été également avancé pour le français sur la base de l'alternance entre Ils m'ont
vu et M'ont-ils vu ? Kayne 1975 : 92sv analyse cette dernière phrase comme résultant de l'inversion d'un
noeud V dominant m'ont avec le pronom sujet, et en tire un argument pour considérer que le clitique objet
est adjoint au verbe. Cependant, cet argument perd une grande partie de sa force du fait que l'inversion du
verbe n'est possible qu'avec un clitique sujet, et non avec un SN plein : *M'ont les garçons vu ? Dans la
mesure où on a de bonnes raisons de penser que les clitiques sujets sont eux-mêmes des affixes (voir
section 4), on peut douter du fait qu'il s'agisse d'une opération syntaxique d'inversion et considérer qu'on a
simplement affaire à un problème de position des morphèmes dans le mot.
33
A l'écrit, on hésiterait à écrire (40g', g") sans une virgule séparant le SN coordonné, en faisant ainsi une
dislocation à droite. Voir 2.2 sur le doublement. Anne Zribi-Hertz (p.c.) suggère que l'une des différences
entre les versions avec et sans doublement (40g', g") et (40g) est que l'absence de doublement n'est
possible que dans des emplois où la référence du pronom est construite ostensivement. Lorsqu'il s'agit
d'une reprise anaphorique d'éléments topicaux, le doublement serait nécessaire.
31
(40) F a. *Marie voit moi/toi/elle/lui/nous/vous/eux.
b. Marie me/te/le/la/nous/vous/les voit.
c. *Marie parle à moi/toi/elle/lui/nous/vous/eux.
d. Marie me/te/lui/nous/vous/leur parle.
e. Marie ne voit que moi/toi/elle/lui/nous/vous/eux.
f. *Marie ne me/te/le/la/nous/vous/les voit que.
g. Marie voit Pierre et moi / toi et lui / ...
g' Marie nous voit(,) Pierre et moi.
g"Marie vous voit(,) toi et lui.
h. *Marie me voit Pierre et.
i. *Marie me te présente.
j. Marie me présente à toi.
Les autres langues romanes34, hormis l'italien, peuvent à première vue sembler
similaires à cet égard, mais il s'avère que les faits doivent presque certainement être
analysés autrement que pour le français standard35 (le français parlé étant par contre très
similaire aux autres langues romanes). L'élément qui fait apparaître cet écart est le
doublement obligatoire des pronoms forts, discuté dans la section 2.2. En effet, on
constate que, contrairement au français et à l'italien, lorsqu'on a un pronom fort modifié
ou une coordination de pronoms comme en (40g,i), ceux-ci sont normalement doublés
par un clitique. Ceci est illustré dans les exemples suivants :
(41) E a. *Veo solo a él. ‘[Je] vois seulement à lui’
b. Lo veo solo a él. ‘[Je] le vois seulement à lui’
c. *Hablo solo a él. ‘[Je] parle seulement à lui’
d. Le hablo solo a él. ‘[Je] lui vois seulement à lui’
(42) R a. *Maria nu vede decît pe mine. ‘Maria ne voit que PE moi’
34
Le portugais brésilien est totalement exceptionnel à cet égard. En effet l'utilisation de pronoms forts
sans doublement est tout à fait habituelle, voir Galves (1997).
35
Il est possible que même le français standard soit plus proche des autres langues romanes que nous ne
le suggérons. En effet, comme nous le suggère Anne Zribi-Hertz (p.c.), avec certains modifieurs de
pronom, l'absence de doublement n'est possible que dans les cas de référence ostensive : Je vois
seulement lui. vs. Je le vois seulement lui. (voir aussi note 33)
32
b. Maria nu m_ vede decît pe mine. ‘Maria ne me voit que PE moi’
c. *Maria nu vorbe_te decît mie. ‘Maria ne parle qu'à moi’
d. Maria nu-mi vorbe_te decît mie. ‘Maria ne me parle qu'à moi’
e. *V_d pe tine _i pe el. ‘[Je] vois PE toi et PE lui’
f. V_ v_d pe tine _i pe el ‘[Je] vous vois PE toi et PE lui’
(43) P a. ??Vejo a ele e a ela. ‘[Je] vois à lui et à elle’
b. Vejo-os a ele e a ela. ‘[Je] vois-les à lui et à elle’
c. ??Vê a mim e a ela. ‘[Il] voit à moi et à elle’
d. Vê-nos a mim e a ela. ‘[Il] voit-nous à moi et à elle’
Ainsi dans ces langues, ce n'est pas tant la cliticisation des pronoms qui est obligatoire,
que le doublement. L'italien, par contre, semble se situer à l'autre extrémité. Il est
difficile de dire que la cliticisation des pronoms est obligatoire dans cette langue. La
non cliticisation (sans doublement) est possible même sans modification du pronom
objet, ni coordination, par exemple dans des cas de focalisation contrastive.
2.6. Conclusion
L'ensemble des propriétés syntaxiques discutées dans cette section suggèrent,
comme nous l'avons déjà dit, que les pronoms clitiques dans les langues romanes sont
en réalité des affixes flexionnels du verbe, ou sont du moins impliqués dans un
processus de grammaticalisation aboutissant à ce statut. Il nous faut cependant
mentionner ici, pour la réfuter, une objection qui a souvent été soulevée contre une telle
analyse, à savoir le fait que les clitiques soient régulièrement attachés à un mot dont ils
ne sont pas les arguments du point de vue sémantique. C'est le cas dans les
constructions avec montée des clitiques en (25), mais aussi dans des exemples comme
(23) où le clitique est l'argument sémantique de l'adjectif attribut alors qu'il apparaît sur
le verbe copule.36 S'il est vrai que ces phénomènes rendent impossible l'analyse affixale
la plus simple qu'on puisse imaginer, les formalismes grammaticaux fondés sur les
36
Voir aussi les exemples avec en et y dans la section 4.2. On trouve des exemples où, comme pour les
clitiques datifs dans (23), ils sont sémantiquement les arguments d'un complément du verbe qui les porte
33
systèmes de traits comme HPSG ou LFG permettent des analyses strictement
lexicalistes de ces phénomènes de montée. L'idée centrale est que l'élément recteur,
déclencheur de montée pourra recevoir comme marques de flexion, dans le composant
morphologique, toute combinaison possible de clitiques. Ainsi fléchi, il sélectionnera
comme complément un constituant qui se serait combiné avec les clitiques en question.
Ce type d'analyse a été proposé de façon détaillée dans divers travaux, notamment
Miller (1992), Miller et Sag (1997), Monachesi (1999), Crysmann (2000a,b).
3. Propriétés phonologiques et morphologiques particulières des pronoms
clitiques
Nous avons vu dans les sections précédentes que les pronoms clitiques dans les langues
romanes ont des propriétés qui, à première vue, semblent intermédiaires entre celles des
mots et celles des affixes. Dans cette section, nous examinerons dans quelle mesure les
données phonologiques et morphologiques sur le comportement des pronoms clitiques
permettent d'éclairer le statut de ceux-ci, à l'interface entre syntaxe, morphologie et
phonologie37. Nous verrons une fois de plus que les comportements sont loin d'être
uniformes, à la fois d'une langue à l'autre, et même au sein d'une même langue. La
complexité des données observées et la variété des situations intermédiaires que l'on
constate sont telles qu'il est difficile de dégager des réponses uniformes, simples et
totalement convaincantes, sur le statut des pronoms clitiques au travers des différentes
langues ni même au sein de chacune de celles-ci. Aucune des diverses solutions
spécifiques qui ont été avancées dans la littérature ne s'impose clairement au regard des
données. Ainsi, dans l'état actuel des connaissances, toute réponse ferme sur le statut
des pronoms clitiques ne pourra être obtenue que grâce à d'importants présupposés
théoriques. Cependant, une telle démarche, aussi intéressante qu'elle puisse être, ne doit
pas conduire à occulter le degré de complexité effectif. Cela conduirait à
(66), (67), (68), (70), ainsi que des exemples où ils correspondent à des compléments non régis du verbe
(voir note 64), et où ils ne sont donc pas des arguments de celui-ci au sens habituel.
37
Sur cette question, voir entre autres Auger (1994, 1995), Bonet (1995), Delais-Roussarie (1999),
Gerlach (2002), Halpern (1995), Labelle (1985), van der Leeuw (1997), Miller (1992), Monachesi (1999),
Peperkamp (1997), Popescu (2000), Vigário (1999, 2003), Watson (1997), Zwicky (1987).
34
déproblématiser, en quelque sorte, un champ de données empiriques dont la complexité
même devrait au contraire conduire à faire avancer nos théories sur les interfaces entre
les composants.
3.1 Clitiques et prosodie
Pour commencer cette discussion, nous nous tournerons vers les interactions
prosodiques entre clitiques et hôte, et plus précisément vers le comportement
prosodique de l'unité résultant de la cliticisation des pronoms au verbe qui en est l'hôte.
On verra que, selon les langues, le comportement des pronoms clitiques est plus ou
moins proche de celui des affixes, mais cependant non identique, en particulier en ce qui
concerne les proclitiques.
En français, l'effet des enclitiques sur le placement de l'accent est parfaitement
identique à celui des suffixes, à savoir que l'accent est déplacé sur la dernière syllabe, si
celle-ci n'a pas pour noyau un schwa. Re'garde ! alterne avec Regarde-'les ! qui est luimême entièrement comparable au résultat de l'ajout d'un suffixe flexionnel : Regar'dez !
