Les pertes de contrôle en courbe

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Jean-Emmanuel MICHEL
Thierry BRENAC
Joël MAGNIN
Claire NAUDE
Christophe PERRIN
Les pertes de contrôle
en courbe
Cinématique, typologie, caractéristiques des
lieux : analyse d'un échantillon de 84 cas
Rapport INRETS N° 262
Janvier 2005
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F-77447 Marne la Vallée Cedex 2
Contact : [email protected]
Les pertes de contrôle en courbe
Les auteurs :
Jean-Emmanuel MICHEL, Ingénieur d'Etudes, INRETS-MA
Thierry BRENAC, Chargé de Recherche, INRETS-MA
Joël MAGNIN, Assistant Ingénieur, INRETS-MA
Claire NAUDE, Assistante Ingénieur, INRETS-MA
Christophe PERRIN, Chargé de Recherche, INRETS-MA
L’Unité de recherche :
Département Mécanismes d'Accidents (MA)
Chemin de la Croix Blanche – 13300 Salon-de-Provence – FRANCE
Tél. : 04 90 56 86 30 – Fax : 04 90 56 25 51
Ce rapport a bénéficié des commentaires et remarques des référés
suivants :
Guy DUPRE, Chargé d'études à la Division Exploitation, Sécurité et Gestion
des Infrastructures (DESGI)
CETE Normandie-Centre.
Chemin de la poudrière 76120 GRAND QUEVILLY
Yves PAGE, Directeur adjoint du Laboratoire d'Accidentologie et de
Biomécanique (LAB, PSA-Renault).
132 rue des suisses 92000 NANTERRE
Les auteurs les remercient pour leur contribution précieuse.
Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité
2 Avenue du Général Malleret-Joinville - 94114 ARCUEIL CEDEX
Tél. : 33 (0)1 47 40 70 00 - Fax : 01 45 47 56 06
www.inrets.fr
© Les collections de l’INRETS
N ° ISBN 2-85782-613-3
N° ISSN 0768-9756
En application du code de la propriété intellectuelle, l’INRETS interdit toute reproduction intégrale ou partielle du
présent ouvrage par quelque procédé que ce soit, sous réserve des exceptions légales
2
Rapport INRETS n° 262
Fiche bibliographique
UR (1er auteur)
Projet n°
INRETS Rapport N° 262
Département Mécanismes d'Accidents
Titre
Les pertes de contrôle en courbe
Sous-titre
Langue
Cinématique, typologie, caractéristiques des lieux : analyse d'un
échantillon de 84 cas
F
Auteur(s)
Rattachement ext.
Jean-Emmanuel MICHEL, Thierry BRENAC,
Joël MAGNIN, Claire NAUDE, Christophe PERRIN
N° contrat, conv.
Nom adresse financeur, co-éditeur
Date de publication
Janvier 2005
Remarques
Résumé
Cette recherche a pour objectif d’accéder à une meilleure connaissance des conditions et
mécanismes des accidents de perte de contrôle en courbe, concernant les aspects cinématiques et
le rôle de quelques caractéristiques d’aménagement des courbes où ils se produisent. Elle s’appuie
principalement sur l’analyse approfondie de 84 cas d’accidents de ce type issus de l’Etude Détaillée
d’Accidents du département Mécanismes d’Accident de l’INRETS. Le parti a été pris de limiter
l’investigation, concernant aussi bien la cinématique que les configurations d’aménagement, au site
même de l’accident ou, en d’autres termes, à la "situation d’accident" et aux phases suivantes.
Sur la base des mécanismes en jeu dans la genèse de la situation d’accident pour les différents
cas, l'analyse a d’abord conduit à distinguer deux grandes familles de pertes de contrôle, selon le
mécanisme de basculement de la situation de conduite vers la situation d’accident :
- les accidents liés à un problème de guidage (35 % des cas), résultant d’une interruption ou d’une
forte dégradation du contrôle de trajectoire par le conducteur,
- les accidents liés à un problème dynamique (65 % des cas), résultant d’une vitesse trop élevée
relativement aux capacités du conducteur, du véhicule et aux caractéristiques de l’infrastructure.
Cette dichotomie typologique apparaît fondamentale dans l'étude de ce type d'accident, en
particulier dans une optique d'actions.
L'analyse aborde ensuite des questions plus particulières : les niveaux de vitesse en jeu en
référence aux vitesses couramment pratiquées dans des courbes similaires, l'influence de
paramètres géométriques tels que le sens du virage, le rôle de l'état de surface, les conditions de
sortie de chaussée et l'influence de la configuration de l'accotement.
Le traitement des questions posées ici par ce type d'accident, au travers de l'analyse fine de
données détaillées, débouche également sur des résultats permettant d’envisager des actions
préventives, notamment sur les infrastructures.
Mots clés
Accident de la route, perte de contrôle, virage, cinématique, infrastructure routière, vitesse
Nb de pages
Prix
Bibliographie
101
15,24 euros
Oui
Rapport INRETS n° 262
3
Les pertes de contrôle en courbe
Publication data form
UR (1st author)
Project n°
INRETS report N° 262
Department of Accident Mechanism
Analysis
Title
Loss-of-control accidents at curves
Subtitle
Language
Kinematics, typology, site characteristics: analysis of 84 cases
F
Author(s)
Affiliation
Jean-Emmanuel MICHEL, Thierry BRENAC, Joël MAGNIN, Claire
NAUDE, Christophe PERRIN
INRETS
Sponsor, co-editor, name and address
Contract, conv. N°
Publication date
January 2005
Notes
Summary
The aim of this work is to improve the knowledge on the circumstances and mechanisms of
loss-of-control accidents at curves, from the points of view of kinematics and infrastructure
characteristics. 84 cases from the INRETS In-depth Accident Study are studied.
Two loss-of-control accident categories are first identified:
- the accidents related to a problem of path control (35% of the sample), where the driver’s control
activity is interrupted or heavily deteriorated (often in circumstances like: attention focused on a
secondary task, sleepiness, severe alcohol impairment, etc.);
- the accidents related to a problem of dynamics (65% of the sample), where the speed exceeds
what would be viable, given the driver’s skills, the capacity of the vehicle and the site characteristics
and condition.
It appears this dichotomy is of first importance for studying loss-of-control accidents with a view to
preventive measures.
Other points are then dealt with: speed level of the involved vehicle in comparison with usual
speed behaviours in similar curves; influence of the curve geometry (curvature, direction of the
bend, etc.); influence of road surface characteristics; conditions of running off the road and
influence of the roadside configuration.
Results are also discussed from the point of view of preventive measures, especially
concerning road infrastructure.
Key Words
Road accident, loss-of-control, bend, kinematics, road infrastructure, speed
Nb of pages
Price
Bibliography
101
15,24 euros
Yes
4
Rapport INRETS n° 262
Table des matières
Introduction
Accidents en virage : quelques éléments sur les enjeux
Recherches antérieures
Objectif et questions de recherche
Structure du rapport
11
12
14
17
18
Chapitre 1
L'échantillon d'accidents
19
Chapitre 2
Résultats globaux relatifs à la cinématique et aux trajectoires
Reconstruction cinématique : aspects méthodologiques
Résultats globaux des reconstructions cinématiques
Trajectoires
25
25
29
32
Chapitre 3
Pertes de contrôle en virages de type "guidage et "dynamique".
Définition et caractéristiques comparées
Définition d'une typologie
Typologie et caractéristiques cinématiques
Typologie, trajectoires, géométrie et adhérence
Typologie et quelques éléments de contexte
Conclusion
33
33
34
41
47
49
Chapitre 4
Vitesses des véhicules impliqués dans les accidents et vitesses
habituellement pratiquées en courbe
Informations relatives aux vitesses
Analyses sur graphes
Conclusion
Rapport INRETS n° 262
51
51
52
57
5
Les pertes de contrôle en courbe
Chapitre 5
Sens du virage
59
La prédominance des configurations de courbe à gauche
Etat de surface
Typologie et répartition gauche - droite
Influence de la géométrie
Conclusion
59
60
62
63
64
Chapitre 6
Chaussée mouillée, adhérences faibles
67
Simulation de configurations sur sol sec
Conclusion
67
69
Chapitre 7
Conditions des sorties de chaussée et rôle de l'accotement
Caractéristiques des incursions sur l'accotement
Rôle de la configuration de l'accotement
Conclusions
71
71
73
74
Conclusion générale
77
Références bibliographiques
81
Annexes
83
Annexe 1 :
Cas d'accidents à droite sur chaussée mouillée: simulations dans une
hypothèse de chaussée sèche
Annexe 2 :
Tableau récapitulatif du traitement des accidents sur chaussée
mouillée
Annexe 3 :
Graphe des seuils sur chaussée mouillée et position des accidents de
type dynamique
6
85
95
99
Rapport INRETS n° 262
Synthèse
Cette recherche a pour objectif d’accéder à une meilleure connaissance des
conditions et mécanismes des accidents de perte de contrôle en courbe,
concernant les aspects cinématiques et le rôle de quelques caractéristiques
d’aménagement des courbes où ils se produisent, de façon à disposer de
meilleures bases pour la définition de mesures de prévention adaptées. Elle
s’appuie principalement sur l’analyse approfondie de 84 cas d’accidents de ce
type issus de l’Etude Détaillée d’Accidents du département Mécanismes
d’accident de l’INRETS. Cet échantillon est représentatif des accidents de
pertes de contrôle en courbe survenues sur le secteur expérimental de
l’INRETS autour de Salon de Provence, comportant un réseau d’infrastructures
diversifié, du point de vue du statut et des caractéristiques des voiries comme
du point de vue de la topographie.
Le parti a été pris de limiter l’investigation, concernant aussi bien la
cinématique que les configurations d’aménagement, au site même de
l’accident, ou en d’autres termes à la "situation d’accident" et aux phases
suivantes (on se réfère ici aux méthodes séquentielles d’analyse de l’accident
développées par l’INRETS – voir par exemple : Ferrandez et al., 1995 ; Brenac,
1997).
Après un rapide état des connaissances, et en nous appuyant sur les
méthodes que nous venons de citer, nous avons procédé à l'analyse des cas.
Cette analyse a d’abord conduit à distinguer deux grandes familles de pertes
de contrôle, selon le mécanisme de basculement de la situation de conduite
vers la situation d’accident :
− Les accidents liés à un problème de guidage (35 % des cas), résultant
d’une interruption ou d’une forte dégradation du contrôle de trajectoire
par le conducteur, notamment dans les cas suivants : endormissement,
assoupissement, malaise, activité annexe, distraction, forte alcoolisation.
Ces accidents se produisent le plus souvent dans des virages à gauche,
de rayon relativement grand, et dans des conditions de faibles
sollicitations. Ils se distinguent aussi des autres cas sous les aspects
suivants : une majorité de cas de nuit, une plus forte proportion de
conducteurs alcoolisés, et la réalisation fréquente de tentatives de retour
sur chaussée après une incursion sur l’accotement.
− Les accidents liés à un problème dynamique (65 % des cas), résultant
d’une vitesse trop élevée relativement aux capacités du conducteur, du
véhicule et aux caractéristiques de l’infrastructure. Parmi les particularités
de ce groupe, on note l’implication de véhicules diversifiés (incluant des
motocyclettes, poids lourds, véhicules sportifs). Selon qu’ils se déroulent
sur chaussée sèche (environ trois cinquièmes des cas) ou sur chaussée
mouillée (environ deux cinquièmes des cas), le contexte de ces accidents
est différent :
Rapport INRETS n° 262
7
Les pertes de contrôle en courbe
− les cas sur chaussée sèche se produisent dans le cadre de fortes
sollicitations, sur des courbes de petit rayon, généralement de
l’ordre de 150 m et moins ; ils surviennent souvent dans un
contexte particulier (conduite offensive, alcoolisation) ou impliquent
des conducteurs inexpérimentés ;
− les cas sur chaussée mouillée mettent en jeu des sollicitations
élevées compte tenu des conditions d’adhérence réduite, mais pas
particulièrement fortes dans l’absolu, et ne présentent pas de
particularités saillantes concernant le contexte du trajet ou les
caractéristiques des conducteurs.
Globalement, il apparaît que les pertes de contrôle de type guidage et de
type dynamique se produisent dans des conditions d’infrastructure assez
différentes : une perte de contrôle se produisant sur un rayon de moins de 150
mètres est de type dynamique, dans plus de 8 cas sur 10. Inversement, sur un
rayon de plus de 250 mètres la perte de contrôle est de type guidage dans 8
cas sur 10.
Il a été ensuite possible, en différenciant ces deux groupes, de procéder à
des analyses plus précises concernant notamment les conditions générales
d’occurrence de ces accidents, les conditions cinématiques et notamment les
vitesses initiales, les effets du sens du virage, des conditions d’adhérence, et
l’influence des accotements.
Nous résumons ci-dessous, de façon schématique, quelques résultats
importants :
1. Les vitesses initiales, dans le cas des pertes de contrôle de type
dynamique sur chaussée sèche, sont particulièrement élevées par
rapport aux vitesses moyennes habituellement pratiquées par les
conducteurs dans des virages de même rayon. Ce phénomène est moins
marqué dans les pertes de contrôle de type dynamique sur chaussée
mouillée. Dans ce dernier cas, il apparaît surtout que les conducteurs
n’ont pas adapté leur vitesse aux conditions de faible adhérence. Dans le
cas des pertes de contrôle de type guidage, les vitesses initiales sont
plus proches des vitesses couramment pratiquées.
2. La fréquence nettement plus faible des accidents en courbe à droite
(33 % des cas contre 67 % en courbe à gauche) pourrait être expliquée
par les possibilités de récupération généralement offertes par la voie de
sens inverse lors de pertes de contrôle en courbe à droite (en l’absence
de trafic en sens inverse). Les analyses réalisées concernant les types
d’accidents, les conditions de surface de chaussée et de géométrie, ont
permis de conforter et de préciser cette hypothèse : la voie de sens
inverse constitue une bonne zone de récupération, permettant d’éviter
des accidents en courbe à droite dans le cas de faibles sollicitations
(pertes de contrôle de type guidage notamment), mais elle ne permet pas
cependant de récupérer les situations les plus irrémédiables, liées à de
fortes sollicitations dynamiques ou à des conditions de surface de
chaussée défavorables (chaussée mouillée notamment). Ces résultats
8
Rapport INRETS n° 262
Synthèse
montrent l’intérêt qu’il y aurait à aménager des accotements de qualité
sur l’extérieur des courbes (mais avec une délimitation par rapport à la
chaussée : voir point suivant), de nature à permettre la récupération de
pertes de contrôle en virage à gauche.
3. L’analyse précise des cas de sortie en accotement montre qu’un
traitement, même relativement modeste, des accotements en extérieur
de courbe (sur-largeur revêtue de 1 m à 1,5 m, associée à des barrettes
sonores en rive de chaussée) serait de nature à permettre des
manœuvres de récupération efficaces dans le cas de sollicitations
dynamiques et d’angles de sortie modérés, ce qui correspond à un enjeu
important (notamment concernant les pertes de contrôle de type guidage
qui représentent, sur notre échantillon, les 2/3 des pertes de contrôle sur
les courbes de rayon supérieur ou égal à 200 m). Ces résultats devraient
cependant être validés sur des échantillons de cas plus importants et
représentatifs.
Rapport INRETS n° 262
9
Introduction
Ce rapport rend compte d’un travail de recherche portant sur les accidents
de la circulation résultant de pertes de contrôle du véhicule dans des virages et
vise à mieux connaître, à partir d’analyses approfondies de cas, les conditions
de déroulement de ces accidents, notamment concernant les aspects
cinématiques et le rôle de quelques caractéristiques d’aménagement des
courbes dans lesquelles ils surviennent.
Cette recherche traite donc d’accidents de type perte de contrôle survenant
en virage.
Par accident de type perte de contrôle, nous désignons ici les cas d’accident
où une perte de contrôle marque le déclenchement de l’accident, sans
qu’aucune interaction avec un autre usager (véhicule, piéton) ne contribue à
provoquer cette perte de contrôle. C’est dans ce sens précis que ce terme est
utilisé tout au long de ce rapport. Nous ne nous intéresserons pas aux
nombreuses catégories d’accident où l’impossibilité de contrôler le véhicule
survient en aval dans le déroulement d’un accident, suite à une interaction
préalable entre deux usagers.
Il en résulte que dans les pertes de contrôle que nous étudions ici, un seul
véhicule est en jeu dans le déclenchement de l’accident, même si plusieurs
véhicules peuvent être concernés ensuite dans la collision (cas de pertes de
contrôle s’achevant par une collision avec un véhicule circulant en sens inverse,
par exemple)1.
Certains cas particuliers dans lesquels la traversée ou la présence d’un
animal, d’un obstacle fixe ou mobile sur la chaussée jouent un rôle en amont de
la perte de contrôle, sont exclus du champ de cette recherche.
D’autre part, nous nous limitons ici aux accidents de type perte de contrôle
survenant dans les virages, ce qui englobe les cas où :
− les caractéristiques géométriques de la courbe, comme le rayon de
courbure, jouent un rôle important relativement tôt dans le déroulement
de l’accident,
− la situation en courbe favorise le passage d’un simple écart de trajectoire
à un empiétement hors chaussée,
− la situation en courbe conditionne les possibilités de récupération une
fois le véhicule sorti de la chaussée,
1
A l’inverse, dans les cas que nous ne considérons pas comme des accidents de type perte de
contrôle, plusieurs usagers interviennent, très généralement, dans le déclenchement de l’accident,
même s’il peut arriver qu’ensuite un seul de ces usagers soit impliqué dans la collision (c’est le cas
par exemple, pour des accidents liés à un changement de file intempestif, dont l’issue est une sortie
de chaussée de l’un des protagonistes se terminant contre un obstacle dans les abords de la voie).
Rapport INRETS n° 262
11
Les pertes de contrôle en courbe
− et enfin, quelques cas (cas de perte de conscience liée à un malaise, par
exemple) où la situation en courbe ne joue pas de rôle particulier du point
de vue de la sécurité primaire. Ces derniers cas sont vraisemblablement
très proches de ceux survenant en ligne droite qui sont, quant à eux, en
dehors du champ de cette recherche.
Accidents en virage : quelques éléments sur les
enjeux
D'après le fichier national des accidents corporels de la circulation routière
(fichier BAAC), les accidents corporels sur un "tracé en courbe" se produisent
pour 75 % en rase campagne, représentent de l'ordre de 18 % de l'ensemble
des accidents et 30 % des accidents mortels (O.N.I.S.R, 1998). Ces proportions
sont cependant sous-évaluées : le retour aux données de base (procèsverbaux) servant à la constitution du fichier national montre que des accidents à
proximité d'une courbe sont souvent codés en "section rectiligne" alors que
l'accident est directement lié à une courbe ou un virage. Notons également que
tous les accidents en courbe ne relèvent pas du type "perte de contrôle".
Sur les routes départementales hors agglomération, la gravité2 des
accidents en courbe hors intersection est supérieure à celle des accidents en
intersection, mais elle reste légèrement inférieure à celle des accidents en
"tracé rectiligne" hors intersection (Siquot et al., 1987).
Les accidents qui n'impliquent qu'un seul véhicule (et aucun piéton)
représentent 22 % de l'ensemble des accidents corporels et 37 % des tués
(O.N.I.S.R, 2002) ; environ la moitié de ces accidents sont codés "en courbe"
(Source : fichier INRETS/DERA 1/50 année 2000). Ils ne rendent pas compte
de tous les accidents de type perte de contrôle puisqu’en sont exclus les pertes
de contrôle se terminant par une collision avec un autre véhicule.
Inversement, un certain nombre d'accidents codés en courbe et n'impliquant
qu'un seul véhicule d’après le fichier BAAC, ne sont pas des pertes de contrôle
mais résultent d'interactions entre usagers (dans une proportion que l’on peut
estimer à environ 20 à 25 % d’après des travaux antérieurs ; Yerpez et
Ferrandez, 1986 ; Yerpez et al., 1992).
Sur les routes départementales hors agglomération, la gravité des accidents
de véhicule seul est plus élevée que celle des accidents entre deux véhicules
en choc frontal, sur les routes de 6 m de large et moins et légèrement inférieure
à celle des chocs frontaux entre véhicules, sur les routes à une chaussée de
plus de 6 m de large, (Siquot et al., 1987). Cette forte gravité tient notamment
aux chocs contre obstacle, fortement représentés dans les accidents de
véhicule seul, et pour lesquels la proportion d’accidents mortels parmi les
accidents corporels est supérieure à celle des chocs frontaux entre véhicules
sur toutes les infrastructures de moins de 7 m de large, (Siquot et al., 1987).
2
Estimée par la proportion d’accidents mortels parmi les accidents corporels.
