L'analyse économique appliquée au droit Paris, le 30 octobre 2009 Fondements et modalités d'ajustement des tarifs réglementés du gaz naturel en France Rapport préparé à la demande de l'UFC Que Choisir 1 Microeconomix SAS au capital de 44 100 € Siren : 443 554 084 R.C.S. Paris TVA : FR65 443 554 084 5, rue du Quatre Septembre 75002 Paris Tél : 01 75 57 89 87 Fax : 01 75 57 89 89 www.microeconomix.fr w. mi cro Contacts Marcelo Saguan, 01 71 19 41 99, [email protected] Gildas de Muizon, 01 75 57 89 87, [email protected] Page|2 Résumé exécutif L'objectif de l'étude confiée par l’UFC Que Choisir au cabinet Microeconomix est double. En premier lieu, il s’agit de présenter les éléments théoriques et empiriques nécessaires à la compréhension des déterminants du prix du gaz naturel et de son évolution, afin d'élaborer une grille d’analyse du prix du gaz naturel. En second lieu, il s’agit d’examiner dans quelle mesure les ajustements des tarifs réglementés correspondent précisément à l’évolution des coûts supportés par GDF SUEZ. Le rapport est organisé en quatre parties. La première partie présente le contexte des marchés du gaz naturel en France et la problématique de l’ajustement des tarifs réglementés. La deuxième décrit les principaux postes de coût de la chaîne verticale du gaz naturel et identifie les paramètres-clés de leurs évolutions. Les troisième et quatrième parties évaluent, selon deux approches différentes, l’impact sur la rentabilité de GDF SUEZ des décisions d’ajustement des tarifs réglementés au cours des dernières années. Contexte : les marchés du gaz naturel en France Le gaz naturel est la deuxième énergie la plus consommée avec 15 % de la consommation mondiale (19 % de la consommation des pays de l’OCDE). La consommation de gaz naturel en France s’inscrit dans une tendance de long terme haussière. La consommation primaire totale de gaz naturel a ainsi été multipliée par 2,6 entre 1973 et 2000, ce qui équivaut à une croissance annuelle moyenne de 3,7 %. Les prévisions sur la consommation future s'appuient sur une hausse annuelle de plus de 2 % jusqu'en 2015. Le développement de la consommation de gaz naturel s’inscrit dans un contexte de profondes mutations de l'encadrement réglementaire. Depuis plus d’une décennie, l’Union européenne met en œuvre une politique de libéralisation des marchés du gaz naturel. La transposition des directives européennes destinées à créer un marché européen unifié du gaz naturel (1998/30/CE et 2003/55/CE) a conduit à ouvrir les marchés de détail à de nouveaux acteurs. Cette ouverture des marchés de détail s'accompagne de la mise en place de régulations, notamment pour assurer aux nouveaux entrants un accès aux réseaux (transport et distribution) détenus par l'opérateur historique. Aujourd’hui coexistent néanmoins en France, au niveau du marché de détail, un système de prix libres et un système de tarifs réglementés. Page|3 Cette coexistence concerne au premier chef GDF SUEZ, ancien monopole historique présent sur l'ensemble de la chaîne verticale du gaz naturel. GDF SUEZ reste l’acteur principal des marchés de détail en France. Sa part de marché est de 98 % parmi les clients résidentiels, et de 86 % de l'ensemble des sites. 93 % de la consommation des clients résidentiels bénéficient encore des tarifs réglementés. Les profondes mutations réglementaires et concurrentielles des marchés du gaz naturel ainsi que le maintien de tarifs réglementés sur un marché de détail libéralisé soulèvent la question du niveau adéquat des tarifs réglementés et de leur ajustement à l'évolution des coûts. Si les tarifs réglementés sont fixés à un niveau trop élevé par rapport aux coûts de GDF SUEZ, cette dernière bénéficie d'un surprofit. A l’inverse, si le niveau des tarifs réglementés est trop bas et ne permet pas de couvrir les coûts, GDF SUEZ supporte une perte lorsqu'il vend du gaz naturel aux clients bénéficiant des tarifs réglementés. En outre, la concurrence est faussée entre les différents fournisseurs car les nouveaux entrants ne peuvent s’aligner sur des tarifs réglementés trop bas, ce qui bloque leur entrée et leur développement. De plus, le signal prix donné aux consommateurs est déformé ce qui perturbe l’ajustement efficace de leurs comportements énergétiques, allant donc à l'encontre d'objectifs de réduction de la consommation énergétique et d'amélioration de l'efficacité énergétique. Tant que les tarifs réglementés seront maintenus par les pouvoirs publics, il sera essentiel d’avoir une vision précise des coûts supportés par GDF SUEZ pour fournir les clients aux tarifs réglementés afin d'être en mesure de procéder aux ajustements nécessaires des tarifs réglementés aux variations de coût. Les différents postes de coût dans le prix du gaz et les déterminants de leur évolution La deuxième partie du rapport présente en détail la chaîne verticale du gaz naturel et identifie pour chaque étape les principaux postes de coûts et les paramètres-clés déterminant leurs évolutions. La chaîne verticale de l’industrie du gaz peut être décomposée en cinq grandes étapes. L’obtention de la molécule passe par une activité d’exploration-production pour les pays disposant de réserves naturelles et par l’approvisionnement - via l’importation - pour les pays en situation de dépendance énergétique. L'approvisionnement en France est majoritairement géré par l'intermédiaire de contrats de long terme négociés avec les principaux producteurs de gaz naturel. Page|4 Le transport consiste à acheminer le gaz naturel depuis les points d’entrée sur le territoire français vers les réseaux locaux de distribution ou les sites de stockage. Les points d’entrée peuvent être des points d’interconnexion avec les gazoducs étrangers ou des terminaux méthaniers, qui réceptionnent et transforment le GNL importé. Le stockage constitue une réponse technique possible à la gestion de la saisonnalité et de l’irrégularité de la consommation de gaz naturel. Il consiste à immobiliser un volume de gaz naturel susceptible de pallier une insuffisance d’approvisionnement en période de forte consommation, principalement à l’aide de nappes aquifères ou de cavités salines. La distribution est le prolongement de l’activité de transport. Elle consiste à acheminer le gaz naturel depuis le réseau de transport régional vers les sites de consommation finale. La commercialisation de détail consiste à réaliser l’interface entre la fourniture de matière en gros (contrats d’approvisionnement, marchés de gros, etc.) et le consommateur final, en assurant la vente au détail de gaz naturel et toutes les activités associées telles que la gestion des clients ou la prospection commerciale. La situation de concurrence entre fournisseurs à l’aval de la chaîne verticale va de pair avec une concurrence de ces mêmes fournisseurs pour l’approvisionnement en molécule. Les conditions commerciales d’approvisionnement en gaz ne sont pas régulées. Les prix se déterminent sur des marchés de gros concurrentiels ou sur la base de contrats bilatéraux de long terme directement négociés entre entreprises. Le coût relatif du poste approvisionnement pour un fournisseur en France dépend donc du fonctionnement concurrentiel de ces marchés amont. En revanche, les activités intermédiaires qui s'appuient sur l’utilisation d’infrastructures de réseaux font l’objet d’une régulation des conditions d’accès et/ou des niveaux de prix. Les infrastructures de transport, de distribution et de stockage, qui restent pour l’essentiel propriété du groupe GDF SUEZ, sont toutes soumises à une régulation de l'accès aux tiers. Le tarif d'accès aux infrastructures de stockage n'est pas régulé, mais le propriétaire de l'infrastructure doit offrir des conditions transparentes et non-discriminatoires. L'accès aux infrastructures de transport et de distribution ainsi qu'aux terminaux méthaniers est régulé et les tarifs d'utilisation sont réglementés. Leur niveau et leur évolution s'appuient sur une évaluation par le régulateur des coûts supportés par le propriétaire de l'infrastructure (charges d'exploitation, Page|5 charges de capital et amortissements), qui permet de déterminer un revenu autorisé nécessaire à leur couverture. Sans surprise, notre analyse des différents postes de coût confirme la place prépondérante du coût de la molécule, puisqu'il représente plus de la moitié des coûts totaux. De plus, il s'agit du coût qui fluctue le plus d'une année à l'autre, en raison de son indexation sur les prix des produits pétroliers. La place prépondérante du coût de la molécule justifie d'approfondir l'examen de la manière dont il évolue et dont il doit être pris en compte dans l'ajustement des tarifs réglementés. Le prix d’achat du gaz est fixé dans le cadre de contrats de long terme négociés avec des producteurs étrangers. Ces contrats sont signés pour plusieurs années et prévoient des mécanismes d’indexation des prix tout au long de la durée du contrat. Les prix des contrats de long terme sont généralement indexés sur les cours de deux produits pétroliers - le fioul domestique et le fioul lourd - et intègrent l'évolution du taux de change dollar/euro. Le prix du gaz naturel suit donc l’évolution du prix du pétrole avec un décalage de quelques mois (trois en règle générale) et selon une logique de lissage à la hausse comme à la baisse. La hausse des produits pétroliers a donc constitué le paramètre déterminant de l’évolution à la hausse du coût de la matière première en France au cours des dernières années. Evolution des prix des contrats de long terme et des principaux indices (2005 – 2008) Prix contrat long terme [€/MWh] 35 5 4 30 3 2 25 1 0 20 -1 -2 15 -3 -4 nov.-08 sept.-08 juil.-08 mai-08 mars-08 nov.-07 janv.-08 sept.-07 juil.-07 mai-07 mars-07 janv.-07 nov.-06 juil.-06 sept.-06 mai-06 mars-06 janv.-06 nov.-05 sept.-05 juil.-05 mai-05 janv.-05 -5 mars-05 10 Norvège Algérie Russie Brent Dollar/Euro Fioul Domestique Indices produits pétroliers [janv 2005=1] Figure 1. Fioul Lourd Source : CRE 2005-2008, Pégase (Calcul : Microeconomix) Page|6 Le coût d'approvisionnement en molécule du fournisseur de gaz évolue donc en fonction de l'indexation des prix de ses contrats de long terme. Il est important de souligner que chaque contrat de long terme possède sa propre formule d’indexation. L'évolution du coût d'approvisionnement résulte donc de l'agrégation des évolutions des prix de chaque contrat avec laquelle se combinent les arbitrages réalisés par le fournisseur, qui peut dans une certaine mesure privilégier un contrat sur une période donnée et un autre sur la période suivante. Bien évidemment, l’information précise sur les paramètres des clauses d’indexation de chaque contrat est confidentielle. En revanche, GDF SUEZ est obligé de déposer auprès de la CRE et du Ministre en charge de l’industrie une formule d’indexation tarifaire qui doit représenter, le plus fidèlement possible, les évolutions de ses coûts d’approvisionnement. L'ajustement des tarifs réglementés, lorsqu'il est mis en œuvre, s'appuie sur cette formule et son impact est donc central pour évaluer si les variations des coûts d'approvisionnement sont correctement prises en compte par l'évolution des tarifs réglementés. Les ajustements tarifaires et leur impact sur la rentabilité de GDF SUEZ Nous proposons deux méthodes alternatives permettant d'évaluer l'impact des ajustements des tarifs réglementés sur la rentabilité de GDF SUEZ. La première méthode consiste à analyser des données publiées dans les comptes de résultat de GDF SUEZ. La seconde méthode s'appuie sur la formule d'indexation utilisée par la CRE. L’analyse de l'évolution des marges de GDF SUEZ à partir de ses comptes publics L'ajustement des tarifs réglementés a un impact direct sur le chiffre d'affaires et les marges de GDF SUEZ au niveau de son activité de vente de gaz naturel aux tarifs réglementés. Les comptes sociaux publics de GDF SUEZ avancent des chiffres relatifs aux impacts financiers sur ses résultats des ajustements tarifaires qu'il juge insuffisants. Le tableau 1 présente une synthèse des chiffres avancés par GDF SUEZ depuis 2004 qui concluent à un impact cumulé négatif atteignant 1,6 milliard d'euros fin 2008. Page|7 Tableau 1. Impact financier des ajustements des tarifs réglementés sur le résultat de l’activité de vente de gaz naturel en distribution publique avancé par GDF SUEZ Impact des non-évolutions des tarifs administrés sur les recettes (en M€) 2004 - 130 M€ 2005 - 370 M€ 2006 - 511 M€ 2007 + 84 M€ 2008 - 679 M€ Impact cumulé - 1606 M€ Année Source : comptes sociaux de GDF SUEZ Le rapport examine dans quelle mesure les données disponibles dans les comptes publics de GDF SUEZ confirment les chiffres avancés. Notre raisonnement est le suivant. Nous cherchons d'abord à estimer le chiffre d'affaires de l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels réalisé par GDF SUEZ. Pour cela, nous construisons un indice pondéré des tarifs réglementés, que nous multiplions ensuite par les quantités vendues. Nous estimons par la suite les coûts supportés par GDF SUEZ, en allouant à l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels une partie des coûts présentés dans les comptes publics de GDF SUEZ. Enfin, nous concluons par l'analyse de la marge de GDF SUEZ sur la vente de gaz naturel aux clients résidentiels. Nous nous appuyons le plus possible sur les données telles qu'elles sont présentées dans les comptes publics. Cependant, il a été parfois nécessaire de faire des hypothèses. En effet, le format de présentation des comptes a évolué selon les années, et notamment en 2008 à la suite de la fusion avec SUEZ. Il n'est donc pas toujours possible de retrouver les mêmes informations d'une année sur l'autre et le périmètre des données présentées peut varier. Le tableau 2 présente une synthèse des résultats que nous avons obtenus. Page|8 Tableau 2. Estimation de l'EBE unitaire de GDF SUEZ (vente de gaz au segment résidentiel) € / MWh 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Chiffre d'affaires 34,7 33,2 36,4 41,9 43,8 46,8 Achat matière 13,4 14,4 17,7 22,0 22,1 26,6 21,3 18,8 18,7 19,8 21,8 20,2 61 % 57 % 51 % 47 % 49 % 43 % 3,0 3,2 3,0 3,2 3,7 4 10,3 9,5 8,8 10,1 9,9 10 Autres charges 5,4 5,1 6,2 6,5 6,9 7 Excédent brut d'exploitation 2,64 1,03 0,72 -0,01 1,15 - 0,8 EBE (% du CA) 7% 3% 2% -0 % 3% - 1,7 % Marge sur matière Marge sur matière (% du CA) Coûts du transport et du stockage Coûts de la distribution Source: Microeconomix Ainsi, nous mettons en évidence l'évolution de la marge brute de GDF SUEZ sur la période 20032008. Nos estimations révèlent que l'EBE décroît de 2003 à 2006, ce qui traduit le fait que l'ajustement des tarifs réglementés n'a pas répercuté l'intégralité de la hausse des coûts d'approvisionnement subis par GDF SUEZ. Entre 2003 et 2006, l'EBE passe ainsi de 8 % du chiffre d'affaires à 0 %. Nous observons enfin une très légère hausse de l'EBE entre 2006 et 2007 qui révèle que la baisse des coûts d'approvisionnement dont a bénéficié GDF SUEZ n'a pas été répercutée au niveau des tarifs réglementés. Sur l'ensemble de la période, le fait marquant est une baisse significative de l'EBE de GDF SUEZ qui passe de plus de 8 % du chiffre d'affaires en 2003 à de probables pertes pour GDF SUEZ au niveau de la vente de gaz naturel aux clients résidentiels en 2008. L’analyse par les formules d’indexation tarifaire de GDF SUEZ Nous fondons notre analyse sur la formule d'indexation tarifaire soumise par GDF SUEZ à la CRE. A partir de cette formule d'indexation, il est possible de comparer les évolutions effectives des tarifs réglementés et les évolutions des tarifs réglementés qui auraient résulté de la stricte application des formules d'indexation. Page|9 Figure 2. Variations cumulées des tarifs réglementés en vigueur et des tarifs qui auraient résulté de 2,0 1,5 1,0 0,5 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 -0,5 mai-03 0,0 janv.-03 Tarifs/coût d'approvisionnement [c€/kWh] l'application stricte de la formule d'indexation Evolution tarif appliqué (matière première) [c€/kWh] Evolution coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] Source : Microeconomix Nous observons, sur l'ensemble de la période analysée, des décalages important entre les variations des tarifs et celles du coût unitaire de la matière. Entre 2004 et la fin de 2006 ces décalages sont défavorables à GDF SUEZ : les tarifs augmentent moins fortement et moins vite que les coûts d'approvisionnement. Pour l’année 2007, la formule d'indexation traduit une baisse des coûts d’approvisionnement. Comme les tarifs ont été gelés cette année-là, la marge de GDF SUEZ s'accroît. A partir de 2008, l’augmentation des tarifs en début d’année est suffisante pour compenser l'augmentation des coûts pour cette même période. En revanche, l'augmentation des tarifs ne suffit pas pour couvrir l'augmentation des coûts au cours du second semestre. La baisse tarifaire d'avril 2009 reste inférieure à la baisse cumulée des coûts d’approvisionnement ce qui permet à GDF SUEZ de commencer à reconstituer sa marge. Si le gel des tarifs au 1er octobre 2009 est confirmé, la marge de GDF SUEZ va se stabiliser en raison de l'augmentation de ses coûts d'approvisionnement depuis le mois d'avril 2009. Les ventes de gaz aux consommateurs résidentiels sont variables au long de l’année. Pour calculer les décalages qui existent entre les variations des revenus et les variations du coût d’approvisionnement, nous devons calculer les variations des « marges » comme la différence entre le niveau des tarifs et le coût unitaire d’approvisionnement (donné par la formule), multipliée par les volumes mensuels. P a g e | 10 Les tendances à la baisse ou à la hausse des marges de GDF SUEZ, après la prise en compte de l’effet volume, restent similaires à celles constatées sur les coûts unitaires. La figure 3 montre l'impact cumulé sur la marge de GDF SUEZ pour la période étudiée. Figure 3. Impact cumulé sur la marge de GDF SUEZ 40 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 -200 mai-03 0 20 0 -20 -400 -40 -600 -60 -80 -800 -100 -1000 -120 -1200 Ecarts mensuels sur la marge [Million €] 60 janv.-03 Ecart cumulé de la marge [Million €] 200 -140 Ecarts mensuels de la marge [Million €] Ecart cumulé de la marge [Million €] Source : Microeconomix GDF SUEZ subit une baisse importante de sa marge durant les mois d’hiver de 2004, 2005 et 2006 (d'environ 35, 60 et 35 M€ par mois respectivement). GDF SUEZ est en revanche gagnant tout au long de l’année 2007 (en moyenne 16 M€ par mois). Pendant la première partie de l’année 2008, GDF SUEZ est faiblement perdant et sa marge diminue surtout entre octobre 2008 et avril 2009, pour un montant évalué en moyenne à 50 M€ par mois. Les différences cumulées entre les variations du revenu et les variations des coûts de matière nous permettent de déterminer si les décalages mensuels se compensent sur l’ensemble de la période étudiée. En considérant que le système d’ajustement tarifaire était à l’équilibre en 2003, nous remarquons que les pertes cumulées augmentent fortement entre le début de l’année 2004 et la fin de l’année 2006 (elles atteignent environ 900 M€) et qu’elles commencent à diminuer dès le début de l’année 2007. Pour 2008 la situation est neutre durant la première partie de l'année 2008. La seconde partie de l’année 2008 est marquée par une forte diminution des marges (les pertes cumulées atteignent environ 1000 M€). En octobre 2009 la situation se caractérise par une perte cumulée de 880 M€ notamment en raison d'un rattrapage durant le premier semestre. Ces chiffres P a g e | 11 sont à comparer avec ceux avancés par GDF SUEZ qui concluent à une perte cumulée sur la période 2004-2008 de 1 106 M€. Les résultats que nous avons obtenus indiquent une situation contrastée pour GDF SUEZ entre 2003 et 2008. GDF SUEZ a été perdant pendant les années 2004, 2005 et 2006 étant donnée la faible augmentation de tarifs comparée à une forte augmentation des coûts d’approvisionnement. La différence s’est inversée en 2007 étant donnés la diminution du coût d’approvisionnement et le maintien constant des tarifs. L’impact positif de 2007 n’a pas été suffisant pour compenser les impacts négatifs de 2004-2006. L’absence d’ajustement tarifaire à partir de septembre 2008 a de nouveau placé GDF SUEZ en situation de pertes. La baisse tarifaire de 2009 a été moins forte que la baisse des coûts d'approvisionnement, ce qui a permis à GDF SUEZ de commencer à compenser les pertes qu'il a subies entre 2004 et 2008. Conclusions La double analyse menée à partir de la formule tarifaire et à partir de la comptabilité de GDF SUEZ met en évidence un résultat central concernant l’ajustement des tarifs aux coûts de la molécule : les tarifs réglementés évoluent moins vite et moins fortement que les coûts de matière première, en période de hausse des cours mais aussi en période de baisse. Les deux analyses confirment que les décalages entre les tarifs réglementés et les coûts d’approvisionnement ont provoqué une baisse significative de la marge de GDF SUEZ entre 2004-2006, une hausse modeste en 2007 et une chute en 2008. Enfin, l’utilisation de deux méthodes complémentaires permet de renforcer nos résultats. Le système d’ajustement tarifaire est donc imparfait, notamment de 2003 à 2008. Cette imperfection tient principalement à la non-application de la formule d’indexation selon la modalité définie (application trimestrielle de la formule actuelle). En tendance, les tarifs augmentent moins vite que le prix de la matière première lorsque celui-ci augmente, et diminuent moins rapidement que le prix de la matière première lorsque ceux-ci diminuent. Ce résultat central éclaire le débat sur l’équilibre économique de la vente de gaz naturel aux tarifs réglementés. Concernant l’équilibre économique entre les coûts de fourniture du gaz naturel et les tarifs réglementés, les imperfections d’ajustement peuvent être vues comme un mécanisme de compensation entre les périodes de baisse des cours et les périodes de hausse des cours. L’imperfection des ajustements tarifaires profite tantôt à GDF SUEZ, tantôt aux consommateurs. Il P a g e | 12 n'est donc pas possible de porter un jugement sur l'adéquation des tarifs aux coûts en n'observant qu'une très courte période, puisque le mécanisme d'ajustement est à l'origine de transferts importants entre différentes périodes temporelles. Autrement dit, GDF SUEZ ne peut pas blâmer la lenteur de l’ajustement des tarifs sur la seule base de ses pertes en 2006 sans considérer les gains que cette lenteur d’ajustement lui procure en 2007. Inversement, l’absence de baisse suffisante des tarifs lors de l’hiver 2008 – 2009 doit être évaluée au regard des pertes cumulées et supportées par GDF SUEZ entre 2004 et 2008. Même si l’alternance de phases de gains et de pertes pourrait assurer un équilibre économique intertemporel, la pertinence d’un tel mécanisme d’ajustement tarifaire est remise en question. D’une part, le mécanisme actuel crée un effet lissant et limite les effets des variations brutales des cours de la matière première sur les consommateurs et les entreprises. La succession de gains et de pertes fonctionne comme un mécanisme d’amortissement des chocs exogènes et permet de diminuer les risques pour les consommateurs et pour les entreprises. D’autre part, le mécanisme d’ajustement actuel n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne fait que compenser une erreur par une autre erreur. Cette succession d’erreurs crée une confusion dans le débat public et dans les comptes économiques. De plus, ce mécanisme fausse la fiabilité des signaux en prix donnés par le marché, et empêche ainsi les acteurs, du côté de l’offre comme du côté de la demande, d’ajuster efficacement leurs comportements. Du côté de la demande, les consommateurs ne sont pas incités à ajuster leur choix initial de source d’énergie ou leur niveau de consommation au prix de marché du gaz naturel. Du côté de l’offre, les tarifs faussent la concurrence et ne permettent pas aux fournisseurs alternatifs d’évaluer correctement leur rentabilité espérée. Une révision des modalités d’ajustement des tarifs qui tiendrait compte de l’arbitrage entre les effets positifs et négatifs mentionnés ci-dessus pourrait ainsi être envisagée. La question ne concerne pas seulement l’application discrétionnaire d’une formule d’indexation par les pouvoirs publics, mais aussi les modalités d’application de la formule elle-même. La définition d’une formule d’indexation assurant le maintien des propriétés du système actuel en termes d’amortissement aux chocs exogènes est envisageable à condition que ladite formule soit appliquée de manière systématique. P a g e | 13 P a g e | 14 Table des matières INTRODUCTION .............................................................................................................................................. 17 1 CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE ............................................................................................................. 19 1.1 LE PRODUIT "GAZ NATUREL" ....................................................................................................................... 19 1.2 LA CONSOMMATION DE GAZ NATUREL EN FRANCE ET DANS LE MONDE ................................................................ 22 1.3 LES MARCHES DU GAZ NATUREL EN FRANCE ................................................................................................... 25 1.3.1 Les différents marchés du gaz naturel en France ............................................................................ 26 1.3.2 Tarifs réglementés et prix de marché .............................................................................................. 29 1.3.3 Les différents types de tarifs réglementés ....................................................................................... 31 1.4 1.4.1 L’évolution des prix de détail du gaz naturel ................................................................................... 33 1.4.2 Analyse comparée des prix des différentes énergies en France ...................................................... 35 1.5 2 LES DYNAMIQUES DE PRIX DE DETAIL DU GAZ NATUREL ..................................................................................... 33 LA PROBLEMATIQUE DES TARIFS REGLEMENTES DANS UN CONTEXTE DE LIBERALISATION .......................................... 38 CARACTERISATION DE LA CHAINE VERTICALE DU GAZ NATUREL ET DES PARAMETRES-CLES DES DIFFERENTS POSTES DE COUT ........................................................................................................................ 41 2.1 L'ACCES A LA MOLECULE ............................................................................................................................. 43 2.1.1 Description technique de l'accès à la molécule ............................................................................... 44 2.1.2 Cadre réglementaire ........................................................................................................................ 46 2.1.3 Analyse empirique de l'évolution du coût d'accès à la molécule ..................................................... 47 2.1.4 Les marchés de gros ........................................................................................................................ 54 2.2 LE TRANSPORT DU GAZ NATUREL .................................................................................................................. 57 2.2.1 Description technique ...................................................................................................................... 57 2.2.2 Cadre réglementaire du transport du gaz naturel ........................................................................... 59 2.2.3 Evolution de la régulation du transport et de la rémunération autorisée ....................................... 61 2.2.4 Evolution des tarifs de transport ..................................................................................................... 66 2.3 LES TERMINAUX METHANIERS ...................................................................................................................... 69 2.3.1 Description technique ...................................................................................................................... 69 2.3.2 Cadre réglementaire ........................................................................................................................ 71 2.3.3 Evolution des tarifs des terminaux méthaniers ............................................................................... 72 2.4 LE STOCKAGE ........................................................................................................................................... 75 2.4.1 Description technique ...................................................................................................................... 75 2.4.2 Cadre réglementaire ........................................................................................................................ 77 2.4.3 Evolution de la régulation et des tarifs du stockage ....................................................................... 77 2.5 LA DISTRIBUTION ...................................................................................................................................... 80 P a g e | 15 2.5.1 Description technique ...................................................................................................................... 80 2.5.2 Cadre réglementaire ........................................................................................................................ 81 2.5.3 Evolution de la régulation de la distribution et de la rémunération autorisée ................................ 82 2.5.4 Evolution des tarifs de distribution .................................................................................................. 86 2.6 2.6.1 Description technique ...................................................................................................................... 88 2.6.2 Cadre réglementaire et acteurs sur le marché français .................................................................. 88 2.6.3 Déterminants des coûts de commercialisation................................................................................ 89 2.7 3 LA COMMERCIALISATION DU GAZ NATUREL .................................................................................................... 88 CONCLUSION ........................................................................................................................................... 90 ANALYSE DES MARGES DE GDF SUEZ DANS LA VENTE DE GAZ NATUREL AUX CLIENTS RESIDENTIELS .... 