I Conjoncture économique et politiques sociales La protection sociale représente en France environ 695 milliards d’euros en 2012 (dernière année disponible des comptes), dont 653 milliards d’euros de prestations de protection sociale (94 % des dépenses de protection sociale, 31,2 % du PIB). Cette progression reste relativement faible pour la troisième année consécutive (+ 3,3 %). Pour la deuxième année, le rythme des recettes (+ 3,9 %) progresse plus rapidement que celui des dépenses du fait de la croissance de l’assiette et de l’augmentation des prélèvements. Le déficit courant des régimes d’assurance sociale se trouve ainsi réduit. Selon le baromètre d’opinion de la DRESS, les français continuent à trouver très important le rôle joué par la protection sociale ; pour une majorité d’entre eux, son universalité doit être préservée ; mais dans le même temps, ils sont plus nombreux à juger excessif le poids de son financement. Une reprise encore trop faible La France peine à retrouver son niveau de 2008, alors que d’autres économies développées l’ont dépassé. En 2012 et 2013, la France a connu une faible croissance, avec chaque année une progression de 0,3 % (en volume). Le chômage poursuit sa hausse entamée à la mi-2008, ce qui n’a jamais eu dans la durée de précédent depuis l’après-guerre. Les réformes pèsent sur le revenu disponible des ménages. Si les prestations sociales ont joué leur rôle stabilisateur jusqu’en 2011, cet effet disparaît aujourd’hui en raison des mesures d’économies (stabilisation des prestations, hausse des prélèvements) et l’évolution du revenu des ménages ne bénéficie plus de ce soutien. En France, le recul observé de 2008 à 2013 s’explique essentiellement par l’accroissement de la pression fiscale, nécessaire pour contenir les déficits. Dans l’avenir, est-il préférable de réduire les dépenses ? Dans tous les cas, il faut s’attendre à des réactions des citoyens. Les associations de solidarité pour leur part, paient un lourd tribut en termes de fiscalité (exclusion du CICE, hausse de la TVA, fin de l’exonération transport…) ce qui, dans le contexte actuel, complique plus encore leurs actions. Globalement, selon l’Insee, le taux de pauvreté a baissé en France pour l’année 2012 (13,9 % contre 14,3 % l’année précédente) mais le niveau de vie moyen des personnes pauvres a continué sa chute pour descendre à 784 €, soit le niveau le plus faible depuis 2006. Le poids de la dette publique Selon le rapport social économique et financier présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, l’endettement des administrations publiques au sens de Maastricht connaitrait un accroissement plus modéré en 2013 et en 2014 (+ 3,2points puis + 1,7 point de PIB) pour atteindre 95,1 % du PIB à la fin de l’année 2014 ; l’Insee communiquait un poids de la dette déjà à 93,6 % au premier trimestre 2014. Selon le baromètre d’opinion de la DREES, les français sont de plus en plus préoccupés par la question de la dette. Pourtant, le déficit public se réduit pour la 4e année consécutive mais trop lentement. À la mi-août, le ministre des Finances Michel Sapin a indiqué que la France ne parviendrait pas à ramener son déficit public à 3,8 % du PIB cette année, avançant un chiffre supérieur à 4 % - ce qui est contraire aux engagements européens. Ce résultat s’explique par une économie européenne largement en panne, comme le soulignait récemment Mario Draghi, président de la Banque Centrale Européenne (BCE) en invitant l’Union Européenne à soutenir la croissance par des mesures budgétaires d’investissement. La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a appelé le 8 septembre la France à poursuivre ses efforts pour réduire son déficit budgétaire et à accélérer ses réformes. Un risque de déflation plane sur l’Europe L’inflation en France et en Europe est inférieure à 1 % par an (+ 0,3 % en août sur l’année 2013-2014). La désinflation désigne un phénomène de ralentissement marqué de l’inflation. Les prix baissent pendant plusieurs mois, ce qui fait également descendre le taux d’inflation annuel, sans qu’il ne devienne négatif. Ainsi, pour la zone euro et la France, on peut parler de désinflation. Dans un entretien au Monde (4 août 2014), le Président de la République a fait part de son pessimisme quant aux perspectives de croissance en Europe. « Il y a un vrai risque déflationniste en Europe : en France, l'inflation n'a