L`intelligence émotionnelle : « une cadre attitude » pour l`évaluation

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Université de Provence
Aix-Marseille I
Département des Sciences de l’Éducation
Centre de Lambesc
Hôtel Dieu, 1 Avenue de Verdun 13410 Lambesc
Master 2
« Formation et Encadrement dans le secteur Sanitaire et le Travail Social »
En partenariat avec l’Institut de Formation des Cadres de Santé de
Montpellier Section Rééducation
Année 2005 – 2006
Frédéric SOLER
Mémoire Master 2
L’intelligence émotionnelle : « une cadre
attitude » pour l’évaluation des
personnels hospitaliers
Sous la direction de Monsieur Franck GATTO
Professeur Associé, HDR
1
REMERCIEMENTS
A Monsieur Franck GATTO
Kinésithérapeute
Docteur en Science de l’Éducation
Habilitation à Diriger les Recherches en Sciences de l’Éducation
P.A.S.T à l’Université de Provence, Aix-Marseille I
Vous nous faites l’honneur de présider ce jury, permettez nous de vous
assurer de notre sincère reconnaissance pour la qualité de votre
guidance, pour votre soutien et pour tous les précieux conseils que vous
nous avez prodigué tout au long de ce travail, qui est aussi le votre.
A Monsieur Jean-Luc GERARDI
Directeur de l’Institut de Formation des Cadres de Santé
Section Rééducation, Montpellier
Doctorant en Sciences de l’Éducation, (Université de Provence, Aix-Marseille I)
Nous vous remercions pour vos précieux conseils méthodologiques tout
au long de ce travail et d’avoir cordialement accepter de faire partie de
notre jury de mémoire.
A Monsieur Eric PASTOR
Kinésithérapeute
Cadre de santé
Doctorant en Sciences de l’Éducation, (Université de Provence, Aix-Marseille I)
Nous vous remercions d’avoir bien voulu accepter de siéger à notre jury
de mémoire.
Nos remerciements vont également à tous les enseignants de l’Université de Provence,
Centre de Lambesc, qui ont fait le déplacement sur Montpellier afin que nous puissions suivre
dans les meilleures conditions un enseignement de qualité.
Un profond remerciement à tous mes ami(e)s de promotion sans qui cette belle aventure
n’aurait pas eu la couleur du bonheur d’apprendre par l’échange.
Enfin, à toutes les personnes, techniciens de laboratoires, infirmiers, cadres de santé,
cadres supérieurs de santé qui ont accepté de collaborer à cette étude.
2
« Vous êtes l’expression de votre plus profond désir
Tel est votre désir, telle est votre volonté
Telle est votre volonté, tels sont vos actes
Tels sont vos actes, telle sera votre destinée. »
Brihadaranyaka Upanishad IV. 4.5
3
SOMMAIRE
1) Introduction
1
1.1) Parcours Professionnel
1.2) Le projet de formation
1.3) Le projet professionnel
1.4) Le contexte
1.4.1) Le rôle du cadre de santé
1.4.2) Les missions du cadre de santé
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1.5) L’enquête exploratoire
1.5.1) L’objectif
1.5.2) Le terrain d’enquête et la population
1.5.3) Le choix de l’outil
1.5.4) Analyse des résultats et conclusion
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2) Problématisation pratique
2.1) Le concept d’évaluation
2.2) Le concept des compétences émotionnelles dans le champ de l’évaluation
2.3) Le cadre réglementaire de l’évaluation
3) Problématisation théorique
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3.1) Les modèles de l’évaluation
3.1.1) L’évaluation – mesure
3.1.2) L’évaluation – gestion
3.1.3) L’évaluation - problématisation
3.1.4) Les cibles de l’évaluation
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3.2) Les postures
3.2.1) La posture professionnelle selon Ardoino
3.2.2) De l’Agent à l’Auteur
3.2.3) Des postures porteuses de sens
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3.3) L’intelligence émotionnelle
3.3.1) L’objet « émotion »
3.3.2) Les liens entre émotion et pensée
3.3.3) Les liens entre émotion et relation
3.3.4) Les liens entre émotion et communication
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3.4) Synthèse de la problématisation théorique
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4) Problématique méthodologique
4.1) Les différentes méthodes de recherche
4.2) La méthode clinique
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5) Dispositif de recherche
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5.1) L’entretient semi directif
5.2) L’outil
5.2.1) Le guide d’entretien
5.2.2) Les limites de l’outil
5.2.3) La posture du chercheur
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5.4) Le terrain et la population
5.5) L’entretien
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6) Traitement des données
6.1) La grille de lecture théorisée de l’entretien
6.2) Analyse de contenu
6.3) Interprétation clinique
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7) Discussion
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8) Conclusions et perspectives
8.1) Conclusion
8.2) Perspectives
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Bibliographie
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Glossaire
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Sommaire des annexes
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5
1) Introduction
1.1) Parcours Professionnel :
En préambule à mon parcours professionnel, et pour mieux appréhender cette
discipline qu’est la biologie médicale, un bref rappel historique peut donner un éclairage
particulier sur cette profession de santé. D’ailleurs, celle-ci n’en demeure pas moins être au
service du patient que se soit lors de la phase pré analytique (lors du prélèvement sanguin) ou
que ce soit dans le traitement des examens biologiques et le diagnostic (conduite
thérapeutique à tenir). Remontons le temps…
Née sous l’antiquité grecque, la biologie est longtemps restée à un niveau descriptif.
Au cours du 20ième siècle, elle s’est développée à un rythme effréné après l’introduction de
nouvelles techniques et de nouveaux instruments. Cette évolution doit également beaucoup
aux interactions entre disciplines à l’origine indépendantes : Biologie, Chimie, Physique,
Informatique entre autres.
Dans les années 1930, les laborantins étaient des infirmiers spécialisés, formés sur
place dans les laboratoires situés au sein de certains services cliniques.
1960 : La spécialisation progressive du travail et l’augmentation de l’activité des
différents laboratoires entraînent la mise en place de formations spécifiques des laborantins.
En 1965 sont créés les premiers diplômes concernant cette profession :
Brevet de Technicien Supérieur.
Diplôme Universitaire de Technologie.
Puis 1967 mises en place des Ecoles de Laborantins d’Analyses Médicales (ELAM)
qui s’ouvrent et préparent à l’obtention d’un Diplôme d’Etat donnant accès aux fonctions de
Technicien de Laboratoire.
Pour ma part, j’ai obtenu mon Diplôme d’Etat à l’Ecole de Laborantins d’Analyses
Médicales en 1987 (Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier) après un Baccalauréat
(F7) Analyses Biologiques, option Biochimie, obtenu en 1985 au Lycée Technique Jean
Mermoz de Montpellier.
La chronologie décrite ci-dessus n’est pas exhaustive et n’indique pas que le
technicien de laboratoire est un acteur à part entière dans la chaîne du soin. Ni que sa
formation lui confère des capacités d’adaptation aux diverses filières de sa profession
(recherche appliquée, laboratoire d’analyses médicales, d’analyses des eaux…). Mais son
1
environnement « le laboratoire » est une organisation à part entière de l’infrastructure
hospitalière.
Cette profession nécessite de la part du sujet non seulement un esprit de synthèse et
d’analyse mais également un comportement collectif et / ou individuel, c'est-à-dire qu’en
fonction de la spécialité du laboratoire (Bactériologie, Hématologie, Biochimie,…etc.) et du
traitement des analyses (urgentes, de routines…etc.), l’agent peut être amené à travailler en
équipe, en binôme ou seul. Dans la formation de base, on ne nous prépare pas à la culture du
« don de soi » telle qu’elle peut être donnée aux autres professions paramédicales, comme les
professionnels de l’acte de soins. Nous sommes loin, dans la démarche de soins, du patient et
de sa réalité.
La polyvalence du technicien de laboratoire s’est progressivement transformée,
notamment depuis l’approche globalisée de la biologie médicale. Elle a permis l’émergence
de nouvelles fonctions soit très spécialisées, soit au contraire, transversales et générales. A ces
nouveaux métiers correspondent des besoins de formation nouveaux. On peut essayer de
classer les nouvelles fonctions de la façon suivante : assurance qualité, optimisation de la
gestion des moyens matériels, développement d’activités nouvelles, activités spécialisées.
Le profil professionnel du technicien de laboratoire correspondant à ces nouvelles
fonctions demande une formation biologique essentielle (expertise) et parfois une formation
complémentaire spécialisée (cytométrie en flux, biologie moléculaire, …) acquise par la
formation continue des personnels tout au long de leur carrière professionnelle, grâce au plan
de formation de l’établissement. « Cela permet de mieux remplir les rôles sociaux que chacun
est amené à exercer, d’accroître ses connaissances et savoir-faire, d’un peu mieux se
connaître soi-même à travers telle ou telle situation » (Vincent, 2002).
Témoin de l’évolution technologique, de la disparition progressive des laboratoires
polyvalents en regroupement d’unités spécialisées de taille importante, et, sans vouloir
généraliser, nous avons remarqué que l’esprit d’équipe et la disponibilité de certains
personnels est actuellement en régression et nous fait penser à une baisse de la motivation
ainsi qu’à la formation d’une fissure au sein des groupes de travail. Cette remarque n’est que
le reflet d’un constat personnel durant notre activité professionnelle.
Cette fragmentation dans les rapports humains observés localement, met à jour une
insatisfaction de plus en plus croissante des personnels.
Fort de ce constat et vivement intéresser par le management, en 2002, j’ai intégré,
l’Institut de Formation des Cadre de Santé (I.F.C.S) de l’Assistance Publique – Hôpitaux de
Marseille. Cette école des cadres, ayant depuis une décennie un partenariat avec la Faculté des
2
Sciences Economiques et de Gestion de l’Université d’Aix-Marseille II, m’a permis de
préparer à la fois mon diplôme cadre de santé mais aussi une licence Administration,
Economie et Social (AES) option « Ressources Humaines », dont je mets a profit, tous les
jours les enseignements. Car depuis 2004, j’occupe un poste de cadre de santé au Laboratoire
d’Hématologie du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Montpellier.
Toujours avide de parfaire mes connaissances, j’ai saisi l’opportunité qu’il m’était
donné de m’inscrire auprès de l’Institut de Formation des Cadre de Santé de Montpellier,
Section Rééducation, en Master 2 « Formation et Encadrement dans le secteur Sanitaire et le
Travail Social » qui a un partenariat avec l’Université de Provence, Aix-Marseille I,
(Département des Sciences de l’Éducation, Centre Lambesc).
L’apport des contenus théoriques et des savoirs expérientiels liés aux intervenants et
aux autres étudiants venant de professions différentes de la mienne (des kinésithérapeutes
travaillant soit dans le privé, soit en milieu public ; des ergothérapeutes, des infirmières, des
orthoprothésistes…) m’ont permis de travailler à mon projet de formation qui s’inscrit dans
mon projet professionnel.
1.2) Le projet de formation :
La définition du projet proposé par le petit Robert renvoie à des notions aussi
différentes que l’intention ou le programme. Il peut donc être appréhendé soit comme une
intention de réaliser quelque chose, soit comme la programmation précise de cette intention. Il
s’agit souvent d’un choix délibéré, déterminé par des valeurs fondamentales pour l’individu.
La diversité des projets qui ponctuent notre vie, nous introduit dans un univers souvent
opaque, celui des ambitions chargées d’infléchir une réalité complexe. Selon Boutinet (2001),
étymologiquement, le mot projet vient du latin pro : en avant et jacere : jeter. D’un point de
vue philosophique, pour Heidegger (cité par Boutinet, 2001), le projet sera ce qui permettra
de dévoiler l’essence même de l’homme. L’homme se révèle dans le projet qui se veut lui
même compréhension de l’existence. « Tout projet de l’Etre-là vers ses responsabilités
anticipe déjà une compréhension de l’Etre ». En ce sens, « le projet va avec une conception
de l’humain comme vie d’emblée inscrite dans le changement. Etre homme, c’est être en
éternel devenir » (Vial, 1995, p. 8).
Nous touchons là, la raison d’être de ma démarche. Je l’envisage comme une intention
de réaliser quelque chose, d’être précisément dans la programmation de cette intention. C’est
une attitude délibérée, sous-tendue par des valeurs fondamentales qui me guident et me
poussent à aller de l’avant. Nous retrouvons-là le double sens du projet mis en lumière par
3
Ardoino (1986, pp. 23-26), « le projet est tout d’abord une intention philosophique ou
politique, une visée, affirmant, de façon quelque peu indéterminée, indéfinie, si ce n’est
infinie, des valeurs en quête de réalisation ».
Il privilégie l’anticipation. Il nous donne envie de faire avant et pendant. Pour résumer
la pensée de l’auteur, le projet s’articule autour de deux dimensions :
Celle de projet visée, représentant tout ce qui est de l’ordre de l’indéterminé, le
désir, l’opacité, l’imprévu, l’imaginaire, le rapport aux valeurs, le « pourquoi » du projet.
Et celle du projet programmatique traduisant une anticipation stratégique, une
planification, le contrôle, le « comment » du projet. Si elles semblent contradictoires, toutes
deux sont indissociables et contribuent par leur conjugaison au bon déroulement du projet.
Ainsi, le projet s’inscrit dans la temporalité, il est réajusté en fonction des circonstances. Il
engage un processus, celui de l’individu. Le projet peut aussi être envisagé comme une
démarche individuelle, mais aussi comme une démarche personnelle dans un projet collectif,
car l’homme est un acteur social qui va apprendre par la négociation, les relations de pouvoir,
à se doter de priorités. Donc, le développement de nouvelles postures, dans l’évaluation des
personnels par les cadres de santé, peut permettre de favoriser la responsabilisation et
l’autonomisation des agents au sein de rapports sociaux mieux compris et mieux gérés.
C’est dans cette perspective de changement de paradigme que j’entrevoie l’intérêt des
Sciences Humaines et qu’une formation centrée davantage sur un modèle plus réflexif dans
lequel une logique de compréhension des comportements humains doit me permettre
d’aborder mon projet professionnel de manière à convoquer de nouvelles habilités dans la
conduites des hommes. Il est important de différencier le projet de formation du projet
professionnel car si le premier s’inscrit dans l’ici et le maintenant, le second s’inscrit dans des
orientations à long terme, sans oublier que « le projet de formation est au service du projet
professionnel » (Vial, 2000, p. 45).
1.3) Le projet professionnel :
Selon Vial (1995, p. 147), « Toute la complexité du projet professionnel s’exprime, en
effet, dans ce pas de deux où chacun va à la rencontre de l’autre : la société avec ses
institutions (l’Ecole, le Travail), et l’individu avec sa singularité (ses besoins personnels, ses
désirs, ses attentes, ses goûts.) ».
Mon projet professionnel s’est construit pendant ma formation de cadre de santé et a
évolué tout le long de mon expérience professionnelle. Persuadé qu’un autre chemin existait
4
dans le management des équipes, je me suis vivement intéressé au concept « d’intelligence
émotionnelle » et de son intérêt, notamment dans « la posture » des cadres de santé en
situation « d’entretien annuel d’évaluation ».
Aujourd’hui, le défi auquel sont confrontées les entreprises du monde entier est
précisément de cultiver la compétence émotionnelle de leurs dirigeant, clé de résonance
collective et de l’épanouissement individuel.
Mais avant cela, la réalité du terrain nous interpelle et l’on constate une fragmentation
dans les rapports humains. Notamment, lors de l’entretien annuel d’évaluation des personnels
hospitaliers. Celui-ci s’apparente parfois à un moment particulier, où chacun règle ses
comptes dans un rapport dichotomique « évalué – évaluateur ». Ici, la charge émotionnelle
est perceptible et selon la posture du cadre de santé, l’entretien annuel d’évaluation prend
une dimension conflictuelle.
1.4) Le contexte :
Selon Gérard Vincent, délégué général de la Fédération Hospitalière de France, (cité
par Abbad, 2001), « Rien n'est plus compliqué que de gérer les ressources humaines. Mais si
difficile que soit ce domaine, il n'en demeure pas moins aussi beau qu'essentiel car, en
touchant aux personnes mêmes, il touche la raison d'être de l'hôpital ».
Cette citation corrobore le fait que les personnels représentent la première richesse de
l’hôpital. De plus, la sociologie des organisations affirme que les leviers du changement sont
ceux qui s’organisent autour de l’individu. Malgré ces certitudes, les rapports récents sur
l’organisation du travail à l’hôpital démontrent une profonde frustration des professionnels,
un sentiment de non reconnaissance et d’impuissance à faire face aux contraintes de la
fonction publique hospitalière, aujourd'hui.
En effet, anticiper le choc démographique est une réelle opportunité pour adapter les
ressources humaines aux missions et priorités des institutions, pour développer les
compétences des individus et maintenir la motivation de chacun. La diminution des durées
moyennes de séjour, l’augmentation de la charge en soins, la tarification à l’activité forcent à
repenser aux moyens humains et aux compétences nécessaires pour obtenir une organisation
efficiente, performante et réactive.
Les restructurations du paysage hospitalier, l’évolution des technologies et des
pratiques obligent l’hôpital à l’évolution de ces missions, à l’adaptation de la réponse en soins
aux besoins réels de la population, dans un environnement sanitaire défini. L’évolution de
l’état de santé de la population, l’émergence de nouvelles maladies, l’évolution de
5
l’information et des droits des personnes soignées impliquent directement la qualité du service
rendu, l’acquisition de nouvelles compétences.
Pourtant, face à cette mouvance, les rapports font le constat d’une forte rigidité en
matière de gestion des personnels, notamment en matière d’évaluation des compétences,
d’implication et d’intéressement des individus au travail. Le dispositif administratif
d’évaluation des personnels est jugé infantilisant, peu pertinent, peu responsabilisant, peu
motivant car basé essentiellement sur la progression de carrière et la gestion des
rémunérations dans un cadre législatif rigide.
Malgré les incitations législatives de la loi hospitalière de 1991, puis les obligations de
développer les dispositifs d’évaluation dans les ordonnances d’avril 1996 et notamment au
travers de la procédure d’accréditation, force est de constater que la culture de l’évaluation
tant des pratiques que des compétences n’est pas encore ancrée dans les établissements
hospitaliers.
Longtemps, l’hôpital a représenté un univers où se mêlaient dévouement, souffrance,
espoir et mort ; où le maître mot était la charité. Le poids de l’histoire peut, ainsi, expliquer la
frilosité des hospitaliers à entrer dans une culture du rendement, de l’efficience, de
l’évaluation et de la performance. Ainsi, le paradoxe entre les perpétuelles mutations
conjoncturelles, la lourdeur du système bureaucratique et la lenteur de l’évolution culturelle
amènent à centrer nos préoccupations sur la force vive de l’hôpital : les professionnels.