12
Rapport INRETS n° 262
Introduction
Les proportions d’accidents en courbe paraissent très variables selon le type
d’infrastructures routières. Siquot et al. (1987) montrent que, sur l’ensemble du
réseau français, hors agglomération et hors intersection, 30 % des accidents
sur routes nationales surviennent en courbe, cette proportion d’accidents en
courbe s’élevant à 40 % sur les grandes routes départementales et à 60 %
environ sur les petites départementales (celles-ci étant distinguées des
précédentes sur un critère de largeur de route). Des résultats en cohérence
avec ceux qui viennent d’être présentés ont été obtenus par Yerpez et
Ferrandez (1986) et Yerpez et al. (1992) à partir de l’analyse de grands
échantillons de procès-verbaux d’accidents : 37 % d’accidents en courbe sur
les routes nationales sinueuses et les routes départementales de "grande
infrastructure" et jusqu’à 90 % d’accidents en courbe sur les plus petites routes
départementales. Ces auteurs notent également que ces accidents sont pour la
plupart des pertes de contrôles (à 80 % sur les grandes départementales, et à
60 % sur les petites départementales, plus étroites, où les courbes posent aussi
des problèmes lors de croisements avec visibilité limitée, notamment).
Pour conclure sur cet aspect, il apparaît difficile de cerner de façon précise,
sur la base du fichier BAAC, l’enjeu associé aux accidents de type perte de
contrôle en courbe sur l’ensemble des réseaux français (l’identification de ce
type d’accident nécessitant une analyse du cas, et non seulement le recours à
des données descriptives).
Quelques éléments peuvent être cependant avancés, avec précaution,
d’une part, en considérant dans le fichier national des groupes d’accidents où
les pertes de contrôle sont fortement représentées (accidents en courbe,
accidents de véhicule seul), et d’autre part, en se référant à des recherches
antérieures portant sur des terrains d’études plus restreints mais utilisant des
données plus riches (procès-verbaux d’accidents en particulier).
Ces éléments sont les suivants :
− Les accidents de type "perte de contrôle en courbe" se produisent
essentiellement en rase campagne ;
− Ils représentent un enjeu important que l’on peut estimer globalement à
environ 30 à 35 % des accidents hors agglomération et hors intersection,
mais avec une grande variabilité selon le type de route ;
− Leur gravité (appréhendée par la proportion de cas mortels parmi les
accidents corporels) est supérieure à celle des accidents d’intersection,
mais comparable (légèrement inférieure) à celle des pertes de contrôle
en ligne droite ; leur gravité est donc celle des pertes de contrôle en
général, et s’explique par la fréquence des chocs contre obstacle dans
les accidents de type perte de contrôle.
Rapport INRETS n° 262
13
Les pertes de contrôle en courbe
Recherches antérieures
Compte tenu de la démarche retenue pour la présente recherche, qui
repose sur l’analyse approfondie de cas d’accidents, nous n’exposerons pas ici
une véritable revue de la littérature scientifique sur la question des accidents en
courbe ni sur celle de l’influence de l’aménagement (on pourra trouver des
éléments de revue bibliographique dans : Brenac, 1996 et SETRA-CETUR,
1992, notamment), mais nous nous concentrerons sur les recherches ayant
privilégié une approche qualitative.
Mentionnons d’abord les travaux de Yerpez et Ferrandez (1986) et Yerpez
et al. (1992), réalisés au sein du Département Mécanismes d'Accidents (MA) de
l'INRETS, qui ont largement contribué à développer les connaissances relatives
aux accidents en virage et aux pertes de contrôle, en ayant recours à l'analyse
d'importantes quantités de procès-verbaux de gendarmerie couplée à des
relevés in situ.
Les travaux de Yerpez et Ferrandez (1986) sur l'accidentologie des routes
nationales ont mis en lumière le rôle des caractéristiques d’infrastructure qui
constituent des configurations accidentogènes. Les irrégularités de géométrie,
telles que les accentuations localisées de courbure, notamment en sortie de
courbe, les défauts de coordination entre courbure et dévers, peuvent avoir un
rôle (trajectoire irrégulière, effet de surprise, augmentation des sollicitations)
dans la production d'accidents en virage. Des caractéristiques d'uni et
d'adhérence médiocres ont un rôle aggravant, notamment sur les virages de
rayon inférieur à 200 mètres.
Ces travaux ont également souligné que "la problématique du virage est très
dépendante de l'itinéraire sur lequel il est situé et de la configuration de
l'approche du lieu".
Dans les travaux de Yerpez et al. (1992) sur l'accidentologie des routes
départementales, des configurations de virages accidentogènes ont également
été identifiées, essentiellement sur les courbes de rayon inférieur à 200 m ou
de l’ordre de 200 m. L'importance de la configuration d'approche du lieu a été
confirmée et affinée. L'analyse du contexte des virages accidentés (notamment
les "points noirs", c'est-à-dire ceux présentant une accumulation d'accidents) a
conduit ces auteurs à développer les notions de "point dur" et de "point de
rupture" :
− "Un point de rupture est une configuration de l'infrastructure qui induit
une difficulté non prévisible par l'usager. C'est un point isolé, peu ou pas
signalé, qui constitue une rupture franche dans un itinéraire homogène et
rapide. Les vitesses induites par l'approche ne sont pas compatibles
avec les contraintes dynamiques du point. Tous les types d'usagers (tous
âges, locaux et non locaux) sont impliqués, dans des conditions de
conduite variées".
− "Un point dur est une difficulté perceptible par l'usager. Ces lieux sont
des virages isolés ou des enchaînements de virages. Ils présentent des
difficultés proches de celles des points de rupture mais ils en diffèrent par
14
Rapport INRETS n° 262
Introduction
des approches plus hétérogènes et moins rapides. Dans des conditions
normales de conduite, le point ne sera pas accidenté ; des conditions de
conduite particulières (prise de risque, vitesse, nuit, alcoolisation…) sont
identifiées dans les accidents qui s'y produisent. Une majorité d'accidents
se trouve sur ce type de point qui concerne plus les RD de petit gabarit".
Une autre recherche (Michel et al., 2000) portant sur un échantillon de
pertes de contrôle en courbe issu de l’Etude Détaillée d’Accidents (EDA),
centrée sur l'analyse des caractéristiques de l'accotement et de leur influence
dans le déroulement des accidents, a identifié des configurations défavorables
ou aggravantes et propose des éléments de réflexion pour l’aménagement des
abords de chaussée. Ces résultats, validés par un nouvel échantillon de cas
d'accidents, seront repris dans ce rapport.
Dans une étude du CEESAR-LAB (Bar et Page, 2002), les auteurs ont
analysé 115 cas d'accidents détaillés (EDA) de type "perte de contrôle véhicule
seul", en ligne droite ou en courbe. Ces travaux rejoignent nos
questionnements et résultats sur quelques points, notamment sur la recherche
d'une typologie, faisant bien apparaître la dichotomie entre les cas de type
"guidage" et les autres, et sur l'analyse fine des paramètres des véhicules au
cours de leurs évolutions permettant de faire émerger la notion de
"contrôlabilité" du véhicule, en particulier au point de sortie de voie, afin de
cibler les différents domaines d'action de mesures correctives.
Concernant le rôle du niveau de trafic, des caractéristiques générales des
courbes (rayon, développée, etc.) et celui des caractéristiques du tracé en
amont de ces courbes, des analyses plus quantitatives ont été conduites sur un
ensemble d’un peu moins de 6 000 virages sur routes nationales et ont permis
d’obtenir des relations quantifiées entre ces variables et la fréquence des
accidents corporels (Allain et Brenac, 2001). Ces résultats montrent notamment
l’augmentation du risque d’accident en fonction de la courbure, de la
développée du virage, et de la longueur de tracé "facile" précédant le virage.
Concernant ce type d’analyse, on peut aussi citer les travaux de Fluteaux
(1997).
Dans la mesure où nous abordons quelques aspects de cinématique et de
dynamique des pertes de contrôle dans la suite de ce rapport, il est utile
également de citer ici des travaux qui ont porté sur les comportements de
conduite dans les courbes.
Une expérimentation sur route (Lechner et Perrin, 1993) montre notamment
que, sur un itinéraire très sinueux, les accélérations transversales de plus de
3 m/s2 relèvent d’une pratique plutôt ponctuelle (réduite à 5 % du temps de
conduite ; les accélérations transversales de plus de 2 m/s2 correspondant à
15 % du temps de conduite). Les incursions au-delà de 4 m/s² sont rares,
concernent des virages à petit rayon, et sont généralement le fait de
conducteurs masculins. Ces auteurs notent également que "les niveaux
d'accélération transversale acceptés par les conducteurs diminuent au fur et à
mesure que les niveaux de vitesse pratiquée augmentent". D’autres travaux
(CETE Normandie-Centre, 2000) ont conduit à une observation similaire :
"l'accélération transversale diminue lorsque le rayon augmente. C'est un
Rapport INRETS n° 262
15
Les pertes de contrôle en courbe
constat courant avec une population de conducteurs "ordinaires" par opposition
aux essayeurs professionnels qui acceptent de prendre des accélérations
élevées quelle que soit la vitesse". Notons cependant que dans les grandes
courbes, la pratique d’accélérations transversales comparables à celles
utilisées dans les petites courbes conduirait à des niveaux de vitesse dépassant
de plusieurs dizaines de kilomètres/heure les limites de vitesse réglementaires,
ce qui ne correspond pas, généralement (et heureusement), à des niveaux de
vitesse souhaités par les conducteurs.
Lechner et Perrin (1993) constatent que les variations interindividuelles sont
importantes en ce qui concerne les vitesses pratiquées sur route sinueuse ; de
nuit, certains sujets circulent nettement plus vite. Ils notent aussi que sur
chaussée mouillée, sur un parcours où les sollicitations dynamiques sont fortes,
"il semble bien que les conducteurs n'ont en général pas conscience de la
manière dont ils se rapprochent des limites de comportement du véhicule
lorsqu'ils évoluent sur chaussée glissante". La réduction de vitesse qu’ils
opèrent dans ce cas n’est pas à la mesure de la diminution de l’adhérence
résultant de ces conditions (Collectif, 2002).
Cette recherche (Lechner et Perrin, 1993) analyse également la
combinaison des accélérations transversales et longitudinales (illustrée par des
"cercles d'adhérence") qui produit parfois une accélération résultante très
élevée lors d'un freinage en courbe. Cette expérimentation conduit ainsi à
mettre en évidence des situations difficiles résultant notamment de
l’inexpérience de la conduite automobile ou de l’effet de surprise engendré par
certains virages sur des conducteurs n’ayant pas une grande connaissance des
lieux.
Dans une analyse réalisée à partir de cas de l’Etude Détaillée d’Accidents
(EDA) de l’INRETS à Salon-de-Provence (accidents impliquant des petits
véhicules sportifs), avec une forte proportion de pertes de contrôle en courbe et
souvent un contexte de conduite particulier et un style de conduite offensif,
Girard et Michel (1992) mettent en évidence que les conducteurs de véhicules
sportifs n’ont pas davantage que les conducteurs ordinaires une réelle maîtrise
des situations d’urgence : dans une telle situation, "ils ont les réactions du
conducteur ordinaire … les réponses observées relèvent de la faute technique
(classiquement un coup de frein inopportun combiné à un coup de volant
excessif) qui augmente les sollicitations au lieu de les réduire".
Ce rapide panorama montre que les recherches antérieures ont permis de
constituer un corps de connaissances relatives aux problèmes de sécurité dans
les courbes et aux accidents de type perte de contrôle. Cependant, il apparaît
que les potentialités des enquêtes détaillées d’accident n’ont pas été encore
entièrement exploitées, et que des approfondissements restent à la fois
nécessaires et possibles, concernant notamment le détail des conditions
cinématiques (vitesses, trajectoires, etc.) et des configurations d’infrastructure
dans lesquelles se produisent de tels accidents.
16
Rapport INRETS n° 262
Introduction
Objectif et questions de recherche
L’objectif de cette recherche est d’approfondir les connaissances relatives
aux accidents de type perte de contrôle en virage, en ce qui concerne le
déroulement dynamique et les caractéristiques locales de l'infrastructure :
paramètres cinématiques (trajectoires, vitesses, etc.), géométrie du lieu,
adhérence de la chaussée, configuration des abords.
Le parti a été pris de limiter l’investigation, concernant aussi bien la
cinématique que les configurations d’aménagement, au site même de
l’accident, ou en d’autres termes à la "situation d’accident" et aux phases
suivantes (on se réfère ici à la méthode séquentielle d’analyse de l’accident
développée par l’INRETS – voir par exemple : Ferrandez et al., 1995 ; Brenac,
1997).
Les éléments relatifs au contexte et aux phases "amont" de l'accident, ainsi
que l'analyse des chocs (sécurité secondaire) sont hors du champ de cette
étude, même si quelques développements abordent brièvement certains de ces
aspects (par exemple : connaissance des lieux, alcoolisation, obstacles
heurtés).
Certaines questions, en particulier celles concernant les défauts de
géométrie (irrégularité de rayons, défauts d'uni), l'adhérence (mise en évidence
de seuils) ou les caractéristiques de l'approche des virages accidentés, ont déjà
été abondamment traitées, en particulier à l'INRETS dans les travaux de
Yerpez et Ferrandez (1986) et Yerpez et al. (1992), et ne feront pas l’objet de
développements au-delà de la mention de leur influence dans les cas étudiés.
Les orientations qui viennent d’être définies et les connaissances
antérieures que nous avons rapidement évoquées au point précédent, ont
constitué le cadre général des analyses de cas d’accidents réalisées pour cette
recherche. Mais en retour, le travail empirique sur les cas a fait émerger
différents questionnements qui ont conduit à examiner plus particulièrement les
points suivants :
− l’existence de catégories d’accidents contrastées à l’intérieur même de
l’ensemble des accidents de type perte de contrôle en courbe,
− l’influence variable des niveaux de sollicitations dynamiques, compte
tenu de la diversité des systèmes en jeu, des conditions et des
différentes catégories de pertes de contrôle,
− les niveaux de vitesse en jeu dans ces accidents par rapport aux vitesses
couramment pratiquées dans des courbes de géométrie comparable,
− la forte différence d'effectifs entre virages à droite et virages à gauche,
− l’influence des conditions et du niveau d’adhérence,
− les conditions de sortie de chaussée, l’influence de la configuration de
l’accotement et l’évaluation des enjeux de mesures d’amélioration des
abords de chaussée.
Rapport INRETS n° 262
17
Les pertes de contrôle en courbe
Structure du rapport
Nous venons d’exposer le sujet de cette recherche, les enjeux associés à la
catégorie d’accidents étudiée, le contexte scientifique et les objectifs de ce
travail.
Le premier chapitre présente l’échantillon de cas étudiés et rend compte
brièvement de quelques traits de cet ensemble de cas au moyen d’un petit
nombre de variables descriptives générales.
Le deuxième chapitre expose les méthodes utilisées pour la reconstruction
cinématique des cas d’accident, et rend compte de quelques résultats généraux
concernant les vitesses et trajectoires pour l’ensemble de l’échantillon.
Le troisième chapitre présente, sur la base de l’analyse des mécanismes en
jeu dans la genèse de la situation d’accident pour les différents cas, une
typologie des pertes de contrôle en courbe formée de deux grandes classes de
cas. L’analyse comparée des caractéristiques des cas relevant de ces deux
classes est ensuite exposée. Les fortes différences mises en évidence entre
ces deux classes de cas confirment la pertinence de cette typologie.
Les chapitres suivants abordent des questions plus particulières : les
niveaux de vitesse en jeu en référence aux vitesses couramment pratiquées
dans des courbes similaires, l'influence de paramètres géométriques tels que le
sens du virage, le rôle de l'état de surface, les conditions de sortie de chaussée
et l'influence de la configuration de l'accotement.
Une conclusion récapitule les principaux résultats obtenus.
18
Rapport INRETS n° 262
Chapitre 1
Présentation de l'échantillon de cas
d'accident
L'échantillon d'accidents
L'orientation de ce travail nécessitant des données et informations précises
et fiables sur les cas étudiés (en particulier concernant les traces, la géométrie
des lieux, l'analyse des chocs...), seuls des dossiers détaillés d'accidents
pouvaient répondre à cette exigence. Le recours à des procès-verbaux (PV)
pour ce type d'analyse "clinique", orientée ici sur la cinématique, n'était pas
envisageable. L'analyse a donc porté sur un échantillon de dossiers détaillés
d'accidents recueillis sur le secteur d'enquête de Salon-de-Provence dans le
cadre des Etudes Détaillées d'Accidents (EDA) menées par le Département MA
de l'INRETS.
Les dossiers d'accidents sont réalisés par des équipes constituées de deux
enquêteurs de disciplines différentes : un enquêteur psychologue et un
technicien infrastructure-véhicule, complémentaires pour l'étude des
mécanismes d'accidents.
Les équipes d'enquêteurs interviennent en temps réel sur les lieux
d'accident et recueillent ainsi des données "à chaud", très précieuses, car
souvent fugaces (témoignages, traces, positions des véhicules, adhérence…),
et fiables. Un premier "scénario" de l'accident peut ainsi être construit ; les jours
suivants, un recueil complémentaire permet d'approfondir et de compléter
l'analyse concernant chacun des trois composants du "système" – le
conducteur, le véhicule, l'infrastructure – et de leurs interactions. On tente ainsi
de répondre à un certain nombre d'inconnues, de contradictions ou
d'ambiguïtés toujours présentes dans un évènement aussi complexe et varié
qu'un accident de la route. Pour une information complète sur les fondements
théoriques et la méthode de recueil des cas d'accidents, on pourra se reporter à
l'ouvrage de Ferrandez et al. (1995).
Pour cette recherche, nous avons sélectionné 84 dossiers d'accidents
correspondant à la catégorie "perte de contrôle en courbe" réalisés sur le
secteur de Salon-de-Provence entre 1992 et 1999.
Nous présentons ci-après quelques éléments descriptifs de notre échantillon
d'accidents.
Rapport INRETS n° 262
19
Les pertes de contrôle en courbe
Localisation
Le secteur où l'ensemble des cas a été recueilli comporte une petite ville
centrale avec de nombreux villages périphériques. Le relief y est varié : zones
de plaine et zones de collines. Le maillage routier y est dense et l'ensemble des
types d'infrastructure de rase campagne y est représenté, de l'échangeur
autoroutier jusqu'à la petite route de montagne. Aucun accident de l'échantillon
ne se situe en milieu urbain.
79 accidents sont localisés sur la
carte ci-dessus.
Les cercles soulignent 3 points
d'accumulation : un virage avec 4
accidents
(Rm = 160 m),
une
configuration en S (PS sur voie ferrée,
Rm = 170 m) avec 6 accidents et un
échangeur d'autoroute (Cf. détail cicontre) avec 6 accidents.
20
Rapport INRETS n° 262
Présentation de l'échantillon de cas d'accident
Type de route
Type de route
Nombre de cas
Autoroute
10 (7 sur bretelles)
RN, largeur = 7 m
14 (2 sur 3 voies)
RD, L = 7 m
25
RD, 6 m ≤ L < 7 m
20
RD, 5 m ≤ L < 6 m
10
RD, L < 5 m
5
Le tableau montre que l'effectif est à peu près également partagé entre les
cas sur chaussée de moins de 7 mètres (tous sur RD) et les cas sur chaussée
de 7 mètres et plus ; 8 autres cas se sont produits sur des bretelles d'autoroute
qui représentent un type de lieu particulier.
Rayon moyen des virages
20
18
Avec ALC
16
Sans ALC
14
12
10
8
6
4
2
0
<100m
<150m
<200m
<300m
<400m
<600m
>600m
Effectifs d'accidents selon le rayon moyen du virage et selon qu'il y a ou non
présence d'une accentuation localisée de courbure (ALC)3.
3
Il s'agit de cas où la courbure n'est pas homogène dans le virage et se trouve localement très
accentuée en un point particulier de la développée du virage, au-delà de ce qui résulterait
simplement de la présence de raccordements (clothoïdes) normalement dimensionnés en entrée et
sortie de courbe.
Rapport INRETS n° 262
21
Les pertes de contrôle en courbe
L'échantillon représente toutes les gammes de rayon ; les valeurs de
quartiles/médiane de cette distribution sont respectivement de 128, 210 et 350
mètres.
L'histogramme montre que 34 virages possèdent une accentuation localisée
de courbure (ALC) ; parmi ceux-ci, 15 ont une ALC sévère et/ou mal située;
l'impact de ces configurations de géométrie sera étudié.
Sens du virage
Total
Virage à droite
27 (dont 5 sur bretelles)
Virage à gauche
57 (dont 2 sur bretelles)
La différence par rapport à une répartition homogène (50 % à droite, 50 % à
gauche) est très significative (χ²: p = 0,002).