(cf. Delais-Roussarie 1999 : 22)38. Pour les proclitiques la situation est moins claire ;
Delais-Roussarie (1999 : 21) suggère qu'ils ont un statut différent de celui des préfixes
par rapport à l'accent d'insistance qu'on trouve optionnellement à l'initial de mot. Celuici peut, selon cet auteur, tomber sur le préfixe re-, mais non sur le clitique le dans Paul
le reverra demain. Cependant, les faits eux-mêmes ne sont pas aussi clairement établis
qu'elle le suggère : un accent contrastif sur me dans Il me le donnera ne paraît pas
impossible dans un contexte approprié.39 Il semble donc qu'en français le comportement
38
Nous utilisons ici une apostrophe devant une syllabe pour marquer qu'elle porte l'accent tonique. Nous
n'insistons pas ici sur l'enclitique le, qui est exceptionnel s'il est analysé phonologiquement comme /l_/,
car il appartient alors à un petit groupe de cas (parmi lesquels l'emploi de Parce que ! comme réponse
elliptique) où une syllabe finale ayant un /_/ pour noyau serait accentuée en français (cf. Regarde-'le ! vs.
*Re'garde-le !). Diverses solutions ont été proposées dans la littérature sur ce point, l'une d'entre elles
étant de considérer qu'il ne s'agit pas en synchronie d'un /_/ mais d'un /ø/.
39
Ces faits vont à l'encontre de l'affirmation courante selon laquelle les clitiques ne peuvent être
accentués. En français les enclitiques finaux sont toujours accentués, et les proclitiques peuvent porter un
accent contrastif lorsqu'il s'agit d'établir un contraste. Par contre, ils ne peuvent jamais porter un accent
focal (c'est-à-dire celui qui porte sur la syllabe normalement marquée par l'accent de mot, lorsqu'un mot
35
des pronoms clitiques de ce point de vue est au minimum très proche de celui des
affixes.
En italien, la présence d'un accent de mot variable rend les données plus
intéressantes. En effet, celui-ci ne peut normalement remonter au delà de
l'antépénultième. L'ajout d'un suffixe qui conduirait à une violation de cette contrainte
entraîne en général un déplacement de l'accent vers la droite. Par contre, l'ajout
d'enclitiques ne conduit jamais à un déplacement d'accent, même quand cela conduit à
accentuer une syllabe en-deçà de l'antépénultième : Te-'le-fo-na-mi (‘téléphone-moi’),
Pren-'de-te-ve-lo (‘prenez-le pour vous’)40. Ce type de donnée a été utilisé par Nespor et
Vogel (1986), par exemple, pour soutenir que les pronoms clitiques ne faisaient pas
partie du mot prosodique. Cependant, le suffixe flexionnel de 3e personne du pluriel -no
ne produit pas non plus de déplacement de l'accent lorsqu'il conduit à un accent avant
l'antépénultième : te-'le-fo-na-no (‘ils téléphonent’), in-'ter-ro-ga-no (‘ils interrogent’).
Nespor et Vogel (1986 : 148, 163n.2) considèrent que ces cas n'invalident pas la règle
générale parce qu'ils représentent un petit ensemble de cas prédictibles. Cependant,
comme le fait remarquer Monachesi (1999), le cas des pronoms enclitiques constitue
également un petit ensemble de cas prédictibles et on voit mal ce qui justifierait de les
traiter différemment. Monachesi propose que la flexion de 3pl et les clitiques en italien
sont adjoints au mot prosodique, et que c'est le mot prosodique minimal qui constitue le
domaine d'assignation de l'accent.
Par ailleurs, le comportement des dialectes italiens fait apparaître des situations plus
complexes. En napolitain (cf. Bafile 1993, Monachesi 1999), par exemple, la situation
est globalement similaire à celle de l'italien (l'accent ne peut en général apparaître avant
l'antépénultième, la distribution des clitiques par rapport au verbe est identique).
Cependant, lorsqu'on trouve deux enclitiques (à l'impératif notamment), on constate que
l'accent de mot tombe sur le premier de ceux-ci. Par exemple, dans /pørta'till_/
(porte+2sg.dat+3sg.acc), l'accent porte sur le premier des deux clitiques. Monachesi
montre que l'analyse la plus appropriée du phénomène est de considérer que le groupe
des clitiques est rattaché au verbe par une opération de type composition, c'est-à-dire
une opération lexicale.
est la réponse à une question qu-), voir Bolinger (1961). Nous remercions Anne Zribi-Hertz d'avoir attiré
notre attention sur cette référence.
40
Nous utilisons le trait d'union pour marquer ici les frontières de syllabes.
36
En catalan, en espagnol et en portugais, la présence de clitiques peut également
conduire à ce que l'accent se place en deçà de l'antépénultième (p. ex. P di'ziamo-no-lo
‘disions-nous-le’), où le clitique tombe sur la cinquième syllabe avant la fin, cf. Vigário
1999 : 224 ; 2003 : 134). Contrairement à l'italien, il semble n'y avoir aucun cas où la
suffixation flexionnelle ou dérivationnelle conduise au même résultat, ce qui suggère
que les clitiques ne font pas partie du domaine dans lequel est défini l'accent lexical.
Cependant, vu les divers types d'opérations de rattachement prosodique qui ont été
proposées dans la littérature (voir p. ex. les références données dans la note 4) il est
difficile de considérer ceci comme une objection totalement concluante contre le
rattachement lexical des clitiques. On pourrait par exemple invoquer une analyse
similaire à celle de Monachesi pour l'italien, avec adjonction du clitique au mot
prosodique (voir cependant Vigário 2003 :186-195 pour des arguments contre cette
position).
Pour conclure cette section, nous allons discuter brièvement deux cas, en roumain et
en portugais, où les propriétés prosodiques des clitiques conduisent à les attacher
prosodiquement comme enclitiques à un mot qui précède le verbe, et qui semblent être
des survivances des propriétés des clitiques dans les langues romanes anciennes
évoquées en 2.1.6. Considérons d'abord les exemples roumains en (44) (voir aussi les
exemples note 10).
(44) R
R
a. Mama-l place. ‘Maman l'aime.’ (Popescu 2000 : 784)
b. Nu-l / N-o / Nu-i a_tept. ‘(Je) ne le / ne la / ne les attends (pas).’
(Dobrovie-Sorin 1994 : 71)
R
c. Nu _tie c_-l / c-o / c_-i a_teapt_ mama. ‘(Il) ne sait (pas) qu'il / qu'elle /
qu'ils attend(ent) maman.’ (Dobrovie-Sorin 1994 : 70)
Dans ces exemples on voit que, si le clitique est postitionné devant le verbe, il est
cependant enclitique au mot qui précède, un nom en (44a), la négation en (44b), un
complémenteur en (44c). Le statut enclitique est conforme à l'intuition des locuteurs,
comme l'indique le trait d'union (qui est orthographique). Par ailleurs, il est confirmé par
les interactions phonologiques avec le mot précédent, par exemple la disparition de la
voyelle de nu et de c_ suivi du pronom accusatif o en (44b) et (44c) respectivement.
Selon Dobrovie-Sorin (1994 : 71) et Popescu (2000 : 784), les clitiques roumains
37
peuvent se rattacher optionnellement vers la gauche ou vers la droite dans ce type de
cas.
Il est crucial cependant de noter que le clitique ne peut apparaître comme enclitique
dans des configurations comme celles en (44) sans être suivi par le verbe. Ainsi (45a,b)
sont des réponses elliptiques agrammaticales aux questions Qui l'aime ? et Qui attendil ? De plus, il est impossible de coordonner l'élément sur lequel le clitique est
enclitique en répétant le clitique comme en (45c). Par contre, sans répétition du clitique,
la phrase est possible (45d).
(45) R
a. *Mama-l.
R
b. *Nu-l.
R
c. *Tata-l _i mama-l plac. ‘Papa-le et Maman-le aiment.’
R
d. Tata _i mama-l plac. ‘Papa et Maman-le aiment.’
Ces deux facteurs suggèrent que le rattachement du clitique à l'élément précédent ne
peut être lexical41. L'analyse qui semble la plus plausible, vu ces phénomènes, est que
les clitiques en roumain peuvent encore être des clitiques postlexicaux (cf. 2.1.6). Dans
ce cas, ils se positionnent devant le premier élément de Ph (qui est, étant donné les
propriétés syntaxiques du roumain, soit le verbe, soit l'un des adverbes qui peuvent
séparer le clitique du verbe dans les cas d'interpolation discutés en 2.1.4) et ils ont une
tendance au rattachement enclitique42. Il est possible que cette analyse soit
synchroniquement en concurrence avec une analyse affixale, ce qui rendrait compte de
la possibilité de choix entre enclise et proclise.
Pour le portugais européen, il a été soutenu par Carvalho (1989) que les clitiques
sont toujours prosodiquement enclitiques. Ainsi, les cas que nous avons traités comme
proclitiques dans la 2e partie seraient en fait à analyser une fois de plus comme des cas
de clitiques postlexicaux précédant le verbe mais se rattachant prosodiquement à
41
Il faudrait cependant vérifier dans le détail que ceci n'est pas en contradiction avec le type d'interaction
phonologique attesté dans ces contextes, par exemple la chute de la voyelle finale devant le clitique o
attestée en (44b, c). Notons cependant que même s'il s'agissait d'une interaction typiquement lexicale, les
stratégies de phonologie précompilée proposées par Hayes (1990) permettent de rendre compte de tels
cas, à condition que seuls un nombre limité de mots grammaticaux soient concernés, ce qui serait sans
doute le cas ici.
42
Cette analyse est proche dans l'esprit de celle proposée par Dobrovie-Sorin (1994).
38
l'élément qui le précède. Voir cependant Vigário (2003 : 54-55, 184-203) qui soutient
une position opposée à celle de Carvalho. Dans le cadre de ces observations, il est
intéressant de rappeler que ce sont justement le roumain et le portugais qui permettent
encore des cas (limités) d'interpolation.