93 3.1 LES PERTES PRESUMEES DE GDF SUEZ EN RAISON DE L’INADEQUATION DES TARIFS AUX COUTS ............................... 93 3.2 ANALYSE DES COMPTES PUBLICS DE GDF SUEZ .............................................................................................. 96 3.2.1 Détermination de l'évolution des tarifs réglementés ...................................................................... 96 3.2.2 Estimation du chiffre d'affaires réalisé par GDF SUEZ dans la vente de gaz naturel aux clients résidentiels ................................................................................................................................................... 98 3.2.3 Allocation des coûts de GDF SUEZ à l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels .... 100 3.2.4 Evaluation du niveau des marges de GDF SUEZ et de son évolution sur la période 2001-2008 .... 106 3.2.5 Extrapolation pour l'année 2008 ................................................................................................... 108 3.3 4 CONCLUSION ......................................................................................................................................... 109 ANALYSE DYNAMIQUE DE L’EVOLUTION DES TARIFS ADMINISTRES AU REGARD DE CELLE DES COUTS D'APPROVISIONNEMENT RESULTANT DE LA FORMULE D'INDEXATION DE GDF SUEZ .................................. 111 4.1 FORMULE D’INDEXATION ET COUT D’APPROVISIONNEMENT ............................................................................. 111 4.2 ANALYSE DES DECALAGES ENTRE LES VARIATIONS DES TARIFS ET LES VARIATIONS DU COUT D’APPROVISIONNEMENT DE GDF SUEZ ........................................................................................................................................................ 114 4.2.1 Décalage entre les variations des tarifs et les variations du coût unitaire d’approvisionnement de GDF SUEZ .................................................................................................................................................... 115 4.2.2 Décalage entre les variations des revenus et les variations du coût d’approvisionnement de GDF SUEZ (effet volume) .................................................................................................................................... 119 4.3 5 CONCLUSIONS ........................................................................................................................................ 123 CONCLUSION GENERALE ...................................................................................................................... 125 GLOSSAIRE ................................................................................................................................................... 129 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................................ 131 P a g e | 16 Introduction Cette étude a été rédigée par le cabinet Microeconomix à la demande de l'UFC Que Choisir. Elle a bénéficié du concours scientifique de François Lévêque, Professeur d'économie à Mines ParisTech et de Jean-Michel Glachant, directeur de la Florence School of Regulation. L'objectif de cette étude est de comprendre les déterminants-clés du prix du gaz naturel afin d'obtenir une grille d'analyse permettant d'évaluer si les évolutions des tarifs réglementés reflètent bien les évolutions des coûts des fournisseurs de gaz naturel (GDF SUEZ1 principalement). Ce rapport est organisé en quatre sections. La première section introduit le sujet en présentant les éléments de contexte et la problématique de l’ajustement des tarifs réglementés. La deuxième section identifie les principaux postes de coût de la chaîne verticale du gaz naturel et les paramètres-clés de leurs évolutions. Nous présentons la chaîne verticale du gaz naturel qui est organisée en six grands pôles : la fourniture en matière première, le transport, les terminaux méthaniers, le stockage, la distribution et la commercialisation de détail. Ces différents stades sont présentés dans un premier temps de manière fonctionnelle - selon une approche technique - afin de déterminer la nature des postes de coût entrant dans la chaîne verticale de la fourniture du gaz naturel aux consommateurs. Dans un second temps, la chaîne verticale est caractérisée d’un point de vue économique, notamment par l'étude du cadre réglementaire en vigueur. Les troisième et quatrième sections présentent, selon deux approches différentes, un exercice d'évaluation de l’impact sur la rentabilité de GDF SUEZ des décisions d’ajustement des tarifs réglementés au cours de ces dernières années. Elles visent à déterminer les effets dynamiques d’un ajustement tarifaire imparfait sur les recettes de GDF SUEZ. La troisième section développe une approche fondée sur l’analyse des comptes publics de GDF SUEZ. La quatrième section expose quant à elle une approche fondée sur la formule d’indexation tarifaire fournie par GDF SUEZ à la CRE, pour étudier les effets induits par les éventuels décalages entre l'évolution des tarifs réglementés et celle de ses coûts d’approvisionnement. 1 Dans l'ensemble du rapport nous utilisons le qualificatif "GDF SUEZ" même lorsque nous nous référons aux années précédant la fusion. P a g e | 17 P a g e | 18 1 Contexte et problématique Cette première section présente les éléments de contexte général indispensables à la compréhension des marchés du gaz naturel en France. 1.1 Le produit "gaz naturel" Le gaz naturel est un combustible fossile comme le charbon et le pétrole. Il s'agit d'un mélange d'hydrocarbures saturés présent dans des roches poreuses sous forme gazeuse, et composé essentiellement de méthane. Il provient de la dégradation de matières organiques. La pression des couches de sédiments accumulées transforme les matières organiques en gaz, qui pénètre ensuite dans les roches poreuses et est emprisonné sous les couches de sédiments les plus dures à la surface terrestre ou sous les océans. Le terme "gaz" recouvre différentes formes de substances. Le gaz naturel qui transite par les gazoducs (ou par bateaux) vers les réseaux de distribution publique relève essentiellement de la catégorie appelée "gaz conventionnel non-associé". Le gaz est dit non-associé lorsqu’il est trouvé seul, alors qu’il est dit associé lorsqu’il est trouvé en solution dans le pétrole. Le gaz naturel associé est rarement valorisé commercialement : il était traditionnellement brûlé sur place (en "torchère"), mais il peut également être réinjecté dans les puits pour faciliter l’extraction du pétrole. Outre le gaz naturel associé et non-associé, d’autres formes de gaz naturel existent : - le gaz dit biogénique est issu de la fermentation par des bactéries de matières organiques. Il représente près de 20 % des réserves de gaz conventionnel ; - le gaz de charbon, ou grisou, est extrait de gisement de certaines formes de charbon par récupération du méthane. Outre ces différentes formes de gaz naturel, il existe d’autres formes de gaz n’appartenant pas à la catégorie du gaz naturel. Ainsi les Gaz de Pétrole Liquéfiés, ou GPL, constituent des formes distinctes du gaz naturel même s’ils proviennent pour partie d’un retraitement du gaz naturel. Les GPL sont composés d’hydrocarbures de types C3 et C4 (par exemple, le butane et le propane) plus lourds2 que le méthane. Ces hydrocarbures sont séparés du gaz à la sortie des puits de gaz naturel, puis transformés en liquides pour créer les GPL. 2 A température ambiante, ces hydrocarbures sont à l’état liquide à des pressions relativement faibles (2 bars pour le butane et 7 bars pour le propane). P a g e | 19 Les GPL ne doivent pas être confondus avec le Gaz Naturel Liquéfié, ou GNL. En effet, le GNL n’est pas un type de gaz naturel distinct du gaz traditionnel, mais une forme de traitement de celui-ci. Le GNL correspond au gaz naturel sous sa forme liquide, qui a subi une opération de cryogénisation (passage à -161°C), après avoir été expurgé du CO2, de l’hélium et des gaz acides qui peuvent figurer dans le mélange gazeux extrait des puits. La transformation en GNL permet d'acheminer le gaz naturel autrement que par gazoduc, par des bateaux spécialement équipés. En revanche, son usage est strictement le même que le gaz naturel puisque le GNL est regazéifié à l’arrivée dans les pays de destination et acheminé par le réseau de transport traditionnel. La figure 4 illustre la distinction entre le gaz naturel traditionnel, le GPL et le GNL, à partir du mélange gazeux initial. Le schéma prend en compte la présence éventuelle de condensats de gaz naturel, qui peuvent être séparés du mélange gazeux et traités pour obtenir du pétrole et du GPL. P a g e | 20 Figure 4. Typologie des différentes formes de gaz naturel et des hydrocarbures associés Process technique Destination commerciale Gaz naturel liquéfié (GNL) Liquéfaction Méthane Gaz naturel traditionnel Consommateurs de gaz par méthanier Consommateurs de gaz par gazoduc Rejet ou séquestration CO2 Gaz Gaz acide Commercialisation séparée Hélium Commercialisation séparée Gaz de pétrole liquéfié (GPL) Puits de gaz naturel Commercialisation séparée Condensats de gaz naturel Pétrole P a g e | 21 1.2 La consommation de gaz naturel en France et dans le monde Au niveau mondial, le gaz naturel est la troisième source d’énergie et représente 20,5 % de la production énergétique derrière le pétrole (34,5 %) et le charbon (26 %). Au sein des pays de l’OCDE, il est la deuxième source d'énergie (22,5 % contre 21 % pour le charbon et 39 % pour le pétrole), selon les chiffres de l’Agence Internationale de l’Energie (IAE) pour l’année 2006. Le gaz naturel est la deuxième énergie la plus consommée et représente 15 % de la consommation mondiale (19 % de la consommation des pays de l’OCDE). Sur le long terme, la consommation de gaz naturel en France est en progression constante. La consommation nationale totale de gaz primaire a en effet augmenté de 165 % entre 1973 et 2000, ce qui représente une croissance annuelle moyenne de 3,7 %3. La figure 5 illustre cette tendance haussière au cours des quinze dernières années. Figure 5. Evolution de la consommation totale de gaz naturel en France (TWh) 600 500 400 300 200 100 2007 2006 2005 2004 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 0 Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) Depuis le début des années 2000, la consommation de gaz naturel pour les clients résidentiels et tertiaires semble se tasser et une baisse s'observe même depuis 2005 (figure 6). 3 INSEE, Bilan du gaz naturel, disponible à l'adresse suivante : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=NATnon11326 P a g e | 22 Figure 6. Consommation en TWh de gaz naturel en France, par type de consommateurs 600 500 400 329 310 151 156 163 2000 2001 2002 305 356 341 341 323 165 168 170 166 170 2003 2004 2005 2006 2007 337 300 200 100 0 Grandes industries - Centrales Résidentiel- Tertiaire - Petites industries Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) Cependant, le ralentissement de la croissance de la consommation de gaz naturel n’est pas un phénomène structurel. Les prévisions de consommation d’énergie font apparaître une hausse continue de la consommation de gaz naturel en valeur absolue au cours des vingt prochaines années. L'association professionnelle Eurogas anticipe ainsi une hausse de 43 % de la consommation de gaz naturel à horizon 2013, qui relèverait pour l’essentiel de la hausse de la consommation destinée à la génération d’électricité. Cette hausse de 43 %, plus forte que la hausse de la consommation totale d’énergie, serait partiellement due à l'augmentation de la part de marché du gaz naturel, qui passerait de 24,1 % en 2005 à 30,1 % en 20304. Cette augmentation à long terme s'expliquerait notamment par le fait que le bilan écologique du gaz naturel est relativement plus favorable que celui des autres énergies fossiles, ce qui pourrait favoriser sa consommation dans l’optique d’un durcissement des réglementations environnementales. La même tendance est observée au niveau français, la DGEMP estimait ainsi en 2007 que le taux de croissance annuel moyen de la demande de gaz naturel pourrait ralentir et passer de 3,4 % (entre 1995 et 2005) à 2,1 % (entre 2005 et 2015), ce qui représenterait tout de même un accroissement de la consommation de gaz naturel de 100 TWh sur la période. 4 Eurogas (2007). Long Term Outlook to 2030, pages 2 et 3, disponible en ligne http://www.eurogas.org/uploaded/Eurogas%20long%20term%20outlook%20to%202030%20-%20final.pdf à l’adresse suivante : P a g e | 23 Les usages du gaz naturel sont très variés : il est à la fois utilisé à des fins domestiques (chauffage, cuisson) et industrielles, mais également, de manière croissante, pour générer de l’électricité. La figure 7 représente la part des différents usages du gaz naturel au sein des pays de l’OCDE en 2006. Figure 7. Part des différents usages du gaz naturel au sein des pays de l’OCDE (hors usage "production d’énergie") Autres 3% Utilisation pétrochimie 11% Commercial 13% Résidentiel 32% Industrie 35% Transports 6% 5 Source : Agence internationale de l’Energie , 2006 (traitement Microeconomix) En France, les secteurs résidentiels et tertiaires ont un poids important dans la consommation totale et en représente plus de la moitié. La figure 8 révèle que le poids des différents secteurs dans la consommation totale est relativement stable depuis 2004. 5 http://www.iea.org/Textbase/stats/index.asp P a g e | 24 Figure 8. Part des différents secteurs dans la consommation de gaz naturel en France 100% 4% 0% 4% 0% 4% 0% 4% 0% Non énergetique 90% Transports 80% 70% 55% 54% 56% 56% 60% 50% RésidentielTertiaire Industrie 40% 30% Sidérurgie 30% 29% 29% 29% 2% 8% 1% 9% 2% 8% 2% 9% 20% 10% Production d'énergie 0% 2004 2005 2006 2007 Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) 1.3 Les marchés du gaz naturel en France Dans le cadre de l'intégration européenne, une politique de libéralisation des marchés du gaz est progressivement mise en œuvre depuis la fin des années 1990. La première directive européenne sur le gaz, initiant le processus de libéralisation, a été appliquée en France en août 2000 (1998/30/CE)6. La seconde directive (2003/55/CE)7 a totalement ouvert le marché à l’horizon 2007. Elle a été intégrée au droit français par la loi du 3 janvier 2003 (2003-8)8 qui précise notamment les principes d’application de la directive européenne en fixant les seuils d’éligibilité (ou catégories de clients pouvant s’approvisionner par des contrats non réglementés à chaque étape de la libéralisation, selon le seuil de leur consommation ou leur statut). 6 Directive 98/30/CE du Parlement Européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel, Journal officiel n° L 204 du 21/07/1998 p. 0001 – 0012, disponible en ligne à l’adresse : http://www.industrie.gouv.fr/energie/gaz/textes/se_inter.htm 7 Directive 2003/55/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE, Journal officiel n° L 176 du 15/07/2003 p. 0057 – 0078, disponible en ligne à l’adresse : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0055:FR:HTML 8 Loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, disponible en ligne à l’adresse : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000776748&dateTexte P a g e | 25 1.3.1 Les différents marchés du gaz naturel en France La politique de libéralisation des marchés de gaz naturel en France concerne deux marchés : le marché de gros et le marché de détail (figure 9). P a g e | 26 Strictement confidentiel Figure 9. Présentation des marchés de gros et de détail du gaz naturel Producteurs (Ex : Gazprom, Sonatrach, Statoil) Prix de contrats de long terme Indexation produits pétroliers Transport de la source à la France Contrats de long terme Marchés de gros Prix de gros contrats OTC (over the counter) marché spot contrats OTC (over the counter) marché spot Fournisseurs Négociants (traders) Fournisseurs historiques (Ex : GDF Suez, Tégaz, Gaz de Bordeaux, Gaz de Srtasbourg) Fournisseurs alternatifs (Ex : Altergaz, EDF, Poweo, etc.) Marchés de détail Ex : EDF Trading Limited, ENOI S.p.A., Gas Natural Commercialisation France, Gaselys) Consommateurs (Résidentiel, Tertiaire, Petits Industriels) P a g e | 27 Prix de détail offres aux tarifs réglementés (de vente en distribution publique ou de vente à souscription) offres de marché (prix libre) Strictement confidentiel Marchés de gros Les marchés de gros désignent les échanges amont du commerce de gros. Au cours de l’année 2007, 32 opérateurs ont été actifs sur le marché de gros français, ce qui représente une progression de 23 % par rapport à l’année 2006. On distingue deux types d’acteurs : - les fournisseurs, qui achètent et vendent sur le marché de gros pour couvrir la consommation de leurs clients finals en complément de leurs contrats d'approvisionnement de long terme ; - les négociants (ou traders), qui achètent et revendent du gaz pour profiter des opportunités liées au niveau des prix en France, en Europe et sur le marché de court-terme du GNL. Ces acteurs ne livrent pas forcément des clients finals. L’activité sur le marché de gros de gaz français reste limitée mais en progression (figure 10). L'approvisionnement sur les marchés de gros représente moins de 10 % de la consommation totale, les contrats de long terme entre les producteurs et les fournisseurs couvrant plus de 90 % de l’approvisionnement en France. Figure 10. Volume de livraisons nettes de gaz naturel sur le marché de gros français 9 Source : CRE 9 Source : CRE (2009), Observatoire des marchés, page 39, http://www.cre.fr/fr/content/download/8187/145606/file/2008Obs4emeTr.pdf P a g e | 28 Marchés de détail La fourniture de gaz désigne la vente de gaz aux clients finals, c'est-à-dire aux clients qui consomment effectivement le gaz et ne le revendent pas. Cette activité a été progressivement ouverte à la concurrence, dès 2000 pour les gros consommateurs industriels et à partir de juillet 2007 pour les consommateurs résidentiels : - à partir d’août 2000, tous les sites ayant une consommation annuelle de gaz supérieure à 237 GWh sont devenus éligibles, ainsi que tous les producteurs d’électricité et les producteurs simultanés d’électricité et de chaleur quel que soit le niveau de leur consommation annuelle ; - à partir d’août 2003, tous les sites ayant une consommation annuelle de gaz supérieure à 83 GWh sont devenus éligibles ; - à partir de juillet 2004, toutes les entreprises et les collectivités locales sont devenus éligibles ; - à partir de juillet 2007, l'éligibilité concerne tous les consommateurs, y compris les résidentiels. L’ensemble du marché éligible représente, au 31 décembre 2008, 11,5 millions de sites et une consommation annuelle d’environ 524 TWh10. 1.3.2 Tarifs réglementés et prix de marché Bien que l’ouverture à la concurrence du marché du détail soit totale à l’heure actuelle, au sens où tous les clients sont devenus éligibles, deux prix proposés aux clients finaux coexistent : les tarifs réglementés de vente et le prix de marché. Les tarifs réglementés de vente sont proposés uniquement par les fournisseurs historiques (Gaz de France, Tegaz (Total Energie Gaz) et les 22 Entreprises Locales de Distribution ELD) sur leurs territoires respectifs. Le territoire d’un fournisseur historique est défini par un contrat de concession ou un règlement de service de régie. Les tarifs réglementés, fixés par arrêté ministériel, s'appliquent 10 Source : CRE (2009), Observatoire des marchés, http://www.cre.fr/fr/content/download/8187/145606/file/2008Obs4emeTr.pdf P a g e | 29 à la vente de gaz aux particuliers ainsi qu’aux autres clients qui, bien qu’éligibles, n’ont pas exercé leur éligibilité. Les offres de marché sont proposées par les fournisseurs historiques et par les fournisseurs alternatifs, qui en déterminent librement les prix. Elles sont différentes selon le segment de clientèle. Pour les sites raccordés aux réseaux de transport, le prix est généralement calé sur les prix des marchés de gros européens. Pour les autres clients, le prix est librement fixé par les fournisseurs, qui doivent cependant intégrer la contrainte des tarifs réglementés. La figure 12 permet de se rendre compte de l'étroitesse de la a marge de manœuvre des fournisseurs alternatifs. En effet, les tarifs d'utilisation des réseaux (transport, distribution) et les tarifs d'utilisation des terminaux méthaniers sont régulés et donc identiques pour tous les fournisseurs. Il en est de même pour les tarifs de stockage, qui sont certes fixés librement par les propriétaires d'infrastructures de stockage, mais doivent être non-discriminatoires. En fin de compte, les fournisseurs alternatifs ne peuvent éventuellement se distinguer qu'au niveau du prix de la fourniture. Figure 11. Décomposition simplifiée du prix de détail hors taxes appliqué aux clients finals Tarif réglementé Prix de marché Tarif d’utilisation des réseaux (transport, distribution) et des terminaux méthaniers = Fixé par le ministre sur proposition de la CRE (égal pour tous les fournisseurs) Coût du stockage = Fixé par l'opérateur de stockage Tarif de fourniture Fixé par le ministre sur proposition de la CRE Tarif d’utilisation des réseaux (transport, distribution) et des terminaux méthaniers Fixé par le ministre sur proposition de la CRE (égal pour tous les fournisseurs) Coût du stockage Fixé par l'opérateur de stockage Tarif de fourniture Fixé par le fournisseur + ou - (En fonction du type de clients, de la stratégie du fournisseur, de la concurrence…) 11 Source : adapté de la CRE 11 http://www.cre.fr/fr/marches/marche_du_gaz_naturel/marche_de_detail P a g e | 30 1.3.3 Les différents types de tarifs réglementés Deux types de tarifs réglementés coexistent : i) les tarifs à souscription et ii) les tarifs en distribution publique. Les tarifs à souscription s'appliquent aux clients raccordés au réseau de transport et aux clients raccordés au réseau de distribution et consommant plus de 4 GWh par an. GDF SUEZ, le fournisseur historique le plus important, propose un barème qui comprend trois tarifs : i) le tarif STS pour les clients raccordés au réseau de transport, ii) le tarif S2S pour les clients raccordés au réseau de distribution et iii) le tarif H pour les anciens clients de la Compagnie Française du Méthane. Les tarifs en distribution publique concernent l'ensemble des clients (professionnels et résidentiels) raccordés au réseau de distribution et consommant moins de 4 GWh par an. Le barème de GDF SUEZ comprend les tarifs Base, B0, B1, B2I, B2S et TEL (par ordre croissant de consommation), complétés par diverses options et variantes correspondant à des situations particulières. En outre, de nombreux tarifs sont toujours en vigueur même s'ils ne sont plus proposés aux nouveaux clients. Les tarifs en distribution publique de GDF SUEZ concernent environ 96 % des ventes totales en distribution publique. Figure 12. Les différents tarifs réglementés par type de consommateurs Professionnels n’ayant pas souscrit Ménages de contrat au prix de marché Tarifs réglementés de vente en distribution publique Raccordés au réseau Raccordés au réseau de distribution de transport Consommation Consommation annuelle < 4 GWh annuelle > 4 GWh Tarifs réglementés de vente à souscription Source : Microeconomix P a g e | 31 GDF SUEZ propose en distribution publique six tarifs différents en fonction du volume annuel et de la saisonnalité de la consommation du client, afin de s’adapter à des profils de consommation très divers (particuliers, chaufferies collectives, PMI, PME, etc.) : - le tarif de base pour les consommations annuelles inférieures à 1000 kWh qui correspondent le plus souvent à des usages cuisine ; - le tarif B0 pour des consommations annuelles comprises entre 1000 et 6000 kWh, le plus souvent pour les usages cuisine et eau chaude ; - le tarif B1 pour des consommations annuelles comprises entre 6000 et 30 000 kWh, le plus souvent pour des usages chauffage individuel, cumulés ou non eau chaude et cuisine ; - le tarif B2I pour des consommations annuelles comprises entre 30 000 et 150 000 ou 350 000 kWh12, le plus souvent pour des usages chauffage, cumulés ou non avec la production d’eau chaude dans les chaufferies moyennes (pavillons de plus de 200 m2 et logements collectifs de moins de vingt appartements) ; - le tarif B2S pour les consommations annuelles supérieures à 150 000 ou à 350 000 kWh (correspondant par exemple à la consommation de logements collectifs comportant moins de 100 appartements). Ce tarif est saisonnier : les consommations d’hiver (novembre à mars) sont facturées à un prix supérieur à celui qui s'applique aux consommations d’été (avril à octobre) ; - le tarif TEL/TEL Nuit, créé en 1992, est destiné aux très grosses chaufferies (chaufferies professionnelles de grande puissance). Il comporte un abonnement et des prix proportionnels différents entre l’hiver (de novembre à mars) et l’été (d’avril à octobre). Il comporte en outre des réductions au-delà des seuils de consommation d’hiver et d’été respectivement égaux à 4 et 2 millions de kWh. 12 Selon les usages et la répartition des consommations en hiver et en été. P a g e | 32 Tableau 3. Types de tarifs en distribution publique appliqués par GDF SUEZ Nombre de clients Type de tarifs Consommation Base (cuisson) B0 (cuisson et eau chaude) B1 (chauffage) inférieure à 1 000 kWh/an de 1000 jusqu’à 6 000 kWh/an de 6 000 jusqu’à 30 000 kWh/an de 30 000 jusqu’à 150 000 ou 350 000 kWh/an (seuil variable selon la répartition hiver-été des consommations) de 150 000 ou 350 000 kWh/an à 5 GWh/an (seuil variable selon la répartition hiver-été des consommations) 1 690 000 1 390 000 7 000 000 Supérieur à 5 GWh/an 610 B2I (petite chaufferie) B2S (moyenne chaufferie) TEL/TEL nuit (grande chaufferie, serristes) 670 000 65 000 Source : CRE 1.4 Les dynamiques de prix de détail du gaz naturel 1.4.1 L’évolution des prix de détail du gaz naturel Les prix de détail du gaz naturel diffèrent selon le marché considéré. Sur le marché libre, il est difficile d’observer les prix puisqu'ils résultent de négociations bilatérales entre le fournisseur et le client. En revanche, les prix sur le marché de la distribution publique sont fixés par les tarifs administrés. La figure 13 illustre l’évolution sur longue période du tarif B1, qui correspond au tarif s'appliquant à la majorité des consommateurs résidentiels. Les prix marquent une rupture de tendance nette dans les années 2000. Les tarifs ont ainsi augmenté de 1,3 % en moyenne annuelle entre 1990 et 2004, puis de 6,7 % en moyenne annuelle entre 2004 et 2007, malgré le gel des tarifs au cours de l’année 2006. P a g e | 33 Figure 13. Evolution des tarifs réglementés B0, B1 et B2I en c€/kWh 11 10 9 8 7 6 5 4 3 Prix moyen de 100 kWh PCI - gaz naturel (ménages) - Tarif B0 Prix moyen de 100 kWh PCI - gaz naturel (ménages) - Tarif B1 Prix moyen de 100 kWh PCI - gaz naturel (ménages) - Tarif B2I Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) La libéralisation par phases successives s'appliquant à différents types de consommateurs a conduit à un taux de pénétration des offres de marché très différent selon les types de clients (figure 14). Ainsi, 93 % des clients résidentiels sont restés aux tarifs réglementés contre 15 % seulement des consommateurs directement connectés au réseau de transport. GDF SUEZ conserve des parts de marché très élevées sur l'ensemble des différentes catégories de clients. P a g e | 34 oct.-08 janv.-08 avr.-07 juil.-06 oct.-05 janv.-05 avr.-04 juil.-03 oct.-02 janv.-02 avr.-01 juil.-00 oct.-99 janv.-99 avr.-98 juil.-97 oct.-96 janv.-96 avr.-95 juil.-94 oct.-93 janv.-93 avr.-92 juil.-91 oct.-90 janv.-90 2 Figure 14. Répartition des consommations annualisées par type d'offres 13 Source : CRE (2009) 1.4.2 Analyse comparée des prix des différentes énergies en France Les tarifs du gaz naturel suivent en tendance longue les évolutions du prix des produits pétroliers. Sur la période 1985 – 2007 (figure 15), les évolutions du prix du gaz sont des minorants de l’évolution des prix du pétrole. Les prix du gaz naturel augmentent moins vite que le pétrole et diminuent également moins vite. En conséquence, l’attrait relatif du gaz par rapport au pétrole diminue en période de baisse des cours du pétrole (1985 – 1990, 1991 – 1995, 2001 – 2003) et à l’inverse augmente en période de hausse des cours (1999 – 2000, 2003 – 2007). Les évolutions des tarifs du gaz sont en revanche très peu corrélées à celles des tarifs de l’électricité. Sur la période 1985 – 2007, les tarifs de l’électricité est globalement plus stable et deux tendances sont observées : - entre 1985 et 1996, les tarifs de l’électricité tendent à augmenter alors que les tarifs du gaz ont tendance à baisser. L'attractivité du gaz par rapport à l'électricité s'accroît donc ; 13 CRE (2009). Observatoire des marchés de l'électricité et du gaz, 4ième trimestre 2008, page 30. Disponible à l'adresse suivante : http://www.cre.fr/fr/content/download/8187/145606/file/2008Obs4emeTr.pdf P a g e | 35 - à partir de 1996, cette tendance s'inverse : les tarifs du gaz augmentent, tandis que ceux de l'électricité diminuent puis stagnent. L'attractivité du gaz par rapport à l'électricité diminue. Figure 15. Evolution des tarifs de base des différentes énergies entre 1985 et 2007 (base 100 en 1985) 160 140 120 100 80 60 Fuel Gaz naturel 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 1988 1987 1986 1985 40 Electricité 14 Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) La figure 16 présente l'évolution des prix moyen du gaz naturel et celles des autres énergies sur les vingt dernières années. Ces données mensuelles confirment que les prix du gaz naturel s'ajustent tardivement aux variations des prix des produits pétroliers, contrairement aux prix du fuel domestique et aux prix du propane (GPL) qui s'ajustent rapidement aux évolutions des cours des produits pétroliers. Depuis le début des années 2000, l'attractivité du gaz naturel par rapport à l'électricité n'a cessé de diminuer. 14 Prix moyen de 100 kWh PCI Fuel domestique (FOD), livraison de 2000 à 5000 l (tarif C1), moyenne France entière, Prix de 100 kWh PCS - gaz naturel (ménages) - Tarif B1, région parisienne, Prix moyen de 100 kWh PCI - Electricité (ménages) - Simple tarif, puissance souscrite=3 kVA, consommation 1200kWh/an, région parisienne. P a g e | 36 Figure 16. Variations des prix du gaz et d’autres énergies (prix moyen de 100 kWh en €) 18 Prix moyen de 100 kWh PCI Electricité (ménages) - Double tarif, puissance souscrite=6 kVA Prix moyen de 100 kWh PCI Electricité (ménages) - Double tarif, puissance souscrite=9 kVA Prix moyen de 100 kWh PCI Electricité (ménages) - Double tarif, puissance souscrite=12 kVA Prix moyen de 100 kWh PCI Electricité (ménages) - Simple tarif, puissance souscrite=3 kVA Prix moyen de 100 kWh PCI Electricité (ménages) - Simple tarif, puissance souscrite=6 kVA Prix moyen de 100 kWh PCI gaz naturel (ménages) - Tarif B0 16 14 12 10 8 6 Prix moyen de 100 kWh PCI gaz naturel (ménages) - Tarif B1 4 Prix moyen de 100 kWh PCI gaz naturel (ménages) - Tarif B2I 2 Prix moyen de 100 kWh PCI Propane usage domestique nov.