En effet, les actions portées sur la gestion des ressources humaines ne sont jamais sans
conséquence, du fait du volume qu’elle représente (70 % du budget d’un hôpital) et de la
force d’intervention puissante qu’elle constitue. Cela suppose une conception de la gestion
des ressources humaines plus managériale, où le personnel est considéré comme une source
de performance.
L’évaluation est au service de l’adéquation poste à pourvoir compétences acquises, de
la synergie entre les besoins collectifs de la structure et les besoins individuels de réalisation
personnelle au travail. L’objectif de l’évaluation est de rendre stratégiquement opportun pour
les individus ce qui est souhaitable au niveau opérationnel pour l’établissement. Dans cette
dimension managériale, le rôle du cadre de santé est primordial. Le personnel paramédical
représente, en moyenne, 75 % de la population salariée d’un établissement.
6
1.4.1) Le rôle du cadre de santé :
Nous ne pouvons examiner le rôle du cadre de santé sans évoquer brièvement le texte
réglementant cette profession.
Le cadre réglementaire : « En 2001, les cadres soulignent fréquemment
l’insuffisance des textes législatifs et réglementaires reconnaissant leur rôle dans le
fonctionnement institutionnel des établissements de santé » (Hache & Barberousse, 2001).
En effet, les textes officiels réglementant la fonction de cadre sont restreints.
Le Décret n°95-926 du 18 août 1995, portant création d’un diplôme de cadre de
santé, stipule en annexe I : « Le bon fonctionnement de nos structures de santé, qu’elles soient
hospitalières ou de formation, dépend largement de la place des cadres de santé et de leur
compétences, qui est déterminante pour la qualité des prestations offertes tant aux patients
qu’aux étudiants » (cf. annexe n°1).
Il y est précisé que « de lui dépendent les évolutions de la qualité de la prestation des
soins fournie aux personnes soignées ». Pour remplir cette mission, les cadres de santé et les
cadres supérieurs de santé doivent :
Etre clairement positionnés dans l’institution,
Participer aux prises de décisions institutionnelles,
Disposer de toutes les informations nécessaires pour conduire les équipes dans
la dynamique institutionnelle de projet,
Disposer d’un cadre de référence institutionnel clair et accessible à tous,
Etre accompagné dans leur prise de décisions opérationnelles.
Ainsi, il est rappelé que le cadre exerce ses missions sous l’autorité et par délégation
du Directeur Général de l’établissement dans le respect de l’organigramme de l’équipe de
direction. Il travaille en collaboration étroite et sous l’autorité du Directeur des Soins et du
Cadre Supérieur de Santé. Il respecte l’éthique professionnelle en appliquant les principes
fondamentaux liés au respect de celui qui est au centre de nos préoccupations, le patient.
Manager un laboratoire est un véritable travail qui consiste à conduire une équipe vers une
finalité : « la qualité des prestations dispensées à la personne soignée, en directe relation avec
un prescripteur, les services de soins ». Le but est de permettre à une équipe paramédicale
d’assurer la prise en charge globale des prélèvements de la personne soignée dans un souci
permanent du respect des textes réglementaires (Guide de Bonne Exécution des Analyses) et
de l’amélioration continue de la qualité des prestations.
7
1.4.2) Les missions du cadre de santé :
La gestion des ressources humaines :
Animation des équipes par :
•
L’organisation du travail en équipe et l’élaboration des plannings.
•
L’organisation d’une rotation sur les différents postes de travail afin de
favoriser la polyvalence du personnel et donner de la flexibilité et de la
réactivité au système.
•
Une référence écrite à l’organisation du travail en fonction des horaires et
un listing des postes affectés.
•
La responsabilisation de chaque agent et la délégation de certaines
tâches.
•
La prévention des conflits et la résolution des problèmes, au moment
opportun, avec les agents concernés et le cadre supérieur de santé si
nécessaire.
Evaluation et suivi des compétences de chaque agent par :
•
La mise en place d’une fiche de poste pour chaque agent.
•
Une politique d’évaluation clairement définie au personnel en fonction
d’une grille de référence préparée avant l’entretien.
•
Une politique d’accueil et d’accompagnement des nouveaux agents et un
entretien individualisé pour apprécier l’intégration.
La gestion matérielle et la contribution économique :
Gestion et mise en place d’un suivi de la maintenance et des réparations :
•
Carnet de bord des interventions du service après vente dans le cadre des
contrats de maintenance.
•
Classeur répertoriant les modes opératoires et les valeurs des contrôles de
qualité journaliers.
Commandes adaptées aux besoins et à l’activité du service :
•
Suivi et gestion des stocks en flux tendus.
Entretien des locaux et anticipation sur les réfections :
•
Mettre en place un suivi de l’entretien des locaux ce qui responsabilise
les agents chargés de cette mission (fiche d’exécution du travail
accompli).
•
Programme de rénovation des locaux.
8
La communication et la formation :
Communication avec les différents collaborateurs :
•
Echange d’informations internes grâce à messagerie électronique
« Intranet ».
•
Partage de l’information avec l’équipe lors des réunions de service
(exemple : plan blanc), mise en place d’un cahier de liaisons et tableau
d’affichage (planning, note de service …).
La formation :
•
Le cadre de santé favorise la formation des agents suivant les besoins du
service, les attentes personnelles, ceci en fonction du plan de formation
de l’établissement.
•
Le cadre fait partie de différents comités de pilotage (démarche qualité,
démarche d’accréditation) et, à ce titre, il sensibilise les agents à la
qualité et à la traçabilité.
De plus, le cadre de santé assiste à des réunions programmées avec les autres cadres,
le cadre supérieur, le directeur des soins et les différentes directions. Il peut rencontrer
régulièrement son supérieur hiérarchique lors d’entretiens informels. Ces échanges favorisent
la circulation d’informations ascendantes et descendantes.
En abordant l’ensemble des missions du cadre de santé, nous percevons que sa
responsabilité, dans le bon fonctionnement du service dans lequel il exerce, est très
importante.
Nous prenons conscience que l’implication et la stabilisation du personnel dépendent
en partie de l’organisation à laquelle ils appartiennent et du mode de management du cadre.
Ce dernier se trouve au carrefour d’un système complexe (le rôle du cadre de santé est d’être
l’interface entre les différents protagonistes qui interviennent dans l’environnement
hospitalier). Le cadre de santé a, à sa disposition, toute une gamme d’outils (planning, tableau
de bord, son expertise…) pour manager et asseoir sa position au mieux des intérêts du service
et de la politique (projet de service, développement de nouvelles analyses…) qu’il est sensé
mener en étroite collaboration avec le chef de service.
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Par conséquent, il est chargé :
De définir et adapter une politique d’évaluation des personnels placés sous sa
responsabilité, en collaboration avec son cadre supérieur de santé via le directeur des
soins,
De promouvoir une dynamique de l’évaluation visant à canaliser les énergies sur les
priorités institutionnelles,
D’anticiper les besoins en emplois et compétences,
De stimuler les efforts de professionnalisation,
De mailler les compétences pour améliorer le service rendu aux patients.
Ces dernières années, les directives en matière d’évaluation vont dans ce sens. D’une
part, la mise en place de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et, d’autre
part la formalisation de bilans de compétences des personnels des établissements de la
Fonction Publique Hospitalière, dans l’arrêté du 25 août 2003, sont deux dispositifs
permettant un point d’ancrage à ce vaste projet.
Dès lors, comment comprendre l’inertie opérationnelle face aux évolutions réglementaires
actuelles ?
Est - ce un problème méthodologique, un problème managérial, un problème culturel, un
problème lié aux personnalités des cadres de santé ?
Quelles informations obtenir au moment de l’évaluation et comment les utiliser pour
améliorer le rapport à l’autre ?
Quelle est la posture du cadre de santé, dans ce dispositif d’évaluation ?
Comment créer une congruence entre l’évaluateur et l’évalué afin de permettre que ce
moment privilégié repose sur des notions de partage, de clarté et d’implication des
professionnels de santé ?
Toutes ces questions conduisent à se demander en quoi le dispositif d’évaluation des
personnels contribue-t-il à la gestion des ressources humaines ?
Plusieurs hypothèses sont ainsi à vérifier :
L’évaluation est un processus et un axe clé du management qui s’inscrit dans un souci
de valorisation, de reconnaissance.
Le personnel d’encadrement doit être apte à gérer les difficultés psychosociologiques
de l’entretien.
Ce qui soude les individus au sein d’une équipe et qui les implique dans une entreprise,
ce sont les émotions qu’ils éprouvent.
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1.5) L’enquête exploratoire :
1.5.1) L’objectif :
D’une part, l’objectif de cette étude est de mettre en évidence les ressentis pour
lesquels les professionnels de santé vivent mal l’entretien annuel d’évaluation afin d’établir
une corrélation entre leur vécu et la nécessité de changer de paradigme.
D’autre part, cela permettra d’argumenter et de vérifier si notre ressenti personnel,
basé sur notre expérience professionnelle de dix sept années de terrain, est fondée ou pas.
1.5.2) Le terrain d’enquête et la population :
Nous avons conduit notre étude dans deux services (A et B) d’un Centre Hospitalier
Universitaire de la région Languedoc – Roussillon.
Service A : son effectif en personnel non médical est de 35 agents, d’un cadre de
santé filière médico technique, d’un cadre supérieur de santé et d’un directeur des soins.
Service B : son effectif en personnel soignant est de 5 agents, d’un cadre de santé
filière infirmier, d’un cadre supérieur de santé et d’un directeur des soins.
Notre enquête a été conduite auprès des différents acteurs des deux services. Nous
avons questionné 20 personnes (5 évaluateurs, 15 évalués).
1.5.3) Le choix de l’outil :
Pour mener cette enquête exploratoire, nous avons opté pour le questionnaire à
réponses semi-ouvertes (cf. annexe n°2), afin de laisser l’entière liberté de réponse aux
personnes interrogées. Nous avons conçu l’outil de façon à différencier les questionnaires en
fonction des populations consultées (évaluateurs / évalués). Nos questions visaient surtout à
explorer les pistes sous-tendues par notre ressenti à propos, de cette sensation de décalage,
d’une inadaptation du système actuel d’évaluation des professionnels de santé.
1.5.4) Analyse des résultats et conclusion :
La chronologie des questions de notre enquête exploratoire en fonction des
populations interrogées fait ressortir une somme d’informations fort intéressante :
Pour les évalués : inadéquation entre la note attribuée et les performances, manque
d’information et de disponibilité des cadres de santé. Sauf, pour un groupe d’évalués (5 / 15)
dont le vécu ne présentait pas de ressenti négatif et pour lequel, l’évaluateur montrait une
posture réflexive, propice à une dimension émotionnelle qui convoque un lien préparant à des
actions d’adaptation ou de création.
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Pour les évaluateurs : difficultés psychosociologiques de l’entretien, supports
inadaptés, incohérence dans la procédure d’évaluation et décalage entre la note et
l’appréciation. Sauf, pour le cas cité ci-dessus par un groupe d’évalués, où l’évaluateur vit ce
moment d’échange avec ses agents comme une situation de communication, prise dans un
double mouvement : atteindre certains objectifs tout en créant un climat émotionnel favorable
aux innovations, à la performance et aux relations conviviales avec autrui.
En conclusion, le constat de terrain et les résultats de l’enquête exploratoire laissent
apparaître que le degré de satisfaction des différents acteurs de l’évaluation est au plus bas
pour la plus part des acteurs de terrain. Que le système actuel d’évaluation est inadapté,
désuet, figé, trop scolaire. Que celui-ci est vide de dimension humaine, dogmatique, sans
émotion. Mais des pistes de changement sont perceptibles puisqu’il apparaît un cas isolé qui
prouve que d’autres postures existent face à l’immuable.
Une réflexion et une recherche appuyées sur des faits dans le domaine de l’évaluation
sont ressenties comme indispensables par tous ceux dont la fonction est de faire travailler les
hommes ensembles.
Des préalables sont indispensables à la mise en œuvre de l’évaluation. La mise en
place de cette démarche d’évaluation s’opère nécessairement au travers du processus de
changement de paradigme de la part des acteurs de terrains.
D’une part, les résultats de notre enquête exploratoire menée auprès des évaluateurs et
des évalués, nous permet de déduire que l’ensemble de ces acteurs a une assez bonne lisibilité
de la carence du système d’évaluation des personnels dans le milieu hospitalier.
D’autre part, en résonance avec notre vécu, nous retrouvons dans les réponses des
différentes personnes interrogées, la confirmation de notre ressenti. L’entretien annuel
d’évaluation est un outil inadapté, dans sa forme actuelle, pour la conduite des hommes. La
posture de l’évaluateur et de l’évalué s’influence. La gestion émotionnelle de cet événement
est niée dans la plus part des situations.
A partir des réponses énoncées dans le questionnaire donné aux évalués, nous pouvons
discerner le besoin d’un changement des outils d’évaluation, des postures des évaluateurs, par
un développement aux compétences émotionnelles.
La question essentielle qui se pose alors et à laquelle nous tenterons de trouver une
réponse est : « Comment l’intelligence émotionnelle peut-elle favoriser une nouvelle
posture de l’évaluateur enfermé dans le cadre réglementaire de l’entretien annuel
d’évaluation ? »
12
2) Problématisation pratique
De nombreux écrits témoignent d’une part que l’évaluation du personnel est une tâche
complexe que l’évaluateur exécute davantage par obligation. D’autres écrits indiquent aussi
qu’il est souvent difficile pour un évaluateur de trouver une appréciation qui reflète
fidèlement la valeur de l’agent.
Mais ces écrits soulignent d’autre part que les objectifs des évalués ne sont pas
toujours définis. Les évalués ne sont pas informés de ce que l’on attend d’eux, du résultat
escompté. Le système très scolaire est infantilisant, désuet, rigide, inerte. Les critères sont
vagues et ne prennent pas en compte les réalités du terrain, alors que le principe même de
l’évaluation, c’est de fournir à l’individu les bases lui permettant d’améliorer ses pratiques
professionnelles.
La notation, qui date de 1959, s’appuie sur des critères inappropriés à l’évolution du
système et ne constitue pas un outil dynamique permettant de fixer des objectifs.
L’évaluation est une composante de la gestion des ressources humaines ; cet acte n’est
pas toujours atteint de façon satisfaisante et peut-être frustrant pour les évaluateurs et les
évalués.
Ce constat laisse supposer que les acteurs de l’évaluation éprouvent une insatisfaction
face au mode actuel de l’évaluation.
2.1) Le concept d’évaluation :
L’évaluation : « un processus ». S’interroger sur l’évaluation revient à répondre à la
question : à quoi sert-il d’évaluer ?
Pour Bonniol et Vial, (1997) « évaluer c’est réguler ». Ils ne considèrent pas
l’évaluation comme l’élaboration d’un jugement de valeurs mais comme une articulation
suscitant un aller-retour entre les produits, les procédures et les processus. Ce va et vient, en
favorisant l’ouverture du champ de l’évaluation, permet de « conceptualiser un ensemble
d’éléments contradictoires et complémentaires […] ».
L’évaluation est un cycle en spirale qui s’inscrit dans un processus continu et repose
sur des critères élaborés en commun servant à mesurer des comportements.
L’évaluation est un acte continu contractuel et consensuel facilitant un échange
d’informations entre évaluateur et évalué à partir d’objectifs.
13
L’évaluation : « une démarche ». Leteurtre, (1999), inscrit l’évaluation dans une
démarche itérative, rétroactive, structurée et mobilisatrice partant de la définition d’objectifs ;
de la prescription des activités et des procédures visant à l’atteinte de ces objectifs ; de
l’élaboration d’indicateurs facilitant la mesure des effets de chaque activité.
Une telle démarche d’évaluation qui suscite des interrogations inter- reliées repose sur
des notions de partage, de clarté, d’adaptabilité et de motivation. C’est une démarche qui
favorise l’implication du professionnel ; le champ de l’évaluation se précise et lui confère son
sens et sa cohérence.
2.2) Le concept des compétences émotionnelles dans le champ de l’évaluation :
Les compétences émotionnelles sont une forme de connaissance socialement élaborée
et partagée par la communauté scientifique, avec une visée pratique et concourant à la
construction d’une réalité commune à un ensemble social.
Elle est également désignée comme « intelligence interpersonnelle » ou « intelligence
sociale », « résonance ».
On reconnaît généralement que les compétences émotionnelles en tant que système
d’interprétation régissent notre relation au monde et aux autres ; orientent et organisent les
conduites et les communications sociales.
Elles interviennent dans le processus de la diffusion et l’assimilation de connaissances,
le développement individuel et collectif, la définition des identités personnelles et sociales,
l’expression des groupes et les transformations sociales.
En tant que phénomène cognitif, elles engagent l’appartenance sociale des individus
avec les implications affectives et normatives ; avec les extériorisations d’expériences, de
pratiques, de modèles, de conduites et de pensées.
Ce qui explique que les compétences émotionnelles revêtent une grande importance
dans la vie sociale et apporte un éclairage sur les processus cognitifs et les interactions
sociales. Une réflexion approfondie concernant les compétences émotionnelles des acteurs de
l’évaluation peut conduire à une décision efficace pour améliorer l’existant. Il s’agit de
comprendre la représentation des autres, de façon à élargir notre propre représentation et nous
guider dans notre action.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi le concept qui nous semble le mieux
approprié à notre étude. L’éclairage sur la revue du concept et celui des compétences
émotionnelles permettent d’aborder les réalités du terrain car l’évaluation est un processus et
un axe clé du management qui s’inscrit dans un souci de valorisation, de reconnaissance.
14
Par ailleurs, on constate que l’évaluation du personnel est une préoccupation première
des pouvoirs publics. Les ordonnances de 24 avril 1996, par le biais de l’accréditation, le
prouvent en interrogeant les établissements sur la mise en place de procédures périodiques
d’évaluation du personnel.
2.3) Le cadre réglementaire de l’évaluation :
Du cadre réglementaire du dispositif d’évaluation des personnels de la fonction
publique hospitalière ...
Historique de la réglementation : textes de référence
La loi du 19 octobre 1946 et son décret d’application du 18 août 1949 définissent le
premier statut de la fonction publique et instituent le régime général de notation visant à
apprécier la valeur professionnelle des agents.
L’arrêté du 6 mai 1959 relatif à la notation du personnel des établissements
d'hospitalisation, de soins ou de cure publique identifie les éléments de notation par catégorie
professionnelle, selon un barème précis. Ce texte a été modifié à plusieurs reprises par les
arrêtés du 18 avril 1969, du 1er décembre 1971et du 22 juin 1978.
La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires
intègres, pour la première fois, la notion d’appréciation et de communication de cette
dernière. « Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur
valeur professionnelle leurs sont communiquées ».
La loi n° 86-33 du 09 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique hospitalière prévoit expressément le maintien de la notation et précise que le pouvoir
de notation est exercé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. La péréquation des
notes est également abordée, dans ce texte. Enfin, cette loi précise que les intéressés peuvent
proposer la révision de la note et des appréciations générales.