3.2 Interactions morphophonologiques particulières entre clitiques et hôte
Une seconde voie d'investigation sur le statut des clitiques consiste à étudier les types
d'interactions morphophonologiques qu'ils ont avec leurs hôtes afin de voir si leur
comportement ressemble plutôt à celui des affixes ou à celui de mots indépendants
prosodiquement déficients. Ce critère, dû au départ à Zwicky et Pullum (1983), pose
cependant parfois certains problèmes d'interprétation, dans la mesure où l'on constate
que les interactions morphophonologiques peuvent ne pas être identiques pour
différentes classes d'affixes qui sont clairement lexicalement attachés (d'où l'idée
classique d'une morphologie stratifiée où les affixes sont divisés en groupes s'attachant à
des strates successives et où l'applicabilité des règles phonologiques est définie par
strate, voir Kiparsky 1982). Dans cette perspective, le fait qu'un pronom clitique ne
présente pas les mêmes interactions phonologiques avec son hôte qu'un affixe ayant les
mêmes propriétés phonologiques peut soit signifier qu'il n'est pas lexicalement attaché,
soit qu'il est bien lexicalement attaché, mais à une strate où le type d'interaction en
question n'est pas applicable. Cette difficulté d'interprétation des données est d'autant
plus problématique dans le cas des pronoms clitiques que, s'ils ont un statut affixal, ils
seront inévitablement parmi les affixes les plus récemment morphologisés dans les
langues romanes. Conséquemment, on peut s'attendre à ce qu'ils soient attachés dans des
strates plus tardives que les affixes plus anciens. En effet, dans la mesure où le degré
d'idiosyncrasie morphophonologique tend à augmenter avec le temps, on s'attend à ce
qu'il y ait de toute façon relativement peu d'interactions particulières entre clitiques et
hôtes, et en tout cas beaucoup moins qu'entre les bases et les affixes plus anciens.
Dans cette section, nous passerons en revue un éventail des types d'interactions
morphophonologiques particulières que l'on constate entre les clitiques et leurs hôtes43
43
Nous n'envisageons donc pas ici les interactions particulières entre clitiques (cf. 3.4), mais seulement
celles entre clitique et verbe hôte.
39
dans les différentes langues romanes ainsi que des cas où les clitiques divergent dans
leur comportement par rapport aux affixes classiquement reconnus comme tels. Pour
des études détaillées sur ces questions voir par exemple Vigário (2003) pour le
portugais, Miller (1992), Auger (1994), Delais-Roussarie (1999), pour le français,
Peperkamp (1997), Monachesi (1999) pour l'italien, Monachesi (2000), Popescu (2000)
pour le roumain, et Gerlach (2002) pour une discussion plus générale. On peut
distinguer des cas où l'idiosyncrasie est liée à un hôte spécifique et d'autres où elle est
phonologiquement conditionnée.
Pour le premier type, on peut mentionner, par exemple, le verbe aller, pour lequel
on constate une absence de réalisation phonologique du clitique y devant le radical ir-.
On contrastera Pierre y va, Pierre y allait, et *Pierre y ira, ce dernier ne pouvant se
réaliser que sous la forme Pierre ira. Or cette élision d'un /i/ devant un radical
commençant par /i/ n'est pas une règle productive dans la phonologie du français (y
illustrera ne peut en aucun cas se réduire à illustrera)44. Un autre exemple du même
type est la réalisation de la séquence je suis comme chuis [ߥi] et de je sais comme
chais [ße] en français parlé. Le phénomène est spécifique à ces deux verbes et ne peut
être attribué à une règle phonologique productive, puisque la séquence homonyme je
suis (1sg du verbe suivre) ne peut se réduire à [ߥi] dans la plupart des variétés de
français parlé.
Pour le second type, phonologiquement conditionné, en français, on trouve, par
exemple, un phénomène de semi-vocalisation ou d'insertion de yod entre le proclitique y
et un verbe à initiale vocalique qui le suit (‘ils y allaient’ pouvant être réalisé [izjal_] ou
[izijal_]). Johnson (1987) y voit l'application exceptionnelle, à un niveau syntagmatique,
d'une règle opérant, dans son système de morphologie stratifiée, aux strates 1 et 2 (p. ex.
colonie + -al _ [kolonjal]) mais non à la strate 3 (le préfixe anti- étant par exemple
rattaché à la strate 3, ce qui explique l'absence de semivocalisation dans des mots
comme antiaérien). On pourrait, comme le fait Miller (1992 : 180), en conclure que,
bien au contraire, le comportement du clitique y dans ce cas suggère justement qu'il est
attaché lexicalement avant le niveau 345. Cependant l'interprétation de ce phénomène est
44
Voir Miller (1992 : 176-7) qui montre que ira doit pouvoir être interprété comme la réalisation de y+
ira, et que l'ensemble des cas ne peut être traité si l'on pose une simple absence de y.
45
Un argument supplémentaire en faveur de cette position serait le fait que ni (qui est pourtant
monosyllabique non lexical et non accentué) ne se comporte pas comme y : ni en courant ne peut subir
40
très problématique en raison de l'incertitude qui règne sur le détail des données,
notamment en ce qui concerne la variation (voir notamment Delais-Roussarie 1999 : 21
pour une interprétation inverse). De même la réduction de la à [l] (Martine l'accepte) et
de tu à [t] (t'es prêt) devant des hôtes à initiale vocalique ne peut pas non plus être le
résultat d'une règle phonologique productive (voir Morin 1979b : 4, 24 ; Miller 1992 :
176sv).
On trouve des phénomènes similaires dans les autres langues romanes. Nous en
citerons ici quelques exemples. En italien, on trouve une réduction facultative des
clitiques accusatifs lo et la à [l] devant un hôte à initiale vocalique (Martina l'elegge ou
lo elegge ‘Martina le choisit’). Ceci ne peut pas être le résultat d'une règle phonologique
productive (cf. Monachesi 1999), et cela d'autant plus que le clitique prédicatif lo,
homonyme du clitique accusatif, ne peut pas se réduire pas dans les mêmes
environnement (Martina lo è vs. *Martina l'è ‘Martina l'est’).
En roumain, on constate également des idiosyncrasies dans la réalisation des
clitiques (voir Lombard 1974 : 134sv et Monachesi 2000 ; voir aussi Popescu 2000 et
Gerlach 2002 pour des interprétations inverses de ces faits). Par exemple, on constate
une élision facultative de la voyelle des clitiques qui se terminent en [_] devant un verbe
qui commence avec un [a] ou un [o] non accentué, illustrée en (46a,b). Par contre, si le
verbe est un auxiliaire, l'élision est obligatoire (47a,b). On notera que pour les emplois
non auxiliaires du verbe a avea (‘avoir’), l'élision est optionnelle même si la forme
phonétique est identique à celle de l'auxiliaire (48a,b). Ceci montre bien que l'élision ne
peut être due à un règle phonologique productive.
(46) R a. M_ a_teapt_.
b. M-a_teapt_.
(47) R a. M-a invitat.
‘[Il] m'attend.’
‘[Il] m'attend.’
‘[Il] m'a invité.’
b. *M_ a invitat.
(48) R a. M-ai acolo.
b. M_ ai acolo.
‘[Tu] m'as là.’
‘[Tu] m'as là.’
une semi-vocalisation : *[njãkurã]. Il y aurait donc bien une différence de statut entre un mot
prosodiquement faible comme ni et le clitique y.
41
De même, le clitique se est facultativement élidé devant un verbe qui a un [a] ou un [o]
non accentué à l'initiale (49a,b). Par contre, l'élision est impossible pour les clitiques te,
ne, ou le dans les mêmes contextes (50a,b).
(49) R a. Se a_eaz_.
b. S-a_eaz_.
‘[Il] s'assied.’
‘[Il] s'assied.’
(50) R a. Te a_teapt_.
‘[Il] t'attend.’
b. *T-a_teapt_.
‘[Il] t'attend.’
En portugais, le clitique accusatif 3m.sg peut se réaliser sous les formes o, lo et no
(les données sont parallèles pour les autres clitiques accusatifs os (3m.pl), a (3f.sg) et as
(3f.pl)). Le choix entre ces formes (voir Vigário 1999 : 228-9, 2003 : 141-143) dépend
de la phonologie de l'hôte. Si le verbe qui précède (ou le clitique qui précède) se termine
par une consonne, celle-ci est élidée et le clitique apparaît sous la forme lo (p. ex. dás
[donner.prés.2sg] + 3m.sg.acc _ dá-lo). Si le verbe qui précède se termine par une
diphtongue nasale le clitique apparaît sous la forme no (p. ex. comem [manger.prés.3pl]
+ 3m.sg.acc _ comem-no). Pour certains locuteurs, la réalisation no est limitée aux cas
où la diphtongue nasale correspond à la réalisation du suffix de 3pl. Dans les autres cas,
la forme o apparaît (p. ex. como [manger.prés.1sg] + 3m.sg.acc _ como-o). Comme
l'indique Vigário, il est clair que ces variations ne peuvent être dues à des règles
phonologiques productives en portugais.
De même, en portugais, la présence de certains clitiques derrière une consonne
finale conduit à l'élision de celle-ci. Cette élision se produit de façon systématique
devant les clitiques accusatifs, comme nous venons de le voir. Mais pour les autres
clitiques, l'élision ne concerne que des combinaisons spécifiques. Par exemple, la
consonne finale tombe si elle fait partie du marqueur 1pl et que le clitique qui suit est un
datif de 1e ou 2e personne du pluriel (nos ou vos) à l'exclusion des autres clitiques datifs
(me, te, lhe, lhes). Ainsi, damos [donner.prés.1pl] + 1pl.dat _ damo-nos mais damos +
3pl.dat _ damos-lhes. De même, si le -s final n'est pas celui de la marque de 1pl,
l'élision ne se produit pas, même devant les clitiques datifs nos et vos, p. ex. dás
[donner.prés.2sg] + 1pl.dat _ dás-nos.
Par contre, toujours en portugais, Vigário (1999 : 224sv, 2003 : 134sv) met en
évidence certains processus phonologiques lexicaux qui s'appliquent entre affixes et
bases mais non entre pronoms clitiques et verbes hôtes. Par exemple, selon Vigário, la
42
diphtongaison nasale est une règle lexicale qui s'applique uniquement en position finale
de mot. Or cette règle n'est pas bloquée par l'ajout d'un enclitique, ce qui suggère que
celui-ci est ajouté postlexicalement.