-07 nov.-06 nov.-05 nov.-04 nov.-03 nov.-02 nov.-01 nov.-00 oct.-99 sept.-98 août-97 juil.-96 juin-95 mai-94 avr.-93 mars-92 févr.-91 janv.-90 0 Prix moyen de 100 kWh PCI Fuel domestique (FOD) Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) P a g e | 37 1.5 La problématique des tarifs réglementés dans un contexte de libéralisation La libéralisation par étapes des marchés du gaz induit la coexistence temporaire de structures anciennes et nouvelles. La transposition des directives européennes destinées à créer un marché européen unifié du gaz a conduit à ouvrir les marchés de détail à de nouveaux acteurs, et pour cela à réguler l’accès aux infrastructures nécessaires au développement d’une concurrence à l'aval. Au niveau des acteurs, les nouveaux fournisseurs alternatifs sont en concurrence avec l’opérateur historique présent à tous les niveaux de la chaîne verticale. Au niveau des prix, le marché de détail combine un système de prix libres et un système de tarifs réglementés. La coexistence des deux régimes s'explique par le double objectif du gouvernement français. D’une part, l’objectif de service public énergétique a poussé les autorités françaises à conserver une réglementation des tarifs en vue d’assurer un niveau du prix de l’énergie – ici, le gaz naturel – acceptable pour des consommateurs particuliers. D’autre part, l’objectif de libéralisation du marché implique que l’ensemble des prix sur les marchés de détail constituent de bons signaux de nature à assurer la concurrence entre fournisseurs tout en informant le consommateur du coût réel de sa consommation. Dans ce contexte, le niveau des tarifs réglementés détermine donc également la capacité des fournisseurs à se concurrencer ainsi que l’équilibre économique de GDF SUEZ en tant que fournisseur de gaz aux tarifs réglementés. Si les tarifs réglementés sont trop élevés par rapport à ses coûts, GDF SUEZ bénéficie d'une rente d’origine réglementaire, même si elle est théoriquement limitée par la concurrence des fournisseurs alternatifs. Si les tarifs réglementés sont trop faibles au regard de ses coûts, GDF SUEZ supporte une perte ; la concurrence entre les différents fournisseurs est faussée puisque ces derniers ne peuvent aligner leurs prix au niveau – trop bas – des tarifs réglementés ; le signal-prix envoyé aux consommateurs ne reflète pas correctement les coûts. Dans ce contexte, il est essentiel de s'interroger sur les modalités d’ajustement des tarifs réglementés du gaz naturel aux coûts supportés par GDF SUEZ. Les tarifs réglementés évoluent principalement pour répondre à l’évolution du prix des produits pétroliers, qui déterminent le prix payé par GDF SUEZ dans le cadre de ses contrats d'approvisionnement de long terme. La figure 17 illustre les évolutions parallèles des différents tarifs réglementés et des cours du Brent - l’un des paramètres-clés d’évolution du prix du gaz. P a g e | 38 Figure 17. Evolution des tarifs du gaz et prix du pétrole (Brent) entre 2000 et 2008 12 90 80 70 8 60 50 6 40 4 Brent [€/bl] Tarif [c€/kWh] 10 30 20 2 10 Prix moyen - tarif B1 Prix moyen - tarif B0 Prix moyen - tarif B2I oct.-08 mai-08 déc.-07 juil.-07 févr.-07 sept.-06 avr.-06 nov.-05 juin-05 janv.-05 août-04 mars-04 oct.-03 mai-03 déc.-02 juil.-02 févr.-02 sept.-01 avr.-01 nov.-00 juin-00 0 janv.-00 0 Brent [€/bl] Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) Les tarifs à souscription et les tarifs en distribution publique des ELD et de TEGAZ évoluent quatre fois par an (les 1er janvier, 1er avril, 1er juillet et 1er octobre) selon l’arrêté interministériel15 du 21 décembre 2007. Leur évolution dépend essentiellement de deux termes : - Le terme m, qui correspond à la partie matière et dépend de l’évolution des coûts d'approvisionnement en gaz (calculée selon une formule dite X-1-3, à partir de la moyenne des coûts d’approvisionnement pondérée par les volumes d’achat, sur une durée comprise entre trois et six mois) ; - Le terme k, qui correspond à la partie hors matières (transport, terminaux méthaniers, distribution, stockage, commercialisation) et dépend de l’évolution des différents postes de coût. Les augmentations de tarifs en distribution publique et à souscription sont demandées par les opérateurs eux-mêmes et sont applicables directement, dès lors que le ministre de l’Ecologie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et le ministre de l’Economie, des finances 15 Arrêté interministériel relatif aux tarifs réglementés de vente du gaz naturel des entreprises locales de distribution et de la société TEGAZ du 21 décembre 2007, http://textes.droit.org/JORF/2007/12/29/0302/0015/ P a g e | 39 et de l’emploi - après avoir recueilli l'avis de la CRE - ne s'y opposent pas. En particulier, ces ministres peuvent demander à un fournisseur de déposer un nouveau barème conforme à l’avis de la CRE. Concernant GDF SUEZ, ses tarifs à souscription évoluent tous les trois mois, mais aucune fréquence d’évolution de ses tarifs en distribution publique n’est plus fixée dorénavant. Pour se prononcer sur la pertinence du niveau et de l’ajustement des tarifs, il est nécessaire de suivre chacun des postes de coût pris en compte, depuis l’approvisionnement jusqu’aux différentes charges internes des fournisseurs. La deuxième partie a pour objet l’analyse théorique, puis empirique, des différents postes de coût tout au long de la chaîne verticale du gaz naturel. P a g e | 40 2 Caractérisation de la chaîne verticale du gaz naturel et des paramètresclés des différents postes de coût Cette section présente les différents postes de coût de la chaîne verticale du gaz naturel en France et identifie les principaux paramètres dont ils dépendent. Nous identifions six postes de coût : - Les coûts de la fourniture de matière première (ou coûts de la molécule) ; - Les coûts du réseau de transport (de l’entrée en France jusqu’à la sortie du gaz pour distribution ou stockage) ; - Les coûts des terminaux méthaniers ; - Les coûts de stockage ; - Les coûts du réseau de distribution ; - Les coûts de la commercialisation de détail. La figure 18 présente une vue d'ensemble des différents maillons de la chaîne verticale du gaz naturel. Pour chacun des postes de coût identifiés, nous décrivons avec précision le cadre réglementaire en vigueur et ses évolutions, pour en déduire l'impact sur l'évolution des coûts. P a g e | 41 Figure 18. Les différents maillons de la chaîne verticale du gaz naturel Accès à la molécule Gazoducs Terminaux méthaniers Réseau de transport Stockage Réseau de distribution Commercialisation P a g e | 42 Usages résidentiels 2.1 L'accès à la molécule La première étape de la chaîne verticale est celle de l'accès à la matière première. Les pays disposant de réserves naturelles ont un accès direct au gaz et mènent des activités d'exploration-production; tandis que ceux qui n'en ont pas – comme la France - doivent importer le gaz et sont donc en situation de dépendance énergétique. La description technique et les enjeux de l’exploration-production sont résumés dans l’encadré 1. Encadré 1. La phase d’exploration-production de gaz naturel Le processus de formation de gaz naturel étant identique à celui du pétrole, les activités d’exploration de ces deux énergies sont très liées. L’exploration débute par une phase d’étude géologique, destinée à déterminer la probabilité de la présence dans le sous-sol d'hydrocarbures. Si l’étude des roches de surface et de la typologie du terrain permet d'anticiper la présence de gaz naturel, des tests complémentaires sont alors menés. Le procédé le plus utilisé est la mesure sismique, qui consiste à émettre des ondes en provoquant des explosions, et à mesurer l’angle de réflexion de ces ondes pour en inférer la composition et la superposition des couches souterraines. Selon la CNUCED, les réserves mondiales de gaz naturel ont plus que doublé au cours des vingt dernières années et s'élevaient à près de deux cent mille milliards de mètres cubes fin 2006, soit un ratio de réserves prouvées par rapport à la production supérieur à 63 ans. La Russie était en 2006 le principal réservoir de gaz naturel, avec 27 % des réserves prouvées, contre 15 % pour l’Iran, 3 % pour les Etats-Unis et 2 % pour l’Union européenne. En cas de résultats positifs, la phase d’exploration se poursuit par un travail de forage en profondeur, à l’aide de câbles de forage ou de plates-formes de forage rotatives, afin de valider la présence de gaz naturel et d’estimer la rentabilité de son exploitation en fonction des conditions d’accès. En moyenne, seul un sondage sur trois est positif. Ces travaux d’exploration et de forage concernent aussi bien des sites terrestres que maritimes (offshore) et se caractérisent par des coûts élevés, associés à une forte incertitude quant au résultat final. La phase de production comprend l’extraction puis le traitement du gaz brut, pour obtenir le gaz naturel dans sa forme gazeuse traditionnelle ou sous forme liquide dans le cas du GNL. Cette phase engendre à la fois un coût fixe de construction du puits d’extraction et des coûts récurrents de fonctionnement de l’infrastructure d’extraction et de traitement du gaz naturel. Le choix du GNL implique également des coûts supplémentaires importants, notamment ceux de la construction d’une unité de liquéfaction. C’est au moment de cette phase d’exploration-production que les activités pétrolières et gazières engendrent des coûts de production communs ou corrélés. En cas de gaz associé, le puits est commun au gaz et au pétrole. Il est important de rappeler qu’un grand nombre de gisements de gaz naturel est découvert et/ou exploité dans le cadre initial d’une recherche de pétrole, par les mêmes compagnies pétrolières. Dans le cas de gaz associé, des unités de traitement par dissociation sont nécessaires afin d’extraire le pétrole brut ou le GPL. Les coûts d’exploration et de production du pétrole et du gaz naturel sont donc liés, même si le développement du gaz naturel a conduit ces dernières années les entreprises à conduire des opérations d’exploration-production spécifiquement destinées au gaz naturel. P a g e | 43 L’exploration et la production sont soumises à une réglementation technique, notamment à travers la délivrance de permis d’exploration et de production. En France, le Bureau d’exploration-production des hydrocarbures (ci-après BEPH), qui relève de la Direction Générale de l’Energie et des Matières Premières (ci-après DGEMP), délivre chaque année des permis d’exploration onshore ou offshore. En 2007, quatorze permis exclusifs de recherche à terre ou en mer avaient été attribués, sans distinction de finalité gazière ou pétrolière. La réglementation porte aussi plus largement sur les conditions de production, sur l’installation des infrastructures menant au site de production, ou encore sur le partage de la rente issue du site. Ces conditions peuvent notamment varier en fonction du régime politique des pays concernés par la production. 2.1.1 Description technique de l'accès à la molécule Une fois extrait et traité, le gaz naturel doit être acheminé des régions de production vers les régions de consommation. Ce transport s’effectue majoritairement par gazoducs. Les gazoducs sont des réseaux de tubes pour l’essentiel souterrains, qui transportent le gaz naturel sous pression. Des stations de compression situées tout au long des gazoducs assurent le maintien du gaz naturel à un niveau de pression suffisant pour garantir son transport rapide. Des stations de contrôle sont également nécessaires pour mesurer en particulier le flux de gaz naturel à différents endroits du gazoduc. Dans le cas du GNL, le transport s’effectue en deux étapes. Le gaz naturel est d'abord acheminé sous forme liquide à bord de méthaniers (bateaux pressurisés et à température faible). Il est ensuite déchargé dans des terminaux méthaniers; puis regazéifié et injecté dans le réseau de transport par gazoducs. L'approvisionnement en gaz naturel des pays européens repose principalement sur des contrats de long terme conclus entre les opérateurs historiques, principaux importateurs, et les sociétés productrices des pays exportateurs telles que Gazprom pour la Russie, Sonatrach pour l’Algérie, Statoil pour la Norvège ou Gas Terra pour les Pays-Bas. En 2007, les importations nettes de la France se sont élevées à 480 TWh. Ses principaux fournisseurs étaient la Norvège (32 %), les Pays-Bas (19 %), l’Algérie (18 %) et la Russie (14 %)16. 16 CRE (2009). Observatoire des marchés, es marché de gros du gaz. http://www.cre.fr/fr/content/download/8185/145600/file/2008Tr4GazGros.pdf P a g e | 44 Figure 19. Provenance du gaz naturel consommé en France (1985 – 2007) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Autres pays Algérie Pays-Bas Russie Norvège Production française 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 17 Source : INSEE (traitement Microeconomix) Outre la marginalisation de la production nationale, l’évolution du schéma d’approvisionnement français est marquée par la diminution relative des importations russes au profit du gaz norvégien, ainsi que par la diversification des sources d’approvisionnement au cours des cinq dernières années, notamment grâce au développement du GNL. Figure 20. Principales sources d'approvisionnement en gaz naturel de la France Norvège (32 %) Russie (14 %) Pays-Bas (19 %) Algérie (18 %) 17 Source : CRE (2009) Production et importation de gaz naturel en France http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF11314 P a g e | 45 2.1.2 Cadre réglementaire Les conditions commerciales n'étant pas régulées sur les marchés de fourniture de gaz naturel, les prix sont librement négociés entre offreurs et demandeurs. Rappelons que le coût d’approvisionnement en gaz, outre le prix d’achat déterminé dans un contrat à long terme ou sur le marché de gros, inclut également un coût de transport jusqu’aux frontières du pays de consommation. L’encadré 2 présente une synthèse sur les coûts de transport des pays producteurs aux pays importateurs. Encadré 2. Le transport du gaz naturel des lieux de production vers les lieux de consommation 18 98 % du gaz naturel consommé en France sont importés. L’origine géographique des importations est diversifiée et varie dans le temps. Les principales sources de gaz naturel sont la Norvège, l’Algérie, les Pays-Bas et la Russie. Le prix du gaz qui arrive en France est donc composé du coût de la molécule mais aussi du coût de transport entre le pays d’origine et la frontière française. Le coût de transport entre le pays d’origine et le pays importateur représente une partie considérable du prix du gaz à l’arrivée. Selon Percebois et Chevalier (2008), les coûts de transport du gaz russe du site de production jusqu'à la frontière entre l'Ukraine et la Slovaquie représentent 17 % du prix du gaz arrivé en France (de l'ordre de 25 €/MWh en 2007). A partie de Kosice (frontière du côté slovaque), le gaz est transporté par des gazoducs transnationaux qui sont des « joint-ventures » des principaux opérateurs européens. Le coût de transit entre la frontière slovaque et la frontière française est 3 estimé à 20 $ pour 1000 m (soit environ 2 €/MWh), ce qui représente environ 8 % du prix du gaz arrivé en France en 2007. Au final, le coût du transport depuis le puits de production jusqu'à la frontière française représente environ 25 % du prix d'achat du gaz. Ces estimations sont toutefois à considérer avec précaution, car les coûts du transport international et des réseaux de gazoducs européens ne sont pas publics et ils peuvent comprendre une partie de la rente gazière.. Le coût du transport du GNL par navire est moins dépendant de la distance et offre plus de flexibilité dans le choix des sources d’approvisionnement, puisqu'un navire peut être facilement redéployé vers une nouvelle zone d'approvisionnement. En revanche, les économies d’échelle du transport de GNL sont moins importantes par rapport au transport de gaz par gazoduc. Le transfert de propriété du GNL vendu en France a lieu soit à la frontière du pays d’origine, soit à l'arrivée du GNL en France. Les contrats de transport sont généralement couplés aux contrats d'achat du GNL. 18 Gilardon, A. (2008). The World Market for Natural Gas, Springer ; Chevalier, J.M. & J. Percebois J. (2008). Gaz et électricité un défi pour l’Europe et pour la France. Rapport du Conseil d'Analyse Economique, disponible à l'adresse suivante : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000170/ ; DGEMP (2008). Statistiques 2007 de l’industrie gazière en France, disponible à l'adresse suivante : http://www.dgemp.minefi.gouv.fr/energie/statisti/stats-gaz-2008.pdf ; Victor, D. G., A. M. Jaffe & M.H. Hayes (2006). Natural Gas Geopolitics: from 1970 to 2040, Cambridge Press. P a g e | 46 Le coût total du transport du GNL est composé de trois coûts : le coût de la liquéfaction, le coût du transport par bateau et le coût de la regazéification. Selon Dewrery (2005), les coûts moyens de chacune de ces étapes sont les suivants : environ 5 €/MWh pour la (*) liquéfaction, 3 € /MWh pour le transport et 2 €/MWh pour la regazéification . Le coût total d'approvisionnement en GNL représenterait ainsi environ 30 % du prix de la molécule. (*) 2.1.3 http://www.docstoc.com/docs/4620287/LNG-2009-rotterdam-1 Analyse empirique de l'évolution du coût d'accès à la molécule Il existe deux grandes catégories de transaction entre offreurs de gaz naturel et demandeurs : les contrats de long terme et les échanges sur les marchés de gros. Les contrats de long terme d'approvisionnement en gaz naturel Environ 90 % des volumes de gaz vendus en France sont achetés sur la base de contrats de long terme19. Dans le cadre d’un contrat de long terme, le fournisseur gazier en aval s’engage à acheter au producteur une certaine quantité de gaz naturel tout au long de la durée du contrat, en échange d’un prix fixé au départ et révisable par des formules d’indexation. Dans ce cas, le gaz naturel acheminé est introduit sur le réseau de transport national à la demande du fournisseur. Le prix d’achat du gaz aux producteurs étrangers est fixé dans le cadre du contrat de long terme. Historiquement, les contrats d'importation de gaz naturel sont des contrats de long terme (7 à 25 ans) qui stipulent que l'importateur supporte le risque de volume et s'engage à acheter un volume prévisionnel de gaz, quelle que soit sa consommation réelle (contrats take-or-pay), tandis que le producteur supporte le risque prix en garantissant un prix indexé pendant toute la durée du contrat20. Ces contrats permettent notamment de garantir la sécurité d’approvisionnement. Le 19 L’approvisionnement par des contrats de long terme a représenté 87 % de la consommation en 2003 et 83 % en 2004 (Rapport Durieux (2006). Commission chargée d'une réflexion sur les tarifs du gaz. Téléchargeable à l'adresse suivante : www.industrie.gouv.fr/energie/gaz/durieux/pdf/constat_recomandations.pdf 20 Le gaz étant une énergie substituable et son transport nécessitant de lourds investissements, les risques "prix" et "volume" ont été historiquement partagés entre les producteurs (Gazprom, Sonatrach, etc.) et les anciens monopoles nationaux d’importation à l’aide de contrats à long terme (20 ans). Les contrats de long terme comportent en effet des clauses de take or pay qui garantissent aux producteurs que leur gaz sera acheté et que les importants investissements consentis pour développer les champs de production seront rentabilisés. En contrepartie de ces obligations, les acheteurs disposent d’une garantie sur l’évolution des prix du gaz grâce à leur indexation sur les cours des produits pétroliers. P a g e | 47 corollaire de cette longue durée est la nécessité d’une indexation des prix, permettant une visibilité utile pour l’acheteur et nécessaire pour le vendeur. Ces contrats prévoient donc des clauses d’indexation des prix sur les cours des produits pétroliers (principalement fioul lourd et fioul domestique), qui ont la vertu de lisser les variations de ceux-ci, par une formule d'indexation de type : 𝑃𝑟𝑖𝑥𝐺𝑎𝑧 = 𝑃0 + 𝑎 ∗ 𝑃𝑟𝑖𝑥𝐹𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙é𝑔𝑒𝑟 + 𝑏 ∗ 𝑃𝑟𝑖𝑥𝐹𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙𝑜𝑢𝑟𝑑 + 𝑐 ∗ 𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑐𝑎𝑛𝑔𝑒$/ € Ces clauses d’indexation constituent des contrats dits "net back", selon lesquels le prix de vente du gaz au client final est fixé à un niveau où il est compétitif avec celui des produits pétroliers. Les indexations se réalisent périodiquement (tous les 3 ou 6 mois) et sont basées sur des indices moyens de prix de produits pétroliers. Ces derniers sont calculés sur plusieurs mois ce qui permet de lisser les prix des contrats de long-terme21. Il est important de souligner que chaque contrat de long terme possède sa propre formule d’indexation (ainsi qu'un certain nombre de clauses spécifiques) et représente un volume déterminé de gaz. L’information précise sur les paramètres de ces clauses d’indexation est strictement confidentielle. En revanche, les fournisseurs de gaz sont tenus de déposer auprès de la CRE et du ministre des formules d’indexation tarifaire qui doivent représenter, le plus fidèlement possible, les variations du coût d’approvisionnement du gaz. Ces formules agrègent en quelque sorte le portefeuille des contrats de long terme de chaque fournisseur. Plus précisément, ces contrats sont signés pour plusieurs années et prévoient donc, outre une quantité minimale, des mécanismes d’adaptation des prix tout au long de la durée du contrat. Les prix sont généralement indexés sur ceux de deux produits pétroliers concurrents, le fioul domestique et le fioul lourd, et au taux de change dollar/euro. L'encadré 3 discute la justification de l'indexation du prix du gaz naturel sur les prix des produits pétroliers. Notons qu’au niveau des coûts d'approvisionnement, l’indexation du prix du gaz sur les prix des produits pétroliers n’est pas instantanée. Autrement dit, les évolutions du prix du gaz via les contrats de long terme reflètent l’évolution du prix du pétrole avec un décalage de quelques mois (trois en règle générale), et selon une logique de lissage à la hausse comme à la baisse. Ainsi, il n’y a pas répercussion complète et immédiate des prix des produits pétroliers sur les coûts d’approvisionnement de GDF SUEZ. 21 CRE (2006). Rapport d’activité 2006, La régulation du marché du gaz naturel, page 22 http://www.cre.fr/fr/content/download/1199/19477/file/3.pdf P a g e | 48 Néanmoins, les prix du fioul domestique et du fioul lourd ont été les paramètres décisifs de la hausse du coût d’approvisionnement en gaz naturel entre 2004 et 2008. La figure 21 présente l’évolution du prix de trois produits pétroliers entre 2002 et 2008. 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1200 1000 800 600 400 200 Fioul domestique (US$/t) Fioul lourd (US$/t) sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 mai-03 janv.-03 sept.-02 mai-02 0 Brent [US$/bl] Evolution des prix du pétrole et de produits pétroliers 1400 janv.-02 Prix produits pétroliers [US$/t] Figure 21. Brent ($/bl) Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) En ligne avec l’évolution de ces indices et conformément aux mécanismes d’indexation, les prix des contrats de long terme ont donc connu une période de hausse entre 2004 et 2006 puis, après une baisse début 2007, une forte hausse en 2008 (figure 22). P a g e | 49 Encadré 3. Les raisons d'être de l'indexation du prix du gaz naturel sur celui du pétrole 22 L'origine de l'indexation du prix du gaz naturel sur celui du pétrole est historique. Au moment du développement des échanges gaziers dans le milieu des années 50 et surtout à partir des années 60, le gaz naturel était directement en concurrence avec les produits pétroliers, principalement le mazout. La logique de l'indexation du prix du gaz naturel sur le prix des énergies directement concurrentes était de sécuriser les investissements très lourds dans les infrastructures de transport du gaz naturel et de garantir un débouché pour le gaz naturel. Le prix des contrats d'approvisionnement de long terme a donc été indexé sur celui des produits pétroliers. A partir du milieu des années 90, le gaz naturel a été de plus en plus utilisé pour la production d'électricité en Europe. Dans ce domaine, le gaz naturel a pour principaux concurrents l'énergie nucléaire et le charbon. La justification d'une indexation sur le prix du pétrole est ainsi remise en cause car l'utilisation du mazout n'a cessé de diminuer. De plus, les réserves gazières sont nettement plus importantes que les réserves pétrolières. Enfin, le cours du pétrole est significativement affecté par certains évènements et décisions politiques. Par ailleurs, le développement des marchés de gros du gaz naturel laisse anticiper l'émergence d'un prix spécifique du gaz naturel qui pourrait devenir le terme directeur des contrats à long terme et être déconnecté des cours des produits pétroliers. Le développement du GNL est également susceptible d'accélérer ce changement. Cependant, à l'heure actuelle, le prix du gaz naturel reste indexé sur les prix des produits pétroliers, en raison des formules d'indexation des contrats à long terme qui demeureront en vigueur pour une dizaine d'années encore. Deux arguments forts soutiennent cette continuité (Finon 2008): (i) la forte volatilité du prix spot du gaz naturel et (ii) la faible concurrence dans les marchés de gros du gaz naturel. Si le prix des contrats de long terme d'approvisionnement en gaz naturel était indexé sur le prix du gaz sur les marchés de court terme (spot), cela génèrerait des risques importants pour les producteurs de gaz et pour les fournisseurs. Ces risques impacteraient fortement les producteurs qui doivent réaliser des investissements lourds pour la production et le transport du gaz. La faible intensité de la concurrence sur la plupart des marchés européens du gaz naturel (à exception du Royaume-Unis) rend les prix spots aisément manipulable et sensibles à l'exercice des pouvoir de marché des intervenants. Finon, D. (2008). Why would oil-indexed in gas contracts survive in Europe ? http://www.energypolicyblog.com/?p=171 22 Faïd, K. & J.P. Favennec (non daté). Prix du gaz et prix du pétrole : vers le découplage ; Maisonnier, G. (2005). Les liens entre les prix du gaz naturel et du pétrole, Panorama 2006 de l'IFP, novembre 2005 ; OFEN (Office fédéral de l'énergie de la Suisse). Couplage du prix du gaz naturel avec celui du pétrole. P a g e | 50 Figure 22. Evolution des prix de contrats de long terme (décembre 2002 à décembre 2008) Prix contrat long terme [€/MWh] 35 30 25 20 15 Norvège (entrée Allemagne) [€/MWh] déc.-08 août-08 avr.-08 déc.-07 août-07 avr.-07 déc.-06 août-06 avr.-06 déc.-05 août-05 avr.-05 déc.-04 août-04 avr.-04 déc.-03 août-03 avr.-03 déc.-02 10 Algerie (entrée Montoir) [€/MWh] Russie (entrée en Allemagne) [€/MWh] Source : CRE 2005-2008 (traitement Microeconomix) 23 Le marché amont du gaz naturel est international et les transactions sont libellées en dollars. Le taux de change euro/dollar est donc un autre paramètre-clé de l’évolution des coûts d'approvisionnement. Sur la période 2003-2005, la faiblesse du dollar face à l’euro a limité l'impact de la hausse des prix des produits pétroliers. Par exemple, en 2003, la hausse de l’euro face au dollar a limité à 8 % la hausse des prix des contrats en euros, tandis que les prix des contrats exprimés en dollars ont augmenté de 25 à 30 %24. De même, la hausse de prix des contrats de long terme entre janvier 2004 et janvier 2005 a été limitée par l’appréciation concomitante de 10 % de l’euro face au dollar25. Notons enfin que le coût de la matière première dépend du lieu d’approvisionnement du gaz naturel consommé en France. Le tableau 4 indique les volumes importés en provenance des différents pays fournisseurs de gaz naturel. 23 CRE (2005 à 2009). Rapports trimestriels, observatoire des marchés et rapports annuels. 24 CRE (2004). Rapport d'activité 2003, page 13. http://www.cre.fr/fr/content/download/1209/19561/file/2.pdf 25 CRE (2005). Rapport d'activité 2004, page 16. http://www.cre.fr/fr/content/download/3626/66573/file/1120059268593.pdf P a g e | 51 Tableau 4. Volumes de gaz importé en provenance des différents pays fournisseurs TWh Algérie Norvège Russie Pays-Bas 2005 2006 2007 2008 86 82 87 87 124 147 153 153 105 81 66 66 87 96 90 90 Source : Base de données Pégase Les prix des contrats de long terme sont difficiles à établir, puisqu’ils sont déterminés lors de négociations bilatérales sans que les prix soient rendus publics. De plus, ils comprennent des clauses d’indexation particulières. Plusieurs organismes publient cependant des estimations de ces prix. Nous retenons comme source de données les prix donnés par la CRE dans ses rapports trimestriels (Observatoire des marchés, source Heren) qui concernent le prix des contrats à long terme du gaz norvégien (entrée à Emden), du gaz algérien (entrée à Montoir) et du gaz russe (entrée en Allemagne). Nous faisons l’hypothèse que les prix du contrat de long terme du gaz provenant des Pays-Bas sont similaires aux prix du gaz norvégien. Notons à l’appui de cette hypothèse que le prix du gaz fixé par les producteurs ne varie pas significativement selon le pays qui l’importe. Tableau 5. Prix du gaz naturel des contrats de long terme € / MWh Norvège Algérie Russie Prix moyen pondéré26 Prix moyen du gaz naturel importé (Pégase) 2003 2004 2005 2006 2007 2008 12,0 11,8 16,2 22,1 22,3 27,1 12,6 12,4 15,5 20,1 20,5 26,5 12,0 12,0 15,3 19,2 19,4 25,0 12,2 11,9 15,9 21,2 21,4 26,6 12,7 12,8 14,6 20,6 18,7 n.d. Source : CRE 2005-2008 (traitement Microeconomix) 26 27 Le coût moyen est pondéré avec les coefficients suivants : Norvège 61 %, Algérie 22 %, Russie 17 %. Cela supposerait que : i) le prix du gaz des Pays-Bas est similaire au prix du gaz de Norvège et ii) tout le gaz naturel importé en France provient de ces quatre pays. P a g e | 52 Le tableau 5 montre les variations importantes des prix des contrats de long terme. Par exemple, le prix moyen pondéré a doublé en cinq ans. L’augmentation significative des coûts de la matière première constitue donc une donnée fondamentale d’explication des variations du prix final du gaz naturel en France. Ces données sont cohérentes avec les prix publiés par Total28 et présentés dans le tableau 6. Tableau 6. Taux de change €/$ 2009 T1 T4 T3 2008 T2 T1 T4 T3 2007 T2 T1 T4 T3 2006 T2 T1 T4 T3 2005 T2 T1 T4 T3 2004 T2 T1 T4 T3 2003 T2 T1 1,3 1,32 1,51 1,56 1,5 1,45 1,37 1,35 1,31 1,29 1,27 1,26 1,2 1,19 1,22 1,26 1,31 1,3 1,22 1,2 1,25 1,19 1,12 1,14 1,07 Prix moyen de vente du gaz naturel de Total Prix moyen de vente du gaz naturel ($/Mbtu) 5,98 7,57 8,05 7,29 6,67 6,08 4,83 4,94 5,69 6,16 5,59 5,75 6,16 5,68 4,65 4,39 4,4 4,24 3,54 3,44 3,7 3,46 3,04 3,19 3,39 Prix moyen29 de vente du gaz naturel (€ / MWh) 17,43 21,73 20,20 17,71 16,85 15,89 13,36 13,87 16,46 18,09 16,68 17,29 19,45 18,09 14,44 13,20 12,73 12,36 11,00 10,86 11,22 11,02 10,29 10,60 12,01 Source : Site Internet de Total (traitement Microeconomix) 27 Les chiffres rassemblés dans ce tableau ont été lus sur différents graphiques publiés par la CRE. Les valeurs présentées ne le sont qu'à titre indicatif. 