La lettre circulaire de la Direction des Hôpitaux du 20 février 1990 relative aux missions
et fonctions principales des surveillants précise le champ d’action des cadres de santé en
matière de gestion des ressources humaines. Le cadre participe à l’évaluation, à la sélection et
15
à la promotion des personnels. De plus les missions de l’encadrement s’orientent vers la
gestion prévisionnelle des emplois et des compétences en participant à la définition des
besoins en personnel notamment de remplacement, à l’anticipation des besoins en terme de
catégories professionnelles nécessaires au fonctionnement de l’unité et à la planification des
mouvements.
La loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière incite les établissements à
développer une politique de l’évaluation des pratiques professionnelles.
L’ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et
privée renforce la politique d’évaluation en instaurant les contrats d’objectifs et de moyens
entre les établissements et les agences régionales d’hospitalisation. Ces contrats doivent
notamment préciser les dispositions relatives à la gestion des ressources humaines nécessaires
à la réalisation des objectifs. De plus, l’obligation de mettre en œuvre des actions d’évaluation
des pratiques professionnelles est clairement stipulée. La procédure d’accréditation vient
également soutenir la mise en place des pratiques d’évaluation y compris dans le domaine des
ressources humaines.
La circulaire de janvier 1999 précise la procédure de notation en proposant la mise en
place d’entretiens d’évaluation annuels entre l’agent et son supérieur hiérarchique direct.
La synthèse des principes réglementaires de l’évaluation des personnels
La succession de textes réglementaires concernant l’appréciation de la valeur
professionnelle des agents de la fonction publique hospitalière montre une évolution des
principes en trois temps :
- de 1949 à 1983, principe de notation exclusivement,
- de 1983 à 1990, principe de notation et d’appréciation,
- de 1983 à 1996, principe d’évaluation.
Les points clé du dispositif d’évaluation sont :
- La périodicité de la notation et de l’appréciation est annuelle.
- Le pouvoir de notation est dévolu à la personne qui a le pouvoir de nomination,
soit le directeur de l’établissement. La décision de notation se prend après avis des supérieurs
hiérarchiques de l’agent concerné.
16
- Les critères d’évaluation sont au nombre de cinq et varient en fonction des
catégories professionnelles. Par exemple, les critères relatifs à l’évaluation des Techniciens de
Laboratoire sont les suivants :
Connaissances professionnelles,
Application dans l’exécution du travail,
Esprit d’initiative,
Aptitude psychologique à l’exercice des fonctions,
Tenue générale et ponctualité.
Chaque critère est noté sur une échelle de 1 à 5, la totalité des points étant de 25.
- La note et l’appréciation sont communiquées à l’agent concerné et à la
Commission Administrative Paritaire.
- L’agent a une possibilité de recours contentieux auprès du tribunal administratif.
- Les conséquences de ce dispositif portent sur la gestion de carrière des agents au
travers de l’avancement d’échelon et sur la rémunération par la détermination de la prime de
service.
Les effets de la réglementation sur la pratique de l’évaluation
Les effets du dispositif réglementaire de l’évaluation des personnels ont été largement
explicités dans plusieurs rapports (enquête ALGOË MANAGEMENT, consultant pour la
direction des hôpitaux, groupe de travail sur l’évaluation, 1991).
La progression de carrière est largement basée sur l’ancienneté, l’automatisation du
système ne permet pas d’en faire un dispositif dynamisant en matière d’implication au travail.
La gestion des ressources humaines est rigidifiée par une marge de manœuvres restreinte
en matière de sanction et de valorisation des agents.
Les appréciations multiples des supérieurs hiérarchiques (n+1, n+2, médecin chef de
service, directeur des soins) risquent de ne pas être toujours cohérentes entre elles et, par
conséquent, de porter atteinte à la crédibilité de la hiérarchie et à la clarté des appréciations.
Les critères d’évaluation sont vagues, ne reflètent pas la manière dont l’agent répond à ses
missions dans une activité donnée. Ainsi, le risque de subjectivité est majoré. Il n’y a pas a
priori de corrélation entre la qualité du service fourni et la notation.
17
L’entretien préalable entre l’agent et son supérieur hiérarchique direct étant relégué au
rang d’une simple circulaire, on peut penser que, d’une part, la culture du non-dit n’est pas
abandonnée et que, d’autre part les pratiques, sur ce point, sont très hétérogènes.
Les appréciations peuvent être empreintes de jugement de valeur par manque de lisibilité
des efforts réalisés, des compétences acquises et à acquérir. La formulation d’objectifs de
progression est alors difficile à réaliser.
La péréquation des notes vise à garantir l’équité, l’harmonisation de la notation au niveau
de l’établissement ; cependant elle limite les enjeux dans le déroulement des carrières et
risque de provoquer des sentiments de frustration, de non reconnaissance.
L’ensemble de la procédure est donc peu professionnalisant, peu motivant, peu
responsabilisant tant pour les évalués que pour les évaluateurs. La place privilégiée donnée à
la notation par rapport à l’entretien d’évaluation renforce les représentations scolaires du
système et ne favorise pas le lien entre l’évaluation des personnels et la gestion des ressources
humaines.
...Aux évolutions récentes en matière d’évaluation des compétences
Recommandations ANAES
Le référentiel « Gestion des Ressources Humaines » du manuel d’accréditation, dans sa
version de 1999, recommande l’existence d’un dispositif formalisé d’évaluation des
personnels. Cependant, les établissements ont toute liberté, outre l’application de la
réglementation, des méthodes et moyens utilisés.
Dans la version expérimentale de 2003, l’Agence Nationale d’Accréditation des
Etablissements de Santé (ANAES) précise que l’évaluation des personnels recouvre la
formation des évaluateurs, l’utilisation d’un guide d’entretien, la planification des entretiens,
la formalisation d’objectifs de progression et leur évaluation. De plus, elle met en lien la
Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), la formation, les projets
individuels et les évolutions de l’établissement.
18
La loi dite de modernisation sociale
En date du 1er janvier 2002, la loi de modernisation sociale ouvre un droit individuel à la
validation des acquis d’expérience. L’application de cette loi, dans le domaine de la santé,
n’est pas encore définie ; cependant ce phénomène est propice au développement de
dispositifs d’évaluation centrés sur les compétences et la reconnaissance des potentialités des
individus. L’obligation de formaliser un projet social est renforcée au travers de ce texte. Par
conséquent, la gestion des ressources humaines se situe bien dans le champ stratégique de la
gestion des établissements. En effet, le projet social vise à promouvoir la valorisation des
compétences, l’évolution professionnelle, la mobilité, la gestion de fin de carrière et
l’amélioration des conditions de travail.
Le décret n°2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d’évaluation et de
notation
Ce décret fait précisément état des conditions d’évaluation et de notation des
fonctionnaires. Il prévoit la formalisation d’une dynamique de progression individuelle et fait
appel à la mesure de la performance (mesure de l’écart entre les objectifs fixés et les objectifs
atteints). De plus, il met en lien l’évaluation, les objectifs et les moyens sous-tendus pour
formaliser un projet professionnel.
L’entretien d’évaluation est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire.
Cet entretien qui porte, principalement, sur les résultats professionnels obtenus par le
fonctionnaire au regard des objectifs qui lui ont été assignés et des conditions d’organisation
et de fonctionnement du service dont il relève, sur ses besoins de formation compte tenu
notamment, des missions qui lui sont imparties et sur ses perspectives d’évolution
professionnelle en termes de carrière et de mobilité, peut également porter sur la notation.
Le décret n°2003-759 relatif au bilan de compétence des agents de la fonction publique
hospitalière
Ce texte prévoit les étapes nécessaires à la formalisation d’un projet professionnel. Il
s’agit de faire le point sur les souhaits d’évolution des agents, d’informer la personne sur le
déroulement du bilan de compétence, de définir un projet et d’identifier les moyens afférents à
sa réalisation.
19
Pour conclure sur ces points, nous retenons que ces évolutions impliquent :
Une plus large participation des agents à leur évaluation,
La mesure de leur niveau de compétence,
La recherche d’objectifs de progression,
La formalisation de projet professionnel au sein d’un même corps ou dans un corps
professionnel différent.
Cette nouvelle dynamique crée un contexte favorable à l’innovation en matière d’évaluation
des compétences.
20
3) Problématisation théorique
3.1) Les modèles de l’évaluation :
3.1.1) L’évaluation – mesure :
L’évaluation comme mesure est basée sur le principe qu’évaluer c’est « mesurer » des
produits et des états. Les différents modèles s’y rattachant sont l’explication causale et la
docimologie. Une telle conception est donc centrée sur l’instrument, l’échelle permettant de
mesurer. Elle comptabilise des plus-values, des effets, des impacts, compare des bilans et des
trajectoires. Une évaluation bilan peut s’avérer utile dans le cadre d’un management
d’orientation professionnelle par exemple dont la visée est d’apprendre à construire un projet
de carrière. Elle peut dans un premier temps permettre à l’évalué de prendre conscience de ses
compétences et atouts ainsi que d’identifier ses points faibles à renforcer ou à développer pour
ensuite être en mesure de mieux orienter sa carrière.
Ceci est essentiellement vrai pour les agents qui souhaitent s’inscrire dans un bilan de
compétences où 360° afin d’approfondir un état des lieux de leur carrière et d’éventuellement
se réorienter professionnellement. Au travers d’une batterie de tests psychotechniques qui
mesurent le savoir être, le savoir faire, l’agent fait le point sur lui-même de manière très
normative. Le compte-rendu de cette démarche permet à la personne de s’évaluer par rapport
à des valeurs sociométriques. Pour le cadre de santé, c’est un outil qui aide à
l’accompagnement d’un projet professionnel mais qui reste un instrument qui enferme une
fois de plus la personne dans un « mètre étalon » et nie la dimension émotionnelle de
l’individu.
L’évaluation - mesure peut parfois ne constituer qu’une phase de l’intervention et en
même temps s’intégrer dans un processus d’accompagnement. Dans ce cas précis,
l’évaluateur doit savoir jouer de sa posture et articuler les logiques pour ne pas rester dans
l’expertise et la logique de contrôle : il sait ce qu’il fait, il a une approche réflexive de sa
pratique, il s’auto - évalue. Mais, force est de constater que l’évaluation mesure ne correspond
guère à notre souci de mise en évidence et de confrontation des systèmes de valeurs des uns et
des autres. La mesure s’attache surtout au résultat, au produit fini de l’activité. Dans cette
perspective de l’évaluation, le sujet est considéré comme objet, et non comme acteur et auteur
(vision mécaniciste de l’homme).
21
3.1.2) L’évaluation-gestion :
L’évaluation-gestion est basée sur le principe qu’évaluer c’est gérer. Elle a pour but de
maîtriser les situations, d’atteindre des objectifs, d’être efficace, d’aider au bon
fonctionnement, d’économiser, de prendre les bonnes décisions, de résoudre des problèmes,
améliorer, stabiliser des systèmes, contrôler, manager, faire participer, engager pour plus de
productivité : la valeur est réduite à l’économique (efficacité, rentabilité, plus value). Elle se
propose d’exercer une influence sur le cours des choses, de gérer des systèmes en évolution.
Elle s’intéresse d’abord aux pratiques plutôt qu’aux résultats. Elle a le souci de guider, de
piloter l’action en vue d’améliorer le résultat, d’apporter une plus value. Cette évaluation
comprend quatre modèles :
Le modèle fonctionnaliste centré sur les objectifs à atteindre et où l’évaluateur
planifie la séquence d’apprentissage en objectifs et contrôle les atteintes.
Le modèle structuraliste qui a pour but la recherche d’invariants pour rendre
compte d’universaux. C’est évalué pour la prise de décision ;
Le modèle de la systémie qui comprend deux sous modèles :
- le modèle cybernétique qui est le fondement de l’évaluation formative où il s’agit
de « corriger » les erreurs du sujet par la régulation, la remédiation. Ce modèle nous rappelle
l’approche systémique de Palo Alto, selon laquelle un système s’auto-régule avec des
messages de feed-back pour atteindre un point d’équilibre dans le cadre d’un changement.
- le systémisme qui met en évidence les interrelations, les interactions, les
régulations, les auto-évaluations des acteurs de l’évaluation. Ce modèle systémique est ouvert,
il n’est plus centré uniquement sur l’évaluateur. L’évalué est davantage acteur, voire auteur du
changement. « L’évalué, le formé seul peut améliorer ses procédures et parvenir à la réussite,
l’important c’est la régulation faite par celui là même qui apprend. Le formateur n’est pas
effacé, son rôle est d’installer les conditions qui permettront à cette auto-régulation d’être
efficace » (Bonniol, & Vial, 1997).
Ce type de modèle d’évaluation est très pratiqué par les cadres médico-techniques qui
ont la gestion de grosses équipes. D’une part, par un management par objectif avec mise en
place de contrat de délégation. On est dans la planification, le suivi d’une action comme
l’élaboration d’un manuel assurance qualité. D’autre part, le cadre de santé se trouve parfois
dans une posture de « passeur ». Il accompagne l’agent afin que celui-ci trouve en lui les
ressources nécessaires à son développement personnel tout en finalisant les missions de
travail qui lui sont confiées.
22
Si bien que dans une démarche d’accompagnement, l’intérêt se déplace de la
performance, du produit, du résultat, vers la réalisation des produits. L’évaluateur ne peut
donc pas être dans le contrôle (du moins pas de façon exclusive), mais doit se situer dans une
logique interactive s’il veut pouvoir amener l’évalué vers des prises de consciences. L’évalué
doit pouvoir questionner ses choix et les remettre en question, en changer, le tout dans une
logique de régulation. Réguler peut signifier changer la manière de faire (faire autrement) ou
changer ce qui est à faire (faire autre chose). Le processus mis en évidence ici, montre
qu’évaluateur et évalué travaillent ensemble dans cette relation d’accompagnement, que leur
interaction et la confrontation de leurs référentiels permet des ouvertures, d’avancer et de
rebondir sur quelque chose de différent : sur du changement. Nous allons maintenant
développer le dernier modèle centré sur la recherche du sens.
3.1.3) L’évaluation-problématisation :
Ce modèle, en cours d’élaboration, implique l’auto-questionnement. Il questionne
l’action, recherche le sens de ce que l’on fait. Il est de l’ordre de l’introspection. Le sujet
cherche à se comprendre. La problématisation est un processus issu de la problématique que
se donne le sujet et qui va le construire. Ce n’est ni la « résolution de problèmes » ni « la prise
de décision rationnelle ». Elle est une façon de vivre au monde, une mise en tension entre des
contraires.
« Il faut donc voir à un premier degré, la lancinante question du sens comme le
progrès d'une conscience individuelle qui s'autorise à penser, à chercher et donc à assumer
son état d'humain inachevé, qui n'en finit pas de perdre les illusions du Moi, partant de
conquérir sa moindre dépendance. Plus profondément, la question du sens est celle du lien, et
donc du plaisir que procure la possibilité de relier, de nouer des faits, des idées, dans une
interprétation personnelle » (Beillerot, 2000).
La problématisation fait référence entre autres à la pensée complexe. « La complexité
est une nébuleuse, un courant d’idées qui serviraient au travail sur soi. […] S’intéresser au
complexe, c’est se mettre en apprentissage, se prendre comme objet d’apprentissage» (Vial,
2000, p. 52).
La pratique du cadre de santé est en lien avec l’apprentissage. L’évalué devient auteur
de son apprentissage par le biais de la relation éducative qui s’instaure entre lui et
l’évaluateur. La relation éducative se comprend comme étant une situation d’interactions
entre sujets où se transmettent des savoirs (instruction) et où se travaille l’appropriation de ces
savoirs (le développement de la personne), créant ainsi du changement. Le fait de questionner
23
ses comportements, ses modes de représentation, ses croyances et son système de valeurs
permet à « l’évalué » de devenir l’auteur de la construction de sa propre vision du monde. La
relation éducative vise l’autonomisation du sujet.
Comprendre la situation d’autrui et y réagir de manière appropriée nécessite à la fois
un partage affectif et une mise à distance. C’est l’un des mécanismes de l’empathie. Nous
appréhendons mieux ici, la nécessité pour le cadre de santé de posséder dans ses contenus
didactique et expérientiels des savoirs sur les relations interpersonnelles en psychologie
sociale. D’où l’intérêt de faire de la formation continue tout au long de sa carrière
professionnelle afin d’actualiser ses connaissances et d’interroger ses pratiques.
3.1.4) Les cibles de l’évalaution :
L'évaluation est avant tout un jugement dans le champ décisionnel et non pas
uniquement dans le champ de la sanction ou du contrôle.
L’évaluation des performances : renvoie aux résultats obtenus au regard d’objectifs
préalablement fixés,
L’évaluation des compétences : fait appel à la manière dont l’activité est réalisée ;
cela concerne l’appréciation des savoirs faire opérationnels et validés. L’objectif est de
mesurer l’adéquation de l’agent à son poste de travail. Ce type d’évaluation demande
une cohérence avec le dispositif de formation, la politique de mobilité et d’adaptation
aux changements.
L’évaluation des potentiels : est inhérente à tout processus d’orientation ou de
promotion, d’anticipation sur le devenir du professionnel. Ce mécanisme permet
d’identifier les compétences, les aptitudes mentales, les ressources, les aspirations de
l’individu. La mise en relation entre les constats et les possibilités offertes par
l’établissement suppose une projection dans les besoins futurs de la structure et une
bonne connaissance des passerelles existantes entre les corps professionnels et les
différents métiers.
L’évaluation contribue à l’efficacité des groupes humains que sont les équipes
paramédicales, induit la motivation, donne du sens à l’action. C’est la clé de voûte de la
pratique managériale.
24
3.2) Les postures :
Le champ des pratiques sociales et des sciences humaines s’intéresse aux postures qui
concernent aussi bien le chercheur que le praticien. Elles ne peuvent pas, certes, être
confondues, mais elles conservent des points communs. Il existe pour chacune d’elles la
relation d’un intervenant avec des « objets sujets », faite d’interactions, dans un objectif qui
est, la réalisation de projets, tel que « l’élaboration des repères nécessaires à l’intelligibilité
des pratiques ». (Ardoino, 2000, p. 43).
Le lien social qui s’y rattache, auquel se rajoute toujours la problématique du pouvoir
telle que décrite par Friedberg (1997), est fait de relations interpersonnelles de domination, de
soumission, d’interdépendance. Apparaît alors tout ce qui fait la complexité des phénomènes
humains, et qui demande si l’on veut les appréhender, d’adopter une position holistique selon
laquelle, on ne peut comprendre les parties sans connaître le tout.
3.2.1) La posture professionnelle selon Ardoino :
Ardoino (2000, p. 82), aborde respectivement la posture du chercheur, de l’expert et
du consultant. Selon lui, la posture s’envisage comme « position ou système d’attitudes et de
regards vis-à-vis des partenaires, des situations, des objets, dans le cadre des recherches ou
des pratiques sociales ».