(51) P a. batente [e~] / *[ ~j] ‘marteau de porte’
b. batem
*[e~] / [ ~j] ‘[ils] battent’
c. batem-te *[e~] / [ ~j] ‘[ils] te battent’
De même, il existe selon Vigário une règle lexicale de centralisation de /e/ qui
s'applique lorsque la voyelle est suivie d'un segment palatal hétérosyllabique, p. ex. le e
de abelha (‘abeille’) est réalisé / / et non /e/. Or cette règle ne s'applique pas dans le cas
similaire où le segment palatal fait partie d'un enclitique, p. ex. dê-lha (‘donne-le-lui’)
où e est réalisé /e/ et non / /. Cependant, il existe différentes exceptions à cette règle
(cf. Vigário 2003 : 78-82) et l'interprétation des données s'avère être complexe à
plusieurs niveaux. Elle est en cela représentative de la situation dans l'ensemble des
langues romanes. D'abord, on constate une variation dialectale importante sur les
phénomènes dont il est question, qui complique la tâche de collection de données
uniformes. Ensuite, les analyses proposées ne sont pas a priori évidentes et
demanderaient à être poussées plus loin. Enfin, même en admettant que la
caractérisation des données et l'analyse de base du phénomène soient correctes, on peut
tirer des conclusions divergentes selon les hypothèses théoriques que l'on se donne. En
effet, certains auteurs ont proposé l'existence d'une morphologie syntagmatique
‘précompilée’ (voir p. ex. Hayes 1990), qui permet de rendre compte, au niveau de la
phonologie et de la morphologie lexicales, d'alternances morphophonologiques
dépendantes de l'environnement syntaxique ; Vigário (2003) propose d'adopter les
mécanismes de Hayes pour traiter les clitiques du portugais comme des clitiques
postlexicaux tout en rendant compte de leurs propriétés morphophonologiques
idiosyncrasiques. De même, comme nous l'avons vu dans la section précédente, diverses
extensions de la théorie de la hiérarchie des constituants prosodiques, et notamment la
possibilité de l'adjonction, permettent de prévoir des interactions divergentes parmi les
affixes selon qu'ils font partie du mot prosodique minimal ou qu'ils sont adjoints à celuici. Enfin, si l'on adopte les principes de la ‘morphologie distribuée’ (cf. Harley et Noyer
1999, Harris 1997a,b), l'ensemble du débat sur le statut affixal ou clitique des pronoms
43
clitiques romans perd la plus grande partie de son intérêt. En effet, au niveau de la
syntaxe, les affixes et les clitiques sont traités de la même façon, comme des matrices de
traits sans substance phonologique, tandis qu'au niveau morphologique et phonologique
la distinction entre processus lexicaux et postlexicaux n'est pas considérée comme
pertinente46.
3.3 Lacunes dans les paradigmes
Une autre propriété considérée par Zwicky et Pullum (1983) comme caractéristique des
affixes est l'existence de lacunes dans les paradigmes (qui sont dits ‘défectifs’ dans la
terminologie traditionnelle). Les clitiques postlexicaux, par contre, ne doivent pas, selon
eux, exhiber de lacunes dans leurs paradigmes de combinaison (sauf si celles-ci sont
dues à des principes phonologiques généraux). En effet, dans la mesure où leur
cliticisation est un phénomène postlexical, elle ne peut être contrainte, dans un modèle
lexicaliste, par des propriétés spécifiques de l'hôte sur lequel s'appuie le clitique. Or, on
constate des cas de lacunes dans les paradigmes des pronoms clitiques. Comme pour les
idiosyncrasies morphophonologiques, on peut distinguer les cas où ces lacunes
concernent la combinaison des clitiques avec leur hôte et ceux où elles concernent la
combinaison des clitiques entre eux. Seul le premier cas sera traité dans cette section, le
second étant renvoyé au cadre plus général des contraintes sur la séquence des clitiques,
qui sera traité en 3.4. Voici quelques exemples pertinents.
En français, par exemple, on constate, avec la grande majorité des verbes, une
lacune dans le paradigme des clitiques sujets inversés pour présent de l'indicatif à la
1sg : *Chante-je vs. Chantes-tu ? Chante-t-il ? etc.47. Quelques verbes ont une forme
avec le clitique je inversé (p. ex. suis-je, puis-je, dois-je, ...) mais les locuteurs
46
Voir par exemple Harley et Noyer (1999 : 4)"In D[istributed] M[orphology] the distinction between
two types of phonology — ‘lexical’ and ‘postlexical’ — is abandoned."
47
Nous ignorons ici la forme chanté-je qui n'est plus usitée sauf dans un style écrit archaïsant. Notons de
plus que l'on ne peut invoquer une quelconque raison pragmatique pour expliquer l'inacceptabilité des
formes de type *Chante-je ? puisque des phrases comme Est-ce que je chante ce soir ? ne posent aucun
problème.
44
francophones varient dans la liste précise des verbes permettant je enclitique48. De
même, Miller (1992 : 175-6) note que, parmi les temps composés du français,
l'impératif passé est exceptionnel en cela qu'il est impossible d'y avoir des clitiques
objets. On constrastera ainsi les deux phrases Aie mangé ton potage avant mon retour !
et *Aie-le mangé avant mon retour ! Notons que le verbe plein avoir à l'impératif
n'exclut pas les clitiques objets : Aie-le toujours présent à l'esprit ! Enfin, on peut
remarquer l'impossibilité des clitiques réfléchis sur avoir verbe plein (*Heureusement
qu'on s'a ; que nous nous avons)49.
En italien, Benincà et Cinque (1991) notent que les participes présents peuvent être
suivis par tous les clitiques datifs (52a). Pour les clitiques accusatifs, ceux de première
et de deuxième personne sont possibles (52b), alors que ceux de troisième personne ne
ne le sont pas, sauf marginalement la forme masculin pluriel li, lorsque le participe est
au pluriel (52c). Si cependant le participe est au singulier, même le masculin pluriel est
exclu (52d).
(52) I
a. I compensi spettanti-mi/-ti/-gli/-le /-ci/-vi
‘les compensations m' / t' / lui (3sg.m.dat) / lui (3sg.f.dat) /nous / vous ...
appartenant’
b. Gli argomenti riguardanti-mi/-ti/-ci/-vi
‘les arguments me / te / nous/ vous concernant’
c. Gli argomenti riguardanti*-lo/*-la/*-le/?-li
‘les arguments le / la / les (3pl.f.acc) / les (3pl.m.acc) concernant’
d. *L'argomento riguardante-li. ‘l'argument les concernant’
Enfin, on peut considérer que dans des exemples roumains comme ceux de (6),
répétés ici en (53), on a un cas de lacune dans les paradigmes. En effet, la nécessité
48
On notera que puis-je est par ailleurs un cas d'idiosyncrasie morphophonologique, puisque le -je
enclitique sélectionne l'allomorphe /p¥i/ de pouvoir et exclut l'allomorphe /pø/ (*peux-je) alors que les
deux sont acceptés (avec cependant des variations liées au registre) pour je proclitique (je peux, je puis).
49
Remarquons que le sens que devraient avoir ces phrases, si elles étaient bien formées
(approximativement ‘Heureusement qu'on est là l'un pour l'autre’), est parfaitement cohérent. On notera
par ailleurs l'existence d'une certaine variation sur ces jugements, certains locuteurs trouvant par exemple
nous nous avons moins mauvais que on s'a (sur cette propriété de avoir, voir Morin 1984, Abeillé et
Godard 2002).
45
d'utiliser le pronom accusatif féminin o comme enclitique sur la forme non finie, et non
comme proclitique sur l'auxiliaire lorsque celui-ci commence par une voyelle, peut être
considérée comme un mécanisme de supplétion pour des formes manquantes avec
proclitiques du type *o a et *o ar50.
(53) R a. Marina o cite_te. ‘Marina la lit.’
b. Marina a citit-o. (Marina a lu-la) ‘Marina l'a lu.’
c. Marina o va citi. (Marina la AUX.FUT lire) ‘Marina la lira.’
d. Marina ar citi-o. (Marina AUX.COND lire-la) ‘Marina la lirait.’
3.4 Contraintes sur l'ordre et la réalisation des séquences de clitiques
Les contraintes qui pèsent sur l'ordre et la réalisation des séquences de pronoms
clitiques constituent l'une de leurs propriétés les plus remarquables. Perlmutter (1970),
dans le premier travail générativiste important sur la question, s'est attaché à décrire ces
contraintes pour l'espagnol et le français. Perlmutter conclut à l'impossibilité d'un
traitement syntaxique motivé de celles-ci et propose une analyse où toutes les
combinaisons de clitiques sont produites en syntaxe, le résultat étant ensuite filtré, au
niveau de la structure de surface, par une matrice de séquences possibles. Malgré
certaines tentatives pour rendre compte de l'ordre des pronoms clitiques en syntaxe51, la
grande majorité des linguistes travaillant sur la question ont suivi Perlmutter dans ses
conclusions même s'ils n'ont pas adopté l'analyse par filtrage qu'il proposait.
Trois traits principaux caractérisent ces contraintes. D'abord l'ordre entre les
clitiques est fixé pour chaque dialecte et présente des caractéristiques qui ne semblent
pas pouvoir être explicables par des principes syntaxiques habituels. Ensuite de
nombreuses combinaisons de clitiques sont impossibles alors qu'on ne peut a priori les
exclure pour des raisons syntaxiques ou sémantiques. Enfin, la morphophonologie des
séquences de clitiques relève clairement de la phonologie lexicale, avec l'apparition de
nombreuses formes en combinaison qui sont imprédictibles à partir des formes isolées.
50
On explique parfois l'impossibilité de ces formes par le fait que le verbe commence par une voyelle.
Cependant, cette explication ne peut être suffisante, vu que o monte sur le verbe modal a avea de + supin.