28 http://www.total.com/fr/finance/principaux_indicateurs 29 La conversion des Mbtu en MWh est la suivante : 1 Mbtu = 0,95 GJ ; 1kWh = 3,6 MJ d'où : 1 Mbtu = 263,9 kWh. P a g e | 53 Figure 23. Evolution du prix moyen de vente du gaz naturel de Total 22 20 18 16 14 12 10 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 Source : Total (traitement Microeconomix) En conclusion, la hausse des produits pétroliers (fioul domestique et fioul lourd) et les variations du taux de change euro/dollar ont donc été les paramètres-clés de l’évolution du coût de la matière première en France au cours des dernières années. 2.1.4 Les marchés de gros Bien que les contrats de long-terme représentent l'essentiel de l'approvisionnement en gaz de la France, un marché de gros commence à se développer30. L’essentiel du commerce de gros du gaz naturel se fait de gré à gré (transaction OTC Over The Counter), par des transactions bilatérales directes ou via des intermédiaires (sociétés de courtage et plates-formes de trading). Les livraisons résultant de ces transactions se réalisent aux Points d’Echange de Gaz (PEG), points virtuels permettant l’échange de gaz au niveau de chaque zone tarifaire. Les livraisons observées sur les PEG résultent : i) des transactions OTC conclues entre fournisseurs, notamment pour l'arbitrage ; ii) des transactions boursières conclues entre les 30 CRE (2008). Rapport de surveillance. Le fonctionnement des marchés de gros français de l’électricité et du gaz naturel en 2007. http://www.cre.fr/fr/content/download/8056/143806/file/RapportSurveillance2008.pdf P a g e | 54 fournisseurs ; iii) des livraisons correspondant aux programmes de cession temporaire de gaz (Gas Release) et iv) de l’approvisionnement en gaz des opérateurs de réseau pour leurs besoins propres. La plupart des transactions sur ce marché étant bilatérales, leurs prix ne sont pas publics. Sur les marchés organisés de court terme (marchés spot) tels qu’ils existent aux Pays-Bas (Zeebrugge) ou en Angleterre (NBP), le gaz naturel est échangé librement et l'on observe que le prix du gaz naturel suit également l'évolution des prix des produits pétroliers. Les fondamentaux des prix spot ou prix day ahead – c'est-à-dire du prix d'achat la veille pour une livraison le lendemain – répondent principalement aux conditions d’équilibre physique entre l'offre et la demande. Par exemple, les raisons de l’augmentation des prix en 2007 jusqu'au premier trimestre 2008 sont multiples et comprennent notamment : - l'augmentation des prix des produits pétroliers, sur lesquels les contrats de fourniture de gaz de long terme sont indexés et qui influencent donc les prix des forwards – c'est-à-dire les prix des contrats à terme – mais aussi des prix day ahead, établis sur les places de marché ; - les irrégularités et l'imprévisibilité des flux de gaz en provenance de Norvège : cette irrégularité des flux est aussi pour partie responsable de la très forte volatilité des prix observés. Les Norvégiens sembleraient ainsi abandonner leur traditionnelle politique de stabilité de la production et des flux de gaz vers le Royaume-Uni et le Continent pour une politique de production et de flux plus flexible et plus réactive aux prix ; - la forte demande en Asie, qui exerce désormais une influence sur les prix européens du gaz par le biais du GNL, puisqu’un certain nombre de méthaniers ont déchargé leur livraison en Asie, où des prix plus attractifs étaient offerts. La demande asiatique en forte augmentation est en grande partie due à la demande des centrales au gaz japonaises, le Japon ayant fermé sa principale centrale nucléaire à la suite du tremblement de terre de juillet 2007. Bien qu’en 2007 la demande américaine de gaz naturel ait augmenté pour la première fois depuis 2004, et que les importations de GNL aient été au plus haut, les prix au Henry Hub - prix de référence aux États-Unis - se situent en dessous des prix au NBP depuis le printemps 200731. 31 CRE (2008). Rapport de surveillance. Le fonctionnement des marchés de gros français de l’électricité et du gaz naturel en 2007. http://www.cre.fr/fr/content/download/8056/143806/file/RapportSurveillance2008.pdf P a g e | 55 Powernext a récemment lancé son marché organisé du gaz en France32. Actuellement, les volumes négociés sont faibles. Entre le lancement de la plate-forme, en novembre 2008, et le 31 décembre 2008, les prix day-ahead cotés sur Powernext ont affiché une moyenne de 23,5 €/MWh sur le PEG Nord, 23,8 €/MWh sur le PEG Sud et 22,8 €/MWh sur le PEG Sud-Ouest. Les prix day-ahead français du quatrième trimestre 2008 étaient supérieurs en moyenne trimestrielle aux prix des principaux hubs européens33 (figure 24). Figure 24. Evolution des prix spot du gaz en Europe Selon la CRE, le marché spot français est caractérisé par : i) l’inexistence d’un marché organisé du gaz liquide, ii) la flexibilité significative dont disposent les fournisseurs français pour leur approvisionnement grâce d'une part aux clauses de flexibilité des contrats d’importation de long terme, d'autre part à d’importantes capacités de stockage et iii) les fortes congestions aux interconnexions. Compte tenu des fortes congestions aux interconnexions, les prix du marché de gros devraient refléter la tension sur l’équilibre offre-demande à niveau national. On constate 32 Le 26 novembre 2008, Powernext a lancé son marché organisé. Powernext® Gas offre des produits au comptant (Powernext® Gas Spot) et à terme (Powernext® Gas Futures) sur les PEGs (Point d’Echange de Gaz) français gérés par les gestionnaires de réseau de transport GRTgaz et TIGF. http://www.powernext.com/modules.php?op=modload&name=PwnNews&req=actualite&file=article&sid=1042&bid=1&cld1=2&cld2=1&cld3=-1&mode=thread&order=0&thold=0 33 Observatoire des marchés de l’électricité et du gaz, 4ième trimestre 2008. http://www.cre.fr/fr/marches/observatoire_des_marches#a1 P a g e | 56 néanmoins que les prix day ahead sur le marché français restent extrêmement proches de ceux observés sur le NBP, lesquels orientent les prix sur le hub de Zeebrugge. Ainsi, le niveau des prix français n’est pas représentatif de l’équilibre entre l’offre et la demande en France. Il est essentiellement dicté par la situation du marché britannique34. 2.2 Le transport du gaz naturel 2.2.1 Description technique Nous considérons ici le transport du gaz au sein du territoire de consommation, c'est-à-dire depuis le lieu d'importation (point d'entrée du gazoduc ou terminal méthanier) jusqu'aux réseaux locaux de distribution (sites de stockage ou points d'interconnexion avec les réseaux de distribution). Le réseau de transport est divisé en un réseau principal (ou réseau grand transport) qui relie les points d’entrée-sortie aux sites de stockage, et un réseau régional qui permet d'approvisionner les réseaux locaux de distribution. L’opérateur en charge du réseau de transport doit équilibrer les entrées et sorties en provenance des différentes zones du réseau, assurer les connexions aux sites de stockage et en réguler les volumes entrant et sortant. La réception du gaz naturel sur le réseau français se fait principalement par des points d’entrée (Dunkerque, Taisnières, Obergailbach, Oltingue, et Port-de-Larrau) assurant la jonction entre les gazoducs étrangers qui acheminent les gaz naturels depuis les lieux d’extraction, et les gazoducs nationaux assurant le transport national. Ces points d’entrée assurent environ 75 % de l’approvisionnement en France. Les 25 % restant transitent via les terminaux méthaniers (Montoir et Fos) qui assurent le déchargement du GNL, son stockage et sa regazéification avant de l'injecter dans le réseau de transport (voir section 2.3). Il existe deux gestionnaires de réseaux de transport de gaz naturel en France. La société GRTgaz, filiale du groupe GDF SUEZ, gère le réseau de gaz dit "B" dans le Nord de la France et la majeure partie du réseau de gaz dit "H" du Sud de la France, soit au total plus de 32 000 km de canalisations35. 34 CRE 2008 « Rapport d’activité CRE 2008 », Partie IV : L’action de la CRE au niveau national. 35 http://www.grtgaz.com/fr/accueil/grtgaz/reseau/ P a g e | 57 Total Infrastructures Gaz France (TIGF) gère le réseau de gaz "H" dans le Sud-Ouest du pays, pour près de 6 000 km de canalisations36. Figure 25. Le réseau de transport de gaz en France 37 Source : CRE Les caractéristiques principales du réseau de transport français du gaz naturel sont résumées dans le tableau 7. 36 http://www.tigf.fr/pageLibre0001009f.htm 37 http://www.cre.fr/fr/content/download/2972/51374/file/clip_image002.jpg P a g e | 58 Tableau 7. Caractéristiques du réseau de transport du gaz en France Ensemble GRTgaz TIGF Réseau principal + régional 38 000 km 32 000 km 6 000 km Interconnexion 5+2 terminaux méthaniers 3+2 terminaux méthaniers 2 Zones d’équilibrage 3 2 1 38 Source : CRE 2.2.2 Cadre réglementaire du transport du gaz naturel Le transport du gaz naturel en France est réglementé afin d'assurer aux tiers un accès non discriminatoire. L'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 dispose que "les décisions sur les tarifs sont prises conjointement par les ministres chargés de l'Economie et de l'Energie, sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, notamment à la demande des opérateurs, pour les tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz et des installations de gaz naturel liquéfié". Le cadre législatif précise la manière dont les coûts que doivent couvrir les tarifs réglementés sont évalués : - l'article 7 de la loi du 3 janvier 2003 prévoit que les tarifs d'accès aux infrastructures de gaz "sont établis en fonction de critères publics, objectifs et non discriminatoires en tenant compte des caractéristiques du service rendu et des coûts liés à ce service. Figurent notamment parmi ces coûts les dépenses d'exploitation, de recherche et de développement nécessaires à la sécurité du réseau et à la maîtrise de la qualité du gaz naturel injecté ou soutiré ainsi que [...] les coûts résultant de l'exécution des missions de service public" ; - l’article 1 du décret 2005-607 du 27 mai 2005 prévoit que "les tarifs d'utilisation des réseaux de transport de gaz naturel sont déterminés [...] en fonction de l'ensemble de ses charges d'exploitation et de ses charges d'investissement. [...] Dans les charges d'investissement sont pris en compte l'amortissement des immobilisations et la rémunération du capital investi" ; - l'article 3 du règlement (CE) n°1775/2005 du 28 septembre 2005 dispose que "les tarifs, ou leurs méthodologies de calcul, appliqués par les GRT et approuvés par les autorités de 38 CRE (2009). Rapport d'activité 2008, page 80. Disponible à l'adresse suivante : http://www.cre.fr/fr/content/download/5733/123788/file/PartieIV.pdf P a g e | 59 régulation (…) reflètent les coûts réels supportés, dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace et ayant une structure comparable". Le niveau et l’évolution du tarif réglementé du transport dépendent de l’évolution des coûts supportés par le gestionnaire de réseau, qui déterminent la rémunération autorisée. Cette dernière doit couvrir pour chaque gestionnaire de réseau l’ensemble des coûts engagés dans le but d'assurer le service (comprenant les charges d’exploitation, les charges du capital et les amortissements). Le montant des charges d’exploitation des gestionnaires de réseau inclut : - les dépenses nécessaires à la gestion et à la maintenance du réseau, y compris les dépenses de consommation de gaz pour les besoins du fonctionnement des installations ainsi que le coût représentatif des pertes d'énergie dans des conditions normales d'exploitation ; - les frais de gestion et les dépenses de recherche et de développement nécessaires pour assurer la sécurité et le bon fonctionnement du réseau. Les charges d’exploitation sont estimées sur la base des budgets prévisionnels présentés par les gestionnaires de réseau à l’occasion des révisions tarifaires. Le niveau des coûts devant être couverts par le tarif régulé doit être celui d’un gestionnaire efficace, c'est-à-dire un gestionnaire fournissant le niveau de prestation requis par l’état du marché desservi à un coût minimal, tout en respectant les normes de sécurité et les dispositions réglementaires auquel il est soumis, compte tenu de l’état des technologies existantes et des meilleures pratiques de gestion. Le calcul des charges de capital suppose la délimitation et l’estimation de la Base d’Actifs Régulés39 (BAR). Plus le capital engagé (la BAR) pour fournir les services de transport est important, plus les charges du capital sont élevées, toutes choses égales par ailleurs. La BAR augmente avec les investissements et diminue avec les amortissements. Les investissements sur les réseaux de transport peuvent être de deux types : d'une part, les investissements de remplacement des infrastructures lorsqu'elles deviennent obsolètes, d'autre part, les investissements nécessaires pour augmenter les capacités du système de transport (ou diminuer certains coûts d’exploitation). 39 Les BAR de la distribution, du transport de gaz et des terminaux méthaniers sont calculées selon une méthodologie de type « coûts courants économiques" proposée par la Commission Houri (Commission chargée en 2002 de fixer le prix de cession des réseaux de transport de gaz naturel par l’Etat aux concessionnaires de ces réseaux). Ces BAR sont réévaluées chaque année en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac calculé par l’INSEE. En revanche, les BAR de la distribution et du transport d’électricité sont déterminées à partir des valeurs nettes comptables des actifs, telles qu’elles apparaissent au bilan des opérateurs. P a g e | 60 Un taux de rémunération des capitaux engagés s’applique sur la base d’actifs régulés pour déterminer les charges de capital. Normalement, le taux de rémunération des capitaux engagés est fondé sur le coût moyen pondéré du capital, à structure financière normative. Le niveau de rémunération du gestionnaire de réseau doit d’une part lui permettre de financer les charges d’intérêt de sa dette, d’autre part lui apporter une rentabilité des fonds propres comparable à celle attendue d’investissements comportant des niveaux similaires de risque. Il est possible d'appliquer des taux majorés sur certains types d'investissement : il s’agit alors d’inciter les gestionnaires de réseau à réaliser non seulement les investissements nécessaires à l’entretien, au renouvellement et à l’extension du réseau de transport, mais aussi à effectuer des investissements particuliers permettant d’améliorer le fonctionnement du marché, tels que par exemple, la création de nouveaux points d’entrée sur le réseau national ou des investissements permettant de diminuer la congestion du réseau. La logique de cette rémunération bonifiée est que le surcoût supporté en charges de capital est inférieur aux bénéfices engendrés par cette catégorie d'investissements. L'amortissement comptable d’un bien d'investissement est effectué par répartition systématique de son montant amortissable en fonction de son utilisation. Pour le cas du transport, il est calculé de manière linéaire sur la durée de vie économique des actifs : 50 ans pour les canalisations, 30 ans pour les dispositifs de compression, de détente et de comptage et 10 ans pour les autres types d’installations techniques. Les modalités de fixation du tarif réglementé constituent donc un paramètre déterminant d’évolution du coût du transport. 2.2.3 Evolution de la régulation du transport et de la rémunération autorisée Le coût du transport correspond au tarif fixé par le régulateur, qui découle lui-même de l’évolution de la rémunération autorisée. Nous analysons maintenant l'évolution du revenu autorisé de GRTgaz de 2005 à 2012. Cette période inclut les trois dernières révisions tarifaires : en 2004 pour la période 2005/2006, en 2006 pour la période 2007/2008 et en 2008 pour la période 2009-2012. Les principaux changements engendrés par les différentes révisions tarifaires ayant eu un impact sur les niveaux de rémunération autorisée ont été les suivants (le tableau 8 présente une synthèse des données) : P a g e | 61 Révision tarifaire 2005/2006 - Introduction d’un taux majoré pour les investissements stratégiques - Introduction des hypothèses de gains de productivité dans le calcul des charges d’exploitation (incitation à contrôler les coûts d’exploitation) Révision tarifaire 2007/2008 - Introduction d’un compte de régularisation des charges et produits (CRCP). Ce type de mécanisme, élaboré lors du dernier Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’électricité (TURP 2), est un compte fiduciaire extracomptable qui est alimenté à intervalle régulier par tout ou partie des écarts de coût ou de revenu constatés sur des postes prédéfinis. - Adaptation des taux de rémunération de la base d‘actifs régulés aux évolutions des marchés financiers. Calcul des taux de rémunération avec une formule de coût moyen pondéré. Révision tarifaire 2009/2012 - Prolongation de la période de régulation à 4 ans (renforce les incitations à la réduction des coûts); P a g e | 62 Tableau 8. Evolution du revenu autorisé pour GRTgaz de 2005 à 2012 M€ BAR au 1er janvier Investissements Amortissements Réévaluation BAR au 31 décembre Coût Moyen Pondéré du Capital Rémunération des actifs avant 2004 Rémunération des actifs après 2004 Rémunération majorée des nouveaux investissements Charges de capital TURP 1 TURP 2 TURP 3 2005/2006 2007/2008 2009 2010 2011 2012 5 426 5 934 6 346 6 933 7 045 705 560 734 275 573 -259 -273 -282 -301 -310 0 124 136 138 146 6 346 6 933 7 045 7 454 7,75 % 7,25 % 7,25 % 7,75 % 7,25 % 7,25 % 9% 8,5 % 7,25 % 12 % 11,5 % 691 694 Charges d'exploitation 526 557 CRCP (2007-2008) Revenu autorisé 1 217 -16 1 236 11,5 % 756 801 862 890 Année précédente 602 * (IPC + 1,1 %) -23 -23 -23 -23 1 335 1 403 1 464 1 492 40 Source : CRE Le tableau 8 permet d'observer la manière dont est formé le revenu autorisé et d'identifier les facteurs principaux de son évolution, à savoir i) le coût d’exploitation, ii) le coût du capital et iii) les rattrapages venant du CRCP (Compte de Régularisation des Charges et des Produits). La rémunération du capital investi dans les infrastructures est calculée en appliquant le coût du capital à la base d’actifs régulés. La croissance de la BAR observée dans le tableau 8 est le résultat de la différence entre les investissements et l’amortissement, autrement dit l’investissement net dans le réseau. La nouvelle valeur de la BAR est aussi réévaluée chaque année selon le taux d’inflation41. Le CRCP est un compte fiduciaire extracomptable qui est alimenté à intervalle régulier par tout ou partie des écarts de coût ou de revenu constatés sur des postes prédéfinis. L'apurement du solde de ce compte42 s'opère sur une durée de quatre ans, par une diminution ou une augmentation à recouvrer par les tarifs. 40 CRE (2004) Exposé de motifs (pour 2005/2006), CRE (2006) Exposé de motifs (pour 2007/2008) et CRE (2009) Exposé de motifs (pour 2009-2012). http://www.cre.fr/fr/acces_aux_reseaux/infrastructures_gazieres/transport 41 Selon la CRE les actifs sont réévalués de l'inflation au 1er janvier de chaque année. L’indice de réévaluation utilisé est l’indice des prix à la consommation hors tabac en glissement de juillet à juillet, tel que calculé par l’INSEE pour l’ensemble des ménages résidant en France. 42 Afin d'assurer la neutralité financière du mécanisme, les montants pris en compte dans le CRCP pour les années postérieures à 2009 sont actualisés à un taux d'intérêt équivalent au taux sans risque retenu dans le cadre de la proposition tarifaire. Ce taux est fixé à 4,2 % par an, nominal avant impôt. P a g e | 63 La figure 26 montre que le revenu autorisé augmente faiblement entre 2005 et 2008, puis qu'il augmente plus fortement entre 2009 et 2012. La révision tarifaire pour la période 2007/2008 conduit à une augmentation du revenu autorisé de 1,5 % mais, étant donnée l’augmentation des capacités souscrites pour cette période, cela conduit à une baisse moyenne du tarif de 2,1 % en euros courants43. La révision tarifaire pour la période 2009/2012 se traduit par une hausse du revenu autorisé de GRTgaz, en 2009 par rapport à la moyenne 2007/2008, de 8 % en euros courants. Compte tenu des prévisions de souscriptions, le tarif moyen de GRT gaz, exprimé en euros courants, augmente en 2009 par rapport au tarif précédent d’environ 6 %44. Evolution du revenu autorisé pour GRTgaz (en M€) 1600 800 1400 700 1200 600 1000 500 800 400 600 300 400 200 200 100 0 0 2005/2006 2007/2008 2009 2010 2011 Investissements et amortissements [M€] Revenu autorisé et charges [M€] Figure 26. 2012 Investissements M€ Amortissements M€ Charges de Capital M€ Charges d’exploitation nettes M€ Revenu autorisé M€ Source : CRE (traitement Microeconomix) La figure 27 montre les facteurs principaux de l’évolution du revenu autorisé45. Pour la révision tarifaire de 2007/2008, la faible augmentation totale est le résultat d'une compensation entre d'une 43 CRE (2006). Exposé des motifs. 44 CRE (2008). Exposé des motifs. 45 Soulignons que cette figure représente la variation des composantes du revenu autorisé. La variation des composantes (comme les charges d’exploitation et le CRCP) qui varient en début de la révision tarifaire mais qui restent constantes jusqu’une nouvelle révision tarifaire apparaissent donc uniquement pour la première année de la période de régulation. P a g e | 64 part une augmentation des charges d’exploitation, d'autre part une régularisation des trop-perçus (via le compte CRCP) de GRTgaz sur la période de régulation précédente. Pour la révision tarifaire de 2009/2012, l’augmentation du revenu autorisé est due à deux éléments principaux : une augmentation des charges d’exploitation et une augmentation des coûts de capital liés à la réalisation de nouveaux investissements. Figure 27. Variations du revenu autorisé pour GRTgaz 12% 10% Révision Tarifaire 2 Révision Tarifaire 3 8% 6% 4% 2% 0% 2007/2008 2009 2010 2011 2012 -2% Variation de charges de capital Variation de charges d'exploitation CRCP Source : CRE (traitement Microeconomix) La proposition tarifaire correspondant à 2009/2012 prévoit des hausses des tarifs du transport principalement liées à trois facteurs : - un important programme d’investissements menés par les transporteurs, dont le coût n’est pas totalement compensé par les souscriptions supplémentaires de capacités ; - les effets d'une nouvelle réglementation en matière de sécurité sur les coûts d’exploitation et de maintenance des réseaux ; - la hausse des coûts de l’énergie nécessaire au fonctionnement des réseaux. P a g e | 65 La hausse des investissements de GRTgaz s’inscrit dans une tendance de long terme illustrée par les plans d’investissements à 10 ans des transporteurs de gaz. Ces plans prévoient, sur cette période, environ 5 milliards d’euros d’investissement pour GRTgaz46. Un des facteurs importants de l’augmentation des coûts d’exploitation pour les deux révisions tarifaires est l’augmentation du coût de l’énergie nécessaire pour le fonctionnement du réseau de transport. La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie dispose en son article 21 que "tout transporteur de gaz naturel, tout distributeur de gaz naturel et tout exploitant d'installations de gaz naturel liquéfié négocie librement avec le ou les fournisseurs de son choix les contrats de fourniture de gaz naturel et d'électricité nécessaires pour le fonctionnement de ses installations, selon des procédures concurrentielles, non discriminatoires et transparentes, telles que notamment des consultations publiques ou le recours à des marchés organisés". Le montant de ce poste ("énergie et quotas CO2") pour GRTgaz a été estimé pour les années 2005, 2007 et 2009 respectivement à 73 M€, 93 M€ et 131 M€. Ces montants en forte hausse (27 % entre 2005 et 2007, 41 % entre 2007 et 2009) représentent une partie non négligeable des charges totales d’exploitation (respectivement 14 %, 17 % et 22 %). En conclusion, les principaux facteurs d’évolution du revenu autorisé pour l’activité de transport sont les investissements, l'augmentation des coûts d’exploitation résultant du coût de gestion et de maintenance des nouvelles infrastructures et l'augmentations des coûts de l’énergie nécessaire pour le fonctionnement du réseau. 2.2.4 Evolution des tarifs de transport Le contrat passé entre l'expéditeur (fournisseur) et le transporteur comprend des réservations de capacités d’entrée, de sortie et de liaison sur le réseau principal et des réservations de capacités de transport et de capacités de livraison sur le réseau régional. L’expéditeur peut éventuellement demander des accès aux Points d’Echange de Gaz (PEG) pour procéder à des échanges (swaps) avec d’autres expéditeurs. Le transporteur s’engage alors sur des capacités fermes dont il peut garantir l’utilisation à tout moment, ou sur des capacités dites interruptibles (dans ce cas, il ne garantit pas qu'elles puissent être utilisées à tout moment). Le régulateur a donc opté pour une méthode tarifaire dite d'"entrée-sortie", dans laquelle le prix d’accès au réseau est déconnecté du trajet physique et est calculé selon un trajet contractuel 46 (CRE 2008, rapport annuel) P a g e | 66 décomposé en deux termes47. Le terme d’entrée couvre le coût d’accès à l’un des points sources à la frontière et les coûts d’acheminement du gaz jusqu’à un point notionnel. Le terme de sortie couvre le coût d’acheminement du gaz en tout point d’enlèvement sur le réseau depuis le point notionnel précité. L’existence d’un tarif (d’un point notionnel) unique suppose que les conditions d’équilibrage puissent s’exercer sur l’ensemble du réseau à un coût unique. Or le réseau français est composé actuellement de trois zones d’équilibrage (deux correspondent au réseau de GRTgaz et la troisième à celui de TIGF)48 qui ne peuvent assurer une fluidité entre elles pour des raisons techniques. Un tarif spécifique est fixé pour traverser les zones d’équilibrage et permettre de couvrir les coûts de gestion de l’équilibrage entre les différentes zones. Cette méthode aujourd’hui utilisée en France est appelée tarification entrée-sortie "multi-zonale". Chaque tarif d’utilisation du réseau, selon les zones et les opérateurs, comprend plusieurs termes (d’entrée, de sortie, de liaison, de transport régional et de livraison). Pour GRTgaz, le tarif de transport est composé principalement des termes suivants : - la capacité d’entrée sur le réseau principal (TCE ou TCES entrée aux stockages) ; - la capacité de sortie du réseau principal (TCS ou TCSS sortie des stockages) ; - la capacité de liaison entre zones d’équilibrage (TCLZ) ; - la capacité de transport sur le réseau régional (TCR) ; - la capacité de livraison (TCL). Un fournisseur de gaz voulant transporter du gaz de la frontière vers un consommateur résidentiel placé dans une ville, doit payer la somme de tous ces termes. 47 La méthode initiale de tarification dite " à la distance" consiste à facturer au client le coût d’un trajet entre le point d’entrée du gaz et le point de livraison (ou le PIDT après dissociation entre GRT et GRD). Pourtant représentative des coûts physiques de transport, cette procédure fut abandonnée faute d’équité entre offreurs. En effet, les accès au réseau français étant calibrés aux besoins des opérateurs historiques, seuls Taisnières et Dunkerque constituaient des points d’entrée accessibles aux expéditeurs alternatifs en raison de leur relative surcapacité. Il existait, de fait, une évidente discrimination entre la part du coût de transport de l’opérateur historique (ayant accès à tous les points d’entrée) et le coût de transport des offreurs alternatifs pour les clients éloignés de ces deux points d’entrée. 48 2005/2006 : 4 zones +1 ; 2007-2008 :4 zones +1 ; 2009-2012 : 2 zones +1 P a g e | 67 Tableau 9. Evolution des tarifs de transport entre 2005 et 2009 2005-2006 2007-2008 2009-2010 TCE *€/MWh/jour par an+ Capacités d'entrée du réseau principal Taisinières B 67,32 57,22 70 Taisinières H 91,8 78,03 90 Dunkerque 91,8 78,03 90 Obergailbach 91,8 78,03 90 Montoir 73,44 73,44 85 Fos sur Mer 73,44 73,44 85 Région de Paris Nord 6 6 13 Region de Paris Sud 6 6 13 90,3 86,3 66,5 Région de Paris Nord 1,2 1,2 2,6 Region de Paris Sud 1,2 1,2 2,6 TCES *€/MWh/jour par an] TCS *€/MWh/jour par an+ Région de Paris Capacités de sortie du réseau principal TCSS *€/MWh/jour par an+ TCLZ *€/MWh/jour par an+ Nord-est 83,22 58,25 - Est Nord 16,68 11,68 - Nord-Ouest 83,22 58,25 - Ouest-Nord 16,68 11,68 - Est-Sud 146,88 146,88 - Sud-est 29,4 29,4 - Ouest-Sud 146,88 146,88 - Sud-ouest 29,4 29,4 - Nord- Sud - - 200 Sud-Nord - - 150 Capacités de livraison - TCL *€/MWh/jour par an+ 18 23 24 Capacités de transport régional - TCR *€/MWh/jour par an+ 336 360 384 Capacités de liaison Source : Statistiques 2007 de l’industrie gazière en France, publiées en octobre 2008 par Commissariat général au développement durable 49 CRE (2004 à 2008). Exposé des Motifs des tarifs de transport Le tableau 9 récapitule les évolutions des tarifs de transport à la suite des différentes révisions tarifaires. La révision tarifaire correspondant à la période 2007/2008 a conduit à une diminution générale des tarifs d’entrée et de sortie du réseau principal. Les baisses des tarifs a été de l’ordre de 15 % pour les points d'entrée, 5 % pour les points de sortie et 30 % pour les tarifs de liaisons. Cette 49 Journal Officiel de la République Française du 29 mai 2005, texte 55 ; Journal Officiel de la République Française du 12 décembre 2006, texte 46 ; Journal Officiel de la République Française du 24 décembre 2008, texte 5. P a g e | 68 baisse confirme la diminution du coût moyen calculé comme le revenu autorisé divisé par le total des capacités souscrites (cf. section précédente). En revanche pour cette même période les tarifs de livraison et de transport régional augmentent d’une manière importante. Au final, pour un client situé à Paris, le coût du transport a augmenté. La révision tarifaire correspondant à la période 2009/2012 a conduit à une augmentation générale importante des tarifs (termes entrée, livraison et réseau régional). Ces augmentations confirment l’augmentation du coût moyen calculé comme le revenu autorisé divisé par le total de capacités souscrites. En revanche, les tarifs de sortie ont diminué. 