La posture du chercheur : son projet est centré sur « la production de
connaissance » appuyé par une démarche qui exige l’argumentation et la justification
« des moyens stratégiques et méthodologiques » qu’il se donne, pour ce faire. La
démarche du chercheur consiste en l’élaboration d’un discours, à partir d’une question
de recherche, dont les interlocuteurs privilégiés seraient les chercheurs eux-mêmes. A
l’exception de la recherche action, qui elle, exige du chercheur qu’il rende compte des
résultats, aux différents protagonistes et partenaires de la recherche.
Ardoino aborde aussi la question de la scientificité d’une recherche. Une véritable
démarche scientifique est celle qui s’expose à la réfutation, qui se prémunie du dogmatisme,
alors que la non science est celle des croyances ou de l’opinion, soit de la doxa.
Pour Bachelard (2004, p. 14), « il faut savoir poser des problèmes qui ne se posent pas
d’eux-mêmes, c’est ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique
» partant de l’idée que « rien ne va de soi, rien n’est donné, tout se construit ».
Le chercheur va donc adopter un positionnement critique afin de considérer qu’il n’est
que des vérités provisoires, en intégrant dans sa démarche le critère de réfutation, en mettant
25
en tension différents langages, et en engageant un processus de problématisation, conditions
préalables au progrès scientifique.
Cette posture permet au cadre de santé évaluateur de questionner ses pratiques, de
sortir le « nez du guidon » afin de mieux appréhender sa réalité de terrain. Il convoque par le
questionnement de recherche des savoirs théoriques, mais aussi et surtout, il s’autorise par la
maïeutique la production de nouveaux champs de savoirs.
La posture d’expert : l’expert est, selon Ardoino (2000), celui qui maîtrise un
domaine de compétence. Sa mission essentielle est d’apporter une solution aux
problèmes qui lui sont posés par les commanditaires. Il peut avoir une fonction d’aide
en agissant sur un dysfonctionnement, dans les limites de sa technicité propre. Sa
démarche est tournée vers la résolution de problème, dans une visée d’optimisation de
l’action. « Son intelligence des situations est organisationnelle, se référant à des
modèles fonctionnels et prenant en compte des agents beaucoup plus que des acteurs
» (Ardoino, 2000, p. 86). L’expert a une appréhension techniciste, stratégique,
fonctionnaliste et in fine thérapeutique de l’action. Son questionnement praxéologique
s’inscrit dans une logique de contrôle, mobilisant des valeurs économiques, telles que
l’efficacité, la rentabilité, la performance. Il fait preuve d’objectivité, de neutralité. Il
est peu enclin, dans l’exercice de sa fonction, à une compréhension des « sujets ».
Ainsi, la posture de l’expert est en lien direct avec une vision du monde déterministe,
soit une vérité préexistante vers laquelle il faut tendre ou revenir, vérité qui peut être révélée
par l’intervention de l’expert.
Les professionnels de santé sont souvent reconnus pour cette spécificité de technicien
expert. Ils ont une grande maîtrise de leur art mais se trouvent parfois en difficultés face à des
situations relationnelles, notamment lors des entretiens d’évaluation. Leur plasticité neuronale
n’ayant pas été stimulée, ils répondent de manière très mécanistes aux personnels en position
d’évalués.
La posture du consultant : c’est un praticien dont l’intervention, contrairement à
l’expert, est multidimensionnelle car elle appelle « une compréhension des sujets »
(Ardoino, 2000, p. 87) au sein d’une relation multiple faite d’exigence, de
contradiction, de conflit, de transfert et contre transfert pouvant découler de la
situation. Cette relation complexe s’inscrit dans le temps et englobe l’ensemble de
ceux qui sont effectivement impliqués dans la situation à laquelle s’applique
26
l’intervention. On se référait à l’expert, tandis qu’on instaure une relation de travail
durable avec le consultant.
Alors que l’expert s’appuie sur des référentiels, une base de données, des procédures
nécessaires à son intervention, le consultant élaborera sa compréhension de la situation grâce
à une écoute, une familiarité des sujets, ce qui va lui permettre d’élaborer les référentiels
contribuant à l’intelligibilité de la situation, et ce, tout au long de sa démarche. La posture
d’expert renvoie à une fonction de bilan, la posture du consultant renvoie à celle de promotion
dynamique de changement. Il s’agit de faciliter l’émergence de la parole des partenaires de
l’intervention. Cette parole peut tout aussi bien s’inscrire dans une pensée rationnelle (un
énoncé est vrai ou faux), que dans une pensé holistique (tout est dans tout).
La posture du consultant, en allant dans le sens d’une conception de ces deux formes
de pensée selon le principe dialogique énoncé par Morin (1990), se situe alors dans la
multiréférentialité. Un travail d’interprète-traducteur nécessitera la mobilisation et la mise en
lien de plusieurs langages, même s’ils s’avèrent contradictoires.
La contradiction vient du fait que cette posture est en prise avec les deux logiques de
l’évaluation, la logique du contrôle et la logique dite du questionnement, qui se veut au
service des acteurs. Il va alors s’agir ainsi que Vial, (2000) le décrit, d’assumer deux forces
opposées, l’autocontrôle et l’auto questionnement. L’autocontrôle se rapporte « à un désir de
conformité nécessaire à la constitution de l’individu », l’auto questionnement fait référence «
au bouillonnement du sujet au monde, élaboration, fondation de sens ». (Vial, 2000, p. 181).
En d’autres termes, l’autocontrôle concourt au processus de socialisation, l’auto
questionnement à une recherche de sens (par exemple sur ses pratiques professionnelles). Il
s’agit là, de deux termes indissociables, qui n’ont de sens que dans des liens de réciprocité.
Pour le consultant, l’interprétation d’une situation ou d’un discours passe par la mise
en dialectique de l’explication et de la compréhension. L’explication se rapporte à l’activité
d’analyse, la compréhension à l’appropriation du sens. L’interprétation permet donc la
construction de sens.
Cependant, ce concept d’appropriation compréhension exige de la part du consultant
une certaine distanciation, un regard critique, qui ne peut être univoque car ainsi que l’écrivait
Ricœur (1996, p. 15-17), « la distanciation est la condition de la compréhension ».
Mais pour le cadre de proximité, en posture de consultant, l’essentiel de sa pratique
réside dans le travail sur la demande, c’est-à-dire prendre en compte lors de l’entretien
d’évaluation des exigences contradictoires et conflictuelles liées à la relation complexe qui se
joue entre l’évaluateur et l’évalué. Sachant qu’en position « consultant évaluateur » le cadre
27
de santé cherche à provoquer la question du sens dans une logique d’accompagnement et de
promotion des possibles. Il aide l’autre à trouver et construire ses propres réponses en posant
les bonnes questions. Cette démarche se distingue de la formation ou de la thérapie en se
positionnant comme une co-construction entre l’évaluateur et l’évalué fondée sur la puissance
de la relation intersubjective. Cette partie du job est très valorisante pour le manager car elle
le positionne en « passeur ». Elle nécessite une conscience de soi et une bonne gestion de ses
émotions afin de ne pas brouiller le message que l’on dispense au travers de notre filtre
personnel et de l’environnement socioculturel de l’autre.
Le milieu ou la situation vont générer le jeu des acteurs, ainsi, comme l’a signifié
Ardoino, il convient de repérer l’existence d’un lien entre le contexte et la posture. En prenant
en compte la situation, vient alors l’idée que la posture relèverait plus d’un processus que
d’un état figé, et que le sujet peut être porteur d’intention pour l’action, au sens de tendre
vers…
Ardoino (1993) s’est alors appuyé sur la distinction faite par l’Ecole Française de
Sociologie des Organisations à propos de la notion d’agent et d’acteur afin de la compléter
pour en faire le triptyque : « agent-acteur-auteur ».
3.2.2) De l’Agent à l’Auteur :
Ardoino, (2000), définit trois types de postures :
L’agent : Le sujet subit, il est spectateur, usager ou pire assujetti. Il n’a pas de
pouvoir sur les règles du jeu qui déterminent son action. Il est en position de
soumission et d’application. Le sujet est « essentiellement agi », il représente une
partie des « agencements du système », il est défini par ses fonctions.
Le cadre de santé « évaluateur », agit uniquement sur prescription institutionnelle
détaillée, applique la note de service imposée par le directeur général, n’est en aucune
manière responsable des contenus. J’ai plutôt envie de parler d’un « exécutant ». Sa seule
qualité intrinsèque est de « faire au mieux ». Tout au plus, au fur et à mesure des années
d’expertise, il s’émancipe ; s’autorise des postures, mais cela ne change rien car il doit garder
la « cadre – attitude ». Ses motivations sont minimales, peu d’implications qui se caractérisent
par une rupture. Parfois, le cadre de santé ne pratique pas l’évaluation du personnel, alors
qu’il représente la hierarchie la plus proche de l’évalué.
28
L’acteur : Le sujet possède une certaine marge de manœuvre et d’initiative. Il est
porteur de sens, inséré dans une situation sociale. « L’acteur est reconnu comme coproducteur de sens… il est pourvu de conscience et d’initiative, capable de
stratégies ». Il ne se situe pas seulement dans un registre d’interprétation. Pourvu de
conscience et d’initiative, il est capable de stratégie.
L’auteur : Le sujet invente, innove. Il se situe à la source et produit du sens. Il est
prescripteur, décideur, responsable et autonome. L’auteur est « celui qui réussit à se
situer lui-même comme étant à l’origine, à la source de son propre devenir ».
Le cadre de santé, auteur, s’investit dans les formations universitaires
complémentaires et se remet en question, il participe comme formateur à des actions de
formation. Il périmètre son projet professionnel. En tant qu’évaluateur, il modifie sa posture
vis à vis de l’évalué et s’adapte aux changements dans une logique de rencontre. Autonome, il
crée du sens à ses pratiques, les améliore, assume pleinement ses responsabilités avec une
obligation morale qui supplante l’obligation légale de moyen, s’adresse au cadre supérieur de
santé que si le besoin s’en fait sentir, tend vers un désir d’autonomie et d’élargissement de ses
champs de compétences.
On a donc bien compris la finalité de la formation continue des professionnels de
santé, de la formation des formateurs en Institut de Formation des Cadres de Santé (I.F.C.S),
est celle d’élever la profession et les professionnels au stade d’auteurs, maîtres de leur
destinée, car on l’a bien vu auparavant, le cadre de santé, dans son sens générique, utilise un
savoir académique et expérientiel sur une personne avec laquelle il communique, il évalue, il
accompagne.
3.2.3) Des postures porteuses de sens :
La manière dont l’évaluation est menée renseigne sur la prédominance du sens qu’on
lui donne, elle sous-tend les valeurs managériales.
La posture du contrôle : répond à un modèle mécaniste des organisations de travail
où l’agent exerce une fonction d’exécutant. Dans ce cas, l’évaluation porte
essentiellement sur la mesure des écarts entre la procédure et l’existant.
29
La posture de régulation : place l’évaluateur en acteur, producteur de sens.
L’évaluation cherche la valorisation, la reconnaissance de l’évalué. Les erreurs sont
repérées et analysées pour trouver des solutions, des ajustements en vue de prévenir la
survenue d’erreurs similaires. Ce processus améliore la dynamique d’appropriation.
La posture d’auto évaluation : demande à l’évaluateur d’être auteur de sa pratique.
L’analyse porte sur la capacité de la personne à s’interroger, analyser ses
comportements pour s’adapter. Ce mécanisme est vecteur de sens ; l’individu se
questionne sur l’intérêt de ce qu’il fait.
L’évaluation est complexe ; elle fait appel à toutes ces logiques. Evaluer, c’est poser la
question du sens, c’est une attitude philosophique posant la question de la valeur, démarche
essentiellement qualitative. La finalité est de conjuguer les projets de professionnalisation des
individus avec les exigences du professionnalisme des organisations. Guy LE BOTERF
appelle cela « Le modèle de la navigation professionnelle » Ainsi, le concept d’évaluation
repose sur le principe de processus de professionnalisation.
3.3) L’intelligence émotionnelle :
Nous passons notre temps à interpréter, à donner du sens aux signaux que nous
recevons de l’environnement. Or la perception est un phénomène plus complexe qu’il n’y
paraît de prime abord. L’idée d'un esprit séparé du corps, répandue par les philosophes Platon
et Descartes, a orienté les recherches surtout sur le fonctionnement du cerveau. L’approche
moniste, au contraire, avance que les phénomènes mentaux dépendent d’interactions entre le
corps et le cerveau.
3.3.1) L’objet « émotion » :
Essai de définition : Il y a des façons diverses et multiples de classer les émotions.
Le Larousse de la langue française donne comme définition « trouble subit, agitation
passagère causée par la surprise ». Ajoutons qu’étymologiquement « motion » indique
« action de mettre en mouvement ». L’émotion semblerait être alors une réaction qui engendre
une action pour résoudre une situation inattendue. Dès qu’il s’agit de définir avec précision le
concept, le consensus est difficile à obtenir car selon le champ d’appartenance des chercheurs,
des disparités apparaissent.
30
Selon Gatto et Favre, (1997), (cité par Gatto, 2005, p. 116-117) « Anatomiquement et
fonctionnellement, le système nerveux affectif et émotionnel et le système associé à la
cognition sont interdépendants. Le système nerveux affectifs et émotionnel émet des fibres qui
contrôlent la plupart des relais cérébraux des capteurs sensoriels de l’information jusqu’au
lobes frontaux où elle deviendrait manipulable par la conscience ». Damasio, (1995) divise
les émotions en émotions primaires, innées, qui sont universelles (colère, joie, tristesse…), et
en émotions secondaires, supérieures et complexes, d’ordre culturel. Pour lui la culture et les
conventions sociales obligent les individus à canaliser, voire réprimer, l’expression des
émotions – montrer ses peurs, ses détresses sont considérées comme un signe de faiblesse
dans nos sociétés occidentales où l’enjeu est de montrer une face dynamique et compétitive.
Les émotions se caractérisent alors par des codes et des rituels complexes (combinaison
d’émotions simples) spécifiques à la culture. Tomkins (1962), (cité par Ribert-Von de
Weerdt, 2003) regroupe les émotions positives (joie, intérêt…), les émotions négatives
(colère, haine, honte…) et les émotions neutres comme la surprise. Une autre caractéristique
soulignée par Rivolier (cité par Ribert-van De Weerdt, 2003) est celle liée aux changements
physiologiques qui permettent de les différencier des sentiments.
L'origine des émotions : Pour Damasio, (1995, p. 25) l’origine des émotions est à la
fois automatique (contact avec le monde extérieur) et sociale (représentations du monde) :
« Ainsi le système émotionnel apparaît comme un système de transition entre automatisme et
vie intellectuelle. Par la suite le système émotionnel va s'intégrer aux systèmes de signes qui
lui succéderont et en particulier du langage dont il colorera les intonations et expressions et
lui fournira des modes différés d’entrer en relation avec autrui. » La présence d’un système
émotionnel dès les premiers mois de la vie favorise la communication immédiate (gestes
expressifs et sensibilité) et modifie le psychisme. Ainsi au cours du développement l’émotion
s’intériorise « C’est avec l’éducation et la soumission à la connaissance que l’émotion
devient intime ». Philippot (2003), parle de tensions vécues par l’individu entre ce qu’il est
« le soi actuel », aimerait être « le soi idéal » ou devrait être « le soi prescrit ». L’écart entre
ces différentes images serait la source principale des émotions que vivent les individus. La
fierté serait une réponse à un resserrement entre « le soi réel » et « le soi idéal », la culpabilité
serait la réponse à une trop grande distance entre « le soi actuel » et « le soi prescrit ».
La ré évocation de ces souvenirs émotionnels influence le comportement présent de la
personne. Elle peut en s’appuyant sur ces informations somatiques opérer des choix qui lui
sont propres. Pierre Livet (cité par Channouf, 2004), considère que les émotions ont une
31
influence inconsciente sur le comportement dans la mesure où elles permettent aux individus
de réviser, à la hausse ou à la baisse, leurs attentes pour éviter qu’une émotion désagréable ne
se répète. De même Isen (1987), (cité par Channouf, 2004), souligne la congruence
émotionnelle en montrant le lien entre les informations marquées positivement et les états
émotionnels. Schachter, (1964), (cité par Channouf, 2004), explique qu’une émotion résulte
de l’interaction entre deux facteurs : une excitation physiologique et un étiquetage cognitif. A
partir de ces travaux, il montre que si l’individu ne dispose pas d’informations pour expliquer
ce qu’il ressent, il va alors se baser sur les éléments du contexte social et par exemple associer
ses attitudes à son interlocuteur (colère ou joie). Ce phénomène indique que l’on peut donc
influer sur les comportements lorsque la personne est en état d’éveil sans en connaître la
raison. Banaji, (1998), (cité par Channouf, 2004) montre que le système émotionnel est
capable de détecter des informations sublimables et que ces traces inconscientes affectent en
permanence nos comportements et nos décisions. Goleman, (1998, p. 484) préfère montrer le
lien entre les émotions et l’univers de croyances. Les émotions sont une interprétation de la
situation en fonction des perceptions et des croyances de l’individu. Ainsi face à un décès,
l’individu éprouvera une émotion en fonction du degré d’intimité qu’elle avait avec cette
personne: « Si on définit les émotions comme des états mentaux intentionnels qui s’appuient
sur des croyances, alors on peut dire que cette notion s’inscrit dans une problématique de la
représentation ». Les représentations induisent des émotions qui se manifestent par des
comportements et des manifestations physiologiques : penser à un événement triste déclenche
une émotion qui se traduit par des comportements, une personne peut déclencher soit de la
peur soit de la confiance. Ainsi Goleman (1998), préfère traiter l’émotion comme « un effet
visé (ou supposé) » sans jamais avoir de garantie sur « l’effet produit ». Les signes renvoient
donc à un univers émotionnel et créent un effet « pathétique ».
Enfin, il est encore difficile de cerner et de donner une définition précise des émotions.
Cependant nous pouvons provisoirement conclure que les émotions sont des systèmes
complexes qui engagent à la fois le corps et l’esprit en les reliant. Elles expriment un moment
de la vie personnelle associée aux autres personnes, aux valeurs, aux croyances. Chaque
émotion ayant sa propre histoire qui correspond à des perceptions, à des réactions et à des
images mentales. Dans « l’ici et maintenant », les émotions semblent articuler le passé
(histoire, souvenirs, expériences conscientes ou non conscientes) et le présent (l’agir :
pratique et discursif) du sujet.