Par rapport à la tendance générale donnée par cette répartition selon le
sens du virage, on peut préciser que la gamme des rayons moyens compris
entre 101 et 200 mètres représente la plus faible proportion de cas en virage à
droite – 5 à droite pour 21 à gauche –. Sur les rayons de moins de 100 mètres,
les cas en courbe à droite sont plus nombreux (7 cas à droite contre 4 à gauche
si on élimine les cas survenus sur bretelles – 4 cas à droite –) mais la différence
droite/gauche n'est pas significativement différente d'une répartition homogène.
Ch. Sèche
Ch. Mouillée
V. à droite
19
8
V. à gauche
45
12
Cette question du sens de la courbe semble liée à celle de l'état de surface
de la chaussée (sèche ou mouillée), mais la différence entre virages à gauche
et virages à droite concernant la proportion de cas sur chaussée mouillée (8/12)
n'est pas significative (χ²: p = 0,44).
R ≤ 100 mètres
Ch. Sèche
Ch. Mouillée
V. à droite
2
5
V. à gauche
3
1
Cependant, dans les courbes de moins de 100 mètres de rayon (hors cas
sur bretelles), les cas en courbe à droite sont significativement associés aux
conditions de chaussée mouillée (Test exact de Fisher : p = 0,045 < 0,05).
On tentera de comprendre les raisons de cette forte prédominance des cas
en virage à gauche et son lien éventuel avec l'état de surface (sec ou mouillé).
22
Rapport INRETS n° 262
Présentation de l'échantillon de cas d'accident
Etat de surface
Sec
62
Mouillé
20
Autres
2
L'état de surface "autres" correspond à la présence de boue ou de gas-oil
sur la chaussée (2 cas sur grands rayons >350 m).
Luminosité
Jour
41
Nuit
40 (+ 3 aube/crépuscule)
On constate sur notre échantillon une spécificité forte des pertes de contrôle
en courbe que l'on retrouve aussi sur les fichiers nationaux, à savoir une très
nette surreprésentation d'accidents de nuit, si l’on se réfère aux proportions
d’accidents de nuit observées pour l’ensemble des accidents tous types
confondus (32 % de nuit, à l’aube ou au crépuscule, en 2002 ; source ONISR)
ou pour les accidents de rase campagne, tous types confondus (35 % de nuit, à
l’aube ou au crépuscule, en 2002 ; source ONISR).
Véhicules
8 cas concernent des motocyclettes, sur des rayons de l'ordre de 200
mètres ou moins.
5 cas concernent des poids lourds dont 4 sur bretelle d'autoroute.
Tous les autres cas concernent des véhicules légers de tourisme.
D’autre part, dans 10 cas un choc se produit avec un autre véhicule venant
en sens inverse.
Conducteurs
Dans 21 cas, le conducteur est novice ou inexpérimenté.
Dans 26 cas, le conducteur est alcoolisé.
On note que ces deux caractéristiques sont peu imbriquées puisque
seulement 4 conducteurs sont novices et alcoolisés. D'autres caractéristiques
de l'état du conducteur seront abordées plus loin.
Gravité
15 accidents sont mortels (19 tués) dont 4 avec alcool et 4 autres avec un
conducteur novice. Seuls 2 cas mortels surviennent sur des rayons de moins de
150 mètres.
Rapport INRETS n° 262
23
Chapitre 2
Résultats globaux relatifs à la
cinématique et aux trajectoires
Reconstruction cinématique : aspects
méthodologiques
1. Méthode et objectifs
La reconstruction cinématique d'un accident a pour objectif d'établir
l'enchaînement des évènements successifs pour chacun des véhicules
impliqués et de chiffrer l'évolution dans le temps des paramètres cinématiques
de chaque mobile : position et trajectoire, vitesse et accélération.
Schématiquement, les positions finales des véhicules, les traces ou indices
relevées sur la chaussée ou dans ses abords pour les différentes phases du
déroulement de l’accident, les déformations des véhicules subies lors des
chocs, permettent d’identifier les trajectoires suivies et les énergies dissipées,
et d’estimer sur cette base les vitesses et accélérations en jeu, en remontant
progressivement de la situation finale jusqu’aux phases amont de l’accident.
Cette démarche repose sur les principes de conservation de l’énergie et de la
quantité de mouvement, et fait appel, pour l’interprétation et l’utilisation des
traces et déformations, à l’expertise et à des éléments de référence
(photothèques, bibliographie, etc.). Les entretiens avec les impliqués ou
témoins constituent également une précieuse source d’information.
Dans la pratique, l'ensemble des données, matérielles (traces, chocs…) ou
non (déclarations), de l'accident sont analysées afin de découper l'évolution de
la situation de chaque véhicule en séquences cinématiques homogènes.
Ensuite, on estime les paramètres correspondant à ces différentes séquences
(coefficients de frottement, énergie dissipée dans un choc, etc.), puis ces
données sont traitées par un logiciel de calcul (ANAC). La procédure de calcul
remonte dans le temps depuis la position finale du véhicule jusqu’à la situation
de conduite initiale. La qualité de la reconstruction repose en partie sur des
données empiriques et sur le savoir-faire et l'expérience de l'opérateur. Les
résultats obtenus doivent permettre de satisfaire à une cohérence d'ensemble
du cas d'accident et fournir un chiffrage ayant une fiabilité suffisante. Lorsque
les données sont trop aléatoires ou incomplètes, on préfèrera renoncer. Pour
une information complète sur la méthode que nous utilisons, on pourra se
reporter au document de Lechner et al. (1986).
Rapport INRETS n° 262
25
Les pertes de contrôle en courbe
Pour chaque cas d’accident de notre échantillon, une reconstruction
cinématique a été réalisée, à l'aide du logiciel ANAC développé par l'INRETS,
lorsque les données étaient suffisamment complètes. En dehors des données
issues d'une reconstruction standard (chiffrage de chaque séquence
cinématique), déjà riches, nous recherchons en particulier les paramètres
correspondant aux points de sortie de chaussée.
Pour quelques cas sur chaussée mouillée (analysés dans le Chapitre 6 et
détaillés en annexe 1), nous avons procédé à une simulation sur sol sec.
2. Illustration sur un cas
De nuit, en sortie d'une courbe à gauche de 310 m de rayon moyen, le
conducteur d’une 405 perd le contrôle de sa voiture. Après avoir mordu sur
l’accotement droit, le véhicule revient sur la chaussée qu'il traverse en se
mettant en travers, percute le talus à gauche, puis est renvoyé en se retournant
sur chaussée et enfin s'immobilise dans un champ.
La première étape consiste à découper le déroulement de l’accident en
séquences cinématiques simples. Puis, il faut estimer la décélération à affecter
à chaque séquence, en prenant en compte l’aspect des traces laissées par le
véhicule, la nature du sol (chaussée, accotement en terre, herbeux,
gravillonné…), et les conditions particulières d’adhérence (mouillé, CFT4 faible,
chaussée déformée…).
Il convient aussi d’évaluer la ou les vitesse(s) équivalente(s) liée(s) aux
énergies dissipées lors des déformations dues au(x) choc(s) éventuel(s), noté
EES5.
Dans l’exemple, on identifie à l’aide du plan et du dossier 9 séquences, en
partant de la position finale :
− 2ème échappement 10 m dans un champ (décélération estimée à
-3 m/s2),
− 2ème choc contre le talus (EES estimé à 40 km/h),
− 1er échappement dans le champ avec renversement sur 23 m
(décélération estimée à -3m/s2),
− 1er choc contre le talus (EES estimé à 25 km/h),
− 15 m de ripage avec traces sur la chaussée (décélération estimée à
-5 m/s2),
− 20 m de ripage sans trace sur la chaussée (décélération estimée à
-4 m/s2),
4
Le Coefficient de Frottement Transversal, noté CFT, est le résultat d'une mesure d'adhérence sur
chaussée mouillée, réalisée par l'appareil Scrim du CETE de Lyon.
5
Equivalent Energy Speed, noté EES : cette valeur, estimée par un expert (utilisant notamment des
photothèques rassemblant des photographies de chocs en conditions expérimentales), permet
d'intégrer dans la reconstruction l'énergie dissipée dans les déformations d'un véhicule sous la
forme d'une vitesse correspondant à un choc sur un obstacle non déformable et dissipant une
énergie équivalente.
26
Rapport INRETS n° 262
Résultats globaux relatifs à la cinématique et aux trajectoires
− 64 m de roulage/ripage avec
(décélération estimée à -3 m/s2),
trace
dans
l’accotement
herbeux
− 30 m supposés en lever de pied sur la chaussée (décélération estimée à
-0,6 m/s2),
− 30 m supposés à vitesse constante en approche dans le virage.
Un séquenceur permet de saisir les paramètres nécessaires au calcul des
séquences. Le logiciel calcule les paramètres cinématiques recherchés, pour
chaque phase.
On remonte ainsi à une vitesse en début de perte de contrôle de 119 km/h,
129 m et 4,6 s avant le premier choc. L'ensemble des données calculées peut
ensuite être stocké dans un tableur permettant de visualiser les résultats.
Le logiciel permet aussi de visualiser une animation et de resituer le véhicule
à différents instants avec ses paramètres cinématiques.
On peut alors obtenir, par exemple, l’accélération transversale théorique du
véhicule dans le virage (γ = V2/R). Dans l’exemple précédent, on trouve
3,5 m/s2.
Rapport INRETS n° 262
27
Les pertes de contrôle en courbe
28
Rapport INRETS n° 262
Résultats globaux relatifs à la cinématique et aux trajectoires
La reconstruction cinématique est basée sur des estimations de
décélérations et d’EES empiriques. Par ailleurs, le modèle cinématique simplifié
utilise seulement des mouvements uniformes ou uniformément accélérés et ne
prend pas en compte les paramètres dynamiques spécifiques du modèle de
véhicule et de la route. La précision des résultats dépend donc essentiellement
du choix des valeurs de décélérations et d’EES. On ne pourra donner parfois
qu’un ordre de grandeur de la vitesse d’approche.
En outre, on ne remonte bien souvent qu’à une vitesse en début de traces,
faute d’informations suffisantes pour déterminer le comportement du véhicule
en amont. La vitesse retenue alors est probablement inférieure à la vitesse
réelle d’approche du véhicule.
Résultats globaux des reconstructions cinématiques
84 accidents
23 sans
reconstruction
8 sans chiffrage
61 avec reconstruction
vitesses et γt calculés
15 avec
estimation de
vitesse initiale
Sur les 84 accidents sélectionnés, 61 ont pu, grâce à la quantité et à la
qualité des données disponibles (traces, chocs, trajectoires, déclarations…),
donner lieu à une reconstruction cinématique permettant d’obtenir un chiffrage
relativement crédible, en particulier des vitesses/accélérations en début de
traces et/ou en début de perte de contrôle.
Dans 23 cas, la reconstruction n’a pu être réalisée. Il s’agit notamment de
quelques cas sans traces avant choc, souvent sur chaussée mouillée, et de cas
particuliers (chocs multiples, cas de motos en glissade/ripage) pour lesquels un
chiffrage crédible de la cinématique n’est pas faisable. Toutefois, pour 15 de
ces cas, nous avons quand même pu estimer un niveau de vitesse initiale en
fonction des évolutions du véhicule (trajectoire, choc), des lieux et des
déclarations du conducteur.
Rapport INRETS n° 262
29
Les pertes de contrôle en courbe
Pour tous les cas, reconstruits ou non, nous avons créé une variable globale
synthétisant le “niveau de sollicitation initiale” (noté γt,v) lors de l’entrée
dans la courbe selon 3 modalités :
− γt,v “normal” : pas de problème purement dynamique à attendre (valeurs
inférieures à 4 m/s² sur le sec, ou 2 m/s² sur chaussée mouillée, et
niveau de vitesse modéré). 24 cas.
− γt,v “élevé” : niveau de sollicitation (γt) en deçà de la limite théorique mais
générant des sollicitations fortes que l’on peut situer dans une zone de
“danger”. Par exemple, une accélération transversale entre 4 et 6 m/s²
sur sol sec et sur des rayons moyens ou petits, ou entre 2 et 4 m/s² sur
chaussée mouillée, ou niveau de vitesse élevé dans l’absolu (120 km/h
ou plus sur une chaussée à 2 voies). 34 cas.
− γt,v “très élevé” : valeurs proches ou au-delà de la limite théorique que
l’on peut situer dans une zone de “risque” (γt >6 m/s² sur le sec
ou >4 m/s² sur mouillé ou vitesse seule très élevée >130 km/h) ; ce
niveau de valeurs correspond souvent, sur chaussée sèche, à des
comportements de type “conduite sportive” ou offensive. 26 cas.
Pour l’ensemble des cas reconstruits avec le logiciel ANAC et les cas pour
lesquels la vitesse initiale a pu être estimée, on a construit le graphe suivant,
qui représente la distribution des accélérations transversales "théoriques"6 en
fonction de la vitesse et du rayon du virage. Le rayon pris en compte est le
rayon de la courbe (le rayon minimum en cas d'accentuation localisée de
courbure) ; la vitesse est la vitesse calculée ou estimée la plus en amont
possible. Ce graphique permet aussi de voir rapidement le niveau
d’accélération transversale correspondant à chaque cas.
L'accélération transversale que nous avons calculée (γt=V²/R) peut être qualifiée de "théorique"
dans la mesure où, si elle prend en compte une vitesse "réelle", résultat de la reconstruction, elle ne
peut prendre en compte la trajectoire exacte du véhicule impliqué (ce qui rendrait non comparables
les différents cas, pour lesquels des comportements particuliers interviennent : sur-braquage ou au
contraire absence de tout braquage, par exemple). Ce calcul s’appuie donc sur le rayon du virage
qui est (parfois) différent de celui de la trajectoire réelle des véhicules circulant. La prise en compte
de la trajectoire habituelle des véhicules circulant sur chacun des virages serait envisageable mais
nécessiterait une procédure lourde (observation, vidéo, traitement…) sans que l'on ait l'assurance
d'obtenir une estimation plus "juste" (les trajectoires sur chaque lieu sont multiples…). Cette
accélération transversale "théorique" doit être considérée comme le "cadre dynamique" dans lequel
un véhicule aborde un virage et qui permet de confronter l'ensemble de nos cas.
6
30
Rapport INRETS n° 262
Résultats globaux relatifs à la cinématique et aux trajectoires
Distribution des accélérations transversales en fonction des
rayons moyens et des vitesses calculées ou estimées
8 m/s2 7 m/s2 6 m/s2 5 m/s2
160
4 m/s2
3 m/s2
2 m/s2
140
Vitesse (km/h)
120
1 m/s2
100
80
60
40
20
0
0
100
200
300
400
500
600
700
Rayon (m)
Deux cas sur autoroute n’apparaissent pas car le rayon est très grand.
Quant à l’homogénéité des vitesses prises en compte, on peut craindre a
priori que certaines vitesses soient inférieures aux vitesses réelles en début de
perte de contrôle. Pour 14 cas sur les 76 représentés, on ne dispose que d’une
vitesse en début de traces. Cependant, dans 9 cas il y a eu interruption du
contrôle de la trajectoire par le conducteur (problème de "guidage"), et donc la
vitesse en début de traces est proche de (ou égale à) la vitesse en début de
perte de contrôle. Dans un cas, le niveau de vitesse est très élevé (135 km/h)
pour un rayon assez important, et dans deux cas, les sollicitations transversales
sont très élevées donc la perte de contrôle a eu lieu à peu de chose près au
début des traces. Dans un autre cas, la vitesse calculée en début de trace n’est
pas excessive dans l’absolu, mais la configuration du virage est telle qu’elle
correspond néanmoins à une vitesse limite, et peut être assimilée à la vitesse
d’approche. Il ne reste donc qu’un seul cas où la vitesse calculée en début de
trace est peut-être nettement inférieure à la vitesse réelle d’approche.
On constate une certaine dispersion des points sur le graphe, avec un
certain nombre de pertes de contrôle qui se sont produites malgré une faible
accélération transversale. Cela suggère une analyse plus fine, au travers de
l’étude de groupes d’accidents plus homogènes, en particulier en distinguant
les cas où la vitesse est à l’origine de l’accident et ceux où elle ne l’est pas, les
cas sur chaussée sèche et les cas sur chaussée mouillée. Malgré ces réserves,
ce graphe permet de constater que les accélérations transversales les plus
fortes se retrouvent exclusivement sur les virages à petit rayon (<150 m) et que,
inversement, les accélérations les plus faibles ne concernent que les rayons de
plus de 300 m, ce qui laisse supposer des configurations d'accidents
différentes.
Rapport INRETS n° 262
31
Les pertes de contrôle en courbe
Trajectoires
L'ensemble des trajectoires a été analysé. Les résultats généraux sont
présentés ci-dessous. Des analyses plus fines sont présentées aux chapitres
suivants, où les résultats concernant les trajectoires sont différenciés selon les
deux grands types de perte de contrôle.
Virage à droite = 27 cas
Virage à gauche = 57 cas
2
12
2
0
4
22
6
1
8
14
13
Ce schéma montre que l'on a une grande variété de cas, avec des
trajectoires-types très bien représentées et d'autres qui semblent marginales.
On note également dans les virages à gauche l'importance des cas (22+14+2)
dans lesquels le véhicule fait une incursion sur l'accotement extérieur, ainsi que
la répartition équilibrée de la localisation des chocs principaux (schématisés par
l'extrémité des flèches) entre l'extérieur et l'intérieur des virages. Ces données
seront approfondies dans un chapitre spécifique sur les conditions des sorties
de chaussée.
En liaison avec les développements
attendus sur l’analyse des conditions de
sortie de chaussée, nous avons également
recherché les principales caractéristiques
physiques lorsque le véhicule quitte la
chaussée pour la première fois (angulation
du véhicule sur sa trajectoire, angle de
sortie,
vitesse/accélération
au
point
d’incursion, déport) puis lors de la suite de
ses évolutions et que l'on peut illustrer par
l'exemple du schéma ci-contre. C’est en
s’appuyant sur ces données que nous
pourrons qualifier le type d’incursion (selon
que le véhicule est contrôlable ou non lors de
sa première sortie de chaussée) et évaluer le
rôle de l'accotement (Cf. Chapitre 7).
32
Rapport INRETS n° 262
Chapitre 3
Pertes de contrôle en virage de type
"guidage" et "dynamique"
Définition et caractéristiques
comparées
Définition d'une typologie
Rappelons d'abord ici la définition de la perte de contrôle que nous avons
présentée précédement : un seul véhicule est en jeu dans l'origine de
l'accident ; pas d'interaction entre véhicules (ou piéton ou animal) à l’origine de
l’accident, même si plusieurs véhicules peuvent être touchés par la suite.
D'autre part, rappelons que nous nous intéressons ici seulement aux pertes de
contrôle survenant en courbe.
A partir de ces critères de sélection, le groupe d'accident obtenu semble a
priori homogène. En fait, l'analyse des cas, d'abord globale, puis au travers de
leur reconstruction et de ses résultats chiffrés, révèle une grande variété de
situations (à l'origine de l'accident et dans son déroulement). Cette non
homogénéité suggère d'affiner notre typologie, ce qui sera par ailleurs
indispensable lorsque l'on voudra évaluer des actions sur l'infrastructure.
L’analyse détaillée du déroulement des accidents a montré que l’on pouvait
facilement séparer notre échantillon en deux catégories en fonction du
mécanisme de basculement de la "situation de conduite" vers une "situation
d’accident" ; l’origine de ces accidents est, en effet, généralement liée :
− soit à un problème de "guidage", dans la mesure où il y a interruption du
contrôle de la trajectoire ; cette catégorie intègre les cas
d’endormissement/somnolence, activité annexe, distraction, malaise… et
les cas de contrôle "dégradé" de la trajectoire (p.e. certains cas avec
alcoolisation) ;
− soit à un problème "dynamique" au sens où la perte de contrôle est liée
à une vitesse élevée relativement aux capacités du conducteur, du
véhicule et aux caractéristiques de la chaussée ; si, dans tous ces cas,
les niveaux de sollicitation en entrée de virage sont élevés, voire très
élevés, cette définition ne sous-entend pas qu’il y ait forcément un
“comportement à risque”, notamment pour les cas sur chaussée mouillée
où les niveaux de vitesse ne sont pas élevés dans l’absolu
(Cf. développements § 4 & 6).
Rapport INRETS n° 262
33
Les pertes de contrôle en courbe
Nos 84 accidents se répartissent ainsi :
− “guidage” ou “interruption du contrôle de la trajectoire” : 35 %
− “dynamique” : 65 %
2 cas particuliers, sur autoroute, n’ont pas été classés : 1 sur une zone en
travaux et 1 consécutif à des rafales de vent latéral.
