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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT
Année 2014
ÉTUDE COMPARATIVE DES MARQUEURS DES
LIGNÉES T ET B CHEZ L’HOMME ET LES ANIMAUX
DE LABORATOIRE
THÈSE
Pour le
DOCTORAT VÉTÉRINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
le……………
par
Dany ASALI
Né le 12 octobre 1989 à Courcouronnes (Essonne)
et
Quentin, Jean, Arthur FOURNIER
Né le 20 mars 1989 à Bois-Guillaume (Seine-Maritime)
JURY
Président : Pr.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL
Membres
Directeur : Pr. Françoise QUINTIN-COLONNA
Professeur à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort
Assesseur : Pr. Renaud TISSIER
Professeur à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort
Invité : Dr. Jean-Jacques LEGRAND
Docteur vétérinaire
LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
Directeur : M. le Professeur GOGNY Marc
Directeurs honoraires : MM. les Professeurs : COTARD Jean-Pierre, MIALOT Jean-Paul, MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard.
Professeurs honoraires : Mme et MM. : BENET Jean-Jacques, BRUGÈRE Henri, BRUGÈRE-PICOUX Jeanne, BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, CLERC Bernard,
CRESPEAU François, DEPUTTE Bertrand, MOUTHON Gilbert, MILHAUD Guy, POUCHELON Jean-Louis, ROZIER Jacques.
DÉPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC)
Chef du département par intérim : M. GRANDJEAN Dominique, Professeur - Adjoint : M. BLOT Stéphane, Professeur
UNITE DE CARDIOLOGIE
- Mme CHETBOUL Valérie, Professeur *
- Mme GKOUNI Vassiliki, Praticien hospitalier
- Mme SECHI-TREHIOU, Praticien hospitalier
DISCIPLINE : NUTRITION-ALIMENTATION
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DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE
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UNITE DE CLINIQUE EQUINE
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- Mme BERTONI Lélia, Maître de conférences contractuel
- Mme GIRAUDET Aude, Praticien hospitalier *
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- Mme TRACHSEL Dagmar, Maître de conférences contractuel
UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES
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- M. CHERMETTE René, Professeur (rattaché au DSBP)
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- M. GUILLOT Jacques, Professeur *
- Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences
- M. POLACK Bruno, Maître de conférences
UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE
- M. FAYOLLE Pascal, Professeur
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- M. MANASSERO Mathieu, Maître de conférences contractuel
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- Mme RAVARY-PLUMIOEN Bérangère, Maître de conférences (rattachée au DPASP)
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UNITE D’IMAGERIE MEDICALE
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UNITE DE MEDECINE DE L’ELEVAGE ET DU SPORT
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DISCIPLINE : NOUVEAUX ANIMAUX DE COMPAGNIE
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DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP)
Chef du département : M. MILLEMANN Yves, Professeur - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Professeur
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UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES
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Chef du département : Mme COMBRISSON Hélène, Professeur - Adjoint : Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences
UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
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IMMUNOLOGIE
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UNITE DE VIROLOGIE
- M. ELOIT Marc, Professeur
- Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences *
* responsable d’unité
REMERCIEMENTS
Au président du jury, Professeur de la Faculté de Médecine de Créteil, nous ayant fait
l'honneur d'accepter la présidence de notre jury de thèse,
Nos hommages respectueux.
À Madame le Professeur Quintin-Colonna de l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort,
qui nous a transmis ce sujet de thèse ; pour la qualité et la sincérité dans son enseignement de
l'immunologie,
Nos remerciements les plus sincères.
À Monsieur Legrand, qui a proposé ce sujet de thèse et nous a encadrés dans la
réalisation de ce travail,
Nos remerciements distingués.
À Monsieur le Professeur Tissier de l'École Nationale Vétérinaire d'Alfort, pour la
lecture attentive de ce travail,
Nos très sincères remerciements.
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................. 11
LISTE DES TABLEAUX ........................................................................................................ 14
LISTE DES ABRÉVIATIONS ................................................................................................ 16
INTRODUCTION .................................................................................................................... 22
I. Les marqueurs phénotypiques............................................................................................... 27
1.1. Définition d'un Cluster de Différenciation (CD) ........................................................... 27
1.1.1 La création du terme CD ......................................................................................... 27
1.1.2 Évolutions dans l'établissement des CD .................................................................. 28
1.2 Utilisation des CD pour l'identification des cellules ...................................................... 31
1.2.1 Les anticorps monoclonaux à l'origine des CD ....................................................... 31
1.2.2 La cytométrie de flux .............................................................................................. 33
1.2.2.1 Utilisation de fluorochromes ............................................................................ 33
1.2.2.2 Principe de la cytométrie de flux...................................................................... 34
1.2.2.3 Application de la cytométrie de flux ................................................................ 35
1.2.3 L'immunohistochimie .............................................................................................. 37
1.2.3.1 Principes de l'immunohistochimie ................................................................... 37
1.2.3.2 Applications de l'immunohistochimie .............................................................. 40
1.2.3.3 Immunohistochimie des organes lymphoïdes .................................................. 42
1.2.3.3.1 Immunohistochimie de la moelle osseuse ................................................. 42
1.2.3.3.2 Immunohistochimie du thymus ................................................................. 44
1.2.3.3.3 Immunohistochimie des nœuds lymphatiques .......................................... 46
1.2.3.3.4 Immunohistochimie de la rate ................................................................... 47
1.2.3.3.5 Immunohistochimie des tissus lymphoïdes associés aux muqueuses ....... 49
1.3 Problèmes liés à la définition d'un CD pour l'extrapolation interspécifique .................. 55
1.3.1 Existence des CD parmi les espèces animales de laboratoire ................................. 55
1.3.2 Expression des CD parmi les espèces animales de laboratoire ............................... 57
1.3.3 Anticorps monoclonaux parmi les espèces animales de laboratoire ....................... 58
1.4 Autres marqueurs : les cytokines sécrétées .................................................................... 60
1.4.1 Définition d'une cytokine ........................................................................................ 60
1.4.2 Rôle des cytokines pour l'activation et la différenciation des lymphocytes T
helper ...................................................................................................................... 61
1
1.4.2.1 La catégorie Th1............................................................................................... 63
1.4.2.2 La catégorie Th2............................................................................................... 64
1.4.2.3 La catégorie Th17............................................................................................. 65
1.4.2.4 La catégorie Treg ............................................................................................. 66
1.4.2.5 La catégorie Tfh ............................................................................................... 68
1.4.2.6 La catégorie Th22............................................................................................. 68
1.4.2.7 Bilan ................................................................................................................. 69
1.4.3 Rôle des cytokines dans la différenciation des lymphocytes B .............................. 69
II. Application à la lignée T...................................................................................................... 72
2.1 Origine et maturation des lymphocytes T ...................................................................... 72
2.1.1 Le développement lymphocytaire T suit un fil conducteur commun au
développement de tous les types lymphocytaires ................................................... 72
2.1.2 Les lymphocytes T proviennent des cellules souches hématopoïétiques de la
moelle osseuse ........................................................................................................ 74
2.1.2.1 Présentation de la moelle osseuse .................................................................... 74
2.1.2.2 Présentation du développement lymphocytaire précoce (commun aux
lignées B et T) et engagement au lignage T ................................................... 75
2.1.3 Le développement des lymphocytes T prend place majoritairement dans le
thymus .................................................................................................................... 77
2.1.3.1 Présentation du thymus et migration des précurseurs T dans le thymus .......... 77
2.1.3.2 Localisation des différents stades T dans le thymus, rôle du thymus dans la
maturation T ................................................................................................... 79
2.1.4 Les stades de maturation T ...................................................................................... 80
2.1.4.1 Les thymocytes double-négatifs ....................................................................... 82
2.1.4.2 Le pré-TCR ...................................................................................................... 83
2.1.4.3 Les thymocytes double-positifs ........................................................................ 84
2.1.4.4 Les processus de sélection dans la maturation des cellules T α:β restreintes
au CMH, menant aux thymocytes simple-positifs ......................................... 86
2.1.4.4.1 La sélection positive des thymocytes : le développement du répertoire
des cellules T restreintes au CMH .......................................................... 86
2.1.4.4.2 La sélection négative des thymocytes : la tolérance centrale .................... 88
2.1.4.5 Les lymphocytes T γ:δ...................................................................................... 89
2.2 Présentation des catégories de lymphocytes T ............................................................... 90
2.2.1 Les cellules T cytotoxiques CD8+ ........................................................................... 90
2
2.2.2 Les cellules T CD4+ ................................................................................................ 92
2.2.2.1 Les cellules T helper effectrices ....................................................................... 92
2.2.2.1.1 Les cellules Th1 et Th2 ............................................................................. 92
2.2.2.1.2 Les cellules Th17....................................................................................... 94
2.2.2.1.3 Les cellules Tfh ......................................................................................... 96
2.2.2.1.4 Autres sous-populations de cellules T helper effectrices .......................... 97
2.2.2.2 Les cellules T régulatrices ................................................................................ 97
2.2.2.2.1 Les cellules T régulatrices naturelles ........................................................ 98
2.2.2.2.2 Les cellules T régulatrices induites ........................................................... 99
2.2.2.2.2.1 Les cellules Tr1 ................................................................................ 100
2.2.2.2.2.2 Les cellules Th3 ............................................................................... 100
2.2.2.2.2.3 Cas particulier de l'IL-10 .................................................................. 100
2.2.2.3 Régulation croisée de la différenciation des lymphocytes T helper............... 100
2.2.3 Les cellules NKT ................................................................................................... 101
2.2.4 Les cellules T mémoires ........................................................................................ 102
2.3 Phénotype de surface des lignées de cellules T............................................................ 105
2.3.1 Les cellules T helper ............................................................................................. 105
2.3.1.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T CD4+ helper
chez la souris et l’homme............................................................................. 105
2.3.1.1.1. Le paradigme Th1/Th2 ........................................................................... 105
2.3.1.1.1.1. Origine historique du paradigme Th1/Th2 ...................................... 105
2.3.1.1.1.2. Différenciation des cellules Th1 et Th2 .......................................... 106
2.3.1.1.2. Les cellules Th17.................................................................................... 108
2.3.1.1.3. Autres sous-populations de cellules T CD4+ helper ............................... 111
2.3.1.2. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez l’homme ............................................................................................... 112
2.3.1.2.1. Le paradigme des cellules Th1 et Th2.................................................... 112
2.3.1.2.1.1. Approche historique du paradigme Th1/Th2 .................................. 112
2.3.1.2.1.2. Expression des cytokines par les cellules Th1 et Th2 ..................... 113
2.3.1.2.1.3. Expression des marqueurs de surface par les cellules Th1 et Th2 .. 114
2.3.1.2.2. Les cellules Th17.................................................................................... 115
2.3.1.2.3. Les cellules Th22.................................................................................... 118
2.3.1.2.4. Les cellules Th9...................................................................................... 119
2.3.1.2.5. Les cellules Tfh ...................................................................................... 120
3
2.3.1.3. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez la souris ................................................................................................ 123
2.3.1.3.1. Le paradigme des cellules Th1 et Th2.................................................... 123
2.3.1.3.1.1. Approche historique du paradigme Th1/Th2 .................................. 123
2.3.1.3.1.2. Expression des cytokines par les cellules Th1 et Th2 ..................... 124
2.3.1.3.1.3. Expression des marqueurs par les cellules Th1 et Th2 ................... 124
2.3.1.3.2. Les cellules Th17.................................................................................... 126
2.3.1.3.3. Les cellules Th22.................................................................................... 128
2.3.1.3.4. Les cellules Th9...................................................................................... 129
2.3.1.3.5. Les cellules Tfh ...................................................................................... 130
2.3.1.4. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez le rat ..................................................................................................... 133
2.3.1.5. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez le chien ................................................................................................. 134
2.3.1.6. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez le porc .................................................................................................. 136
2.3.1.7. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+ helper
chez le macaque ........................................................................................... 140
2.3.2 Les cellules T cytotoxiques ................................................................................... 142
2.3.2.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T CD8+ chez la
souris et l’homme ......................................................................................... 142
2.3.2.2. Détermination des cellules T CD8+ chez l’homme ....................................... 145
2.3.2.2.1. Détermination des cellules T CD8+ cytotoxiques chez l’homme........... 145
2.3.2.2.1.1. Distinction entre les cellules T cytotoxiques par leur expression
d’enzymes cytotoxiques ................................................................. 145
2.3.2.2.1.2. Distinction des sous-populations de cellules T cytotoxiques en
fonction de leur profil cytokinique ................................................ 148
2.3.2.2.1.2.1. Distinction des sous-populations Tc0, Tc1 et Tc2 ................... 148
2.3.2.2.1.2.2. Découverte de la nouvelle sous-population Tc17 .................... 149
2.3.2.2.2. Détermination des cellules T CD8+ régulatrices chez l’homme ............ 151
2.3.2.2.2.1. Les cellules T régulatrices CD8+CD28-Foxp3+............................... 151
2.3.2.2.2.2. Les cellules T régulatrices CD8+CD28-Foxp3- sécrétrices d’IL-10 152
2.3.2.2.2.3. Les cellules T régulatrices CD8+CD57+ .......................................... 152
2.3.2.2.2.4. Les cellules T régulatrices restreintes au HLA-E............................ 153
4
2.3.2.2.2.5. Les cellules T régulatrices CD8+CD25+Foxp3+ .............................. 153
2.3.2.2.2.6. Autres sous-populations de cellules T régulatrices CD8+ ............... 154
2.3.2.3. Détermination des cellules T cytotoxiques chez la souris............................. 156
2.3.2.3.1. Détermination des cellules T CD8+ cytotoxiques chez la souris............ 156
2.3.2.3.1.1. Distinction entre les cellules T cytotoxiques par leur expression
d’enzymes cytotoxiques ................................................................. 156
2.3.2.3.1.2. Distinction des sous-populations de cellules T cytotoxiques en
fonction de leur profil cytokinique ................................................. 157
2.3.2.3.1.2.1. Distinction des sous-populations Tc0, Tc1 et Tc2 ................... 157
2.3.2.3.1.2.2. Découverte de la nouvelle sous-population Tc17 .................... 158
2.3.2.3.2. Détermination des cellules T CD8+ régulatrices chez la souris ............. 160
2.3.2.3.2.1. Les cellules Treg CD8+ restreintes au Qa-1 .................................... 160
2.3.2.3.2.1. Les cellules Treg CD8+ CD122+ ..................................................... 162
2.3.2.4. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le rat .................................. 163
2.3.2.5. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le chien ............................. 166
2.3.2.6. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le porc ............................... 167
2.3.2.7. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le macaque ........................ 171
2.3.3 Les cellules T régulatrices ..................................................................................... 176
2.3.3.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T régulatrices
chez la souris et l’homme ............................................................................ 176
2.3.3.1.1. Découverte d’une population de cellules T aux promesses
thérapeutiques ....................................................................................... 176
2.3.3.1.2. Découverte des cellules T régulatrices induites ..................................... 177
2.3.3.2. Détermination des cellules T régulatrices chez l’homme ............................. 179
2.3.3.2.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T
effectrices chez l’homme ...................................................................... 179
2.3.3.2.1.1. Les marqueurs phénotypiques majeurs des cellules T régulatrices. 179
2.3.3.2.1.2. Autres marqueurs phénotypiques additionnels des cellules T
régulatrices .................................................................................... 180
2.3.3.2.1.3. Les marqueurs des cellules T naïves/mémoires exprimés par les
cellules T régulatrices ..................................................................... 184
2.3.3.2.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et
induites Foxp3+ ..................................................................................... 189
5
2.3.3.2.3. Distinction phénotypique de deux sous-populations de cellules T
régulatrices induites caractérisées par leur sécrétion de cytokines ....... 191
2.3.3.2.3.1. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites
Tr1.................................................................................................. 191
2.3.3.2.3.2. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites
Th3 ................................................................................................. 193
2.3.3.3. Détermination des cellules T régulatrices chez la souris .............................. 194
2.3.3.3.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T
effectrices chez la souris ....................................................................... 194
2.3.3.2.1.1. Les marqueurs phénotypiques majeurs des cellules T régulatrices. 194
2.3.3.2.1.2. Autres marqueurs phénotypiques additionnels des cellules T
régulatrices ..................................................................................... 195
2.3.3.2.1.3. Les marqueurs des cellules T naïves/mémoires exprimés par les
cellules T régulatrices .................................................................... 196
2.3.3.3.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et
induites .................................................................................................. 198
2.3.3.3.3. Distinction phénotypique de deux sous-populations de cellules T
régulatrices induites caractérisées par leur sécrétion de cytokines ....... 200
2.3.3.3.3.1. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites
Tr1.................................................................................................. 200
2.3.3.3.3.2. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites
Th3 ................................................................................................. 202
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le rat .................................... 202
2.3.3.4.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T
effectrices chez le rat............................................................................. 202
2.3.3.4.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et
induites chez le rat................................................................................. 207
2.3.3.5. Détermination des cellules T régulatrices chez le chien ............................... 209
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le porc ................................. 211
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le macaque .......................... 214
2.3.4 Les cellules T mémoires ........................................................................................ 217
2.3.4.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T mémoires chez
la souris et l’homme ..................................................................................... 217
2.3.4.1.1. Mécanismes de sélection et de maintien des cellules T mémoires......... 217
6
2.3.4.1.2. Distinction de deux types de cellules T mémoires centrales selon
leurs relations aux tissus lymphoïdes .................................................... 218
2.3.4.1.3. Les deux modèles de développement des cellules T mémoires ............. 222
2.3.4.2. Détermination des cellules T mémoires chez l’homme ................................ 227
2.3.4.2.1. Distinction phénotypique des cellules T naïves et des cellules T
mémoires ............................................................................................... 227
2.3.4.2.2. Caractérisation des sous-populations de cellules T mémoires par
combinaisons de marqueurs .................................................................. 228
2.3.4.2.2.1. Les sous-populations de cellules T mémoires CD8+ ....................... 228
2.3.4.2.2.1.1. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD8+ ... 228
2.3.4.2.2.1.2. Étude fonctionnelle des sous-populations de cellules T
mémoires CD8+ ...................................................................... 230
2.3.4.2.2.2. Les sous-populations de cellules T mémoires CD4+ ....................... 232
2.3.4.2.2.2.1. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD4+ ... 232
2.3.4.2.2.2.2. Étude fonctionnelle des sous-populations de cellules T
mémoires CD4+ ...................................................................... 233
2.3.4.2.2.2.3. Hétérogénéité des cellules T mémoires CD4+ mise en
évidence par d’autres marqueurs ............................................ 234
2.3.4.3. Détermination des cellules T mémoires chez la souris ................................. 238
2.3.4.3.1. Les cellules T naïves et les cellules T mémoires.................................... 238
2.3.4.2.2. Détermination des cellules précurseurs par des marqueurs
d’activation............................................................................................ 239
2.3.4.3.3. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD8+ ................. 240
2.3.4.2.4. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD4+ ................. 241
2.3.4.2.5. Hétérogénéité des cellules T mémoires récemment mise en évidence .. 242
2.3.4.4. Détermination des cellules T mémoires chez le rat ....................................... 244
2.3.4.5. Détermination des cellules T mémoires chez le chien .................................. 248
2.3.4.6. Détermination des cellules T mémoires chez le porc .................................... 250
2.3.4.7. Détermination des cellules T mémoires chez le macaque ............................. 254
III. Application à la lignée B .................................................................................................. 259
3.1 Origine et maturation des lymphocytes B .................................................................... 259
3.1.1 Les lymphocytes B suivent le même fil conducteur de développement que les
lymphocytes T ...................................................................................................... 259
3.1.2 L'engagement au lignage B ................................................................................... 260
7
3.1.3 Les stades de développement des lymphocytes B ................................................. 262
3.1.3.1 Les stades pro-B et pré-B ............................................................................... 263
3.1.3.2 Le pré-BCR .................................................................................................... 265
3.1.3.3 Les cellules B immatures ............................................................................... 266
3.1.3.4 Les catégories de cellules B matures .............................................................. 268
3.1.3.5 Le développement B est modulé par des facteurs comme les cytokines,
chémokines et hormones .............................................................................. 271
3.1.3.6 La tolérance B ................................................................................................ 272
3.2 Présentation des catégories de lymphocytes B ............................................................. 275
3.2.1 Les catégories de cellules B .................................................................................. 277
3.2.1.1 Les cellules B B-1 .......................................................................................... 277
3.2.1.2 Les cellules B B-2 .......................................................................................... 278
3.2.1.2.1 Les cellules B de la zone marginale ........................................................ 278
3.2.1.2.2 Les cellules B folliculaires ...................................................................... 278
3.2.1.3 Les cellules B mémoires et les centres germinatifs........................................ 278
3.2.1.4 Les plasmocytes ............................................................................................. 279
3.2.1.5 Les cellules B B-10 ........................................................................................ 281
3.2.2 Cellules B et réponse immunitaire ........................................................................ 281
3.2.2.1 Antigènes thymo-dépendants et thymo-indépendants .................................... 281
3.2.2.2 Cellules B et signalisation TLR ..................................................................... 283
3.2.2.3 Rôle des différentes catégories de cellules B dans la réponse immunitaire ... 283
3.3 Phénotype de surface des lignées de cellules B ........................................................... 287
3.3.1 Connaissances sur la souris et l'homme ................................................................ 288
3.3.1.1 Quelques bases sur les précurseurs B ............................................................. 288
3.3.1.2 Les marqueurs phénotypiques de surface commun aux différentes
catégories de cellules B ................................................................................ 288
3.3.1.2.1 Le BCR .................................................................................................... 288
3.3.1.2.2 Marqueurs de surface influençant la signalisation BCR ......................... 289
3.3.1.2.3 Autres marqueurs de surface ................................................................... 290
3.3.1.3 Connaissances sur les cellules B B-1 ............................................................. 292
3.3.1.4 Connaissances sur les cellules B de la zone marginale .................................. 295
3.3.1.5 Connaissances sur les cellules B folliculaires ................................................ 295