32
3.3.2) Les liens entre émotion et pensée :
Pendant longtemps les chercheurs ont opposé la sphère des émotions et la sphère des
cognitions. Un tel dualisme est dépassé à présent. Santiago-Delefosse (2003) en analysant la
genèse du geste indicatif (entre la mère et le bébé) montre que les émotions favorisent d'une
part le lien avec l’ambiance sociale (prises d’informations sensorielles et ajustement
interactionnel) et en même temps accompagne l’apprentissage cognitif (passage du sens de
l’extérieur vers l’intérieur puis de l’intérieur vers l’extérieur grâce aux systèmes gestuoposturales). Les émotions sont donc intrinsèquement liées dans tous les apprentissages qu’ils
soient sociaux ou cognitifs.
Dans le champ des neurosciences, les travaux de Damasio (1995) montrent que les
signaux sensoriels sont acheminés jusqu’au centre du cerveau, dans le thalamus qui va
distribuer l’information soit vers le système limbique (archaïque, voix rapide, réponse
immédiate) et vers le néo-cortex (cerveau supérieur, voix plus longue, réponse différée) .Nous
voyons bien qu’au départ c’est parce qu’il y a une émotion que se déclenche : le
raisonnement. Elle n’est pas le parasite de la raison que l’on a longtemps cru. En préparant
l’organisme à l’action et en réduisant la complexité des problèmes rencontrés (à l’aide
d’heuristiques), elle constitue le socle permettant à la raison de fonctionner d’une manière
relativement efficace. Pour appuyer sa thèse, le neurologue met en évidence les « marqueurs
somatiques » (p. 215). Sa théorie, reposant sur des expérimentations cliniques, montre que
sans émotion l’individu ne peut pas vivre en société.
Cette hypothèse des « marqueurs somatiques » s’appuie sur le constat expérimental
que deux mécanismes (agissant seuls ou de manière combinée) sont à l’œuvre au cours d’une
prise de décision : la voie de la raison, qui utilise les connaissances et la logique, est un
mécanisme par lequel l’émotion rétrécit le champ de la décision, simplifiant la tâche de la
raison et permettant ainsi une action efficace plus rapidement. Schématiquement, la voie de
l’émotion correspond aux projections du thalamus sur une structure proche de celui-ci,
appelée « amygdale ». Il s’agit d’une zone liée à l’apprentissage (mémoire), notamment des
expériences de succès et d’échec.
Ainsi, le cheminement de l’information passe obligatoirement par des stimuli
sensoriels et par le système nerveux primitif. Certains comportements comme l’agressivité
s’expliquent par la prise de pouvoir du cerveau primitif, la défense du territoire devenant alors
la préoccupation majeure de l’organisation. Conjointement à cette voie courte, une voie
longue, issue du thalamus, projette sur les cortex sensitifs primaires où se déroulent des
33
traitements plus élaborés. Les nouvelles informations sont alors comparées avec celles du
système limbique.
Enfin, le cortex orbito-frontal permet de moduler la valeur de la situation ce qui
fournit les informations nécessaires au cortex moteur pour déclencher une réponse
comportementale la plus adaptée à la situation. Le souvenir des émotions passées, réactivé par
un circuit neuronal qui prend en compte les modifications corporelles liées à l’émotion, va
ainsi influencer (marquer) la décision finale en attirant l’attention sur les conséquences à venir
ou en interférant avec la raison. Ces marqueurs sont issus de notre mémoire émotionnelle, qui
crée peu à peu des catégories (joie, peur…) reliant l’image d’objets ou d’événement à des
états corporels (somatiques) plaisants ou déplaisants. Le rappel des informations contenues
dans ces marqueurs peut être conscient ou inconscient.
Dans le champ de la psychologie, pour Damasio (1999), le système émotionnel non
relié au cerveau supérieur correspond à un système intuitif de réaction pratique et qui indique
une activité cognitive spécifique non consciente et non verbale liée à « la psychomotricité et à
ses capacités de simulation ».
L’autre voie liée aux structures logiques et langagières permet une expressivité plus
fine et une intelligence des situations. Il apparaît désormais que les émotions ont une base
cognitive et qu’elles interviennent dans les différents systèmes mentaux. Cependant,
l’émotion peut submerger la personne (crise émotionnelle) et donc l’empêcher de réfléchir
efficacement. Philippot, dans son programme de recherche tend à montrer comment on peut
diminuer les effets émotionnels projetés sur une situation en détaillant, avant et très
précisément, les états corporels et psychiques pour ainsi mieux les contrôler. En tenant
compte de la dimension émotionnelle, en la modulant et en l’enrichissant, on peut donc
dépasser ses limites et s’ouvrir à d’autres espaces. Dans les relations interpersonnelles il faut
donc s’adresser à ce cerveau primitif puisqu’un langage rationnel ne peut être entendu quand
des blocages se produisent au niveau des automatismes de survie ou des réponses émotives.
Ainsi nous pouvons concevoir que l’émotion agit sur l’activité cognitive (en la
perturbant ou en la favorisant) et de la même façon l’activité cognitive peut être à l’origine de
la production d’émotion (évocation d’images de rappel, subjectivité de la situation).
J’ai, par exemple, retrouvé cette situation lors d’un entretien d’évaluation avec un
agent qui s’est effondré en larmes après lui avoir parler de sa capacité d’être au monde, de ce
qu’elle voulait projeter. Simplement, par les mots : « je veux être utile à vivre et à aimer ».
Cela a produit un feed-back qui a lui-même induit une réaction émotionnelle non contrôlée.
Si, l’on n’est pas préparer à juguler ce genre de situation l’on peux vite être débordé par les
34
évènements. D’où l’intérêt, d’avoir des connaissances sur les mécanismes de l’empathie afin
de contrôler l’effet miroir du cerveau et de s’adapter à la situation sans tomber dans la
contagion émotionnelle.
3.3.3) Les liens entre émotion et relation :
Mais les émotions ont aussi une dimension sociale. La composante d’expression
faciale et motrice permet de communiquer à autrui l’ébauche de l’action de l’individu. De là,
deux aspects sont à considérer :
La capacité à reconnaître les émotions chez autrui,
La connaissance des situations émotionnelle (cause des émotions).
En référence au cas de Phinéas Gage devenu un inadapté social (victime d’un accident
au cerveau), Damasio (1995), décrit les conséquences désastreuses de l’ablation d’une partie
du cerveau dans la gestion des relations, et démontre ainsi que les processus émotionnels sont
à la base de l’établissement des relations interpersonnelles, de l’ajustement et de l’adaptation
aux autres et aux contextes. Sa théorie, reposant sur des expérimentations cliniques, explique
que sans émotion l’individu ne peut pas vivre en société. L’émotion est le support de la
communication interpersonnelle, elle lui donne sens. La régulation et l’intégration de la vie
émotionnelle est un lien avec l’aspect intra psychique (vie intime et personnelle) et l’aspect
inter psychique (adaptation aux sociales) et tend à assurer l’harmonie entre ces deux mondes.
Les émotions se manifestent à trois niveaux complémentaires :
Les manifestations psychiques : tonalité de base, émotions primaires, joie, tristesse,
peur,
Les manifestations comportementales : fuite (agression, mutisme…), rapprochement
(sourire, gestes et paroles de confiance…).
L’émotion semble un mode de préparation à l’action qui comporte un apprentissage
social. Les émotions ont donc pour conséquence un accroissement ou une réduction des
comportements d’affiliation des individus (rapprochement, évitement). Goleman (1998),
citant de nombreux chercheurs explique que les émotions sont indispensables à toutes
rencontres car elles visent à faire avancer les attentes en faisant passer les émotions
individuelles à des émotions de groupe. Communication contagieuse des émotions (Goleman,
1998), les émotions éclairent les attentes de la situation. Les comportements d’affiliation ou
d’évitement permettent de faire partager à autrui ce qui est ressenti. Elles favorisent donc un
ajustement social autant que personnel, un repositionnement positif dans une situation
35
potentiellement dévalorisante. Les émotions sont donc communicatives. Santiago-Delefosse
(2004) en s’appuyant sur les travaux de Vygotski, estime que le système émotionnel favorise
la participation d’autrui, dans un ancrage corporel, où l’on cherche à partager une ambiance.
Les apprentissages ne sauraient s’actualiser sans cette connivence émotionnelle.
Ce lien entre établissement d’une relation et intuition pratique des situations, indique
bien qu’il existe une activité cognitive non consciente et non verbale, qui permet
l’instauration des processus cognitifs conscients. Les manifestations physiologiques, internes
(qui échappent à l’observateur: modifications neurochimiques et hormonales, accélération du
rythme cardiaque…) et externes (visibles: tremblements, rougeurs, rires, sourires, respiration
et débit de paroles, voix, expressions faciales…). Toute émotion est en lien avec des
changements physiologiques, mais nombre d’entre eux ne sont pas perceptibles par le sujet et
restent inconscients.
Prendre en compte les émotions, c’est chercher des informations singulières sur la
personne et la situation, c’est comprendre en profondeur, pour optimiser l’activité formative.
Pour Picard (1997), l’activité émotionnelle est une des dimensions fondamentales de
l’interaction puisque l’interaction implique que deux sujets agissent les uns sur les autres, et
que leurs comportements se modifient sous l’influence de l’action de l’autre. La notion
d’influence a été élaborée surtout par la psychologie sociale. Les processus d’influence sont
relatifs aux changements d’opinion, d’attitudes et de conduites qu’entraîne, pour un individu
le fait d’être confronté à celles d’autrui.
Plusieurs recherches (cité par Picard) montrent que les attitudes « conformistes » sont
associées à certains traits comme le manque de confiance et que l’anxiété tend à accroître la
suggestibilité. L’état d’esprit dans lequel est un individu soumis à une influence a un impact
sur sa réaction. S’il s’estime compétent dans un domaine donné, il résistera d’autant plus aux
pressions qu’il les jugera non pertinentes à partir de sa compétence.
De même la crédibilité du locuteur repose sur l’appréciation portée par l’autre sur ses
compétences en lien avec son statut social. Le processus d’influence s’inscrit donc dans un
rapport interactif dans lequel les facteurs subjectifs tendent à l’emporter sur la réalité
objective. Dans ce jeu du moment présent en permanence est évoqué le passé (mémoire
émotionnelle) afin d’élaborer des plans pour se retrouver dans un état émotionnel satisfaisant.
Ces « aller et venu » incessants propres à la situation sont à la base des processus de
raisonnement et de prise de décision. Par rapport à un événement présent, la stratégie de
sélection d’une réponse consiste dès lors à réactiver le souvenir d’un événement associé, de
telle sorte que la mise en œuvre de la réponse se déroule automatiquement et rapidement, sans
36
qu’il y ait besoin de délibération si on le veut ainsi. Le concept d’influence pourrait être
envisagé comme un paramètre négatif s’il s’opérait uniquement de l’évaluateur à l’évalué,
mais si l’interaction repose sur une écoute compréhensive, il renvoie alors à un processus
dynamique dans lequel les deux protagonistes sont mutuellement et subjectivement impliqués.
En pratique de management, c’est souvent vérifié, lorsque l’on confie à un agent une
mission, encadrée par un contrat de délégation et que celui-ci dépasse son rôle prescrit en
prend du leadership sur son cadre de santé. Les objectifs envisagés lors de l’entretien
d’évaluation ne sont plus tenus et la gestion émotionnelle de l’événement tend vers un
difficile contrôle des comportements et vers une inhibition des fonctions exécutives.
3.3.4) Les liens entre émotion et communication :
Les émotions sont communicables grâce à l’empathie. Ce partage émotionnel permet
la verbalisation du ressenti (et non son refoulement qui augmente les interventions
désordonnées) qui une fois reconnu, expliqué et justifié permet de prendre du recul et d’entrer
dans un processus de communication. L’empathie amène donc des comportements
d’affiliation puisque la personne s’aperçoit qu’elle n’est pas isolée face à l’inconnu mais fait
partie d’un groupe qui connaît les mêmes émotions. Les émotions sont en lien avec un intérêt
personnel, un besoin, une attente, un objectif dont la satisfaction ou non entraîne des émotions
plus ou moins fortes. Dans toutes situations de communication, les acteurs visent toujours un
double mouvement : atteindre certains objectifs et éviter de se placer dans une situation
menaçante.
Ainsi la manifestation des émotions lors d’une rencontre - comme la colère, la honte
…etc. - traduit le désir social fondamental d’être reconnu par les autres dans sa valeur et sa
spécificité (Philippot, 2003). Selon l’émotion ressentie, les forces internes (histoire du sujet)
se heurtent aux forces externes (l’environnement). A l’issue de ces tensions, un comportement
va apparaître :
Un comportement d’approche,
Un comportement d’évitement.
Donc pour saisir les motivations réelles qui sous-tendent ces comportements, cela
suppose de répondre à deux questions :
Qu’est-ce que l’individu cherche à atteindre ?
Qu’est-ce qu’il cherche à éviter ?
37
Ce double jeu correspond à celui des désirs et des défenses qui fait que toute
communication repose ou produit un système de contrôle, de transformation, de filtrage ou de
sélection de l’information qui peut certes être délibéré mais qui, dans la plupart des cas, est
inconscient.
Nous retrouvons cette idée de tension chez Philippot (2003), exprimée par tout
individu, entre les différentes images de soi. Ces non concordances entre « soi » viendraient
en partie de l’histoire de l’individu, de l’environnement dans lequel il a grandi. Elles
trouveraient leur origine dans les souvenirs de moments particuliers de l’enfance et de
l’adolescence (il est difficile de maintenir le projet d’une brillante carrière intellectuelle avec
des souvenirs d’échecs scolaires répétitifs), ceux dans lesquels ces discordances étaient les
plus fortes. Les émotions seraient une des stratégies qu’utilise la personne pour réduire l’écart
entre les différentes images d’elle-même. Ainsi la faculté d’empathie pourrait permettre dans
la relation d’éviter cette angoisse en signifiant la reconnaissance.
Nous touchons là une problématique de terrain ou la réflexivité du cadre de santé est
porteuse d’un message en terme d’image que chacun a de soi, de ses capacités et de ses
qualités. L’ensemble de nos rapports à autrui est traversé par des attentes de reconnaissance
dans les interactions sociales. Omettre de valoriser une action menée par un agent lors de
l’entretien annuel d’évaluation peut être contre productif.
A travers l’éclairage de ces recherches, l’émotion apparaît essentielle à la
connaissance de soi, d’autrui, et du monde. La dimension émotionnelle permet de faire le lien
entre l’ordre social et l’ordre intime. Ses réactions incluent un état mental subjectif (mémoire,
expériences, lien social entraînant une émotion comme la colère), une impulsion à agir (fuir
ou se rapprocher), des comportements (blocages, raisonnements plus ou moins rapides,
plasticité créative). Elles peuvent être exprimées ouvertement ou non, modulées ou réprimées,
elles entraînent cependant de profonds changements au niveau du corps (rythme cardiaque,
pression sanguine…). Certains de ces changements préparent à des actions d’adaptations ou
de création. D’autres tels que les postures, les gestes et les expressions faciales communiquent
aux autres ce que nous ressentons ou ce que nous voulons que les autres ressentent.
38
3.4) Synthèse de la problématisation théorique :
D’une part, nous avons pu observer dans l’exploitation de notre enquête exploratoire
qu’il y avait plusieurs écueils dans les pratiques d’évaluation des personnels hospitaliers.
C’est une tâche complexe que l’évaluateur exécute selon ses capacités cognitives mais surtout
selon un cadre réglementaire et obligatoire. De plus, en fonction des situations de terrain, les
évaluateurs feront variés leur posture (agent, acteur, auteur), selon les différents modèles
d’évaluation (mesure, gestion, questionnement), mais aussi selon l’ambiance émotionnelle
suscité par l’entretien annuel d’évaluation. Les apports théoriques de la recherche ont révélé
que les émotions sont reconnues par autrui et influencent les relations interpersonnelles. En
retour, ces émotions évoquent des réponses de la part d’autrui qui modifient également la
relation. Les comportements permettent en quelque sorte de faire partager à autrui ce qui est
ressenti, de le faire participer à une situation qui est sociale. Dans un entretien, les
comportements interagissent et finissent par trouver des points d’équilibre. Un évaluateur
agressif va provoquer une tension chez l’évalué, mais, à l’inverse la détente va contribuer à la
sérénité de l’évalué.
D’autre part, il se détache de cette enquête exploratoire un évaluateur dont la posture
tend à démontrer qu’il est possible – malgré la rigidité du système d’évaluation et malgré le
contexte d’insatisfaction face au mode actuel de l’évaluation – de produire du sens, du lien
social, de l’étonnement. Ce cadre de santé possèderait-il de manière intuitive et empirique des
habilités à cultiver la « compétence émotionnelle » ?
Enfin, à ce stade de notre questionnement nous prenons conscience que nous sommes
pleinement inscrit dans une enquête de recherche psychosociologique qui vise l’étude d’un
« cas particulier ». Et qu’il nous faut approfondir, auprès de lui, notre question essentielle
évoquée lors de l’enquête exploratoire. Ceci afin de comprendre, comment un individu face à
l’adversité et à la démobilisation générale trouve encore ce qui fait sens, mais surtout arrive à
entraîner dans sa dynamique son équipe.
39
4) Problématique méthodologique
4.1) Les différentes méthodes de recherche :
Les problèmes complexes auxquels s’attaquent les chercheurs, en l’occurrence en
Sciences de l’Education, mais cela peut-être étendu au domaine de la santé, peuvent conduire
à la recherche de méthodes s’inscrivant dans une même « vision du monde » car « une
méthode implique aussi un positionnement épistémologique » (Vial, 2000, p. 99).
Il existe différentes méthodes de recherche susceptibles d’être utilisées dans la
recherche en soins et santé. Chaque méthode a ses caractéristiques :
La méthode expérimentale : s’inscrit dans un paradigme mécaniciste et explicatif.
Le chercheur s’intéresse davantage au groupe et à ses invariants, qu’aux individualités.
La méthode différentielle : s’inscrit dans un paradigme mécaniciste et compréhensif.
Le chercheur s’intéresse aux facteurs de différenciation des individus, à la variabilité
interindividuelle.
La méthode de l’ethnos : quant à elle, s’inscrit dans une approche holistique et
s’intéresse à l’étude d’un groupe socialement identifié, à ses habitudes, sa dimension
culturelle, et à ses règles de fonctionnement.
La méthode clinique : se situe dans un paradigme biologique et compréhensif. Le
chercheur s’intéresse à la singularité du sujet dont la parole exprime des effets de sens. Le
résultat de la recherche est lié à la découverte d’éléments qui permettront de construire un cas
clinique et de travailler à sa transférabilité. La caractéristique de ce cas est, comme nous
l’indique Vial, (2000, p. 147) « qu’il déborde de l’attendu des critères » issus de l’approche
théorique.
Notre objet de recherche se réfère bien à une quête de compréhension du sens donné
par le sujet « cadre de santé – évaluateur » à ses postures au regard de la dynamique de son
équipe. C’est le vécu et le ressenti du sujet qui nous intéresse. Cet intérêt s’axe sur son
cheminement, sa capacité à jongler avec les modèles de l’évaluation. Ses différentes postures
qu’il prend en fonction des situations qu’il rencontre. Sa pratique dans l’emploi des
compétences émotionnelles qui le distingue des autres évaluateurs. Ceci me permettra, de
mieux comprendre dans quel paradigme cet évaluateur se situe t’il ?