Les critères retenus pour la catégorie "guidage" posent la question du rôle
du tracé dans le déroulement de ces accidents. Si un conducteur somnole et
qu'il maintient plus ou moins son véhicule sur la chaussée, a-t-il plus de chance
d'avoir un accident en virage ou en ligne droite ? Cette question suggère que
nos pertes de contrôle en virage de type "guidage" sont probablement assez
proches, dans leur origine, des pertes de contrôle en ligne droite ; une étude
spécifique serait nécéssaire, mais nous pourrons néanmoins donner quelques
éléments, notamment en analysant les trajectoires et les conditions des sorties
de chaussée.
Dans la suite de ce chapitre, nous étayons cette typologie avec les
paramètres cinématiques qui participent à sa définition, puis nous la mettons en
relation avec un ensemble de variables descriptives de l'accident, notamment
les trajectoires, la géométrie et le "contexte".
Certains points de vue (accidents sur sol sec/mouillé ou autre, sens du
virage, accotements, vitesses pratiquées) sont développés et approfondis dans
des chapitres spécifiques.
Ces exploitations concernent 82 cas, car 2 cas, inclassables dans cette
typologie, ne sont pas pris en compte.
Typologie et caractéristiques cinématiques
1. Niveaux de sollicitations initiales
γt,v initial
Total
Guidage
Normal
23 (4)
20 (1)
3 (1+2 sur chaussée
grasse)
Elevé
33 (11)
10
23 (11)
Très élévé
26 (7)
0
26 (7)
Dynamique
( ) = effectif sur chaussée mouillée
Cette répartition montre une cohérence logique entre la typologie qui vient
d'être définie et le niveau de sollicitation initial.
Les 26 cas de type “dynamique” avec γt,v très élevé constituent un
échantillon qui comprend de nombreux cas (16/26) avec des comportements de
conduite sportive ou offensive (dont 6 avec alcool).
34
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
Les 3 cas de type “dynamique” sans sollicitations initiales élevées sont
marginaux dans la mesure où ils se sont produits sur une chaussée
ponctuellement et exceptionnellement glissante (gas-oil, boue, très forte pluie).
Les effectifs sur chaussée mouillée sont une indication complémentaire
(développée plus loin) car les niveaux de sollicitations initiales ne sont pas
déterminés dans l’absolu mais tiennent compte de l’état de surface et de
l’adhérence mesurée lorsque la donnée existe.
2. Vitesses et accélérations transversales
Tableau des valeurs moyennes :
La vitesse initiale, Vinit, correspond à la vitesse calculée (estimée dans
quelques cas) en début de perte de contrôle.
La vitesse en début de traces est notée Vtraces.
Les accélérations transversales (V²/R) sont calculées à partir de la vitesse
appliquée au rayon de la courbe (pour les raisons présentées au chapitre 2).
Valeurs
moyennes
(Effectifs)
Guidage
Début des traces
Vtraces (21)
Vitesse
γt
Dynamique
Début de perte Début des traces
de contrôle
Vinit (18)
Vtraces (27)
Début de perte
de contrôle
Vinit (42)
(sec / non sec)
88 km/h
91 km/h
77 km/h
93 km/h
(100 / 84)
2,5 m/s²
2,9 m/s²
4,1 m/s²
5,5 m/s²
(6,1 / 4,7)
Les niveaux de vitesses sont globalement du même ordre entre les 2 types
d’accidents en ce qui concerne les vitesses initiales. Si l’on compare les
vitesses en début de traces, on constate que, pour les cas de type “guidage”,
les vitesses initiales et en début de traces sont pratiquement égales. Cela est
logique puisque dans ces cas, l’accident “commence” souvent (d’un point de
vue cinématique) au moment où le véhicule quitte la chaussée (ou est sur le
point de le faire).
Les différences entre les valeurs moyennes d’accélération transversale sont
plus intéressantes dans la mesure où cette donnée synthétise vitesse et rayon
de courbure. Les valeurs concernant les cas de type “dynamique” sont près du
double de celles de type “guidage” (6,1 / 2,9 sur sol sec), ce qui n’est pas
surprenant puisque la définition du type dynamique s’appuie sur un critère de
sollicitations dynamiques élevées (même s’il ne s’agit que de sollicitations
élevées relativement aux conditions du système, qui peuvent être dégradées
dans certains cas : chaussée mouillée par exemple). On peut noter d’autre part
que les accidents de type guidage se produisent dans des courbes de rayon
Rapport INRETS n° 262
35
Les pertes de contrôle en courbe
plus grand, en général, où les niveaux de sollicitation sont moins élevés,
compte tenu des vitesses habituellement pratiquées (Cf. plus loin “rayons
moyens”).
On constate aussi que la moyenne des accélérations transversales des cas
de type “dynamique” sur chaussée mouillée correspond à une valeur critique
(4,7 m/s²). L'état de surface (chaussée mouillée ou sèche), si l'on considère les
valeurs bien différenciées des résultats, apparaît comme un élément
fondamental dans ces pertes de contrôle de type "dynamique" et génère une
certaine hétérogénéité dans ce groupe.
Distribution des rayons, des vitesses et des accélérations
transversales estimées en fonction du type d'accident
(Guidage/Dynamique)
8 m/s 2 7 m/s 2 6 m/s 2 5 m/s 2
160
4 m/s 2
3 m/s 2
2 m/s 2
140
Vitesse (km/h)
120
1 m/s 2
100
80
60
40
Guidage
20
Dynamique
0
0
100
200
300
400
Rayon (m )
500
600
700
La position respective des points de chaque type d'accident sur le graphe,
de même que le tableau précédent présentant les valeurs moyennes, illustre
bien la forte différenciation des deux groupes sur ces données :
− les pertes de contrôle de type "guidage" concernent des rayons de
courbure très divers, de 100 à plus de 400 mètres, avec des vitesses
relativement "concentrées" entre 70 et 100 km/h ; les accélérations
transversales sont pratiquement toutes inférieures à 4 m/s²;
− les pertes de contrôle de type "dynamique" se sont produites
presqu'exclusivement sur des rayons de moins de 200 mètres avec une
distribution des vitesses bien répartie dans une large fourchette entre 60
et 120 km/h. Les accélérations transversales sont, pour la plupart,
situées entre 4 m/s² et 7 m/s² : 19 cas à moins de 5 m/s², un nombre
encore important (18/47) de cas entre 5 et 7 m/s² et 10 cas à 8 m/s² et
plus.
36
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
La lecture du graphe indique qu’il y a une certaine limitation des sollicitations
dans les cas d'accidents survenant dans des courbes de plus de 250 à 300 m
de rayon. Cela peut être expliqué par différentes considérations :
− dans les grands rayons, les accélérations transversales importantes ne
peuvent être atteintes que pour des vitesses extrêmes, sortant
complètement des pratiques de conduite habituelles (par exemple, pour
un rayon de 500 m, une accélération transversale de 5 m/s² ne peut être
atteinte que pour une vitesse de 180 km/h) ;
− pour une même valeur d’accélération transversale, la dérive du
pneumatique est d’autant plus importante que la vitesse est élevée
(Torchet et Lajoinie, 1970) ; or, dans les grands rayons, les fortes
accélérations transversales correspondent à des vitesses très élevées; la
dérive y est donc beaucoup plus importante et on s’approche d'avantage
des limites de stabilité du véhicule (le maximum théorique de
l’accélération transversale n’est donc pas indépendant du rayon, les
valeurs devraient être minorées sur les grands rayons) ;
− si la plupart des conducteurs sont capables de maitriser des
accélérations transversales fortes à des vitesses relativement faibles
(c’est-à-dire dans les petits rayons), ils ont plus de difficulté à le faire à
des vitesses plus élevées (dérives plus importantes, conditions plus
inhabituelles…). Par exemple, à 140 km/h dans une grande courbe la
moindre correction de trajectoire sera très délicate du fait de l’instabilité
du véhicule. D’autre part, certaines réactions intempestives (freinage,
coup de volant) peuvent avoir des conséquences encore plus
défavorables à des niveaux de vitesse élevés.
Plus généralement, on note que pour les seuls accidents de type
"dynamique", de nombreux cas se sont produits avec des niveaux
d'accélération théoriquement acceptables en première analyse.
On peut tout d'abord expliquer cela par le fait que l'on ne différencie pas ici
les cas selon l'état de surface, chaussée sèche ou mouillée, donnée essentielle
qui sera prise en compte dans les analyses suivantes.
La plupart (16/25) des cas de type "dynamique" correspondant à des
accélérations transversales inférieures ou égales à 5 m/s² se sont en effet
produits sur chaussée mouillée ; le dénominateur commun de tous ces cas
étant qu'ils se produisent dans le cadre d'un type de conduite rapide voire
sportif mais dans des contextes "courants" (seulement 3/25 conducteurs
légèrement alcoolisés) ; tous sont des véhicules legers (VL).
Rapport INRETS n° 262
37
Les pertes de contrôle en courbe
Il reste 9 cas, qui se sont déroulés sur chaussée sèche, avec des
accélérations transversales calculées de l'ordre de 4 m/s², qu'il est
nécéssaire de détailler :
− 2 accidents impliquant de jeunes motards : l'un est légerement alcoolisé
et conduit de nuit sans permis une moto que l'on vient de lui prêter et
l'autre est très peu expérimenté. Dans les deux cas, circulant à vitesse
élevée, les conducteurs ont apparement mal évalué la trajectoire à
négocier. Avec respectivement 4,3 et 5 m/s², ces deux cas ont les
valeurs calculées les plus élevées ;
− 1 accident avec un scooter conduit par un très jeune conducteur sur un
virage serré.
− Sur une petite RD sinueuse, en pleine nuit, un conducteur légerement
alcoolisé perd le contrôle dans un "S" serré droite-gauche malgré une
vitesse encore "acceptable" dans de "bonnes conditions" sur ce lieu. On
note dans ce cas l'importance de l'effet dynamique créé par un brusque
changement d'appui notamment avec un véhicule chargé et avec des
amortisseurs en mauvais état.
− Sur une RD large et roulante, tard dans la nuit, un conducteur circule à
vitesse très élevée (135 km/h reconstitué, choc sur VL en face à
106 km/h), sort "un peu large" d'une grande courbe à droite lorsqu'il est
surpris de voir un VL en face ; le conducteur réagit par un freinage, "tire"
droit etpercute l'autre VL en choc frontal.
− De nuit, une très jeune conductrice novice (15 jours de permis) est
surprise par la difficulté d'un virage qu'elle pensait plus facile ; elle réagit
par des coups de volant trop brusques (embardées).
− Un homme essaie une Porsche qu'un ami vient de lui prêter ; à l'entrée
d'un village, où il circule à 90 km/h, le véhicule se déporte légerement
vers l'extérieur d'un virage à gauche pourtant peu difficile et le
conducteur réagit par des coups de volant trop brusques ; on note que,
dans la courbe, un dos d'âne combiné à un devers nul a probablement
déstabilisé le véhicule dont les pneumatiques sont fortement sous
gonflés.
− Les deux derniers cas concernent des poids-lourds (PL): le conducteur
non local d'un semi-remorque chargé négocie à 90 km/h une bretelle de
raccordement entre deux autoroutes (A7-A54), où la vitesse est limitée à
80 km/h et dont le tracé forme une courbe à droite facile s'enchaînant
avec une courbe à gauche plus serrée et plus longue ; dans la seconde
courbe, suite à une probable combinaison de sur-braquage et de
freinage, le SR se met en travers puis se couche. Dans le second cas, le
conducteur (fatigué et pressé ?) d'un PL à vide aborde un peu vite un
virage à gauche (80 km/h sur un rayon de 150 m), est legèrement
déporté vers l'extérieur et chute dans le fossé qui borde immédiatement
le revêtement. Valeurs respectivement de 2,7 et 3,2 m/s², les plus faibles
de l'échantillon.
38
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
Le détail de ce petit échantillon illustre bien la variété des situations
rencontrée dans les pertes de contrôle en courbe, notamment ici avec des
types de lieux et de véhicules très divers.
Les deux derniers cas, concernant des PL, sont très particuliers dans la
mesure où on les a classés dans cette catégorie des "dynamiques sur
chaussée sèche avec des accélérations transversales inférieures à 5 m/s²".
S'ils sont bien de type "dynamique" et sur chaussée sèche, on peut se poser la
question de la pertinence d'un critère de capacité dynamique qui ne correspond
pas du tout à ce type de véhicule ; ici, une valeur de 3 m/s² pourra être estimée
"théoriquement acceptable" pour un VL alors que pour un PL chargé, on est
probablement assez proche de la limite. On pourra faire le même type de
commentaire pour les motos. Cette spécificité est, au même titre que l'état de
surface mais à un degré moindre, un élément qui induit une certaine non
homogénéité de notre typologie.
Un autre cas est particulier et marginal du fait d'un niveau de vitesse
exeptionnellement élevé qui implique des spécificités évoquées plus haut.
Le dénominateur commun de ces cas est l'inexpérience, que ce soit de la
conduite ou d'un véhicule particulier (2 motos, 1 cyclo, 1 Porsche, 2 PL). Une
autre caractéristique de l'échantillon est la présence de combinaisons
d'éléments concernant la chaussée et le véhicule (effet dynamique d'un
enchaînement de virage, d'un dos d'âne, d'un devers faible, défaut technique et
charge du véhicule) qui apparaissent comme des facteurs forts dans l'origine de
plusieurs cas.
A priori, il semblait difficile d'expliquer l'existence de ce groupe d'accidents
de type "dynamique" où les sollicitations sont apparement faibles ou
"théoriquement acceptables" avec une chaussée sèche. Or, sur la base des
travaux de Lechner et Perrin (1993), on peut rappeler que si des accélérations
transversales de l'ordre de 3 ou 4 m/s² sont éloignées de la limite théorique d'un
VL moyen aux vitesses usuelles, elles correspondent néanmoins à des
conditions de conduite marginales puisque durant 95 % du temps de conduite
les conducteurs n'atteignent pas ces niveaux de sollicitations, même sur route
sinueuse, et que des valeurs ponctuelles supérieures à 5 m/s² n'ont été
relevées que sur de très petits rayons de courbure. D'autre part, ces mêmes
travaux ont montré l'importance de la combinaison des accélérations
transversale et longitudinale, qui génère un forte augmentation de la sollicitation
résultante. L'effet défavorable d'un changement d'appui violent, d'un freinage,
d'un braquage brusque, d'une irrégularité de revêtement est donc certain mais
non chiffrable et non restitué par la valeur de l'accélération transversale qui
n'est que théorique.
Il reste toutefois que de nombreux cas se sont produits dans une fourchette
de valeurs très élévées, entre 5 et 7 m/s² (entre 90 et 110 km/h et de l'ordre de
150 m de rayon), mais théoriquement en deçà de la limite du véhicule ; sur les
16 cas, 4 sur chaussée mouillée, 15 avec des VL + 1 PL sur une bretelle
d'autoroute. L'analyse montre que l'on a affaire à des situations assez diverses
et variées, concernant en particulier des caractéristiques du "contexte" (nuit,
ambiance euphorique, inexpérience, alcool…) qui dégradent les capacités du
Rapport INRETS n° 262
39
Les pertes de contrôle en courbe
conducteur (lucidité, mauvaise appréciation de trajectoire…). Dans d’autres
cas, l’inexpérience explique certaines réactions inadaptées (corrections de
trajectoire ou freinage trop brusque).
10 cas ont des valeurs de l'ordre de 8 m/s² et plus ; 3 sur chaussée
mouillée, 2 motos et 2 PL sur bretelle d'autoroute. Tous se sont produits sur de
très petits rayons de l'ordre de 100 m et moins. Le détail de ces pertes de
contrôle illustre bien la diversité des situations :
− 2 cas sont des pertes de contrôle de PL sur une bretelle d'autouroute très
"sévere" et "piégeant" des conducteurs ne connaissant pas les lieux,
− 1 cas marginal avec un très jeune conducteur au guidon d'une moto de
cross, de nuit et sans éclairage sur une très petite route,
− 3 cas sur chaussée mouillée, dont 2 sur très petits rayons (route de type
montagne) et 1 avec très forte alcoolisation,
− 2 cas sur un virage en forte rupture par rapport à l'approche (passage
supérieur sur voie ferrée) avec des conducteurs qui "attaquent" (dont 1
avec une moto puissante en mauvais état),
− 2 cas de nuit sur des petites RD, avec des jeunes "fêtards" (alcool,
musique…) dont 1 avec un véhicule sportif (205 GTI).
En conclusion, les cas que l'on pourrait qualifier de "purs dynamiques", tels
qu'ils ont pu être identifiés dans une étude de Girard et Michel (1992) où des
conducteurs au volant de véhicules très sportifs étaient sciemment à la
recherche de la "limite", sont peu nombreux dans notre échantillon.
Nous pouvons faire le constat que, pour notre échantillon de pertes de
contrôle en courbe, dont une forte majorité est de type "dynamique", la vitesse
et le niveau de sollicitation sont des paramètres importants dans la mesure où
ils le segmentent nettement et où 75 % des conducteurs circulent à des
vitesses élevées (nous examinerons plus loin dans quelle mesure elles se
démarquent des vitesses "courantes").
Cependant, il apparaît également que l'on ne peut rendre compte du rôle
des sollicitations dynamiques élevées, y compris dans la catégorie des pertes
de contrôle de type dynamique, au moyen d'un seuil caricatural de "niveau de
sollicitation maximal admissible". La diversité des niveaux de sollicitations
rencontrés dans les pertes de contrôle de type dynamique renvoie à la diversité
des conditions (mouillé/sec, habituel/inhabituel, grands rayons/petits rayons) et
des systèmes en jeu (PL/VL/motos, inexpérimenté/expérimenté, etc.) qui
engendrent nécessairement une variabilité importante des limites de
fonctionnement des systèmes.
40
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
Typologie, trajectoires, géométrie et adhérence
1. Trajectoires et sens du virage
30 cas de type "guidage"
Virage à droite = 7 cas
Virage à gauche = 23 cas
2
3
4
1
1
10
2
7
52 cas de type "dynamique"
Virage à gauche = 32 cas
Virage à droite = 20 cas
2
9
2
0
3
17
6
1
6
Rapport INRETS n° 262
3
6
41
Les pertes de contrôle en courbe
Ces schémas, s'ils ne permettent pas de façon aussi nette que pour les
rayons de courbure une différenciation entre les deux types de perte de
contrôle, montrent un déséquilibre entre nos deux groupes concernant le sens
du virage et la distribution des trajectoires :
Sens du virage
Total
Guidage
Dynamique
à droite
27
7
20
à gauche
55
23
32
On constate que :
− Les pertes de contrôle de type "guidage" surviennent très majoritairement
dans les courbes à gauche (la répartition gauche-droite est
significativement différente d'une répartition homogène à 50/50 ;
χ²: p = 0,003) ;
− les “dynamiques” sont en légère majorité à gauche (déséquilibre non
significatif ; il y a équilibre si l’on ne considère que les cas sur le mouillé).
Nous tenterons d'expliquer (dans un chapitre spécifique) ce déséquilibre de
répartition des cas selon le sens du virage.
Concernant les trajectoires, on constate des spécificités opposées pour
chaque groupe :
Les pertes de contrôle de type "guidage"
− sont massivement représentées (10+2+7 = 19 cas/30) par des déports
sur l'extérieur des virages à gauche, avec ou sans incursion dans
l'accotement, suivis de rattrapages ; cela est cohérent avec les
infrastructures généralement concernées (grand rayon, chaussée large
avec accotement) qui permettent ces rattrapages (petit angle de sortie de
chaussée et nature de l'accotement) ;
− donnent lieu à très peu de sorties directes (4+3+1) parmi lesquelles on
pourra identifier quelques cas extrêmes (malaise, endormissement) et
d'autres où c'est la nature de l'accotement qui n'a pas permis la réussite
d'une tentative de retour sur chaussée.
Les pertes de contrôle de type "dynamique"
− donnent lieu à de très nombreuses sorties directes à l'extérieur du virage
(17+9) sans retour sur chaussée ; dans très peu de cas (3) il y a un
retour sur chaussée après incursion dans l'accotement ; cela est
également cohérent avec les petites infrastructures concernées et des
conditions très dégradées (orientation, vitesse) de sortie de chaussée ;
− sont, pour le reste (6+6+3+6 = 21 cas), des pertes de contrôle sur
chaussée sans incursion initiale ; on notera le nombre élevé de chocs
avec un véhicule en face (6+3), alors que les "guidages" n'en comportent
qu'un seul ; les conditions de trafic (les guidages se produisent
majoritairement de nuit) peuvent expliquer en partie cette particularité.
42
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
2. Types d'incursions dans l’accotement
En complément de l'analyse des trajectoires, on peut examiner les
paramètres correspondants au point de sortie de chaussée.