3.3.1.6 Connaissances sur les cellules B régulatrices ................................................ 295
3.3.1.7 Connaissances sur les cellules B mémoires ................................................... 297
8
3.3.1.8 Connaissances sur les plasmocytes ................................................................ 300
3.3.1.9 La classification Bm des cellules B périphériques ......................................... 301
3.3.1.10 Quelques découvertes récentes ..................................................................... 304
3.3.2 Connaissances chez le rat ...................................................................................... 305
3.3.3 Connaissances chez le chien ................................................................................. 306
3.3.4 Connaissances chez le porc ................................................................................... 308
3.3.5 Connaissances chez le macaque ............................................................................ 311
IV. Exemples d'utilisation ...................................................................................................... 316
4.1 Exemple pharmaceutique: le TGN1412 ....................................................................... 316
4.1.1 L’origine du TGN1412.......................................................................................... 316
4.1.1.1 Le rôle de CD28 au sein du concept d’activation à deux signaux des
lymphocytes ................................................................................................. 316
4.1.1.2 Création du TGN1412 .................................................................................... 318
4.1.2 Développement du TGN1412 chez des modèles animaux.................................... 319
4.1.2.1 Découvertes prometteuses des superagonistes du CD28 chez les rongeurs ... 319
4.1.2.2 Études pré-cliniques du TGN1412 rassurantes .............................................. 321
4.1.3 Essais cliniques du TGN1412 chez l’homme ....................................................... 323
4.1.3.1 La catastrophe du TGN1412 .......................................................................... 323
4.1.3.2 Recherche des explications de la catastrophe du TGN1412 .......................... 325
4.2 Exemple médical : la dermatite atopique ..................................................................... 328
4.2.1 La dermatite atopique chez l’homme .................................................................... 328
4.2.1.1 Épidémiologie et manifestation clinique de la dermatite atopique ................ 328
4.2.1.2 Pathogénèse de la dermatite atopique ............................................................ 329
4.2.1.2.1 Facteurs génétiques ................................................................................. 329
4.2.1.2.2 Facteurs environnementaux et de l’hôte .................................................. 330
4.2.1.2.3 Dysfonctionnement de la barrière cutanée .............................................. 331
4.2.1.2.4 Dérégulation de la réponse immunitaire ................................................. 332
4.2.2 Apport des modèles animaux ................................................................................ 335
4.2.2.1 Les modèles murins de la dermatite atopique ................................................ 335
4.2.2.1.1 Modèles de dermatite atopique induits par sensibilisation épicutanée ... 335
4.2.2.1.2 Modèles transgéniques de dermatite atopique......................................... 338
4.2.2.1.3 Modèles spontanés de dermatite atopique ............................................... 340
4.2.2.2 Le modèle canin de la dermatite atopique ...................................................... 341
4.2.2.2.1 Les caractéristiques de la dermatite atopique canine .............................. 341
9
4.2.2.2.2 Apport du modèle canin dans la compréhension du développement de
la dermatite atopique ............................................................................. 345
4.2.2.2.2.1 Modèle canin et exposition aux allergènes ...................................... 345
4.2.2.2.2.2 Modèle canin et dysfonctionnement de la barrière cutanée ............. 346
CONCLUSION ...................................................................................................................... 348
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 352
10
LISTE DES FIGURES
Figure 1 : Schéma d’une installation de cytomètre de flux typique ......................................... 35
Figure 2 : Séparation des populations cellulaires sur des diagrammes point par point ........... 36
Figure 3 : Agrandissement d’une coupe transversale de fémur d’une souris mâle B6C3F1
de 28 jours ............................................................................................................... 43
Figure 4 : Coupe schématique d’un thymus ............................................................................. 45
Figure 5 : Coupe schématique d’un nœud lymphatique ........................................................... 47
Figure 6 : Coupe histologique de rate chez une souris femelle B6C3F1 de 20 semaines ........ 48
Figure 7 : Coupe histologique d’une plaque de Peyer dans l’intestin grêle chez un rat
mâle Sprague-Dawley de 31 jours ........................................................................... 52
Figure 8 : Coupe histologique d’une tête dans la région du NALT chez un rat mâle
Sprague-Dawley de 31 jours .................................................................................. 53
Figure 9 : Coupe histologique d’un nodule de BALT, chez un rat mâle Sprague-Dawley
de 31 jours ............................................................................................................... 54
Figure 10 : Maturation des lymphocytes .................................................................................. 72
Figure 11 : Stades de maturation des lymphocytes .................................................................. 73
Figure 12 : Les cellules souches pluripotentes donnent naissance aux différentes lignées
B et T ..................................................................................................................... 76
Figure 13 : L'organisation cellulaire du thymus humain .......................................................... 78
Figure 14 : Les points de contrôle dans la maturation lymphocytaire ..................................... 80
Figure 15 : L'organisation germinale des loci α et β du TCR chez l'homme ........................... 81
Figure 16 : Séquence du développement des cellules T α:β dans le thymus ........................... 82
Figure 17 : Recombinaison et expression des gènes de chaine α et β du TCR ........................ 84
Figure 18 : Organisation germinale des loci du TCR humain.................................................. 85
Figure 19 : Maturation des cellules T dans le thymus.............................................................. 87
Figure 20 : Les principaux phénotypes de cellules T-helper effectrices humaines.................. 96
Figure 21 : Les lymphocytes T régulateurs naturels et adaptatifs chez l'homme ..................... 98
Figure 22 : Régulation croisée entre les facteurs impliqués dans la différenciation Th1 et
Th2 ...................................................................................................................... 101
Figure 23 : Le développement des cellules T mémoires ........................................................ 103
Figure 24 : Origine et progression de l’établissement du paradigme Th1/Th2 ...................... 107
Figure 25 : Différenciation des cellules Th1 et Th2............................................................... 108
11
Figure 26 : Différenciation et expansion sélective des lignées Th1, Th2 et Th17 ................. 110
Figure 27 : Profils de production en cytokines des clones de cellules T de type Th1 et Th2
chez l’homme ...................................................................................................... 114
Figure 28 : Plasticité des cellules Th17 humaines ................................................................. 118
Figure 29 : Différenciation des cellules Th9 chez l’homme .................................................. 121
Figure 30 : Engagement précoce des cellules Th17, iTreg et Th22 par les gradients de
TGF-β et d’IL-6 chez la souris ........................................................................... 129
Figure 31 : Voies d’induction des cellules Th9 chez la souris ............................................... 131
Figure 32 : Diversité des cellules Tfh chez la souris.............................................................. 133
Figure 33 : Modèle de formation thymique et périphérique des cellules Foxp3+ .................. 178
Figure 34 : Modèle des voies de différenciation des cellules Treg chez l’homme ................ 188
Figure 35 : Modèle de développement et de maturation des cellules T régulatrices chez le
rat ......................................................................................................................... 204
Figure 36 : Pourcentage des cellules T CD3+CD4+ et de ses sous-populations chez le rat ... 206
Figure 37 : Pourcentages de co-expression de Foxp3 et CD25 parmi les cellules T CD4+
issues de sang périphérique de rat ...................................................................... 208
Figure 38 : Un modèle de l’activation et de la différenciation des cellules T ........................ 218
Figure 39 : Deux types de cellules mémoires avec des préférences de migration différentes 220
Figure 40 : Un modèle de différenciation des cellules T et de formation de cellules T
mémoires dépendant de la force de signal .......................................................... 224
Figure 41 : Modèle de différenciation progressive des précurseurs des cellules T pendant
la phase de contraction suivant l’élimination de l’antigène ................................ 225
Figure 42 : Modèle de formation simultanée des cellules TMC et TME ............................... 226
Figure 43 : Profil de différenciation linéaire des cellules T CD8+ mémoires ........................ 229
Figure 44 : Proposition de la voie de différenciation des cellules T CD8+ mémoires .......... 230
Figure 45 : Cinq sous-populations phénotypiquement différentes de cellules T CD8+ ......... 231
Figure 46 : Modèle de distribution des populations de cellules T CD4+ ............................... 233
Figure 47 : Voie de différenciation des cellules T CD4+ humaines ....................................... 235
Figure 48 : SLC, ELC et BCA-1 coopèrent dans le recrutement et la localisation des
cellules T et B au sein des organes lymphoïdes secondaires.............................. 237
Figure 49 : Hétérogénéité phénotypique des cellules T mémoires humaines ........................ 237
Figure 50 : Concept du développement des cellules T CD4+ et CD8+ chez le rat ................. 246
Figure 51 : Différenciation phénotypique extra-thymique des cellules T helper porcines .... 251
Figure 52 : Stades de maturation des cellules B..................................................................... 262
12
Figure 53 : Modèle de différenciation des cellules B............................................................. 263
Figure 55 : Les catégories de lymphocytes B ........................................................................ 269
Figure 56 : La fixation de molécules du soi dans la moelle osseuse peut mener à la mort
ou à l'inactivation des cellules B immatures ....................................................... 273
Figure 57 : Le remplacement des chaines légères par édition du récepteur peut sauver
quelques cellules auto-réactives en changeant leur spécificité antigénique ...... 274
Figure 59 : Maturation des cellules B périphériques depuis la moelle osseuse ..................... 276
Figure 60 : Activation B par les antigènes T-indépendants et T-dépendants ......................... 284
Figure 61 : Le développement B. ........................................................................................... 287
Figure 62 : Concept d’activation à deux signaux des lymphocytes ....................................... 317
Figure 63 : Création d’un anticorps monoclonal superagoniste anti-CD28 humain .............. 319
Figure 64 : Mécanisme protecteur du JJ316 dans les maladies auto-immunes chez le rat .... 321
Figure 65 : Étapes du développement d’un médicament ....................................................... 322
Figure 66 : Activation progressive des cytokines Th2/Th22 et des protéines épidermiques
sélectives caractérisant les phases aigüe et chronique de la dermatite atopique 333
Figure 67 : Modèle biphasique de la progression de la réponse immunitaire lors de
dermatite atopique ............................................................................................. 335
Figure 68 : Manifestation clinique de la dermatite atopique canine ...................................... 344
13
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Explication du système de nomenclature des antigènes de différenciation des
leucocytes ............................................................................................................. 28
Tableau 2 : Évolution de la nomenclature des anticorps monoclonaux pour les antigènes
de leucocytes spécifiques à travers les séminaires HLDA en 1980 aux
séminaires HCDM en 2006 ................................................................................... 29
Tableau 3 : Étapes et variables lors d’un examen immunohistochimique ............................... 38
Tableau 4 : Antigènes utiles aux diagnostics et détectables par des anticorps en inclusion
de paraffine ............................................................................................................ 41
Tableau 5 : Protéines spécifiques des lignées Th1 et Th2 humaines ..................................... 116
Tableau 6 : Phénotypes de sécrétion de cytokines des cellules Th1 et Th2 murines ............. 125
Tableau 7 : Principales cytokines de type 1 et de type 2 chez la souris ................................. 125
Tableau 8 : Expression relative des granzymes au sein des sous-populations de
lymphocytes issus de sang périphérique humain ............................................. 146
Tableau 9 : Les différentes sous-populations de cellules Treg CD8+.................................... 156
Tableau 10 : Les granzymes retrouvées chez l’homme, la souris et le rat ............................. 163
Tableau 11 : Caractérisation phénotypique des cellules T CD8+ dans les différents
compartiments d’un macaque rhésus infecté par le SIV ............................... 172
Tableau 12 : Différences dans les phénotypes mémoires entre les sous-populations
fonctionnelles des lymphocytes T CD8+ spécifiques du rhCMV chez le
macaque rhésus ............................................................................................. 175
Tableau 13 : Comparaison des caractéristiques des sous-populations de cellules Th1, Th2,
Th3 et Tr1 ......................................................................................................... 194
Tableau 14 : Niveaux relatifs des ARNm des marqueurs dans les fractions CD25+ et
CD25- chez le rat ............................................................................................. 207
Tableau 15 : Répartitions des sous-populations CD4+ définies par leur densité en CD25
dans le sang périphérique, la rate et les nœuds lymphatique de porc ............... 212
Tableau 16 : Phénotype des cellules CD4+CD25- et CD4+CD25+ chez le macaque rhésus .. 216
Tableau 17 : Caractéristiques phénotypiques et fonctionnelles des sous-populations de
cellules T périphériques chez le macaque rhésus ............................................ 256
Tableau 18 : Manifestations cliniques partagées par les volontaires ayant reçu du
TGN1412 ...................................................................................................... 324
14
Tableau 19 : Caractéristiques partagées dans la dermatite atopique chez le chien et
l’homme ......................................................................................................... 343
15
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AcM : anticorps monoclonal
ADN : acide désoxyribonucléique
ADNc : acide désoxyribonucléique complémentaire
AHR : aryl hydrocarbon receptor, ou récepteur aux hydrocarbures aromatiques
AICD : mort cellulaire induite par activation
AID : activation induced desaminase
AIRE : autoimmune regulator
AMP : adénosine monophosphate
AP-1 : activator protein 1
Apaf : apoptotic protease-activating factor
APOC1 : apolipoprotéine C1
APT : Atopy Patch Test
ARN : acide ribonucléique
ARNm : acide ribonucléique messager
B-1P : B-1 péritonéale (cellule)
BAFF : B-cell activating factor
BALT : tissus lymphoïdes associés aux bronches
BCA-1 : B-cell attracting chemokine 1
Bcl : B-cell lymphoma
BCR : B-cell receptor
Blimp-1 : B-lymphocyte-induces maturation protein-1
BrdU : bromodéoxyuridine
BSF : B-cell Stimulating Factor
Btk : tyrosine kinase de Bruton
CALT : tissus lymphoïdes associés aux conjonctives
CASP1 : caspase-1
CatE : cathepsine E
CCL : chemokine (C-C motif) ligand
CCR : chemokine (C-C motif) receptor
CD : Cluster de Différenciation
CDR : région déterminante complémentaire
CDw : Cluster de Différenciation provisoire
c-FMS : Colony-Stimulating Factor-1 Receptor
CHMP : Comité pour les Produits Médicinaux à usage Humain
CIA : Arthrite Induite au Collagène
CL : cellule de Langerhans
CLA : Cutaneous Lymphocyte Antigen
CLAD : syndrome de déficience d’adhésion des leucocytes canin
CLAW : Canine Leucocyte Antigen Workshop
CMH : complexe majeur d'histocompatibilité
16
CMH I : complexe majeur d'histocompatibilité de classe I
CMH II : complexe majeur d'histocompatibilité de classe II
CNS : conserved non-coding sequence
ConA : concanavaline A
CPA : cellule présentatrice d'antigène
CRH : Corticotrophin Releasing Hormone
CRTH2 : Chemoattractant Receptor homologous molecule expressed on Th2 cells
CS : cellule souche
CSF : Colony Stimulating Factor
CSH : cellule souche hématopoïétique
CTL : cellule T cytotoxique
CTLA : Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen
CXCL : chemokine (C-X-C motif) ligand
CXCR5 : CXC-chemokine receptor 5
DAB : diaminobenzidine
DALT : tissus lymphoïdes associés au canal salivaire
dim : diminished
DNase I : désoxyribonucléase I
DTH : hypersensibilité retardée
EAE : encéphalomyélite auto-immune expérimentale
EBF : Early B-cell Factor
ELC : EBI1-ligand chemokine
ETS : E26 transformation-specific
Fab : fragment antigen-binding
FACS : analyseur-trieur de cellules
FcR : récepteur du fragment Fc
FcRL4 : Fc receptor-like 4
FDA : Food and Drug Administration
FGF : Fibroblast Growth Factor
FLK : fetal liver kinase
FLT : fms-like tyrosine kinase
Foxp3 : forkhead box P3
FR : récepteur du folate
FSc : Forward Scattered
GALT : tissus lymphoïdes associés à l'intestin
GARP : Glycoprotein A Repetitions Predominant
GATA-3 : GATA binding protein 3
G-CSF : Granulocyte Colony-Stimulating Factor
Gfi-1 : growth factor independent 1 transcription repressor
GFP : green fluorescent protein
GITR : glucocorticoid-induced TNFR-related protein
GLP : gaine lymphoïde périartériolaire
GM-CSF : Granulocyte Macrophage Colony-Stimulating Factor
GPI : glycosylphosphatidylinositol
17
Gr : granzyme
HA : hémagglutinine
HAM/TSP : myélopathie/paraparésie spastique tropicale
HCDM : molécules de différenciation des cellules humaines
HGF : Hepatocyte Growth Factor
HIV : virus de l'immunodéficience humaine
HLA : Human Leucocyte Antigen
HLDA : antigène de différenciation des leucocytes humains
HSA : antigène stable à la chaleur
HTLV-1 : virus T-lymphotropique humain 1
ICOS : inducible costimulator
ICOS-L : inducible T-cell co-stimulator ligand
IFN : interféron
IL : interleukine
ILT : Inhibitory-like transcript
IND : Investigationnal New Drug
iNKT : NK-T induite (cellule)
INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
int : intermediary
IP-10 : interferon gamma-induced protein 10
IPEX : syndrome lié à l'X associant une dysrégulation immunitaire, une polyendocrinopathie
et une entéropathie
IRF : Interferon Regulatory Factor
ISCW : International Swine CD Workshop
ITAM : Immunoreceptor Tyrosine-based Activation Motifs
ITIM : Immunoreceptor Tyrosine-based Inhibitory Motif
IUIS : International Union of Immunological Societies
Jak : janus kinase
KLRG1 : killer cell lectin-like receptor subfamily G member 1
KO : knock-out
LAG-3 : Lymphocyte-Activation Gene 3
LALT : tissus lymphoïdes associés au larynx
LAP : Latency-Associated Peptide
LB : lymphocyte B
Lck : lymphocyte-specific protein tyrosine kinase
LCS : liquide cérébro-spinal
LDALT : tissus lymphoïdes associés au canal lacrymal
LFA : Lymphocyte Function-associated Antigen
LMPP : progéniteur multipotent amorcé vers la différenciation lymphoïde
LPS : lipopolysaccharide
LT : lymphocyte T
LTα : lymphotoxine α
MAdCAM-1 : mucosal addressin-cell adhesion molecule-1
MALT : tissus lymphoïdes associés aux muqueuses
18
MBP : Myelin Basic Protein
MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin
MIF : macrophage migration inhibitory factor
MPP : progéniteur multipotent
MV : mémoire virtuelle (cellule)
MZ : (cellule) B de la zone marginale
NALT : tissus lymphoïdes associés au nasopharynx
NDA : New Drug Application
NFAT : Nuclear Factor of Activated T cell
NKκB : facteur nuclaire kappaB
NGR : nogo receptor
NK : natural killer
NKT : natural killer T
NnTreg : T régulateur naturel naïf
NOD : diabétique non-obèse
Nrp1 : neuropilin-1
nTreg : T régulateur naturel
OVA : ovalbumine
PAX : paired-box genes
PBMC : cellules mononuclées du sang périphérique
PD : programmed death gene
Pip : PU.1 interacting partner
PiP2 : phosphatidylinositol 4,5 biphosphate
Pit : pituitary-specific transcription factor
PLC : progéniteur lymphoïde commun
PLP : progéniteur lymphoïde précoce
pLTc : précurseurs des cellules T cytotoxiques
PMC : progéniteur myéloïde commun
PMT : tube photomultiplicateur
PNH : primate non humain
PPD : dérivé protéique purifié
PU.1 : PU-box binding factor 1
QAMA : analyse quantitative des allèles méthylés
RAG : recombination activating gene
rhCMV : cytomégalovirus du singe rhésus
ROR : retinoic acid-related orphan receptor
RORC : RAR-related orphan receptor C
RT-PCR : réaction en chaîne par polymérase après transcription inverse
Runx3 : Runt-related transcription factor 3
SA-CD28 : superagoniste du CD28
SAGE : analyse en série de l’expression de gènes
SAP : signaling lymphocytic-activation molecule-associated protein
SCF : Stem Cell Factor
SCID : syndrome d'immunodéficience combinée sévère
19
SH2 : Src homology 2
sIg : immunoglobuline de surface
siglec : sialic acid-binding immunoglobulin-type lectins
SIV : virus d'immunodéficience simienne
SLC : secondary lymphoïd-tissue chemokine
SNP : Single Nucleotide Polymorphism
SP : sclérose en plaques
SSc : Side Scattered
STAT : Signal Transducer and Activator of Transcription
T1 : cellules transitionnelles de type 1
T2 : cellules transitionnelles de type 2
T3 : cellules transitionnelles de type 3
T-bet : T-box expressed in T cell
TCE : cellule T effectrice
TCR : T-cell receptor
TD : thymo-dépendant
TdT : Terminal deoxynucleotidyl Transferase
TES : Antigène excréteur/sécréteur de Toxocara canis
Tfh : T helper folliculaire (cellule)
TGF : Transforming Growth Factor
Th : T helper (cellule)
ThPOK : T-helper inducing POZ-Kruppel like factor
Thsup : T helper suppresseur
Thy : thymocyte antigen
TI : thymo-indépendant
TLR : toll-like receptor
TMC : cellule T mémoire centrale
TME : cellule T mémoire effectrice
TMERA : T mémoire effectrice CD45RA+ (cellule)
TMR : T mémoire résidante (cellule)
TMRC : T mémoire recirculante (cellule)
TN : triple-négatif
TNF : Tumour Necrosis Factor
TNFR : Tumour Necrosis Factor Receptor
TSH : Thyroïd Stimulating Hormone
TSLP : thymic stromal lymphopoietin
VCAM : vascular cell adhesion molecule
VCML : virus de la chorioméningite lymphocytaire
VEGF : vascular endothelial growth factor
VHE : veinules à haut endothélium
VLA : very late antigen
VMC : virus de la maladie de carré
WHO : World Health Organization
XBP-1 : X-box binding protein-1
20
Xid : immunodéficience liée à l'X
XLA : agammaglobulinémie liée à l'X
X-SCID : syndrome d'immunodéficience combinée sévère lié à l'X
21
INTRODUCTION
À l’origine, l’immunité signifiait la protection contre les maladies, et plus
particulièrement contre les maladies infectieuses. Les cellules et molécules responsables de
l’immunité forment le système immunitaire, et leur réponse collective et coordonnée à
l’introduction d’une substance étrangère est appelée réponse immunitaire (Abbas et al., 2012).
La défense contre les agents infectieux est médiée par la réaction précoce de
l’immunité innée et la réponse plus tardive de l’immunité adaptative. L’immunité innée
fournit la première ligne de défense contre les agents infectieux. Les barrières physiques et
chimiques forment la composante majeure de l’immunité innée. En effet, la façon la plus
simple d’éviter une infection est d’empêcher l’accès au corps par les microbes. La peau est
imperméable à la plupart des pathogènes, et les sécrétions sébacées et sudoripares rendent ce
milieu peu propice à leur survie. Les muqueuses forment une barrière aux micro-organismes
qui sont piégés dans le mucus sécrété, et évacués par différentes stratégies mécaniques telles
que les mouvements ciliaires, ou la toux et les éternuements. Les actions de lavage des
larmes, de la salive et de l’urine sont également des facteurs mécaniques très efficaces. De
nombreux fluides corporels sécrétés contiennent des composants bactéricides tels que l’acidité
des sucs gastriques, la spermine et le zinc du sperme, la lactoperoxidase du lait ou encore le
lysozyme des larmes. Le second composant de l’immunité innée est cellulaire, formé par les
cellules phagocytaires (macrophages, neutrophiles) et les cellules dendritiques. Son dernier
composant est humoral, formé par les protéines sanguines (les membres du système du
complément et autres facteurs de l’inflammation), et les cytokines qui régulent et coordonnent
les activités des cellules de l’immunité innée. Ces deux derniers composants forment des
mécanismes de défense biochimiques et cellulaires présents avant même l’infection et déjà
prêts à y répondre. Ces mécanismes réagissent lors d’intrusion d’agents infectieux mais sont
également stimulés par les produits libérés par les cellules en détresse. Les mécanismes de
l’immunité innée sont spécifiques de structures communes à un groupe de microbes
apparentés et ne font pas de différence fine entre ces microbes. Même après une infection
répétée, leur action sera sensiblement la même (Abbas et al., 2012 ; Beutler, 2004 ; Roitt et
Delves, 2001).
Contrairement à l’immunité innée, il existe d’autres réponses immunitaires stimulées
par l’exposition à des agents infectieux et capables d’augmenter en intensité et spécificité
avec chacune des expositions successives à un même micro-organisme. Puisque cette forme
d’immunité se développe en réponse à une infection et s’y adapte, elle est appelée immunité
adaptative. Les composants principaux de l’immunité adaptative sont les lymphocytes et leurs
produits de sécrétion tels que les anticorps. On distingue deux types de réponses au sein de
l’immunité adaptative appelées immunité humorale et immunité à médiation cellulaire.
L’immunité humorale est médiée par des molécules contenues dans le sang et les sécrétions
des muqueuses appelées anticorps, produits par les lymphocytes B (LB). Les anticorps
reconnaissent les antigènes microbiens et neutralisent les microbes, ou les ciblent pour qu’ils
22
soient éliminés par des mécanismes variés. L’immunité humorale est le principal mécanisme
de défense contre les microbes extracellulaires et leurs toxines puisque les anticorps secrétés
peuvent s’y lier et ainsi déclencher les mécanismes qui les élimineront. Les anticorps sont
eux-mêmes spécialisés et peuvent activer différents mécanismes effecteurs. Par exemple,
différents anticorps peuvent initier l’ingestion des microbes par des cellules effectrices
(phagocytose), ou la sécrétion de médiateurs de l’inflammation par des cellules. Ils peuvent
également être transportés activement dans la lumière des organes et à travers le placenta pour
fournir une défense contre les microbes ingérés ou inhalés, et contre les infections du
nouveau-né. L’immunité à médiation cellulaire est médiée par les lymphocytes T (LT)
principalement. Les microbes intracellulaires, tels que les virus et certaines bactéries,
survivent et se multiplient à l’intérieur des phagocytes et d’autres cellules, où ils sont
inaccessibles aux anticorps circulants. La défense contre de telles infections est le rôle de
l’immunité à médiation cellulaire, qui est à l’origine de la destruction des microbes résidants
dans les phagocytes, ou des cellules infectées elles-mêmes pour éliminer les réservoirs de
l’infection. Toutes les réponses humorales et à médiation cellulaire aux antigènes étrangers
ont un nombre de propriétés fondamentales en commun, qui reflètent les propriétés des
lymphocytes relayant ces réponses.
Les réponses de l’immunité adaptative sont spécifiques pour des antigènes distincts,
dont les parties spécifiquement reconnues par les lymphocytes sont appelées épitopes. Cette
spécificité extrêmement fine existe parce que les lymphocytes expriment individuellement des
récepteurs membranaires capables de distinguer des différences très subtiles entre les
structures des différents épitopes. Les clones de lymphocytes avec des spécificités différentes
sont présents chez les individus non immunisés et sont capables de reconnaître et de répondre
à des antigènes étrangers. Ce concept est à la base de l’hypothèse de la sélection clonale. Le
nombre total de spécificités antigéniques parmi les lymphocytes d’un individu est
extrêmement élevé, il forme ce que l’on appelle le répertoire lymphocytaire.
L’exposition du système immunitaire à un antigène étranger améliore sa capacité à
répondre de nouveau à cet antigène. Les réponses aux expositions ultérieures à un même
antigène, appelées réponses immunes secondaires, sont en général plus rapides, exacerbées, et
souvent qualitativement différentes de la première réponse à cet antigène, également appelée
réponse immune primaire. La mémoire immunologique est rendue possible car chaque
exposition à un antigène génère des cellules mémoires à longue durée de vie, qui sont plus
nombreuses que les LT naïfs spécifiques de l’antigène existant avant même l’exposition à
l’antigène. De plus, ces cellules mémoires ont des caractéristiques spéciales qui les rendent
plus efficaces à la réponse et à l’élimination d’un antigène que ne le sont les lymphocytes
naïfs n’ayant pas été exposés à l’antigène. Par exemple, les LB mémoires produisent des
anticorps qui lient les antigènes avec une plus haute affinité que ne le font les anticorps
produits par la réponse immunitaire primaire. De même les LT réagissent bien plus
rapidement et intensément à l’antigène que ne le font les LT naïfs.