2.3 Les terminaux méthaniers 2.3.1 Description technique Les terminaux méthaniers assurent la réception et la transformation du GNL importé. Les infrastructures sont à la fois adaptées pour recevoir les méthaniers mais aussi pour regazéifier le GNL en vue de son injection dans le réseau de transport. Le GNL représente aujourd’hui environ 25 % de l’approvisionnement français en gaz naturel, et sa part est appelée à augmenter dans les années qui à venir50. Le développement et la régulation des terminaux méthaniers sont donc essentiels au bon fonctionnement de la chaîne verticale du gaz naturel. A ce jour, deux terminaux méthaniers sont en service en France et appartiennent au groupe GDF SUEZ. Sa filiale, la société Elengy51 est en charge de leur exploitation. Ils sont situés à Fos-sur-Mer dans le port autonome de Marseille (terminal de Fos Tankin d’une capacité de 74 TWh/an ou 5,5 Gm3/an) et à Montoir-de-Bretagne, dans le port autonome de Saint-Nazaire (d’une capacité de 120 TWh/an ou 10 Gm3/an) 52. Un troisième terminal (Fos Cavaou) est en cours de construction à Fos-sur-Mer et sera géré par la Société du Terminal Méthanier de Fos Cavaou, détenue par GDF SUEZ et par Total. Il devait être mis 50 La croissance annoncée de la consommation de gaz naturel ainsi que les potentialités offertes en termes de transport au GNL ont entraîné la mise en service d’importantes infrastructures de traitement du GNL dans le monde. Ces projets pourraient augmenter la production de GNL de 40 % d’ici 2011 selon les estimations de la société Total. Au vu de la stagnation actuelle de la consommation de gaz naturel, il n’est pas certain que cette offre nouvelle rencontre une demande suffisante. Quoi qu’il en soit, la croissance du GNL multiplie les possibilités d’approvisionnement pour les pays importateurs, qui sont de moins en moins contraints par les réseaux de gazoducs existants. 51 52 http://www.elengy.com/ Source : GDF SUEZ, Direction grandes infrastructures, Publication mensuelle http://www.elengy.com/fileadmin/user_upload/pdf/ELENGY_publications_Montoir_25032009_01.pdf http://www.elengy.com/fileadmin/user_upload/pdf/ELENGY_publications_Tonkin_25032009.pdf du 25 mars 2009. P a g e | 69 en service en 2007, mais en raison de problèmes techniques, il ne devrait être opérationnel qu'à partir de 2009. Par ailleurs, il existe plusieurs projets53 de nouveaux terminaux méthaniers en France. La CRE54 en recensait quatre en 2008, dont les dates de mise en service s'échelonnent de 2013 à 2015. La figure 28 présente les quantités de GNL ayant transité par les terminaux méthaniers au cours des deux dernières années. Figure 28. Quantités de gaz et nombre de navires arrivés aux terminaux méthaniers en France 12000 40 30 GWh/mois 8000 25 6000 20 15 4000 10 2000 Nombre de navires 35 10000 5 nov.-08 sept.-08 juil.-08 mai-08 mars-08 janv.-08 nov.-07 sept.-07 juil.-07 mai-07 mars-07 janv.-07 nov.-06 sept.-06 juil.-06 mai-06 mars-06 0 janv.-06 0 Terminal de Montoir (nombre de navires) Terminal de Fos (nombre de navires) Terminal de Montoir (quantités dechargées) Terminal de Fos (quantités dechargées) 55 Source : GDF SUEZ Grandes Infrastructures 2008 (traitement Microeconomix) 53 A Dunkerque (LNG Dunkerque, filiale d'EDF), à Antifer (Gaz de Normandie détenue à 34 % par Poweo, à 24,5 % par E.ON Ruhrgas, 24,5 % par Verbund et 17 % par la CIM), au Verdon (4Gas, société néerlandaise) et à Fos-sur-Mer (Shell). 54 CRE (2008). Consultation publique sur les principes de régulation des terminaux méthaniers, 22 juillet 2008, page 2. Téléchargeable à l'adresse suivante : http://www.cre.fr/fr/content/download/5789/124401/file/ 080722NoteTechniqueConsultationTerminaux.pdf 55 www.grandesinfrastructures.gdfsuez.com/sicsFront/en/offre_terminaux/telechargements/Flux_Montoir_15_12_2008.pdf www.grandesinfrastructures.gdfsuez.com/sicsFront/en/offre_terminaux/telechargements/Flux_fos_15_12_2008.pdf P a g e | 70 2.3.2 Cadre réglementaire La relative saturation des points d'entrée sur le réseau français de transport confère aux terminaux méthaniers un rôle essentiel pour les offreurs alternatifs. La France a donc choisi de réguler les tarifs des terminaux méthaniers plutôt que de laisser les acteurs les négocier librement. Les terminaux méthaniers de Montoir-de-Bretagne et de Fos-Tonkin sont donc placés sous le régime régulé et les tarifs sont fixés par décision ministérielle sur proposition de la CRE. La loi 2003-8 du 3 janvier 2003, modifiée et complétée par la loi 2004-803 du 9 août 2004 transpose, entre autres, les dispositions relatives à l’accès aux installations de gaz naturel liquéfié (GNL), prévues par la directive européenne 2003/55/CE du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98/30/CE. Le décret 2004-250 du 19 mars 2004 précise les conditions relatives à l'autorisation de fourniture de gaz. Le décret 2004-251 du 19 mars 2004 définit les obligations de service public dans le secteur du gaz. Enfin, le décret 20051616 du 20 décembre 2005 et la décision ministérielle du 27 décembre 2005 fixent les tarifs hors taxes d'utilisation des installations de gaz naturel liquéfié. Comme dans le cas du transport, les déterminants du poste coût des terminaux méthaniers dépendent des paramètres de la régulation56. Le niveau du tarif régulé est établi à partir du revenu autorisé pour assurer une juste rémunération des actifs et couvrir les coûts de fonctionnement du propriétaire de l'infrastructure. Les charges d’exploitation sont estimées à partir d’une analyse des exercices passés, des prévisions budgétaires communiquées par les opérateurs pour les exercices concernés et d’audits pratiqués sur les comptes des opérateurs57. Les charges de capital comprennent classiquement une part d’amortissement et une part de rémunération du capital, calculées à partir de la Base d’Actif Régulé (BAR). La BAR est évaluée aux coûts courants économiques, selon les valeurs historiques réévaluées en fonction de l’inflation et amortis selon les durées de vie retenues : 20 ans pour les installations auxiliaires et les dispositifs de déchargement et 40 ans pour les actifs de regazéification, de génie civil et de stockage. 56 CRE (2005). Proposition de la Commission de régulation de l’énergie du 26 octobre 2005 du tarif d’utilisation des terminaux méthaniers. 57 La proposition pour la fixation du tarif n’indique aucun chiffre concernant les coûts d’exploitation. P a g e | 71 Au 1er janvier 2006, la valeur de la BAR s’établit à 388 M€58. Les charges de capital se composent d’un amortissement calculé linéairement sur la durée de vie économique des ouvrages et d’une rémunération financière dont le taux intègre une prime de 200 points de base à un taux de base cohérent avec le coût du capital estimé pour les activités de réseau. Cette prime de risque est censée refléter les risques propres à l’activité d’exploitation des terminaux méthaniers. Pour favoriser de nouveaux investissements dans ce domaine, une prime supplémentaire de 125 points de base est appliquée aux actifs mis en service après le 1er janvier 2004. La méthode retenue pour évaluer le taux de base est fondée sur le coût moyen pondéré du capital (CMPC). Le taux de base a été fixé à 7,25 % réel avant impôt. Le niveau du taux de rémunération appliqué aux actifs des terminaux méthanier est donc de : – 9,25 % réel avant impôt, pour les actifs mis en service jusqu’au 31 décembre 2003 ; – 10,5 % réel avant impôt, pour les actifs mis en service à compter du 1er janvier 2004. Le montant total des charges à couvrir par le tarif (i.e. le revenu autorisé) est égal à la somme des charges d’exploitation et des charges de capital et s’élève à 140,7 M€/an. A l’heure actuelle, aucun élément de régulation incitative n’a été introduit. La régulation des terminaux méthaniers se fait selon un modèle cost-of-service. La CRE a annoncé son intention de définir et de mettre en application un nouveau tarif d'ici la fin de l'année 2009. 2.3.3 Evolution des tarifs des terminaux méthaniers Les tarifs actuels, entrés en vigueur le 1er janvier 2006, avaient été conçus pour s'appliquer jusqu'à la mise en service du terminal de Fos-Cavaou. La décision du 27 décembre 2005 approuvant le tarif d’utilisation des terminaux méthaniers prévoit que le tarif de base comporte six termes59 : - un Terme de Nombre de Déchargements, TND, qui s'applique à chaque cargaison déchargée ; - un Terme de Quantité Déchargée, TQD, qui s'applique aux quantités de GNL déchargées exprimées en MWh ; 58 La valeur de la BAR est de 373, 363 et 367 M€ au 1er janvier 2007, 2008 et 2009 respectivement. 59 Source : http://www.elengy.com/fr/lespace-commercial/les-conditions-tarifaires/comment-les-tarifs-dacces-aux-terminaux-methanierssont-ils-structures.html P a g e | 72 - un Terme d'Utilisation des Capacités de Regazéification, TUCR, qui s'applique à la durée de l'intervalle moyen, calculé sur une année, entre deux arrivées de navires (durée limitée à un mois) ainsi qu'à la quantité déchargée sur une année ; - un Terme de Capacité de Réception, TCR, qui s'applique à la taille moyenne d'une cargaison, exprimée en MWh et calculée comme le quotient de la quantité déchargée sur une année par le nombre de cargaisons déchargées sur cette même année. Il est représentatif de la capacité de stockage nécessaire au déchargement d'une cargaison ; - un Terme de Régularité, TR, appliqué à l'écart, en valeur absolue, entre les quantités de GNL, exprimées en MWh, déchargées en hiver (soit entre le 1er octobre de l'année N et le 31 mars de l'année N+1) et les quantités de GNL déchargées en été (soit entre le 1er avril et le 30 septembre de l'année N). Ce terme permet d'inciter les expéditeurs à programmer le plus régulièrement possible leurs cargaisons sur l'année ; - un Terme de gaz en Nature, TN, qui couvre les consommations de gaz du terminal correspondant forfaitairement au besoin de gaz pour traiter la cargaison. Les montants à payer, pour chacun de ces termes, s'additionnent dans la facture mensuelle de chaque utilisateur du terminal méthanier. Notons que le niveau des termes tarifaires est aujourd'hui identique pour les terminaux de Fos Tonkin et de Montoir. Le tableau 10 précise les formules utilisées pour calculer ces différents termes60. 60 Les gestionnaires des terminaux retiennent 0,5 % des quantités déchargées pour couvrir leur consommation de gaz. P a g e | 73 Tableau 10. Tarifs pour les terminaux méthaniers Termes du tarif Formule de calcul TND – Nombre de déchargements 30 000 * T TQD – Quantités déchargées 0,76 * Q TUCR – Utilisation des capacités de regazéification 0,18*Q*N TCR – Capacité de réception 0,03*Q/T TR – Régularité 0,21*(QH-QE) TN – Gaz en nature 0,5 %*Q Variables du calcul T = nombre de cargaisons déchargées par an Q = quantités de GNL déchargées par an (en MWh) Q = quantités de GNL déchargées par an (en MWh) N = durée moyenne entre deux arrivées (en fraction de mois) Q = quantités de GNL déchargées par an (en MWh) T = nombre de cargaisons déchargées par an QH = quantités de GNL déchargées en hiver (1er octobre au 31 mars) en MWh QE = quantités de GNL déchargées en été (1er avril au 30 septembre en MWh Q = quantités de GNL déchargées par an (en MWh) 61 Source : CRE Selon la CRE, le terme "TQD - quantités déchargées" représente en moyenne 70 à 95 % de la facture totale d'un utilisateur, tandis que le terme "TND – nombre de déchargements" en représente entre 3 et 10 %. La société Elengy fournit un outil62 permettant de calculer le coût d'utilisation d'un terminal méthanier. Outre cette grille de tarification, plusieurs clauses ont pour objectif d'optimiser l'utilisation effective des terminaux : - l'obligation de paiement des capacités souscrites ("ship or pay"), qui porte sur 90 % des capacités souscrites par l'utilisateur ; - la pénalité pour non respect de programmation, qui est applicable en cas d'annulation tardive d'un déchargement réservé dans le cadre du programme mensuel. Cette pénalité est fixée à 10 000 € pour un utilisateur annulant un déchargement programmé pour le mois m, si le préavis est inférieur ou égal à cinq jours, si le déchargement annulé n'est pas 61 http://www.cre.fr/fr/acces_aux_reseaux/infrastructures_gazieres/terminaux_methaniers#a1 62 http://www.elengy.com/fileadmin/user_upload/pdf/simulation_tarif_ATTM-ATTM_Tariff_calculation_tool.xls P a g e | 74 reprogrammé dans le mois m ou les cinq premiers jours du mois m+1, et si le créneau faisant l'objet de l'annulation n'a pas pu être alloué à un autre expéditeur. - un mécanisme "use it or lose it", dont les objectifs sont d'optimiser de l'utilisation des capacités de regazéification et d'éviter tout risque de rétention de capacité. 2.4 Le stockage 2.4.1 Description technique La consommation d’énergie est caractérisée par une distribution irrégulière dans le temps et par des pics de demande en fonction de la période de l’année et de l’aléa climatique. La figure 29 présente la répartition mensuelle de la consommation de gaz naturel en France entre 2005 et 2007. Figure 29. Consommation mensuelle de gaz naturel en France (en TWh) 70 60 50 40 30 20 10 0 2005 2006 2007 Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) Cette figure met en évidence les motifs déterministes de variabilité de la demande (la consommation hivernale est beaucoup plus élevée que la consommation estivale) et les événements aléatoires pouvant l'affecter (la consommation en janvier 2007 a été beaucoup plus faible qu’en janvier 2006). Les capacités immédiates de production et de transport peuvent être insuffisantes pour assumer ces pics de consommation. Le stockage constitue une réponse technique possible à la gestion de cette P a g e | 75 saisonnalité63. Ainsi, les volumes de gaz naturel importé par la France peuvent être partiellement lissés, comme l’illustre la figure 30 qui représente les évolutions des importations et des consommations mensuelles entre 1990 et 2008. Figure 30. Volumes mensuels (TWh) des importations et de la consommation de gaz naturel en France 90 80 70 60 50 40 30 20 10 Importations nettes sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 mai-06 sept.-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 mai-03 janv.-03 sept.-02 mai-02 janv.-02 sept.-01 mai-01 janv.-01 sept.-00 mai-00 janv.-00 0 Consommation réelle Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) Plusieurs dispositifs de stockage du gaz naturel coexistent. Le stockage en nappes aquifères consiste à reconstituer l’équivalent géologique d’un gisement naturel, en réinjectant le gaz au sein d'une couche poreuse surmontée de couches imperméables. Ce type de stockage peut contenir d’importantes quantités de gaz mais il nécessite d'immobiliser la moitié du gaz stocké. Les nappes aquifères sont donc des stocks de moyen terme, peu flexibles, utilisés tout au long de la période hivernale. Le stockage dans des gisements épuisés répond à la même logique et aux mêmes contraintes que l’emploi des nappes aquifères Le stockage en cavités salines est une méthode plus récente, employée aux Etats-Unis à partir des années 1970. Elle consiste à creuser, par dissolution à l’eau douce, une caverne dans des roches constituées pour partie de chlorure de sodium (ou sel gemme). La capacité de stockage des cavités 63 Il est également possible de concevoir des solutions contractuelles, consistant à désinciter les clients finaux à consommer durant les périodes de pointe, mais aussi des solutions de marché, notamment à travers le recours aux marchés spot. P a g e | 76 salines est inférieure aux nappes aquifères, mais leur débit d’émission, beaucoup plus rapide, permet d’injecter sur le réseau à court terme une quantité de gaz équivalente voire supérieure à celle des stockages en nappes aquifères de capacité 5 à 6 fois supérieure64. Les deux opérateurs en charge du réseau de transport, les sociétés GRTGaz et TIGF, sont également les deux opérateurs présents dans l’activité de stockage. GRTGaz gère 12 stockages, dont 9 en nappe aquifère et 3 en cavité saline, pour un volume total de 106 TWh (représentant 79 % des capacités françaises)65. TIGF gère deux sites en nappe aquifère (Izaute et Lussagnet) qui représentent un volume utile total de 27 TWh (soit 21 % des capacités françaises). 2.4.2 Cadre réglementaire Le stockage est régulé afin d’assurer la mise à disposition des capacités existantes aux différents producteurs-transporteurs à l’entrée, et aux distributeurs aval à la sortie. La loi n°2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie confère aux fournisseurs autorisés un droit d'accès aux capacités de stockage et définit les conditions dans lesquelles cet accès ne peut être refusé (article 6). Une capacité de stockage de base est réservée aux fournisseurs détenteurs d'un portefeuille effectif de clients finals66. En France, la loi du 9 août 2004 instaure un accès négocié des tiers aux stockages. Les tarifs et les conditions générales d’utilisation des stockages sont donc librement fixés par les opérateurs. Bien que la loi du 9 août 2004 ne donne pas à la CRE le pouvoir de fixer les tarifs d’utilisation des stockages, la CRE détient le pouvoir de régler les différends relatifs à l’accès aux stockages. Le choix d’un accès négocié et non discriminatoire plutôt qu'une régulation tarifaire de l'accès est justifié par la possibilité d'une concurrence effective entre opérateurs de stockage. Cela permet également de générer les signaux-prix nécessaires pour orienter les investissements dans de nouvelles capacités67. Au niveau européen, la question du niveau des capacités de stockage est 64 Durup, J. (2001). Principe de stockage du gaz naturel dans des cavités salines, p. 16, disponible en ligne à l’adresse suivante : http://sfp.in2p3.fr/Debat/debat_energie/E2PHY/durup.pdf 65 Mise en place au 1er janvier 2009, Storengy remplace GRTgaz dans la gestion de 12 sites de stockage souterrain du gaz naturel en France. Storengy est une société du groupe GDF SUEZ. http://www.storengy.com/ 66 Article 3 du décret n° 2006-1034 du 21 août 2006 conformément à la loi 2003-8 du 3 janvier 2003 modifiée par la loi 2004-803 du 9 août 2004 et arrêté du 8 février 2008 relatif aux profils et aux droits unitaires de stockage. 67 EFET (2003). Gas storage regulation for a competitive gas supply market. www.efet.org/Download.asp?File=22 GSE (2009). Basic principles for determining the access regime for underground gas storage. www.gie.eu.com P a g e | 77 cruciale, notamment en raison de la dépendance croissante des pays européens vis-à-vis du reste du monde (l’IEA estime que l’autonomie de l’Union européenne en approvisionnement en gaz passera de 50 % en 2007 à 20 % à l’horizon 2030). Au niveau mondial, Hoffler et Kubler (2007)68 évaluent les besoins supplémentaires en termes de stockage à l’horizon 2030 à 10,2 milliards de mètres cubes, soit 25 % des capacités existantes. Un fonctionnement de marché (accès au tiers négocié) serait a priori susceptible d’inciter les acteurs à investir dans de nouvelles capacités de stockage. La concurrence potentielle est un facteur clé pour le bon fonctionnement un cadre réglementaire d’accès négocié. Le stockage représente une solution parmi d’autres permettant aux clients de se couvrir des fluctuations de leur consommation et répond ainsi à un besoin du marché en matière de modulation ou flexibilité. L’offre de stockage est à ce titre en concurrence avec diverses possibilités telles que la mise en œuvre d’éventuelles souplesses d’approvisionnement, la gestion de la demande (via, le cas échéant, le recours à un portefeuille de clients interruptibles) ou simplement d’autres fournisseurs du service de stockage. Dans ce cadre, diverses évolutions en cours au plan européen, telles que le développement de hubs gaziers et l’augmentation des capacités des réseaux de transport par gazoduc, vont dans le sens d’un renforcement de la concurrence sur le marché de la modulation69. Cependant le fonctionnement de la concurrence pour le stockage du gaz dépend des caractéristiques spécifiques de chaque zone de marché. En Europe il semblerait que la concurrence à niveau national est très faible70. Une structure de marché concentrée risque d’être pérenne étant donné les barrières à l’entrée auxquels font face les éventuels nouveaux acteurs. En effet, le développement de stockages requiert des investissements lourds, sur une longue durée, ce qui les rend très risqués. De plus, les caractéristiques géologiques propres de la zone de marché peuvent limiter l’augmentation des capacités de stockage et donc de la concurrence. Enfin, les autres moyens qui pourraient exercer une concurrence crédible sur les opérateurs de stockage ne se développent pas rapidement (e.g. marchés de court terme liquides, production variable, etc.) En conclusion, le choix du type d’accès au tiers (négocié ou régulé) dépendra donc des caractéristiques de la concurrence et des besoins spécifiques à la zone de marché. Par exemple, un 68 Hoffler & Kubler (2007). Demand for storage of natural gas in northwestern Europe. Trends 2005 to 2030, Energy Policy, Vol 35, Issue 10, p. 5206 – 5219. www.coll.mpg.de/pdf_dat/2006_9online.pdf 69 Un accord a également été signé au niveau européen entre les régulateurs (réunis au sein de l’ERGEG – European Regulators Group for Electricity and Gas) et les opérateurs en charge du stockage (réunis au sein de la GSE – Gas Storage Europe). L’accord porte sur les offres de stockage, l’allocation des capacités, les mesures de confidentialité, la transparence opérationnelle et commerciale des activités de stockage, ainsi que sur les tarifs et les marchés secondaires.(ERGEG : http://www.energy-regulators.eu/portal/page/portal/EER_HOME; GSE : http://www.gie.eu.com/maps_data/availablecapacities.html) 70 Creti (2009). The economics of natural gas storage: A European perspective. P a g e | 78 accès régulé peut être préféré pour faciliter l’arrivée de nouveaux entrants. En revanche, un tel système peut fragiliser les perspectives de retour sur investissement et compromettre le niveau d’incitation optimal. 2.4.3 Evolution de la régulation et des tarifs du stockage La directive européenne du 26 juin 2003 a laissé le choix aux Etats membres entre un accès régulé et un accès négocié aux stockages souterrains. Avec la loi du 9 août 2004, le législateur français a choisi l’accès négocié. Les opérateurs de stockage souterrain de gaz naturel, TIGF et GDF SUEZ, ont publié sur leur site leurs offres de stockage pour l’année gazière 2008/2009 en février 2007. Ces offres n’ont pas changé par rapport à l’année précédente. GDF SUEZ maintient la flexibilité offerte aux utilisateurs de quitter momentanément sans pénalité le "tunnel" (c'est-à-dire les niveaux minimum et maximum du gaz en stock) en fonction des caractéristiques physiques de respiration du stock, le jour J, à condition d’y revenir le jour J+1. TIGF propose aux utilisateurs une réservation pluriannuelle des capacités, à condition que ces souscriptions soient compatibles avec les termes de l’arrêté stockage. Ce dernier fixe l’enveloppe des droits de stockage en fonction du profil des clients du portefeuille et est révisé chaque année. Les prix pratiqués ont subi des hausses substantielles depuis 2006 : les prix de TIGF ont augmenté de 6 % en avril 2008, après avoir progressé de 10 % en avril 2006 et de 6 % en avril 2007. Ceux de GDF SUEZ ont augmenté d’environ 3 % en avril 2008 après des hausses de 6 et 9 % respectivement en avril 2006 et en avril 2007. Malgré ces augmentations successives, les capacités de stockage souterrain de gaz ont été allouées en totalité. Le mode de calcul de ces prix reste opaque et leurs évolutions futures sont difficilement prévisibles. GDF SUEZ travaille avec GRTgaz à la définition d’une offre de stockage compatible avec la future offre de transport qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2009. Le tableau 11 présente une synthèse de l'évolution des tarifs de stockage. P a g e | 79 Tableau 11. Evolution des tarifs de stockage Prix unitaire des réservations de capacité nominale de stockage Prix unitaire des quantités soutirées Prix unitaire des quantités injectées Groupement de stockage 2007-2008 2008-2009 Centre Ile-de-France Nord Ile-de-France Sud Lorraine Salins Sud Picardie PURC (€ par an et par MWh) 5,35 4,65 7,7 5,15 6,95 14,95 PUQS (€/MWh) PURC (€ par an et par MWh) 5,1 5,1 8,05 7,25 6,4 15,35 PUQS (€/MWh) Centre Ile-de-France Nord Ile-de-France Sud Lorraine Salins Sud Picardie 0,1 0,1 PUQI (€/MWh) PUQI (€/MWh) 0,3 0,3 Centre Ile-de-France Nord Ile-de-France Sud Lorraine Salins Sud Picardie Source : GDF SUEZ (Tarifs 2007-2008 & 2008-2009) 71 2.5 La distribution 2.5.1 Description technique L’activité de distribution constitue le prolongement du transport. Elle consiste à acheminer le gaz naturel depuis le réseau de transport régional vers les sites de consommation finale. Les réseaux de distribution sont de plus petites sections que les réseaux de transport principal et régional et couvrent en France plus de 185 000 km (soit plus de cinq fois la longueur du réseau de transport). 71 http://www.grandesinfrastructures.gdfsuez.com/sicsFront/fr/offre_stockage/tarifs2007_2008/base.html http://www.grandesinfrastructures.gdfsuez.com/sicsFront/fr/offre_stockage/tarifs2008_2009/base.html P a g e | 80 2.5.2 Cadre réglementaire En France, les réseaux de distribution appartiennent de droit aux collectivités locales, qui en concèdent l’exploitation à des distributeurs chargés d’assurer le service public de distribution de gaz naturel. Il existe aujourd’hui trois types de distributeurs : - le distributeur historique, GDF SUEZ, à qui est concédée la très grande majorité des réseaux de distribution en France ; - des distributeurs non-nationalisés (DNN), qui ont été maintenus en 1946 en même temps qu’un monopole était accordé à GDF SUEZ sur l’ensemble des réseaux de distribution. Ces 17 distributeurs ont donc toujours coexisté avec GDF SUEZ sur le territoire français ; - des distributeurs alternatifs, qui sont entrés à la suite de l’ouverture à la concurrence de la distribution pour les zones non-desservies en 2007. Ces distributeurs alternatifs sont aujourd’hui au nombre de 5. La distribution du gaz naturel en France est assurée par des monopoles locaux (un par zone territoriale). Environ 11 millions de consommateurs sont raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel. Ces clients sont alimentés par 23 gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) de gaz naturel, de tailles très inégales. La société GrDF (Gaz Réseau Distribution France, filiale distribution de GDF SUEZ) assure la distribution de plus de 96 % du marché72. Parmi les 22 autres GRD, aussi appelés entreprises locales de distribution (ELD), les sociétés Régaz (Réseaux gaz de Bordeaux) et Gaz de Strasbourg assurent chacune la distribution d'environ 1,5 % du marché, les 20 autres ELD se partageant moins de 1 % du marché. A l'instar du transport, la distribution de gaz en France est régulée. La CRE a proposé ses premiers tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel le 24 décembre 2003, après avoir vu ses compétences étendues au marché du gaz naturel en janvier 2003. Ces tarifs ont été appliqués par les GRD de gaz naturel à partir du 1er juillet 2004 jusqu'au 31 décembre 2005. Ces premiers tarifs sont officiellement entrés en vigueur 1er janvier 2005, en application du décret n° 2005-22 du 11 janvier 2005 et de l’arrêté du 14 janvier 2005. Les seconds tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel, proposés par la CRE le 31 octobre 2005, sont entrés en vigueur le 1 er janvier 2006, en application de la décision du 27 décembre 2005 des ministres chargés de l'Economie 72 CRE (2008). Proposition tarifaire de la Commission de régulation de l’énergie du 28 février 2008 pour l’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel, http://www.cre.fr/fr/content/download/5563/121540/file/080228PropositiontarifaireGRDF.pdf P a g e | 81 et de l'Energie. Compte tenu des évolutions liées à l'ouverture du marché du gaz à tous les consommateurs le 1er juillet 2007 et de la séparation juridique des GRD prévue à cette date, ces tarifs avaient été conçus pour être appliqués pendant environ deux ans. Depuis le 1er juillet 2008, les tarifs proposés par la CRE le 28 février 2008 sont entrés en vigueur, en application de l’arrêté du 2 juin 2008 des ministres chargés de l'Economie et de l'Energie. Comme pour le transport, le niveau de ce coût dépend donc des paramètres de la régulation. Ces paramètres sont : (i) le type de régulation appliquée et ses modalités d’application, (ii) les approches utilisées pour réduire l’asymétrie d’information, (iii) l’utilisation des mécanismes de rattrapage et (iv) la manière dont les investissements sont rémunérés. (cf. 2.2.3) La régulation repose sur la détermination de la rémunération autorisée qui est composée de différents éléments : i) les charges d’exploitation, ii) le calcul de la rémunération du capital et iii) les amortissements. L’évolution de chacune de ces composantes modifie le niveau du poste coût distribution. 