La notion de type d’incursion que nous avons définie indique si le véhicule
est considéré comme étant contrôlable ou non (rattrapage/correction de
trajectoire théoriquement possible7 en faisant abstraction de l’état de
l’accotement et de l'état du conducteur) lorsqu’il quitte la chaussée pour la
première fois (Cf. Chapitre 7).
Types d’Incursion
Guidage
Dynamique
16
11
ère
1 Incursion “initiale”
(Véhicule contrôlable)
1ère Incursion “résultante”
12
(Véhicule non contrôlable)
(χ²: p = 0,011 <0,05)
33
On constate ici une tendance inverse entre les 2 groupes :
− dans la majorité des cas en “dynamique” (33/44), le conducteur perd le
contrôle sur chaussée et/ou le véhicule est déjà incontrôlable lorsqu’il
sort,
− dans une majorité de cas de type “guidage”, le véhicule est encore
contrôlable lorsqu’il quitte le revêtement, généralement avec un angle
très faible et une vitesse modérée.
Au total, 33 % (16+11 / 82) des cas (tous VL sauf un petit PL) seraient
“rattrapables” si les caractéristiques de l’accotement le permettaient (en faisant
abstraction des capacités des conducteurs dont la majorité (16/27) est
fortement alcoolisé, en particulier ceux (8/11) des cas de type dynamique).
7
Cette notion est un "avis d'expert" et pourrait être validée par une simulation cinématique.
Rapport INRETS n° 262
43
Les pertes de contrôle en courbe
3. Rayons moyens des virages
Le tableau ci-dessous donne les valeurs moyennes des rayons pour chaque
type de perte de contrôle.
Valeurs moyennes
des rayons moyens
et rayons mini
Guidage
Rayon Moyen
312 m
(30 cas)
Dynamique avec γt Dynamique avec γt
élevé (23 cas)
très élevé (26 cas)
(sec / mouillé)
(sec / mouillé)
196 m
(195 m / 198 m)
173 m
(187 m / 137 m)
147 m
98 m
Rayon Minimum
(en cas d'accentuation
localisée de la
courbure)
Ces résultats, qui apparaissent déjà sous une autre forme sur le graphe de
la page 38, montrent comme nous l'avons déjà rapidement mentionné, que les
sollicitations sont d'autant plus fortes, dans les cas de type "dynamique", que le
rayon du virage est petit. Inversement, les grands et très grands rayons
(souvent sur des itinéraires peu sinueux et chaussée large) sont les lieux
privilégiés des pertes de contrôle de type “guidage” où la facilité du tracé est
plus propice aux tâches annexes, inattentions diverses, somnolence… générant
des dérives de trajectoire. On pourrait ainsi affirmer qu'une perte de contrôle se
produisant sur un rayon de moins de 150 mètres est de type dynamique, dans
plus de 8 cas sur 10.
4. “Défauts” de configuration géométrique : accentuation
localisée de courbure et dévers
Des “défauts” de géométrie ont été relevés sur certains virages étudiés.
Sur 16 virages accidentés (15 de type “dynamique”, dont 5 sur chaussée
mouillée), on a identifié une configuration “défavorable” du tracé : soit le rayon
minimum est très sévère, soit sa position en fin de courbe est anormale. De
plus, dans 5 des 15 cas en “dynamique”, une configuration défavorable du
devers est également présente (trop faible, voire nul dans certains cas,
notamment en sortie de courbe ou en zone de rayon minimum).
Ces configurations concernent des rayons moyens de l’ordre de 160 m
(valeur médiane idem), sur des RN ou RD de plus de 6 m sauf 2 cas sur
bretelles d’autoroute.
On peut noter le cas particulier d’une bretelle d’autoroute se refermant
(clothoïde trop longue), configuration très “trompeuse” pour des usagers (PL)
ne connaissant pas les lieux. D’une manière générale, certaines configurations
de bretelles d’autoroute sont problématiques (surtout pour les PL) d’autant
qu’elles constituent toujours une forte rupture dans l'itinéraire, notamment en
44
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
cas de raccordements entre autoroutes en continuité des voies de circulation
courantes.
Sur 10 accidents (dont 9 en “dynamique) une configuration défavorable du
devers a été identifiée sur des rayons de l’ordre de 170 m, partagés entre RD
larges et RD étroites.
Ces configurations “défavorables”, déjà bien identifiées dans les travaux de
Yerpez et Ferrandez (1986), ne sont pourtant présentes dans la production de
l’accident que conjointement avec des contextes particuliers tels qu'un style de
conduite sportif ou offensif, correspondant à des niveaux de sollicitations très
élevés, parfois associé à l'inexpérience du conducteur et/ou l'utilisation d'un
véhicule inhabituel. Dans la plupart des cas, le "défaut" de géométrie peut être
considéré plutôt comme un facteur accidentogène parmi d'autres que comme le
facteur unique permettant à lui seul d'expliquer l'accident.
5. Etat de surface et adhérence
Distribution des rayons, des vitesses et des accélérations
transversales estimées en fonction de l'état de surface et
du type d'accident
8 m/s 2 7 m/s 2 6 m/s 2 5 m/s 2
160
4 m/s 2
3 m/s 2
2 m/s 2
140
120
1 m/s 2
80
Sec / Guidage
60
Sec / Dynamique
40
Mouillé / Guidage
20
Mouillé / Dynamique
Vitesse (km/h)
100
0
0
50
100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750
Rayon (m )
Nota : 13 véhicules (8 motos et 5 PL) sur 84 ne sont pas des VL ; il
appartiennent presque tous (12/13) à la catégorie des "dynamiques sur
chaussée sèche"; seul, un cas implquant une petite moto, de nuit, est de type
"guidage sur chaussée sèche".
Notre échantillon ne comporte qu'un seul cas de type "guidage" sur
chaussée mouillée. L'absence de rôle de l'adhérence des chaussées dans le
déclenchement des pertes de contrôle de type "guidage" pourrait expliquer que
Rapport INRETS n° 262
45
Les pertes de contrôle en courbe
la proportion de ces cas sur chaussée mouillée soit très faible, de l'ordre de la
proportion du temps où la chaussée est mouillée au cours d'une année.
Comme on peut le constater sur le graphe ci-dessus et sur les tableaux
précédents, les accidents sur chaussée non sèche concernent presque tous
(21/22) des accidents de type “dynamique” ; le niveau moyen d’accélération
transversale sur chaussée mouillée (4,7 m/s²) est proche (voire égal) des
valeurs généralement considérées comme critiques sur sol mouillé (alors
qu’elle correspondrait, sur sol sec, à une valeur admissible, notamment dans le
cas des petits rayons/faibles vitesses).
Des valeurs d’adhérence (mesure CFT) anormalement basses ont été
relevées dans 6 cas (sur 21) de type “dynamique”.
Ces résultats montrent que les cas sur chaussée mouillée se produisent le
plus souvent avec des usagers qui sollicitent leur véhicule8 (dont 8 dans un
contexte de comportement de conduite sportif ou offensif), notamment sur de
petits rayons, à un niveau qui, s’il est acceptable sur le sec, ne passe pas
lorsque la chaussée est mouillée ; par exemple, un véhicule circulant à 90 km/h
sera théoriquement en difficulté sur le mouillé (γt ≥ 4,5 m/s²) sur des rayons de
moins de 140 m, s’il ne s’impose pas une baisse sensible de vitesse (-20 km/h
pour un rayon de 100 m). Toutefois, comme nous l'avons déjà constaté
précédement, le contexte des accidents sur chaussée mouillée est plus proche
des conditions de conduite courantes que pour les accidents de type
dynamique sur chaussée sèche avec, notamment, peu d'accidents de nuit et
peu avec présence d'alcool.
Parmi les pertes de contrôle de type "dynamique", la proportion d'accidents
sur chaussée mouillée (21/52) est ici très importante, à l'inverse du type
"guidage" où cette donnée est quasi absente (1/30).
Les résultats présentés ici confirment ceux de Lechner et Perrin (1993) : les
conducteurs n’ont pas conscience que l’adhérence est très nettement plus
faible lorsque la chaussée est mouillée. Nous tenterons d'approfondir cette
donnée pour en évaluer la pertinence car, dans certains cas, la question se
pose de savoir si l'accident aurait été évité si la chaussée avait été sèche.
8
Voir l'analyse des vitesses au §4.3
46
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
Typologie et quelques éléments de contexte
1. Type de route
Routes
Guidage
Dynamique
Autoroute (bretelles)
1
7
RN, L = 7 m (2 cas en 3 voies)
10
4
RD, L = 7 m
7
18
RD, 6 m ≤ L < 7 m
7
13
RD, 5 m ≤ L < 6 m
2
8
RD, L < 5 m
3
2
(χ²: p = 0,029 < 0,05)
Aucun accident ne se situe en milieu urbain.
Le tableau montre que :
− les accidents de type “guidage” se produisent très majoritairement sur des
infrastructures importantes et larges (cohérent avec les grands rayons),
− les accidents de type “dynamique”, a contrario, se produisent
essentiellement sur le réseau départemental, pour plus de la moitié (23/45)
sur des chaussées de moins de 7 mètres de large. 7 cas se sont produits
sur des bretelles d’autoroute, type de lieu très particulier où les accidents
impliquent aussi des véhicules particuliers (PL et moto).
2. Luminosité
Guidage
Dynamique
Jour
13
26
Nuit
17
26
Un peu plus d’accidents de nuit pour les “guidages”, ce qui semble cohérent
avec des capacités de conduite altérées (somnolence, fatigue) mais la
différence entre les deux groupes n'est pas significative (χ²: p = 0,56) sur un
échantillon de cette taille car la nuit est aussi propice à des comportements à
risque, plus typiques des "dynamiques".
On note cependant, pour les pertes de contrôle en courbe, une très nette
sur-représentation des accidents de nuit par rapport à l'ensemble des
accidents, ainsi que par rapport à l'ensemble des accidents en rase campagne
(au niveau national et en rase campagne : 35 % des accidents se produisent de
nuit ; source ONISR 2002).
Rapport INRETS n° 262
47
Les pertes de contrôle en courbe
3. Conducteurs
Guidage
(n = 30)
Alcool
Dynamique
(n = 52)
12
14
Méconnaissance du lieu
1
4
Conduite sportive/offensive
0
26
Inexpérience de la conduite
6
15
Ci-dessus, les variables caractérisant les conducteurs les plus fréquemment
identifiées lors de l’analyse des cas. Les 2 groupes sont bien différenciés. Pour
la variable alcool, bien que l’on trouve des alcoolémies positives dans les deux
types de pertes de contrôle, l’alcool ressort plus fortement dans le type
‘guidage’ (12 cas sur 30) que dans le type dynamique (14 cas sur 52). D’autre
part, on peut préciser que, dans les pertes de contrôle de type guidage avec
alcoolisation, les niveaux d’alcoolisation sont souvent élevés (9 cas sur 12 ;
alors que le niveau d’alcoolémie n’est élevée que dans 7 cas sur 14 pour les
pertes de contrôle de type dynamique avec alcoolisation). Il semble donc que
l'alcoolisation du conducteur intervienne, à des degrés différents, dans les deux
types de pertes de contrôle, mais selon des processus différents
(schématiquement : forte alcoolisation/somnolence Æ interruption ou forte
dégradation du contrôle de trajectoire pour le type guigage ; alcoolisation
moyenne Æ réduction des habiletés, euphorie et conduite offensive, pour le
type dynamique). L'inexpérience de la conduite et l'alcool sont des données qui
se recoupent peu sur notre échantillon (seulement 4 cas sur l'ensemble).
4. Véhicules
48
Spécificité
Guidage
(n = 30)
Dynamique
(n = 52)
Type = motocyclette
1
7 (1 sur bretelle aut.)
Type = PL
-
5 (4 sur bretelle aut.)
Défauts
Guidage
Dynamique
Pneus / pression
2
7 (5 sur sol mouillé)
Pneus / usure
-
4 sur sol mouillé
Charge + autres (cumul)
3
3
Rapport INRETS n° 262
Pertes de contrôle en virage de type "guidage" et "dynamique"
On remarque la présence importante des motos (grosses cylindrées) dans
les cas en “dynamique” ; à noter que, pour la moitié des cas d’accidents avec
des motos, il y a un problème d’expérience du véhicule et/ou de la conduite.
Conclusion
L’analyse détaillée du déroulement des accidents, dans un premier temps
du point de vue cinématique, nous a montré que la délimitation de notre
échantillon, qui semblait a priori recouvrir un type d'accident homogène,
recouvrait en fait une certaine diversité de cas. Elle nous a conduit à définir une
typologie sur deux modalités, liées à l’origine de ces accidents qui sont
généralement dus :
− soit à un problème de “guidage”, dans la mesure où il y a interruption du
contrôle de la trajectoire (cette catégorie intégre les cas
d’endormissement/somnolence, de tâche annexe, de distraction, de
malaise…) ou contrôle “dégradé” de la trajectoire (p.e. certains cas avec
alcoolisation) – 30 cas –
− soit à un problème “dynamique” au sens où la perte de contrôle est liée
à une vitesse élevée relativement aux capacités du conducteur, du
véhicule et aux caractéristiques de la chaussée – 52 cas –
Ces deux types de pertes de contrôle sont très bien différenciés, voire
opposés, essentiellement du point de vue des niveaux de sollicitation
(paramètres cinématiques ; ce qui est normal puisque cet aspect entre en jeu
dans la définition de la typologie) et des conditions de sortie de chaussée, mais
également du point de vue des infrastructures, gammes de rayons concernées
et sens des virages, ainsi qu'en ce qui concerne les données de "contexte".
Le groupe des "dynamiques" possède quelques spécificités absentes dans
l'autre groupe : une proportion importante de cas sur chaussée mouillée et de
cas avec un type de conduite sportive ou offensive, de nombreux véhicules
spécifiques (motos, PL, voiture de sport), la présence de "facteurs aggravants"
concernant l'état de la chaussée et du véhicule.
Quant aux "guidages", ils se démarquent également par une majorité de cas
se produisant de nuit, une proportion à peine plus élevée, et non significative,
de conducteurs alcoolisés et une proportion plus faible de cas avec des
conducteurs inexpérimentés.
Ces pertes de contrôle de type "guidage" constituent un groupe homogène,
probablement proche des accidents de pertes de contrôle en ligne droite ; on
note cependant un certaine dispersion (diversité) des paramètres cinématiques
(vitesses).
Le groupe des pertes de contrôle de type "dynamique" met généralement en
jeu des niveaux d'accélération transversale très élevés, parfois extrêmes
notamment sur de très petits rayons. Cependant, et logiquement du fait de la
diminution de la limite d'adhérence véhicule/chaussée, les cas se produisant
sur chaussée mouillée se démarquent assez nettement par un niveau de
sollicitation moins élevé (dans la plupart des cas admissible sur une chaussée
Rapport INRETS n° 262
49
Les pertes de contrôle en courbe
sèche) et un contexte plus proche des conditions de conduite courantes. La
présence de PL (dont les critères dynamiques sont particuliers) et d'accidents
localisés sur des bretelles d'autoroute est également à noter. Malgré la diversité
des niveaux de sollicitation, les pertes de contrôle de type "dynamique"
constituent un groupe homogène du point de vue des mécanismes en jeu. La
diversité des niveaux de sollicitation tient à la diversité des conditions limites de
fonctionnement résultant logiquement de la diversité des systèmes en jeu (PL,
motos, VL ; conducteurs inexpérimentés ou non, etc.) et des conditions
d'occurrence (mouillé, sec ; grands rayons, petits rayons ; types
d'infrastructure ; etc.).
50
Rapport INRETS n° 262
Chapitre 4
Vitesses des véhicules impliqués
dans les accidents et vitesses
habituellement pratiquées en courbe
Si certaines réponses ont déjà été fournies concernant la "marginalité" de
certains niveaux de sollicitation, en référence à des expérimentations sur routes
(Lechner et Perrin, 1993), nous nous posons dans ce chapitre la question de la
position des niveaux de vitesse en jeu dans ces accidents par rapport aux
vitesses couramment pratiquées.
Informations relatives aux vitesses
L'analyse détaillée des cas, conjointement avec les résultats chiffrés des
reconstructions cinématiques, nous a montré que, pour la majorité d'entre eux,
la vitesse était une donnée centrale dans l'origine de ces accidents. L'analyse
typologique, menée dans le chapitre précédent, a néanmoins fait apparaître
que pour certaines pertes de contrôle en virage, en particulier sur chaussée
mouillée ou pour les cas de type "guidage", les vitesses pratiquées ne sont pas
toujours excessives dans l'absolu. L'analyse des niveaux de vitesse pour des
pertes de contrôle en virage gagne donc à être réalisée sur des échantillons
homogènes du point de vue typologique.
Rappel sur les estimations de vitesse issues des reconstructions
cinématiques : sur les 84 accidents sélectionnés, 61 ont pu, grâce à la qualité
des données disponibles (traces, chocs, trajectoires, déclarations…), donner
lieu à une reconstruction cinématique permettant d’obtenir un chiffrage
relativement crédible, en particulier des vitesses et accélérations transversales
en début de traces et/ou en début de perte de contrôle.
Dans 23 cas, la reconstruction n’a pu être réalisée ; il s’agit notamment de
quelques cas sans traces avant choc, souvent sur chaussée mouillée, et de cas
particuliers (chocs multiples, cas de motos en glissade/ripage) pour lesquels un
chiffrage crédible de la cinématique n’est pas faisable. Toutefois, pour 15 de
ces cas, nous avons pu estimer un niveau de vitesse initiale en fonction des
évolutions du véhicule, des lieux et des déclarations du conducteur.
Au total, on dispose donc de 76 cas avec un chiffrage de vitesse initiale.
Pour 14 de ces cas, on ne dispose que d’une vitesse en début de traces. Cette
incohérence apparente de l’échantillon (les vitesses en début de perte de
contrôle sont généralement supérieures aux vitesses en début de traces) n’est
pas gênante car il s'agit essentiellement de pertes de contrôle de type
Rapport INRETS n° 262
51
Les pertes de contrôle en courbe
“guidage” pour lesquelles le début des traces correspond au début de la perte
de contrôle.
Les données de référence sur les vitesses pratiquées sont issues des
travaux de J-M Gambard9. Les deux courbes (Vmoyenne et V85) figurant sur
les graphes ci-après correspondent aux abaques fournies par ces travaux, où
les vitesses pratiquées sur chaussée sèche sont données en fonction du rayon
en milieu de virage, pour des chaussées à 2 voies de 6 à 7 mètres de large.
Ces courbes ont été légèrement “redressées” pour tenir compte de
l’évolution (d’ailleurs assez faible) des vitesses pratiquées sur le réseau RN et
RD à 2 voies depuis 15 ans (Biecheler et Peytavin, 2000).
Rappel : le V85 (parfois noté V15) correspond à la position du 85ème
percentile de la distribution de l’effectif (15 % des véhicules pratiquent une
vitesse >V85).
Analyses sur graphes
1. Graphe d'ensemble
160
Vitesses calculées et accélérations transversales dans les
accidents, en fonction de l'état de surface et du type d'accident
Vitesses pratiquées, mesurées sur le réseau, sur chaussées à 2
voies de 6 à 7m (Gambard, Setra 04/1986)
2
2
2
2
8 m/s 7 m/s
6 m/s
4 m/s 2
5 m/s
140
3 m/s 2
120
2 m/s 2
Vitesse (km/h)
100
1 m/s 2
80
Sec/Guidage
60
Sec/Dynamique
40
Mouillé/Dynamique
Vitesse Moy.
20
Vitesse V85
0
0
50
100
150
200
250
300
Rayon (m)
350
400
450
500
9
Vitesses pratiquées et géométrie de la route, J-M Gambard. Note d’information N° 10, SETRA
Avril 1986.
52
Rapport INRETS n° 262
Vitesses des véhicules impliqués dans les accidents et vitesses habituellement
pratiquées en courbe
Si l'analyse globale des vitesses pratiquées dans l'ensemble de nos cas de
pertes de contrôle en courbe n'est pas pertinente du fait de l'hétérogénéité de
l'échantillon, ce graphe d'ensemble permet de visualiser les différences
"intergroupes" (pertes de contrôle de type "guidage", de type "dynamique" sur
sec, de type "dynamique" sur mouillé) dans leur position par rapport aux
vitesses couramment pratiquées ; les spécificités de chaque groupe seront
détaillées ci-après.
2. Les accidents de type “dynamique” sur chaussée sèche
160
Vitesses calculées et accélérations transversales dans les
accidents, en fonction de l'état de surface et du type d'accident
Vitesses pratiquées, mesurées sur le réseau, sur chaussées à 2
voies de 6 à 7m (Gambard, Setra 04/1986)
2
8 m/s 7 m/s 2
6 m/s 2
4 m/s 2
5 m/s 2
140
3 m/s 2
120
2 m/s 2
Vitesse (km/h)
100
1 m/s 2
80
60
Sec/Dynamique
40
Vitesse Moy.