46
Considérons les exemples en (54) et (55) par opposition aux variantes inacceptables
données en (56) à (58) :
(54) F a. Martine {le lui / lui} envoie.
I
b. Martina glielo spedisce.
R c. Marina i-l trimite.
E d. Martina se lo envía. [*Martina le lo envía.]
(55) F a. Martine me l'envoie.
I
b. Martina me lo spedisce.
R c. Marina mi-l trimite.
E d. Martina me lo envía.
(56) F a. *Martine lui l'envoie.
I
b. *Martina lo gli spedisce.
R c. *Marina l-i trimite.
E d. *Martina lo se/le envía.
(57) F a. *Martine le m'envoie.
I
b. *Martina lo mi spedisce.
R c. *Marina îl-mi trimite.
E d. *Martina lo me envía.
(58) F a. *Martine me lui / lui me présente. [cf. Martine me présente à lui.]
I
b. *Martina mi gli / gli mi presenta. [cf. Martina mi presenta a lui.]
E c. *Martina me le / le me presenta. [cf. Martina me presenta à él.]
Pour commencer, on constate qu'en français, l'ordre entre les clitiques accusatifs et
datifs dépend des personnes des clitiques en question. Si les deux clitiques sont de
troisième personne, le clitique accusatif précède le clitique datif, voir (54a) vs. (56a).
Par contre, si le clitique datif est de première ou de deuxième personne et le clitique
accusatif de troisième personne, le clitique datif doit précéder le clitique accusatif voir
(55a) vs. (57a). Aucune contrainte de ce type n'est attestée entre les syntagmes pleins
correspondants.
51
P. ex. Fiengo et Gitterman (1978) (voir Morin 1979a pour une critique détaillée de leurs propositions).
Voir cependant Laenzlinger (1993) pour une proposition plus récente et plus intéressante.
47
De même, ces exemples montrent que l'ordre entre clitiques accusatifs et datifs de 3e
personne est opposé en français (où le datif suit l'accusatif) et en italien, roumain et
espagnol (où l'accusatif suit le datif), voir (54) et (56). Or il semble impossible de
corréler cette différence d'ordre à d'autres contrastes syntaxiques plus généraux qui
opposeraient le français, d'une part, et l'italien, l'espagnol et le roumain, d'autre part
(ceci est d'autant plus vrai que la séquence lui le de (56) est attestée dans certaines
variétés régionales de français qui n'ont par ailleurs aucune différence syntaxique
notable avec le français standard).
Ensuite, les exemples (54) à (58) font apparaître que certaines combinaisons de
clitiques sont impossibles ce qui constitue un exemple supplémentaire de lacune dans
les paradigmes (cf. 3.3). Par exemple, (58) montre qu'il est impossible de combiner me
accusatif et lui datif. Cette contrainte est présente dans toutes les langues romanes (et
apparemment dans les séquences de clitiques dans d'autres langues non apparentées) et a
fait l'objet de diverses tentatives d'explication (voir p. ex. Haspelmath 2001 pour une
discussion récente). Mais la plupart des contraintes de ce type sont beaucoup plus
idiosyncrasiques. Par exemple, la séquence me te est généralement exclue dans les
langues romanes. Cependant, elle est possible en roumain à condition que le pronom de
1e personne soit datif et celui de 2e accusatif : Marina mi-te trimite (‘Marina t'envoie à
moi’). On remarquera par ailleurs qu'en français, pour une partie des locuteurs, la
séquence me te est acceptable dès lors que les deux pronoms sont datifs, situation qui
apparaît dans des constructions comme Pierre me te semble fidèle, où, de plus, me doit
être interprété comme le complément de semble et te comme celui de fidèle. Enfin, il est
en général difficile d'avoir des séquences de plus de deux clitiques. Une fois de plus, on
voit mal comment des contraintes syntaxiques habituelles pourraient expliquer ce genre
de contrainte, puisque les formes fortes et les syntagmes pleins n'y sont absolument pas
soumis.
Enfin, on voit apparaître de nombreuses idiosyncrasies morphophonologiques dans
la réalisation des séquences de clitiques. En espagnol, la combinaison des clitiques
datifs (le, les) et accusatifs (lo, la, los, las) de 3e personne provoque le remplacement du
clitique datif par le clitique se, comme cela apparaît en (54d) (voir Perlmutter 1970). En
français, il est normal, (même à l'écrit, cf. Grevisse 1980, §1070.2) de réaliser les
séquences le/la/les + lui/leur par lui/leur, comme cela apparaît pour lui dans la 2e
variante de (54a) (voir p. ex. Morin 1979b, Auger 1994, Miller 1992 pour de nombreux
exemples de ce type en français). De même, en portugais (voir Hutchinson et Lloyd
48
1996 : 39, Vigário 1999, 2003 : 141sv) les séquences correspondant à la combinaison
des clitiques de 3e personne datifs (lhe, lhes) et accusatifs (o, a, os, as) sont réalisées
lho, lha, lhos, lhas, où la marque de nombre -s est celle de l'accusatif, celle du datif
étant neutralisée. De même, les clitiques datifs de 1e et 2e personne (me, te, nos, vos)
fusionnent avec les accusatifs de 3e personne (p.ex. avec o on obtient respectivement
mo, to, no-lo et vo-lo). En italien, dans la combinaison des clitiques datifs et accusatifs
(p. ex. lo) de 3e personne, la distinction entre le datif singulier masculin gli et le féminin
le est neutralisée, et l'on obtient glielo dans les deux cas, *lelo étant impossible. De
même, si l'on crée une situation où l'on s'attendrait à avoir une séquence du réfléchi si et
de l'impersonnel si, au lieu de la séquence si si attendue, on obtient ci si. Ainsi, en (59a)
on a un si réfléchi et en (59b) un si marquant l'impersonnel. Si on transforme (59a) en
impersonnelle comme en (59c), au lieu de l'ajout d'un second si on obtient ci si.
(59) I
a. Si veste pesante.
‘Il se vêt pesamment.’
I
b. Si mangia bene.
‘On mange bien.’
I
c. Ci si/*Si si veste pesanti.
‘On se vêt pesamment.’
Il est intéressant de noter ici que l'idée souvent invoquée pour expliquer ce phénomène,
à savoir une contrainte contre la répétition de deux clitiques de forme identique, n'est
pas suffisante, même si elle contient certainement une part de vérité. En effet, une
séquence comme se se est possible si le premier se est la conjonction ‘si’ et le second le
clitique impersonnel, p. ex. Se se la sente (‘S'il en a envie’ litt. ‘Si [il] se la sent’). Le
clitique si (comme tous les clitiques se terminant en -i) apparaît toujours sous la forme
se devant les clitiques commençant par l et n, ce qui constitue d'ailleurs encore une autre
idiosyncrasie morphophonologique. De même, dans les situations où l'on pourrait
s'attendre à une combinaison du clitique locatif vi et du clitique de 2e personne de
pluriel homophone, on obtient vi ci et non vi vi. (Cf. Monachesi 1999 : 28sv).
Ce type de phénomène apparaît dans toutes les langues romanes et est
particulièrement développé en roumain (voir Monachesi 1998, Popescu 2000) et encore
plus en catalan (voir Bonet 1991, 1995, Harris 1997a,b, Wheeler et al. 1999 : 202sv).
Dans cette dernière langue, pour ne prendre qu'un seul exemple parmi de nombreux cas,
la combinaison du clitique neutre ho et du clitique locatif hi conduit, dans la langue
parlée à Barcelone, à une forme totalement inattendue li comme le montrent les
exemples suivants empruntés à Bonet (1995 : 622).
49
(60) C
a. Això, ho portaré a Sabadell demà. ‘Ceci, [je] 3.neut porterai à Sabadell
demain.’
C
b. A Sabadell, hi portaré això demà. ‘A Sabadell, [je] y porterai ceci
demain.’
C
c. Això, a Sabadell, li portaré demà. (*ho hi / *hi ho)
‘Ceci, à Sabadell, [je] l'y porterai demain.’
Même si cela demanderait à être prouvé dans le détail pour chaque cas, il apparaît
clairement que les irrégularités morphophonologiques complexes que nous avons
évoquées dans les paragraphes qui précèdent ne peuvent être le résultat de règles
phonologiques postlexicales productives, ce qui rend inimaginable une construction
postlexicale des séquences de pronoms clitiques52. C'est pour cela que tous ceux qui se
sont interessés à la question depuis Simpson et Withgott (1986) ont conclu que les
séquences de clitiques devaient être construites en morphologie, même si certains des
auteurs qui soutiennent cette position s'opposent à celle qui est soutenue ici en ce qui
concerne le rattachement de la séquence ainsi construite avec le verbe (p. ex. Popescu
2000, Gerlach 2002).
Afin de rendre compte des contraintes sur l'ordre et la compatibilité des clitiques, on
propose généralement de les analyser en termes d'une matrice morphologique de
positions (‘template’) du type illustré dans les tableaux 1 et 2. Dans ces tableaux, les
colonnes successives indiquent l'ordre d'apparition des clitiques. Les clitiques
apparaissant dans la même colonne ne peuvent se combiner entre eux. Le tableau 1
présente la matrice de positions pour l'italien53. Sauf cas très exceptionnels, la séquence
comporte un maximum de deux éléments.
52
Ceci est admis même par les opposants au statut affixal des clitiques, comme par exemple Vigário
(1999, 2003).