40
Ma démarche, semble bien s’inscrire dans une méthode clinique telle que la définit
Eymard (2003, p. 51), « La méthode clinique, elle, s’intéresse à la clinique du sujet / sujet en
tant qu’être humain ayant conscience d’être au monde ».
4.2) La méthode clinique :
Parce que c’est une méthode de recherche qui se situe dans le paradigme vitaliste,
compréhensif, et qu’elle s’intéresse à la singularité de l’individu, elle nous a semblé être la
plus adaptée à notre objet de recherche. « L’objet de la méthode clinique est l’étude
approfondie de cas individuels, c'est-à-dire des déterminants …biographiques…de la
conduite du sujet observé » (Grawitz, 2001, p. 358).
En Sciences Sociales, la complexité et l’interdépendance des facteurs humains
orientent souvent les chercheurs vers la méthode clinique. Sa caractéristique est la primauté
de l’information et de l’observation, portant sur la totalité des manifestations d’un être
humain. La position du clinicien est celle de l’écoute, d’une attention portée aux associations
libres du sujet, à la manière dont les énoncés, pensées et paroles, silences s’agencent dans le
discours. Le chercheur, en permettant de faire un travail sur la réalité de la relation, fait que
cette méthode conduit à développer un questionnement. Cette maïeutique du langage est un
objet privilégié pour le clinicien car il véhicule du sens :
Sens manifeste : il traduit des énoncés porteurs de sens conscient. Un mot ou une
expression peut simplement témoigner d’un contenu conscient qui cherche à se communiquer.
Sens latent : il transmet aussi du sens inconscient à travers les lapsus, les mots
d’esprit, les dénégations, les associations, les dissociations, les ruptures dans le discours…Un
mot ou une expression revenant fréquemment et attaché à plusieurs situations peut révéler des
processus psychiques particuliers (processus d’identification par exemple).
Le langage vise aussi à produire un effet en sensibilisant le clinicien au dire et à la
manière de dire (narration, récits de rêves, par exemple). On observe également des manières
d’être des attitudes, des comportements qui peuvent nous renseigner sur la vie émotionnelle et
affective du sujet. Nous, nous intéresserons uniquement à la communication verbale du sujet
retenu. Nous cernerons notre objet de recherche en déclinant l’observation clinique en sous
méthode qui sont : « la clinique de l’écoute, la clinique de la relation et celle du discours ». La
méthode clinique procède donc d’une interaction verbale où le discours du sujet écouté n’est
pas donné d’emblée mais est le résultat d’une « co-construction ».
41
5) Dispositif de recherche
5.1) L’entretient semi directif :
Grawitz (2001, p. 644) définit l’entretien comme, « un procédé d’investigation
scientifique, utilisant un processus de communication verbale, pour recueillir des
informations, en relation avec le but fixé ». Notre choix s’est porté sur l’entretien semi directif
car, au regard de notre objet de recherche, il nous permet de recueillir des informations et des
éléments de réflexions riches et nuancés. De plus, la reformulation, nécessaire à l’entretien
non directif, est une technique à laquelle nous n’avons pas été formée. Ainsi, l’entretien semi
directif, outil, ni entièrement ouvert, ni canalisé, permet à l’interviewé de s’exprimer
naturellement, sans retenue, et ses propos souvent spontanés, reflètent l’état du moment. En
effet, Eymard (2003, p. 51), énonce que « le centre d’intérêt du chercheur est l’individu en
tant que sujet singulier, son récit, son histoire, sur le phénomène mis à l’étude par le
chercheur ».
L’entretien semi directif vise à obtenir des informations sur les perceptions, les états
affectifs, les jugements, les opinions, les représentations des individus à partir de leur cadre
personnel de référence et par rapport à des situations actuelles.
Il a une richesse heuristique. « S’inscrivant dans le présent, l’entretien tente de
préserver l’expression des contradictions, des tensions, des conflits, des cahots, des ruptures
et des circularités qui font partie de l’expérience ». (Pedinielli & Fernadez, 2005).
5.2) L’outil :
5.2.1) Le guide d’entretien :
Cet outil se caractérise par l’identification, en amont, de thèmes et sous thèmes à
aborder pendant l’entretien et il permet au chercheur, par des questions préparées à l’avance,
de recueillir des données sur les thèmes non abordés spontanément par l’interviewé. Ces
questions se présentent sous la forme d’un guide d’entretien.
Après avoir débuté l’entretien par une question inaugurale, d’ordre plus ou moins
général, nous avions préparé deux questions afin d’orienter notre cas clinique dans le sens de
notre recherche :
Question inaugurale : Pensez-vous que posséder des compétences émotionnelles
favorise un climat de confiance lors de l’entretien d’évaluation ? (Q1)
42
Les deux questions :
- Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, en lien avec les savoirs savants et expérientiels
que vous avez accumulez, vous pouvez vous considérer comme un évaluateur
différent des autres? (Q 2)
- Selon vous, qu’est ce qui est important dans la posture de l’évaluateur lors de
l’entretien annuel des personnels de santé ? (Q 3)
5.2.2) Les limites de l’outil :
Le récit, au cours d’un entretien, est toujours fonction d’un sujet. Il se situe entre le
souvenir de l’auteur, la cohérence qu’il a besoin de donner à son existence, l’image de son
existence qu’il souhaite projeter, les justifications de ses actes qu’il désire présenter aux
autres, le tout dans un contexte donné. Le récit n’est donc pas le témoin fidèle de ce qui a été
vécu par l’auteur.
De plus, le risque est que le narrateur produise une histoire qui, sans être une fiction,
devienne un arrangement destiné à produire un effet de satisfaction chez l’enquêteur. Le choix
du narrateur doit donc se faire en fonction de sa participation à des situations, en rapport avec
l’objet de recherche.
En tant « que néophyte dans la posture d’un cadre de santé chercheur », je suis partie
prenante de la recherche, aussi, l’interaction qui se produit entre « l’interviewé » et moi, sera
prise en compte lors de l’interprétation des données.
5.2.3) La posture du chercheur :
Comme l’évoquent Accardi et Daineche (2001, p. 163), « l’éthique de la recherche en
clinique serait de ne pas confondre la posture du chercheur et celle du psychanalyste ». En
effet la relation entre le sujet et le chercheur n’est pas une relation d’aide. Il s’agit plutôt
d’une relation de négociation entre le chercheur et le sujet rencontré.
Dans cette méthode, le chercheur accueille les signes que le sujet veut bien lui livrer
de son histoire de vie, et de son vécu du phénomène étudié. Accueillir, c’est recevoir la parole
de l’autre, dans une attitude d’écoute, afin de découvrir des éléments imprévisibles qui
permettront de construire un cas clinique. Pour Pedinielli et Fernandez, (1998, p. 28), «
l’écoute demande de ne pas livrer toutes ses pensées, associations, opinions, réactions,
sentiments en réponse à ce qui vient d’être énoncé… écouter oblige provisoirement à ne plus
s’écouter ».
43
D’après Rogers (1967), l’enquêteur doit manifester « chaleur et sympathie », de
l’intérêt pour l’enquêté, « compréhension », c'est-à-dire que l’enquêté doit avoir l’impression
de pouvoir tout dire, sans se heurter à une attitude moralisatrice ou de jugement de valeur.
L’attitude d’écoute, plus que la maîtrise de techniques, demande de la part du
chercheur une manifestation de réceptivité afin de stimuler l’engagement et l’expression. A
partir du moment où l’enquêté commence à parler, l’enquêteur, sans l’interrompre, demeure
dans une attitude de compréhension ou d’empathie.
Le chercheur est participant, actif dans la relation, il analyse les interactions avec le
sujet. Une relation de confiance doit s’établir. Ainsi, il est important de préciser dès le début,
le strict anonymat de la recherche. De plus, il est utile d’expliquer à l’enquêté ce que l’on
attend de lui, en insistant sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un examen, mais que tout ce qu’il
pense et dit a de l’intérêt. Le chercheur reçoit la réalité du récit du sujet (telle qu’elle est
énoncée ou telle qu’il la perçoit) et doit travailler à son implication qui, comme l’écrit
Eymard, (2003, p. 52), « est objet de connaissance ».
5.4) Le terrain et la population :
Le champ des pratiques sociales et des sciences humaines s’intéresse aux cas cliniques
qui concernent aussi bien le chercheur que le praticien. Ils ne peuvent pas, certes, être
confondus, mais ils conservent des points communs. Il existe pour chacun d’eux la relation
d’un intervenant avec des « objets sujets », faite d’interactions, dans un objectif qui est, la
réalisation de projets, tel que « l’élaboration des repères nécessaires à l’intelligibilité des
pratiques » (Ardoino, 2000, p. 80). De fait, notre thème de recherche nous semblait trouver un
substrat clinique auprès du cadre de santé (service A de l’enquête exploratoire) et nous avons
donc souhaitez approfondir notre questionnement par un entretien plus détaillé sur le thème
de notre recherche.
La population de l’enquête se compose alors, d’un seul échantillon en la personne de
ce cadre de santé qui est le plus en résonance avec notre problématique de recherche.
En méthode clinique, l’approche est qualitative, ce n’est donc pas le nombre de sujets
rencontrés qui fait la qualité de la recherche. Mais plutôt la quintessence « du reste » de ce qui
n’est pas commun, qui est de l’ordre du créatif, de l’habileté à vivre les événements.
44
5.5) L’entretien :
Le rendez-vous a été pris avec le cadre de santé retenu. Pour des raisons de
disponibilité, la durée de l’entretien a été fixée à 45 minutes et s’est déroulé dans le bureau de
celui-ci. Avant de commencer l’entretien, le thème de recherche a été clairement énoncé
(question inaugurale et questions d’orientation) ainsi que la garantie du bon respect de
l’anonymat, non seulement de la personne interviewée, mais aussi de l’environnement et des
personnages impactés. Enfin, il a été demandé à l’interviewé l’autorisation d’enregistrer ses
propos, condition indispensable à la réalisation de l’enquête, afin de pouvoir les retranscrire
dans leur intégralité et sans interprétation. La retranscription intégrale de l’entretien est jointe
en annexe n°3.
45
6) Traitement des données
Les données recueillies sont le fruit de réactions subjectives de la part de l’interviewé,
en relation avec la situation que je souhaite analyser. La retranscription de l’entretien,
préalablement enregistré, permet d’effectuer une analyse de contenu consistant à dégager
l’ensemble des réponses émises par notre cas clinique.
Pour cela, j’ai construit une grille de lecture théorisée de l’entretien qui permet de lire
un contenu et de lui attribuer du sens. Donc, le classement des réponses en unité de sens dans
la grille permet de vérifier la véracité des critères et des indicateurs retenus qui sont liés à aux
savoirs théorisés.
6.1) La grille de lecture théorisée de l’entretien :
La grille de lecture théorisée permet une interprétation des données invoquées dans la
problématique :
Modèle de l’évaluation,
Les postures,
L’intelligence émotionnelle.
Théorie
Modèles de
l’évaluation
Critères
Indicateurs
Mesure
Notation
Contrôle
Aptitudes
Gestion
Performance
Objectif
Planification
Régulation
Autoquestion
nement
Étonnement
Créativité
Ressource
Sens
Unités de sens
« Alors l’évaluation prend une tournure très dirigiste, sans état
d’âme. Je suis dans le contrôle, la note est mise en fonction des
items de l’évaluation donnés par l’institution et en fonction de la
mesure de l’écart entre l’année écoulé et celle en cours vis-à-vis
des objectifs à tenir par l’agent. »
« Nous sommes enfermés dans un système d’évaluation
archaïque, qui n'est pas adapté et qui se solde par une
augmentation de note de 0.25 points par an. Le mérite de chacun
n’est finalement pas reconnu, et le deux parties restent sur une
profonde frustration ».
« Aider l’agent à faire des choix qu’il l’amène à faire évoluer ses
compétences professionnelles. Donc, souvent en étant dans ce
positionnement, je constate l’émergence de motivation
personnelle qui me permet une meilleure compréhension des
attitudes de l’agent face au groupe et au poste de travail ».
« Si je ne prends pas la mesure de la dimension inter subjective
qui se joue, alors je passe à coté d’éléments essentiels à la
compréhension de l’autre. Surtout, lorsqu’on parle du contrat
d’objectifs et de moyens ».
« en tant qu’évaluateur assujettis à respecter la procédure de
l’entretien d’évaluation, je peux m’autoriser à ouvrir un espace
de dialogue et de congruence qui doit me permettre de redonner
du sens à cette action managériale. » « je ne possède
concrètement que peu de moyen de reconnaissance ».
Auteurs
Ardoino
Barbier
Berger
Bonniol
Campanale
Cardinet
Deketele
Eymard
Gatto
Hadji
Lecointe
Legendre
Monteil
Ravestein
Vial
46
Théorie
Critères
Indicateurs
Méthodologie
créativité
Chercheur
questionnement
Unités de sens
Auteurs
« la participation actuelle à l’évaluation est plutôt fictive et trop
scolaire ».
« parfois, je me dis que c’est un travail comme un autre après
tout on me demande d’appliquer une note »
« Si je regarde bien je n’ai pas vraiment de marge de manœuvre
vis-à-vis du texte réglementaire ».
« Prendre le temps d’écrire, de poser littéralement ce que l’on vit
et de le confronter à d’autres expertises ou à des théories permet
de créer du savoir. Ce qui m’amène à produire des articles pour
des revues professionnelles. »
« Pour créer cet espace de confiance qui doit permettre un
dialogue ouvert avec l’autre, vous devez donner des signes forts
de votre volonté d’être dans cette posture ».
Ardoino
Delplanque
« Notre système de notation date de 1959, il s’appui sur des
maîtrise
Triptyque
D’Ardoino
Expert
Postures
procédure
certification
accommpagneme
nt
Consultant
développeme
nt
remise en
question
critères inappropriés et ne constitue pas un outil dynamique
permettant de fixer les objectifs. »
« je sais que les cadres qui ne sont pas formés à la nouvelle
approche de l’évaluation, rencontrent de réelles difficultés ».
« Je me mets en position d’écoute, d’acceptation de l’autre en
tant que personne. Il y a une confiance qui s’établie et un
échange. Discours positif ».
Garnier
Gatto
Pastor
Viel
« les acteurs de l’évaluation développent des attitudes différentes
en fonction de leur représentation sociale ».
« je fais parler l’agent, je clarifie la situation. » « je me
positionne dans la posture d’un médiateur au sens :
reconnaissance de l’altérité et intégrité de la personne… »
« C’est une aptitude que possèdent certains individus qui met en
relief la faculté d’arriver à un équilibre intérieur permettant de
communiquer avec les autres dans un sens positif ».
« Le message est simple, un bon entretien d’évaluation, c’est la
manière par laquelle deux personnes peuvent se rencontrer et
produire une synergie d’action qui s’apparente à la motivation ».
47
Théorie
Critères
Indicateurs
Unités de sens
Auteurs
« La posture rigide et hiérarchique est bannie. Je me mets en
position d’écoute, d’acceptation de l’autre en tant que
personne ».
Reconnaissance
1. Conscience de
soi :
- estime de soi
- confiance en soi
2. Conscience
sociale :
- empathie
- service des autres
« Les projets que l’on met en place avec l’évalué doivent
être visible et atteignable afin de renforcer le sentiment
d’assurance et de confiance en soi ».
« La pratique du terrain stimule la réflexion pour donner le
bon feedback au bon moment,… »
« Prendre conscience de la somme des petits évènements qui
se vivent en évaluation et la manière dont notre filtre les
traduits favorise une posture au détriment d’une autre ».
« L’objectif, c’est d’arriver à faire tomber des barrières ; à
gérer des conflits et à obtenir de meilleurs résultats. La
personne définissant elle-même ses freins. »
« Donc, de la dimension coopérative du travail dépend aussi
de la reconnaissance ».
« Si je ne prends pas la mesure de la dimension inter
subjective qui se joue, alors je passe à coté d’éléments
essentiels à la compréhension de l’autre »
Intelligence
Emotionnelle
Régulation
1. Gestion de soi :
- contrôle de soi
- motivation
2. Gestion des
relations :
- Gestion des
conflits
- influence
1. Résonance :
- climat émotionnel
- l’honnêteté
Compétence
2. Epanouissement
- transformation de
soi
- accompagnement
« Je peux citer, entre autre, la faculté de comprendre son
prochain, la capacité à éclaircir les malentendus pour régler
les conflits, la maîtrise de soi, l’écoute et l’adaptabilité ».
Boyatzis
Damasio
Favre
Gatto
Goleman
McKee
Vincent
« Les compétences émotionnelles peuvent se travailler… »
« Cela fonctionne pas toujours et chez certains évalués, il
n’y a pas de résonance ».
« Les contenus académiques que j’ai accumulé me donne
cette capacité à prendre de la hauteur, de me détacher de la
situation afin d’agir avec plus d’efficacité ».
Ce qui est important, c’est la réflexivité de l’évaluateur lors
de l’entretien d’évaluation. C’est dans l’effet miroir. Dans
cette possibilité d’être un passeur. Celui qui va accompagner
l’évalué vers son développement personnel par la
transformation de soi au travers d’un projet de vie
s’inscrivant dans un projet professionnel.
« En plus, je crois que donner du sens à l’action produite par
l’agent dans le cadre de son activité peut lui démontrer son
utilité et lui faire comprendre qu’il a une valeur ».
« En se préservant des autres par la « conscience de soi » et
le « lâcher prise », mais aussi par l’apprentissage à
rencontrer l’autre dans sa vision des choses, c’est ce que l’on
appelle en Programmation Neuro Linguistique (PNL) la
« synchronisation ».
48
6.2) Analyse de contenu :
Dans le cadre de mon travail de recherche en clinique, il m’ait demandé de procéder à
l’analyse de contenu de ce qui a été verbalisé, de la parole, du signifié. Il faut pour cela faire
appel aux théories du langage qui peuvent apporter un éclairage pertinent et objectif. Elles
énoncent en effet que plusieurs éléments ont une importance significative lors de l’analyse du
contenu : ce qui est dit, comment cela est dit, à qui cela est dit. L’analyse thématique du
contenu est nécessaire afin d’extraire des entretiens : « l’ordre des arguments et les niveaux de
sens que comprend le discours ».
L’utilisation de l’observation clinique qui associe la clinique de l’écoute (écouter une
personne raconter son histoire ou parler d’une expérience qui la touche implique qu’elle
tienne compte des principes d’intelligibilité de soi et d’évitement du déplaisir. Ainsi, la prise
en compte de l’interaction verbale ne recouvre pas la prise en compte des effets de
l’intersubjectivité), la clinique de la relation (transfert, contre-transfert par exemple), la
clinique du discours (toutes les informations verbales produites par le sujet durant
l’observation sont susceptibles d’éclairer le fonctionnement de sa personnalité) conduit à une
interprétation qui donnera un sens aux évènements et aux phénomènes cliniques observés.