jamais été aussi basse ». Si, en France, l’Insee a annoncé une baisse des prix de 0,3 % sur le mois de juillet, l’Espagne, mais aussi l’Allemagne et le Portugal, sont touchés par une inflation qui reste très faible. Une faible II inflation combinée à une croissance nulle relance les inquiétudes. La gravité de la situation semble avoir été prise en compte par la BCE. En effet, les prévisions d'inflation ont été revues à la baisse, à 0,6 %, pour la zone euro. Il en est de même pour les prévisions de croissance : alors que le PIB de la zone euro était prévu en hausse de 1 % en 2014, les dernières estimations pencheraient pour 0,9 %. Pour 2015, la prévision de croissance a été rabaissée de 1,7 % à 1,6 %. Le risque de déflation est réel en zone euro. Il convient de soutenir la demande en Europe. Un pacte de responsabilité et de solidarité pour assurer la soutenabilité des finances publiques et créer les conditions d’une croissance soutenable et créatrice d’emplois Si le consensus semble s’établir sur la nécessité de maîtriser l’endettement public, les moyens pour y parvenir et le rythme de l’ajustement font encore débat. Les analyses divergent et s’affrontent. Le Président de la République a annoncé en janvier 2014 un plan d’économies de 50 Md€ sur la période 2015-2017, destiné à ramener le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB et à financer le Pacte de responsabilité pour relancer la compétitivité et l'économie du pays. Le Premier ministre a précisé que les collectivités locales participeront à cet effort à hauteur de 11 Md€, l'État et ses agences pour 18 milliards, ainsi que la protection sociale (10 milliards d'euros sur les dépenses de l'Assurance maladie et 11 milliards sur la gestion du système social). Ces baisses devraient impacter les associations de solidarité sur les prochaines années. L’allégement du coût du travail est posé dans le pacte, comme un préalable à la compétitivité des entreprises française. Ondam : une maîtrise efficace des dépenses de santé L'Ondam 2013 est en progression de 2,7 %, permettant de dégager 4,6 milliards d’euros supplémentaires consacrés à la santé par rapport à 2012. En 2014, sa progression a été limitée à 1,9 %, avec un Ondam à 178,3 M€. Les dépenses de l'Assurance maladie ralentissent depuis 2002, et leur progression est revue encore à la baisse dans la dernière loi de finances rectificative. Les dépassements se sont réduits. Depuis 2010, les dépenses d’assurance maladie n’ont pas dépassé le seuil fixé par l'Ondam. Malgré cela, selon la DREES, la part restant à la charge de l’ensemble des ménages a diminué pour la seconde année consécutive, revenant à 8,8 %. Cette maîtrise traduit-elle un simple ajustement comptable avec une plus grande efficience ? Ou bien est-elle encore synonyme d’inégalités accrues dans l’accès aux soins ? Des observations complémentaires sont nécessaires. Le secteur médico-social bénéficie d’une progression autour de 3 %, permettant pour l’essentiel des créations de places. La rigueur toujours au programme La faible inflation et la conjoncture défavorable conduisent à des évolutions de salaires plutôt étroites. Dans les associations sociales et médico-sociales, les évolutions ont été cadrées par la conférence salariale avec une évolution à + 1,1 %. Difficile dans ce contexte de dégager des marges. De plus, la crise des finances publiques, le risque de déflation, l’atonie de la croissance se conjuguent pour écraser les marges de manœuvre, dans le public comme dans le privé. Alors que les options d’une relance de l’économie s’affrontent, le débat sur le partage de la richesse et le niveau des inégalités est réactivé. Le territoire au cœur des évolutions La surveillance de Bruxelles s’exerce désormais sur l’ensemble des collectivités publiques et de la protection sociale. Alors que l’État échoue pour l’instant dans la réduction du déficit budgétaire, des efforts massifs sont attendus des collectivités locales, en pleine phase de réforme territoriale. Dans ce contexte, il est d’autant plus nécessaire d’argumenter fortement les priorités sociales. Plus que jamais, le territoire est au cœur des enjeux de l’État et des politiques sociales car l’impact des mesures nationales est variable dans des contextes locaux fortement différenciés et plus ou moins affectés par la récession économique. Uniopss, le 10 septembre 2014 Uniopss/Uriopss Rentrée sociale 2014-2015