20
Vitesse V85
0
0
50
100
150
200
250
300
Rayon (m )
350
400
450
500
Cet échantillon (28 cas) est assez homogène.
Les vitesses se démarquent très nettement du V85 ; on se situe dans un
intervalle de valeurs que l'on peut qualifier de marginales, qui correspondent
dans la plupart des cas aux valeurs hautes de la distribution des vitesses et
sont associées à des comportements de conduite particuliers : conduite
offensive, voire sportive.
Ces cas concernent des rayons de 200 mètres et moins.
Les niveaux de vitesse ne sont pas extrêmement élevés dans l’absolu
(majorité entre 80 et 120 km/h) mais correspondent à des sollicitations
transversales théoriques presque toujours élevées (γt >5 m/s²), voire très
élevées (γt >7 m/s²) pour les rayons de 150 mètres et moins.
Rapport INRETS n° 262
53
Les pertes de contrôle en courbe
On note aussi quelques cas marginaux :
− 1 cas à 160 km/h et 1 cas à 135 km/h sur des rayons respectifs de 300 et
350 mètres.
− 7 cas sont situés en dessous de la courbe du V85 des vitesses
pratiquées ; cela peut sembler curieux d’autant que les accélérations
théoriques correspondantes sont inférieures à 4 m/s². L’analyse de ces
accidents révèle des conditions particulières :
− Effet dynamique d’un dos d’âne + novice essayant une Porsche avec
pneumatiques sous gonflés ; conduite sportive/ludique,
− Effet dynamique d’un “S”, enchaînement direct de deux très petits
rayons + basculement très brusque de devers + conduite offensive,
− Conducteur novice, de nuit, connaissant mal la route, surpris par la
difficulté du virage, réagissant par sur-braquage,
− Un jeune en scooter sur un rayon de 70 mètres en descente,
− Un motard novice qui a mal anticipé sa trajectoire et “se fait peur”,
− Une semi-remorque surprise par le tracé très sévère d’une bretelle
d’autoroute,
− Un petit PL anticipant sur une trajectoire coupant le virage ; correction
de trajectoire suite à la crainte de la survenue d’un véhicule en face.
Pour ces cas, on constate que le niveau de vitesse et le γt théorique
moyennement élevé (3 à 4 m/s²) ne suffit pas à expliquer seul l’accident, sauf
peut-être pour les PL dont les critères de tenue en courbe sont très différents
des VL.
54
Rapport INRETS n° 262
Vitesses des véhicules impliqués dans les accidents et vitesses habituellement
pratiquées en courbe
3. Les accidents de type “dynamique” sur chaussée mouillée
160
Vitesses calculées et accélérations transversales dans les
accidents, en fonction de l'état de surface et du type d'accident
Vitesses pratiquées, mesurées sur le réseau, sur chaussées à 2
voies de 6 à 7m (Gambard, Setra 04/1986)
2
2
2
2
8 m/s 7 m/s
6 m/s
5 m/s
4 m/s 2
140
3 m/s 2
120
2 m/s 2
Vitesse (km/h)
100
1 m/s 2
80
60
Mouillé/Dynamique
40
Vitesse Moy.
Vitesse V85
20
0
0
50
100
150
200
250
300
Rayon (m )
350
400
450
500
19 cas sont représentés sur ce graphe.
2 cas sont très excentrés (sur la courbe à 1 m/s²) et correspondent à des
accidents qui se sont produits sur chaussée grasse (gas-oil, boue) avec des
usagers circulant à vitesse modérée qui se sont fait “piéger”.
Pour l’ensemble des autres cas, les vitesses pratiquées sont relativement
proches de la courbe V85 avec :
− quelques cas avec des vitesses inférieures au V85, pour la plupart avec
une mauvaise adhérence,
− une majorité de cas où la vitesse calculée est supérieure au V85 ; le
différentiel de vitesse avec le V85 (+10 à +20 km/h) montre que ces cas
se situent bien dans la partie supérieure de la distribution des vitesses
pratiquées, à un niveau légèrement inférieur à celui de l’échantillon
“dynamique” sur chaussée sèche,
− 2 cas marginaux, avec des vitesses très supérieures au V85 et 2 cas sur
des rayons extrêmement petits (<50 m).
Cela confirme bien l’hypothèse évoquée lors de l’analyse des cas, à savoir
que le niveau des vitesses est élevé mais reste proche, ou modérément
supérieur, au V85 ; on se situe dans la partie la plus haute de la distribution des
vitesses mais ces valeurs n'ont pas le caractère extrême et marginal que l'on a
Rapport INRETS n° 262
55
Les pertes de contrôle en courbe
noté pour les pertes de contrôle de type dynamique sur chaussée sèche. On a
ici affaire à des conducteurs qui circulent vite et qui n’ont pas pris en compte
(ou n'ont pas conscience de) la baisse très importante de l’adhérence lorsque la
chaussée est mouillée et qui maintiennent un niveau de vitesse identique aux
conditions sèches, notamment sur les petits rayons. On note toutefois quelques
cas où les vitesses et les sollicitations générées sont extrêmes et qui se
seraient probablement produits même si la chaussée avait été sèche (cette
question de la pertinence de l'état de surface sera traitée dans un chapitre
spécifique).
4. Les accidents de type “guidage”10
160
Vitesses calculées et accélérations transversales dans les
accidents, en fonction de l'état de surface et du type d'accident
Vitesses pratiquées, mesurées sur le réseau, sur chaussées à 2
voies de 6 à 7m (Gambard, Setra 04/1986)
2
2
2
2
8 m/s 7 m/s
6 m/s
5 m/s
4 m/s 2
140
3 m/s 2
120
2 m/s 2
Vitesse (km/h)
100
1 m/s 2
80
60
Sec/Guidage
40
Vitesse Moy.
Vitesse V85
20
0
0
50
100
150
200
250
300
Rayon (m )
350
400
450
500
26 accidents sont représentés sur ce graphe. 1 seul accident, de type
"guidage" sur chaussée mouillée (V = 70 km/h sur un rayon de 640 m),
n'apparaît pas sur le graphe.
Le niveau des vitesses est relativement proche du V85 (seulement 7 cas
avec une vitesse >V85), et même de la vitesse moyenne pour les grands
rayons. Ceci est cohérent puisque les cas appartenant à cette typologie (avec
activités annexes, inattention, somnolence…) sont peu compatibles avec une
conduite offensive ou sportive de même que la conduite sur itinéraire très
sinueux. Les niveaux de vitesse sont ici globalement cohérents avec les
vitesses couramment pratiquées, bien que l'on se situe le plus souvent au
10
Tous sur chaussée sèche.
56
Rapport INRETS n° 262
Vitesses des véhicules impliqués dans les accidents et vitesses habituellement
pratiquées en courbe
dessus de la vitesse moyenne. Il est possible que dans les cas de problème de
guidage survenant à des vitesses inférieures à la moyenne, les possibilités de
rattrapage soient plus importantes.
On constate aussi une certaine hétérogénéité des vitesses de ce groupe
d'accidents qui illustre les différentes situations d'origine correspondant à ce
type de cas (distractions-activités annexes / somnolence-malaises).
Conclusion
L'analyse comparative des vitesses calculées dans les pertes de contrôle et
des vitesses habituellement pratiquées en courbe a été menée sur chacun des
3 groupes homogènes résultants de l'analyse typologique précédente.
Les niveaux de vitesse pour l'ensemble des cas de type "dynamique" se
situent généralement nettement au-dessus du V85 de référence, c'est-à-dire
qu'ils appartiennent à la partie la plus haute de la distribution (15 % de l'effectif
au-dessus du V85).
− Les vitesses des cas dynamiques sur chaussée sèche peuvent être
qualifiées d'extrêmes et marginales par rapport aux vitesses courantes,
confirmant le fait qu'ils se produisent généralement dans un contexte de
conduite rapide ou offensive.
− Les cas de type dynamique sur chaussée mouillée ont des vitesses plus
proches du V85, parfois inférieures ; on est donc bien ici dans le cadre de
pratiques de vitesses élevées, sans le caractère extrême du groupe
précédent, mais avec un manque d'adaptation de la vitesse pratiquée
aux conditions d'adhérence diminuées sur une chaussée mouillée.
On note également quelques cas où les vitesses sont inférieures au V85 ;
ces accidents sont particuliers dans la mesure où une origine multifactorielle est
bien identifiée (uni, adhérence, défauts véhicule) et/ou dans la mesure où il
s'agit de véhicules eux-mêmes particuliers (PL, moto).
Les vitesses observées dans les cas de type "guidage" sont peu
homogènes : pour une moitié proches ou supérieures au V85 et pour une autre
proches de la vitesse moyenne couramment pratiquée. L'hétérogénéité des
vitesses de ce groupe d'accidents illustre les différentes genèses incluses dans
cette typologie (distractions-tâches annexes / somnolence-malaises).
Le niveau modéré des vitesses indique que pour ce type d'accident on est
proche des pratiques "courantes" en termes de type de conduite.
Rapport INRETS n° 262
57
Chapitre 5
Sens du virage
La prédominance des configurations de courbe à
gauche
Sur 84 pertes de contrôle étudiées, 56 ont eu lieu en virage à gauche
(67 %), contre 28 seulement en virage à droite (33 %). On constate également
que ce déséquilibre est moins marqué si l'on ne considère que les cas sur
chaussée mouillée, mais ce constat n'est pas significatif sur un effectif aussi
faible.
Total
Dont
Ch. mouillée
Dont
Autres
à droite
28 (dont 5 bretelles)
8
1 (gas-oil)
à gauche
56 (dont 2 bretelles)
12
1 (boue)
L'exploitation de fichiers d'accidents représentatifs confirme ces tendances :
on a bien une forte prédominance d'accidents sur des virages à gauche, sauf
lorsque la chaussée est mouillée où la répartition est équilibrée.
Comment expliquer cette prédominance d'accidents en virage à gauche ?
Nous formulons l’hypothèse que cette différence tient au fait que la voie en
sens inverse constitue généralement une bonne zone de récupération
dans les virages à droite, pour les véhicules sortant de leur voie initiale. A
l’inverse, en virage à gauche, l’usager sortant de sa voie vers l’extérieur, se
retrouve immédiatement hors chaussée dans des conditions généralement
impropres à une bonne récupération. Cette hypothèse de "l'espace disponible"
ne jouerait plus (ou beaucoup moins) dans plusieurs situations : lorsque la
chaussée est mouillée, la faiblesse des coefficients de frottement ne permettant
alors que rarement d’éviter de sortir de chaussée au-delà de la voie de sens
inverse, ainsi que lorsqu'un véhicule survient sur la voie de sens inverse.
Pour tenter de comprendre ce déséquilibre et de valider nos hypothèses,
nous analyserons nos cas en fonction de l'état de surface, en se posant la
question de savoir – par simulations cinématiques – ce qui se serait passé dans
les cas de perte de contrôle sur des virages à droite sur chaussée mouillée si la
chaussée avait été sèche. Nous tenterons également de savoir s'il existe des
différences selon le sens du virage, concernant la typologie et la géométrie des
virages concernés.
Rapport INRETS n° 262
59
Les pertes de contrôle en courbe
Etat de surface
En croisant le sens du virage avec l’état de surface de la chaussée
(sec / mouillé), on obtient le graphe suivant :
Distribution des rayons, des vitesses et des accélérations
transversales estimées en fonction du sens du virage et
de l'état de surface
2
2
2
8 m/s2 7 m/s 6 m/s 5 m/s
160
4 m/s2
3 m/s2
2 m/s2
140
Vitesse (km/h)
120
1 m/s2
100
80
Sec / Gauche
60
Sec / Droite
40
Mouillé / Gauche
20
Mouillé / Droite
0
0
50
100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750
Rayon (m)
Nous faisons l’hypothèse que la voie en sens inverse dans les virages à
droite perdrait une grande partie de son efficacité pour la récupération des
pertes de contrôle lorsqu’elle est mouillée du fait de la faible adhérence
disponible, surtout lorsque le véhicule a déjà commencé à glisser.
Si la chaussée avait été sèche ?
On a cherché à savoir dans les cas d’accidents en virage à droite sur
chaussée mouillée, ce qu’il se serait passé si la chaussée avait été sèche.
Notre hypothèse sera confortée si, dans une majorité de ces cas, la perte de
contrôle ne se produit pas sur sec, ou est rattrapable, cela grâce à la voie de
sens inverse.
Sur 9 cas concernés, tous de type "dynamique", 6 ont été reconstruits sur
chaussée mouillée, puis simulés sur chaussée sèche (par simple changement
du coefficient d'adhérence). Pour 2 autres cas, une reconstruction cinématique
a été faite, et il a été possible de se prononcer sur cette base sans recourir à
des simulations numériques. Enfin, pour 1 dernier cas, le manque de données
n'a pas permis de conclure.
Le détail de ces analyses figure dans l'annexe 1.
60
Rapport INRETS n° 262
Sens du virage
Synthèse des résultats de la simulation
Les conclusions relatives à ces 9 cas de véhicules en perte de contrôle dans
un virage à droite sur chaussée mouillée sont les suivantes :
− dans 1 cas, on ne peut pas se prononcer,
− 5 véhicules seraient passés sans difficulté si la chaussée avait été sèche,
sans même déborder sur la voie en sens inverse,
− dans 2 cas, le conducteur aurait eu des difficultés à franchir le virage,
mais aurait peut-être pu rattraper son déport grâce à la voie en sens
inverse,
− une perte de contrôle n’aurait pas été évitée.
La majorité de ces accidents aurait été évités sur chaussée sèche sans
utiliser l'espace de la voie inverse ; il n’y a que 2 cas où l'on peut dire qu’une
chaussée sèche aurait permis à la voie de sens inverse de jouer le rôle de zone
de récupération.
Cette démarche avait pour intention de mettre en évidence, de façon
indirecte, l’existence d’accidents évités en courbe à droite sur sol sec grâce à la
voie de sens inverse. Et cela, au moyen de simulations recréant les conditions
de sol sec à partir d’accidents s’étant produits sur chaussée mouillée.
Cette tentative n’est guère concluante. L'une des raisons en est sans doute
que, dans ces simulations, nous avons recréé les conditions d’adhérence sur
sol sec, sans recréer les conditions de vitesse initiale propres au sol sec (les
vitesses étant dans l’absolu nettement plus faibles sur sol mouillé, même si l’on
est proche des seuils de sollicitations critiques du fait de la très faible
adhérence de la chaussée mouillée). De ce fait, dans ces simulations, le seul
passage à l’état de sol sec suffit en général – même sans débordement sur la
voie de sens inverse – à éviter l’accident.
La méthode adoptée est donc à remettre en cause puisque ces conditions
sont sans doute éloignées des conditions prévalant dans les accidents évités
en courbe à droite sur sol sec dont nous supposons l’existence11.
Les résultats obtenus ici ne peuvent ni infirmer ni confirmer l’hypothèse
selon laquelle des accidents en courbe à droite seraient évités grâce à la voie
de sens inverse, en particulier sur sol sec ; nous verrons dans la suite que
d’autres considérations conduisent malgré tout à considérer cette hypothèse
comme très plausible.
11
Un prolongement possible de cette investigation pourrait consister à refaire ces simulations en
imputant un niveau de vitesse supérieur correspondant à la situation de sol sec, en utilisant des
résultats de recherche récents mettant en évidence les différences de vitesse entre conditions
normales et temps de pluie (Collectif, 2002).
Rapport INRETS n° 262
61
Les pertes de contrôle en courbe
Typologie et répartition gauche – droite
En croisant la répartition gauche / droite avec la typologie des pertes de
contrôle, dynamique ou guidage, on obtient le graphe suivant :
Distribution des rayons, des vitesses et des accélérations
transversales estimées en fonction du sens du virage et
du type d'accident
2
2
8 m/s2 7 m/s 6 m/s 5 m/s
160
2
4 m/s2
3 m/s2
2 m/s2
140
Vitesse (km/h)
120
1 m/s2
100
80
Guidage / Gauche
60
Guidage / Droite
40
Dynamique / Gauche
20
Dynamique / Droite
0
0
50
100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750
Rayon (m)
Pour les virages à gauche, la répartition des pertes de contrôle entre
dynamiques et guidages est pratiquement équitable. Au contraire, pratiquement
toutes les pertes de contrôle en virage à droite sont de type "dynamique", et
une majorité correspond à des accélérations transversales assez importantes.
Cette quasi-absence de pertes de contrôle de type "guidage" en virage à
droite va dans le sens de l’hypothèse énoncée au début de ce chapitre : il
semblerait que la voie en sens inverse constitue souvent une bonne zone de
récupération dans les virages à droite lorsqu’un conducteur dérive de sa
trajectoire par inattention sans atteindre des niveaux de sollicitation critiques.
Cela reste une hypothèse dans la mesure où il s’agit alors d’accidents qui sont
supposés avoir été évités et sur lesquels nous ne possédons aucun élément
d'information.
62
Rapport INRETS n° 262
Sens du virage
Influence de la géométrie
La distribution des cas entre virage à droite et virage à gauche sur le graphe
précédent montre que les pertes de contrôle en virage à droite se produisent
souvent dans des courbes de rayons inférieurs à ceux des pertes de contrôle
en virage à gauche : le rayon moyen pour toutes les pertes de contrôle en
virage à droite est de 208 m au lieu de 264 m à gauche.
Ce résultat est compatible avec l'hypothèse que la voie de sens inverse joue
un rôle dans la récupération de certaines pertes de contrôle.
En effet, en courbe à droite, le temps disponible pour une manœuvre de
récupération (temps de traversée de la voie de sens opposée à une vitesse
correspondant au rayon de la courbe, au 85ème centile de la distribution par
exemple) est une fonction croissante du rayon de courbure, pour les rayons de
plus de 70 à 80 m.
Quand le rayon augmente, la distance
de traversée de la voie opposée augmente
en effet en proportion de √R, et la vitesse
pratiquée dans la courbe augmente
également (Gambard, 1986) mais moins
rapidement que cette distance (pour des
rayons supérieurs à 70-80 m environ). De
ce fait, le temps de traversée d'une voie de
3,50 m par exemple, pour un conducteur
"tirant tout droit" dans la courbe, est
supérieur d'environ 50 % dans une courbe
de 350 m de rayon par rapport à une
courbe de 80 m de rayon.
Temps de traversée de la voie opposée
Temps (en secondes), pour V = V85
2,5
2
1,5
voie de 3,5 m
voie de 3 m
1
0,5
0
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
Rayon du virage (en mètres)
Rapport INRETS n° 262
63
Les pertes de contrôle en courbe
Les possibilités de récupération en courbe à droite seraient donc, pour cette
raison, supérieures dans les grands rayons, expliquant que la différence du
nombre d'accidents entre courbes à droite et courbes à gauche soit
particulièrement forte pour les grands rayons.
Mais on peut penser que d’autres différences entre virage à gauche et
virage à droite interviennent aussi, par exemple au niveau de l’aspect perceptif
(approche, aspect visuel, visibilité) et de ses conséquences sur les
comportements de conduite.
Conclusion
Notre but était de tenter d'expliquer pourquoi une majorité des pertes de
contrôle se produisent en virage à gauche.
L’hypothèse que nous avons formulée est que la voie en sens inverse
constitue généralement une bonne zone de récupération pour les pertes de
contrôle en virage à droite, et permet ainsi d’éviter des accidents. Dans des
conditions similaires, des accidents ne seraient pas évités dans une
configuration de virage à gauche, où une telle zone de récupération est
généralement absente du fait de l’absence ou de la qualité insuffisante de
l’accotement.
Les résultats obtenus dans cette partie montrent que :
− Les accidents par perte de contrôle sous sollicitations modérées et par
bonnes conditions (sol sec) sont beaucoup plus rares en virages à droite
qu’en virage à gauche ;
− Les accidents par perte de contrôle résultant de problème de contrôle de
trajectoire et dérives (guidage), qui se produisent sous faibles
sollicitations, sont très rares en virage à droite ;
− Les accidents par perte de contrôle dans les plus grands rayons, qui se
produisent sous sollicitations modérées, sont plus rares en virage à droite
qu’en virage à gauche.
Cet ensemble de résultats permet de conforter partiellement l’hypothèse
évoquée :
− La voie de sens inverse constitue généralement une bonne zone de
récupération ; cet avantage permet d’éviter, dans les virages à droite, de
nombreux accidents dans des conditions de sollicitations modérées.
− Cette zone de récupération ne permet pas cependant de récupérer les
situations les plus irrémédiables liées à de fortes sollicitations
dynamiques, ou à des conditions de surface de chaussée défavorables
(chaussée mouillée notamment).