Les lymphocytes spécifiques d’un antigène subissent une considérable prolifération
après l’exposition à cet antigène. Le terme d’ « expansion clonale » réfère à une augmentation
dans le nombre de cellules qui expriment des récepteurs identiques pour un antigène et qui
sont donc produites à partir d’un même clone. Cette augmentation de cellules spécifiques de
23
l'antigène permet à la réponse immunitaire adaptative de garder le contrôle contre des agents
pathogènes se divisant rapidement.
Toute réponse immunitaire normale, déclenchée par une stimulation antigénique,
décline après un certain temps. Le système immuntiaire retourne alors à son état basal de
repos, un état appelé homéostasie. Cette contraction des réponses immunitaires s’explique
principalement parce que ces réponses, déclenchées par des antigènes, ont pour but d’éliminer
ces antigènes et éliminent ainsi le stimulus essentiel à l’activation et à la survie des
lymphocytes. Les lymphocytes autres que les cellules mémoires qui sont privés de ces stimuli
antigéniques meurent par apoptose.
L’une des propriétés les plus remarquables du système immunitaire de chaque
individu normal est son habilité à reconnaître, répondre contre, et éliminer de nombreux
antigènes étrangers, sans réagir contre les antigènes propres à cet individu. Cette non-réponse
immunologique est appelée « tolérance ». La tolérance aux antigènes du soi, ou tolérance du
soi, est maintenue par différents mécanismes. Parmi ces mécanismes on retrouve l’élimination
des lymphocytes exprimant des récepteurs spécifiques à des antigènes du soi, l’inactivation de
lymphocytes réagissant contre le soi, ou la suppression des ces cellules par les actions d’autres
cellules régulatrices. Des anormalités dans l’induction ou la maintenance de la tolérance du
soi mènent à des réponses immunitaires contre des antigènes du soi, ce qui peut conduire à
des pathologies appelées maladies auto-immunes (Abbas et al., 2012 ; Roitt et Delves, 2001 ;
Janeway et Medzhitov, 2002 ; Bonilla et Oettgen, 2010 ; Chaplin, 2010).
Les macrophages, cellules issues des monocytes, maintiennent un lien étroit entre
immunité innée et immunité adaptative. Les monocytes peuvent être recrutés à partir du sang
vers les sites d’inflammation tissulaire et former des macrophages activés, ou entrer dans
différents tissus et former des macrophages résidents. Ces derniers prennent le nom de
cellules de Küpffer dans le foie, macrophages alvéolaires dans les poumons, cellules
microgliales dans le système nerveux ou encore ostéoclastes dans les os. Leur fonction
majeure est d’ingérer et d’éliminer les microbes et les cellules mortes. Ils servent de cellules
présentatrices d’antigène (CPA) qui présentent les antigènes aux LT pour les activer. Cette
fonction est importante dans la phase effectrice de la réponse immunitaire à médiation
cellulaire. Les macrophages sont également capables de répondre à différentes cytokines
sécrétées par les LT. Ainsi, l’immunité innée apparue bien avant l’immunité adaptative,
supporte la fonction de ce nouveau système de par sa fonction de présentation d’antigènes
mais également de production de cytokines, dont les interleukines (IL-) 12 et 1, les interférons
(IFN-) et les TNF- (tumour necrosis factor). Alors que les immunités innée et adaptative
travaillent main dans la main, l’immunité adaptative apparaît en réalité subordonnée à
l’immunité innée (Abbas et al., 2012 ; Beutler, 2004).
Les cellules Natural Killer (NK) sont des lymphocytes distincts des cellules T et B et
jouent un rôle important dans les réponses contre les bactéries intracellulaires et les virus.
Bien que souvent rattachées à l’immunité innée, elles sont à la frontière avec l’immunité
adaptative. Elles ont longtemps été considérées comme des ancêtres des cellules B et T, mais
on sait aujourd’hui qu’elles sont en réalité apparues après. Leur nom vient du fait qu’elles
sont capables de tuer d’autres cellules sans avoir subi au préalable une expansion clonale ou
24
une différenciation. Elles possèdent des récepteurs pour le complexe majeur
d'histocompatibilité (CMH) de classe I (CMH I) qui inhibent leur activation. De nombreux
virus ou autres causes de stress cellulaire conduisent à une perte de l’expression membranaire
du CMH I. Les cellules NK ne recevront donc pas de signal inhibiteur des cellules infectées et
stressées, et recevront en plus des signaux activateurs par ces mêmes cellules, ce qui mènera à
leur activation. Cette capacité à être activé par des cellules qui manquent de CMH I est
appelée reconnaissance du soi manquant. Elles forment en réalité une population hétérogène,
et peuvent sécréter des cytokines et des chémokines qui influencent la réponse immunitaire,
ou tuer les cellules infectées ou transformées via des perforines et granzymes ou la voie des
récepteurs à domaine de mort (eg, Fas, TRAIL) (Abbas et al., 2012 ; Beutler, 2004 ; Caligiuri,
2008).
L’immunité est un système complexe mettant en jeu de nombreux types cellulaires,
dont l’étude nécessite de les identifier précisément par des marqueurs phénotypiques. Même
si c’est grâce au modèle murin que l’immunologie moderne a pu se développer, de
nombreuses espèces animales ont exercé un rôle crucial dans l’amélioration de nos
connaissances dans la structure et la fonction du système immunitaire. Le lapin a contribué à
une meilleure compréhension de l’immunité humorale, le mouton dans le trafic
lymphocytaire, les oiseaux dans la lignée lymphocytaire et en particulier de la différenciation
de la lignée B dans la bourse de Fabricius. Il existe aujourd’hui une quantité de connaissances
importante tant parmi les espèces animales domestiques que sauvages (Pastoret, 1998). De
nombreux modèles animaux pour diverses maladies humaines ont permis d’améliorer nos
connaissances sur ces maladies mais également de développer des traitements. Les modèles
animaux jouent aussi un rôle central en recherche pharmaceutique et dans le développement
des médicaments. Pour développer un médicament, il est nécessaire d’utiliser au moins deux
espèces animales. Les espèces animales sont distinguées en rongeurs (souris, rat mais aussi
hamster, cochon d’inde), et non-rongeurs. Parmi les espèces non-rongeurs, ce sont le porc et
le chien qui sont les plus utilisées. Des espèces de primates non-humains (principalement
macaques) peuvent cependant être utilisées, en particulier dans les études de sécurité préclinique (Hau et al., 2002).
L’objectif de cette thèse est de rassembler les connaissances disponibles sur les
marqueurs phénotypiques des lignées B et T et leurs sous-populations cellulaires associées
chez l’homme et les animaux de laboratoire. Les animaux de laboratoires pris en
considération sont la souris, le rat, le chien, le porc et les macaques rhésus et cynomolgus car
ce sont les espèces les plus utilisées en recherche pharmaceutique. Nous avons précisé lorsque
les anticorps reconnaissant les marqueurs d’intérêt étaient commercialement disponible chez
le chien, le porc et les macaques seulement, car il s'agit des espèces pour lesquelles la
disponibilité des anticorps est la plus restreinte, en comparaison à la souris et au rat. Nous
espérons ainsi pouvoir fournir une vision assez précise des différentes sous-populations
actuellement définies par les marqueurs phénotypiques, tout en précisant si ces marqueurs
sont commercialement disponibles. Ceci devrait permettre de faciliter le choix des marqueurs
pour leur utilisation en recherche pharmaceutique notamment.
25
Dans une première partie, nous rappelons les particularités des principaux marqueurs
phénotypiques utilisés dans la différenciation des lignées B et T. Les marqueurs
phénotypiques les plus utilisés sont membranaires et peuvent être regroupés parmi les
Clusters de Différentiation, mais les cytokines sont également utilisées pour distinguer
différentes sous-populations de lymphocytes, en particulier de LT helper. Des anticorps se
liant à ces marqueurs peuvent être utilisés via la cytométrie de flux ou par
immunohistochimie, et l’utilisation combinée de ces anticorps permet de reconnaître
différentes sous-populations cellulaires.
Dans les deuxième et troisième parties, nous avons réalisé une synthèse des marqueurs
phénotypiques utilisés pour caractériser les différentes sous-populations déterminées au sein
des lignée T et B respectivement, chez l’homme et les espèces animales de laboratoire (souris,
rat, chien, porc et macaques rhésus et cynomolgus).
Dans une quatrième et dernière partie, nous avons tenté d’illustrer l’importance d’une
bonne connaissance des différentes sous-populations établies par les marqueurs
phénotypiques chez différentes espèces. En effet la catastrophe du TGN1412 montre qu’une
combinaison de marqueurs n’identifie pas toujours une sous-population cellulaire aux mêmes
propriétés fonctionnelles chez toutes les espèces. Cependant, les modèles animaux restent
essentiels dans le développement de notre connaissance sur les maladies humaines et leur
traitement, d’où l’importance d’établir à l’aide de combinaisons de marqueurs des souspopulations cellulaires aux propriétés similaires chez l’homme et les autres espèces animales.
26
I. Les marqueurs phénotypiques
1.1. Définition d'un Cluster de Différenciation (CD)
1.1.1 La création du terme CD
Le premier séminaire international sur les antigènes de différenciation des leucocytes
humains (HLDA) sponsorisé par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
(INSERM), la World Health Organization (WHO), et l’International Union of Immunological
Societies (IUIS) fut présidé en Novembre 1982 à Paris par Jean Dausset, Cesar Milstein, et
Stuart F. Schlossman et incluait 55 groupes de recherche de 14 pays différents.
Son but était de comparer par immunofluorescence la réactivité d’anticorps
monoclonaux (AcM) reconnaissant des antigènes de différenciation des leucocytes distincts.
Les anticorps acceptés pour le séminaire étaient assignés à l’un des trois protocoles définis
basés sur leur spécificité. Les anticorps spécifiques de cellules T étaient affectés au protocole
« T cell », ceux spécifiques des cellules B et des cellules issues de leucémies non-T non-B au
protocole « B cell plus CALLA », et ceux spécifiques des cellules des lignées monocytaire et
granulocytaire au protocole « M plus G ». Un total de 224 AcM ont été soumis à
considération, et selon les données préliminaires de spécificité fournies par les contributeurs,
139 AcM ont été finalement acceptés pour le séminaire. La réactivité des AcM était évaluée
par immunofluorescence indirecte, chaque laboratoire utilisant soit un microscope soit un
microfluoromètre de flux pour compter les cellules positives, bien qu’une seule méthode
pouvait être utilisée pour l’étude entière.
Afin d’identifier les AcM détectant des antigènes similaires, tous les AcM furent
comparés par paires et leurs similarités ou différences désignées comme “distance” entre eux.
La « distance » était définie comme la moyenne absolue de la différence dans la réactivité
entre toute paire d’AcM testée contre des marqueurs cellulaires inclus dan l’étude. La
« distance » calculée pour toutes les paires d’AcM était analysée en utilisant un algorithme de
groupement hiérarchique. L’algorithme formait des groupes en commençant par les paires
d’AcM montrant l’association la plus proche et ajoutait ensuite les paires successives d’AcM
aux groupes dans l’ordre des similarités des paires initiales. De cette façon, un arbre
hiérarchique fut établi, reliant ensemble tous les AcM testés par ordre décroissant de
similarité.
Au sein d’un protocole test, une fois l’arbre hiérarchique établi, des seuils furent
déterminés pour subdiviser l’arbre en plusieurs groupes d’AcM individuels. Le niveau des
seuils fut sélectionné de sorte que la « distance » entre les AcM au sein d’un groupe soit
minimisée alors que la « distance » entre les AcM issus de groupes séparés soit maximisée.
De cette façon, une famille de groupes incluant tous les AcM testés fut établie. Ces groupes
furent désignés Clusters de Différenciation (CD). Quinze groupes de CD distincts furent
définis, 11 d’entre eux étaient bien définis, 8 dans le protocole « T cell » (CD1 - CD8), 2 dans
le protocole « B cell + CALLA » (CD9 - CD10), et 1 dans le protocole « M + G » (CD11).
Quatre autres groupes furent moins bien définis et ainsi désignés « CDw » (CD provisoire)
pour indiquer leur nature provisoire (Bernard et Boumsell, 1984).
27
À la suite de ce premier séminaire, il fut recommandé que la nomenclature des CD soit
adoptée pour son utilisation scientifique courante et ce fut approuvé par le Comité sur les
Standards et la Nomenclature de WHO/IUIS, comme indiqué dans le tableau 1 (IUIS-WHO
NOMENCLATURE SUBCOMMITTEE, 1984).
Tableau 1 : Explication du système de nomenclature des antigènes de différenciation
des leucocytes. Adapté d’après IUIS-WHO NOMENCLATURE SUBCOMMITTEE (1984).
CD N° [cellule, P. M.] nom de l'AcM
CD:
Cluster de différenciation
N°:
Ici est donné le numéro officiellement assigné au clustera
Entre
crochets:
cellule:
Cellule typique du CD particulier, ou type cellulaire sur lequel la masse moléculaire relative ou « poids moléculaire » a été déterminée
P.M.:
« Poids moléculaire » ou masse moléculaire relative de l'antigène sur le type cellulaire particulier,
comme déterminé sur le specimen réduit dans un dénaturant puissant. Le P.M. est précédé par:
gp: glycoprotéine
gly: glycolipide
glu: glucide
Quand le P.M. n'est pas connu, la lettre « i » (= inconnu) est utilisée à sa place
Après les crochets:
Le nom de l'anticorps monoclonal particulaire est mentionné ici.
Exemple: CALLA,b examiné par l'anticorps monoclonal J5 sur les cellules leucémiques non-T et non-B, devrait être désigné:
CD10 [nT-nB, gp100] J5
La désignation orale devrait être CD10
Notes : a À chaque fois que la reconnaissance officielle définitive d'un CD donné ne peut pas être atteinte, mais qu'il est néanmoins senti qu'une
désignation officielle devrait être adoptée provisoirement, le CD pourrait être désigné CDw N°. A Kyoto (Août 1983), le sous-comité a reconnu
officiellement 11 CD et a désigné provisoirement 4 CDw additionnels.
b
CALLA: l'ancien « Common Acute Lymphoblastique Leukaemia Antigen »
Il fut également accepté que d’autres séminaires devaient suivre. Ces séminaires sont
basés sur le testage d’anticorps issus de laboratoires à travers le monde par différentes
méthodes pour évaluer leur réactivité. Le but ultime de ces séminaires est d’identifier tous les
antigènes de surface des leucocytes en respectant leur caractérisation biochimique, expression
cellulaire, fonctions moléculaires et cellulaires, et enfin leur pertinence clinique. Les 8
séminaires HLDA suivants furent tenus approximativement tous les 2 à 4 ans, comme indiqué
dans le tableau 2.
1.1.2 Évolutions dans l'établissement des CD
Les désignations originelles des CD référaient aux actuels AcM. Ceci était nécessaire
puisque dans certains cas des CD étaient assignés avant même que les structures cibles soient
connues et que certaines de ces structures étaient très complexes. Vers les 4e et 5e séminaires,
la désignation des CD a évoluée pour référer à des structures qui sont reconnues par l’AcM de
ce CD. Les derniers séminaires utilisaient trois techniques principales pour grouper les AcM :
28
Tableau 2 : Évolution de la nomenclature des anticorps monoclonaux pour les antigènes
de leucocytes spécifiques à travers les séminaires HLDA en 1980 aux séminaires HCDM
en 2006. Adapté d’après O’Gorman et Donnenberg (2008).
Nouveaux
antigènes
CD identifiés
Séminaire
Localisation
Année
Lignées incluses
CD1-CD15
1er HLDA
Paris, France
1982
T, B, M
CD16-CD26
2e HLDA
Boston, États-Unis
1984
T, B, M, A
CD27-CD45
3e HLDA
Oxford, Royaume-Uni
1986
T, B, M, A, NL, P
CD46-CDw78
4e HLDA
Vienne, Suisse
1989
T, B, M, A, NL, et NK, P
1993
T, B, M, A, NK, P, structures
d'adhésion, récepteurs aux cytokines,
molécules des cellules endothéliales
1996
T, B, M, A, NK, P, structures
d'adhésion, récepteurs aux cytokines,
molécules des cellules endothéliales
CD79CDw1390
CD131-CD166
5e HLDA
6e HLDA
Boston, États-Unis
Kobe, Japon
CD167-CD247
7e HLDA
Harrogate, Royaume-Uni
2000
Toutes les précédentes et les cellules
érythroïdes, les cellules dendritiques, les
cellules souches et progénitrices, les
structures glucidiques
CD248-CD339
8e HLDA
Adelaïde, Canada
2004
Toutes les précédentes et les cellules
stromales
2006
Ajout de la caractérisation et de la
validation des anticorps monoclonaux
contre des antigènes leucocytaires
intracellulaires pertinents (mais ils ne
recevront pas de nouveaux CD)
CD340-CD350
HCDM
Quebec, Canada
Notes : T = cellules T, B = cellules B, M = cellules myéloïdes, A = activation, P = plaquettes, NK = cellules
natural killer, NL = aucune lignée associée
-
immunofluorescence étiquetant la surface cellulaire avec une analyse par cytométrie
de flux,
analyse biochimique d’immunoprécipitation ou de Western blot pour établir le poids
moléculaire,
immunohistologie des tissus.
Autour du 4e séminaire, le groupement incluait également des études fonctionnelles en
plus des cellules cibles variées pour grouper les anticorps, et il était reconnu que les structures
cellulaires étaient « maintenant définies en premier plutôt que l’utilisation de l’approche
traditionnelle définissant les fonctions et cherchant les structures après ». C’est également
autour du 4e ou 5e séminaire que les méthodes moléculaires commencèrent à évoluer, ce qui
permit d’isoler les acides désoxyribonucléiques complémentaires (ADNc) de CD spécifiques.
Le 5e séminaire ajouta de nouveaux groupes d’affectation aux cytokines et récepteurs aux
facteurs de croissance, et également au premier type cellulaire non leucocytaire, les cellules
endothéliales. Le 5e séminaire HLDA introduit aussi la fluorescence quantitative dans l’effort
de fournir une information quantitative sur l’intensité et l’hétérogénéité des niveaux
29
d’expression d’antigène par les différents types cellulaires. Le 7e séminaire HLDA annonça
deux événements majeurs, le premier étant l’ajout de 4 nouvelles sections : cellules
dendritiques, cellules souches/progénitrices, cellules érythroïdes et structures glucidiques. Le
second changement important était une révision majeure des critères requis pour établir un
nouveau CD. Depuis le premier séminaire, l’une des règles pour établir un nouveau CD était
qu’un antigène devait être reconnu par au moins deux anticorps différents soumis au
séminaire et que le poids moléculaire de l’antigène devait être déterminé. Puisque les
techniques biochimiques et de biologie moléculaire pour caractériser les cibles des nouveaux
anticorps se sont largement développées, cette règle fut abandonnée lors du 7e séminaire
HLDA. À la place, il fut considéré comme approprié pour établir un nouveau CD que son
gène soit cloné et qu’au moins un AcM spécifique soit étudié lors du séminaire. Ce
changement dans les critères requis a mené à une explosion de nouveaux CD avec plus de 80
nouvelles entités ajoutées comparé à une moyenne d’environ 30 lors des séminaires
précédents. Ceci s'explique en partie par l’avancée technique avec en particulier des
améliorations importantes et une plus grande disponibilité de la cytométrie de flux et le
développement du clonage génique. En effet lors les premiers séminaires HLDA, les anticorps
étaient faits contre des cellules entières, habituellement un mélange de cellules, et l’anticorps
était ensuite utilisé pour découvrir l’antigène. Avant la grande disponibilité des AcM, les
molécules des leucocytes qui étaient bien connues et caractérisées étaient constituées
simplement des CMH de classe I et de classe II (CMH II). La majorité des marqueurs du
système immunitaire largement utilisés incluait CD3, CD4, CD8, CD19, CD20 et CD45, et
fut découverte en utilisant des anticorps faits « à l’aveugle ». Même le clonage récent des
gènes pour les protéines des leucocytes dépendait d’abord de l’obtention de l’anticorps. Au
contraire, presque toutes les 95 désignations de CD établies lors du 8e séminaire HLDA
étaient des molécules qui avaient d’abord été caractérisées par l’identification et expression
d’un gène. Les anticorps furent créés suite à la découverte du gène et de l’expression de la
protéine (Knapp et al., 1989a, 1989b ; Lanza et al., 1994 ; Mason et al., 2002, 2001 ;
O’Gorman et Donnenberg, 2008 ; Pallesen et Plesner, 1987 ; Schlossman et al., 1994 ; Zola et
Swart, 2005).
Le 8e séminaire continua avec la tendance à l’expansion rapide de nouveaux CD avec
95 nouveaux CD établis, mais annonça la fin d’une aire et un changement radical des
séminaires traditionnels. Les changements du 8e séminaire sont listés ci-dessous :
-
changement de l’acronyme « HLDA » par « HCDM » pour « molécules de
différenciation des cellules humaines ». Depuis quelques années le projet HLDA avait
favorisé des études sur les molécules endothéliales, puisqu’elles interagissent avec les
cellules du système immunitaire, et une nouvelle section « stromal cell molecules »
avait même été ajoutée lors du 8e séminaire. Les raisons complètes du changement de
l’acronyme sont les suivantes :
• pour indiquer une rupture avec la tradition tout en retenant les lettres « CD » ;
• pour maintenir l’emphase sur les molécules d’origine humaine, bien qu’une
collaboration avec les études chez d’autres espèces soit maintenue ;
30
•
-
-
pour étendre l’accent sur les leucocytes à d’autres types cellulaires en
reconnaissant que les leucocytes n’agissent pas isolément ;
• pour élargir la limite des molécules de surface à toute molécule dont
l’expression reflète une différenciation ;
établissement d’une « validation par le séminaire » qui ne se restreint plus seulement
aux molécules candidates à une désignation CD. Le bureau de l’HCDM maintient une
base de données de tous les clones hybridomes validés et cherche à assurer que ces
anticorps soient disponibles à la communauté scientifique ;
les laboratoires HCDM valideront les anticorps tous les ans et tous les nouveaux
anticorps et nouvelles désignations CD seront postés sur le site internet HCDM à la fin
de l’année. L’HCDM a décidé que toutes les molécules utiles dans la différenciation
cellulaire devraient être étudiées par le séminaire ; cependant seulement les marqueurs
qui sont exprimés sur les surfaces cellulaires recevront une désignation CD (Zola,
2005).
Le premier séminaire HCDM fut tenu à Québec au Canada en mai 2006 et il fut suivi
par la confirmation de CDw en tant que CD et par l’établissement de 8 nouveaux CD en
utilisant les critères suivants :
- au moins un séminaire a caractérisé les anticorps et a récolté de bonnes données
moléculaires ;
- l'antigène est exprimé sur la surface des cellules impliquées dans des réactions
immunes ;
- les anticorps réagissent avec des cellules primaires, pas seulement des protéines
transfectantes ou recombinantes ;
- l’anticorps est disponible (Zola et al., 2007).
1.2 Utilisation des CD pour l'identification des cellules
1.2.1 Les anticorps monoclonaux à l'origine des CD
C’est en 1975 que Kholer et Milstein ont inventé la production d’AcM par des
hybridomes, ce qui fut un événement majeur pour toute la biologie. Par définition, un AcM est
une immunoglobuline produite par une population clonale de cellules hybridomes
immortalisées. Le principe de la création d’un hybridome est simple, il s’agit de fusionner une
cellule de la lignée B produisant un anticorps d’intérêt avec une cellule de myélome.
L’hybridome ainsi créé sécrète l’anticorps d’intérêt et est immortel. L’intérêt majeur est que
les sites de liaison à l’antigène sont complètement homogènes, une situation très différente
des anticorps naturels polyclonaux (Lerner, 1981). Grâce à leur homogénéité, les hybridomes
peuvent être sélectionnés ce qui permet d’obtenir des anticorps de forte affinité et de grande
spécificité pour des déterminants antigéniques particuliers. Un an après l’invention des
hybridomes, des AcM spécifiques des cellules T « helper » (Th) du rat et de la souris ainsi que
les antigènes du CMH murins furent décrits. Peu après, la description de trois AcM
spécifiques des déterminants de surface des cellules T humaines, désignées OKT1, OKT3 et
31
OKT4 montrèrent la voie pour les études humaines. Aujourd’hui, les hybridomes associés à
ces AcM sont reconnus pour produire des anticorps contre les déterminants CD5, CD3 et CD4
respectivement. La plupart des AcM actuellement utilisés pour la détection des déterminants
sur les cellules humaines sont d’origine murine. Différentes méthodes sont actuellement
utilisées pour générer des AcM humains :
-
-
immortalisation de cellules B humaines spécifiques d’un antigène :
• la technique de l’hybridome basée sur la fusion de LB humains producteurs
d’anticorps avec une cellule lymphoblastique ou de myélome soit murine ou
humaine ;
• basé sur l’utilisation de virus Epstein-Barr pour immortaliser les LB humains
spécifiques d’un antigène ;
acquisition de cellules B humaines spécifiques d’un antigène via les techniques
d’expression phagique,
la production d’AcM humains par des souris transgéniques,
des techniques de clonage de cellules B humaine spécifiques d’un antigène pour cloner
directement et exprimer les gènes d’immunoglobuline in vitro issus de cellules B
spécifiques d’un antigène.