53
Voir Monachesi (1999 : 203sv) pour l'inventaire de toutes les séquences de clitiques attestées dans un
corpus italien de 13 millions de mots. Le tableau 1 rend compte de l'ensemble de ces séquences. Cordin et
Calabrese (1988 : 589) proposent une version différente où les colonnes I et II du tableau 1 sont séparées
en cinq : (i) mi ; (ii) gli, le (datif) ; (iii) vi ; (iv) ti ; (v) ci. Ceci permet de rendre compte de certaines
combinaisons marginales (elles ne sont d'ailleurs pas attestées dans le corpus de Monachesi) que ne
permet pas le tableau ci-dessus (p. ex. ?mi gli, ?gli ti) ; en contrepartie, il faut poser des incompatibilités
entre colonnes (p. ex. il faut interdire les combinaisons de de (i) et (iv) (*mi ti) et de (iii) et (iv) (*vi ti), ce
50
Position
I
II
III
IV
V
VI
mi
ci (adv)
si (réfl)
lo
si (imp)
ne
ti
la
gli
li
le (dat)
le (acc)
ci
vi
Tableau 1 : Matrice positionnelle des clitiques en italien (Monachesi 1999 : 23)
Pour le français, le tableau suivant a été proposé par Perlmutter 1970 : 226.
Remarquons d'abord qu'il est destiné aux proclitiques et qu'il inclut des positions pour
les clitiques sujets (colonne I) et pour le clitique négatif ne (colonne II), qui n'existent
pas en italien standard. Pour les enclitiques, les colonnes III et IV doivent être inversées
en français standard. De plus, on constate globalement une beaucoup plus grande
variabilité de l'ordre des enclitiques, d'abord entre les différentes variétés de français (ce
qui se trouve également de façon limitée pour la proclise), mais surtout, dans certaines
configurations, pour un même locuteur, qui pourra par exemple alterner entre Donnemoi-le ! et Donne-le-moi !
Position
I
II
III
IV
V
VI
VII
je
ne
me
le
lui
y
en
tu
te
la
leur
il, elle
nous
les
on
vous
etc.
se
Tableau 2 : Matrice positionnelle des clitiques en français (Perlmutter 1970 : 226)
qui est automatique dans le tableau 1). De plus, il n'est pas clair que ces combinaisons marginales relèvent
d'une matrice de positions, puisque l'ordre ?gli mi n'est pas jugé plus mauvais que l'ordre ?mi gli prévu par
la matrice de Cordin et Calabrese.
51
En plus des contraintes imposées par le tableau en tant que tel, on doit interdire la
combinaison d'éléments provenant des colonnes III et V pour exclure les exemples de
type (58a), avec cependant le problème (similaire à celui noté ci-dessus pour me te dans
%Pierre me te semble fidèle) que les séquences de type me lui/leur sont acceptables
pour certains francophones quand les deux clitiques sont datifs (%Pierre me lui semble
fidèle). Par ailleurs, il est souvent dit que la séquence ne peut comporter au total que
deux clitiques objets (provenant des colonnes III à VII)54. De plus, on doit stipuler
diverses autres difficultés de cooccurrence qui ne concernent pas toujours des colonnes
entières (voir p. ex. Morin 1979b, 1981), surtout pour l'enclise (p. ex. *menons-l'y ; *lui
y parler vs. m'y parler). Enfin, il est bien connu que, dans toutes les langues romanes,
les datifs éthiques échappent largement aux contraintes imposées par les matrices de ce
type, ce qui est peut-être à mettre en rapport avec la possibilité pour certains locuteurs
de produire des séquences me lui avec me datif (p. ex. %Paul te m'a donné une de ces
gifle, Leclère 1976 : 93). Ce comportement est en contradiction totale avec l'esprit de la
morphologie de position incarnée par les matrices.
Au-delà des difficultés déjà mentionnées, on peut reprocher à ce type de
représentation le fait qu'il manque de puissance explicative, puisque rien n'y motive le
classement des clitiques en colonnes, ni l'ordre des colonnes, ni les contraintes de
compatibilité. Certaines personnes ont tenté de proposer des explications syntaxiques
et/ou sémantiques et/ou phonologiques à ces phénomènes. On consultera par exemple
Watson (1997) qui, tout en admettant que la séquence de clitiques est construite
morphologiquement, explique l'ordre et la cooccurrence en termes des traits
±ACCUSATIF et ±INDIVIDUATION, combinés à certaines contraintes phonologiques ; de
même, Laenzlinger (1993) propose une explication syntaxique de l'ordre et de la
cooccurrence basée également sur des traits morphosyntaxiques et sémantiques. La
question reste ouverte cependant de savoir jusqu'à quel point les explications proposées
peuvent être généralisées à tous les cas de figure de l'ensemble des langues et des
dialectes de façon cohérente.
54
On notera cependant la parfaite acceptabilité d'exemples du type Pierre me la lui a fait raconter,
relevés par Tasmowski (1985), où l'on a d'une part une séquence de trois clitiques objets, d'autre part des
membres des colonnes III et V (séparés cependant dans ce cas par un élement de IV, sans lequel la
séquence devient inacceptable). L'acceptabilité de ces exemples est d'autant plus étonnante qu'on peut
penser qu'il ne doit pas s'agir d'occurrences fréquentes.
52
D'autres travaux récents ont proposé d'expliquer les phénomènes d'ordre, de
cooccurrence et d'idiosyncrasie en termes de la théorie de l'optimalité, qui permet
beaucoup de flexibilité dans l'explication grâce à la possibilité de hiérarchiser les mêmes
contraintes différemment selon les langues ou les dialectes (voir p. ex. Grimshaw 1997,
Popescu 2000, Legendre 2000, Gerlach 2002). Cependant, dans ce type de cadre, on
peut considérer que le manque explicatif se situe au niveau du choix et de la
hiérarchisation des contraintes.
Dans les deux types d'explications que nous venons d'évoquer, la motivation des
contraintes proposées est d'une plausibilité variable. Par exemple, le fait d'invoquer la
hiérarchie de l'animé de Siewierska (1988) (1 > 2 > 3 > humain > animaux supérieurs >
autres organismes > matière non organique > abstraits) et une hiérarchie des arguments
(sujet > objet indirect > objet direct) et de suggérer que les clitiques tendent à être
ordonnés en fonction de celles-ci (comme le font p. ex. Watson 1997 et Gerlach 2002)
paraît a priori intéressant. Cependant de tels principes généraux sont clairement
insuffisants. Par exemple, la séquence le lui de (54a), où le est objet direct et peut
référer à un inanimé, et lui est objet indirect et réfère à de l'animé contredit la hiérarchie
de Siewierska et la hiérarchie des arguments. Watson et Gerlach proposent des
explications pour cette séquence fondée sur des principes auxiliaires mais c'est à ce
niveau que les choses peuvent sembler beaucoup moins convaincantes.
Une autre hypothèse sur le statut des régularités partielles sur lesquelles sont
fondées les explications que nous venons d'évoquer serait qu'il s'agit de figements
morphologiques diachroniques d'ordres anciennement motivés, mais qui depuis leur
figement ont été modifiés par des phénomènes de métathèse morphologique et de
syncrétisme entre morphèmes (voir Hyman et Mchombo 1992 pour une argumentation
de ce type en faveur de la lexicalisation d'une série d'affixes en chichewa).
3.5 La mésoclise et les interactions entre clitiques et affixes
Dans un modèle lexicaliste, un clitique postlexical doit a priori être plus à l'extérieur
que les affixes attachés à la même base. C'est ce qu'exprime le critère de Zwicky et
Pullum (1983) selon lequel les clitiques, mais non les affixes, peuvent s'attacher à un
hôte qui contient déjà un clitique. Deux types de cas sont répertoriés dans les langues
53
romanes où l'on a en apparence un pronom clitique dans une position située entre la
base verbale et un suffixe, ce qu'on appelle parfois un cas de ‘mésoclise’.
Le cas le plus connu de ce type est celui du futur et du conditionnel en portugais où,
lorsqu'on s'attendrait à avoir des enclitiques, on constate que les pronoms clitiques
apparaissent entre la base verbale et le suffixe de temps et personne.55 Si cependant on
se trouve dans un cas où un déclencheur de proclise est présent dans la phrase, le suffixe
se trouve directement attaché à la base verbale.
(61) P
a. falaremos
‘nous parlerons’
P
b. falar-lhe-emos
‘nous lui parlerons’
P
c. não lhe falaremos
‘nous ne lui parlerons pas’
Sur base de ces faits, Zwicky (1987) et Halpern (1995) ont suggéré que les pronoms
clitiques portugais doivent être analysés comme des affixes. Cependant, plusieurs
auteurs ont contesté la validité de cette analyse. Leeuw (1997 : 139sv) propose une
analyse détaillée du phénomène, dans le cadre de la théorie de l'optimalité, dans des
termes qui reviennent à nier la pertinence de la distinction entre affixes et clitiques dans
un cas de ce type. Vigário (1999, 2003 : 147sv) suggère que la marque de temps et de
personne (dont on sait par ailleurs que, comme dans les autres langues romanes, elle
dérive du verbe latin habere) a un double statut. D'une part, dans des exemples comme
(61a,c), elle fonctionne comme un véritable affixe flexionnel entièrement morphologisé.
Par contre, dans les exemples de mésoclise, comme en (61b), elle fonctionnerait comme
un verbe, qui sert d'hôte aux clitiques, et qui se combine avec un infinitif par
composition. Vigário donne différents arguments en faveur de cette analyse, notamment
en montrant que les formes avec mésoclise comportent deux mots phonologiques et ont
deux accents primaires. Elle mentionne par ailleurs le fait que certains locuteurs
portugais utilisent une forme innovante falaremos-lhe à la place du type (61b), où le
clitique est derrière la marque de temps et de personne. Selon elle, dans de telles
variantes, l'analyse du marqueur de temps et de personne comme verbe disparaît, et il ne
subsiste que le statut de suffixe normal. On notera cependant que l'ensemble de ces
données n'est pas nécessairement incompatible avec une analyse entièrement
morphologique des formes en question.
55
On trouve des exemples similaires en roumain archaïque, voir Lombard (1974).