Le fait de disposer d’un espace de récupération sur l’extérieur du virage
apparaît donc comme un élément essentiel. Cela conduit aussi à accorder une
grande importance à la présence ou à l’absence d’un accotement sur l’extérieur
de la courbe (Voir Chapitre "Accotements"). Toutefois, notre hypothèse, portant
64
Rapport INRETS n° 262
Sens du virage
sur l'absence (ou le rattrapage) d'accidents qui ne se sont pas produits, reste
difficile à démontrer de façon formelle.
D'autres paramètres, concernant par exemple les aspects perceptifs
(approche, aspect visuel, visibilité) et leur influence sur les comportements de
conduite, pourraient également intervenir dans l'explication de la différence de
fréquence entre accidents en courbe à gauche et accidents en courbe à droite.
Mais l'influence de ces paramètres ne pourrait être étudiée qu'au prix
d'investigations lourdes sur les comportements de conduite, en situation réelle
ou sur simulateur, qui sortiraient du champ de la présente recherche.
Rapport INRETS n° 262
65
Chapitre 6
Chaussée mouillée, adhérences
faibles
Sur les 84 cas étudiés, 22 ont eu lieu sur chaussée mouillée. Pour ces 22
cas, nous nous posons la question de l’influence de l’état de surface et du
niveau d’adhérence sur la perte de contrôle. Un de ces 22 accidents est de type
"guidage", et a pour origine un endormissement : l’état de surface et
l’adhérence n’ont pas joué de rôle déterminant dans l’accident.
Pour les 21 cas restants, de type "dynamique", que se serait-il passé si la
chaussée avait été sèche ?
Pour 6 cas où l'adhérence mesurée sur les lieux (résultat de mesures Scrim
sous forme de CFT – Coefficient de Frottement Transversal –) est
particulièrement médiocre, nous tenterons d'abord de savoir ce qui se serait
passé si l'adhérence avait été bonne.
Pour répondre à ces questions, nous aurons recours à la simulation de ces
configurations.
Simulation de la configuration sur sol sec
Parmi les 21 cas sur chaussée mouillée, certains sont survenus en virage à
droite et ont déjà été étudiés dans le Chapitre 5 (Sens du virage) et présentés
de façon détaillée en annexe 1. Les résultats globaux des simulations pour
l’ensemble des 21 cas sur chaussée mouillée sont présentés en annexe 2, sous
la forme d'un tableau récapitulatif et synthétique, avec :
− le niveau d’adhérence et, lorsqu’elle a été mesurée, la valeur du CFT,
− le rayon du virage,
− l’accélération transversale critique estimée sur les lieux (γt critique), c’est-àdire l’accélération transversale limite à partir de laquelle on estime qu’il
devient difficile, voire impossible de passer le virage, qui tient compte de
l’état de surface, du niveau d’adhérence et des caractéristiques
géométriques du virage qui conditionnent le niveau de vitesse de
franchissement,
− l’accélération transversale théorique du véhicule(γt théorique/Vinit), calculée à
partir de la vitesse initiale, c’est-à-dire la vitesse estimée ou calculée la
plus en amont possible (en début de perte de contrôle ou, au plus tard,
au début des traces),
Rapport INRETS n° 262
67
Les pertes de contrôle en courbe
− notre conclusion sur chaque cas : accident évité (passage) ou non (perte
de contrôle), ou cas non tranché (limite).
En principe, puisque ces accidents sont de type "dynamique", on devrait
toujours avoir γt théorique/Vinit > γt critique, or ce n’est pas le cas pour 7 accidents sur
21. Cela s’explique d’abord parce que γt théorique/Vinit est une valeur théorique,
calculée à partir de la formule V2/R, qui ne tient pas compte d’évolutions
particulières de la trajectoire du véhicule dans le virage. Comme nous avons
déjà pu le constater dans l'analyse détaillée de la typologie et des paramètres
cinématiques associés, d’autres éléments sont également à prendre en compte,
tels que les manœuvres et réactions du conducteur parfois surpris par une
difficulté (sur-braquage brusque induisant une accélération instantanée très
élevée), et tel que l’état du véhicule (sous-pression des pneus, surcharge
éventuelles) ou certains défauts d'uni. Par ailleurs, la valeur du γt critique a été
estimée de manière empirique et manque parfois de précision en raison de
l’insuffisance de données sur l’adhérence. Elle pourrait être remise en question
pour certains de ces 7 cas. On pourra également se réferer à la note technique
(SETRA, 1984) qui propose des seuils de référence sur chaussée mouillée en
fonction de l'accélération transversale (corrigée du devers) et de la vitesse. Le
graphe illustrant ces seuils non linéaires est présenté en annexe 3 (avec la
position de nos cas de type dynamique sur chaussée mouilllée ou non sèche) ;
il montre que 11 cas sont bien au-delà de la courbe de "seuil physique
conventionnel" et que 5 autres cas en sont très proches.
Si la chaussée avait été sèche ?
En comparant γt critique et γt théorique/Vinit, et en tenant compte des résultats
obtenus, on a tenté de conclure sur ce qu’il se serait passé si la chaussée avait
été sèche.
Pour 2 cas, on ne peut pas se prononcer, en l’absence de vitesse estimée
précise.
Pour 11 cas sur les 19 restants, sur chaussée sèche, la perte de contrôle
n’aurait pas eu lieu.
Pour 4 cas, en virage à droite, malgré des sollicitations assez élevées (γt de
l'ordre de 6 m/s²), le véhicule serait resté contrôlable et l'accident probablement
évité.
Pour 4 cas, la perte de contrôle se serait probablement produite quand
même.
Si l’adhérence avait été bonne ?
Les 6 cas où l’adhérence est particulièrement mauvaise ont été regroupés
en tête du tableau (4 avec une mesure du CFT et 2 sans). Si le CFT avait été
bon, que se serait-il passé ?
Dans 3 cas, le niveau des sollicitations est du même ordre ou peu supérieur
au niveau critique, et un meilleur CFT aurait permis d’éviter la perte de contrôle.
Dans 2 cas, le niveau des sollicitations est tel qu’avec un meilleur CFT on
serait à la limite.
68
Rapport INRETS n° 262
Chaussée mouillée, adhérences faibles
Dans un cas la perte de contrôle aurait eu lieu même avec un meilleur CFT.
Conclusion
En résumé, la très grande majorité (15/19) des pertes de contrôle sur
chaussée mouillée pour lesquelles on dispose d’une vitesse initiale fiable ne se
seraient probablement pas produites si la chaussée avait été sèche, et dans 5
cas sur 6 ayant un CFT faible, le niveau d’adhérence semble avoir joué un rôle
non négligeable sur la perte de contrôle.
Globalement, il apparaît donc dans ces résultats que les conducteurs
n’adaptent pas leur vitesse lorsque la chaussée est mouillée. Lorsqu’en plus le
revêtement est particulièrement usé, les conducteurs se font souvent
surprendre : leur niveau de sollicitation n'est pas particulièrement élevé et serait
même acceptable sur un revêtement mouillé présentant de bonnes
caractéristiques d'adhérence. L’état de surface et le niveau d’adhérence ont
donc une importance significative.
Néanmoins, les effectifs pris en compte sont limités et d’autres travaux
seraient nécessaires pour approfondir la question. Il serait utile en particulier de
connaître avec précision la correspondance entre la valeur du CFT et le
coefficient d’adhérence effectif.
Rapport INRETS n° 262
69
Chapitre 7
Conditions des sorties de chaussée
et rôle de l'accotement
L'analyse se situe ici dans la continuité des travaux de Michel et Ledon
(2000) qui, sur un échantillon de cas EDA, posaient la question de l'influence
des caractéristiques de l'accotement sur le déroulement des pertes de contrôle
afin d'identifier des configurations défavorables ou aggravantes. L'objectif étant
ici de proposer des pistes pour l'action.
Caractéristiques des incursions sur l'accotement
1. Trajectoires et paramètres associés
Virage à droite = 27 cas
Virage à gauche = 55 cas
2
12
2
0
4
21
6
1
8
13
13
Le schéma ci-dessus illustre la grande diversité des cas du point de vue des
trajectoires. On constate que dans certains cas la trajectoire est simple, sans
sortie (choc véhicule en face) ou avec une seule sortie de chaussée, et dans
d'autres, elle est plus complexe avec plusieurs sorties et retours sur chaussée.
Pour chaque accident, la reconstruction cinématique nous permet de
connaître précisément certains paramètres en chaque point de la trajectoire ;
on recherche notamment ces paramètres (vitesses, accélérations, trajectoires
notamment) lorsque le véhicule quitte la chaussée pour la première fois. Cela
Rapport INRETS n° 262
71
Les pertes de contrôle en courbe
permet d'évaluer la "contrôlabilité" du véhicule à ce point de la trajectoire, ce qui
est essentiel pour évaluer les possibilités de rattrapage.
Les paramètres supplémentaires
recherchés
en
chaque
point
d'entrée/sortie de l'accotement sont :
− l'angulation de la trajectoire,
− la flèche (déport) correspondant
à la zone d'accotement sollicité
et
− la vitesse.
Ils peuvent être illustrés par le
schéma ci-contre représentant un cas
de trajectoire complexe.
2. Typologie des incursions
Définition de deux types d’incursion : initiale et résultante
Si on considère la perte de contrôle du point de vue dynamique, celle-ci
débute lorsque les paramètres dynamiques (sollicitations transversales,
trajectoire) ne sont plus compatibles avec un contrôle/maintien du véhicule sur
une trajectoire normale, sur sa voie en suivant le tracé de la route, et se termine
à l’arrêt du véhicule. On observe généralement que plus on est engagé dans la
perte de contrôle, plus il y a une amplification/dégradation des paramètres qui
rendent le véhicule de moins en moins contrôlable.
La distinction entre incursion “initiale” et “résultante” dépend du moment où
l’on se situe dans l’ensemble du déroulement de la perte de contrôle du point
de vue dynamique, en se posant la question de savoir si le véhicule est
contrôlable ou non lorsqu'il quitte la chaussée pour la première fois.
− Si l’incursion se situe au début de la perte de contrôle, avec des
paramètres dynamiques qui ne sont pas excessivement dégradés, le
conducteur a encore la possibilité d’agir (récupération d’un écart, d’une
dérive), sous réserve que la configuration de l'accotement le permette ;
on considère alors qu’il s’agit d’une incursion “initiale”. 27 cas.
− Si l’incursion a lieu en fin de perte de contrôle, à un moment où le
conducteur a totalement perdu toute possibilité de contrôler son véhicule,
on considère qu’il s’agit d’une incursion “résultante”. 47 cas.
Cette distinction nous paraît indispensable car la cible, en termes d’actions
possibles sur les abords de chaussée, concernera les situations les moins
dégradées lorsque l'accotement est sollicité, qui correspondent aux incursions
"initiales".
72
Rapport INRETS n° 262
Conditions des sorties de chaussée et rôle de l'accotement
Rôle de la configuration d'accotement
Cette typologie des incursions a ensuite été confrontée à des
caractéristiques telles que le côté sollicité, le sens du virage, les valeurs de
déport, les angles de sorties. Nous avons voulu ici étayer et confirmer cette
typologie par l’examen des angles et vitesses de sorties et des déports dans
l’accotement pour les seuls cas d’incursion initiale.
− Pour l’ensemble des incursions initiales, les valeurs moyennes pour
l’angle de sortie, la vitesse et le déport sont respectivement de :
- Angle = 5°
- Vitesse = 82 km/h
- Déport = 1,60 mètre
Les valeurs médianes sont identiques sauf pour le déport qui est de
1,40 mètre.
− Dans plus de 60 % des cas d’incursions initiales (17/27 cas), il y a retour
sur chaussée après la première sortie ; pour ces cas, les valeurs
moyennes sont très légèrement différentes (moins dégradées) :
- Angle = 4°
- Vitesse = 90 km/h
- Déport = 1 mètre
Les valeurs médianes sont identiques sauf pour le déport dont la valeur
médiane est de 0,70 mètre.
Les sorties de chaussée où le véhicule est encore a priori “contrôlable”
correspondent donc généralement à des angles de sortie faibles, inférieurs ou
égaux à 5°, pour des vitesses de l’ordre de 80 à 90 km/h.
Dans les cas où il y a eu retour sur chaussée, les déports sont nettement
plus faibles, pour la plupart inférieurs à 1 mètre ; or, dans le déroulement de ces
accidents la nature de l’accotement (non revêtu) est très fréquemment en
cause. Cela confirme les conclusions de travaux précédents (Michel et al.,
2000) qui suggéraient une efficacité intéressante même pour une sur-largeur de
revêtement limitée à 1 mètre sur l’extérieur des courbes en terme de rattrapage
de la situation.
On constate que lorsqu'il y a retour sur chaussée, il se fait dans de
mauvaises conditions, du fait de la nature de l'accotement mais aussi d'actions
(coups de volant brusque, freinage) qui dégradent encore la situation (9
conducteurs sur 17 avec alcool, 3 autres novices, 2 autres en activité annexe).
Dans quelques cas ayant un angle de sortie faible, des amas de gravillons en
rive ou un fort dénivelé chaussée/accotement sont des éléments qui
déstabilisent totalement le véhicule. L'effet dissuasif de certains accotements
(rochers, fossés, obstacles…) est également un élément qui intervient,
notamment par des sur-braquages excessifs alors que le véhicule est encore
sur la chaussée, mais il s'agit là d'éléments qu'il est impossible d'évaluer
objectivement.
Rapport INRETS n° 262
73
Les pertes de contrôle en courbe
Conclusions
Une étude de Michel et al. (2000) portait sur un échantillon de 108 dossiers
d'accident de type perte de contrôle en courbe, issus des EDA ; ce travail,
centré sur l'analyse des caractéristiques de l'accotement et de leur influence
dans le déroulement des accidents, a identifié des configurations défavorables
ou aggravantes et proposait des principes d'action sur les abords de chaussée.
Nous avons suivi ici la même démarche, avec un échantillon d'accidents
différent, qui a confirmé les résultats de cette étude :
► Une forte majorité d'accidents se produit en virage à gauche ; ce constat et
notre analyse sur cette question tendent à montrer l'importance de l'élément
accotement, en termes d'absence d'espace disponible, utilisable à l'extérieur
des virages, dans le déroulement des pertes de contrôle.
► L'analyse détaillée des conditions de sorties de chaussée, concernant
notamment les paramètres cinématiques (niveaux de sollicitation,
trajectoires…) nous a montré que, dans 30 à 40 % des cas de perte de
contrôle, le véhicule quitte initialement la chaussée dans des conditions où il
est encore a priori contrôlable. C'est principalement sur cet échantillon
qu'une action sur l'infrastructure est envisageable (cas pour lesquels le
passage sur l'accotement transforme en véritable perte de contrôle une
situation a priori rattrapable), avec un gain potentiel sur la survenue de ces
accidents.
► L'analyse de ces cas (les incursions "initiales") – centrée sur la nature des
abords, les manœuvres réalisées par les conducteurs et l'origine de ces
incursions –, nous conduit à proposer des actions pertinentes sur l'extérieur
des virages :
1) Un dispositif constitué par :
−
une sur-largeur revêtue (en fonction des déports mesurés, une
première évaluation tendrait à fixer une valeur optimum de 1,50 m à
2 m),
−
associé à un dispositif d'alerte, de type bande de rive munie de
barrettes en saillie (effet vibrant et sonore).
Cet équipement serait particulièrement pertinent pour les pertes de contrôle
de type "guidage" surtout sur les grandes infrastructures (RN et RD à
Grande Circulation) pour des rayons de 200 mètres et plus. L’intérêt des
barrettes sonores est d’éviter que la dérive progressive du véhicule hors
chaussée ne se poursuive sur un accotement revêtu sans que le
conducteur (souvent non conscient du fait qu’il sort de chaussée :
somnolence, activité annexe, etc.) n’en soit alerté.
L'évaluation a priori de ce dispositif semble difficilement réalisable sur un
échantillon d'accidents représentatif pour lequel on ne pourrait s’appuyer que
sur des PV d’accidents. Nous avons réalisé une évaluation sommaire sur 50
cas EDA d'accidents de type perte de contrôle avec une incursion "initiale",
c'est-à-dire des cas pour lesquels l'analyse a conclu que le véhicule était a
priori encore "contrôlable" au point de première sortie de chaussée (la moitié de
74
Rapport INRETS n° 262
Conditions des sorties de chaussée et rôle de l'accotement
ces cas a pour origine un mauvais contrôle de trajectoire/dérive liée à une hypo
vigilance), permet de conclure à :
− une efficacité certaine dans 27 cas,
− une efficacité probable dans 10 cas (cas avec vitesse élevée et/ou alcool
et/ou angle de sortie assez important),
− une non-efficacité dans 13 cas (sorties côté intérieur, freinage avant
sortie, très forte alcoolémie...).
Cette évaluation serait plus favorable en se limitant à un échantillon
d'accidents s'étant produit sur des rayons de 200 m et plus, car la grande
majorité des cas y est de type guidage.
Cette évaluation pourrait être affinée en fixant différentes largeurs. On peut
cependant préciser que, a priori, le résultat serait pratiquement le même pour
des sur-largeurs de 1,50 m ou de 2 m (la différence d'efficacité concernerait
3 cas), c'est-à-dire que le gain possible en passant de 1,50 m à 2 m serait très
faible (près de 80 % des déports sont inférieurs à 1,50 m, alors que les 20 %
restants sont pour la plupart très supérieurs à 2 m).
Inversement, une sur-largeur limitée à 1 m (toujours complétée par des
bandes de rive à barrettes) est envisageable et concernerait 60 % de ces cas
dont le déport est inférieur ou égal à 1 m.
D'autre part, on peut également attendre un gain, concernant d'autres cas
où la perte de contrôle est effective avant la sortie de chaussée, du fait de la
suppression de l'aspect dissuasif des abords (fossés/obstacles proches, amas
de gravillons, nature du sol…), qui provoque parfois des réactions excessives
(coup de volant/freinage) avant de quitter le revêtement, ce qui permettrait
d'envisager des récupérations mieux contrôlées.
2) A défaut d'aménagement, des interventions ponctuelles et légères
concernant des configurations particulièrement défavorables :
−
amas de gravillons en rive,
−
gravillons sur les accotements revêtus (balayage),
−
la présence d'obstacles (arbres en particulier) en rive immédiate,
−
les dénivelés entre revêtement et accotement.
► L'analyse concernant les obstacles heurtés a déjà été traitée de manière
approfondie dans de nombreuses publications (notamment dans le champ
de la sécurité secondaire). Nous n'abordons ici cette question que de façon
brève et partielle. Nos résultats montrent qu'il n'y a pas de différence
significative entre les accidents du point de vue de la localisation des chocs
principaux, selon qu'ils comportent ou non une incursion "initiale" dans
l'accotement. Peu d'obstacles sont heurtés après une incursion initiale et les
véhicules revenant sur la chaussée et sortant de nouveau heurtent des
obstacles dans les mêmes proportions que ceux qui sortent en ayant déjà
perdu le contrôle sur chaussée (incursion "résultante").
Rapport INRETS n° 262
75
Les pertes de contrôle en courbe
Les chocs principaux se produisent indifféremment à l'extérieur ou à
l'intérieur des virages. Ce travail pourrait être approfondi afin de savoir s'il en
est de même pour les chocs ne concernant que des obstacles ponctuels (ce
qui, a priori, devrait être vérifié) et en intégrant des paramètres spécifiques
issus d'une analyse des chocs.
De cette approche succincte, on peut conclure que, si l'on doit agir sur les
obstacles, en particulier les obstacles ponctuels (arbres, poteaux...), les deux
côtés (intérieur et extérieur) des abords de virages sont concernés. Cependant,
compte tenu de l'importance des deux premiers mètres de l'accotement
extérieur pour le maintien de possibilités de récupération et du grand nombre
d'incursions "initiales" sur l'extérieur des virages, il faut considérer que la
présence d'un obstacle sur l’accotement extérieur à moins de 1,5 m à 2 m du
bord de chaussée (cas assez rare dans notre échantillon) est particulièrement
dangereuse et doit faire l'objet d'un traitement prioritaire.
76
Rapport INRETS n° 262
Conclusion générale
Cette recherche avait pour objectif d’accéder à une meilleure connaissance
des conditions et mécanismes des accidents de perte de contrôle en courbe,
concernant les aspects cinématiques et le rôle de quelques caractéristiques
d’aménagement des courbes où ils se produisent, de façon à disposer de
meilleures bases pour la définition de mesures de prévention adaptées. Elle
s’est appuyée principalement sur l’analyse approfondie de 84 cas d’accidents
de ce type issus de l’Etude Détaillée d’Accidents de l’INRETS à Salon-deProvence.