Les anticorps sont dirigés contre des protéines, des glycoprotéines, et mêmes des
glycolipides et structures glucidiques. Les fonctions biologiques de ces molécules sont
variées. Elles peuvent servir par exemple de récepteurs membranaires ou de ligands pour des
signaux solubles ou contact-dépendants, agir comme des enzymes, des pompes membranaires
ou des molécules d’adhésion. Les anticorps qui reconnaissent des composants intracellulaires
comme les histones, les lysosomes, les molécules de transduction de signal, et les cytokines
sont également disponibles. En particulier, la détection des protéines d’activation avec des
anticorps dirigés contre des phosphoépitopes spécifiques, a ouvert une nouvelle ère dans
laquelle la cytométrie de flux peut être utilisée pour investiguer les fonctions cellulaires
(O’Gorman et Donnenberg, 2008 ; Wang, 2011).
Les anticorps reconnaissent et réagissent contre des petites séquences peptidiques de
molécules antigéniques complexes. Ainsi, chaque protéine antigénique contient de
nombreuses petites séquences peptidiques nommées épitopes, desquels des AcM peuvent
émergés. Les anticorps de n’importe quel épitope de la molécule parente peuvent être utilisés
pour identifier une molécule entière. Initialement, cela a conduit à un dilemme de
nomenclature, chaque laboratoire et source commerciale avaient des désignations uniques
pour leurs AcM. C’est pour faciliter la communication que le premier séminaire HLDA a pris
place en 1982. Les antigènes de surface cellulaire furent assignés à des CD, basé sur leur
reconnaissance par des AcM. Tous les anticorps du même antigène, indépendamment de leur
spécificité à un épitope, furent groupés ensembles. Ainsi, deux anticorps ou plus réagissant
chacun avec un épitope différent sur le même antigène sont considérés dirigés contre le même
CD. En général, l’antigène lui-même est identifié par un nombre CD (CD3 sur les cellules T
par exemple) et les AcM les reconnaissant sont groupés en tant qu’ « anti-CDnombre » (par
exemple anti-CD3). Actuellement, plus de 350 CD sont reconnus. Il est important d’avoir en
32
tête que peu d’antigènes CD sont réellement restreints à une seule lignée cellulaire. À de rares
exceptions près (CD3 sur les cellules T par exemple), l’affectation à une lignée ne peut se
faire sur la base d’un seul antigène CD. Ils sont plutôt déterminés par la présence ou l’absence
de combinaison de marqueurs (O’Gorman et Donnenberg, 2008).
1.2.2 La cytométrie de flux
1.2.2.1 Utilisation de fluorochromes
Pour détecter la présence d’un AcM lié aux cellules par cytométrie de flux, l’anticorps
doit être couplé directement ou indirectement à un colorant fluorescent (fluorochrome). Il
existe des colorants qui émettent une lumière à une longueur d’onde seulement lorsqu’ils sont
excités par une lumière d’une certaine longueur d’onde également. Ceci est connu en tant que
déplacement de Stokes. Parce que différents colorants ont des déplacements de Stokes
différents, ils peuvent être distingués en passant la lumière émise à travers une série de filtres
optiques qui autorise seulement une largeur de bande de lumière spécifique à atteindre les
tubes photomultiplicateurs (PMT). Les PMT génèrent un signal proportionnel à l’intensité de
la lumière incidente. À travers une compensation spectrale, les signaux traités peuvent être
reliés quantitativement à la quantité de colorant liée à une cellule en particulier. Avec des
standards appropriés, cela peut à son tour être utilisé pour estimer le nombre de molécules
ciblées par l’anticorps marqué par fluorescence.
Dans les cytomètres de flux les plus simples, la lumière est apportée par un simple
laser à diode ou à argon refroidi par air qui émet une lumière bleue à une longueur d’onde de
488 nm. Les lasers rouge, jaune, vert, violet et ultraviolet deviennent très répandus tout
comme la liste de fluorochromes disponibles qui croit, et les cytomètres de flux
multiparamétriques sont alors largement adoptés. Un nombre de plus en plus grand
d’anticorps conjugués à une variété de fluorochromes sont aussi disponibles
commercialement. Pour la technique de marquage direct, une suspension cellulaire est
initialement incubée avec un AcM (ou plus) dirigé contre le (ou les) déterminant(s) d’intérêt.
Dans la technique indirecte, un anticorps non marqué contre la molécule cible est utilisé pour
colorer les cellules. La présence de cet anticorps est détectée par un second anticorps marqué.
Par exemple, les cellules T peuvent être identifiées dans le sang périphérique humain par
coloration avec un anticorps murin marqué dirigé contre CD3. Après avoir lavé les anticorps
non liés, un anticorps de chèvre marqué anti-immunoglobuline de souris peut être utilisé pour
détecter la présence d’anti-CD3 sur les cellules humaines. Les colorations indirectes peuvent
être utilisées de concert avec les colorations directes, pourvu que la coloration indirecte soit
réalisée en première, et que tous les sites de liaison des immunoglobulines anti-souris libres
soient bloqués (avec du sérum de souris ou des immunoglobulines de souris purifiées) avant
d’ajouter les anticorps murins directement conjugués. Le développement relativement récent
de petites quantités d’AcM marqués avec des portions spécifiques d’antigènes (Fab) d’une
immunoglobuline conjuguée à un colorant de choix, apporte une flexibilité additionnelle.
Finalement, les anticorps qui sont directement marqués avec de la biotine peuvent être
utilisés. La biotine n’est pas fluorescente en soi, mais se lie à la molécule tétramérique avidine
ou streptavidine avec une très haute affinité (d’où son nom), qui peut elle-même à son tour
33
être conjuguée à un colorant de choix. Cela apporte une versatilité, puisqu'un anticorps
conjugué à de la biotine peut être utilisé avec n’importe quel fluorochrome conjugué à de
l’avidine, et inversement le même fluorochrome conjugué à de l’avidine peut être utilisé avec
un grand panel de différents anticorps biotinylés. En plus des fluorochromes utilisés pour
marqué les AcM, une large variété de colorants avec des propriétés biologiques utiles peut
être utilisée pour identifier des populations cellulaires (O’Gorman et Donnenberg, 2008).
1.2.2.2 Principe de la cytométrie de flux
Après leur marquage avec des anticorps conjugués à un colorant ou une autre molécule
fluorescente, les cellules sont resuspendues à une concentration appropriée et introduites « en
file indienne » dans le cytomètre analytique. L’échantillon de cellules est injecté dans un
liquide d’entraînement (soluté physiologique ou eau distillée), de sorte que le flux de
l’échantillon forme un cœur stable au sein du liquide d’entraînement. Puisque le flux
laminaire est établi entre les deux flux, l’échantillon et le liquide d’entraînement ne se
mélangent habituellement pas, et les cellules sont concentrées près du centre de l’échantillon
par un procédé appelé centrage hydrodynamique. Dans un cytomètre analytique comme
représenté sur la figure 1, qui n’a pas la tâche additionnelle de trier les cellules, tout ceci
prend place au sein d’une cuve en quartz dans laquelle les cellules sont illuminées par un laser
ou plus. La lumière dispersée par les cellules est capturée à petit angle (Forward Scattered
[FSc]) et à 90° (Side Scattered [SSc]) de la lumière incidente lorsqu’elles traversent le
passage du laser. FSc est bien corrélé avec la taille de la cellule, alors que SSc mesure la
complexité interne de la cellule (convolutions nucléaires, vacuoles, …). La lumière dispersée
vers l’avant (FSc), à cause de son intensité, est habituellement détectée par une photodiode
relativement peu sensible et peu coûteuse, alors que la lumière dispersée latéralement (SSc),
tout comme la lumière émise par les fluorochromes avec lesquels les cellules sont marquées,
est mesurée en utilisant des PMT très sensibles. Dans le sang périphérique, les petits débris
cellulaires, les lymphocytes, les granulocytes, et les monocytes peuvent être distingués
uniquement sur la base de leurs propriétés intrinsèques de dispersion de la lumière. Les
photons émis par le colorant fluorescent associé à la cellule sont détectés par les PMT, qui,
avec l’aide d’une série de filtres, limitent la fenêtre de détection à la région majeure
d’émission des fluorochromes particuliers.
La production analogue du PMT, une impulsion de tension émise pendant le temps
que met la cellule pour passer la ligne du laser, est convertie en un nombre (ou plus) qui
quantifie l’impulsion (aire, pic, durée de l’impulsion). La manière dont ceci est réalisé
précisément diffère d’un cytomètre à l’autre. Les données digitalisées, souvent corrigées pour
un recouvrement spectral (aussi appelé compensation de couleur) sont stockées dans un
fichier appelé fichier list-mode. Par convention, on leur attribue l’extension .fcs ou .lmd. Dans
certains cytomètres, les données à la fois compensées et non compensées sont stockées sous le
même nom de fichier. Un fichier list-mode typique peut être lié à une grande table de données
dans laquelle les colonnes sont les paramètres (FSc, SSc, intensité verte, orange et rouge), et
chaque ligne représente un event distinct. Dans le jargon, les events sont des signaux qui
peuvent représenter des cellules mais peuvent aussi être des débris ou d’autres sources de
bruit de fond. Le procédé de collecte des données dans lesquelles les cellules sont passées à
34
travers le cytomètre et les paramètres décrivant les events individuels sont stockés dans des
fichiers de données, est appelé acquisition. Selon la complexité des données, ils peuvent être
analysés soit en temps réel pendant l’acquisition de l’échantillon soit offline en rappelant les
fichiers de données list-mode stockés (O’Gorman et Donnenberg, 2008).
Figure 1 : Schéma d’une installation de cytomètre de flux typique. Adapté d’après AbD
Serotec. Flow cytometry. [en ligne]. (Date de mise à jour inconnue).
[http://www.abdserotec.com] (Consulté le 09/06/14).
1.2.2.3 Application de la cytométrie de flux
La cytométrie de flux est l’une des technologies les plus puissantes qui est
actuellement utilisée en routine en immunologie. Elle permet non seulement de réaliser des
analyses cellulaires multiparamétriques rapides cellule à cellule, mais également de trier avec
fiabilité des populations de cellules extrêmement pures. La cytométrie de flux est née dans le
laboratoire de Herzenberg à l’Université de Stanford à la fin des années 1960. Les premiers
cytomètres mesuraient trois paramètres (un signal de fluorescence et deux signaux de lumière
dispersée), mais la puissance de l’analyse multiparamétrique à discriminer des souspopulations de leucocytes fonctionnellement distinctes a conduit à développer cette
technologie et à créer des machines qui sont aujourd’hui capables de mesurer plus de dix
couleurs. Cette technologie a révélé qu’il existe des centaines de types cellulaires
phénotypiquement distincts dans le sang périphérique humain. La capacité à discriminer ces
35
types cellulaires est cruciale à notre compréhension de l’immunité cellulaire et de la
pathogénèse des maladies.
Pour une simple discrimination entre cellules du sang périphérique, seuls deux
paramètres physiques (FSc et SSc) et deux paramètres de fluorescence sont suffisants. Les
caractéristiques de FSc et SSc peuvent être utilisées pour distinguer les monocytes et
granulocytes (hauts niveaux de FSc et SSc) des plaquettes et érythrocytes (faibles niveaux de
FSc et SSc). La figure 2 montre comment séparer, en fonction des paramètres physiques et de
la combinaison de marqueurs CD45/CD14, les lymphocytes des monocytes et des
granulocytes. Les lymphocytes et les cellules dendritiques montrent des FSc et SSc
intermédiaires et peuvent être ségrégués par leur lignée (cellules B, cellules T ou cellules NK)
en utilisant un paramètre fluorescent ou plus. Par exemple, les cellules T peuvent être
identifiées en utilisant des anticorps marqués par fluorescence spécifiques pour le marqueur
de surface CD3 et les marqueurs de surface CD4 ou CD8 (cytométrie de flux à deux
couleurs).
Figure 2 : Séparation des populations cellulaires sur des diagrammes point par point.
Adaptée d’après Rich (2008).
A. Diagramme point par point FSc/SSc sur un échantillon de sang entier lysé, démontrant le différentiel basique
en trois parties avec les lymphocytes, monocytes et granulocytes.
B. Diagramme point par point avec une fenêtre sur les réactifs CD45/CD14 montrant la distribution de la
fluorescence des trois types leucocytaires identifiés dont les lymphocytes, monocytes et granulocytes, ainsi qu’un
petit nombre de globules rouges non lysés et/ou de débris.
Au sein des populations de cellules T, des marqueurs variés ont été proposés pour
distinguer les cellules mémoires, effectrices et naïves. Ces marqueurs sont souvent arrangés
par paires (par exemple CD45RA avec CCR7, dont la co-expression identifie les cellules T
naïves) pour créer les simples schémas de phénotypage couramment utilisés dans les
expériences à quatre couleurs. Cependant, des essais pour décrire le compartiment complexe
des cellules T en utilisant ces schémas de phénotypage ont levé de nombreuses questions. Par
exemple, la plupart des marqueurs qui sont utilisés pour établir les stades de différenciation
36
des cellules T (tels que CD45RA, CD27, CD28, CD62L et CCR7) sont exprimés sur de
nombreux types de cellules T. On a toujours des difficultés à comprendre les redondances et
les absences de recoupement au sein et entre les schémas existants. L’ajout de marqueurs aux
schémas de phénotypage simples actuellement utilisés pourrait permettre de répondre à des
questions. L’utilisation de couleurs additionnelles présente également des avantages pour
améliorer la mesure de populations cellulaires rares. Ces besoins ont conduit au
développement d’instruments de plus en plus sophistiqués, à des avancées dans la technologie
des réactifs et ont abouti à des cytomètres de flux utilisant 17 couleurs (Perfetto et al., 2004).
Dans les laboratoires cliniques, l’immunophénotypage par la cytométrie de flux a été
un outil d’une importance inégalable pour définir les cellules issues de néoplasies spécifiques,
particulièrement chez les patients atteints de leucémie aigüe ou de lymphome nonHodgkinien. Une seconde application majeure est de fournir une information critique pour
l’établissement du stade et la gestion des patients infectés du virus de l’immunodéficience
humaine (HIV) et les patients atteints de syndrômes de déficience immunitaire. Les données
dérivées de l’analyse des sous-populations de cellules T jouent un rôle important dans les
décisions thérapeutiques. D’autres applications incluent la quantification de cellules souches
hématopoïétiques (CSH) et de réticulocytes, le diagnostic de syndrômes de déficience
immunitaire acquis ou congénitaux, de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, la détection
de la maladie minimale résiduelle sur des leucémies après thérapie, et beaucoup d’autres sont
soit approuvées en tant que tests diagnostiques in vitro ou servent en tant qu’adjonctions
diagnostiques pour lancer des tests sur le marché. En plus des considérations cliniques, ces
techniques analytiques fournissent des informations essentielles sur la structure et la fonction
des cellules hématopoïétiques et lymphoïdes en particulier. Ces analyses cellulaires
s’effectuent sur des suspensions cellulaires (sang, lymphe, moelle osseuse, liquide
cérébrospinale, épanchements). L’utilisation de la cytométrie de flux pour analyser
l’expression et la fonction de marqueurs sur des tumeurs solides se développe de plus en plus,
en utilisant des techniques de désagrégation comme subterfuge. La cytométrie de flux est une
technique clinique actuellement bien maîtrisée. Lors de sa première introduction en tant
qu’outil de recherche il y a plus de 30 ans, à la fois l’instrument et les réactifs analytiques
étaient d’utilité limitée. Le premier instrument mesurait la fluorescence sur une échelle
linéaire à une seule longueur d’onde et affichait les valeurs sur son oscilloscope. Le seul
moyen d’enregistrer et d’analyser les données était de faire des photographies de l’écran de
l’oscilloscope. Des avancées majeures en informatique et de nouvelles technologies de
marquage ont permis l’émergence d’instruments et de procédures qui sont directement
adaptables aux laboratoires cliniques (Brown et Wittwer, 2000 ; Chang et Hedley, 2012 ;
Della Porta et al., 2011 ; O’Gorman et Donnenberg, 2008).
1.2.3 L'immunohistochimie
1.2.3.1 Principes de l'immunohistochimie
L’immunohistochimie est un procédé permettant de détecter des antigènes sur les
cellules d’une coupe de tissu en utilisant des anticorps se liant spécifiquement aux antigènes
37
d’intérêt. La liaison de l’anticorps à son antigène est démontrée par une réaction
histochimique colorée et visible à la lumière ou par microscopie fluorescente.
La technique d’immunohistochimie est une combinaison de réactions immunologiques
et chimiques visualisées avec un microscope photonique. La technique peut être divisée en
trois phases détaillées dans le tableau 3 :
- phase 1 pré-analytique : commence avec l’obtention de l’échantillon, suivi par la
fixation du tissu, son parage, son inclusion et se termine par la section au microtome ;
- phase 2 analytique : commence par le déparaffinage des coupes de tissu, suivi des
étapes de pré-incubation (démasquage antigénique, blocage des sites d’activité non
spécifique), incubation avec l’anticorps primaire, marquage par la réaction anticorpsantigène, et se termine par le montage entre lame et lamelle ;
- phase 3 post-analytique : inclue l’interprétation des résultats et la formulation d’un
rapport ainsi que l’évaluation des contrôles de l’immunohistochimie.
Tableau 3 : Étapes et variables lors d’un examen immunohistochimique. Adapté d’après
Rehg et al. (2012).
Étapes
Variables
Phase pré-analytique
Phase analytique
Prélévement de l'échantillon
Fixation
Décalcification
Traitement du tissu
Section du tissu
Déparaffinage
Démasquage antigénique
Blocage des sites de réaction non spécifique
Anticorps primaire
Système de détection
Enzyme - substrat chromogène
Immunohistochimie
Contre-coloration
Phase post-analytique
Contrôle de performance
Interprétation
Rapport
Fixation retardée, ischémie prolongée, épaisseur de l'échantillon
Fixateurs additifs vs fixateurs coagulants, durée
Type de solution de décalcification, durée
Tissus inclus en paraffine vs congelés
Épaisseur de section de tissu, température et durée du séchage,
vieillissement de la section de tissu
Agent de déparaffinage
Détergents, enzymes, démasquage d'épitope induit par la chaleur
Enzymes endogènes, liaison hydrophobe, pigments
Monoclonal vs polyclonal, reconnaissance d'antigène (natif vs linéaire),
spécificité, espèces, variabilité
Système à base de biotine-avidine vs polymère, méthodes utra-sensibles
Détection de la couleur
Combinaisons enzyme - substrat
Contraste entre chromogène et contre-colorant
Compatibilité des espèces animales, traitement du tissu
Évaluation du pathologiste vs automate
Pourcentage de cellules positives, seuil positif vs négatif,
examen unique vs auxiliaire
Diagnostic, pronostic, théranostic
La fixation des tissus est nécessaire pour préserver de manière adéquate les
composants cellulaires dont les protéines structurales et solubles, pour empêcher l’autolyse et
le déplacement des constituants cellulaires dont les enzymes et les antigènes, pour stabiliser
les matériaux cellulaires contre les effets délétères des procédures à suivre, et pour faciliter la
coloration conventionnelle. Une fixation appropriée de l’échantillon biologique aura un
impact significatif sur la qualité du marquage immunohistochimique. Les échantillons soumis
à analyse immunohistochimique devront suivre les critères suivants :
- préservation cellulaire et tissulaire adéquate afin de caractériser la localisation des
composants d’intérêt,
- antigénicité du composant d’intérêt toujours présente et accessible à l’anticorps.
38
Pour satisfaire à ces exigences, la fixation devrait être suffisante pour maintenir
l’intégrité de la section à travers toute la procédure d’immunomarquage, mais sans non plus
détruire les antigènes étudiés. Aucune méthode de fixation idéale n’a été trouvée pour être
utilisée universellement en immunohistochimie. Le choix de la fixation adéquate peut être fait
après avoir réalisé plusieurs essais. Trois grands types de fixation en immunohistochimie sont
utilisés :
- séchage à l’air,
- refroidissement rapide,
- fixation chimique.
La fixation au formaldéhyde et l’inclusion en paraffine permettent un stockage facile
et une résolution excellente. La fixation de routine au formaldéhyde et le reste de la procédure
pour l’inclusion en paraffine peuvent altérer la conformation des protéines, ayant des
répercussions négatives sur l’interaction entre anticorps et antigène, résultant alors en une
intensité de la réaction immunohistochimique finale diminuée. Cependant, ces effets délétères
peuvent être facilement surpassés en utilisant des techniques de démasquage antigénique, dont
le but est de corriger les changements produits par la fixation. La technique de démasquage
antigénique la plus utilisée est celle par la chaleur. Le développement de cette technique, une
méthode simple consistant à faire bouillir les sections de tissus incluses en paraffine, a rendu
l’inclusion en paraffine de tissus fixés au formaldéhyde plus attractive pour
l’immunohistochimie que les cryo-coupes. L’immunohistochimie implique la reconnaissance
et la liaison d’un anticorps à un épitope de l’antigène cible. La spécificité de la réaction
dépend largement de la qualité de l’anticorps primaire et de la capacité de l’antigène à s’y lier.
L'immunoglobuline (Ig) la plus utilisée est l'IgG, l’IgM étant beaucoup moins fréquemment
utilisée. Afin que l’immunoréaction entre l’anticorps et son antigène soit vue au microscope,
l’anticorps doit être marqué par une enzyme, un fluorophore, de l’or colloïdal ou de la biotine.
Les enzymes de marquage peuvent être visualisées à la lumière d’un microscope à
fond clair. Elles sont habituellement couplées à des anticorps secondaires ou à la streptavidine
(ou avidine). Ces derniers sont utilisés pour la détection d’anticorps primairement ou
secondairement biotinylés. Toutes les enzymes sont des protéines, et les molécules sur
lesquelles elles agissent sont leurs substrats. L’enzyme de marquage peut être visualisée par
des méthodes histochimiques via des réactions chromogéniques ; un substrat soluble et
incolore est converti en un composé insoluble et coloré directement ou par une réaction
couplée. La détection histochimique de la peroxydase est basée sur la conversion de phénols
aromatiques ou d’amines telles que la diaminobenzidine (DAB), en pigment insoluble en
présence de peroxyde d’hydrogène. La phosphatase alcaline catalyse l’hydrolyse d’une variété
de substances contenant des phosphates dans l’intervalle de pH alcalin. L’activité
enzymatique de la phosphatase alcaline peut être localisée en couplant un produit soluble
généré pendant la réaction hydrolytique avec un réactif de capture, produisant un précipité
insoluble et coloré.
Les fluorophores sont eux-mêmes la source de lumière et peuvent être visualisés par
microscopie à fluorescence en utilisant un jeu de filtres spéciaux. Les fluorophores furent
introduits dans la microscopie à fluorescence au début du XXe siècle mais se sont vraiment
répandus seulement à partir des années 1940 lorsqu’Albert Coons développa une technique
pour marquer les anticorps avec des colorants fluorescents, donnant ainsi naissance à
39
l’immunofluorescence. En attachant différents fluorophores à différents anticorps, la
distribution de deux antigènes ou plus peut être déterminée simultanément dans la section de
tissu et au contraire de la microscopie à fond clair, même dans les mêmes cellules et dans la
même structure cellulaire.
L’or colloïdal est une suspension de particules d’or de taille sub-micrométrique dans
un liquide, habituellement de l’eau. Un conjugué d’or colloïdal consiste en des particules d’or
couvertes avec une protéine ou macromolécule telle qu’un anticorps. Grâce à leur haute
densité électronique, les particules d’or sont visibles au microscope électronique sans autre
traitement (Buchwalow et Böcker, 2010 ; Rehg et al., 2012).
1.2.3.2 Applications de l'immunohistochimie
Pendant longtemps, la seule méthode efficace pour le phénotypage des cellules
hématopoïétiques et lymphoïdes dans des coupes de tissu était la coloration par
immunoperoxydase de coupes congelées fixées à l’acétone. Désormais, avec les avancées
dans le développement des AcM et les méthodes de démasquage antigénique, de nombreux
antigènes associés aux cellules hématopoïétiques et lymphoïdes peuvent être étudiés dans des
coupes de tissu fixées au formaldéhyde et incluses en paraffine (Rehg et al., 2012).