54
Le second cas où l'on peut suggérer qu'un suffixe apparaît derrière un clitique
concerne des formes rencontrées dans certaines variétés d'espagnol parlé, où le suffixe
de troisième personne du pluriel -n peut se trouver derrière un enclitique, et non devant
comme cela est exigé dans la langue normative. On obtient ainsi, à la place de
siéntense ! (‘asseyez-vous !’, sentar.subj.prés-3.pl.réfl) des formes comme siéntesen
(Fernandez Soriano 1999 : 1257) où la marque de 3e personne de pluriel -n n'apparaît
pas sur la base verbale, mais derrière le clitique réfléchi se. Ce type de cas semble être
un argument très fort en faveur du statut affixal des pronoms clitiques (ou plus
précisément des enclitiques) dans les variétés d'espagnol en question, dans la mesure où
il paraît très difficile d'attribuer un statut autre qu'affixal au morphème -n.
4. Les clitiques sujets et les clitiques adverbiaux
4.1 Les clitiques sujets
Dans la majorité des langues romanes un sujet anaphoriquement ou déictiquement
récupérable n'est pas exprimé par un pronom, mais simplement indiqué par la marque
de flexion suffixale de personne (certaines théories posant cependant la présence d'un
pronom phonologiquement vide ‘pro’ en position sujet, voir p. ex. Haegeman 1991).
Ainsi, (62a) est bien formé en italien. En français et dans la plupart des dialectes du
nord de l'Italie56, par contre, on constate l'existence de clitiques sujets obligatoires dans
ce genre de contexte, ce qui apparaît dans (62b,c).
(62) I
a. Mangia.
‘Il mange.’
b. El magna. / *Magna. ‘Il mange.’ (trentin, Rizzi 1986 : 391)
F
c. Il mange. / *Mange.
Kayne (1975) a proposé une analyse des clitiques sujets du français essentiellement
identique à celle des clitiques objets, en termes de mouvement du pronom depuis la
position syntaxique normale du sujet vers une position adjointe au verbe. Cette analyse
en termes de mouvement permettait entre autres de rendre compte de la distribution
56
Nous tirerons nos exemples pour ce chapitre de Rizzi (1986) ; voir également Poletto (1999).
55
complémentaire que l'on constate entre clitique sujet et SN plein en français standard
normatif, parallèle à la situation décrite en (28c) pour les clitiques objets. Cependant,
dans la plupart des variétés de français parlé, on constate une présence très systématique
du clitique sujet qui double le SN plein quand il est présent. Il en va de même dans les
dialectes italiens discutés par Rizzi (1986). Ce doublement s'étend même, dans les
dialectes italiens et dans certaines variétés de français, à des SN quantifiés indéfinis
comme un enfant, quelqu'un ou personne.
(63) FS
a. *Personne il ne mange.
FQ
b. en campagne, quand quelqu'un il dansait... (Auger 1994 : 97)
FP
c. Ben oui mais alors personne il a une table exhaustive ? (exemple trouvé
sur un forum de discussion sur la toile).
d. Gnun l'a dit gnent.
‘Personne il a dit rien.’ (turinois, Rizzi 1986 : 396)
Ces phénomènes ont conduit Rizzi (1986) pour les dialectes italiens, Auger (1994)
pour le français parlé québécois, et Zribi-Hertz (1994) pour la variété de français parlé
de France parfois appelé le français ‘avancé’, à conclure que les pronoms clitiques
sujets étaient en fait des marqueurs d'accord avec le sujet. Auger (1994) fait par contre
remarquer qu'on ne trouve pas, en français parlé, de doublement de SN quantifiés
indéfinis en position objet et en conclut que les clitiques objets ne sont donc pas
(encore) des marques d'accord en français parlé57. Cette asymétrie entre sujet et objet,
ainsi que l'ordre d'apparition du phénomène de doublement systématique avec différents
types de SN, vont tout à fait dans le sens de la hiérarchie des marques d'accord de Givón
(1976), discutée en 2.2. ci-dessus, selon laquelle les pronoms sujets se grammaticalisent
en marque d'accord avant les pronoms objets et les SN définis déclenchent l'accord plus
tôt que les SN indéfinis.
Nous avons parlé en 3.2 et 3.3 des idiosyncrasies morphophonologiques et des
lacunes qu'on constate avec les clitiques sujets en français, ce qui suggère qu'ils ont à la
fois le statut de marque d'accord et d'affixe lexicalement attaché. Ces mêmes arguments
montrent que les pronoms objets peuvent être analysés comme des affixes dans toutes
les variétés actuelles de français parlé. Par contre, comme on vient de le dire, il n'est pas
57
Dans la perspective de Givón (1976), on pourrait suggérer que les clitiques objets sont déjà des
marques d'accord en français parlé, mais que l'accord n'est pas déclenché par tous les types de SN.
56
clair que les pronoms objets fonctionnent en français comme marques d'accord58. Ce
constat a conduit Miller (1992) et Auger (1994) à contester l'idée parfois exprimée selon
laquelle le statut de marque d'accord est un préalable au statut d'affixe dans les langues
romanes. Cette position rapproche la situation d'une langue comme le français de
certaines langues bantoues où les marqueurs de sujet et d'objet ont clairement le statut
d'affixes lexicalement attachés, mais où seul le sujet est un marqueur d'accord (voir p.
ex. Givón 1976, Bresnan et Mchombo 1987 et Creissels 2001).
Un indice supplémentaire du statut d'affixe lexicalement attaché des pronoms sujets
en français parlé est le fait, noté par Miller (1992 : 158) et Zribi Hertz (1994 : 138),
qu'on doit répéter le pronom sujet avec une coordination d'hôtes, contrairement au
français standard (voir section 2.3 ci-dessus). Ainsi, Elle chante et elle danse est très
nettement préféré à Elle chante et danse en français parlé. Rizzi (1986 : 403) montre
que la même chose est vraie en trentin où seul La canta e la balla avec répétition du
clitique sujet la est acceptable.
Dans la section 2.5, nous avons parlé du statut obligatoire de la cliticisation des
pronoms objets en français. Les pronoms sujets sont à cet égard plus complexes. En
effet, si le doublement des formes fortes sujets est la norme dans toutes les variantes
usuelles de français parlé, le français standard permet des sujets formes fortes non
doublés, mais uniquement à la 3e personne (Lui viendra ; Eux viendront ; mais *Moi
viendrai ; *Toi viendras). Cette asymétrie, déjà étudiée par Benveniste (1965 : 201), n'a
pas encore été expliquée de façon satisfaisante.
4.2 Les clitiques ‘adverbiaux’
Pour conclure cette section, nous dirons quelques mots des clitiques dits
‘adverbiaux’ (la dénomination traditionnelle n'est pas heureuse, car dans beaucoup de
cas ils correspondent à des syntagmes pleins qui ne sont pas des adverbes) qui existent
en français (en et y), en italien (ne, ci et vi), et en catalan (en, hi)59. Sur le plan
58
Dans certains cadres théoriques on pourrait les appeler des pronoms incorporés, p. ex. Baker (1988).
59
Pour alléger le texte, lorsque les langues montrent le même comportement, nous utiliserons EN pour
représenter le pronom catalan et français ainsi que le ne italien et Y pour désigner le pronom français et les
pronoms italiens ci et vi, ainsi que le catalan hi. Nous ne prenons pas en compte ici les différences entre ci
et vi en italien.
57
morphologique et phonologique, ces éléments ont clairement le même statut que les
pronoms clitiques objets habituels. Cependant, leurs fonctions possibles dans la phrase
sont beaucoup plus variées (voir p. ex. Sandfeld 1970: 134-168 et Pinchon 1972 pour le
français ; Wheeler et al. 1997 : 186-196 pour le catalan ; Cordin et Calabrese 1988 :
559-565 et 633-644 pour l'italien)60.
Une première fonction de EN est de permettre l'anaphore de SP en de (I di, da ; C
de). Le clitique
Y
est similaire à cet égard et permet l'anaphore de SP avec toutes les
prépositions locatives du type à, dans, sur, sous, ...(I a, in, ... ; C a, en, ...)61,62. Ceci est
illustré dans les exemples (64) et (65)63.
(64) F
a. Les étudiants n'en sont pas sortis. [en = de cette amphi]
I
b. Gli studenti non ne sono usciti. [ne = da questo anfiteatro]
C
c. Els estudiants no n'han sortit. [en = d'aquesta aula]
F
d. Il en a parlé. [en = de ce cas]
I
e. Ne ha parlato. [ne = di questo caso]
C
f. N'ha parlat. [en = d'aquest cas]
(65) F
a. Il y allait souvent. [y = à Paris]
60
F
a'.Tu n'y étais pas. [y = dans ta maison]
I
b. Ci andava spesso. [ci = a Parigi]
Pour des études sur des questions plus spécifiques concernant ces clitiques, voir entre autres Belletti et
Rizzi (1981), Haverkort (1999), Milner (1978), Ruwet (1990).
61
Dans les trois langues, il y a une restriction importante sur la pronominalisation par Y des SP en à, à
savoir qu'il est nécessaire qu'ils ne puissent pas être pronominalisables par des clitiques datifs (voir aussi
note 63). On notera cependant que cette contrainte est moins claire dans certaines variétés de français
parlé (considérées comme non standard) où y remplace lui : %J'y ai dit... Cordin et Calabrese (1988 : 562)
rapportent un phénomène similaire dans les parlers régionaux en Italie, aussi bien méridionale que
septentrionale : %A Marie, ce l'ho detto ieri ‘A Marie, [je] y l'ai dit hier’.
62
En catalan (cf. Wheeler et al.1999 : 191sv), hi permet de pronominaliser une plus grande variété de SP,
comprenant des non locatifs, p. ex. Sortia amb en Terenci, però ja no hi surt. ‘Elle sortait avec Terenci,
mais elle n'y sort plus’ = ‘mais elle ne sort plus avec lui’.
63
Dans les trois langues, EN et Y ont le plus souvent des antécédents non humains. Cette contrainte est
cependant loin d'être absolue, voir p. ex. Ruwet (1990), Sandfeld (1970), ainsi que l'exemple catalan de la
note précédente. De même, le verbe penser (65d,e,f) permet l'apparition de y avec un antécédent humain.