L’analyse des cas a d’abord conduit à distinguer deux grandes familles de
pertes de contrôle, selon le mécanisme de basculement de la situation de
conduite vers la situation d’accident :
− Les accidents liés à un problème de guidage (35 % des cas), résultant
d’une interruption ou d’une forte dégradation du contrôle de trajectoire
par le conducteur, notamment dans les cas suivants : endormissement,
assoupissement, malaise, tâche annexe, distraction, forte alcoolisation.
Ces accidents se produisent le plus souvent dans des virages à gauche,
de rayon relativement grand, et dans des conditions de faibles
sollicitations. Ils se distinguent aussi des autres cas sous les aspects
suivants : une majorité de cas de nuit, une plus forte proportion de
conducteurs alcoolisés, et la réalisation fréquente de tentatives de retour
sur chaussée après une incursion sur l’accotement.
− Les accidents liés à un problème dynamique (65 % des cas), résultant
d’une vitesse trop élevée relativement aux capacités du conducteur, du
véhicule et aux caractéristiques de l’infrastructure. Parmi les particularités
de ce groupe, on note l’implication de véhicules diversifiés (incluant des
motocyclettes, poids lourds, véhicules sportifs). Selon qu’ils se déroulent
sur chaussée sèche (environ trois cinquièmes des cas) ou sur chaussée
mouillée (environ deux cinquièmes des cas), le contexte de ces accidents
est différent :
− les cas sur chaussée sèche se produisent dans le cadre de fortes
sollicitations, sur des courbes de petit rayon, généralement de
l’ordre de 150 m et moins ; ils surviennent souvent dans un
contexte particulier (conduite offensive, alcoolisation) ou impliquent
des conducteurs inexpérimentés ;
− les cas sur chaussée mouillée mettent en jeu des sollicitations
élevées compte tenu des conditions d’adhérence réduite, mais pas
particulièrement fortes dans l’absolu, et ne présentent pas de
particularités saillantes concernant le contexte du trajet ou les
caractéristiques des conducteurs.
Rapport INRETS n° 262
77
Les pertes de contrôle en courbe
Globalement, il apparaît que les pertes de contrôle de type guidage et de
type dynamique se produisent dans des conditions d’infrastructure assez
différentes : une perte de contrôle se produisant sur un rayon de moins de
150 mètres est de type dynamique, dans plus de 8 cas sur 10. Inversement, sur
un rayon de plus de 250 mètres la perte de contrôle est de type guidage dans 8
cas sur 10. De ce fait, la répartition (35 % versus 65 %) entre pertes de contrôle
de type guidage et perte de contrôle de type dynamique est probablement
assez dépendante du terrain d’étude. Le secteur expérimental sur lequel les
cas de notre échantillon sont survenus présente une grande diversité
d’infrastructures et d’environnement (topographie, etc.). Sur un réseau
d’infrastructures situé dans une région de pure plaine, ou avec un maillage de
voies secondaires assez limité, il est possible que la proportion entre les deux
types de pertes de contrôle soit inversée. Dans une région montagneuse au
contraire, les pertes de contrôle de type dynamique pourraient prédominer
encore plus largement que dans nos résultats.
Il a été ensuite possible, en différenciant ces deux groupes, de procéder à
des analyses plus précises concernant notamment les conditions générales
d’occurrence de ces accidents, les conditions cinématiques et notamment les
vitesses initiales, les effets du sens du virage, des conditions d’adhérence, et
l’influence des accotements.
L’ensemble des résultats est détaillé dans les chapitres précédents et nous
rappelons simplement ici, de façon schématique, quelques points importants :
1. Les vitesses initiales, dans le cas des pertes de contrôle de type
dynamique sur chaussée sèche, sont particulièrement élevées par
rapport aux vitesses moyennes habituellement pratiquées par les
conducteurs dans des virages de même rayon. Ce phénomène est moins
marqué dans les pertes de contrôle de type dynamique sur chaussée
mouillée, où les conducteurs n’ont pas adapté leur vitesse aux conditions
de faible adhérence. Dans le cas des pertes de contrôle de type guidage,
les vitesses initiales sont plus proches des vitesses couramment
pratiquées.
2. La fréquence nettement plus faible des accidents en courbe à droite
(33 % des cas contre 67 % en courbe à gauche) pourrait être expliquée
par les possibilités de récupération généralement offertes par la voie de
sens inverse lors de pertes de contrôle en courbe à droite (en l’absence
de trafic en sens inverse). Les analyses réalisées concernant les types
d’accidents, les conditions de surface de chaussée et de géométrie, ont
permis de conforter et de préciser cette hypothèse : la voie de sens
inverse constitue une bonne zone de récupération, permettant d’éviter
des accidents en courbe à droite dans le cas de faibles sollicitations
(pertes de contrôle de type guidage notamment), mais elle ne permet pas
cependant de récupérer les situations les plus irrémédiables, liées à de
fortes sollicitations dynamiques ou à des conditions de surface de
chaussée défavorables (chaussée mouillée notamment). Ces résultats
montrent l’intérêt qu’il y aurait à aménager des accotements de qualité
sur l’extérieur des courbes (mais avec une délimitation par rapport à la
78
Rapport INRETS n° 262
Conclusion générale
chaussée : voir point suivant), de nature à permettre la récupération de
pertes de contrôle en virage à gauche.
3. L’analyse précise des cas de sortie en accotement montre qu’un
traitement, même relativement modeste, des accotements en extérieur
de courbe (sur-largeur revêtue de 1 m à 1,5 m, associée à des barrettes
sonores en rive de chaussée) serait de nature à permettre des
manœuvres de récupération efficaces dans le cas de sollicitations
dynamiques et d’angles de sortie modérés, ce qui correspond à un enjeu
important (notamment concernant les pertes de contrôle de type guidage,
majoritaires sur les courbes de rayon supérieur ou égal à 200 m).
Ces résultats devraient cependant être validés sur des échantillons de cas
plus importants et représentatifs.
Rapport INRETS n° 262
79
Références bibliographiques
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82
Rapport INRETS n° 262
Annexes
Rapport INRETS n° 262
83
Annexe 1 :
Cas d'accidents à droite sur
chaussée mouillée : simulations
dans une hypothèse de chaussée
sèche
Rapport INRETS n° 262
85
Traitement des 9 cas :
► Accident 5061
Il s’agit d’une perte de contrôle de type "dynamique", dans un virage de
longueur 106 m, de rayon moyen 167 m, avec un rayon minimal de 100 m
(virage serré), et un dévers au centre de 4,5 %, en descente à 2 % sur la sortie,
sur chaussée mouillée. Le revêtement est de bonne qualité. Le véhicule part à
l’extérieur du virage, traverse la chaussée, chute dans le fossé de gauche,
percute le talus, fait un tête-à-queue et s’immobilise sur le flanc gauche, 10 m
plus loin. La conductrice parle de plusieurs coups de volant, mais les traces font
plutôt penser à un "tout droit".
En raison des chocs multiples, les EES correspondant aux déformations
n’ont pas pu être évalués. Il n’y a donc pas eu de reconstruction cinématique
sur le logiciel ANAC et nous n’avons pas d’estimation de la vitesse d’approche.
La vitesse limite réglementaire est de 90 km/h, et la conductrice déclare qu’elle
roulait à 120 km/h, ce qui est excessif dans ce virage et sur chaussée mouillée.
Nous avons cependant effectué des simulations. Le coefficient d’adhérence
a été fixé à 0,55 ; ce qui correspond à une accélération transversale maximale
de 5,4 m/s2. Avec une vitesse initiale de 94 km/h, le véhicule atteint la limite
avec un diamètre de braquage de 200 m dans le virage, et part en ripage. En
contre-braquant par réaction, la conductrice traverse la voie en sens inverse
jusqu’au talus. L’absence de trace sur place (chaussée mouillée) ne permet pas
de valider de façon certaine cette reconstruction, mais elle semble néanmoins
être la plus probable.
Pour simuler l’accident sur chaussée sèche, on fixe le coefficient
d’adhérence à 0,8 ; ce qui correspond à une accélération transversale
maximale de 7,8 m/s2. La position et la vitesse initiale, ainsi que les conditions
de braquage sont laissées identiques. Le véhicule atteint une accélération
transversale de 5,7 m/s2 inférieure à la limite théorique, et passe le virage sans
déborder sur la voie en sens inverse.
Rapport INRETS n° 262
87
Les pertes de contrôle en courbe
► Accident 7053
Ce cas est un peu différent car non seulement le sol est mouillé, mais la
chaussée est également rendue glissante par du gas-oil répandu
accidentellement. Le conducteur semble avoir perdu le contrôle de son véhicule
suite à un freinage en entrée d'une courbe à droite. La longueur du virage est
de 130 m, le rayon moyen de 357 m et le rayon minimal de 280 m. La
reconstruction donne une vitesse d’approche de l’ordre de 70 km/h.
Le coefficient d’adhérence de la chaussée mouillée a été fixé à 0,55 et celui
de la zone la plus glissante à 0,4. Avec une vitesse initiale de 70 km/h, la
voiture en freinant sur le gas-oil atteint une accélération transversale de
3,8 m/s2 et laisse des traces, puis suite à un contre-braquage pour essayer de
récupérer sa trajectoire, elle atteint une accélération transversale de 5,3 m/s2 et
part en ripage vers l’accotement gauche.
Pour la simulation sur chaussée sèche, avec une adhérence de 0,8, la
même vitesse initiale et les mêmes conditions de freinage et de braquage, la
voiture passe le virage sans problème, avec une accélération transversale
maximale de 4,8 m/s2, sans déborder sur la voie en sens inverse. Dans ce casci le résultat était assez prévisible, car les conditions d’adhérence étaient très
dégradées et la vitesse d’approche n’était pas excessive.
► Accident 8030
Il s’agit de la perte de contrôle en fin de courbe (longueur 50 m, rayon
moyen 100 m), d’un conducteur qui conduit vite, par temps de pluie, sur
chaussée mouillée. Le tracé, pour un connaisseur, incite à la conduite sportive.
Sortant du virage trop large et en ripage, il contre-braque et parvient à éviter
l’accotement droit, mais part en dérapage vers la voie en sens inverse, où il
percute un premier véhicule arrivant en face. Aucune trace n’a pu être relevée
sur la chaussée mouillée, et les positions des véhicules au choc ne sont que
supposées, par conséquent il n’y a pas eu de reconstruction sur ANAC.
Nous avons cependant procédé à des simulations. Le coefficient
d’adhérence a été fixé à 0,55. Avec une vitesse d’approche de 73 km/h, le
véhicule ripe déjà dans le virage précédent, contre-braque dans le virage à
droite, en débordant sur la voie en sens inverse, en ripage, et atteint alors une
accélération transversale maximale d’environ 5 m/s2.
88
Rapport INRETS n° 262
Annexe 1
Pour la simulation sur chaussée sèche, avec un coefficient d’adhérence de
0,75 (la chaussée est déformée et le revêtement de qualité médiocre), la voiture
contrôle sa trajectoire dans le virage précédent, et passe le virage à droite
facilement à cette vitesse, sans ripage et sans déborder sur la voie de sens
inverse, avec une accélération transversale maximale de 4,2 m/s2.
► Accident 8042
Sur cet embranchement de bretelle d’accès à l’autoroute, long de 350 m,
avec un rayon moyen de 250 m et un rayon minimal de 200 m, par temps de
pluie, sur chaussée mouillée, une conductrice expérimentée perd le contrôle de
son véhicule, suite à une perte d’adhérence de l’arrière et à des coups de
volant pour essayer de rattraper. Une reconstruction partielle sur ANAC donne
une vitesse en début de trace de 70 km/h, mais ne donne pas la vitesse
d’approche.
Pour la simulation, l’adhérence est fixée à 0,55. Avec une vitesse en début
de courbe de 98 km/h, la vitesse en début de trace est de 73 km/h, en accord
avec la reconstruction cinématique. Le véhicule, suite à un coup de volant vers
la droite, atteint une accélération transversale de 5 m/s2 et part en léger ripage
(absence de trace sur chaussée mouillée). Si le véhicule était proche de la
limite, un léger sur-braquage peut en effet avoir entraîné une petite perte
d’adhérence. Un contre-braquage vers la gauche dirige ensuite le véhicule vers
l’accotement, en ripage avec une accélération transversale maximale de
5,5 m/s2.
Rapport INRETS n° 262
89
Les pertes de contrôle en courbe
Pour la simulation sur chaussée sèche, avec un coefficient d’adhérence de
0,8, la voiture passe le virage à cette vitesse en ne dépassant pas 2 m/s2
d’accélération transversale. Si on suppose que la conductrice donne tout de
même le même coup de volant à droite, l’accélération transversale maximale
est de 5,5 m/s2, et le véhicule ne part pas en ripage : la situation est contrôlable
sans sortir de la voie.
► Accident 8059
Dans un virage de rayon moyen 70 m et de longueur 70 m, de rayon
minimal 35 m sur 30 m (virage très serré), sur une route mouillée très glissante
(bruine presque glacée au niveau du sol), un conducteur alcoolisé au volant de
sa 205 traverse la voie en sens inverse et part en ripage vers l’accotement
gauche. La reconstruction cinématique donne une vitesse en début de traces
de l’ordre de 40 km/h (traces rouges sur le plan). La vitesse d’approche n’est
pas évaluée.
En simulation, le coefficient d’adhérence est fixé à 0,45 ; une vitesse initiale
de 65 km/h donne au véhicule une accélération transversale maximale de
4,5 m/s2 dans le virage, en ripage sur une cinquantaine de mètres avant
l’arrivée sur l’accotement. La montée à 5 % a été prise en compte, mais pas le
dévers, assez important (dans le bon sens), car il varie entre 9 % et 5 % et le
virage est très serré. La vitesse réelle devait donc être plus importante que la
vitesse simulée.
90
Rapport INRETS n° 262
Annexe 1
Pour la simulation sur chaussée sèche, avec un coefficient d’adhérence de
0,8, le véhicule passe le virage, mais son accélération transversale est assez
importante : 6 m/s2. Il aurait eu des difficultés pour franchir ce virage, mais il ne
serait pas parti en ripage et aurait pu, semble-t-il, se rattraper avec un déport
sur la voie en sens inverse.
► Accident 9007
Un jeune conducteur, dans un virage de longueur 60 m et de rayon moyen
88 m, sur chaussée humide, s’aperçoit que le virage est plus serré qu’il ne le
pensait, donne un coup de volant vers l’intérieur, part en ripage vers un muret,
donne alors un coup de volant vers l’extérieur pour l’éviter, et perd
définitivement le contrôle de son véhicule. La reconstruction cinématique donne
une vitesse en début de traces de 63 km/h.
Pour la simulation, l’adhérence a été fixée à 0,6. Avec une vitesse initiale de
65 km/h et un braquage fort en fin de courbe, le véhicule atteint une
accélération transversale de 8 m/s2, importante. Lors du contre-braquage pour
éviter l’obstacle, l’accélération transversale maximale est de 6 m/s2. La perte de
contrôle est due au coup de volant trop brutal et au contre-braquage mal dosé,
mais même en braquant moins, à cette vitesse, le conducteur débordait sur la
voie en sens inverse, et/ou partait en ripage vers l’intérieur. La situation aurait
peut-être été rattrapable dans ce cas.
Rapport INRETS n° 262
91
Les pertes de contrôle en courbe
Pour la simulation sur chaussée sèche, avec un coefficient d’adhérence de
0,8, les mêmes conditions de vitesse et de braquage entraînent le même
déroulement de l’accident : la perte de contrôle n’aurait probablement pas été
évitée. Si par contre le coup de volant avait été moins brutal, il aurait
probablement pu passer le virage sans riper, en empiétant un peu sur la voie en
sens inverse.
► Accident 3002
Le virage de cette perte de contrôle est le même que celui de l’accident
8059. Par temps de bruine, sur chaussée mouillée, l’arrière du véhicule
décroche, la voiture survire et s’oriente vers l’accotement droit. Le conducteur
tente alors de rattraper par un coup de volant vers la gauche mais le véhicule
se met en travers dans l’accotement puis traverse la chaussée et percute le
talus en face. La reconstruction sur ANAC donne une vitesse en début de perte
de contrôle de 63 km/h (proche des 65 km/h estimés pour le cas 8059) et donc
une accélération transversale de 9,1 m/s2.
Compte tenu de la simulation du cas 8059 sur chaussée sèche, on peut
prévoir que le véhicule ne passerait pas sans difficulté le virage sur le sec, bien
que l’on puisse envisager un rattrapage grâce à la voie en sens inverse.
► Accident 3034
Dans une courbe de rayon moyen 90 m de longueur 24 m, par temps de
pluie, sur chaussée mouillée et en mauvais état, le véhicule sort de la route à
l’intérieur du virage, et, après 28 m de roulage / ripage, percute un pin. Le
conducteur étant décédé, nous manquons d’informations sur ses
actions / réactions en amont. Le tracé de la route dans cette zone permet une
vitesse de l’ordre de 90 km/h. La reconstruction cinématique donne une vitesse
en début de traces de 78 km/h. On en déduit une vitesse d’approche probable
de l’ordre de 90 km/h. L’accélération transversale correspondante est de
6,9 m/s2. Les sollicitations semblent fortes mais en réalité le virage étant très
court, il est possible de passer à cette vitesse en coupant la courbe.
Il semble par conséquent que le virage peut être passé à cette vitesse sur
chaussée sèche, sans utiliser la voie en sens inverse.
92
Rapport INRETS n° 262
Annexe 1
► Accident 4049
Par temps de pluie, sur chaussée mouillée, le véhicule, circulant à vitesse
très élevée (d’après témoin), sort vers l’extérieur d’un virage de longueur 90 m,
de rayon moyen 214 m et de rayon minimal 173 m sur 30 m et percute un
tracteur en stationnement. Les occupants du véhicule étant décédés, on ne
possède aucune information sur le déroulement de l’accident. On suppose que
le véhicule est parti en ripage dans le virage sur 50 à 60 m avant sa sortie de
route. Il n’y a pas eu de reconstruction cinématique de l’accident. La vitesse au
choc est estimée à au moins 90 km/h, ce qui laisse supposer une vitesse
d’approche excessive.
Cette courbe se négocie sans trop de difficulté jusqu’à 125 km/h sur le sec.
Le véhicule aurait donc passé le virage à condition que sa vitesse soit inférieure
à 125 km/h. Le manque de données ne permet pas de conclure sur ce cas.
Rapport INRETS n° 262
93
Annexe 2 :
Tableau récapitulatif du traitement
des accidents sur chaussée mouillée
Rapport INRETS n° 262
95
Tableau récapitulatif du traitement des accidents sur chaussée mouillée
Numéro
2001
2018
4049
6007
6028
8006
3002
3034
Ce qu'il se
Ce qu'il se
Sens du
γt théorique/Vinit serait passé serait passé
Adhérence Rayon γt critique
2
2
virage
si le CFT
(m/s )
(m/s )
sur sol sec
avait été bon
médiocre
gauche
173
4
4,5
passage
passage
CFT = 50
médiocre
perte de
perte de
60
4,5
6,7
gauche
pas de
contrôle
contrôle
mesure
médiocre
173
4
5,4
limite
passage
droite
CFT = 50
médiocre
pas de
200
4
3,9
passage
passage
gauche
mesure
mauvaise
gauche
125
4
5
limite
passage
CFT = 43
très
3
3,9
passage
passage
gauche mauvaise 160
CFT=32
très bonne
perte de
droite
32
5,5
9,6
CFT = 74
contrôle
droite
5061
droite
7052
gauche
7053
droite
7054
gauche
8021
gauche
8022
gauche
8030
droite
8042
droite
?
90
4/5
6,2
passage
100
5,5
6,8
passage
65
4
4,3
passage
357
2
1,1
passage
430
1
1
passage
850
?
?
?
196
4,5
?
?
?
100
5
6,3
passage
?
200
4/5
3,1
passage
35
5
9,3
88
5,5
3,7
très bonne
CFT = 72
très bonne
CFT=74
CFT = 70
mais gasoil
boue
glissante
?
bonne
CFT = 60
bonne
CFT = 68
très bonne
CFT = 84
perte de
contrôle
perte de
contrôle
8059
droite
9007
droite
9033
gauche
?
150
4/5
3,3
passage
9041
gauche
538
4
1,7
passage
9047
gauche
?
bonne
CFT = 68
41
5
4,7
passage
Rapport INRETS n° 262
97
Annexe 3 :
Graphe des seuils sur chaussée
mouillée12 et position des cas
d'accident de type dynamique
(sur chaussée mouillée)
12
D'après SETRA (1984). Note technique sur les relations vitesse – courbure – devers.
Rapport INRETS n° 262
99
Dépôt légal : mai 2005
Rapport INRETS n° 262
101
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