Par la traduction synthétique de l’entretien sous la forme d’une réduction à des unités
fonctionnelles de sens, je peux voir, sur le fil chronologique, émerger des éléments singuliers
ou récurrents. L’appariement des unités fonctionnelles de sens en « noyaux de sens » permet,
par intégration de ceux-ci en catégories de sens, de recomposer « un autre propos à l’intérieur
du discours ». La structuration du langage verbal (le non verbal n’est pas ici étudié), nous
apporte des éléments d’analyse et la mise en évidence d’énoncées ou de jugements.
Le tableau synoptique, ci-dessous, déclinant les différentes unités fonctionnelles de
sens laisse apparaître une contiguïté dans les réponses attendues. Cela pourrait s’interpréter
par une cohérence dans le discours et par une intelligence multiple de notre cas clinique.
Unités Fonctionnelles
Noyau de sens
Catégorie de sens
Recomposition du
discours
Question inaugurale
Question 2
Question 3
Compétences,
Reconnaissance,
Sentiment,
conscience de soi
motivation
régulation
Déterminants internes
Respect
Identification
des comportements
Fragilité,
Etats subjectifs du
Activité
Circulation des idées
moi
psychologique
Transfert, plasticité
La motivation est le Aider les autres à leur
cognitive,
cœur des
développement,
congruence…
apprentissages…
Force et lacune…
49
6.3) Interprétation clinique :
La recomposition du discours laisse transparaître une orientation collégiale d’un
travail visant à améliorer l’approche évaluative de l’entretien annuel d’évaluation. Ceci dans
le but de réorienter le débat vers un acte de médiation. La notion de transmittance est
travaillée par l’évaluateur afin de créer chez l’évalué une influence qui activera une
dynamique d’action et débouchera sur un changement cognitif de ses représentations sociales.
Créant ainsi de nouveaux schémas de pensée.
De part son comportement notre cas clinique fait preuve d’un sens politique très
travaillé qui prouve sa capacité à être à l’écoute de son organisation et d’être capable de
détecter les réseaux sociaux décisifs et de déchiffrer les relations de pouvoir clé. « Il faut
découvrir les caractéristiques, la nature et les règles des jeux qui structurent les relations
entre les acteurs et conditionnent leur stratégie » (Crozier & Friedberg, 1977). L’analyse
stratégique est particulièrement utile dans la mesure où l’observation montre qu’il ne suffit
pas d’avoir un bon projet ou une bonne solution pour qu’elle soit mise en œuvre.
Les compétences de leadership de notre cadre apparaissent au travers de sa capacité
adaptative à l’environnement dans lequel il évolue. C’est dans l’utilisation de ses savoirs
théoriques et expérientiels qu’il puise sa force et son capital confiance. « L’intelligence
émotionnelle recouvre certaines aptitudes, dont celle d’atteindre un équilibre intérieur
permettant de communiquer avec les autres dans un sens positif, de comprendre son
prochain, d’éclaircir les malentendus pour régler les conflits… » (Goleman, 1998).
Une investigation de son histoire personnelle, de son enfance, du milieu socioculturel
dans lequel il a grandi, nous apprendrait peut-être que la construction de son ego est le fruit
d’attitudes parentales valorisantes et positives.
Le coté iconoclaste de notre cas clinique montre que sa différence est un atout pour
aborder cet acte managérial qu’est l’entretien d’évaluation. Il démontre qu’un vrai leader
galvanise son équipe par la vision enthousiaste qu’il donne au projet de chacun. Par la valeur
ajoutée qu’ils peuvent représenter pour l’entreprise hôpital.
Nous retrouvons dans tous ces aspects la vérification de notre ressenti, évoqué au
travers de notre question de recherche, à savoir que posséder des compétences émotionnelles
favorisent un climat de confiance vis-à-vis d’autrui. Qu’une « cadre attitude » en terme de
posture s’initie et se travaille par le biais de la formation continue tout au long de la vie
professionnelle, mais aussi par l’échange de l’expérience lors de colloques professionnels.
Notre travail pourrait être complété par une analyse des gestes corporels, para verbaux
et des indicateurs verbaux de notre interlocuteur. Un traitement des données recensées à partir
50
d’une observation de notre entretien avec le cadre de santé retenu comme cas clinique
donnerait une approche plus fine à notre étude.
En cela, il faudrait décrypter les interactions sociales ou le rôle du regard devient un
support dans le maintient du lien social. Comme dans toute rencontre, la personne regarde
moins son interlocuteur lorsqu'elle parle que lorsque qu’elle écoute. Ceci est particulièrement
flagrant chez l’évalué qui fixe l’évaluateur quand celui-ci prend la parole.
Pour l’évaluateur cet aspect doit être davantage modulé. L’évaluateur, en position
d’écoute et d’énonciateur, propose dans l’ensemble un regard discontinu, c'est à dire que les
yeux opèrent un mouvement de va et vient de l’évalué au bureau, aux mains…
Cette différence est conforme aux résultats décrits par Corraze (1980), qui explique
justement que lorsque deux sujets ont des statuts différents, la fréquence des regards portés
sur l’autre est différente. C’est toujours la personne en position « basse » qui regarde le plus
souvent son interlocuteur. Le regard fixe d’une personne ayant un statut hiérarchique
supérieur envoie souvent un signal de dominance. Le regard insistant produit alors un état de
trouble. Pour réduire cette tension émotionnelle, l’évaluateur réduit la durée des contacts
oculaires et détourne le premier les yeux. Ce comportement ayant la valeur d’apaisement
permet de maintenir une relation complémentaire équilibrée.
Ensuite, il faudrait s’intéresser aux fonctions des gestes para verbaux ou l’émotion va
s’exprimer aussi par les petits mots reconnus comme appartenant pleinement à la langue orale
et écrite. Cependant leurs valeurs sont à différencier. Les « donc », « mais », « alors »,
« enfin »… qui sont utilisés dans la langue écrite pour indiquer la progression et la logique du
discours, reflètent surtout à l’oral l’état émotif du locuteur. La prise de parole est source
d’angoisse et de stress, surtout lorsqu’elle est spontanée. L’utilisation fréquente de ces petits
mots permet de corriger l’excès d’émotion. Ils sont des sortes « d’appui » qui font avancer le
discours. Fernandez (1994), plutôt que d’opposer les « temps pleins » et les « temps vides »
de la parole, préfère souligner la continuité et la gradation informatives. Ces indices
involontaires de l’état émotif du locuteur permettent de corriger les hésitations et les
embarras.
Enfin, nous prenons conscience que l’analyse des unités fonctionnelles de sens et
l’interprétation clinique réclament des savoirs académiques et de terrain. Ces deux pratiques,
qui ne vont nullement de soi, recèlent bien des chausse-trappes. Le but de cette démarche de
recherche est d’investir de nouveaux champs de réflexion afin de mieux appréhender la réalité
de nos pratiques. Il n’en reste pas moins que le sujet fait débat et qu’il faudrait réformer cet
outil de management qu’est l’entretien d’évaluation afin de lui donner un sens et une finalité.
51
7) Discussion
L’objet de cette étude sur le développement, chez les cadres de santé, de compétences
émotionnelles qui permettraient d’aborder l’entretien annuel d’évaluation comme un outil
managérial de motivation et de reconnaissance d’autrui a été traité par l’observation clinique.
Ce qui sous tend une asymétrie et une distorsion interprétative d’une théorie ou d’un fait
révélé. La subjectivité tenant lieu de support analytique nous pousse à moduler notre discours.
L’interprétation des résultats rend compte de la temporalité dans le fonctionnement psychique
et dans l’inscription du sens d’un évènement. Mais nous n’avons pas la prétention d’aller
aussi loin dans notre analyse des données cliniques.
Quy Nguyen Huy (1999), professeur de stratégie et de management a en fait confirmé
l’importance fondamentale du facteur affectif dans les situations de changement. Créer une
nouvelle disposition qui donne une autre grille de lecture à l’entretien annuel d’évaluation, en
le faisant évoluer de manière à insuffler une dynamique de progrès, est novateur.
Tout cela s’apparente bien au concept de leadership de résonance : diriger et motiver
par l’intelligence émotionnelle décrite dans les travaux de Goleman, Boyatzis et Mckee
(2002). Pour qui « Les leaders qui utilisent des styles qui font naître la résonance modèlent
des normes qui soutiennent la détermination, l’implication, la poursuite active de la vision et
des relations de travail saines et productives ».
Nous reconnaissons que ce travail aurait mérité un recrutement plus important en
terme de personnes interrogées sur le sujet, comme les directeurs des ressources humaines, le
directeur coordonnateur des soins…etc. Il aurait fallu aussi, développer d’autres axes d’études
comme celle de l’ethnos et vivre l’entretien annuel d’évaluation avec les protagonistes et
caméra au poing, imprégner sur la pellicule la dimension émotionnelle brute, sans coloration
d’une quelconque interprétation subjective. Puis, décortiquer l’atmosphère, les signes, les
gestes et en faire la critique.
Force est de constater, que l’intérêt des résultats de cette étude est directement
transposable et exploitable pour ma pratique professionnelle en tant que cadre de santé. Cela
invite à porter le débat à des niveaux hiérarchiques supérieurs et travailler à des pistes de
réflexion sur la création de nouveaux outils d’évaluation prenant en compte « la logique du
reste » Vial, (2005), au sens de « l’écart acceptable ». Mais, je reste sceptique quant à la
véracité du propos. La culture managériale de l’entreprise publique ne pousse pas les
individus aux défis, aux challenges, à l’effort. Où, si elle le fait, on s’aperçoit que les moyens
52
s’évanouissent vite. On passe d’un projet, à un autre sans concertation. Cela crée un sentiment
de frustration. Alors, comment le manager tire-t’il sa force intérieure afin d’aborder avec
honnêteté les vérités pénibles ? Qu’est-ce qui permet à un chef de motiver ses collaborateurs à
faire de leur mieux et à rester fidèles à leur service ?
Ce questionnement montre qu’il reste encore du chemin à parcourir, des formations à
dispenser, afin que les leaders créent un climat émotionnel favorable aux innovations, à la
performance et au rayonnement de l’individu devenu un homme libre par la conscience de soi,
la gestion de soi, l’intelligence interpersonnelle et sociale…
53
8) Conclusions et perspectives
8.1) Conclusion :
L’évaluation composante de gestion des ressources humaines est une étape logique et
inévitable dans la démarche qualité. Outil de management, elle favorise l’optimisation de la
contribution et des compétences de chacun, dans l’attente de performance. Évaluer, c’est être
à la recherche de l’efficacité ; c’est aussi une nécessité qui répond à un besoin ressenti par ses
acteurs, objectivement motivés. En s’appuyant sur le dialogue, l’écoute, la contractualisation
des objectifs, l’évaluation permet une implication et une responsabilisation de chacun à son
niveau.
Des préalables sont indispensables à la mise en œuvre de l’évaluation. La mise en
place de cette démarche d’évaluation s’opère nécessairement au travers du processus de
conduite de changement. Il s’agit pour le cadre de santé de passer d’un état stable connu à un
état stable inconnu. L’approche par le concept d’intelligence émotionnelle est un défi auquel
sont confrontés les managers en terme de posture à prendre afin de mieux appréhender les
changements à conduire en matière d’évaluation des personnels. Avec les ordonnances de
1996, l’évaluation se tourne vers les objectifs et les résultats atteints et implique évaluateur et
évalué en s’appuyant sur une pratique quotidienne et des bilans d’étapes réguliers.
L’hôpital, comme toute entreprise, a besoin de l’initiative de son personnel. C’est cette
part imprévisible et spontanée de l’action qu’il cherche à développer par la motivation. Un
agent motivé prend de l’initiative ; et un agent qui prend de l’initiative se motive. Il y a une
spirale de motivation. Moins un salarié prend des initiatives, moins il se motive ; son travail
perd du relief, de l’intérêt. Il s’inscrit dans un cycle régressif, préjudiciable au développement
de l’organisation. Il y a donc une spirale de démotivation. Mais la motivation n’est pas un
état, c’est un acte managérial au service de l’efficacité de nos organisations. Si la motivation
est une force et que l’encadrement et les effets de cette force dépendent fortement des projets
de l’individu dans un contexte donné, la motivation du personnel revient à se poser la
question du sens dans ce processus. On peut considérer que le terme « sens » a deux niveaux :
« objectif de vie », qui renvoie aux aspirations ; « sentiment intérieur », les choses ont une
significations. On peut néanmoins se demander si l’entreprise qui veut gérer « les valeurs » ne
se trompe pas parfois de niveau. Bien souvent, elle offre du « sens objectif » alors que c’est
du « sens signification » dont les personnels ont d’abord besoin pour accroître leur
54
motivation. Le sens signification est primordial pour adhérer au quotidien aux pratiques de
tous les jours.
Dans de ce contexte, notre travail s’est intéressé à montrer d’abord, la pertinence de
notre constat de terrain au travers d’une enquête exploratoire qui déboucha sur l’étude
sociologique de notre constat. L’approche conceptuelle a été décryptée à partir des théories en
sciences sociales énoncées par d’éminents chercheurs.
Puis, pour valider notre question de recherche selon laquelle, posséder des
compétences émotionnelles favoriserait une nouvelle posture du cadre de santé afin de mieux
vivre l’entretient d’évaluation, nous avons utilisé une méthode clinique qui se fonde sur
l’observation fine des individus et des situations et sur la retranscription de leur histoire sous
la forme « d’étude de cas ».
L’analyse des contenus fait ressortir que l’ensemble de nos rapport à autrui est
traversé par des « attentes de reconnaissance » dans la mission de gestion des personnels par
le cadre de santé. Elle souligne la nécessité de valoriser « la motivation par l’évaluation des
performances » des agents au travail, de redonner du sens à l’action afin de pérenniser l’envie
d’être acteur de son devenir et de la société. Pour ce faire, il faudra lutter contre le fait que la
valeur « travail » ne soit plus un facteur de reconnaissance sociale et rappeler à tous la citation
suivante : « le travail éloigne de nous le besoin, le vice et l’ennui ». (Voltaire, 1759).
Néanmoins, il est primordial que les cadres de santé sachent qu’ils ne sont pas seuls
pour mener à bien leurs missions (Directions, réseau de confrères, syndicats, textes de
lois,…etc.) et qu’ils ne sont pas responsables de l’économie du travail, des choix stratégiques
et politiques de l’hôpital mais qu’ils devront toujours être prêt à prendre le pont d’Arcole !
Alors, les évalués deviendront ainsi acteurs de leur évaluation et les évaluateurs
maintiendront la clé du système.
8.2) Perspectives :
Pour compenser un environnement en crise, tel que celui dans lequel se situe notre
hôpital, il serait important de travailler en terme d’estime et de confiance de l’autre, travail
indissociable d’un management de proximité.
Sur la base de la vérification de notre questionnement, nous aimerions mettre en
perspective ce travail, en dégageant plus tard d’autres hypothèses en terme de prolongement
qui porteraient sur le développement d’une nouvelle forme de management pour le cadre de
santé qui repose sur l’utilisation d’une pratique sociale qui relève de l’accompagnement
individuel dans un cadre professionnel : « le Coaching ».
55
Le coaching crée un espace où l’individu peut évacuer ce qui fait obstacle à son
développement, exprimer ses désirs et ses aspirations, développer ses atouts, et acquérir de
nouvelles compétences et savoirs. Sa visée est d’obtenir plus d’humanité en aidant le coaché à
développer son potentiel, pour davantage d’autonomie et d’émancipation. Cette démarche se
distingue de la formation ou de la thérapie en se positionnant comme une co-construction
entre le coach et le coaché fondée sur la puissance de la relation intersubjective. Le postulat
de base est que le coaché dispose en lui des ressources nécessaires pour trouver ses propres
solutions et que le coach agit comme un facilitateur de changement.
Le coaching ne touche pas à la structure psychique. L’attention du Coach est centrée
sur le « comment » et le « pourquoi » des comportements à mettre en place et sur les finalités
professionnelles. Le « pourquoi » est écouté mais jamais approfondi. Lorsque le présent est
éclairé par le passé, c’est pour immédiatement rebondir sur le futur.
L’exploration du « pourquoi » relève du domaine de la thérapie ; il concerne l’univers
personnel et privé de la personne là ou le coaching a un impact plus ponctuel dans son univers
professionnel. Même si le Coach aborde des composantes de son identité personnelle, il le
fera uniquement pour éclairer sa problématique professionnelle dans le but d’apaiser sa
souffrance (ou son mal-être), de développer son potentiel et d’améliorer sa performance. « Le
coaching est l’accompagnement d’une personne à partir de ses besoins professionnels pour le
développement de son potentiel et de ses savoir-faire. » (Société Française de coaching).
Un cadre de santé doit contribuer à initier ce processus en étant à l’affût de ce qui se
passe réellement au sein de son équipe. Cela ne signifie pas seulement observer ce que font et
disent les membres de l’équipe, mais également comprendre ce qu’ils éprouvent. Amener les
membres d’une équipe à avoir une réflexion commune et honnête sur ce qui marche et ce qui
ne marche pas est une première étape fondamentale vers la création d’une équipe plus
résonnante. Ce genre de débat donne consistance à la réalité de ce qu’éprouve une
organisation et à ce que les individus y font vraiment.
Une approche complémentaire consisterait alors à comparer avec les mêmes outils
d’évaluation, si les cadres de santé pratiquent ou pas déjà ce processus, s’ils ont pu ou pas en
évaluer les bénéfices et les contraintes. Et par leur expérience du terrain, s’interroger sur la
pertinence de ce nouveau mode de management qui commence à se mettre en place. Celui,
qui cherche une légitimité nouvelle et saine prenant la forme de la franchise et de l’évaluation
honnête des aspects comportementaux et émotionnels de la culture et du leadership.
Tout cela représente, sans nul doute, pour les cadres de proximité de l’organisation
hospitalière un réel challenge dans l’évolution managériale.
56
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60
GLOSSAIRE
Émotion : Réaction affective transitoire d'assez grande intensité, habituellement provoquée
par une stimulation venue de l'environnement.
Estime de soi : Avoir une bonne opinion de soi-même.
Intelligence émotionnelle : C’est l’équivalent, dans les sensations et les sentiments, de
l’intelligence tout court que le sens commun réduit, hélas, à seule dimension relationnelle.
Cultiver l’intelligence émotionnelle permet de progresser dans son travail.
Management : Science de la technique de direction et de gestion de l’entreprise.
Organisation : Responsabilité, liaisons hiérarchiques et relations, configurées selon une
structure par laquelle un organisme accomplit une fonction (Guide de lecture AFAQ de la
certification qualité à l’usage des établissements de santé).