L’immunohistochimie est très utilisée dans le diagnostic des tumeurs et en particulier
des néoplasies lymphoïdes. L’utilisation d’algorithmes phénotypiques basés sur de nombreux
anticorps occupe une place importante dans la classification des lymphomes. L’un des buts
majeurs des marqueurs phénotypiques d’immunohistochimie sur des coupes en paraffine est
de servir comme aide dans l’établissement du diagnostic lorsque les biopsies de nœud
lymphatique ou d’infiltrations hématopoïétiques/lymphoïdes dans des sites extra-nodaux sont
évaluées. La démarche diagnostique doit d’abord déterminer si la prolifération est bénigne ou
maligne ; dans ce second cas, s’il s’agit d’un lymphome ; et s'il s’agit d’un lymphome, si
celui-ci est de type Hodgkinien ou non-Hodgkinien ; enfin il faut préciser de quel type précis
de lymphome Hodgkinien ou non-Hodgkinien il s’agit. Les colorants sont utilisés pour
obtenir une information qui n’est pas morphologiquement apparente, savoir si les populations
de plasmocytes sont à chaîne légère restreinte par exemple. Ils sont utilisés pour attirer notre
attention sur des propriétés morphologiques subtiles qui pourraient passer inaperçues
autrement, telles que de petits foyers de lymphome dans des nœuds lymphatiques
hyperplasiques. Finalement, ils fonctionnent comme un contrôle de qualité « privé », soit en
aidant à confirmer des impressions histologiques, soit au contraire en incitant à revoir le
diagnostic proposé. Même si certains peuvent penser que les coupes colorées de routine sont
évidentes, il y a des cas où même le plus grand des experts pourra se tromper. Il est d’autre
part important d’avoir en tête que la majorité des marqueurs antigéniques hémato-lymphoïdes
sont associés à des lignées cellulaires mais que peu d’entre eux sont spécifiques d’une lignée
cellulaire. Par conséquent, des panels d’anticorps sont nécessaires pour confirmer
l’appartenance d’une cellule à une lignée, et la création de ce panel dépend bien entendu de la
lignée cellulaire d’intérêt. Le tableau 4 reprend les antigènes utiles aux diagnostics et
détectables en utilisant des anticorps réactifs en inclusion de paraffine. Il est important que les
panels de coloration d’immunohistochimie utilisés soient relativement compréhensibles, parce
40
que les colorations individuelles ou un panel très précis pourraient conduire à de mauvaises
interprétations. C’est pour cela que des panels de coloration peuvent être proposés selon les
populations cellulaires étudiées (Garcia et Swerdlow, 2009 ; Rehg et al., 2012).
Tableau 4 : Antigènes utiles aux diagnostics et détectables par des anticorps en inclusion
de paraffine. Adapté d’après Garcia et Swerdlow (2009).
Types cellulaires
Cellules B
Antigènes détectables
CD20, CD79a, CD22, PAX5 (BSAP)
Marqueurs utiles pour défnir des sous-populations de cellules B CD10, BCL6, CD23, BCL2, CD5, CD43, cycline D1,
et/ou classer les lymphomes à cellules B
IRF4/MUM1
Cellules T (tous aussi présents sur les cellules NK, sauf CD5)
CD2, CD3, CD5, CD7
Sous-populations de cellules T
CD4, CD8, CD56,
CXCL13, PD-1
Associés aux cellules NK
CD56, CD57
Associés aux lymphomes de Hodgkin
CD30
et
CD15
(classique),
chaîne
J
Oct2 et/ou Bob-1 absents ou minimes (classique)
Autres marqueurs utilisés dans le diagnostic de lymphome
CD45 (LCA), CD30, EMA, ALK-1, clusterine, Ki-67
Cellules plasmatiques
CD138, VS38c, κ, λ, IgG, IgM, IgA, IgD
Cellules dendritiques folliculaires
CD21, CD23 (sous-population), CD35, clusterine
Autres cellules dendritiques
CD1a (CL), Langerine (CL), S100 (CL et CDI), CD123
(cellules dendritiques plasmacytoïdes et quelques LMA, LTL)
CD57,
TIA-1,
granzyme-B,
β-F1,
(LHNPL),
Cellules myéloïdes/monocytiques
CD34, CD99 (non spécifique), TdT, CD1a (thymocytes),
CD117 (principalement myéloïdes)
Lysosyme, myéloperoxydase, CD33, élastase neutrophilique,
CD117, CD68, CD163, CD14, glycophorine (érythroïdes),
FVW/AFVIII (mégacaryocytes)
Mastocytes
Tryptase, CD117 (fortement positif)
Marqueurs viraux
EBV-LMP-1 (et EBER HIS), HHV-8 (HVSK), CMV, autres
Cellules immatures/précurseurs
Abréviations : LMA = Leucémie Myéloïde Aigüe ; CMV = Cytomégalovirus ; EBV = Virus Epstein-Barr ; LMP-1 = Latent
Membrane Protein 1 ; EBER ISH = Epstein-Barr virus-encoded Region in situ hybridization ; LTL = Leucémie à tricholeucocytes ;
HHV-8 = Herpesvirus humain 8 ; CDI = Cellules dendritiques interdigitantes ; HVSK = Herpesvirus du sarcome de Kaposi ; CL =
Cellules de Langherans ; NK = Natural Killer ; LHNPL = Lymphome de Hodgkin nodulaire à prédominance lymphocytaire ;
FVW/AFVIII = Facteur de Von Willebrand/antigène du facteur VIII
Comme mentionné précédemment, la cytométrie de flux est un outil remarquable pour
identifier des sous-populations cellulaires, cependant il est grandement conseillé de la corréler
avec de la microscopie dans l’établissement de diagnostics, l’immunohistochimie pouvant
même se révéler nécessaire dans certains cas. Les avantages de l’immunohistochimie
comprennent la préservation des relations architecturales et la capacité à détecter un
relativement faible nombre de cellules néoplasiques. De plus, certains anticorps peuvent être
mieux évalués dans des coupes en paraffine (par exemple, CD15 dans les cellules ReedStemberg des lymphomes Hodgkiniens). Enfin, des tissus frais peuvent tout simplement ne
pas être disponibles. Cependant, certains marqueurs utiles en cytométrie de flux ne sont pas
disponibles en routine pour l’immunohistochimie en paraffine (CD13, CD14, CD19, CD33,
etc. ) (Dunphy, 2004).
Mis à part lors d’envahissement de sites extra-nodaux par des tumeurs
lymphopoïétiques, les immunohistochimies du système lymphoïde sont habituellement
41
réalisées sur les organes lymphoïdes primaires (thymus et moelle osseuse), et les organes
lymphoïdes secondaires (nœuds lymphatiques, rate, et amygdales principalement).
1.2.3.3 Immunohistochimie des organes lymphoïdes
1.2.3.3.1 Immunohistochimie de la moelle osseuse
Le sang et la moelle osseuse forment l’un des plus grands organes du corps, et c’est
une cible potentielle importante aux expositions chimiques. Puisque les effets d’un composé
peuvent être mis en évidence à travers la masse de cellules sanguines circulantes ou la
production de cellules sanguines, les examens d’échantillons sanguins ou de ponctions et de
coupes de moelle osseuse sont nécessaires pour comprendre les altérations parmi les
populations leucocytaire, érythrocytaire ou thrombocytaire qui peuvent survenir lors d’études
toxicologiques.
La moelle osseuse est trouvée dans les cavités centrales des os longs, comme sur la
coupe transversale de fémur de souris montrée sur la figure 3. Elle est formée d’îlots de tissu
hématopoïétique et de cellules adipeuses entourés de sinus vasculaires parsemés au sein d’un
maillage d’os trabéculaire. La moelle osseuse possède un énorme apport sanguin. Il semble
que les capillaires dérivés des artères nourricières s’étendent dans les canaux de Havers,
retournent dans la cavité médullaire avant de s’ouvrir dans les sinus veineux. Il y a ainsi un
modèle circulaire du flux sanguin dans la cavité médullaire, du centre de la cavité médullaire
jusqu’à sa périphérie puis de nouveau vers son centre. Les sinus veineux possèdent des parois
fines, formées d’une couche de cellules endothéliales plates avec peu voire aucune membrane
basale. La moelle osseuse ne possède pas de drainage lymphatique. Son innervation est
assurée par des fibres myélinisées et non-myélinisées qui entrent à travers les canaux
nourriciers. Une partie de l’innervation est également apportée par les foramens épiphysaires
et métaphysaires. Des groupes de nerfs suivent les artérioles avec des branches innervant les
muscles lisses des vaisseaux ou occasionnellement, se terminant dans le tissu
hématopoïétique. Le tissu hématopoïétique est constitué d’une variété de cellules dont des
cellules sanguines et leurs précurseurs, des cellules adventitielles, des adipocytes et des
macrophages. Les cellules du tissu hématopoïétique ne sont pas disposées au hasard mais font
preuve d’une organisation particulière au sein du tissu. Pour que l’hématopoïèse puisse se
réaliser, elle doit être soutenue dans un microenvironnement capable de reconnaître et de
retenir les CSH et de fournir les facteurs requis pour soutenir la prolifération, la
différenciation et la maturation des cellules souches tout au long des lignées engagées. Le
microenvironnement hématopoïétique repose sur des cellules réticulées adventitielles, des
cellules endothéliales, des macrophages, des adipocytes et possiblement des ostéoblastes et
des éléments de la matrice extracellulaire. L’hématopoïèse est un processus compartimenté au
sein du tissu hématopoïétique, prenant place dans des unités anatomiques distinctes (îlots
érythroblastiques). La granulopoïèse prend place en des foyers moins précis et la
mégacaryopoïèse est adjacente à l’endothélium sinusal. Suite à la maturation, les cellules
hématopoïétiques, régulées par les cellules adventitielles, traversent les parois des sinus
veineux pour entrer dans le courant sanguin, les plaquettes sont relâchées directement dans le
sang à partir de processus cytoplasmiques des mégacaryocytes pénétrant à travers la paroi des
42
sinus dans la lumière. La lymphopoïèse prend place dans le microenvironnement de la moelle
osseuse des mammifères adultes. Les cellules de la lignée B dérivées de la moelle osseuse
peuvent être identifiées par des changements séquentiels dans leur taille cellulaire et leur
expression de chaînes d’immunoglobuline. Les grandes cellules pré-B sont des précurseurs
précoces et contiennent des chaînes lourdes dans leur cytoplasme. Les grandes cellules pré-B
se divisent au moins une fois pour donner des cellules pré-B de plus petite taille. Avec le
réarrangement génique, les petits lymphocytes pré-B mûrissent en cellules B, ils expriment
des chaînes légères κ et λ dans le cytoplasme. La séquence de prolifération/maturation de la
lymphopoïèse B est régulée par des facteurs solubles sécrétés par les cellules stromales et est
sensible à toute perturbation par des substances chimiques myélotoxiques. La lymphopoïèse
des cellules T prend place dans le thymus dans lequel se sont implantées des cellules souches
dérivées de la moelle osseuse. Des preuves indiquent que les prothymocytes ont subi une
différenciation et/ou un engagement avant de se relocaliser dans le thymus.
Figure 3 : Agrandissement d’une coupe transversale de fémur d’une souris mâle
B6C3F1 de 28 jours. Adapté d'après Travlos (2006).
Notes : CV = veine centrale ; têtes de flèche = artères nutritives ; flèches = sinus veineux au sein de la moelle osseuse riche en cellules.
L’évaluation du système hématopoïétique devrait être réalisée en utilisant une
approche à plusieurs composantes (examen du sang périphérique, frottis de moelle osseuse,
coupe histologique de moelle osseuse). L’histopathologie est une évaluation subjective et est
utile pour évaluer l’architecture de la moelle osseuse, évaluer la cellularité, estimer le rapport
des précurseurs myéloïdes sur les précurseurs érythroïdes (rapport M / E), évaluer les lignées
cellulaires, estimer le stock de fer et d’autres propriétés (néoplasie, inflammation, pigment,
agents infectieux). Le frottis de moelle osseuse fournit des résultats quantitatifs, une meilleure
43
morphologie cellulaire ainsi qu'une meilleure détermination du ratio M / E et des indices de
maturation. Pour l’histopathologie, de nombreuses variables concernant l’obtention de
l’échantillon et son traitement (fixation, décalcification, inclusion, coupe et coloration)
peuvent affecter sa qualité et doivent être considérées (Travlos, 2006).
1.2.3.3.2 Immunohistochimie du thymus
Le thymus est un organe lymphoïde primaire localisé dans le médiastin péricardique
chez les mammifères. Des différents tissus lymphoïdes, le thymus est histologiquement le
plus conservé à travers les espèces. Il est unique parmi les organes lymphoïdes en étant un
organe épithélial. Les cellules épithéliales forment une trame ouverte contenant
majoritairement des LT, des petites populations de LB et des plasmocytes et des populations
dispersées d’autres cellules telles que les cellules neurocrines. Il est divisé en un cortex et une
médulla morphologiquement distincts, séparés par une zone cortico-médullaire vascularisée.
La majorité de la trame du thymus est composée d’un réseau de cellules épithéliales
réticulées. Les cellules épithéliales de la région capsulaire du thymus forment une couche de
une à deux cellules d’épaisseur. Dans le cortex externe et certains vaisseaux sanguins, les
cellules épithéliales sont fines et ressemblent à des feuilles, mais elles conservent ailleurs une
apparence en étoile. Les cellules épithéliales sont divisées en des populations distinctes qui
diffèrent dans leur expression antigénique, leurs caractéristiques ultrastructurales, et leur
capacité à synthétiser les hormones thymiques : thymuline, thymosine, thymopoïétine et
facteur humoral thymique. Immunohistologiquement, les cellules épithéliales peuvent être
divisées en cinq sous-types distincts : sous-capsulaire, corticale, corticale interne, médullaire
et corpuscules de Hassal.
Une fine capsule de tissu conjonctif entoure chaque lobe et dans la plupart des espèces
donne naissance à un septum, qui subdivise le thymus en lobules interconnectés de taille et
d’orientation variables. La capsule est composée d’une couche interne et externe de collagène
et de fibres réticulées entre lesquelles on trouve par endroits des groupes de lymphocytes. La
couche interne s’invagine pour former le septum. De fines trabécules s’étendent également de
la capsule ou du septum dans le centre des lobules. Avec une coloration spéciale de la
réticuline, une petite quantité de tissu conjonctif peut être mise en évidence dans la capsule,
les régions des trabécules et périvasculaires, mais contrairement aux autres organes
lymphoïdes, il y a peu de tissu conjonctif de soutien. La plupart de la trame de soutien dans le
thymus est composée d’un réseau de cellules épithéliales réticulées. Des zones sans
épithélium sont des compartiments sans stroma, identifiés dans la zone sous-capsulaire, et
s’étendant profondément dans le cortex. La figure 4 représente une coupe de thymus.
Histologiquement, le cortex de couleur sombre à la coloration contient des petits
lymphocytes immatures et densément groupés, qui éclipsent les populations de cellules
épithéliales disséminées, ainsi que la population cellulaire transitoire dérivée de la moelle
osseuse et formée principalement de macrophages phagocytaires. De grands lymphoblastes en
mitose peuvent être trouvés dans le cortex sous-capsulaire. Ces cellules ont un noyau rond à
ovale avec un ou deux nuclei proéminents et un cytoplasme relativement abondant et
fortement basophile. Un gradient de petites cellules montrant moins de mitoses se retrouve du
cortex externe à la jonction cortico-médullaire. Dans la région sous-capsulaire et dans le
44
cortex profond, un grand nombre de lymphocytes à division rapide sont de courte durée de vie
et subissent une apoptose, la présence de nombreux corps apoptotiques dans le cortex est donc
une découverte normale. Les corps apoptotiques sont phagocytés par les macrophages et sont
visibles au sein de leur cytoplasme, ce qui leur vaut le nom de « macrophages à corps
tangibles ». La jonction cortico-médullaire est caractérisée par un grand nombre de vaisseaux
sanguins (majoritairement des artérioles) avec un tissu conjonctif périvasculaire limité et des
LT immatures. Des cellules dendritiques et un nombre variable de LB périvasculaires et de
plasmocytes sont observés dans la jonction cortico-médullaire. Le nombre de cellules B et de
plasmocytes augmente avec l’âge de l’animal.
Figure 4 : Coupe schématique d’un thymus. Adapté d’après Thymates. ThymateTM and the
body’s healing process. [en ligne]. (Mise à jour le 30/10/09). [http://www.thymate.com]
(Consulté le 09/06/14).
La médulla est continue entre des lobules adjacents et peut former de petits bourgeons
atteignant le cortex en profondeur voire même par endroits la capsule. La médulla est pâle à la
coloration, moins dense en cellules que le cortex, et contient plus de cellules T matures, des
cellules épithéliales proéminentes, des corpuscules de Hassal, un mélange de macrophages,
des cellules dendritiques (non-phagocytaires, cellules dérivées de la moelle osseuse), des LB
et plus rarement des cellules myéloïdes. Les LT médullaires sont plus grands, plus pâles à la
coloration et ont un cytoplasme plus développé que les lymphocytes corticaux. Les
45
corpuscules de Hassal sont rares chez les rongeurs en comparaison avec les primates. Chez la
souris, ils peuvent être très petits et non directement visualisables sans immunomarquage. Les
corpuscules de Hassal réagissent très fortement aux anticorps de la kératine de haut poids
moléculaire (AE2), un marqueur terminal de la maturation des cellules épithéliales, mais ne
réagissent pas aux autres marqueurs immunohistochimiques de l’épithélium thymique. Les
cellules les composant sont polygonales avec un grand noyau, et pâles, avec
occasionnellement un cytoplasme granuleux avec dégénérescence kystique ou calcification
dystrophique variables. Chez les rats ils peuvent former des cellules aplaties ou en volute
entourant les débris cellulaires ou de la kératine arrangée de manière concentrique. Chez les
souris, ces structures sont moins bien définies et ne forment pas de kératine en leur centre. Les
cellules myéloïdes sont rares dans la médulla thymique des rongeurs et de l’homme. Elles ont
des propriétés structurales et immunohistochimiques des muscles striés, ayant une coloration
positive pour la desmine et la myosine. Les cellules neuroendocrines se rencontrent en faible
nombre. Leur fonction physiologique n’est pas bien comprise mais on sait qu’elles peuvent
donner naissance à des tumeurs carcinoïdes. Les mastocytes et les éosinophiles sont
également présents (Pearse, 2006).
1.2.3.3.3 Immunohistochimie des nœuds lymphatiques
Les nœuds lymphatiques sont des organes lymphoïdes secondaires qui contiennent des
lymphocytes avec une fine couche de cytoplasme réticulé. Les structures au sein du nœud
lymphatique comprennent la capsule, le sinus sous-capsulaire, le cortex (zone des cellules B
avec des centres folliculaires et germinatifs), le paracortex (zone des cellules T), les sinus
médullaires, les cordes médullaires et le hile comme représentés dans la figure 5. Afin
d’assurer que tous ces composants soient évalués, une attention particulière doit être apportée
lors de l’orientation et de la collecte des tissus (Elmore, 2006).
Les nœuds lymphatiques devraient être examinés en routine macroscopiquement et
microscopiquement puisqu’ils peuvent refléter des lésions dans les organes et tissus qu’ils
drainent. De plus, une attention particulière devrait être portée aux nœuds lymphatiques qui
sont plus amenés à être exposés à des composants de certains tests. Les nœuds lymphatiques
bronchiaux et médiastinaux devraient être examinés pour des composés administrés via des
inhalations alors que des composés administrés oralement affecteront plus probablement les
nœuds lymphatiques mandibulaires superficiel et cervical ainsi que les nœuds lymphatiques
mésentériques. Pour des expositions dermiques et sous-cutanées, les nœuds lymphatiques
drainants les plus proximaux devront être examinés (nœuds lymphatiques auriculaire,
axillaire, inguinal et poplité).
La gamme d’observations histologiques normales au sein d’un groupe de nœuds
lymphatiques dues à des fonctions immunitaires normales devrait être également prise en
considération. Les nœuds lymphatiques mandibulaires sont exposés à des antigènes issus de la
région oro-pharyngée et développeront typiquement des follicules secondaires et un nombre
considérable de plasmocytes au sein des cordes médullaires. Pour les effets systémiques de
certains composés, l’examen des nœuds lymphatiques distaux au site d’application peut
fournir des informations additionnelles. À moins de drainer un site de l’application, les nœuds
lymphatiques poplité et axillaire ne sont souvent pas stimulés et donnent des informations sur
46
l’état de repos des nœuds lymphatiques. Cependant, ces nœuds lymphatiques peuvent être très
variables, petits et difficiles à prélever de manière adéquate. Il est utile d’avoir connaissance
des régions drainées par les nœuds lymphatiques spécifiques pour déterminer l’origine de
métastases néoplasiques. Enfin, un examen attentif et minutieux des nœuds lymphatiques peut
donner des indices de grand intérêt sur les possibles mécanismes d’action des produits testés
(Elmore, 2006).
Figure 5 : Coupe schématique d’un nœud lymphatique. Adapté d’après Marieb (2001).
1.2.3.3.4 Immunohistochimie de la rate
La rate est un organe lymphoïde secondaire, elle est de couleur rouge à bleu foncé et
est localisée dans l’abdomen crânial gauche. Elle est adjacente à la grande courbure de
l’estomac et au sein de l’omentum. C’est un organe allongé, grossièrement triangulaire en
coupe. Son apparence et sa taille sont variables, dépendants de l’espèce et de son degré de
distension, cependant son poids peut se révéler très important dans son évaluation. Les
fonctions de la rate sont centrées sur la circulation systémique, et elle manque donc de
vaisseaux lymphatiques afférents. Elle est constituée de deux compartiments distincts
morphologiquement et fonctionnellement, la pulpe rouge et la pulpe blanche comme observé
dans la figure 6. La pulpe rouge est un filtre du sang qui enlève les matériaux étrangers et les
érythrocytes endommagés. C’est aussi un site de stockage du fer, des érythrocytes et des
plaquettes. La rate est l’organe lymphoïde le plus grand, contenant environ un quart des
lymphocytes du corps entier et initie les réponses immunitaires contre les antigènes issus du
sang. Cette fonction est celle de la pulpe blanche qui entoure les artérioles centrales.
47
Figure 6 : Coupe histologique de rate chez une souris femelle B6C3F1 de 20 semaines.
Adapté d'après M. Cesta (2006).
Abréviations : MZ = zone marginale ; MS = sinus de la région marginale ; F = follicule ; P = gaine lymphoïde péri-artériolaire ; RP =
pulpe rouge ; A = artère centrale ; T = trabécule ; H = hile.
La pulpe rouge est constituée d’un maillage tridimensionnel de cordons spléniques et
de sinus veineux. Les cordons spléniques sont constitués de fibres réticulées, de cellules
réticulées, et associés à des macrophages. Les cellules réticulées sont considérées comme des
myofibroblastes et jouent probablement un rôle dans la contraction splénique. Les fibres
réticulées sont composées de fibres élastiques et de collagène, de cellules réticulées et de
fibres nerveuses adrénergiques non myélinisées. Au sein des espaces entre les cordons, on
trouve des cellules sanguines dont des érythrocytes, granulocytes et des cellules
mononucléaires circulantes. Également associés aux cordons spléniques, on trouve les
lymphocytes et les cellules hématopoïétiques tout comme des plasmocytes et des
plasmoblastes qui migrent des follicules et des gaines lymphoïdes périartériolaires (GLP)
après différenciation antigénique spécifique. Les macrophages de la pulpe rouge sont
activement phagocytaires et enlèvent les érythrocytes vieux et endommagés de la circulation.
Les sinus veineux peuvent être trouvés à travers la pulpe rouge, et sur le pourtour de la zone
marginale en particulier. Ils sont striés par des réseaux de cellules endothéliales reposant sur
une membrane basale comprise entre ces cellules endothéliales et les fibres réticulées de la
pulpe rouge. Les artères pénicillées et les capillaires artériolaires sont aussi localisés dans la
pulpe rouge, bien qu’ils soient plus difficiles à identifier. Des pigments variés peuvent être
présents dans la rate. Des dépôts d’hémosidérine dans le cytoplasme de macrophages de la
48
pulpe rouge, et parfois de la pulpe blanche sont fréquents. En fait, les pigments ferreux
(hémosidérine et ferritine) sont les pigments les plus fréquemment retrouvés dans les
macrophages de la pulpe rouge. La lipofuscine et le céroïde sont dérivés de l’oxydation des
lipides et sont aussi typiquement trouvés dans la rate, bien que moins fréquents que
l’hémosidérine. Des mélanocytes contenant de la mélanine peuvent également être présents.
La pulpe blanche est sous-divisée en GLP, follicules et zone marginale. Elle est
composée de lymphocytes, macrophages, cellules dendritiques, plasmocytes, artérioles, et
capillaires dans une trame réticulée similaire à celle rencontrée dans la pulpe rouge. Au fur et
à mesure que les artérioles centrales rentrent dans la pulpe rouge, elles sont entourées par les
GLP qui sont composées de lymphocytes et de couches concentriques de fibres réticulées et
de cellules réticulées aplaties. Les GLP sont divisées en GLP interne et GLP externe. La GLP
interne, une région dépendante en cellules T, peut être légèrement plus intensément colorée
que la GLP externe de par sa composition cellulaire, prédominée par de petits lymphocytes.