2.5.3 Evolution de la régulation de la distribution et de la rémunération autorisée Nous analysons ici l’évolution de la régulation pour GrDF de 2006 à 2012. Cette période d’étude comprend les deux dernières révisions tarifaires : en 2005 pour la période 2006/2007 et en 2008 pour la période 2008/2012. Les principaux changements consécutifs aux révisions tarifaires qui ont eu un impact sur les niveaux de rémunération autorisée ont été les suivants : - les principes généraux retenus lors de la première révision tarifaire de 2004 ont été maintenus en 2005. En particulier, la couverture des coûts selon une méthode dite de cost of service est prolongée pour cette nouvelle période de régulation. La proposition intègre également le résultat des audits des comptes dissociés des opérateurs et les gains de productivité qu'ils ont réalisés. Les principaux changements portent sur le traitement des redevances payées aux autorités concédantes, sur la répartition de certains coûts entre le fournisseur et le GRD et sur le taux de rémunération des actifs. - la révision tarifaire de 2008 est caractérisée par le maintien d’un mécanisme de régulation tarifaire de distribution de GrDF, composé des éléments classiques de cost of service et l’introduction de quelques éléments incitatifs. L’augmentation de la durée d’application du P a g e | 82 tarif est le principal élément incitatif. Celle-ci est portée à 4 ans, du 1er juillet 2008 au 30 juin 2012, avec une évolution de la grille tarifaire au 1er juillet de chaque année selon des règles prédéfinies73. Les évolutions au 1er juillet de chaque année de la rémunération autorisée prennent en compte l’inflation, ainsi qu’un effort de productivité annuel de 1,3 %. Cet objectif de productivité de 1,3 % est équivalent à un objectif de productivité de 2,7 % sur les charges d’exploitation maîtrisables de l’opérateur. Les gains de productivité supplémentaires, qui pourraient être réalisés par GrDF sur cette assiette de charges d’exploitation maîtrisables, au-delà de l’objectif de productivité de 2,7 %, seront calculés sur les trois années calendaires 2009, 2010 et 2011. En fin de période tarifaire, GrDF conservera 40 % des gains réalisés, les 60 % restants venant en déduction de l’évaluation des charges à recouvrer dans le prochain tarif. Comme dans le cas du transport, un mécanisme de correction des écarts entre les prévisions et les réalisations sur certains postes de charges et de revenus dont l’évolution annuelle est difficile à prévoir par GrDF est introduit via le compte de régularisation des charges et des produits (CRCP). A compter du 1er juillet 2010, l’apurement du solde de ce compte s’opère annuellement par une diminution ou une augmentation de la grille tarifaire, limitée à 2 %74. Ce mécanisme de correction des écarts entre les prévisions et les réalisations permet de limiter les risques d’erreur, mais il pourrait également avoir un effet désincitatif sur l'opérateur en lui permettant de faire supporter au consommateur final une partie des surcoûts liés à un éventuel manque d'efficacité. Le tableau 12 présente une synthèse de l’évolution du revenu autorisé pour GrDF et de ses composantes (charges d’exploitation, charges de capital et amortissement)75. 73 L’introduction d’une composante d’effort de productivité et l’introduction de pénalités/bonus sur la variable qualité donnent aussi au système de régulation un caractère plus incitatif. Un mécanisme de régulation incitative de la qualité de service est introduit, constitué de deux types d’indicateurs publiés par la CRE et d’une incitation financière en cas de non atteinte ou de dépassement des objectifs préalablement définis. Ces incitations financières donnent lieu à des pénalités et/ou des bonus pour GrDF. 74 Les revenus perçus par GrDF proportionnels aux quantités de gaz acheminées étant éligibles au CRCP, ces recettes, qui représentent environ 60 % des recettes de GrDF, sont garanties. De même, les charges de capital, les charges d’achat de gaz pour compenser les pertes de gaz sur le réseau et les pénalités perçues par GrDF pour les dépassements de capacités souscrites sont éligibles au CRCP. 75 La durée de vie des infrastructures considérée pour les amortissements est la suivante : conduites et branchements 50 ans, postes de détente 40 ans, compression/comptage 20 ans, autres installations techniques 10 ans, constructions 30 ans. P a g e | 83 Tableau 12. Evolution du revenu autorisé pour GrDF M€ 2006/2007 2008 2009 2010 2011 2012 er BAR au 1 janvier 12 980 13 174 13 453 13 694 13 894 14 061 Investissements 786 636 621 613 600 597 Amortissements -592 -592 -619 -643 -664 -676 Réévaluation 235 239 229 232 235 BAR au 31 décembre 13 174 13 453 13 694 13 894 14 061 14 217 Coût Moyen Pondéré du Capital 7,25 % 6,75 % 6,75 % 6,75 % 6,75 % 6,75 % Rémunération de la BAR 929 910 929 944 958 968 Charges de capital 1 521 1 502 1 548 1 587 1 622 1 644 Charges d'exploitation 1 168 1 334 1 334 1 334 1 334 1 334 Revenu autorisé 2 689 2 836 2 882 2 921 2 956 2 978 Prévision de volume distribué 339 339 349 367 392 439 76 Source : CRE 2005, 2008 Le tableau 12 permet d'identifier les deux principaux facteurs expliquant l'évolution du revenu autorisé. Il s'agit des coûts d’exploitation et du coût du capital. La rémunération du capital investi dans les infrastructures est calculée en appliquant le coût du capital à la base d’actifs régulés. La croissance de la BAR observée dans le tableau 12 est le résultat de la différence entre les investissements et l’amortissement, autrement dit l’investissement net dans le réseau. La nouvelle valeur de la BAR est aussi réévaluée chaque année selon le taux d’inflation77. Pour la révision tarifaire correspondant à la période 2008/2012? le régulateur a baissé le coût pondéré du capital appliqué sur la BAR (de 7,25 % à 6,75 %)? car il a estimé que les risques de l’activité de distribution avaient diminué. Cela produit mécaniquement un effet de diminution des charges de capital, toutes choses égales par ailleurs. La figure 31 montre que le revenu autorisé augmente de 5,6 % en euros courants entre 2006/2007 et 2008, puis qu'il augmente plus faiblement entre 2009 et 201278. Compte tenu de la part du tarif d’acheminement sur les réseaux de distribution dans le prix final de vente du gaz naturel, cette hausse conduirait, toutes choses égales par ailleurs, à une augmentation, au 1er juillet 2008, de 1,5 % 76 CRE (2005). Exposé de motifs ; CRE (2005). Proposition de la Commission de régulation de l'énergie du 26 octobre 2005 pour les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel. CRE (2008). Proposition tarifaire de la Commission de régulation de l’énergie du 28 février 2008 pour l’utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel. 77 Selon la CRE, les actifs sont réévalués de l'inflation au 1er janvier de chaque année. L’indice de réévaluation utilisé est l’indice des prix à la consommation hors tabac en glissement de juillet à juillet, tel qu'il est calculé par l’INSEE pour l’ensemble des ménages résidant en France. 78 Les premiers tarifs d'utilisation des réseaux de distribution proposés par la CRE en 2004 avaient conduit à une baisse de 9 % en euros courants du tarif unitaire moyen de GrDF. La révision tarifaire correspondant à 2006/2007 avait mené à une nouvelle baisse pour GrDF, dont le tarif unitaire moyen a diminué de 7,2 % en euros courants, hors CTA, et de 0,7 % en euros courants, CTA comprise. Hors effet de la réforme du régime des retraites des IEG, la baisse a été de 1,9 % en euros courants, les sommes recouvrées par la CTA étant supérieures à l'économie de charges de retraite pour GrDF. Les données de la révision tarifaire de 2004 ne sont pas disponibles. P a g e | 84 du tarif de vente réglementé en distribution publique pour un client domestique moyen consommant du gaz pour un usage de chauffage (client au tarif B1, situé à Paris). Figure 31. Evolution du revenu autorisé pour GrDF 900 800 3000 700 2500 600 2000 500 1500 400 300 1000 200 500 100 0 Investissement et amortissements [M€] Revenu autorisé et charges [ M€] 3500 0 2006/2007 2008 2009 2010 Investissements M€ Amortissement M€ Charges de capital M€ Revenu autorisé M€ 2011 2012 Charges d’exploitation M€ Source : CRE (traitement Microeconomix) La figure 32 met en lumière les facteurs principaux de l’évolution du revenu autorisé. Pour la révision tarifaire de 2008/2012, l'augmentation totale pour la première année résulte de l'importante augmentation des charges d’exploitation. Les augmentations du revenu autorisé prévues à partir de 2009 résultent de l’augmentation de charges de capital liées à la réalisation de nouveaux investissements. P a g e | 85 Figure 32. Variation du revenu autorisé 16% 14% 12% 10% 8% 6% 4% 2% 0% 2008 -2% 2009 2010 2011 2012 -4% Variation du revenu autorisé Variation de charges de capital Variation de charges d'exploitation Source : CRE (traitement Microeconomix) 2.5.4 Evolution des tarifs de distribution Le tarif de chaque gestionnaire de réseau public de distribution est composé de plusieurs options tarifaires incluant d'une part un abonnement, d'autre part une composante calculée en fonction de la quantité de gaz naturel distribué ou de la capacité journalière faisant l'objet de réservation, ou encore de ces deux éléments. Les tableaux 13 et 14, ainsi que la figure 33, présentent les différents types de tarifs et récapitulent leurs évolutions tarifaires. P a g e | 86 Tableau 13. Options tarifaires Tarifs Consommation annuelle T1 0 à 6 000 kWh T2 6 000 à 300 000 kWh T3 300 000 à 500 000 kWh T4 Supérieure à 500 000 kWh TL 79 Types de tarif Tarif binôme Abonnement annuel Terme proportionnel à la quantité consommée Tarif binôme Abonnement annuel Terme proportionnel à la quantité consommée Tarif binôme Abonnement annuel Terme proportionnel à la quantité consommée Tarif trinôme Tarif binôme Abonnement annuel Terme proportionnel à la quantité consommée Terme proportionnel à la capacité journalière souscrite Binôme Abonnement annuel Terme proportionnel à la distance entre le point de livraison et le réseau de transport le plus proche 80 Source : CRE 2005 Tableau 14. Evolution des tarifs de distribution pour GrDF Tarifs de distribution 2005 2006/2007 2008/2009 T1 Abonnement annuel *€+ Prix proportionnel *€/MWh+ 28,56 22,73 27 21,43 30 21,43 T2 Abonnement annuel *€+ Prix proportionnel *€/MWh+ 110,28 6,67 104,4 6,32 120 6,32 T3 Abonnement annuel *€+ Prix proportionnel *€/MWh+ 627,24 4,68 594 4,42 690 4,42 T4 Abonnement annuel *€+ Prix proportionnel *€/MWh+ Terme annuel de capacité *€/MWh/j+ 12672 0,65 164,76 12000 0,62 156 14115 0,65 180 TL Abonnement annuel *€+ Terme annuel de capacité *€/MWh/j+ Terme annuel à la distance *€/mètre] 29563,8 82,32 53,88 27996 78 51 32400 90 60 Sources : Journal Officiel 15/01/ 2005 Texte 22, Journal officiel 30/12/ 2005 Texte 45, Journal Officiel 15/06/ 2008 Texte 7 79 L’option T1 concerne uniquement des clients ayant une consommation régulière sur l’année. Le Tarif de Proximité (TP) est une option tarifaire réservée aux clients finaux ayant la possibilité, d'un point de vue réglementaire, de se raccorder directement au réseau de transport. 80 CRE (2005). Proposition de la Commission de régulation de l'énergie du 26 octobre 2005 pour les tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel. P a g e | 87 Figure 33. Variations des tarifs de distribution pour GrDF 20,0% T1 - Abonnement annuel [€] T1 - Prix proportionnel [€/MWh] 15,0% T2 - Abonnement annuel [€] T2 - Prix proportionnel [€/MWh] 10,0% T3 - Abonnement annuel [€] T3 - Prix proportionnel [€/MWh] 5,0% T4 - Abonnement annuel [€] T4 - Prix proportionnel [€/MWh] 0,0% T4 - Terme annuel de capacité [€/MWh/j] 2006/2007 2008/2009 -5,0% TL - Abonnement annuel [€] TL - Terme annuel de capacité [€/MWh/j] TL - Terme annuel à la distance [€/mètre] -10,0% Sources : Journal 0fficiel 15/01/ 2005 Texte 22, Journal Officiel 30/12/ 2005 Texte 45, Journal Officiel 15/06/ 2008 Texte 7 (traitement Microeconomix) 2.6 La commercialisation du gaz naturel 2.6.1 Description technique L’activité de commercialisation du gaz naturel au détail consiste à faire l’interface entre la fourniture de matière en gros (contrats d’approvisionnement, marchés de gros, etc.) et le consommateur final, en assurant la vente au détail de gaz naturel ainsi que toutes les activités associées, comme la prospection commerciale ou la gestion de la clientèle. 2.6.2 Cadre réglementaire et acteurs sur le marché français Le marché de la vente de gaz naturel au détail est totalement ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007 pour les clients domestiques. Les fournisseurs alternatifs à GDF SUEZ désireux d’entrer sur le marché doivent être préalablement agréés par l’Etat, mais ils ont ensuite accès aux capacités des réseaux de transport, de stockage et de distribution nécessaires pour assurer la commercialisation du gaz naturel. P a g e | 88 Les opérateurs alternatifs à GDF SUEZ (par exemple les sociétés Poweo, Altergaz, EDF) sont donc libres de fixer leurs prix, mais font face à un opérateur historique servant encore près de 98 % de la consommation des clients résidentiels et 86 % de la consommation totale française, et pouvant proposer des tarifs administrés. 2.6.3 Déterminants des coûts de commercialisation Les coûts de commercialisation proprement dit correspondent aux coûts des activités de gestion de la clientèle, de relevé des compteurs et de facturation, de publicité et de marketing, etc., et intègrent une marge commerciale. La commercialisation étant une activité libéralisée, ce poste de coût devrait dépendre en théorie du degré de concurrence qui existe sur ce marché. Cependant, plusieurs facteurs, détaillés dans les paragraphes suivants, peuvent entraver l'exercice d'une concurrence libre et non faussée sur ce marché. Parmi ces facteurs, nous pouvons citer : (i) l’existence des coûts de changement, (ii) les problèmes posés par l’intégration verticale des fournisseurs et (iii) la coexistence du prix du marché avec des tarifs réglementés fixés à des niveaux jugés trop bas. La concurrence est d’abord limitée par l’existence de coûts de changement supportés par les clients. Les coûts de changement peuvent se définir comme les coûts objectifs ou psychologiques, encourus par un consommateur pour changer de fournisseur, et qu'il n'aurait pas à supporter s'il continuait de s'approvisionner auprès du même fournisseur. Sur les marchés de l'énergie tels que le marché du gaz naturel, les consommateurs encourent par exemple des coûts de recherche pour s'informer et comparer les offres des différents fournisseurs, des coûts de transaction pour changer de fournisseur (frais de résiliation par exemple) et des coûts psychologiques liés à l'incertitude sur la qualité des prestations du nouveau fournisseur (par exemple, la peur de subir une rupture d'approvisionnement). En présence de coûts de changement, il ne suffit pas de proposer aux clients un prix moins élevé que leur fournisseur actuel pour les amener à changer de fournisseur : il faut en outre que l'écart de prix soit suffisamment important pour compenser les coûts de changement. La concurrence peut aussi être biaisée lorsque l’un des fournisseurs profite de sa position verticalement intégrée en amont pour pénaliser ses concurrents. Un opérateur verticalement intégré pourrait en effet augmenter les coûts de ses concurrents présents uniquement à l'aval, en les discriminant et en offrant des conditions d'accès plus favorables à sa filiale aval ; il pourrait également tenter de les évincer du marché en pratiquant des subventions croisées entre ses P a g e | 89 différentes activités et vendre à l'aval à un prix que ses concurrents ne seraient pas en mesure d'offrir, même s'ils étaient aussi efficaces. Néanmoins, ces risques sont en principe limités par la réglementation et notamment l’imposition par la CRE de conditions d’accès et de tarifs transparentes et non discriminatoires. Enfin, la concurrence peut être limitée en raison de la coexistence de deux prix pour la vente de détail du gaz naturel : le prix du marché et les tarifs réglementés. La fixation des tarifs réglementés à un niveau trop bas introduit une distorsion de concurrence sur le marché de détail, les clients n'ayant aucun intérêt à quitter le système des prix régulés et à payer des prix de marché plus élevés. Fiscalité La seule taxe appliquée aux prix de détail hors taxes du gaz est la TVA : 5,5 % sur l’abonnement, 19,6 % sur le reste de la facture. La contribution tarifaire d'acheminement (CTA) est un prélèvement additionnel au tarif d’utilisation des réseaux qui assure le financement des retraites des agents des activités régulées. Cette contribution fixée par arrêté ministériel est indépendante du fournisseur, mais dépend de la catégorie de clients. 2.7 Conclusion A partir d'une analyse détaillée de la chaîne verticale du gaz naturel, nous avons identifié les principaux postes de coût susceptibles d'influencer le prix final du gaz naturel. Il est indispensable d'entrer dans les détails de chaque étape de la chaîne verticale pour identifier les paramètres-clés dévolution des différents postes de coût. Il convient en particulier de distinguer les activités régulées - dont le tarif est essentiellement déterminé par les paramètres de la réglementation - des activités en concurrence dont le prix est librement fixé. Les activités du transport, des terminaux méthaniers et la distribution sont régulées. Ainsi les coûts de transport, d'utilisation des terminaux méthaniers et de distribution sont fixés par le ministre sur proposition du régulateur, et sont identiques pour tous les acteurs. Le stockage n'est régulé qu'au niveau des conditions d'accès. Les prix du stockage sont librement fixés par les propriétaires d'infrastructures mais ils doivent être non discriminatoires. Par conséquent, les coûts de stockage sont similaires pour tous les fournisseurs. La fourniture en gaz naturel et la commercialisation sont des activités en concurrence. C'est donc sur ces activités que les fournisseurs alternatifs pourraient contribuer à faire baisser les prix s'ils étaient plus efficaces que GDF SUEZ. C'est peu probable au P a g e | 90 niveau de l'achat du gaz naturel. Finalement, les gains éventuels que pourraient apporter les opérateurs alternatifs portent uniquement sur l'activité de commercialisation du gaz naturel, ce qui représente une faible part de la facture finale payée par le consommateur. A titre d'illustration, si les coûts de commercialisation représentaient 10 % du prix payé par le consommateur, et si un fournisseur alternatif était en mesure de réduire ces coûts de 10 %, cela ne représenterait au final qu'une baisse de 1 % de la facture du consommateur. Il convient enfin de souligner que la coexistence de tarifs régulés de détail avec des offres au prix de marché introduit une contrainte forte sur les possibilités de développement des opérateurs alternatifs. Dans ce contexte, et compte tenu de l'importance du coût de la matière première et de sa forte variabilité au cours du temps, il est important d'analyser en détail la manière dont les ajustements des tarifs réglementés suivent les évolutions des prix d'achat de la molécule. P a g e | 91 P a g e | 92 3 Analyse des marges de GDF SUEZ dans la vente de gaz naturel aux clients résidentiels Cette section étudie la pertinence du niveau et de l’ajustement des tarifs administrés du gaz naturel en s'appuyant sur les comptes publiés par GDF SUEZ. Notre objectif est d'évaluer dans quelle mesure l'analyse des comptes publics de GDF SUEZ permet d'observer un éventuel écart entre l'évolution des coûts de GDF SUEZ et l'évolution des tarifs administrés. Nous rappelons dans un premier temps une synthèse de l’appréciation de GDF SUEZ et des autorités publiques concernant l’impact négatif de l'évolution des tarifs administrés sur la rentabilité de GDF SUEZ. Dans un second temps, nous proposons une estimation de l'impact des évolutions des coûts et des tarifs sur la rentabilité de l'activité de fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels. 3.1 Les pertes présumées de GDF SUEZ en raison de l’inadéquation des tarifs aux coûts La question de l’adéquation entre les tarifs administrés et les coûts de GDF SUEZ a fait l’objet en 2006 d’une analyse menée par le Conseil de la concurrence saisi pour avis par le Conseil d'Etat à la suite d'une plainte déposée par la société Poweo. Cette dernière contestait le refus du gouvernement français d'autoriser l'augmentation 10 % des tarifs administrés ainsi que le prévoyait la stricte application de la formule d'indexation des tarifs définie par la CRE en avril 2006. Selon la société Poweo, le gel des tarifs administrés aurait conduit GDF SUEZ à pratiquer des prix inférieurs à ses coûts. Dans le cas d'espèce, le groupe GDF SUEZ partage l’opinion de la société Poweo et souligne dans chacun de ses rapports annuels l’impact sur ses recettes des décisions de gel ou de hausse insuffisante des tarifs administrés. L’encadré 4 répertorie les opinions exprimées par GDF SUEZ à ce sujet. P a g e | 93 Encadré 4. L’opinion de GDF SUEZ concernant l’évolution des tarifs administrés à travers ses rapports annuels Rapport 2004 "Des tarifs de vente de gaz naturel en France fluctuent en principe en fonction de l’évolution des coûts d’approvisionnement du Groupe ; tel a été le cas jusqu’en novembre 2004 où la révision tarifaire n’a répercuté que partiellement l’augmentation des coûts d’approvisionnement. Par la suite, les mouvements tarifaires décidés par les pouvoirs publics n’ont pas été suffisants pour couvrir intégralement l’augmentation du prix d’approvisionnement principalement du pétrole" (Rapport 2004 p.103, souligné par nous) Rapport 2005 "Hors ces éléments *changement de périmètre+, l’excédent brut opérationnel est en baisse de 25,3 %. En France, la hausse des coûts d’achat du gaz liée à l’augmentation du cours des produits pétroliers n’a été que partiellement répercutée sur les tarifs administrés de distribution publique. Cet effet négatif, qui s’est élevé à 130 millions d’euros sur l’année 2004, est évalué à 370 millions d’euros sur l’année 2005" (Rapport 2005, p. 113, souligné par nous) Rapport 2006 er "Les tarifs de distribution publique ont augmenté de 5,8 % au 1 mai 2006. L’arrêté du 16 juin 2005 prévoyait des révisions trimestrielles à partir du 1er janvier 2006 qui n’ont pas eu lieu. Le Groupe n’a ainsi pas pu répercuter en totalité l’évolution de ses coûts (perte de recettes de 511 millions d’euros sur 2006)" (Rapport 2007, p. 115, souligné par nous) Rapport 2007 "Dans le segment Achat-Vente d’Énergie, une hausse du prix du pétrole a un effet inverse, en augmentant les charges d’exploitation. Cette augmentation est en principe récupérée par le biais des hausses tarifaires, mais éventuellement avec un décalage dans le temps, pour autant que le mouvement tarifaire théorique résultant de l’application des formules soit totalement répercuté dans les tarifs" (Rapport 2007, p. 118, souligné par nous) "Malgré le gel des tarifs administrés de vente de gaz naturel, Gaz de France a répercuté en 2007 ses coûts d’approvisionnement. Les activités de vente de gaz aux tarifs administrés contribuent positivement aux résultats du Groupe en 2007 (+ 84 millions d’euros) alors qu’elles étaient très fortement déficitaires en 2006 (- 511 millions d’euros)" (Rapport 2007, p. 125, souligné par nous) Comptes consolidés 2008 "L’EBITDA [de la branche Energie France] est en recul de 122 millions d’euro du fait de l’insuffisance des hausses de tarifs gaz de distribution publique. Le recul de recettes s’accroît ainsi de 679 millions d’euros, portant le cumul historique à 1606 millions d’euro er au 31 décembre 2008. La non-application de la hausse matière de 8,6 % au 1 octobre a largement contribué aux 442 millions d’euro de retard de recettes sur le dernier trimestre" (Rapport 2008, p. 8, souligné par nous). P a g e | 94 Ainsi, selon GDF SUEZ, l'ajustement des tarifs réglementés à l'évolution de son coût d'approvisionnement a été insuffisant sur la période 2004-2006 ainsi qu'en 2008. Tableau 15. Estimation par GDF SUEZ du résultat des ventes de gaz aux tarifs administrés Pertes ou gains estimés par GDF SUEZ Année en raison de l'évolution des tarifs administrés au regard de l'évolution des coûts d'approvisionnement 2004 - 130 M€ 2005 - 370 M€ 2006 - 511 M€ 2007 + 84 M€ 2008 - 679 M€ Total - 1 606 M€ Source : Rapports annuels GDF SUEZ 2004 à 2008 (compilation Microeconomix) GDF SUEZ présente également des estimations de ses pertes présumées dans l’avis du Conseil de la concurrence saisi par le Conseil d'Etat. Le tableau 16 présente les résultats avancés par GDF SUEZ et repris par le Conseil de la concurrence. Ces chiffres sont issus d'une décomposition opérée par GDF SUEZ, suivant une comptabilité analytique qu'il n'est pas possible de vérifier à partir des comptes publics. Tableau 16. Pertes de l’activité de vente du gaz en distribution publique estimées par GDF SUEZ 2004 2005 Chiffre d'affaires 7 645 M€ 8 083 M€ Coût matière 1ère + commercial 3 780 M€ 4 672 M€ Transport + stockage 1 315 M€ 1 293 M€ Distribution 2 668 M€ 2 441 M€ Résultat d’exploitation - 118 M€ - 323 M€ Source : Avis n°07 – A – 08 du Conseil de la concurrence, p. 10 Les calculs présentés par GDF SUEZ reposent pour l’essentiel sur des données protégées par le secret des affaires. Le Conseil de la concurrence indique les avoir validés. Il a notamment réalisé sa propre estimation à partir des comptes publics pour l'année 2005 et obtient un résultat81 qui semble corroborer les pertes alléguées par GDF SUEZ (perte de 384 M€). 81 Le raisonnement du Conseil (§75) de la concurrence nous semble entaché de deux erreurs qui remettent en cause ses résultats. D'une part, le Conseil de la concurrence se trompe lorsqu'il retient une part de 55,4 % que représenteraient les ventes en distribution publique dans le total des ventes de GDF SUEZ. En effet, GDF SUEZ indique avoir vendu en 2005 644 TWh de gaz naturel et le Conseil de la concurrence avance le chiffre de 258 TWh pour la distribution publique : la part des ventes en distribution publique n'est donc que de 40 % et non 55,4 %. Cette première erreur conduit le Conseil de la concurrence à largement surévaluer les coûts des achats d'énergie, puisqu'il retient le chiffre de 6 380 millions d'euros ce qui représenterait près de 79 % du chiffre d'affaires, alors que GDF SUEZ avançait un chiffre de 4 672 millions d'euros (incluant les coûts de commercialisation). D'autre part, le Conseil de la concurrence omet de tenir compte des P a g e | 95 Ainsi, tant GDF SUEZ que le Conseil de la concurrence mettent en avant de possibles pertes pour GDF SUEZ en raison de la non-application de la formule d’indexation pour ajuster le niveau des tarifs administrés aux évolutions des coûts d'approvisionnement. 3.2 Analyse des comptes publics de GDF SUEZ L’essentiel des résultats contenus dans l’avis du Conseil de la Concurrence provient de calculs réalisés par GDF SUEZ pour les années 2004 et 2005. Nous cherchons à vérifier ces calculs et à les approfondir en nous appuyant sur les comptes publiés par GDF SUEZ depuis 200382. Notre raisonnement est le suivant. Nous cherchons d'abord à estimer le chiffre d'affaires de l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels réalisé par GDF SUEZ. Pour cela, nous construisons un indice pondéré des tarifs réglementés, que nous multiplions par les quantités vendues. Nous estimons ensuite les coûts supportés par GDF SUEZ, en allouant à l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels une partie des coûts présentés dans les comptes publics de GDF SUEZ. Enfin, nous concluons par l'analyse de la marge de GDF SUEZ sur la vente de gaz naturel aux clients résidentiels. 3.2.1 Détermination de l'évolution des tarifs réglementés Les tarifs réglementés évoluent en cours d'année. Compte tenu de la forte variabilité des volumes de gaz naturel consommés au cours de l'année, il est nécessaire de calculer un tarif moyen pondéré par les volumes. Dans cet objectif, nous nous appuyons sur les volumes de consommation mensuels des segments résidentiel, tertiaire et petit industriel, fournis par la base de données Pégase, pour obtenir une moyenne annuelle pondérée par les volumes de chaque tarif réglementé. La figure 34 présente l'évolution du tarif B1 et de sa moyenne annuelle pondérée. coûts de transport et de stockage ainsi que des coûts de distribution qui n'apparaissent pas dans le compte de résultat de la branche Achat/Vente d'énergie mais dans les comptes de résultats de GRTGaz et de GrDF. Ces deux erreurs affectent le résultat du Conseil de la concurrence dans des sens opposés puisque d'une part le coût des achats d'énergie est surestimé, d'autre part les coûts du transport, du stockage et de distribution sont omis. 82 http://www.gazdefrance.com/FR/D/106/rapports-annuels.html presentations.html P a g e | 96 ; http://www.gazdefrance.com/FR/D/279/resultats-et- Figure 34. Evolution du tarif B1 (c€ / kWh) 5 4,5 4 3,5 B1 (TTC) sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 mai-03 janv.-03 sept.-02 mai-02 janv.-02 sept.-01 mai-01 janv.-01 3 B1 pondéré (TTC) Source : calculs Microeconomix à partir de la base de données Pégase Nous estimons ensuite un tarif moyen pour le segment résidentiel qui est calculé comme la moyenne des différents tarifs. Nous nous appuyons sur la répartition des clients résidentiels retenue par le Conseil de la concurrence83 qui indique qu'environ 3 % de la consommation des clients résidentiels sont facturés au tarif B0, 83 % au tarif B1 et 13 % au tarif B2l. Nous supposons que cette répartition est restée constante de 2001 à 2008. La figure 35 présente l'évolution du prix HT moyen payé par un client résidentiel pour chaque MWh de gaz naturel consommé. 83 Source : Avis n°07-A-08 du Conseil de la concurrence, §13, page 4. P a g e | 97 Figure 35. Evolution du prix moyen hors taxe d'un client résidentiel (€ / MWh) 40 35 30 25 20 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Tarif HT pondéré résidentiel Source : calculs Microeconomix 3.2.2 Estimation du chiffre d'affaires réalisé par GDF SUEZ dans la vente de gaz naturel aux clients résidentiels Pour estimer le chiffre d'affaires réalisé par GDF SUEZ sur le segment résidentiel, nous multiplions les volumes de gaz naturel consommés par le prix moyen hors taxe payé par un client résidentiel. Nous incluons également le chiffre d'affaires résultant de l'abonnement payé par chaque client résidentiel. GDF SUEZ publie ses ventes totales de gaz, ainsi que les ventes aux clients résidentiels, à partir de 2004. Ces données sont présentées dans le tableau 17. P a g e | 98 Tableau 17. Ventes de gaz de GDF SUEZ TWh Ventes totales de gaz du groupe GDF SUEZ Ventes de gaz au segment résidentiel en France 2003 200484 2005 2006 200785 590 623 644 636 609 n.d. 138 139 133 125 Source : GDF SUEZ La base de données Pégase fournit les consommations de gaz naturel des segments résidentiel, tertiaire et petit industriel en France (tableau 18). Tableau 18. Ventes de gaz aux segments résidentiel, tertiaire et petit industriel en France TWh Ventes de gaz en France aux segments résidentiel, tertiaire et petit industriel Ventes de gaz au segment résidentiel en France Part estimée du segment résidentiel 2003 2004 2005 2006 2007 337 356 341 341 323 n.d. 138 139 133 125 - 39 % 41 % 39 % 39 % Source : base de données Pégase Nous observons que, pour les années 2004 à 2007, la part des ventes au segment résidentiel dans les ventes incluant les segments tertiaire et petit industriel est constante. Nous faisons donc l'hypothèse que les ventes au segment résidentiel représentaient en 2003 environ 39 % des ventes aux segments résidentiel, tertiaire et petit industriel fournies par la base de données Pégase. Nous fondons donc nos calculs sur les volumes de vente au segment résidentiel résumés dans le tableau 19. 