Dans les trois langues, on constate, avec certains verbes, une alternance entre datif et Y selon le statut
humain ou non de l'antécédent, p. ex. Il lui/y a dédié l'après-midi [à son ami / à son travail].
58
I
b' Non c'eri. [ci = a casa tua]
C
c. Hi anava sovint. [hi = a París]
C
c'.No hi eres. [hi = a casa teva]
F
d. Il y pense. [y = à son examen]
I
e. Ci pensa. [ci = al suo esame]
C
f. Hi pensa. [hi = en el seu examen]
Ces exemples montrent que le SP pronominalisé peut être un complément locatif
(64a,b,c, 65a,b,c, 65a',b',c')64. Il peut également être un complément non locatif introduit
par une préposition (64d,e,f) et (65d,e,f). De plus, comme pour le cas des clitiques datifs
régis par des adjectifs évoqués en (23), les clitiques adverbiaux peuvent apparaître sur
un verbe alors qu'ils sont sémantiquement régis par un adjectif attribut de celui-ci,
comme illustré en (66) et (67)65.
(66) F
I
b. Ne è molto contento. [ne = della sua macchina]
C
c. N'éstà molt content. [en = del seu cotxe]
(67) F
64
a. Il en est très content. [en = de sa voiture]
a. Il s'y sent attaché [y = a ce laboratoire]
I
b. Egli ci si sente legato. [ci = a questo laboratorio]
C
c. Ell s'hi sent vinculat [hi= al seu laboratori]
Dans les trois langues, les exemples sont moins naturels lorsque le SP locatif n'est pas un argument du
verbe souscatégorisé par le verbe. Cependant, avec Y , si le contexte prépare la relation entre le lieu et
l'activité, les phrases sont acceptables.
(i)
F
J'aimais aller à cette discothèque. Je savais que Marc y dansait chaque nuit.
I
Mi piaceva andare a quella discoteca. Sapevo che Marco ci ballava ogni notte.
C
M'agradava anar a aquella discoteca. Sabia que en Marc hi ballava cada nit.
Par contre, il semble impossible dans les trois langues de pronominaliser par EN un SP locatif en de dans
les mêmes conditions : *Marc en a plongé [du dessus de la falaise] ; *Marco se ne è tuffato ; *Marc se
n'ha capbussat.
65
Ces constructions sont cependant soumises à des contraintes qui restent à élucider. Par exemple, alors
qu'une phrase comme Il y est fidèle [y = à ses principes], similaire à (67a), est acceptée par les
francophones, les variantes italienne et catalane de cet exemple sont rejetées par nos informateurs, malgré
le parallélisme apparent avec (67b,c) : I *Ci è fedele. [ci = ai suoi principi] ; C *Hi és fidel. [hi = als seus
principis].
59
Par ailleurs, le clitique EN peut correspondre à un complément de nom issu de l'objet du
verbe, comme en (68). Les exemples parallèles avec y sont cependant impossibles,
comme cela apparaît en (69), bien que le nom régisse dans les trois langues un
complément en à. De plus, en français et en italien, mais non en catalan, avec une classe
limité de verbes66, EN peut correspondre à un complément de nom issu du sujet, comme
en (70).
(68) F
a. Je n'en connais pas le nom. [en = de l'auteur de ce livre]
I
b. Non ne conosco il nome. [ne = dell'autore di questo libro]
C
c. No en conec el nom. [en = de l'autor d'aquest llibre]
(69) F
a. *Je ne m'y rappelle pas le voyage. [vs. Je ne me rappelle pas le voyage à
Paris]
I
b. *Non ci ricordo il viaggio. [vs. Non ricordo il viaggio a Parigi]
C
c. *No hi recordo el viatge. [vs. No recordo el viatge a París]
(70) F
a. L'auteur en est célèbre. [en = de ce livre]
I
b. L'autore ne è celebre. [ne = di questo libro]
C
c. *L'autor n'és cèlebre. [en = d'aquest llibre]
Notons encore que le catalan est exceptionnel en ce qu'il permet l'utilisation de hi pour
pronominaliser certains attributs (SAdj ou SN)67. Enfin, EN et Y apparaissent dans de
nombreuses expressions idiomatiques dans les trois langues. En français on a par
exemple en avoir marre, il y a, etc. Voir Wheeler et al. (1999 : 195) et Cordin et
Calabrese (1988 : 640) pour des exemples similaires en catalan et en italien.
66
La nature exacte de la classe de verbes permettant la pronominalisation en EN du complément du sujet
comme en (6) a fait l'objet de débats, et il est souvent affirmé qu'il s'agit des verbes inaccusatifs (voir
Belletti et Rizzi 1981, par exemple, mais voir aussi Tasmowski 1990 pour un point de vue différent).
67
Wheeler et al. (1999:193-4) donnent les exemples suivants : Digué que el ferro es tornaria or, però no
s'hi va tornar. ‘Il a dit que le fer deviendrait de l'or mais il ne l'est pas devenu’ [litt. ne s'y est pas tourné].
—És gaire salat aquest arròs ? —Sí que l'hi trobo. ‘—Est-ce que ce risotto est très salé ?’ —Je trouve
que oui.’ [litt. je l'y trouve]. Wheeler et al. notent également que cet emploi de hi (ainsi qu'un emploi
similaire de en) apparaît dans la langue parlée pour les attributs des verbes ser, estar, semblar, esdevenir
et aparentar, bien que la norme exige que ces verbes pronominalisent leur attribut avec le pronom neutre
ho.
60
Le deuxième emploi central de
EN
est celui qu'on appelle partitif ou quantitatif
(cf. p.ex. Milner 1978), dans lequel il sert d'anaphore à un antécédent nominal non
spécifique. Par exemple, en (71), l'antécédent pourrait être livres, livres anglais, livres
de grammaire, etc.
(71) F
a. Il en veut (trois) [, de livres].
I
b. Ne vuole (tre) [, di libri].
C
c. En vol (tres) [, de llibres].
Sur base du contraste entre (72) et (73), il est souvent affirmé (cf. Belletti et Rizzi 1981)
que cet emploi est limité à la position objet direct des verbes transitifs et au sujet
postverbal des verbes inaccusatifs. Cette donnée a été utilisée comme argument en
faveur d'une représentation syntaxique de l'inaccusativité, le sujet préverbal du verbe
inaccusatif étant en position d'objet en structure profonde et se comportant comme un
objet dans cette position du point de vue du EN quantitatif68.
(72) F
a. *Trois en sont venus. [en = de clients].
I
b. *Tre ne sono venuti. [ne = di clienti].
C
c. *Tres n'han vingut. [n' = de clients].
(73) F
a. Il en est venu trois. [en = de clients].
I
b. Ne sono venuti tre. [ne = di clienti].
C
c. N'han vingut tres. [n' = de clients].
Cependant, en italien et en catalan, de nombreux locuteurs ont le même contraste avec
des verbes clairement inergatifs comme dormir et téléphoner, ce qui met serieusement
en doute les propositions de Belletti et Rizzi69.
(74) F
a. *Trois en ont téléphoné. [en = de clients].
I
b. *Tre ne hanno telefonato. [ne = di clienti].
C
c. *Tres n'han telefonat. [n' = de clients].
68
(72b) et (74b) sont acceptables en italien avec un accent focalisant sur Tre.
69
Voir sur cette question Centineo (1996 :230-231) pour l'italien et Cortés et Gavarró (1997) pour le
catalan.
61
(75) F
a. *?Il en a téléphoné trois. [en = de clients].
I
b. %Ne hanno telefonato tre. [ne = di clienti].
C
c. %N'han telefonat tres. [n' = de clients].
Il apparaît donc que les clitiques
EN
et Y ont des fonctionnements très complexes et en
même temps très convergents dans les trois langues étudiées.
5. Conclusion
Les pronoms clitiques dans les langues romanes ont fait l'objet de nombreux
travaux. Cependant, on n'a pas toujours suffisamment mis en lumière leur rôle clef pour
la compréhension des propriété des interfaces entre les composants de la théorie
linguistique. Les études précédentes se sont généralement focalisées sur un seul aspect
de la cliticisation, le plus souvent sur les phénomènes syntaxiques, en négligeant les
propriétés morphologiques et phonologiques.
Dans ce chapitre, nous avons essayé de donner une vue d'ensemble de la
complexité des données, en prenant en compte à la fois les propriétés syntaxiques,
morphologiques et phonologiques des pronoms clitiques dans diverses langues romanes.
Ce survol fait clairement apparaître le défi posé par ces éléments aux théories
grammaticales. Leurs propriétés morphophonologiques doivent être réconciliées avec
leurs caractéristiques syntaxiques. Ainsi, les clitiques constituent un domaine d'une
importance cruciale pour comprendre les interactions entre les différents modules de la
grammaire et leur organisation interne. C'est dans cette perspective qu'il nous semble
pertinent de les étudier.
Les données que nous avons présentées font apparaître un grand degré de
variation dans les comportements des pronoms clitiques, à la fois au sein d'une même
langue, et parmi les langues. De ce point de vue, ce domaine constitue un champ
d'investigation particulièrement riche pour la problématique de la variation, à la fois
synchronique et diachronique, au sein d'un groupe de langues très proches. Au vu de la
variation constatée, il semble très difficile de soutenir que les clitiques correspondent à
une catégorie unitaire définissable de façon uniforme. Cependant, nous croyons qu'il y a
une tendance, dans la majorité des langues romanes, à ce que les pronoms clitiques se
comportent comme des éléments morphologiques. En particulier, nous concluons que
62
leurs propriétés sont très proches de celles des affixes flexionnels. Les clitiques du
portugais et, dans une certaine mesure, ceux du roumain posent problème à cette
hypothèse, vu les particularités constatées, notamment dans leur positionnement par
rapport au verbe. Nous pensons que des recherches futures pourront montrer de façon
plus convaincante que les clitiques dans ces deux langues sont à un stade intermédiaire
de morphologisation.
63
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