La différence cependant, n’est pas uniformément présente et est généralement subtile et
difficile à détecter. Les cellules de la GLP interne sont majoritairement représentées par des
cellules T CD4+ bien que des cellules T CD8+ en faible quantité peuvent également être
présentes, tout comme des cellules dendritiques interdigitantes, et des cellules B migrantes. La
GLP externe est colonisée par des lymphocytes de petite à moyenne taille (à la fois des
cellules T et B), des macrophages, et après stimulation antigénique des plasmocytes. C’est un
site important de circulation des lymphocytes et où des plasmocytes se forment. Les follicules
sont en continuité avec les GLP et sont typiquement trouvés à la bifurcation des artérioles
centrales. Ils sont composés majoritairement de cellules B avec peu de cellules dendritiques et
de cellules T CD4+, mais ne contiennent typiquement pas de cellules T CD8+. Les follicules
ont des lymphocytes de plus grande taille en leur centre qui est entouré par une zone du
manteau ou couronne composée de lymphocytes de petite à moyenne taille. Les follicules
peuvent contenir des centres germinatifs qui se forment après stimulation antigénique. Ils sont
moins intensément colorés de par la moindre présence de cellules, et ils contiennent des
macrophages à corps tangible et des cellules B apoptotiques (M. Cesta, 2006).
1.2.3.3.5 Immunohistochimie des tissus lymphoïdes associés aux muqueuses
Environ la moitié des lymphocytes du système immunitaire est située dans les tissus
lymphoïdes associés aux muqueuses (MALT). Les MALT sont situés le long des surfaces de
tous les tissus muqueux. Leurs représentants les mieux connus sont les tissus lymphoïdes
associés à l’intestin (GALT), les tissus lymphoïdes associés au nasopharynx (NALT), les
tissus lymphoïdes associés aux bronches (BALT), bien que les tissus lymphoïdes associés à la
conjonctive (CALT), au canal lacrymal (LDALT), au larynx (LALT) et au canal salivaire
(DALT) aient également été décrits. La fonction principale des MALT est de produire et de
sécréter des IgA à travers les surfaces muqueuses lors de réactions à médiation Th2
spécifiques d’un antigène, bien que les réactions à médiation Th1 et à cellules T cytotoxiques
(CTL) puissent aussi apparaitre, la dernière entraînant une immunotolérance. Les MALT
peuvent être fonctionnellement divisés en sites effecteurs et sites inducteurs. Les GALT,
BALT et NALT, CALT chez la souris, le chien et le babouin, ainsi que les DALT chez les
macaques cynomolgus sont des sites inducteurs. Les sites inducteurs contiennent des tissus
49
lymphoïdes secondaires dans lesquels la commutation de classe IgA et l’expansion clonale de
cellules B se produit en réponse à l’activation des cellules T par leur antigène spécifique.
Après activation et commutation de classe IgA, les cellules T et B migrent des sites inducteurs
aux sites effecteurs. Les sites effecteurs sont présents au niveau de tous les tissus muqueux en
tant que tissu lymphoïde disséminé, distribué de manière diffuse à travers la lamina propria.
Dans les sites effecteurs, les IgA sécrétoires sont sécrétées à travers l’épithélium muqueux. La
composition cellulaire des sites effecteurs est partagée entre des cellules T dont la majorité
sont CD4+, des plasmocytes à IgA avec moins de plasmocytes à IgG et IgM, et quelques
cellules B, cellules dendritiques, et macrophages. Bien que les sites MALT soient
anatomiquement séparés, ils sont fonctionnellement connectés en ce qui a été nommé le
« système immunitaire muqueux commun », de sorte que la présentation antigénique et
l’activation des cellules B dans un site muqueux puisse déclencher la sécrétion d’IgA aux
sites muqueux des différents organes. De plus, le système immunitaire muqueux peut agir
indépendamment du système immunitaire systémique, rendant l’évaluation des MALT d’une
grande importance en immunopathologie. Les lymphocytes intra-épithéliaux, des LT trouvés
parmi les cellules épithéliales de tous les tissus muqueux, forment un autre composant des
MALT. Ils sont majoritairement CD8+ et sont relativement abondants, avec typiquement un
lymphocyte pour 4 à 6 cellules épithéliales. Ils sont d’une certaine manière uniques, en
particulier chez les rongeurs, dans le fait qu’une grande proportion exprime le TCR (T-cell
receptor) γ:δ et beaucoup expriment la forme homodimérique CD8αα du récepteur CD8 plutôt
que le TCR α:β et les populations CD8+. Ils expriment également de manière unique
l’intégrine α, qui est supposée jouer un rôle important dans la séquestration de ces
lymphocytes dans l’épithélium. Certains rapports suggèrent que ces cellules sont générées
dans la muqueuse intestinale, mais cela reste controversé. Les compartiments fonctionnels des
BALT, GALT et NALT sont les follicules lymphoïdes, la région interfolliculaire, le dôme
sub-épithélial, et l’épithélium associé aux follicules qui contient des cellules M. Les cellules
M sont des cellules épithéliales spécialisées situées dans l’épithélium associé aux follicules
qui transportent des micro-organismes, des macromolécules et molécules solubles de la
lumière intestinale au dôme sub-épithélial donnant accès aux antigènes luminaux au tissu
lymphoïde. Elles sont difficiles à distinguer macroscopiquement à la lumière mais ont une
apparence extra-structurale distincte. La surface apicale des cellules M est caractérisée par des
microvilli de petite taille, irréguliers et désorganisés avec une bordure en brosse faiblement
développée ou des microplis plutôt que la bordure en brosse dense des entérocytes absorbants.
La membrane basale des cellules M est invaginée, formant une poche contenant typiquement
un lymphocyte ou plus (cellules T ou B) et occasionnellement des macrophages. Puisqu’il n’y
a pas de marqueur histochimique ou immunohistochimique spécifique des cellules M, des
groupes de lymphocytes dans l’épithélium associé aux follicules peut être le seul indice en
microscopie claire de la présence de cellules M. D’autres propriétés communes des MALT
sont le manque de vaisseaux lymphatiques afférents et de régions médullaires et la présence
de veinules à haut endothélium au sein des régions interfolliculaires. Les composants
cellulaires des MALT sont les cellules B, les cellules T CD4+ et CD8+, les cellules
dendritiques présentatrices d’antigènes, les macrophages et occasionnellement des mastocytes
et des éosinophiles dans la région interfolliculaire. Ainsi, ils contiennent tous les types
cellulaires nécessaires à l'initiation de la réponse immunitaire (M. F. Cesta, 2006).
50
Plusieurs types de nodules lymphoïdes ont été décrits dans l’intestin, dont les plaques
de Peyer, les follicules lymphoïdes isolés, les crypto-plaques, et, dans le colon, les complexes
lymphoglandulaires. Les plaques de Peyer et les complexes lymphoglandulaires sont les sites
inducteurs primaires dans l’intestin, mais la fonction des follicules lymphoïdes isolés et des
crypto-plaques n’est pas claire. Les plaques de Peyer sont distribuées au hasard à travers la
muqueuse et la sous-muqueuse du tractus gastro-intestinal mais sont plus densément présentes
dans le jéjunum et sont orientées le long du bord anti-mésentérique. Les plaques de Peyer
chez les rongeurs contiennent typiquement 6 à 12 centres germinatifs localisés sur leur partie
basale, qui sont plus nombreux dans les plaques de Peyer que dans les NALT ou BALT. On
peut observer un centre germinatif sur la figure 7. Les zones des cellules B sont plus grandes
que celles des cellules T, ce qui se reflète dans le rapport cellules T / cellules B égal à 0,2. La
taille, le nombre, la distribution et la composition des plaques de Peyer varient selon les
espèces et même les souches. Par exemple, les plaques de Peyer sont généralement plus
petites chez les rats Fischer 344 que chez les rats Winstar. Le rapport des cellules T CD4+ sur
CD8+ de 5 est approximativement deux fois plus haut dans les plaques de Peyer que dans les
NALT et BALT (2.4 et 2,5 respectivement). Chez les rats Lewis cependant, ces rapports sont
presque égaux. Les follicules lymphoïdes isolés, aussi localisés sur le bord anti-mésentérique
de l’intestin grêle, ont été identifiés chez le rat, la souris, le lapin et le cochon d’inde. Ils sont
plus petits que les plaques de Peyer et apparaissent sous forme d’agrégats lymphoïdes en
forme de tonneau dans les villi intestinaux les plus courts et sont typiquement associés à un
unique dôme. Plus de 200 follicules lymphoïdes isolés chez la souris ont été identifiés, bien
que ce nombre varie en fonction de la souche murine. Ils ne sont pas présents chez les souris
nouveau-nées, devenant bien détectables dans le duodénum et le jéjunum proximal par
microscopie à fond clair à 7 jours chez les souris BALB/cA/Jcl et 25 jours chez les souris
C57BL/6J/Jcl. Les souris C57BL/6 auraient de moins nombreux et plus petits follicules
lymphoïdes isolés, localisés majoritairement dans l’intestin grêle distal, et non confinés au
bord anti-mésentérique. Les crypto-plaques, des agrégats lymphoïdes trouvés dans la lamina
propria située entre les cryptes de l’intestin grêle, sont de petits agrégats de cellules T et de
cellules dendritiqus. Elles se forment après le sevrage et sont bien plus nombreuses que les
follicules lymphoïdes isolés et les plaques de Peyer avec plus de 1700 par souris adulte. Des
études suggèrent que les crypto-plaques sont des tissus lymphoïdes primaires dans lesquels la
genèse extrathymique de lymphocytes intra-épithéliaux se produit, bien que cela reste
controversé. Les complexes lymphoglandulaires du colon ressemblent aux plaques de Peyer,
cependant ils sont plus petits et ont moins de follicules, avec de plus petits centres
germinatifs. Aussi, les cryptes s’étendant dans la sous-muqueuse colique qui sont bordées par
un épithélium associé aux follicules et entourées par du tissu lymphoïde, peuvent parfois être
bien visibles. Dans le colon distal de souris, les complexes lymphoglandulaires sont distribués
au hasard, et ceux du colon proximal de souris et à travers tout le colon de rat sont orientés
vers le bord anti-mésentérique. Chez la souris, au moins un complexe lymphoglandulaire peut
être systématiquement trouvé dans les 10 mm avant l’anus, il s’agit de la plaque rectale. Chez
les rats Fischer, le tissu lymphoïde colique proximal est un nodule lymphoïde qui est
systématiquement présent dans la sous-muqueuse du colon proximal au bout distal du premier
cinquième du colon. Les chiens ont un total de 26 à 29 plaques de Peyer. Ils en ont deux
types, contrairement au rat et à la souris qui ont des plaques de Peyer uniformes. Dans le
51
jéjunum et l’iléon proximal, les plaques de Peyer de chien sont plus petites et plus discrètes,
alors que dans l’iléon terminal, on trouve une plaque de Peyer de 26 à 30 cm de long qui
encercle complètement les 6 à 10 cm de l’iléon distal et se rétrécit proximalement en une
bande d’un centimètre de large sur le bord anti-mésentérique. La plaque de Peyer iléale
possède un petit dôme et des régions interfolliculaires ainsi qu’une discrète couronne
inaperçue en relation avec celles du duodénum et du jéjunum. Les plaques de Peyer
duodénales diffèrent de par leurs invaginations intrafolliculaires de l’épithélium du dôme. Les
régions du dôme chez le chien contiennent plus de plasmocytes que les régions du dôme chez
le rat ou la souris. Chez les macaques rhésus, les plaques de Peyer iléales sont plus grandes
que celles du jéjunum, du duodénum et du colon (M. F. Cesta, 2006).
Figure 7 : Coupe histologique d’une plaque de Peyer dans l’intestin grêle chez un rat
mâle Sprague-Dawley de 31 jours. Adapté d'après M. F. Cesta, (2006).
Structure générale d’une plaque de Peyer avec au centre un follicule (F) contenant un centre germinatif (GC)
flanqué par une région interfolliculaire ou parafolliculaire (IFR). Le centre germinatif est composé d’une zone
basale sombre et d’une zone apicale plus claire avec la zone du manteau ou couronne (C) du follicule,
superficielle à la zone plus claire. L’épithélium associé aux follicules (FAE) est séparé du follicule par la région
du dôme sub-épithéliale (SED).
Le NALT trouvé chez les rats, les souris, les hamsters et les primates non-humains, est
composé d’une paire d’agrégats lymphoïdes dans la portion caudo-ventrale des passages
nasaux gauche et droit à l’entrée du conduit nasopharyngé, comme indiqué sur la figure 8. Le
NALT est considéré comme l’équivalent de l’anneau de Waldeyer chez les rongeurs, les
tissus lymphoïdes oropharyngés et nasopharyngés (amygdales) trouvés chez l’homme et chez
d’autres espèces. Bien que similaires en apparence, il existe un certain nombre de différences
entre le NALT et les plaques de Peyer. Il y a moins de lymphocytes intra-épithéliaux dans le
NALT. La taille relative des zones à cellules B et cellules T sont globalement les mêmes dans
le NALT, ce qui se reflète par un plus fort taux de cellules T sur cellules B égal à 0,9. Les
plasmocytes sont majoritairement présents dans les tissus conjonctifs profonds dans le NALT
(c'est-à-dire loin du passage nasal). Les vaisseaux lymphatiques efférents et les veinules à
52
haut endothélium s’étendent profondément dans la région interfolliculaire jusqu’aux marges
folliculaires, les premiers étant confinés à la portion basilaire. Bien que les macrophages et les
cellules dendritiques soient éparpillés à travers le NALT, les cellules dendritiques dans la
région du dôme sub-épithélial sont moins nombreuses que dans les plaques de Peyer. Il n’y a
pas de différences interspécifiques significatives dans le NALT, à l’exception du NALT chez
les primates non-humains qui est plus étendu que celui des rongeurs, s’étendant jusqu’à la
surface latérale de la cavité nasale (M. F. Cesta, 2006).
Figure 8 : Coupe histologique d’une tête dans la région du NALT chez un rat mâle
Sprague-Dawley de 31 jours. Adapté d'après M. F. Cesta (2006).
Localisation du NALT sur le plancher latéro-ventral du conduit nasopharyngé proximal (ND).
Abréviations : NS = septum nasal ; P = palais dur ; ET = cornets de l’ethmoïde.
Il y a au contraire de grandes variabilités d’espèce pour le BALT. Par exemple, le
BALT est normalement absent chez les chiens, les chats et les hamsters syriens. Il est
également absent chez les porcs élevés en environnement stérile (en l’absence de stimulation
antigénique), alors que les rats élevés en environnement stérile en ont, mais en moindre
quantité que leurs homologues élevés de manière conventionnelle. La situation chez la souris
et l’homme est plus controversée. Il existe en effet des rapports contradictoires sur la présence
de BALT chez les souris élevées en environnement stérile. De façon indépendante, le BALT
peut être induit chez des souris exposées à des pathogènes et ce BALT a des caractéristiques
similaires au BALT des autres animaux. Le BALT est distribué au hasard le long des voies
respiratoires mais il est localisé de manière prépondérante au niveau des bifurcations de
l’arbre bronchique, et est habituellement localisé entre une bronche et une artère. La figure 9
montre un BALT avec l’ensemble de son environnement chez un rat Sprague-Dawley. Des
trois principaux sites du MALT, le BALT est le plus divergent. L’épithélium associé aux
follicules du BALT contient le plus petit nombre de lymphocytes intra-épithéliaux. Les
centres germinatifs et les macrophages à corps tangibles sont moins communs dans le BALT
que dans le NALT ou les plaques de Peyer. Les cellules dendritiques ont été détectées dans le
53
GALT et le NALT mais pas dans le BALT. Les divisions entre les zones à cellules B et à
cellules T sont moins bien définies que dans les plaques de Peyer et le NALT, et chez le rat, il
n’apparaît même aucune relation spatiale entre ces deux régions ni avec les structures
environnantes (c'est-à-dire la bronche ou l’artère). Des similarités existent cependant. Par
exemple, les tailles relatives des zones à cellules T et à cellules B dans le BALT sont
grossièrement égales, et le rapport cellules T sur cellules B est de 0,7, ce qui est comparable à
celui du NALT. La structure générale et la composition cellulaire du BALT est aussi similaire
à celles du NALT.
Figure 9 : Coupe histologique d’un nodule de BALT, chez un rat mâle Sprague-Dawley
de 31 jours. Adapté d'après M. F. Cesta, (2006).
Le nodule lymphoïde sous-muqueux avec un épithélium associé aux follicules (FAE) manquant de cellules à
goblet et de cils. La région interfolliculaire (IFR) est identifiée par la présence de veinules à haut endothélium
(H) mais reste difficile à distinguer du follicule. Un nerf (N) court sous chaque nodule de BALT bien qu’il ne soit
pas présent dans toutes les coupes.
Abréviations : SED = région du dôme sub-épithéliale ; A = alvéole ; L = lumière bronchiolaire ; RE = épithélium respiratoire ; SM =
muscle lisse.
54
Les amygdales sont des organes lymphoïdes secondaires localisés dans l’oropharynx
et le nasopharynx de la plupart des espèces à l’exception des rongeurs. Les chiens ont quatre
jeux d'amygdales : les amygdales linguales (tissu lymphoïde diffus au niveau de la base
caudo-ventrale de la langue), palatines (sur la paroi latérale du pharynx, caudales à l’arc
palatoglosse), pharyngées (sur le plafond du nasopharynx), et tubaires (à l’entrée du conduit
auditif). Les primates ont trois jeux d'amygdales (en plus du NALT décrit ci-dessus) :
linguales, palatines et pharyngées, et peuvent avoir des amygdales tubaires (comme les
humains et tous les animaux domestiques à l’exception des rongeurs). Deux types
d'amygdales ont été décrits, celles avec des cryptes (amygdales folliculaires) et celles sans.
Les cryptes amygdaliennes sont des culs-de-sac, des invaginations souvent ramifiées de
l’épithélium de surface dans le tissu lymphoïde sous-muqueux. Les amygdales sans crypte ont
typiquement un épithélium de surface plissé et forment un bombement dans l’oropharynx ou
le nasopharynx. Elles ont une structure similaire aux plaques de Peyer mais diffèrent dans leur
épithélium de recouvrement. Il y a deux types d’épithélium de recouvrement des amygdales :
réticulé et non-réticulé. L’épithélium réticulé est d’apparence spongieuse et est localisé par
dessus les apex des follicules lymphoïdes. Il contient des cellules M, de nombreux
lymphocytes, des macrophages et des cellules dendritiques, et peut contenir quelques
granulocytes. L’épithélium non-réticulé, qui sépare les îlots d’épithélium réticulé, est stratifié
et squameux dans l’oropharynx (amygdales palatines et linguales) et respiratoire dans les
surfaces dorsales et certaines latérales du nasopharynx (amygdales pharyngées et tubaires).
L'amygdale palatine est localisée dans la fosse palatine, partiellement recouverte par le pli
semi-lunaire (M. F. Cesta, 2006).
1.3 Problèmes liés à la définition d'un CD pour l'extrapolation
interspécifique
1.3.1 Existence des CD parmi les espèces animales de laboratoire
Un certain nombre de séminaires ont étudié les molécules de surface chez l’homme,
les ruminants et les chevaux. Les anticorps reconnaissant ces molécules de surface peuvent
être arrangés en groupes d’anticorps se liant aux molécules de même poids moléculaire et
reconnaissant les mêmes groupes fonctionnels de cellules. Les molécules reconnues par ces
groupes d’anticorps se sont vues attribuer des nombres spécifiques de CD (Williams, 1997).
Comme vu précédemment, la nomenclature CD fut proposée et établie lors du premier
séminaire international HLDA. Ce système avait pour but de classifier les nombreux AcM
générés par les laboratoires du monde entier contre les épitopes sur la surface des leucocytes
humains. Les séminaires HLDA assignent chaque CD à un antigène humain, basé sur la
réactivité semblable d’au moins deux AcM contre cet antigène. Des CDw provisoires peuvent
parfois être attribués à des groupes mal caractérisés ou représentés par un seul AcM.
L’unification de cette nomenclature avec celle d’autres espèces est nécessaire pour faciliter la
communication entre chercheurs. Selon les espèces, ce sont différentes organisations qui se
sont chargées d’effectuer ce travail (Williams, 1997).
55
Pour la souris, la nomenclature « Ly » était initialement conçue pour classer les gènes
identifiés à travers les études sérologiques de souches pures. Au fil des années, le Committe
on Stetardized Genetic Nomenclature for Mice a continué à assigner de nouveaux noms Ly et
CD aux nouveaux gènes et antigènes. Depuis la dernière mise à jour, de nombreuses
nouvelles désignations ont été assignées ; par exemple, l’antigène F4/80, dont le gène a
récemment été cloné, s'est vu attribué la désignation de Ly-71. Les homologues humains d’un
certain nombre d’antigènes et de gènes de souris, comme les membres des familles Ly-6 et
Ly-49, n’ont pas encore été tous définitivement identifiés. Quand un antigène de souris Ly est
identifié comme homologue humain, le nombre Ly de la molécule est retiré et réassigné au
nombre CD approprié. Si la molécule murine était encodée par un gène assigné à un nombre
Ly, ce nom de gène est retiré et réassigné au nombre Cd, à moins qu’un autre nom de gène ait
été accepté par les groupes sur la nomenclature humaine et murine. Comme exemple, la
molécule Ly-5 de souris encodée par Ly-5 a été assignée à CD45 dans la nomenclature
humaine pour les antigènes et au nom de gène Cd45. Les désignations murines furent
changées par CD45 pour l’antigène et initialement Cd45 pour le gène. Plus tard, les comités
de nomenclature pour l’homme et la souris ont adopté le gène Ptprc pour les gènes encodant
CD45 dans ces espèces (Lai et al., 1998).
Chez le porc, plusieurs séminaires internationaux ont été organisés pour identifier les
molécules de surface cellulaire porcines, classées en tant que CD en utilisant des AcM. Le
premier séminaire international sur les marqueurs de différenciation fut tenu en 1992 à
Budapest (Hongrie), le second en 1995 à Davis (États-Unis) et le troisième en 1998 à
Ludhiana (Inde). Les différents séminaires ont rendu possible la production d’un inventaire
des différents anticorps disponibles pour la même réactivité au CD. Ces travaux étaient
nécessaires compte tenu du rôle des porcs depuis 1966 dans l’étude de l’ontogénèse de la
réponse immunitaire au sein du développement fœtal non influencé par les anticorps et
antigènes maternels. Le développement des AcM dirigés contre les molécules membranaires
des leucocytes porcins a rendu possible l’amélioration de la caractérisation du phénotype et de
la fonction de nombreuses populations leucocytaires porcines. L’assignement de la réactivité
d’un AcM à un CD a été standardisé en utilisant les critères suivants :
- la liaison à un groupe de deux AcM ou plus résulte en un profil de réactivité typique
du même CD sur les cellules humaines ;
- le poids moléculaire de l’antigène est similaire à celui de l’antigène humain ;
- finalement, la réactivité avec le produit du gène ou des études fonctionnelles de la
molécule identifiée sont requises pour obtenir l’assignement officiel à un nombre CD
porcin.
Si le profil de la réactivité de liaison cellulaire pour le groupe d'AcM de porc différait
de celle de n’importe quel antigène CD humain, alors le groupe d’AcM était assigné à un
nombre de groupe porcin (nombre SWC). Là où des analyses détaillées d’épitope furent
menées, les épitopes identifiés furent notés par une lettre suivant le nombre CD ou SWC (par
exemple CD172a ou CD8a,b,c). Le manque de lettre signifie qu’aucun épitope n’a été assigné
pour cet AcM. Il est important de noter que la réaction croisée avec un CD issu d’une autre
espèce n’implique pas nécessairement que l’AcM positif reconnait le CD identique chez le
porc (Piriou-Guzylack et Salmon, 2008).
56
Chez le chien, le manque de réactifs tels que les AcM dirigés contre les antigènes de
surface des lymphocytes, était un problème pressant pour la recherche en immunologie canine
dans les années 1990. Afin d’encourager la recherche de maladies en tant que modèles
animaux de maladies humaines et afin d’encourager le développement de protocoles
diagnostiques et thérapeutiques pour la clinique, la fondation du Canine Leucocyte Antigen
Workshop (CLAW) fut initiée en 1990 par le Welcome Trust avec Cantab Pharmaceuticals et
Glaxo Research. Ils publièrent leurs résultats suite au séminaire de juillet 1993. Aux
désignations CD pour les molécules du système immunitaire canin sont données le préfixe
« ca ». Le développement des anticorps CLAW a permis des analyses immunohistochimiques
des lymphocytes impliqués dans des maladies bien plus précises. La quantification des
différentes sous-populations de lymphocytes par immunohistochimie de coupes de tissu ou de
suspensions cellulaires par cytométrie de flux était enfin devenue possible. Dans le système
canin, seulement 8 structures CD étaient alors internationalement acceptées, comme définies
par le premier CLAW. Ces antigènes incluaient les homologues suivants du système humain :
CD4, CD5, CD8, CD11a/18, CDw41, CD44, CD45 et CD45R ainsi que des molécules
spécifiques du chien (WCA, WCH et WCK). Comparé à l’homme et à d’autres espèces
animales il s’agissait d’un nombre très limité (Cobbold et Metcalfe, 1994).