Reconnaissance : Action de reconnaître quelqu’un, selon le concept que de reconnaissance
pour les sciences humaines, à savoir que la valeur que chacun s’attribue dépend du regard
d’autrui.
Transformation de soi : Processus qui sous-tend les motivations et les émotions des
individus.
61
SOMMAIRE DES ANNEXES
Annexe n°1
Décret n°95-926 du 18 août 1995, portant création d’un diplôme
de cadre de santé - annexe I.
63
Annexe n°2
68
Questionnaire de l’enquête exploratoire
Annexe n°3
Guide d’entretien
71
62
Annexe n°1
63
64
65
66
67
Annexe n°2
68
Guide d’entretien semi directif réalisé auprès des directeurs des soins
et des cadres supérieurs de santé
1) Pouvez-vous me décrire la procédure d’évaluation des personnels actuellement mise en
place dans votre établissement ?
2) Pensez-vous que ce dispositif reflète la qualité des agents ?
3) Quels sont les liens entre l’évaluation et la notation ?
4) Quel est votre avis sur la procédure actuelle ? Et comment la concevez-vous ?
5) Comment envisagez-vous votre collaboration avec le DRH ?
6) Comment peut-on maintenir la motivation des personnels au travail ?
7) Quels liens faites-vous avec l’intéressement collectif et individuel ?
8) Comment mettez-vous en œuvre la GPEC ? Et, le cas échéant, quelles sont les difficultés
rencontrées ?
9) Pensez-vous que la posture de « l’évaluateur » influence la réflexivité de « l’évalué ? »
10) Selon vous, y a-t-il un « climat émotionnel » à créer, qui serait favorable aux relations
interindividuelles ?
69
Guide d’entretien semi directif réalisé auprès des cadres de santé, des infirmiers et des
technicien(ne)s de laboratoire
1) Pouvez-vous me décrire la procédure d’évaluation des personnels actuellement mise en
place dans votre établissement ?
2) Quel est votre vécu par rapport à l’évaluation ?
3) Pensez-vous que ce dispositif reflète la qualité des agents ?
4) Quels sont les liens entre l’évaluation et la notation ?
5) Quel est votre avis sur la procédure actuelle ? Et comment la concevez-vous ?
6) Quelles sont les informations utilisées, pendant l’évaluation, pour la gestion prévisionnelle
des ressources humaines (formation, mobilité, changement de temps de travail...) ? Comment
sont-elles utilisées ?
7) Quel serait, selon vous, le dispositif d’évaluation idéal ? Quel serait votre rôle ?
8) Qu’est ce qui vous motive au travail ? Comment maintenir la motivation des personnels ?
9) L’intéressement collectif et/ou individuel est-il envisageable ? Si oui, comment ?
10) Quel est, selon vous, le rôle du directeur des soins dans ce dispositif ?
11) Quel est, selon vous, le rôle du directeur des ressources humaines, dans ce dispositif ?
12) Pensez-vous que la posture de « l’évaluateur » influence la réflexivité de « l’évalué ? »
13) Selon vous, y a-t-il un « climat émotionnel » à créer, favorable qui serait aux relations
interindividuelles ?
70
Annexe n°3
71
Guide d’entretien
Question inaugurale : « Pensez-vous que posséder des compétences émotionnelles
favorisent un climat de confiance lors de l’entretien d’évaluation ? »
Oui, rire. Heu, Les compétences émotionnelles sont un nouveau courant qui émerge et sur
lequel on fait beaucoup de projet. En se rapprochant de l’intelligence émotionnelle (IE), on
peut arriver à multiplier de nouvelles performances. Bémol !!
Je ne suis pas sure que l’on soit toujours dans le bon positionnement de l’IE. Connaît on et
sait on vraiment gérer ses mauvaises émotions. Sait on rester objectif.
Point + : essayer de se mettre dans une telle posture demande une connaissance de soi et
ses limites vis-à-vis de la personne évaluée. Essayer de se mettre en empathie face à elle.
L’objectif, c’est d’arriver à faire tomber des barrières ; à gérer des conflits et à obtenir de
meilleurs résultats. La personne définissant elle-même ses freins.
Puis, l’entretien d’évaluation est un moment particulier de l’année. C’est se retrouver
durant 45 minutes face à autrui, sans échappatoire, avec le carcan de l’évaluation de surcroît
obsolète et qui laisse peu de marge de manœuvre. Tout ce que cela rappelle en terme
d’évènements agréables ou pas est vécu de manière intensive par les protagonistes. Pour
revenir à votre question : « si posséder des compétences émotionnelles favorisent un climat de
confiance », je répondrais que cela y participe. En fait, un climat de confiance, c’est quoi ?
Alors selon moi, une ambiance réciproque d’unicité. C'est-à-dire que vous êtes le plus
possible en phase avec l’autre. Dans les théories de la communication, on dirait que l’on est
sur les mêmes canaux. Pour créer cet espace de confiance qui doit permettre un dialogue
ouvert avec l’autre, vous devez donner des signes forts de votre volonté d’être dans cette
posture. Par l’emploi de mots moteurs et non univoques qui vont résonner chez l’évalué et lui
permettre de se détendre, de s’identifier à votre discours et de faire tomber les barrières.
Enfin, le climat de confiance établi, vous pouvez aborder l’entretien d’évaluation de
manière différente tout en respectant le cadre législatif obligatoire et institutionnel.
Maintenant, il me faut expliquer ce que je sais sur les compétences émotionnelles. C’est une
aptitude que possèdent certains individus qui met en relief la faculté d’arriver à un équilibre
intérieur permettant de communiquer avec les autres dans un sens positif. Je peux citer, entre
autre, la faculté de comprendre son prochain, la capacité à éclaircir les malentendus pour
régler les conflits, la maîtrise de soi, l’écoute et l’adaptabilité.
Donc, à partir de tous ces éléments, en tant qu’évaluateur assujettis à respecter la
procédure de l’entretien d’évaluation, je peux m’autoriser à ouvrir un espace de dialogue et de
congruence qui doit me permettre de redonner du sens à cette action managériale.
Hum, cela fonctionne pas toujours et chez certains évalués, il n’y a pas de résonance.
Alors l’évaluation prend une tournure très dirigiste, sans état d’âme. Je suis dans le contrôle,
la note est mise en fonction des items de l’évaluation donnés par l’institution et en fonction de
la mesure de l’écart entre l’année écoulé et celle en cours vis-à-vis des objectifs à tenir par
l’agent. Ce n’est pas très agréable comme situation mais faut savoir s’adapter en fonction
d’autrui.
Je pense que l’adaptation procède de la faculté pour un individu de s’approprier les
compétences nécessaires à la création d’une communauté d’intelligence et de valeurs
communes. Mais il existe dans une équipe des éléments hermétiques qui par leur écosystème
ne sont pas réflexifs à ce type de situation.
Les compétences émotionnelles peuvent se travailler et il serait intéressant que dans les
modules d’enseignements en Institut de Formation des Cadre de Santé, on investigue ce
72
champ de recherche afin d’aider les cadres évaluateurs à plus de flexibilité relationnel voire
neuronale. Ce qui leur permettrait peut-être d’éviter le « burn-out ». Comment ?
En se préservant des autres par la « conscience de soi » et le « lâcher prise », mais aussi
par l’apprentissage à rencontrer l’autre dans sa vision des choses, c’est ce que l’on appelle en
Programmation Neuro Linguistique (PNL) la « synchronisation ».
Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, en lien avec les savoirs savants et expérientiels que
vous avez accumulez, vous pouvez vous considérer comme un évaluateur différent des
autres?
La première des différences qui me caractérise des autres cadres de santé c’est mon cursus
universitaire :
Après le BAC, trois voies s’offrent à moi : médecine, avec une préférence pour la
médecine humanitaire, professeur d’éducation physique et, depuis ma récente découverte dans
mes cours de philo en terminale, psychologie.
Puis, j’ai travaillé comme monitrice éducatrice auxiliaire par intérim dans un
établissement à caractère sanitaire et social « l’Accueil », auprès d’enfants dit « cas sociaux ».
Arrivée là par le hasard d’une petite annonce, j’ai tout de suite été recrutée grâce à un BAFA.
Parmi les personnes titulaires dans cet établissement, une seule était diplômée et faisait
fonction de cadre, deux instituteurs travaillaient là durant l’année. Les autres personnes
n’avaient pas de formations particulières et la qualité de leurs prestations auprès des enfants
dépendait entièrement de leurs qualités personnelles…
J’ai été très émue par le sort de ces enfants entre 3 et 13 ans, dont la plupart étaient en
souffrance, isolés, coupés de leur famille, et qui, s’ils bénéficiaient de confort matériel et
d’une éducation suffisante, ne recevaient ni amour, ni attention particulière.
Ils ne bénéficiaient pas même d’un soutient psychologique y compris ceux qui avaient été
victimes d’abus ou de violences. Ce sujet n’était jamais abordé.
Bien que je n’ai pas eu à cette époque la vocation d’éducatrice ou de puéricultrice, je
pense qu’inconsciemment cette expérience m’a profondément changé et a déterminé mes
« non choix » futurs.
Je m’inscris en psychologie, poussée par le désir de comprendre ce qui m’apparaissait
comme une injustice criante faite aux enfants dont je m’occupais et auxquels je m’étais
attachée.
En cours d’année, la confusion dans les amphis, des matières sans rapport avec ce que
j’attendais, le sentiment de perdre mon temps et le désir d’être utile rapidement, me pousse à
m’intéresser à d’autres voies. Je prépare le concours kiné, car ce métier me semble réunir
deux aspects qui m’attirent : médecine et sport, à l’issue d’une formation courte et pratique.
Malheureusement, une erreur de la DRASS de Lyon compromet mon inscription dans les
temps. Une secrétaire m’adresse au bureau d’en face où les inscriptions pour le concours
d’ergothérapeute sont encore possibles. Très déçue je dépose mon dossier pour une profession
dont j’ignore tout jusqu’à ce jour.
On peut donc vraiment parler d’une vocation par défaut.
Pourtant je découvre des aspects de la formation puis de la profession qui m’intéressent,
en particulier l’importance de la relation dans les soins de rééducation et de réadaptation.
Je suis intéressée par l’enseignement de psychologie et de psychiatrie.
Les stages me permettent de prendre contact avec la réalité et m’initier à la relation de
soin.
Après mon diplôme d’état, je souhaite poursuivre mes études et reprendre mon projet
d’éducation physique et sportive, pour en faire une spécialité auprès de personnes handicapées
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physiques ou mentales. J’obtiens une équivalence en deuxième année pour l’année
universitaire à venir mais je me vois proposer une proposition d’emploi de la part du
Professeur Visier, chef du service de Médecine Psychologique de l’Enfant et de l’Adolescent,
au CHU de Montpellier. Ce travail, prévu au départ pour 3 mois, va durer onze ans et demi.
Durant 5 ans, je travaille au sein d’une équipe éducative pluridisciplinaire, auprès
d’adolescents présentant des troubles de la personnalité, du comportement, des conduites
alimentaires…
Puis, dans ce même service, je développe une activité d’intervention à domicile en
thérapie familiale auprès de jeunes enfants (18 mois-6 ans) et leur famille, en lien avec
l’équipe de Pédopsychiatrie, les organismes extérieurs (écoles, services sociaux,
associations…)
Pour cela je complète ma formation initiale par une formation de plusieurs années en
Analyse transactionnelle et thérapie familiale systémique.
Cette expérience, dans ce service, a structuré ma compétence, mes valeurs, ma réflexion
professionnelle. Elle a déterminée une culture constituée d’expériences pratiques et de
réflexions professionnelles, guidées par un éminent analyste en la personne du Pr.Visier, de
développement personnel, le tout sur un fond théorique de références et d’écrits universitaires
et expérientiels.
Cette période est pour moi la base de ma vie personnelle et professionnelle. Elle a
déterminé, je l’espère, une approche à la fois pragmatique, nuancée d’humanisme et de
respect de l’autre. Le souci d’être utile, efficace et à l’écoute, de trouver du sens à mon action,
me motive.
J’ai trouvé pendant ces années, des réponses, du sens, l’occasion de « réparer » les
dommages infligés aux enfants que je n’avais pas oublié.
Les contenus académiques que j’ai accumulé me donne cette capacité à prendre de la
hauteur, de me détacher de la situation afin d’agir avec plus d’efficacité. Cet, auto
questionnement sur mes pratiques est fait d’aller retour entre mon terrain et les savoirs
théoriques assimilés à l’université. J’ai conscience que mes rapports à l’autre passe par la
reconnaissance de son travail, de la personne, de sa différence.
Si je ne prends pas la mesure de la dimension inter subjective qui se joue, alors je passe à
coté d’éléments essentiels à la compréhension de l’autre. Surtout, lorsqu’on parle du contrat
d’objectifs et de moyens. Les projets que l’on met en place avec l’évalué doivent être visible
et atteignable afin de renforcer le sentiment d’assurance et de confiance en soi.
Ce qui me distingue aussi de mes autres collègues cadres de proximité, c’est mes
connaissances en psychosociologie. L’emploi de l’analyse transactionnelle (TA) et de la PNL
me donne une grille de lecture plus lisible des situations que je rencontre, notamment lors de
l’entretien annuel d’évaluation. La pratique du terrain stimule la réflexion pour donner le bon
feedback au bon moment, mais elle permet aussi de créer du savoir par le mouvement de la
vie.
Chaque situation est unique et lors de chaque entretien d’évaluation se joue les mêmes
actes de la comédie humaine. Prendre conscience de la somme des petits évènements qui se
vivent en évaluation et la manière dont notre filtre les traduits favorise une posture au
détriment d’une autre. Prendre le temps d’écrire, de poser littéralement ce que l’on vit et de le
confronter à d’autres expertises ou à des théories permet de créer du savoir. Ce qui m’amène à
produire des articles pour des revues professionnelles.
Lors d’un entretien d’évaluation, je suis toujours en position d’écoute, de compréhension
du point de vue de l'autre; Je pense arriver à établir un climat de confiance réciproque, une
communication basée sur la compréhension. Même si la personne est satisfaite d'être reconnu
et écoutée, il demeure qu’en temps que cadre je ne possède concrètement que peu de moyen
de reconnaissance .Nous sommes enfermés dans un système d’évaluation archaïque, qui n'est
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pas adapté et qui se solde par une augmentation de note de 0.25 points par an. Le mérite de
chacun n’est finalement pas reconnu, et le deux parties restent sur une profonde frustration.
De plus les évolutions de carrière reste très faible voire insignifiantes, alors dans un tel
contexte comment arriver a dynamiser et à motiver des personnes qui depuis 10 ans sont au
dernier échelon avec un salaire identique, et avec une automatisation de plus en plus
importante des tâches………
Selon vous, qu’est ce qui est important dans la posture de l’évaluateur lors de l’entretien
annuel des personnels de santé ?
Heu, ce qui est important, c’est la réflexivité de l’évaluateur lors de l’entretien
d’évaluation. C’est dans l’effet miroir. Dans cette possibilité d’être un passeur. Celui qui va
accompagner l’évalué vers son développement personnel par la transformation de soi au
travers d’un projet de vie s’inscrivant dans un projet professionnel.
Le message est simple, un bon entretien d’évaluation, c’est la manière par laquelle deux
personnes peuvent se rencontrer et produire une synergie d’action qui s’apparente à la
motivation.
La posture rigide et hiérarchique est bannie. Je me mets en position d’écoute,
d’acceptation de l’autre en tant que personne. Il y a une confiance qui s’établie et un échange.
Discours positif. Donc, une meilleure compréhension de chacun. C’est un moment de partage
qui peut aller au-delà du professionnel. La personne étant reconnue dans son intégrité.
Aider l’agent à faire des choix qu’il l’amène à faire évoluer ses compétences
professionnelles. Donc, souvent en étant dans ce positionnement, je constate l’émergence de
motivation personnelle qui me permet une meilleure compréhension des attitudes de l’agent
face au groupe et au poste de travail. L’idéal serait de pouvoir prendre toutes ces données en
considérations et d’améliorer l’organisation du travail.
Les ressorts de la motivation se trouvent dans la reconnaissance de la réalité et de l’utilité
du travail qui conditionne également la coordination des différentes activités. Donc, de la
dimension coopérative du travail dépend aussi de la reconnaissance. En plus, je crois que
donner du sens à l’action produite par l’agent dans le cadre de son activité peut lui démontrer
son utilité et lui faire comprendre qu’il a une valeur. Qu’il est une composante active d’un
vaste système au service du patient. Sa contribution, sa pierre à l’édifice doivent l’aider à
renforcer son ego, son estime de soi, sa confiance afin de produire de nouvelles actions. C’est
la spirale du succès… !
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RÉSUMÉ
Dans un environnement en pleine mutation, l’institution hospitalière a une obligation de
s’adapter et de faire face aux exigences et contraintes de toute nature. Il n’en demeure pas
moins que l’hôpital est avant tout une communauté humaine. La construction d’une démarche
structurée de l’entretien annuel d’évaluation du personnel présentée dans ce travail repose sur
des notions de postures, d’intelligence émotionnelles que les cadres de santé pourraient
développer afin de mieux vivre cet évènement. C’est essentiellement à partir des théories
convoquées sur ces thèmes que l’on s’appuie pour traiter notre objet de recherche. Le choix
de la méthode clinique a permis un éclairage pertinent et novateur sur les pratiques
évaluatives d’un cadre de santé initié aux savoirs universitaires. Il en ressort que bien des
incompréhensions et des problèmes sociaux prennent sens dès lors qu’on les aborde sous
l’angle de la reconnaissance. L’image que chacun a de soi, de ses capacités et de ses qualités
dépend du regard d’autrui. A terme, les nouvelles approches managériales devraient intégrer
les modèles du leadership de résonance et d’accompagnement individuel dans un cadre
professionnel.
Mots clefs : Évaluation, posture, intelligence émotionnelle, sens, reconnaissance.
SUMMARY
In an environment undergoing profound change, the hospital institution has to adapt itself
to face requirements and constraints of any type. Above all, hospital is a human community.
We present here how to develop a structured process for annual interview of members of the
staff for their professional evaluation. This work is based on the concepts of non-verbal
expressiveness and emotional intelligence. Health manager could apply the proposed method
for a better progress of the interviews. Our research subject is mainly developed on the basis
of the theory corresponding to the previous themes. The choice of the clinical method for
analyzing the results led to a relevant and new view on the practice of professional evaluation
by the health managers with university training. It is evident from this fact that
misunderstanding and social problems could be in part alleviated by their recognition alone.
Self-image of its own capacities and qualities depends on the others look. In conclusion, new
managerial styles should include resonant leadership and individual relationship management
in the professional context.
Keywords :
recognition.
Evaluation, non-verbal expressiveness, emotional intelligence, sense,
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