84 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 52. http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/document_de_reference__5_mai_2006_1148648549.pdf 85 Source : Gaz de France, Document de référence 2007, page 56. http://www.gazdefrance.com/FR/T/1789/doc-de-ref-new_1211291965.html/GazDeFrance.html P a g e | 99 Tableau 19. Ventes de gaz au segment résidentiel en France TWh Ventes totales de gaz du groupe GDF SUEZ Ventes de gaz au segment résidentiel % du segment résidentiel dans les ventes totales 2003 2004 2005 2006 2007 590 623 644 636 609 131* 138 139 133 125 22 % 22 % 22 % 21 % 21 % Source : GDF SUEZ sauf (*) estimations Microeconomix Nous en déduisons une estimation du chiffre d'affaires réalisé par GDF SUEZ pour les ventes de gaz au segment résidentiel en multipliant les volumes présentés dans le tableau 20 par le prix moyen pondéré calculé à la section 3.2.1. Tableau 20. Estimation du chiffre d'affaires de GDF SUEZ (segment résidentiel) Millions d’€ CA résidentiel (vente de gaz) CA résidentiel (abonnement) CA résidentiel (total) 2003 3 610 931 4 542 2004 3 638 947 4 586 2005 4 092 965 5 057 2006 4 612 958 5 569 2007 4 489 992 5 481 Source : estimation Microeconomix Les résultats que nous obtenons semblent cohérents avec les données avancées par GDF SUEZ pour les années 2004 et 2005. GDF SUEZ indique86 en effet avoir réalisé un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros (resp. 4,8) en 2004 (resp. 2005) résultant de la vente de gaz naturel aux clients résidentiels en France. Notons que le chiffre d'affaires ainsi calculé est destiné à couvrir les coûts d'achat de la matière et les coûts de la commercialisation (compte de résultat de la branche Achat/Vente d'énergie), les coûts du réseau transport et de stockage (comptes de GRTGaz) et les coûts du réseau de distribution (comptes de GrDF). 3.2.3 Allocation des coûts de GDF SUEZ à l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels L'étape suivante du raisonnement consiste à évaluer les coûts supportés par GDF SUEZ pour vendre du gaz naturel aux clients résidentiels. Puisque les comptes de GDF SUEZ agrègent l'ensemble des ventes de gaz naturel (en France et à l'international, aux différentes catégories de consommateurs), il 86 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 112. P a g e | 100 est nécessaire de déterminer la part des coûts totaux qui peuvent être alloués à l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels en France. Le tableau 20 présente une synthèse des informations que nous avons extraites des comptes publics de GDF SUEZ. Tableau 21. Synthèse des informations publiées par GDF SUEZ (segment Achat/Vente d'énergie) En millions d’€ CA Achat/Vente énergie (1)=(2)+(5) CA énergie (2)= (3) + (4) CA Gaz (3) CA Electricité (4) CA Autre (5) Production immobilisée et stocks (6) Achat énergie (7) Autres charges (8) EBE (9)=(1)+(6)-(7)-(8) 200387 200488 200589 200690 200791 14 274 15 126 17 704 20 934 20 991 13 331 14 107 16 712 19 786 19 783 13 331 14 107 15 631 n.d. n.d. 0 0 1 081 n.d. n.d. 943 1 019 992 1 148 1 208 282 289 245 263 248 7 890 8 975 11 517 14 175 13 610 3 609 3 755 4 471 4 790 48 25 3 057 2 685 1 961 2 232 2 804 Sources : GDF SUEZ 92 Par ailleurs, GDF SUEZ publie également des comptes séparés pour l'activité de transport et stockage93 et l'activité de distribution (tableau 22). 87 Source : Gaz de France, Comptes sociaux 2003, compte de résultats, page 4 http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/comptes_sociaux_2003_1086962039.pdf 88 Source : Gaz de France, Comptes sociaux 2004, compte de résultats, page 4 http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/comptes_sociaux_fr_1121243488.pdf 89 Source : Gaz de France, Comptes annuels GDF SA exercice 2006, page 4 http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/070502_comptes_sociaux_bat_1178705442.pdf 90 Source : Gaz de France, Rapport financier 2007, page 166. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/gaz-de-france---rapport-financier-2007_1208933098.pdf 91 Source : Gaz de France, Rapport financier 2007, page 166. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/gaz-de-france---rapport-financier-2007_1208933098.pdf 92 http://www.gazdefrance.com/FR/D/106/rapports-annuels.html ; http://www.gazdefrance.com/FR/D/279/resultats-etpresentations.html 93 Les chiffres d’affaires de l’activité "terminaux méthaniers" sont inclus dans la rubrique "Transport et Stockage" comme indiqué dans les différents rapports financiers. P a g e | 101 Tableau 22. Synthèse des informations publiées par GDF SUEZ (segment transport et stockage et segment distribution) En millions d’€ 2003 2004 2005 2006 2007 CA Transport et Stockage EBE Transport et Stockage Quantités transportées (TWh) 1 93794 2 20095 2 12496 2 22797 2 49498 n.d. n.d. 1 271 1 295 1 534 65599 69599 71199 687100 667101 CA Distribution 3 305102 3 193103 2 951104 3 289105 3 076106 EBE Distribution n.d. n.d. 1 352 1 412 1 291 Quantités distribuées (TWh) 321107 335107 337107 327108 310109 Sources : GDF SUEZ 110 Le choix de l'allocation des coûts (achat d'énergie, autres charges, coûts de transport et de stockage et coûts de distribution) est une hypothèse clé. Nous procédons de la façon suivante. 94 Source : Gaz de France. Rapport de gestion 2003, page 2. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/rapport_de_gestion_2003_1086789199.pdf 95 Source : Gaz de France, Document de base 2004, page 53. http://www.gazdefrance.com/FR/T/346/GazDeFrance.html/GazDeFrance.html 96 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 60. http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/document_de_reference__5_mai_2006_1148648549.pdf 97 Source : Gaz de France, Document de référence 2006, page 63. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/document_de_reference_2006_1178092407.pdf 98 Source : Gaz de France, Document de référence 2007, page 65. http://www.gazdefrance.com/FR/T/1789/doc-de-ref-new_1211291965.html/GazDeFrance.html 99 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 61. http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/document_de_reference__5_mai_2006_1148648549.pdf 100 Source : Gaz de France, Document de base 2004, page 60. http://www.gazdefrance.com/FR/T/346/GazDeFrance.html/GazDeFrance.html 101 Source : Gaz de France, Document de référence 2007, page 66. http://www.gazdefrance.com/FR/T/1789/doc-de-ref-new_1211291965.html/GazDeFrance.html 102 Source : Gaz de France. Rapport de gestion 2003, page 3. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/rapport_de_gestion_2003_1086789199.pdf 103 Source : Gaz de France, Document de référence 2006, page 64. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/document_de_reference_2006_1178092407.pdf 104 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 67. http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/document_de_reference__5_mai_2006_1148648549.pdf 105 Source : Gaz de France, Document de référence 2006, page 70. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/document_de_reference_2006_1178092407.pdf 106 Source : Gaz de France, Document de référence 2007, page 73. http://www.gazdefrance.com/FR/T/1789/doc-de-ref-new_1211291965.html/GazDeFrance.html 107 Source : Gaz de France, Document de référence 2005, page 69. http://www.gazdefrance.com/upload/documents/public/document_de_reference__5_mai_2006_1148648549.pdf 108 Source : Gaz de France, Document de référence 2006, page 72. http://www.gazdefrance.com/FR/upload/documents/public/document_de_reference_2006_1178092407.pdf 109 Source : Gaz de France, Document de référence 2007, page 75. http://www.gazdefrance.com/FR/T/1789/doc-de-ref-new_1211291965.html/GazDeFrance.html 110 http://www.gazdefrance.com/FR/D/106/rapports-annuels.html ; http://www.gazdefrance.com/FR/D/279/resultats-etpresentations.html P a g e | 102 Nous allouons les coûts d'achat d'énergie au prorata des volumes de gaz naturel que représentent les ventes au segment résidentiel dans l'ensemble des ventes de gaz naturel de GDF SUEZ. Notons que les coûts d'achat d'énergie publiés par GDF SUEZ ne distinguent pas les achats de gaz naturel destiné à être revendu des autres achats d'énergie destinés par exemple à la fourniture d'électricité. Pour prendre en compte le volume de gaz dédié à la production d’électricité nous avons utilisé les données disponibles sur le site web GDF SUEZ111. Nous allouons les coûts de transport et de stockage112 au prorata des volumes de gaz naturel que représentent les ventes au segment résidentiel dans le volume total transporté par GRTGaz. Nous allouons les coûts de distribution113 au prorata des volumes de gaz naturel que représentent les ventes au segment résidentiel dans le volume total distribué par GrDF. En ce qui concerne les autres charges du compte de résultat du segment Achat/Vente d'énergie, nous les allouons au prorata du chiffre d'affaires réalisé. Il serait envisageable d'allouer plus finement les autres charges, par exemple en allouant différemment les coûts liés à la commercialisation, les charges de personnel ou les dépenses publicitaires. Les comptes publiés par GDF SUEZ ne nous permettent pas de le faire. Le tableau 23 présente une synthèse des clés d'allocation retenues. 111 Selon les informations disponibles, la seule centrale à gaz de GDF SUEZ en France est la centrale de cycle combiné DK6 située à Dunkerque. Ce cycle combiné, qui a été mis en service au printemps 2005, consomme un volume d'environ 7 TWh de gaz naturel par an. GDF SUEZ (2009). ARCELOR-MITTAL (Dunkerque). http://www.gdfsuez-globalenergy.com/en/home-page/casestudies/arcelormittal/arcelormittal-dunkerque/ 112 Notons que les coûts du transport et du stockage sont estimés à partir des chiffres d'affaires de la branche transport et stockage de GDF SUEZ. Nous supposons donc que la régulation du transport et du stockage est correctement faite de telle sorte que cette activité ne génère pas une marge exceptionnellement élevée. 113 Notons que les coûts de la distribution sont estimés à partir des chiffres d'affaires de la branche transport et stockage de GDF SUEZ. Nous supposons donc que la régulation de la distribution est correctement faite de telle sorte que cette activité ne génère pas une marge exceptionnellement élevée. P a g e | 103 Tableau 23. Hypothèses d'allocation des coûts Ventes totales de gaz naturel (TWh) Volume total (vendu ou utilisé pour produire de 114 l'électricité) (TWh) Ventes au segment résidentiel (TWh) Part du segment résidentiel dans le volume total de vente 2003 2004 2005 2006 2007 590 623 644 636 609 590 623 651 643 616 131 138 139 133 125 22 % 22 % 21 % 21 % 20 % clé d'allocation pour les charges d'achat d'énergie Volumes totaux transportés (TWh) Ventes au segment résidentiel (TWh) Part du segment résidentiel dans le volume total transporté 655 695 711 687 667 131 138 139 133 125 20 % 20 % 20 % 19 % 19 % clé d'allocation pour les coûts de transport et de stockage Volumes totaux distribués (TWh) Ventes au segment résidentiel (TWh) Part du segment résidentiel dans le volume total distribué 321 335 337 327 310 131 138 139 133 125 41 % 41 % 41 % 41 % 40 % clé d'allocation pour les coûts de distribution CA Achat/Vente d'énergie (M€) CA résidentiel (M€) hors transport, stockage et distribution Part du segment résidentiel dans le CA gaz 14 274 15 126 17 704 20 934 20 991 2 800 2 834 3 425 3 800 3 773 20 % 19 % 19 % 18 % 18 % clé d'allocation pour les autres charges Source : Microeconomix 114 Pour les années 2005, 2006 et 2007, les ventes totales de gaz sont augmentées de 7 TWh dont nous supposons qu'ils sont consommés par la centrale à gaz de Dunkerque. P a g e | 104 Le tableau 24 récapitule les coûts que nous allouons à l'activité de vente de gaz naturel au segment résidentiel. Tableau 24. Synthèse des coûts alloués à la vente de gaz naturel au segment résidentiel En millions d’€ 2003 2004 2005 2006 2007 Achat énergie 7 890 8 975 11 517 14 175 13 610 Coûts d'achat d'énergie alloués à la vente de gaz naturel au segment résidentiel 1 752 1 988 2 459 2 932 2 762 Clé d'allocation 22 % 22 % 21 % 21 % 20 % 1 937 2 200 2 124 2 227 2 494 387 437 415 431 467 Clé d'allocation 20 % 20 % 20 % 19 % 19 % Distribution 3 305 3 193 2 951 3 289 3 076 Coûts de la distribution alloués à la vente de gaz au segment résidentiel 1 349 1 315 1 217 1 338 1 240 Clé d'allocation 41 % 41 % 41 % 41 % 40 % Autres charges 3 609 3 755 4 471 4 790 4 825 Autres charges allouées à la vente de gaz au segment résidentiel 708 704 865 869 867 Clé d'allocation 20 % 19 % 19 % 18 % 18 % Transport et stockage Coûts du transport et du stockage alloués à la vente de gaz au segment résidentiel Source : Microeconomix P a g e | 105 3.2.4 Evaluation du niveau des marges de GDF SUEZ et de son évolution sur la période 2001-2008 A partir des tableaux 21 à 24, nous déduisons une estimation des marges de GDF SUEZ pour l'activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels en France. Nos résultats sont présentés dans les tableaux 25 et 26. Tableau 25. Estimation de l'EBE de GDF SUEZ (vente de gaz au segment résidentiel) En millions d’€ 2003 2004 2005 2006 2007 Chiffre d'affaires 4 542 4 586 5 057 5 569 5 481 Achat matière 1 752 1 988 2 459 2 932 2 762 2 790 2 598 2 598 2 637 2 719 61 % 57 % 51 % 47 % 50 % 387 437 415 431 467 1 349 1 315 1 217 1 338 1 240 Autres charges 708 704 865 869 867 Excédent brut d'exploitation 346 142 101 -1 144 EBE (% du CA) 8% 3% 2% 0% 3% Marge sur matière Marge sur matière (% du CA) Coûts du transport et du stockage Coûts de la distribution Source: Microeconomix P a g e | 106 Tableau 26. Estimation de l'EBE unitaire de GDF SUEZ (vente de gaz au segment résidentiel) € / MWh 2003 2004 2005 2006 2007 Chiffre d'affaires 34,7 33,2 36,4 41,9 43,8 Achat matière 13,4 14,4 17,7 22,0 22,1 21,3 18,8 18,7 19,8 21,8 61 % 57 % 51 % 47 % 49 % 3,0 3,2 3,0 3,2 3,7 10,3 9,5 8,8 10,1 9,9 Autres charges 5,4 5,1 6,2 6,5 6,9 Excédent brut d'exploitation 2,64 1,03 0,72 -0,01 1,15 EBE (% du CA) 8% 3% 1% 0% 3% Marge sur matière Marge sur matière (% du CA) Coûts du transport et du stockage Coûts de la distribution Source: Microeconomix Ainsi, nous mettons en évidence l'évolution de la marge brute de GDF SUEZ sur la période 20032007. Nos estimations révèlent que l'EBE décroît de 2003 à 2006 et passe de 8 % du chiffre d'affaires à 0 % : les ajustements des tarifs réglementés n'ont pas compensé intégralement la hausse des coûts d'approvisionnement subie par GDF SUEZ. Nous observons enfin une très légère hausse de l'EBE entre 2006 et 2007. Sur l'ensemble de la période, le fait marquant est une baisse significative de l'EBE de GDF SUEZ qui passe de plus de 8 % du chiffre d'affaires à environ 3 %. Notons que si l'EBE constitue, comme le précise le Conseil de la concurrence115 "un solde intermédiaire de gestion intéressant *…+ *qui+ permet en effet de déterminer le gain ou la perte réalisé par l'entreprise dans l'exercice de son métier indépendamment des modalités et des conditions de financement des actifs et du cycle d'exploitation", les résultats que nous avons obtenus conduisent vraisemblablement à des pertes subies par GDF SUEZ dans son activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels une fois les amortissements déduits. 115 Avis n°07-A-08 du Conseil de la concurrence, §73, page 12. P a g e | 107 3.2.5 Extrapolation pour l'année 2008 La présentation des comptes de GDF SUEZ a été profondément remaniée à la suite de la fusion GDF/SUEZ. Les périmètres de présentation des comptes ont été modifiés, si bien qu'il n'est pas possible de suivre l'évolution pour 2008 du compte de résultat de l'activité achat-vente d'énergie. Nous proposons dans cette section une extrapolation pour l'année 2008 du résultat pour GDF SUEZ de l'activité de vente de gaz naturel au segment résidentiel. Nous fondons notre estimation sur un coût moyen d'achat de la matière à 26,6 € / MWh en 2008116 et supposons que les autres charges évoluent dans la lignée de l'évolution constatée entre 2006 et 2007. Nos résultats sont présentés dans le tableau 27. Tableau 27. Estimation de l'EBE unitaire de GDF SUEZ (vente de gaz au segment résidentiel) € / MWh 2003 2004 2005 2006 2007 2008 Chiffre d'affaires 34,6 33,2 36,4 41,9 43,8 46,8 Achat matière 13,4 14,4 17,7 22,0 22,1 26,6 21,3 18,8 18,7 19,8 21,8 20,2 61 % 57 % 51 % 47 % 49 % 43 % 3,0 3,2 3,0 3,2 3,7 4 10,3 9,5 8,8 10,1 9,9 10 Autres charges 5,4 5,1 6,2 6,5 6,9 7 Excédent brut d'exploitation 2,64 1,03 0,72 -0,01 1,15 - 0,80 EBE (% du CA) 8% 3% 2% 0% 3% - 1,7 % Marge sur matière Marge sur matière (% du CA) Coûts du transport et du stockage Coûts de la distribution Source: Microeconomix Ainsi nos estimations concluent à une baisse de la marge brute dans de GDF SUEZ entre 2003 et 2008 dans son activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels, l'EBE passant de 8 % à -1,7 % du chiffre d'affaires. Cela indique que l'ajustement des tarifs réglementés n'a pas été suffisant en 2008 116 Voir tableau 5 section 2.1.3 P a g e | 108 pour compenser totalement la hausse des coûts de la matière subie par GDF SUEZ entre 2007 et 2008. 3.3 Conclusion Nos calculs nous permettent de présenter une estimation de la répartition des différents coûts à couvrir par les tarifs réglementés. Nous observons une relative stabilité des coûts de transport, de stockage, de distribution et de commercialisation (inclus dans les autres charges), tandis que le fait marquant est la hausse de la part du coût de la molécule qui passe de 42 % de l'ensemble des coûts en 2003 à 56 % en 2008. Figure 36. Evolution de la part des différents coûts à couvrir par les tarifs réglementés 100% 90% 5,4 7 6,5 6,9 10,1 9,9 3,2 3,7 17,7 22,0 22,1 26,6 2005 2006 2007 2008 5,1 6,2 9,5 8,8 80% 70% 10,3 60% 50% 3,0 3,2 3,0 10 4 40% 30% 20% 13,4 14,4 2003 2004 10% 0% Achat matière Coûts du transport et du stockage Coûts de la distribution Autres charges (dont coûts commerciaux) Source: Microeconomix P a g e | 109 Nos deux principaux résultats sont les suivants : - l'ajustement des tarifs réglementés sur la période 2003-2008 n'a pas compensé les hausses du coût de la molécule. A part en 2007 où la baisse des coûts de la molécule n'a pas été répercutée dans les tarifs réglementés, GDF SUEZ a subi une dégradation de sa marge entre 2003 et 2008. Par rapport à un scénario où les variations des coûts d'achat de la molécule auraient été intégralement répercutées dans les tarifs réglementés, les consommateurs résidentiels bénéficiant des tarifs réglementés ont payé leur gaz naturel moins cher. - Notre estimation de l'excédent brut d'exploitation de GDF SUEZ pour son activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels laisse anticiper des pertes subies par GDF SUEZ. En effet, l'EBE passe de 8 % du chiffre d'affaires en 2003 à 3 % en 2007. Ainsi, en déduisant les amortissements (qui représentent entre 1 et 2 € / MWh sous l'hypothèse d'une allocation au prorata des volumes de gaz vendus), GDF SUEZ subit une perte d'exploitation dans son activité de vente de gaz naturel aux clients résidentiels sur toute la période 2004-2008. P a g e | 110 4 Analyse dynamique de l’évolution des tarifs administrés au regard de celle des coûts d'approvisionnement résultant de la formule d'indexation de GDF SUEZ Dans cette section, nous utilisons la formule d’indexation tarifaire comme un indicateur pour évaluer les variations du coût unitaire d’approvisionnement de GDF SUEZ et pouvoir ainsi estimer en dynamique les variations de la marge réalisée par GDF SUEZ sur ses ventes aux tarifs réglementés. Depuis 2003, les évolutions des tarifs réglementés n’ont pas suivi parfaitement les variations résultant de la stricte application de la formule d’indexation ou, si elles les ont suivies, la modalité d’application de la formule tarifaire ne correspondait pas exactement à celle associée à la formule en question. Cela entraîne des décalages entre les coûts d’approvisionnement et les revenus provenant de ventes aux clients bénéficiant des tarifs réglementés. Ce décalage est amplifié par un effet "volume" compte tenu de la saisonnalité de la consommation de gaz naturel. En théorie, ces décalages devraient être pris en compte par les mécanismes de rattrapage qui fonctionnent de la manière suivante : avant de mettre en œuvre une révision tarifaire, la CRE évalue la somme cumulée des décalages constatés entre, soit les tarifs réglementés et les coûts unitaires d’approvisionnement (rattrapage en niveau), soit les revenus perçus par GDF SUEZ et ses coûts d’approvisionnement (rattrapage en masse). Ces décalages devraient être ensuite intégrés dans les ajustements tarifaires. En pratique, on constate que tous les rattrapages nécessaires n’ont pas été mis en œuvre. Cette section est organisée de la manière suivante. Nous présentons d’abord la formule d’indexation tarifaire pour GDF SUEZ. Nous analysons ensuite les décalages entre les revenus de la vente de gaz naturel aux tarifs réglementés et les coûts d’approvisionnement pour GDF SUEZ entre 2003 et 2009. 4.1 Formule d’indexation et coût d’approvisionnement Nous fondons notre analyse sur la formule d'indexation tarifaire soumise par GDF SUEZ à la CRE et rendue publique en mars 2009. Nous ne considérons pas dans notre analyse l'ancienne formule qui aurait dû être appliquée sur la période 2003-2008 car elle n'a pas été rendue publique. Connaître la formule qui permet de suivre l’évolution du coût unitaire d’approvisionnement de GDF SUEZ est nécessaire afin de pouvoir estimer les décalages réels entre les revenus de GDF (tarif appliqué multiplié par le volume vendu) et les coûts d’approvisionnement (tarif donné par la formule multiplié par le volume). P a g e | 111 Dans un communiqué de presse de mars 2009117, la CRE a publié les termes exacts de la formule tarifaire qui permettrait d’ajuster les tarifs aux variations des coûts d’approvisionnement. Cette formule devrait être appliquée à partir de 2009. La CRE indique avoir testé l'application de cette nouvelle formule sur les années 2006 à 2008 et conclut qu'elle permet de suivre correctement l'évolution des coûts d'approvisionnement de GDF SUEZ. La formule d'indexation rendue publique par la CRE est de la forme suivante : ∆𝑇𝑎𝑟𝑖𝑓 € = 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑑 × ∆𝐼𝑑 + 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑀𝑤 € € 𝑑𝑜𝑚 × ∆𝐼𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑑𝑜𝑚 + 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙𝑜𝑢𝑟𝑑 × ∆𝐼𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙𝑜𝑢𝑟𝑑 + 𝑐𝑜𝑒𝑓𝐵𝑅𝐸𝑁𝑇 × ∆𝐼𝐵𝑅𝐸𝑁𝑇 Où : - ∆𝑇𝑎𝑟𝑖𝑓 est l’évolution du tarif entre deux échéances - ∆𝐼𝑖 est l’évolution de la variable 𝐼𝑖 entre deux échéances - 𝐼𝑑/€ est le taux de change moyen mensuel du dollar en euro - 𝐼𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑑𝑜𝑚 - 𝐼𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙𝑜𝑢𝑟𝑑 - 𝐼𝐵𝑅𝐸𝑁𝑇 est le cours moyen mensuel du pétrole brut Brent en euros par baril est le cours moyen mensuel du fioul domestique FOD en euros par tonne est le cours moyen mensuel du fioul lourd BTS en euros par tonne Les coefficients de la nouvelle formule d'indexation sont présentés dans le tableau 28. Tableau 28. Coefficients de la formule tarifaire CRE 2009 Coefficient 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑑 1,3107 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑑𝑜𝑚 𝑐𝑜𝑒𝑓𝑓𝑖𝑜𝑢𝑙 𝑙𝑜𝑢𝑟𝑑 𝑐𝑜𝑒𝑓𝐵𝑅𝐸𝑁𝑇 0,01988 0,02652 0,06206 € Valeur Source : CRE (2009) La figure 37 présente l’évolution des différents paramètres de la nouvelle formule tarifaire depuis 2005. 117 CRE (2009). Communiqué de presse du 11 mars 2009. La CRE publie la formule de calcul de l’évolution des coûts d’approvisionnement de GDF SUEZ, disponible en ligne à l’adresse : www.cre.fr/fr/content/download/8281/146905/file/090311CPFormuleGAZ.pdf P a g e | 112 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 1200 1000 800 600 400 200 Fioul domestique (US$/t) Fioul lourd (US$/t) juil.-09 févr.-09 sept.-08 avr.-08 nov.-07 juin-07 janv.-07 août-06 mars-06 oct.-05 mai-05 déc.-04 juil.-04 févr.-04 sept.-03 avr.-03 nov.-02 juin-02 0 Brent [US$/bl] Evolution des indices prix en compte dans la formule de la CRE 1400 janv.-02 Prix produits pétroliers [US$/t] Figure 37. Brent ($/bl) Source : Base de données Pégase (traitement Microeconomix) En plus de la description du panier de produits et de sa pondération, une modalité d’application est associée à la formule. La nouvelle formule d'indexation suit une modalité d’application dite en "6-13" ce qui signifie que pour un mois donné, le tarif destiné à s'appliquer pour les trois prochains mois se fonde sur le calcul de la moyenne des variables de la formule sur les six mois précédents118. La figure 38 présente les évolutions des tarifs réglementés qui auraient résulté de la stricte application de la nouvelle formule d'indexation de la CRE. 118 Pour les tarifs réglementés en souscription, la formule est identique mais avec une modalité de 3-1-3. P a g e | 113 Figure 38. Evolution tarifaire résultant de l'application de la nouvelle formule d'indexation de la CRE 2,0000 90 70 1,0000 60 juil.-09 janv.-09 juil.-08 janv.-08 juil.-07 janv.-07 juil.-06 janv.-06 juil.-05 juil.-04 janv.-05 janv.-04 -0,5000 juil.-03 0,0000 -1,0000 Variation coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] 40 Evolution coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] 30 Brent (€/bl) 50 0,5000 janv.-03 Adjustement tarif [c€/kWh] 80 1,5000 20 10 0 Source : Microeconomix La CRE a évalué cette formule en 2008119. Cet audit conclut que la nouvelle formule d'indexation représente bien les variations des coûts d'approvisionnement de GDF SUEZ pour les années 2006, 2007 et 2008 (de janvier à septembre). La CRE indique cependant que la nouvelle formule surévalue "faiblement" le coût d’approvisionnement. Elle indique un montant théorique supérieur de 140 M€ en moyenne par an par rapport aux coûts d'approvisionnement. La CRE indique que cette surévaluation est cependant faible au regard du coût total d'approvisionnement calculé sur le périmètre des ventes aux tarifs réglementés qui est d'environ six milliards d'euros. Autrement dit, la nouvelle formule d'indexation aurait tendance à surévaluer de quelques pourcents les coûts d'approvisionnement de GDF SUEZ. 4.2 Analyse des décalages entre les variations des tarifs et les variations du coût d’approvisionnement de GDF SUEZ A partir de la formule d'indexation rendue publique par la CRE, il est possible de comparer les évolutions des coûts d'approvisionnement (résultant de l’application systématique de la formule d’indexation) et les évolutions effectives des tarifs réglementés (résultant de l'application éventuelle de la formule d'indexation et d’autres considérations politiques). 119 CRE (2008). Délibération de la CRE du 17 décembre 2008 portant avis sur la nouvelle formule servant de base au calcul de l’évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel de GDF Suez, disponible en ligne à l’adresse : http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/7969/142593/file/0081217NouvelleFormuleGDFSuez.pdf P a g e | 114 Nous étudions la période comprise entre janvier 2003 et octobre 2009. Nous faisons l’hypothèse que la nouvelle formule d’indexation représente bien les coûts d’approvisionnement au delà de la période pour laquelle l'adéquation entre l'évolution des coûts réels d'approvisionnement et celle de la formule a été validée par la CRE (2006-2008). En effet, cette formule est censée représenter l’évolution des coûts d’un portefeuille de contrats de long terme dont les clauses d’indexation ne sont pas modifiées à court terme. Nous faisons l’hypothèse qu’en janvier 2003 le système tarifaire est en équilibre. C'est-à-dire d’une part que les revenus de GDF SUEZ ont bien couvert ses coûts d'approvisionnement, autrement dit, que les évolutions des tarifs réglementés ont correctement suivi celles des coûts d'approvisionnement et d’une autre part que le niveau absolu des tarifs est équilibre au niveau du coût unitaire d’approvisionnement. Nous considérons également, dans nos ajustements tarifaires de la période étudiée, les deux augmentations de tarifs dues aux rattrapages de 2005 (en juillet et septembre 2005, les tarifs ont été ajustés de 0,02 et 0,09 c€/kWh respectivement, pour rattraper les pertes issues d’une hausse tarifaire insuffisante en 2004). Nous procédons en deux étapes. Nous étudions d’abord les variations des tarifs et les variations du coût unitaire d’approvisionnement de GDF SUEZ telles qu'elles sont données par la formule d'indexation. Cela permet d’identifier les écarts instantanés entre les tarifs et les coûts. Pour évaluer ensuite l'ampleur des gains ou des pertes que génèrent ces écarts, nous intégrons les variations des volumes consommés et étudions donc les variations des revenus de GDF SUEZ (fondées sur les variations des tarifs et des volumes consommés) et de ses coûts d’approvisionnement (fondées sur les variations de la formule d'indexation et les volumes) pour prendre en compte l’effet volume et estimer correctement l'impact en résultant sur les marges de GDF SUEZ. 4.2.1 Décalage entre les variations des tarifs et les variations du coût unitaire d’approvisionnement de GDF SUEZ A partir de la formule d’indexation rendue publique par la CRE, il est possible de comparer les évolutions effectives des coûts d’approvisionnement et les évolutions des tarifs réglementés. Le tableau 29 récapitule les évolutions tarifaires concernant la matière qui ont eu lieu entre 2003 et 2009. P a g e | 115 Tableau 29. Variations tarifaires "matière" proposées par la CRE Mai 2003 Novembre 2003 Novembre 2004 Variation de tarif appliqué (matière uniquement) en c€/kWh+ 0,1220 -0,2790 0,1500 Juillet 2005 0,1241 Septembre 2005 0,0900 Novembre 2005 Mai 2006 Janvier 2008 Avril 2008 Août 2008 Avril 2009 0,4450 0,2200 0,1730 0,2640 0,2370 -0,7730 Période Commentaires/Document de référence CRE 2003120 CRE 2003121 Tarif modifié le 15 Novembre 2004. CRE 2004122 Hausse de 0,02 c€/kWh, correspondant au rattrapage en niveau. CRE 2005123 Hausse de 0,09 c€/kWh, correspondant au rattrapage en niveau. CRE 2005124 CRE 2005125 CRE 2007126 CRE 2007127 CRE 2008128 Tarif modifié le 15 Août 2008. CRE 2008129 CRE 2009130 Source : CRE 120 CRE (2003). Avis sur le projet d'arrêté relatif au mouvement des prix de vente du gaz naturel en distribution publique au 1er mai 2003. http://www.admi.net/jo/20030502/INDI0301392V.html 121 CRE (2003). Avis sur le projet d'arrêté relatif au mouvement des prix de vente du gaz naturel en distribution publique au 1er novembre 2003. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000430221&dateTexte= 122 CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1 er juillet 2005, http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/2034/34743/file/1120066883250.pdf 123 CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1 er juillet 2005, http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/2034/34743/file/1120066883250.pdf 124 CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1 er septembre 2005 http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/2032/34725/file/1125587845839.pdf 125 CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1 er novembre 2005, 27 octobre 2005, http://www.droit.org/jo/20060111/INDI0506063V.html. 126 CRE (2007), Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 27 décembre 2007 sur l’évolution des tarifs de vente de gaz en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008. http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/5154/116266/file/TarifsDPGdFjoe_20071230_0178.pdf 127 CRE (2007), Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 27 décembre 2007 sur l’évolution des tarifs de vente de gaz en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008. http://www.cre.fr/fr/layout/set/print/content/download/5154/116266/file/TarifsDPGdFjoe_20071230_0178.pdf 128 CRE (2008). Avis du 17 avril 2008 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vent de gaz naturel en distribution publique de Gaz de France, http://www.droit.org/jo/20080429/DEVE0810066V.html 129 CRE (2008). Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 11 août 2008 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vent de gaz naturel en distribution publique de Gaz de France, 11 août 2008, www.cre.fr/fr/content/download/5813/124787/file/080811_AvisCRE_ ArreteGaz_TRV_DP.pdf 130 Pour avril 2009, nous avons considéré une baisse tarifaire réelle de 0,773 c€/kWh. Selon la CRE, la baisse tarifaire appliquée de 0,528 c€/kWh est le résultat d’une baisse du coût matière 0,773 c€/kWh et une hausse du coût hors matière de 0,245 c€/kWh. CRE (2009). Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 26 mars 2009 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique de GDF Suez, disponible en ligne sur l’adresse : www.cre.fr P a g e | 116 Les figures 39 et 40 montrent les évolutions mensuelles et cumulées des tarifs réglementés effectivement mises en place et des ajustements tarifaires résultant de l'application stricte de la formule d'indexation publiée par la CRE. Figure 39. Ecarts mensuels entre les tarifs appliqués et les tarifs résultant d'une application stricte de la 0,60 0,40 0,20 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 -0,40 sept.-03 -0,20 mai-03 0,00 janv.-03 Tarif/coût d'approvisionnement [c€/kWh] formule -0,60 -0,80 -1,00 Variation tarif appliqué (matière première) [c€/kWh] Variation coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] Source : Microeconomix Evolutions des tarifs appliqués et des coûts unitaires (application stricte de la formule) 2,0 1,5 1,0 0,5 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 -0,5 mai-03 0,0 janv.-03 Tarifs/coût d'approvisionnement [c€/kWh] Figure 40. Evolution tarif appliqué (matière première) [c€/kWh] Evolution coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] Source : Microeconomix P a g e | 117 La figure 41 montre les écarts mensuels cumulés entre les tarifs effectivement appliqués et les tarifs qui auraient dû être appliqués si la formule d'indexation avait été strictement appliquée (différence entre les deux courbes représentées dans la figure 40). Un écart positif (resp. négatif) signifie que le tarif effectivement appliqué est supérieur (resp. inférieur) au tarif qui résulte d'une application stricte de la formule d'indexation. Figure 41. Evolutions des écarts mensuels entre les tarifs appliqués et les tarifs résultant d'une 0,50 0,40 0,30 0,20 0,10 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 mai-04 sept.-04 -0,30 janv.-04 -0,20 sept.-03 -0,10 mai-03 0,00 janv.-03 Ecarts mensules Tarif/coût unitaire [c€/kWh] application stricte de la formule -0,40 -0,50 Ecart mensuel cumulé Tarif/Coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] Source : Microeconomix Nous observons un décalage significatif entre l'évolution réelle des tarifs réglementés et l’évolution du coût unitaire d’approvisionnent tel qu’il est donné par la formule d'indexation. En termes dynamiques, les variations des tarifs et celles du coût unitaire de la matière ont été relativement équilibrées au début de l'année 2003. Les décalages commencent à partir de mai 2003 avec une diminution du coût d’approvisionnent qui n’est pas suive par une diminution de tarif correspondant. La tendance s’inverse en novembre 2003 quand une réduction de tarif surpasse le niveau de coût unitaire en impliquant une diminution de la marge unitaire de GDF. A partir de mi 2004, les coûts d’approvisionnement augmentent continuellement jusqu’à la fin de 2006, alors que les ajustements tarifaires insuffisants interviennent trop tardivement. L’année 2007 est marquée par une baisse des coûts d’approvisionnement. Comme les tarifs ont été gelés toute l’année 2007, GDF SUEZ a vu ses marges augmenter en 2007. Il est intéressant de noter que le gel des tarifs tout au long de 2006 puis en 2007, critiqué par GDF SUEZ, comprend en fait deux phases bien distinctes. Le gel des tarifs a d'abord eu pour conséquence une baisse des marges en 2006, mais dans un second temps il a conduit à une hausse des marges en 2007. A partir de 2008 l’augmentation des tarifs en début P a g e | 118 d’année est suffisante pour compenser les augmentations de coûts pour cette même période. En revanche, les augmentations de tarifs ne suffisent pas pour couvrir les augmentations de coûts au cours du second semestre. En 2009, la baisse tarifaire correspondant au coût de la matière qui a été appliquée en avril par la CRE est inférieure à la baisse cumulée des coûts d’approvisionnement. Ceci conduit à une augmentation de la marge unitaire de GDF SUEZ. Cette augmentation va se voir réduite à partir du mois d’octobre 2009 à cause d’une augmentation des coûts 131 d’approvisionnement. Il est important de souligner ici que le décalage entre l’évolution de tarifs et l’évolution des coûts unitaires d’approvisionnement suit un cycle : les écarts sont tour à tour positifs puis négatifs selon les périodes. Cet effet cyclique produit donc un effet de compensation inter-périodes, qui doit être pris en compte lors de la discussion sur le niveau des tarifs pour une période donnée. Il serait anormal que chaque augmentation de coûts se traduise par une hausse immédiate des tarifs, si la même chose n’est pas réalisée en situation de baisse des tarifs. L’effet de compensation entre périodes déficitaires et bénéficiaires doit donc être pris en compte au moment de l'évaluation des demandes de GDF SUEZ d’augmentation des tarifs, ou a contrario de celles des demandes de baisse des tarifs par les consommateurs. Dans cette partie, nous avons présenté nos estimations des écarts entre les variations des tarifs réglementés effectivement mises en œuvre et les variations des coûts unitaires d’approvisionnement pour analyser concrètement l’effet-prix des décalages. Les résultats obtenus seraient directement transposables pour évaluer les effets des écarts sur les marges de GDF SUEZ si les volumes de ventes étaient constants au long de l’année. Or la consommation de gaz naturel varie fortement entre la saison d’hiver et la saison d’été. Autrement dit, un écart entre l'évolution des tarifs réglementés et celle des coûts d'approvisionnement n'a pas du tout le même impact sur les marges de GDF SUEZ selon qu'il a lieu en été ou en hiver. Il convient d'intégrer les volumes de consommation dans l'analyse. 4.2.2 Décalage entre les variations des revenus et les variations du coût d’approvisionnement de GDF SUEZ (effet volume) Les ventes de gaz en distribution publique sont variables au long de l’année. Pour calculer les décalages qui existent entre les variations des revenus et les variations du coût d’approvisionnement, 131 Entre avril 2009 et août 2009 les prix de produit pétroliers ont augmenté considérablement. Les prix du BRENT, fioul lourd et fioul domestique ont augmenté 18%, 23% et 8% respectivement (cette augmentation est calculée avec les moyennes des 6 mois précédents). P a g e | 119 nous devons calculer les variations des marges comme la différence entre le niveau des tarifs et le coût unitaire d’approvisionnement (donné par la formule), multipliée par le volume. Nous utilisons les données de consommation de gaz fournies par la base de données Pegase132. La figure 42 décrit les évolutions des ventes de gaz naturel sur la période 2003-2009 et les écarts cumulés entre les tarifs réglementés et le coût unitaire d’approvisionnement. Nous observons qu'il n’y a pas de corrélations entre les écarts tarifaires et les pics de consommation : les périodes de fortes et de faibles consommations peuvent coïncider avec des écarts négatifs ou positifs. L’impact en résultant sur les marges de GDF SUEZ dépend ainsi de la combinaison des écarts et des volumes consommés. Volumes de gaz consommés et écarts entre les tarifs et la formule d'indexation 50 40 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 30 20 Volume du gaz [TWh] 60 mai-03 0,50 0,40 0,30 0,20 0,10 0,00 -0,10 -0,20 -0,30 -0,40 -0,50 janv.-03 Ecarts mensuels tarif/coût unitaire [c€/kWh] Figure 42. 10 0 Ecart mensuel cumulé Tarif/Coût unitaire (formule CRE 2009) [c€/kWh] Volume du gaz [TWh PCS] - 80% Source : Microeconomix La figure 43 décrit les variations mensuelles de l'impact global des écarts entre l'évolution des tarifs réglementés et celle des coûts d'approvisionnement sur la marge de GDF SUEZ pour la période étudiée. Les tendances bénéficiaires ou déficitaires sont logiquement similaires à celles constatées au niveau des coûts unitaires (cf. section 4.2.1). GDF SUEZ subit une faible augmentation de la marge début de l’année 2003 puis des diminutions de la marge importantes entre 2004 et 2007 (en moyenne 25 M€ par mois mais avec pics d’environ entre 40 et 80 M€ par mois pour les mois d’hiver). 132 http://www.developpement-durable.gouv.fr/energie/statisti/pegase/pegase/pegase.php . Les données disponibles correspondent à la rubrique « Résidentiel, tertiaire et petite industrie ». Pour corriger ce volume par rapport aux ventes en distribution publique de GDF SUEZ nous appliquons un coefficient de 0,8. Ce coefficient a été calculé en utilisant les données sur les ventes annuelles de GDF SUEZ en distribution publique. Les volumes de gaz consommés ne sont pas disponibles entre juin 2009 et octobre 2009 ; nous utilisons donc les volumes correspondant de l’année 2008. P a g e | 120 GDF SUEZ est en revanche gagnant tout au long de l’année 2007 (en moyenne 16 M€ par mois). Pendant la première partie de l’année 2008, GDF SUEZ est faiblement "gagnant" et au cours du quatrième trimestre il est fortement déficitaire (pour un montant évalué à 88 M€ par mois en moyenne). En 2009, la baisse des coûts d'approvisionnement et l'absence d'évolution des tarifs réglementés conduisent à une diminution de l'écart et qui change la tendance en avril 2009. Autrement dit, à partir d’avril 2009, GDF SUEZ commence à compenser les pertes de marges subies. L'estimation des "gains" mensuels de GDF SUEZ est en moyenne 18 M€ par mois entre avril et octobre 2009. Figure 43. Ecarts mensuels entre les revenus et les coûts 40 20 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 -40 sept.-03 -20 mai-03 0 janv.-03 Ecarts mensuels sur la marge de GDF SUEZ [Millon €] 60 -60 -80 -100 -120 -140 Ecarts mensuels de la marge [Million €] Source : Microeconomix L'étape suivante consiste à regarder si les décalages mensuels se compensent sur l’ensemble de la période étudiée. La figure 44 présente les écarts cumulés entre les tarifs réglementés effectivement appliqués et les tarifs qui auraient résulté d'une application stricte de la formule d'indexation. Si l’on considère que le système tarifaire était à l’équilibre en 2003, nous observons que les pertes cumulées augmentent fortement à partir de l’année 2004 et atteignent environ 880 M€ en décembre 2006. Elles commencent ensuite à diminuer dès le début de l’année 2007 et se stabilisent au premier semestre 2008. Pour le second semestre 2008, nous observons un accroissement des pertes cumulées pour GDF SUEZ qui atteignent leur maximum en mars 2009 (environ 1 milliard d'euros). Au mois de septembre 2009, la perte cumulée subie par GDF SUEZ, par rapport à une situation qui se P a g e | 121 caractériserait par un maintien de sa marge sur l'ensemble de la période à son niveau de 2003, atteint 900 M€. Figure 44. Différence cumulée de variation du revenu et variation des coûts (formules) 40 sept.-09 mai-09 janv.-09 sept.-08 mai-08 janv.-08 sept.-07 mai-07 janv.-07 sept.-06 mai-06 janv.-06 sept.-05 mai-05 janv.-05 sept.-04 mai-04 janv.-04 sept.-03 -200 mai-03 0 20 0 -20 -400 -40 -600 -60 -80 -800 -100 -1000 -120 -1200 Ecarts mensuels sur la marge [Million €] 60 janv.-03 Ecart cumulé de la marge [Million €] 200 -140 Ecarts mensuels de la marge [Million €] Ecart cumulé de la marge [Million €] Source : Microeconomix Ces chiffres peuvent être comparés à ceux donnés par GDF SUEZ dans ses rapports financiers. Le tableau 30 compare les résultats de nos calculs et les chiffres avancés par GDF SUEZ dans ses différents rapports annuels. Nos estimations tendent à réduire l'ampleur du montant des pertes avancées par GDF SUEZ, sans remettre en question leur existence. Tableau 30. Pertes ou gains en raison de l’évolution des tarifs administrés au regard de l’évolution des coûts d’approvisionnement Année 2004 2005 2006 2007 2008 Total Résultats Chiffres avancés par de Microeconomix GDF SUEZ - 271 M€ - 130 M€ - 302 M€ - 370 M€ - 304 M€ - 511 M€ + 196 M€ + 84 M€ - 267 M€ - 679 M€ - 948 M€ - 1 606 M€ Source : Microeconomix et GDF SUEZ P a g e | 122 4.3 Conclusions L'écart observé entre les évolutions des tarifs réglementés effectivement mises en œuvre et celles qui auraient résulté de la stricte application de la formule d'indexation est à l'origine de décalages qui peuvent avoir un impact positif ou négatif sur les marges de GDF SUEZ. Ces décalages suivent un cycle : les écarts sont tour à tour positifs puis négatifs selon les périodes. Cet effet cyclique produit donc un effet de compensation (partiel) inter-périodes, qui doit être pris en compte lors de la discussion sur le niveau des tarifs pour une période donnée. Pour la période étudié 2003-2009 nous constatons que ces décalages ne se sont pas compensés. GDF SUEZ a subi des pertes de marge (par rapport à son niveau de 2003) durant les années 2004, 2005 et 2006 résultant de la faible augmentation des tarifs réglementés qui n'a pas compensé la hausse des coûts d'approvisionnement. A l'inverse, en 2007, GDF SUEZ réalise un gain qui vient partiellement compenser les pertes cumulées à la fin de 2006. Ces gains ne permettent pas de rétablir l’équilibre en termes de revenus et coûts d’approvisionnement. L'absence d'ajustements tarifaires entre les mois de septembre 2008 et d'avril 2009 a conduit GDF SUEZ à supporter des nouvelles pertes. Nos estimations indiquent qu'au mois d’avril 2009 GDF SUEZ commence à récupérer ses pertes cumulées malgré l'ajustement à la baisse des tarifs. Ces résultats sont cohérents à ceux présentés dans la section 3 (3.2.4. et 3.2.5.) fondés sur les comptes de GDF SUEZ montrant que la marge d’exploitation de GDF SUEZ diminue successivement en 2004, 2005 et 2006 puis elle remonte en 2007 et diminue à nouveau en 2008. Soulignons que les résultats que nous avons présentés doivent être utilisés avec prudence compte tenu des hypothèses qu'il a été nécessaire de faire. Premièrement, nous avons supposé que la situation était en équilibre en 2003. Cette hypothèse de détermine l’aspect positif ou négatif de la différence entre les tarifs réglementés et le coût d’approvisionnement (et surtout la position de gagnant ou perdant de GDF SUEZ). La formule d’indexation étant définie par rapport aux variations de coût (et non pas en termes absolus), il est de prendre arbitrairement une situation servant de point de référence. Notons que, même si cette hypothèse se révélait fausse (autrement dit si le système n’était pas en équilibre en 2003), nos résultats resteraient valables en termes dynamiques et les signes de différences entre tarifs et coûts devraient alors être considérés par référence à la situation initiale. Dans ce cas, une perte de GDF SUEZ pourrait simplement correspondre à une diminution de sa marge constatée par rapport à la situation initiale. P a g e | 123 Deuxièmement, nous avons supposé que la formule d'indexation rendue publique par la CRE en 2009 représentait correctement les évolutions du coût unitaire d’approvisionnement pour toute la période d’étude. Il est important de remarquer ici que cette formule n’a été validée par la CRE que les années 2006, 2007 et 2008. En outre, la CRE a elle-même constaté des erreurs de l’ordre de 200 M€, ce qui n'est pas négligeable compte tenu des montants estimés des pertes cumulées. Finalement, soulignons que nos résultats n'intègre pas d'actualisation financière des flux monétaires. P a g e | 124 5 Conclusion générale La libéralisation par étapes des marchés du gaz induit la coexistence temporaire de structures anciennes et nouvelles. Au niveau des prix, le marché de détail combine un système de prix libres et un système de tarifs réglementés. La coexistence des deux régimes s'explique par le double objectif du gouvernement français. D’une part, l’objectif de service public énergétique a poussé les autorités françaises à conserver une réglementation des tarifs en vue d’assurer un niveau du prix de l’énergie – ici, le gaz naturel – acceptable pour des consommateurs particuliers. D’autre part, l’objectif de libéralisation du marché implique que l’ensemble des prix sur les marchés de détail constituent de bons signaux de nature à assurer la concurrence entre fournisseurs tout en informant le consommateur du coût réel de sa consommation. Dans ce contexte, le niveau des tarifs réglementés détermine donc également la capacité des fournisseurs à se concurrencer ainsi que l’équilibre économique de GDF SUEZ en tant que fournisseur de gaz aux tarifs réglementés. Si les tarifs réglementés sont trop élevés par rapport à ses coûts, GDF SUEZ bénéficie d'une rente d’origine réglementaire, même si elle est théoriquement limitée par la concurrence des fournisseurs alternatifs. Si les tarifs réglementés sont trop faibles au regard de ses coûts, GDF SUEZ supporte une perte ; la concurrence entre les différents fournisseurs est faussée puisque ces derniers ne peuvent aligner leurs prix au niveau – trop bas – des tarifs réglementés ; le signal-prix envoyé aux consommateurs ne reflète pas correctement les coûts. Dans ce contexte, il est essentiel de s'interroger sur les modalités d’ajustement des tarifs réglementés du gaz naturel aux coûts supportés par GDF SUEZ. Compte tenu de l'importance du coût de la matière première et de sa forte variabilité au cours du temps, nous avons analysé en détail la manière dont les ajustements des tarifs réglementés suivent les évolutions des prix d'achat de la molécule. Les tarifs réglementés évoluent principalement pour répondre à l’évolution du prix des produits pétroliers, qui déterminent le prix payé par GDF SUEZ dans le cadre de ses contrats d'approvisionnement de long terme. Les deux exercices d'évaluation que nous avons menés mettent en évidence les impacts des décisions d'évolution des tarifs réglementés du gaz naturel sur la rentabilité de l'activité de fourniture de gaz naturel aux clients résidentiels. Nos résultats sont les suivants : P a g e | 125 - les évolutions des tarifs réglementés sur la période 2003-2008 n'ont pas été suffisantes pour compenser intégralement la hausse des coûts d'approvisionnement de GDF SUEZ. - il en résulte une baisse de la marge brute réalisée par GDF SUEZ sur les ventes aux clients résidentiels, et plus généralement sur les ventes aux tarifs réglementés. - nous mettons en évidence des pertes nettes probables subies par GDF SUEZ lors des périodes de hausse de ses coûts d'approvisionnement. A l'inverse lors des périodes de baisse de ses coûts d'approvisionnement, GDF SUEZ peut réaliser des gains. L'alternance de périodes de gains et de pertes ne conduit pas forcément à un équilibre à plus long terme. - GDF SUEZ a été perdant pendant les années 2004, 2005 et 2006 étant donnée la faible augmentation de tarifs comparée à une forte augmentation des coûts d’approvisionnement. La différence s’est inversée en 2007 étant donnés la diminution du coût d’approvisionnement et le maintien constant des tarifs. L’impact positif de 2007 n’a pas été suffisant pour compenser les impacts négatifs de 2004-2006. L’absence d’ajustement tarifaire à partir de septembre 2008 a de nouveau placé GDF SUEZ en situation de pertes. La baisse tarifaire de 2009 a été moins forte que la baisse des coûts d'approvisionnement, ce qui a permis à GDF SUEZ de commencer à compenser les pertes qu'il a subies entre 2004 et 2008. Le système d’ajustement tarifaire est donc imparfait, notamment de 2003 à 2008. Cette imperfection tient principalement à la non-application de la formule d’indexation selon la modalité définie (application trimestrielle de la formule actuelle). En tendance, les tarifs augmentent moins vite que le prix de la matière première lorsque celui-ci augmente, et diminuent moins rapidement que le prix de la matière première lorsque ceux-ci diminuent. Ce résultat central éclaire le débat sur l’équilibre économique de la vente de gaz naturel aux tarifs réglementés. Concernant l’équilibre économique entre les coûts de fourniture du gaz naturel et les tarifs réglementés, les imperfections d’ajustement peuvent être vues comme un mécanisme de compensation entre les périodes de baisse des cours et les périodes de hausse des cours. L’imperfection des ajustements tarifaires profite tantôt à GDF SUEZ, tantôt aux consommateurs. Il P a g e | 126 n'est donc pas possible de porter un jugement sur l'adéquation des tarifs aux coûts en n'observant qu'une très courte période, puisque le mécanisme d'ajustement est à l'origine de transferts importants entre différentes périodes temporelles. Autrement dit, GDF SUEZ ne peut pas blâmer la lenteur de l’ajustement des tarifs sur la seule base de ses pertes en 2006 sans considérer les gains que cette lenteur d’ajustement lui procure en 2007. Inversement, l’absence de baisse suffisante des tarifs lors de l’hiver 2008 – 2009 doit être évaluée au regard des pertes cumulées et supportées par GDF SUEZ entre 2004 et 2008. Même si l’alternance de phases de gains et de pertes peut assurer un équilibre économique intertemporel, la pertinence d’un tel mécanisme d’ajustement tarifaire est remise en question. D’une part, le mécanisme actuel crée un effet lissant, il limite les effets des variations brutales des cours de la matière première sur les consommateurs et les entreprises. La succession de gains et de pertes fonctionne comme un mécanisme d’amortissement des chocs exogènes et permet de diminuer les risques pour les consommateurs et pour les entreprises. D’autre part, le mécanisme d’ajustement actuel n’est pas satisfaisant, puisqu’il ne fait que compenser une erreur par une autre erreur. Cette succession d’erreurs crée une confusion dans le débat public et dans les comptes économiques. De plus, ce mécanisme fausse la fiabilité des signaux en prix donnés par le marché, et empêche ainsi les acteurs, du côté de l’offre comme du côté de la demande, d’ajuster efficacement leurs comportements. Du côté de la demande, les consommateurs ne sont pas incités à ajuster leur choix initial de source d’énergie ou leur niveau de consommation au prix de marché du gaz naturel. Du côté de l’offre, les tarifs faussent la concurrence et ne permettent pas aux fournisseurs alternatifs d’évaluer correctement leur rentabilité espérée. Une révision des modalités d’ajustement des tarifs qui tiendrait compte de l’arbitrage entre les effets positifs et négatifs mentionnés ci-dessus pourrait ainsi être envisagée. La question ne concerne pas seulement l’application discrétionnaire d’une formule d’indexation par les pouvoirs publics, mais aussi les modalités d’application de la formule elle-même. La définition d’une formule d’indexation assurant le maintien des propriétés du système actuel en termes d’amortissement aux chocs exogènes est envisageable à condition que ladite formule soit appliquée de manière systématique. P a g e | 127 P a g e | 128 Glossaire133 CRE La Commission de Régulation de l’Energie est une autorité administrative indépendante. Elle a été mise en place pour la régulation de l’électricité par la loi du 10 février 2000. Ses compétences ont été élargies au secteur du gaz par la loi du 3 janvier 2003. Elle a pour mission essentielle de veiller à la mise en œuvre effective de l’accès aux infrastructures électriques et gazières dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Elle veille, depuis la loi du 7 décembre 2006, au bon fonctionnement des marchés du gaz et de l’électricité. Gaz naturel Le gaz naturel est principalement composé de méthane (CH4). GNL – Gaz Naturel Liquéfié Gaz naturel mis en phase liquide par l’abaissement de sa température à -162°C permettant de réduire 600 fois son volume dans le but principal de permettre son transport par des navires méthaniers. GPL – Gaz de Pétrole Liquéfié Mélange d'hydrocarbures légers stocké à l'état liquide et issu du raffinage du pétrole (40 % des ressources mondiales) et plus généralement du traitement du gaz naturel (60 % des ressources mondiales). Le GPL est composé d’environ 80 % de butane (C4H10) et 20 % de propane (C3H8) Hub gazier Point de jonction d’un réseau de transport où arrive le gaz en provenance de plusieurs sources et qui offre la possibilité physique d’échanger des volumes de gaz entre ces sources et les marchés finaux. Méthanier Navire transportant dans ses soutes du gaz naturel liquéfié refroidi à -162°C. Point d’échange de gaz (PEG) Point virtuel, rattaché à une zone d’équilibrage, où un expéditeur peut céder du gaz à un autre expéditeur. Réseau de distribution Réseau destiné à la distribution du gaz naturel (à moyenne ou basse pression) à l’intérieur d’une région délimitée ou d’une entreprise. Réseau de transport Réseau servant à acheminer l’énergie à haute pression ( > 60 bars) vers les réseaux de distribution situés en aval. Terminal méthanier Installation portuaire, avec installations annexes, destinées à accueillir des navires transportant du gaz naturel liquéfié (GNL). 133 Source : GDF SUEZ, CRE P a g e | 129 Unités de conversion 1 tep = 42 GJ (Gigajoule) 1000 m3 de gaz naturel = 0,85 tep 1 kWh = 3,6 MJ (Mégajoules) Zone d’équilibrage Ensemble comprenant des points d’entrée, des points de livraison et un point d’échange de gaz, au sein duquel l’expéditeur doit assurer un équilibrage. P a g e | 130 Bibliographie BEPH (2007). Bilan annuel 2007 Chevalier, J.M. & J. Percebois (2008). Gaz et électricité un défi pour l’Europe et pour la France. Rapport du Conseil d'Analyse Economique. Conseil de la Concurrence (2007). Avis n°07 – A – 08 du 27 juillet 2007 relatif à une demande du Conseil d’Etat à propos des tarifs de vente du gaz naturel en distribution publique de Gaz de France. CRE (2005). Rapport d’activité 2005. CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur le projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 16 juin 2005 relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution. CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1er septembre 2005. CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1er juillet 2005. CRE (2005). Avis de la Commission de régulation de l’énergie sur l’évolution des tarifs gaziers en distribution publique au 1er novembre 2005, 27 octobre 2005. CRE (2006), Avis relatif au projet d’arrêté modifiant l’arrêté du 16 juin relatif aux prix de vente du gaz combustible vendu à partir des réseaux publics de distribution, 28 avril 2006. CRE (2006). Rapport d’activité 2006. CRE (2006). Communication de la CRE sur l'audit de la formule servant de base au calcul de l'évolution des tarifs de vente de gaz naturel sur les réseaux de distribution publique. CRE (2006). Proposition tarifaire de la Commission de régulation de l’énergie du 10 novembre 2006 pour l’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel. CRE (2007), Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 27 décembre 2007 sur l’évolution des tarifs de vente de gaz en distribution publique de Gaz de France au 1er janvier 2008. CRE (2007). Avis du 17 avril 2007 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vent de gaz naturel en distribution publique de Gaz de France. CRE (2008). Consultation publique sur les principes de régulation des terminaux méthaniers, 22 juillet 2008. CRE (2008). Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 11 août 2008 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vent de gaz naturel en distribution publique de Gaz de France, 11 août 2008. CRE (2008). Délibération de la CRE du 17 décembre 2008 portant avis sur la nouvelle formule servant de base au calcul de l’évolution des tarifs réglementés de vente de gaz naturel de GDF Suez. P a g e | 131 CRE (2008). Proposition tarifaire de la Commission de régulation de l’énergie du 10 juillet 2008 pour l’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel. CRE (2008). Rapport d’activité 2008. CRE (2009). Observatoire des marchés de l'électricité et du gaz, 4ième trimestre 2008. CRE (2009). Communiqué de presse "La CRE publie la formule de calcul de l’évolution des coûts d’approvisionnement de GDF SUEZ". CRE (2009). Avis de la Commission de régulation de l’énergie du 26 mars 2009 sur le projet d’arrêté relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique de GDF Suez. Durieux, B, J.L. Chevallier & B. Brochand (2006). Rapport de la commission chargée d’une mission de réflexion sur les tarifs du gaz. Durup, J. (2001). Principe de stockage du gaz naturel dans des cavités salines. DGEMP (2008). Statistiques 2007 de l’industrie gazière en France. Eurogaz (2007). Long Term Outlook to 2030. Faïd, K. & J.P. Favennec (non daté). Prix du gaz et prix du pétrole : vers le découplage. Gaz de France (2003). Comptes sociaux 2003. Gaz de France (2004). Comptes sociaux 2004. Gaz de France (2005). Document de référence 2005. Gaz de France (2006), Comptes annuels GDF SA exercice 2006. Gaz de France (2006). Document de référence 2006. Gaz de France (2007). Document de référence 2007. Gaz de France (2007). Rapport financier 2007. Gilardon, A. (2008). 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