De nombreuses études, dont celles basées sur des analyses biochimiques, le clonage,
des tests fonctionnels et immunologiques, sont nécessaires pour confirmer les homologues
entre deux espèces. Un certain nombre d’homologues CD ont été identifiés par clonage,
anticorps, ou couplage à une protéine. Les molécules ayant une fonction significative sont
relativement conservées et de nombreux homologues entre deux espèces sont rapportés.
L’avancement des nouvelles techniques de biologie moléculaire a rapidement permis
d’accroître le nombre d’homologues CD. Les propositions d’équivalences sont supportées par
de nombreux paramètres d’homologie dont la séquence d’ADNc, l’homologie protéique, la
répartition et la fonction de l’antigène. Chez certaines espèces, de nombreux nouveaux
antigènes sont régulièrement découverts et cela permet d’encourager la découverte de leurs
homologues respectifs dans les autres espèces. Par exemple, des antigènes biologiquement
importants tels que CD40 et CD95 ont été découverts chez l’homme, puis leurs homologues
chez le rat, et ont été clonés sur la base de leur séquence homologue. À l’opposé, l’antigène
OX-40 (appartenant à la famille TNFR/NGR) fut caractérisé en premier chez le rat et a
ensuite été officiellement assigné au CD134 lors du 6e séminaire HLDA. Un autre bon
candidat pour la nomenclature CD est la molécule RT6 de rat qui est présente sur des souspopulations de cellules T qui pourraient être impliquées dans la régulation de la tolérance. Le
gène homologue humain a été cloné, mais s’est avéré être un pseudogène, et on ne sait
toujours pas si d’autres molécules humaines ont pris le relai de la fonction de RT6 (Pastoret,
1998).
1.3.2 Expression des CD parmi les espèces animales de
laboratoire
Le marquage par immunofluorescence, l’analyse par cytométrie de flux et
l’immunoprécipitation facilitent le groupement d’anticorps alors que des études fonctionnelles
57
de populations cellulaires isolées utilisant des anticorps d’intérêt permettent de lier la
désignation CD avec la fonction cellulaire. Il y a une bonne corrélation globale dans la
distribution, le poids moléculaire et la fonction des antigènes CD entre les espèces, bien qu’il
y ait également un certain nombre de différences. Par exemple chez le rat, alors que de
nombreuses molécules montrent de grandes similarités avec leurs homologues humains,
quelques antigènes diffèrent dans leur séquence protéique, leur répartition et même leur
fonction. L’expression restreinte de variants par épissage alternatif de la molécule CD45 est
répartie différemment dans les sous-populations de cellules T de rat comparées aux cellules T
humaines. Un autre exemple est l’expression de CD5, puisqu'à la fois chez l’homme et la
souris une sous-population distincte de cellules B CD5+ (avec des fonctions uniques) peut être
trouvée, alors que chez le rat une telle sous-population ne peut être différenciée sur la base de
l’expression de CD5. Chez la souris, en plus des différences dans la séquence ADN (acide
désoxyribonucléique), une divergence évolutive avec l’homme peut aussi se manifester dans
la répartition des antigènes. Des exemples remarquables sont ceux de CD2, CD90 (Thy
[thymocyte antigen]-1), et même de CD34. Chez le chien, une forte expression de CD4 a été
démontrée parmi les neutrophiles canins, une condition qui n’a pas été observée chez les
autres espèces. Aussi, les tests réalisés lors de la section homologue animale du 8e HLDA ont
permis de découvrir 51 AcM à réaction croisée. Les AcM réactifs sur les leucocytes canins
incluaient ceux spécifiques de CD11a, CD11b, CD14, CD18, CD21, CD22, CD47, CD49d,
CD49e, CD56, CD62L, CD91, CD94, et CD172a. Plusieurs AcM présentaient un profil de
marquage des cellules canines qui suggéraient que les épitopes canins équivalents avaient un
profil d’expression alterné de celui attendu pour les cellules humaines (CD1a, CD35, CD44,
CD45, CD75s, CD81) (Lai et al., 1998 ; Pastoret, 1998 ; Schuberth et al., 2007 ; Williams,
1997).
1.3.3 Anticorps monoclonaux parmi les espèces animales de
laboratoire
Le développement de réactifs contre les antigènes de différenciation des leucocytes
exprimés par les espèces vétérinaires est lent, comparé avec le progrès réalisé en immunologie
humaine et murine. Même avec les ressources disponibles relativement limitées en
immunologie vétérinaire, le développement de réactifs spécifiques dans des espèces multiples
est une nécessité qui dépasse le simple cadre de l’immunologie vétérinaire. Les études de
réaction croisée avec des AcM générés contre les molécules humaines représentent ainsi une
excellente approche alternative pour la détection de nouveaux réactifs pour les espèces où
seulement une quantité limitée d’anticorps contre les molécules CD est disponible. De
nombreux groupes ont utilisés des anticorps commerciaux anti-humains à réaction croisée
pour identifier des antigènes de leucocytes. Ces anticorps ont été utilisés en cytométrie de flux
sur des leucocytes du sang périphérique de diverses espèces, et en marquage
immunohistochimique sur des thymus et nœuds lymphatiques. Par exemple, des études
systématiques pour la réaction croisée d’AcM avec les leucocytes canins ont été réalisées avec
des AcM spécifiques humains, bovins et porcins. De tels anticorps réactifs entre espèces ont
été utilisés avec succès pour étudier les cellules hématopoïétiques canines, les lymphomes
58
canins, les sous-populations lymphocytaires canines ou le syndrôme de déficience d’adhésion
des leucocytes canin (CLAD).
Dans le prolongement de cette idée, le but de la section homologue animale du 8e
HLDA était de définir et de caractériser les AcM présentant des réactions croisées afin
d’accroître le répertoire d’AcM dans le plus d'espèces possible. Pour cela, 377 AcM issus de
différentes compagnies et institutions furent testés pour leur réaction avec les cellules de 17
espèces, dont les primates non-humains, les ruminants, les porcs, les chevaux, les carnivores,
les lapins, les cochons d’inde, les poulets et poissons. Après un premier tour de sélection avec
des analyses de cytométrie de flux principalement sur des leucocytes dérivés de différentes
espèces, 182 AcM (soit 48 %) montrèrent une réaction avec au moins une des espèces. La
plupart des réactions croisées furent trouvées contre les leucocytes de primates non-humains,
mais certaines espèces plus distantes d’un point de vue évolutif montrèrent également des
marquages par cytométrie de flux pour certains marqueurs CD. La plupart des résultats par
cytométrie de flux furent confirmés dans différents laboratoires pendant le second tour des
analyses. Un point intéressant de ces études fut l’étendue de la réaction croisée de certains
AcM dirigés contre une vaste gamme d’antigènes CD de plusieurs espèces, indiquant ainsi
des épitopes hautement conservés sur ces molécules de surface au cours de l’évolution. Parmi
ces antigènes qui apparaissent hautement conservés se trouvent les antigènes suivants : CD9
(tous les AcM furent clairement positifs chez 11 des 17 espèces testées), CD11a (13/17),
CD14 (13/17), CD18 (13/17), CD21 (7/17), CD29 (10/17), CD44 (13/17), CD45 (9/17),
CD47 (10/17), CD49d (13/17), CD61 (6/17), CD86 (7/17), CD91 (5/17), et CD172a (10/17).
Les résultats de ces études suggèrent la pertinence d’AcM possédant une réaction croisée dans
les études de modèles animaux. Cependant, la réaction membranaire seule n’est pas suffisante
pour établir la fidélité de la réaction croisée et tous les profils de marquage doivent être
confirmés par des analyses moléculaires appropriées. En accord avec cela, pour de
nombreuses espèces les groupes de sélection ont appliqué la cytométrie de flux à deux
couleurs, l’immunoprécipitation et les analyses sur des transfectants pour prouver la réaction
CD spécifique. Chez le macaque rhésus, des réactifs de référence connus pour réagir avec les
molécules CD3, CD20 et CD56 de macaque furent utilisés pour une caractérisation plus
approfondie de la réaction des 57 AcM sélectionnés sur les cellules du sang périphérique. Ces
études ont montré que plus de la moitié des AcM manifestait des réactions croisées très
limitées voire nulles sur les cellules d’espèces non-primates. Des efforts plus importants afin
de développer des AcM anti-CD chez les espèces vétérinaires sont donc nécessaires
(Saalmüller et Aasted, 2007 ; Schuberth et al., 2007 ; Sestak et al., 2007).
La majorité des anticorps n'est donc pas réactive entre espèces : la spécificité qui
permet leur utilisation pour détecter un type spécifique de cellules chez une espèce donnée
limite leur réaction croisée à travers la barrière d’espèces. Alors que ceci semble être vrai
pour les portions de surface cellulaire de ces molécules, cela n’est pas forcément le cas pour
les queues cytoplasmiques plus conservées : le développement d’anticorps réactifs entre
espèces pour les portions cytoplasmiques de ces épitopes est malheureusement moins avancé
que ne l'est la production d’AcM contre les épitopes de surface cellulaire reconnaissant des
groupes fonctionnels spécifiques de cellules. De plus, les anticorps reconnaissant les
domaines intra-cytoplasmiques conservés ne peuvent seulement qu'être utilisés pour
59
l'immunohistologie : la cytométrie de flux ou les études fonctionnelles nécessitent des
anticorps se liant aux fragments de surface cellulaire (Williams, 1997).
1.4 Autres marqueurs : les cytokines sécrétées
1.4.1 Définition d'une cytokine
Le terme cytokine est une dénomination générale pour toute protéine sécrétée par des
cellules et affectant le comportement de cellules proches portant le récepteur adéquat. Ce sont
de petites protéines relâchées par des cellules variées du corps, souvent en réponse à un
stimulus, et elles induisent des réponses par leur liaison à des récepteurs spécifiques. Elles
peuvent agir de manière autocrine, affectant le comportement de la cellule relâchant la
cytokine, de manière paracrine affectant le comportement de cellules adjacentes, et certaines
cytokines sont suffisamment stables pour agir de manière endocrine, affectant le
comportement de cellules distantes, bien que ceci dépende de leur capacité à entrer dans la
circulation et de leur demi-vie dans le sang. Les cytokines peuvent être regroupées en
plusieurs familles selon leur structure et leurs récepteurs (Murphy et al., 2012).
La liaison de la cytokine à son récepteur spécifique crée un message qui sera transduit
par une cascade de phosphorylations impliquant notamment la tyrosine kinase de la famille
Janus kinase (Jak) possédant deux sites de phosphorylation, la protéine STAT (Signal
Transducer et Activator of Transcription) subissant phosphorylation et dimérisation, et se
poursuivant par une action sur le génome de la cellule cible.
Les cytokines possèdent des effets variés. On distingue notamment :
- la redondance : un lymphocyte Th peut synthétiser les interleukines IL-2, IL-4 et IL-5.
Chacune prise séparément est apte à activer les LB qui prolifèrent. Ces trois
interleukines sont à l'origine d'un même message ;
- la synergie : les IL-4 et IL-5 associées provoquent l'activation des LB et induisent la
commutation de classe vers l'IgE ;
- l'antagonisme : l'IFN empêche la synthèse d'IgE induite par l'association d'IL-4 et
d’IL-5. Ces cytokines antagonistes permettent l'arrêt des réponses immunitaires.
Une unique cytokine peut posséder une gamme d'effets étendue. On parle de pléiotropie. Par
exemple, l'IL-4 synthétisée par des lymphocytes Th activés est capable d'activer différents
types cellulaires portant un récepteur à l'IL-4 (LB, thymocytes, mastocytes). Elle va permettre
à ces types cellulaires d'être activés, de proliférer et se différencier, et va favoriser la
phagocytose.
On distingue trois grands types de cytokines selon leur action majoritaire, à savoir les
facteurs de croissance, les cytokines de l'inflammation (pro- et anti-inflammatoires), et les
cytokines de l'immunité (déclenchement, déroulement de la réponse immunitaire, inhibition
de la réponse immunitaire).
60
1.4.2 Rôle des cytokines pour l'activation et la différenciation des
lymphocytes T helper
Contrairement aux cellules T CD8+, les cellules T CD4+ se différencient en plusieurs
catégories de cellules T effectrices avec une variété de fonctions. Les classes fonctionnelles
principales sont Th1, Th2, Th17 et les cellules T régulatrices ou Treg. Une classe récemment
reconnue spécialisée pour fournir de l'aide aux cellules B dans les follicules lymphoïdes est
appelée cellules T helper folliculaires ou Tfh. Les catégories, particulièrement Th1, Th2 et
Th17 sont définies sur la base des combinaisons de cytokines qu'elles sécrètent. Les premières
distinguées étaient les catégories Th1 et Th2, d'où leurs noms. En tant que cellules effectrices
complètement différenciées, les cellules Th1, Th2 et Th17 peuvent fonctionner hors des tissus
lymphoïdes aux sites de l'infection pour activer les macrophages ou aider à recruter des
cellules comme les éosinophiles et neutrophiles (Murphy et al., 2012).
Les cellules différenciées Th1, Th2, Th17, Treg et Tfh se développent toutes à partir
de lymphocytes T CD4+ naïfs, en majorité en réponse à des cytokines présentes précocement
durant les réponses immunitaires, et la différenciation implique une activation
transcriptionnelle et des modifications épigénétiques des gènes codant pour des cytokines. Le
processus de différenciation, qui est parfois nommé polarisation des cellules T, peut être
divisé en induction, engagement et amplification. Les cytokines agissent sur les cellules T
stimulées par l'antigène pour induire la transcription des gènes codant pour les cytokines
caractéristiques de chaque catégorie de cellule T différenciée.
Avec une activation continue, les changements épigénétiques se produisent si bien que
les gènes codant ces cytokines caractéristiques de la catégorie sont plus accessibles, et les
gènes qui codent les cytokines non produites par cette catégorie sont rendus inaccessibles.
Grâce à ces changements, la cellule T en différenciation devient progressivement engagée à
l'une de ces voies spécifiques. Les cytokines produites par une catégorie donnée favorisent le
développement de cette catégorie et inhibent la différenciation vers les autres souspopulations CD4+. Ainsi, des rétrocontrôles positif et négatif contribuent à la création d'une
population plus polarisée de cellules effectrices. Il existe plusieurs caractéristiques générales
importantes dans la différenciation des catégories de cellule T.
Les cytokines qui dirigent le développement des catégories de cellules T CD4+ sont
produites par les CPA (surtout cellules dendritiques et macrophages) et d'autres cellules
immunitaires (comme les cellules NK, les basophiles et mastocytes) présentes sur le site de la
réponse immunitaire. Les cellules dendritiques qui rencontrent des microbes et exposent des
antigènes microbiens sont activées pour produire des cytokines, faisant partie de la réponse
immunitaire innée aux microbes. Différents microbes peuvent stimuler les cellules
dendritiques pour produire des cocktails différents de cytokines, peut-être parce que les
microbes sont reconnus par différents capteurs microbiens dans les cellules. D'autres cellules
de l'immunité innée, comme les cellules NK et les mastocytes, produisent également des
cytokines qui influencent la catégorie de cellules T qui se développera.
Des stimuli autres que les cytokines peuvent également influencer le type de
différenciation des cellules Th. Des études indiquent que différentes catégories de cellules
dendritiques favorisent sélectivement la différenciation Th1 ou Th2 ; le même principe
61
pourrait s'appliquer aux cellules Th17. De plus, le remodelage génétique de l'hôte est un
facteur important du type de différenciation des cellules T. Des souris consanguines de
certaines lignées développent des réponses Th2 aux mêmes microbes qui stimulent une
différenciation Th1 dans d'autres lignées. Les souches de souris qui développent des réponses
Th2-dominantes sont susceptibles aux infections par les microbes intracellulaires.
Les différents profils cytokiniques des populations cellulaires différenciées sont
contrôlés par des facteurs de transcription particuliers qui activent la transcription des gènes
codant les cytokines et par des modifications de la chromatine au niveau des loci des gènes de
cytokine. Les facteurs de transcription sont eux-mêmes activés ou induits par des cytokines
aussi bien que par des stimuli du récepteur antigénique. Chaque catégorie exprime son propre
cocktail, caractéristique, de facteurs de transcription. Alors que les catégories deviennent
hautement polarisées, les loci codant ces cytokines spécifiques subissent des modifications
dans leurs histones (méthylations et acétylations) et des événements de remodelage de la
chromatine, si bien que ces loci sont accessibles et dans une configuration de chromatine
« ouverte », tandis que les loci des autres cytokines (qui ne sont pas produites par la catégorie)
sont dans un état de chromatine inaccessible. Ces changements épigénétiques assurent que
chaque catégorie puisse produire seulement son éventail caractéristique de cytokines. Il est
probable que les changements épigénétiques dans les loci de cytokines soient corrélés avec la
stabilisation du phénotype de cellule T différenciée, et avant que ces changements soient
établis, les catégories seraient plastiques et convertibles.
Chaque catégorie de cellules effectrices différenciées produit des cytokines qui
favorisent leur propre développement et peuvent supprimer le développement des autres
catégories. Cette particularité du développement des catégories de cellules T fournit un
mécanisme d'amplification puissant. Par exemple, l'IFN-γ sécrété par les cellules Th1 promeut
la différenciation ultérieure Th1 et inhibe la fabrication des cellules Th2 et Th17.
Similairement, l'IL-4 produite par les cellules Th2 promeut la différenciation Th2, et l'IL-21
produite par les cellules Th17 augmente la différenciation Th17. Ainsi, chaque catégorie
s'auto-amplifie et peut inhiber les autres catégories. Pour cette raison, une fois qu'une réponse
immunitaire se développe le long d'une voie effectrice, elle devient hautement polarisée dans
cette direction, et la polarisation la plus extrême est observée lors des infections chroniques ou
lors d'expositions chroniques aux antigènes environnementaux, quand la stimulation
antigénique est prolongée.
La différenciation de chaque catégorie est induite par les types de microbes que cette
catégorie est la plus apte à combattre. Par exemple, le développement des cellules Th1 à partir
des cellules T stimulées par l'antigène est dirigé par des microbes intracellulaires, contre
lesquels la principale défense est un relai Th1. Le système immunitaire répond aux parasites
helminthiques par le développement de cellules Th2, et les cytokines produites par ces
cellules sont critiques pour combattre les helminthes. De façon analogue, les réponses Th17
sont induites par quelques bactéries et champignons et sont les plus efficaces à défendre
contre ces microbes notamment par le recrutement de neutrophiles. La genèse et les fonctions
effectrices de ces cellules T différenciées sont une excellente illustration du concept de
« spécialisation de l'immunité adaptative », qui réfère à la capacité du système immunitaire à
répondre à différents microbes de façon optimale pour combattre ces microbes (Abbas et al.,
2012).
62
Une autre fonction cruciale des cellules T CD4+ est de fournir une aide aux cellules B
pour la production d'anticorps. Un point de confusion par le passé a été de savoir si les
cellules Th1 et Th2 pouvaient fournir une aide aux cellules B, et il était pensé de manière
incorrecte que cette aide était du ressort des seules cellules Th2. L'opinion actuelle est que les
cellules Tfh, plutôt que les cellules Th1 ou Th2, sont les cellules T effectrices qui fournissent
majoritairement l'aide aux cellules B pour la production d'anticorps de haute affinité dans les
follicules lymphoïdes. Les cellules Tfh sont identifiées principalement par leur localisation et
leur expression de certains marqueurs, comme CXCR5 (CXC-chemokine receptor 5) et ICOS
(inducible costimulator), et ont été identifiées à la fois chez la souris et l'homme. Leur
caractéristique cruciale pour aider la production d'anticorps est qu'elles peuvent sécréter des
cytokines caractéristiques des cellules Th1 et Th2. Ceci explique comment, au cours d'une
infection, les cellules B peuvent recevoir de l'aide dans un follicule pour commuter vers IgE,
avec la présence de cytokines « Th2 », et commuter aux autres isotypes comme IgG2a, avec
la présence de cytokines « Th1 ». L'identification des cellules Tfh ne signifie pas, cependant,
que les autres catégories de cellules T CD4+ n'ont pas de rôle dans la production d'anticorps
ou dans l'influence sur les classes d'anticorps produites. Les cellules Th2 et les cytokines
qu'elles produisent sont, par exemple, importantes pour diriger la production d'IgE en réponse
aux parasites et dans les réponses allergiques. La relation développementale de la catégorie
Tfh avec les autres catégories CD4+ est toujours un sujet de recherche actif, mais elles
semblent représenter une branche distincte de cellules T effectrices qui restent au sein des
tissus lymphoïdes et sont spécialisées dans l'aide aux cellules B.
Toutes les cellules T effectrices décrites ci-dessus sont impliquées dans l'activation de
leurs cibles cellulaires pour créer des réponses qui aident à purger l'hôte du pathogène. Les
autres cellules T CD4+ trouvées en périphérie ont une fonction différente. Ce sont les cellules
T régulatrices, dont la fonction est de supprimer les réponses T cellulaires plutôt que de les
activer. Elles sont impliquées dans le fait de limiter la réponse immunitaire et prévenir les
réponses auto-immunes. Deux grands groupes de cellules T régulatrices sont actuellement
reconnus. Une catégorie se dirige vers un sort régulateur alors qu'elle est toujours dans le
thymus ; c'est la catégorie des cellules T régulatrices naturelles. L'autre catégorie de cellules T
CD4+ régulatrices, avec des phénotypes différents, a été reconnue plus récemment et est
pensée provenir des cellules T CD4+ naïves en périphérie sous l'influence de conditions
environnementales particulières. Ce groupe est appelé les cellules T régulatrices induites (ou
cellules T régulatrices adaptatives) (Murphy et al., 2012).
1.4.2.1 La catégorie Th1
La différenciation Th1 est dirigée principalement par les cytokines IL-12 et IFN-γ et se
produit en réponse à des microbes qui activent les cellules dendritiques, les macrophages et
les cellules NK. La différenciation des cellules T CD4+ activées par l'antigène en effecteurs
Th1 est stimulée par de nombreuses bactéries intracellulaires, comme Listeria et les
mycobactéries, et par certains parasites, comme Leishmania, tous infectant les cellules
dendritiques et les macrophages. Elle est également stimulée par des virus et par des antigènes
protéiques administrés avec de forts adjuvants. Une caractéristique commune de ces
infections et conditions d'immunisation est qu'elles provoquent des réponses immunitaires
63
innées qui sont associées à la production de certaines cytokines, dont l'IL-12, l'IL-18 et les
IFN de type I. Toutes ces cytokines favorisent le développement Th1 ; parmi elles, l'IL-12 est
probablement la plus puissante. Les souris knock-out (KO) manquant d'IL-12 sont
extrêmement susceptibles aux infections par des microbes intracellulaires. L'IL-18 agit en
synergie avec l'IL-12, et les interférons de type I peuvent être importants pour la
différenciation Th1 dans des réponses aux infections virales, notamment chez l'homme.
D'autres microbes stimulent les cellules NK pour produire de l'IFN-γ, qui est lui-même une
cytokine fortement inductrice de Th1 et agit également sur les cellules dendritiques et les
macrophages pour augmenter la sécrétion d'IL-12. Une fois que les cellules Th1 se sont
développées, elles sécrètent de l'IFN-γ, qui promeut la différenciation Th1 et ainsi amplifie
fortement la réaction. De plus, l'IFN-γ inhibe la différenciation des cellules T CD4+ naïves
vers les catégories Th2 et Th17, permettant ainsi la polarisation de la réponse immunitaire.
Les cellules T peuvent ensuite augmenter la production de cytokines par les cellules
dendritiques et les macrophages, grâce au ligand de CD40 (CD40L) présent sur les cellules T
activées liant le CD40 porté par les CPA et stimulant la sécrétion d'IL-12.
L'IFN-γ et l'IL-12 stimulent la différenciation Th1 en activant les facteurs de
transcription T-bet (T-box expressed in T cell), STAT1, et STAT4. T-bet, un membre de la
famille des facteurs de transcription T-box, est considéré comme le principal régulateur de la
différenciation Th1. L'expression de T-bet est induite dans les cellules T CD4+ naïves en
réponse à l'antigène et l'IFN-γ. L'IFN-γ active le facteur de transcription STAT1, qui à son
tour stimule l'expression de T-bet. T-bet favorise alors la production d'IFN-γ à travers une
combinaison d'activation transcriptionnelle directe du gène IFN-γ et en induisant des
remodelages de la chromatine du loci IFN-γ. La capacité de l'IFN-γ à stimuler l'expression de
T-bet et la capacité de T-bet à augmenter la transcription d'IFN-γ forme une amplification
positive qui permet la différenciation des cellules T vers le phénotype Th1. L'IL-12 contribue
à l'engagement à la voie Th1 en se fixant à des récepteurs sur les cellules T CD4+ stimulées
par l'antigène et en activant le facteur de transcription STAT4, qui augmente ensuite la
production d'IFN-γ. Les souris déficientes en IL-12, en IL-12R, en T-bet, ou STAT4 ne
peuvent pas monter de réponses Th1 efficaces contre les infections, et les humains présentant
des déficiences génétiques dans la signalisation IL-12R montrent des réponses altérées aux
infections par différents types de bactéries intracellulaires (Abbas et al., 2012).
1.4.2.2 La catégorie Th2
La différenciation Th2 est stimulée par la cytokine IL-4 et se produit en réponse aux
helminthes et aux allergènes. Les helminthes et les allergènes causent une stimulation T
chronique, souvent sans les fortes réponses immunitaires innées requises pour la
différenciation Th1. Ainsi, les cellules Th2 se développeraient en réponse aux microbes et
antigènes causant une stimulation T persistante ou répétée sans trop d'inflammation ou
production de cytokines pro-inflammatoires qui dirigent les réponses Th1 et Th17. La
différenciation des cellules T activées par l'antigène vers la catégorie Th2 dépend de l'IL-4, ce
qui apporte une question intéressante : puisque les cellules Th2 différenciées sont la source
majoritaire d'IL-4 durant les réponses immunitaires aux antigènes protéiques, d'où provient
l'IL-4 avant que les cellules Th2 n'apparaissent ? Dans certaines situations, comme les
64
infections helminthiques, l'IL-4 produite par les mastocytes, et, possiblement, d'autres
populations cellulaires, comme les basophiles recrutés dans les organes lymphoïdes
secondaires et les éosinophiles, peuvent contribuer au développement Th2. Une autre
possibilité est que les cellules T CD4+ stimulées par les antigènes sécrètent de petites
quantités d'IL-4 dès leur activation initiale.
Si l'antigène persiste et est présent en grande concentration, la concentration locale
d'IL-4 augmente graduellement. Si l'antigène ne déclenche par ailleurs pas d'inflammation
avec la production d'IL-12 associée, le résultat est une différenciation accrue des cellules T
vers la catégorie Th2. Une fois que les cellules Th2 se sont développées, l'IL-4 qu'elles
produisent sert à amplifier leur action et inhibe le développement des cellules Th1 et Th17.
L'IL-4 stimule le développement Th2 en activant le facteur de transcription STAT6, et
STAT6, associé avec les signaux TCR, induit l'expression de GATA-3 (GATA binding
protein 3). GATA-3 est un facteur de transcription qui agit comme un régulateur de la
différenciation Th2, augmentant l'expression des gènes codant les cytokines Th2 IL-4, IL-5 et
IL-13, qui sont localisés dans le même locus. GATA-3 fonctionne en interagissant
directement avec les promoteurs de ces gènes et en causant également des remodelages de
chromatine, ouvrant le locus et le rendant accessible à d'autres facteurs de transcription. Ceci
est similaire à la manière par laquelle T-bet influence l'expression d'IFN-γ. GATA-3
fonctionne pour engager définitivement les cellules différenciées dans le phénotype Th2,
augmentant sa propre expression à travers un rétrocontrôle positif. De plus, GATA-3 bloque
la différenciation Th1 en inhibant l'expression de la chaine de signalisation du récepteur à
l'IL-12. Les souris KO manquant d'IL-4, de STAT6, ou de GATA-3 sont déficientes en
réponses Th2 (Abbas et al., 2012).
1.4.2.3 La catégorie Th17
Le développement des cellules Th17 est stimulé par les cytokines pro-inflammatoires
produites en réponse à des bactéries et champignons. Des bactéries et champignons variés
agissent sur les cellules dendritiques et stimulent la production de cytokines incluant l'IL-6,
l'IL-1 et l'IL-23. La liaison du récepteur lectine-like « Dectin-1 » sur les cellules dendritiques
par les produits fongiques constitue un signal pour la production de ces cytokines. Le cocktail
de cytokines qui dirige le développement Th17 peut ne pas être produit seulement en réponse
à des microbes particuliers, comme les champignons, mais également quand les cellules
infectées par des bactéries et champignons variés subissent l'apoptose et sont ingérées par les
cellules dendritiques. L'IL-23 peut être plus importante pour la prolifération et le maintien des
cellules Th17 que pour leur induction. La différenciation Th17 est inhibée par l'IFN-γ et
l'IL-4 ; ainsi, des fortes réponses Th1 et Th2 tendent à supprimer le développement Th17. Un
aspect surprenant de la différenciation Th17 est que le TGF (Transforming Growth Factor)-β,
qui est produit par de nombreux types cellulaires et est une cytokine anti-inflammatoire,
promeut le développement des cellules Th17 pro-inflammatoires lorsque d'autres médiateurs
de l'inflammation, comme l'IL-6 ou l'IL-1, sont présents. Quelques résultats expérimentaux
indiquent que le TGF-β ne stimule pas directement le développement Th17 mais est un
suppresseur puissant de la différenciation Th1 et Th2 et ainsi élimine l'effet inhibiteur de ces
deux catégories et permet à la réponse Th17 de se développer sous l'influence de l'IL-6 et
65
l'IL-1. Selon cette idée, l'action du TGF-β pour favoriser les réponses Th17 est indirect. Les
cellules Th17 produisent de l'IL-21, qui pourrait augmenter ultérieurement leur
développement, fournissant un mécanisme amplificateur (Abbas et al., 2012). Les cellules
Th17 favorisent l'inflammation. L'IL-17 sécrétée par les cellules Th17 agit sur les récepteurs
portés par les cellules tissulaires locales comme les cellules stromales ou l'épithélium ; cellesci répondent par la production de chémokines, comme l'IL-8, qui recrute des cellules
effectrices innées, notamment les neutrophiles. Les cellules Th17 libèrent également de
l'IL-22, qui agit sur les récepteurs présents dans l'intestin, la peau, et les poumons pour
favoriser les défenses innées locales contre les pathogènes (Murphy et al., 2012).
Le développement des cellules Th17 est dépendant des facteurs de transcription
RORγt (retinoic acid-related orphan receptor γt) et STAT3. Le TGF-β et les cytokines
inflammatoires, principalement l'IL-6 et l'IL-1, fonctionnent en coopération pour induire la
production de RORγt, un facteur de transcription membre de la famille des récepteurs à
l'acide rétinoïque. RORγt est une protéine restreinte aux cellules T codée par le gène RORC.
Les cytokines inflammatoires, notamment l'IL-6, activent le facteur de transcription STAT3,
qui fonctionne avec RORγt pour diriger la réponse Th17. Des mutations dans le gène codant
pour STAT3 sont la cause d'une maladie rare d'immunodéficience chez l'homme appelée le
syndrome de Job, parce que les patients présentent de multiples abcès bactériens et fongiques
sur la peau, ressemblant au châtiment biblique de Job. Ces patients ont des réponses Th17
défectueuses.
Les cellules Th17 paraissent être spécialement abondantes dans les tissus muqueux,
particulièrement dans le tractus gastro-intestinal, suggérant que l'environnement tissulaire
influence la genèse de cette catégorie, peut-être en fournissant des concentrations locales
élevées de TGF-β et d'autres cytokines. Cette observation suggère également que les cellules
Th17 peuvent être particulièrement importantes pour combattre les infections intestinales et
dans le développement de l'inflammation intestinale. Le développement des cellules Th17
dans le tractus gastro-intestinal est également dépendant de la population microbienne locale
(Abbas et al., 2012).
1.4.2.4 La catégorie Treg
Les cellules T régulatrices induites sont distinguables par l'expression du facteur de
transcription Foxp3 (Forkhead box P3) et les molécules de surface CD4 et CD25, et sont
produites quand les cellules T naïves sont activées en présence de la cytokine TGF-β seule, et
en l'absence d'IL-6 et autres cytokines pro-inflammatoires. Ainsi, c'est la présence ou
l'absence d'IL-6 qui détermine le sort de la cellule entre une cellule Treg immunosuppressive
ou une cellule Th17, qui favorise l'inflammation et le démarrage de l'immunité. La synthèse
d'IL-6 par les cellules de l'immunité innée est régulée par la présence ou l'absence de
pathogènes, avec des produits du pathogène tendant à stimuler sa production. En l'absence de
pathogène, la production d'IL-6 est faible, favorisant la différenciation des cellules Treg
immunosuppressives et prévenant ainsi des réponses immunitaires indésirables.
Les cellules Treg trouvées en périphérie sont un groupe hétérogène de cellules avec
différentes origines développementales. Les cellules Treg naturelles qui se développent dans
le thymus sont des cellules CD4+ qui expriment également CD25 et de hauts niveaux du
66
récepteur à la L-sélectine, CD62L, et de CTLA-4, et représentent à peu près 10 à 15 % des
cellules T CD4 humaines dans la circulation. Les cellules Treg induites qui croissent en
périphérie à partir des cellules T CD4 naïves expriment également CD25. Une marque de
fabrique à la fois des cellules Treg naturelles et induites est l'expression du facteur de
transcription Foxp3, qui interfère avec l'interaction entre AP (activator protein)-1 et NFAT
(Nuclear Factor of Activated T cell) au promoteur du gène IL-2, empêchant l'activation
transcriptionnelle du gène et la production d'IL-2. Quelques catégories de cellules T en
périphérie ont également été décrites comme n'exprimant pas Foxp3 mais produisant les
cytokines immunosuppressives caractéristiques des cellules Treg. Les cellules Treg naturelles
sont potentiellement des cellules T auto-réactives qui expriment le TCR α:β conventionnel et
semblent être sélectionnées dans le thymus par des liaisons de haute affinité aux molécules de
CMH contenant des peptides du soi. On ne sait actuellement pas si elles sont activées pour
exprimer leurs fonctions régulatrices en périphérie par les mêmes ligands du soi qui les ont
sélectionnées dans le thymus ou par d'autres antigènes, du soi ou non. Une fois activées, elles
relaieraient leurs effets d'une manière contact-dépendante. Les hauts niveaux de CTLA
(Cytotoxic T-Lymphocyte Antigen)-4 à la surface des cellules Treg naturelles sont nécessaires
pour leur activité régulatrice. Un mécanisme possible pour l'inhibition contact-dépendante par
les cellules Treg naturelles est que le CTLA-4 à leur surface entre en compétition pour la
fixation au récepteur B7 exprimé par les CPA, et empêche la co-stimulation adéquate des
cellules T naïves. D'autres preuves suggèrent que les cellules Treg naturelles peuvent sécréter
de l'IL-10 et du TGF-β, des cytokines inhibant la prolifération T. L'IL-10 affecte également la
différenciation des cellules dendritiques, inhibant leur sécrétion d'IL-12 et ainsi
compromettant leur capacité à promouvoir l'activation T et la différenciation Th1. L'échec de
fonction des cellules Treg naturelles est impliqué dans plusieurs syndromes auto-immuns. En
plus de leur capacité à empêcher les maladies auto-immunes in vivo, les cellules Treg
naturelles ont été montrées supprimer la prolifération des cellules T spécifiques de l'antigène
in vitro.
L'autre classe de cellules T régulatrices bien caractérisée dans les tissus périphériques
comprend les cellules Treg CD4 induites exprimant Foxp3. Celles-ci sont trouvées à la fois
dans les systèmes immunitaires systémique et muqueux. Avant leur découverte, d'autres
catégories de cellules T régulatrices ont été décrites produisant des cytokines inhibitrices. Une
catégorie, appelée Th3, est trouvée de manière prédominante dans le système immunitaire
muqueux, et est caractérisée par la production d'IL-4, d'IL-10 et de TGF-β ; la production de
TGF-β les distinguent des cellules Th2. Les cellules Th3 semblent agir pour supprimer ou
contrôler les réponses immunitaires dans les muqueuses. Les cellules Th3 ont été décrites
avant que le rôle de Foxp3 dans le développement des cellules Treg induites ne soit reconnu.
Un autre type de cellule T avec une activité régulatrice est appelée Tr1. Ces cellules
ont été différenciées in vitro, et sont définies notamment par leur production de cytokines
IL-10 et TGF-β, mais pas l'IL-4, ce qui les distingue des cellules Th3. On reconnait désormais
que beaucoup de cellules différentes, incluant les cellules Th1, Th2, Th17 et cellules B,
peuvent produire de l'IL-10 sous certaines circonstances, comme une haute dose d'antigène,
donc l'unicité des cellules Tr1 reste à prouver.
Quelle qu'en soit la source, l'IL-10 est importante dans la régulation immunitaire, car
elle supprime la production par les cellules T d'IL-2, de TNF-α, et d'IL-5, et inhibe les CPA
67
en réduisant l'expression des molécules de CMH et des molécules de co-stimulation. Le
TGF-β bloque de manière similaire la production de cytokines par les cellules T, la division
cellulaire, et les capacités de destruction. Tous les effets de l'IL-10 et du TGF-β ne sont
cependant pas immunosuppressifs : l'IL-10 peut augmenter la survie B et la maturation en
plasmocytes et augmente l'activité des cellules T CD8. Néanmoins, les effets dominants in
vivo à la fois de l'IL-10 et du TGF-β sont immunosuppresseurs, comme montré par le fait que
les souris déficientes en l'une de ces cytokines sont prédisposées aux maladies auto-immunes
(Murphy et al., 2012).
1.4.2.5 La catégorie Tfh
Les cellules Tfh, contrairement aux quatre catégories décrites ci-dessus, n'ont pas été
produites efficacement in vitro, et les besoins pour leur différenciation ne sont ainsi pas
clairement établis. L'IL-6 semble être requise pour le développement Tfh, mais beaucoup
reste à découvrir concernant le contrôle de cette catégorie. Un facteur de transcription
impliqué dans le développement de la catégorie Tfh est Bcl6 (B cell lymphoma 6), nécessaire
à l'expression de CXCR5, le récepteur de la chémokine CXCL13 (chemokine « C-X-C
motif » ligand 13), qui est produite par les cellules stromales du follicule B. Ce récepteur est
essentiel pour la localisation des cellules Tfh dans les follicules, et les autres catégories de
cellules T effectrices ne l'expriment pas. Les cellules Tfh expriment également ICOS, dont le
ligand est exprimé abondamment par les cellules B. ICOS semble crucial pour l'activité d'aide
des cellules Tfh, car les souris déficientes en ICOS exhibent un défaut sévère dans les
réponses anticorps T-dépendantes.
1.4.2.6 La catégorie Th22
Finalement, une nouvelle catégorie de cellules Th a récemment été découverte. En
effet, dès 2000, Dumoutier et al. décrivirent une toute nouvelle cytokine, structurellement très
proche de l'IL-10, nommée IL-TIF (IL-10-related T cell-derived inducible factor) car induite
par l'IL-9 dans les cellules T murines. Dans la même année, son homologue humain a été
identifié et nommé IL-22. Son récepteur fonctionnel est notamment constitué par la chaine β
du récepteur à l'IL-10. L'année suivante, une molécule antagoniste de l'IL-22 a été découverte
et appelée protéine fixatrice de l'IL-22, ou récepteur α2 à l'IL-22 (IL-22Rα). L'IL-22
semblerait provoquer l'activation des facteurs de transcription STAT1, STAT3 et STAT5 dans
les cellules exprimant le récepteur à l'IL-22, notamment dans le foie et les reins. L'IL-22
favorise la production de protéines de phase aigüe dans le foie, suggérant une implication
dans les réponses inflammatoires relayées par le foie. Elle inhiberait la production d'IL-4 par
les cellules Th2. L'IL-22 est fortement exprimée dans le cerveau, et la capacité de réponse de
certaines cellules neuronales murines à l'IL-22 semble indiquer un rôle de l'IL-22 dans les
processus neurologiques. Les LTh22 ont été identifiés chez les patients présentant des
maladies inflammatoires de la peau et sont caractérisés par leur production d'IL-22 et de
TNF-α, mais par l'absence d'IFN-γ, d'IL-4 et d'IL-17(Thomson et Lotze, 2003).
68
1.4.2.7 Bilan
Les conséquences de l'induction du développement de ces catégories variées sont
profondes. D'un côté, la production sélective de cellules Th1 mène à l'immunité à médiation
cellulaire, et les cytokines qu'elles produisent aident à promouvoir la commutation des
anticorps pour optimiser les classes d'anticorps produites (IgG en prédominance). D'un autre
côté, la production sélective de cellules Th2 résulte dans la présence de cytokines qui
favorisent l'immunité humorale et la production d'IgM, IgA et IgE. Les cellules Th17
semblent être importantes dans le recrutement des neutrophiles pour contrôler les stades
précoces d'une infection, et les catégories de cellules T régulatrices restreignent
l'inflammation et maintiennent la tolérance. Un exemple frappant de la différence que les
catégories de cellules T peuvent faire en résultat à une infection est observé avec la lèpre, une
maladie causée par une infection à Mycobacterium leprae. M. leprae, comme M. tuberculosis,
croît dans les vésicules des macrophages, et une défense efficace nécessite l'activation des
macrophages par les cellules Th1. Les cellules Th1 aident à contrôler les bactéries qui peuvent
monter des infections intra-vésiculaires dans les macrophages. Ces bactéries sont prises en
charge par les macrophages de manière usuelle mais peuvent échapper aux mécanismes de
destruction. Si une cellule Th1 reconnait des antigènes bactériens portés à la surface d'un
macrophage infecté, elle va interagir avec la cellule infectée pour l'activer ultérieurement,
stimulant l'activité microbicide du macrophage pour lui permettre de tuer sa bactérie
résidente. Chez les patients atteint de lèpre tuberculoïde, dans lesquels les cellules Th1 sont
préférentiellement induites, peu de bactéries vivantes sont trouvées, peu d'anticorps sont
produits, et, bien que la peau et les nerfs périphériques soient endommagés par les réponses
inflammatoires associées à l'activation des macrophages, la maladie progresse lentement et le
patient survie la plupart du temps. Cependant, quand les cellules Th2 sont préférentiellement
induites, la réponse principale est humorale, les anticorps produits ne peuvent atteindre la
bactérie intracellulaire, et les patients développent la forme lépromateuse, dans laquelle
M. leprae croît abondamment dans les macrophages, causant une destruction tissulaire qui est
éventuellement fatale (Murphy et al., 2012).
1.4.3 Rôle des cytokines dans la différenciation des lymphocytes
B
La reconnaissance des complexes peptide-CMH II sur les cellules B provoque la
synthèse par les cellules T à la fois des molécules effectrices liées à la surface cellulaire et des
molécules sécrétées qui agissent en synergie pour activer la cellule B. Le ligand CD40 est
exprimé par les cellules Th et se lie au CD40 exprimé par les cellules B ; cette interaction
soutient la croissance et la différenciation T. Réciproquement, l'engagement de CD40 sur les
cellules B augmente la prolifération B, la commutation de classe des immunoglobulines, et les
mutations hypersomatiques. La fixation du CD40 au CD40L aide à déclencher le cycle
cellulaire des cellules B au repos et est essentielle pour les réponses B aux antigènes thymodépendants (TD). Elle cause également l'augmentation dans la cellule B de l'expression de
molécules de co-stimulation, spécialement celles de la famille B7. Les cellules T fournissent
69
des signaux additionnels aux cellules B à travers les cytokines sécrétées qui régulent la
prolifération B et la production d'anticorps. Dans le follicule B, ce sont les cellules Tfh qui
sécrètent ces cytokines. L'IL-4 produite par les cellules T est une cytokine importante dans
l'activation B. Elle est synthétisée par quelques cellules Tfh et par les cellules Th2 lorsqu'elles
reconnaissent leur ligand spécifique sur la surface cellulaire B, et l'IL-4 et le CD40L sont
supposés agir en synergie pour permettre l'expansion clonale des cellules B qui précède la
production d'anticorps in vivo. L'IL-4 est sécrétée d'une manière polarisée par les cellules Th2
et est concentrée au site de contact de la cellule T avec sa cible B, si bien qu'elle agit
sélectivement sur la cellule cible antigène-spécifique. Une fois qu'une réponse T est en cours,
cependant, les cytokines sécrétées abondamment par les cellules Th peuvent également aider
l'activation des cellules B proches mais pas directement en contact de la cellule T. Après
plusieurs tours de prolifération, les cellules B se différencient en plasmocytes sécréteurs
d'anticorps. Deux autres cytokines, l'IL-5 et l'IL-6, toutes deux sécrétées par les cellules Th,
contribuent à ces stades tardifs d'activation B.
Les membres de la famille TNF-R (récepteur au TNF)/TNF autre que le CD40/CD40L
sont impliqués dans l'activation B. Les cellules T activées expriment le ligand CD30L, qui se
fixe au CD30 présent sur les cellules B et a été montré promouvoir l'activation B. Les souris
déficientes en CD30 montrent une prolifération réduite des cellules B activées dans les
follicules lymphoïdes et des réponses humorales secondaires plus faibles que la normale, ce
qui pourrait être du à l'incapacité de leurs cellules B à répondre aux signaux provenant des
cellules T exprimant CD30L. La cytokine soluble de la famille des TNF, BAFF (B cell
activating factor), est sécrétée par les cellules dendritiques et les macrophages et agit comme
un facteur de survie pour les cellules B en différenciation.
En même temps qu'elles subissent les mutations somatiques, les cellules B des centres
germinatifs subissent la commutation de classe. Les anticorps sont remarquables non
seulement pour la diversité de leurs sites de fixation de l'antigène mais également pour leur
versatilité en tant que molécules effectrices. La spécificité antigénique d'un anticorps est
déterminée par les domaines variables des chaines d'immunoglobuline lourdes et légères. Au
contraire, l'action effectrice de l'anticorps est déterminée par l'isotype de sa région constante C
de chaine lourde. Un exon variable V de chaine lourde donné peut être associé à un exon de
région C de quelconque isotype à travers le processus de commutation de classe. Celui-ci ne
démarre qu'après que les cellules B soient activées par les cellules Th, et peut se produire dans
les cellules B dans les foci primaires aussi bien que dans une proportion de cellules B dans les
centres germinatifs. Les réarrangements d'ADN qui sous-tendent la commutation de classe et
confèrent cette diversité fonctionnelle à la réponse immunitaire humorale sont dirigés par des
cytokines, notamment celles relâchées par les cellules T CD4 effectrices.
Toutes les cellules B naïves expriment des IgM et IgD de surface. L'IgM est le premier
anticorps sécrété par les cellules B activées, mais constitue moins de 10 % des
immunoglobulines trouvées dans la plasma ; l'IgG est la plus abondante. La plupart des
anticorps dans le plasma ont été produits pas les plasmocytes dérivés des cellules B ayant subi
la commutation de classe. Peu d'anticorps IgD sont produits à chaque instant, si bien que les
stades précoces des réponses anticorps sont dominés par les IgM. Plus tard, les IgG et IgA
sont prédominantes, et les IgE contribuent en petite partie quantitativement, mais
70
biologiquement en grande partie, à la réponse. La prédominance d'IgG est également due à sa
longue demi-vie plasmatique.
Des interactions productives entre les cellules B et les cellules Th sont essentielles
pour que la commutation de classe ait lieu. Ceci est démontré par les personnes ayant une
déficience génétique en CD40L, nécessaire à ces interactions. La commutation de classe est
grandement réduite chez de tels individus et ils possèdent de hauts niveaux, anormaux, d'IgM
plasmatique, une situation appelée syndrôme d'hyper IgM, qui est caractérisé par un manque
d'anticorps d'autre classe et une immunodéficience humorale sévère, résultant en des
infections répétées par des pathogènes bactériens communs. D'autres défauts qui interfèrent
avec la commutation isotypique, comme les déficiences en CD40, ou en enzyme AID
(activation induced desaminase), qui est essentielle pour la commutation de classe, résultent
également dans des formes de syndrôme d'hyper IgM. La plupart des IgM dans les syndrômes
d'hyper IgM pourraient être induites par des antigènes thymo-indépendants (TI) sur les
pathogènes qui infectent chroniquement les patients. Néanmoins, les personnes ayant des
déficiences en CD40L peuvent fabriquer des IgM en réponse aux antigènes TD, ce qui
indique que dans la réponse B, les interactions CD40-CD40L sont plus importantes pour
permettre une réponse soutenue incluant la commutation de classe et la maturation d'affinité,
plutôt que dans l'activation initiale des cellules B.
Dans ce processus de commutation isotypique, la région V réarrangée du gène de
chaine lourde est déplacé de sa localisation initiale en amont de la région constante et placé en
regard d'une autre région constante, avec la délétion de l'ADN intermédiaire. La sélection
d'une région C particulière pour la recombinaison ne se fait pas au hasard mais est régulée par
les cytokines produites par les cellules Th et d'autres cellules durant la réponse immunitaire ;
de cette façon ceci assure que les anticorps les plus utiles à traiter l'agent infectieux particulier
soient produits. La plupart de ce qui est connu concernant la régulation de la commutation
isotypique par les cytokines provient d'expériences in vitro dans lesquelles les cellules B
murines sont exposées à des stimuli variés non spécifiques, comme les lipopolysaccharides
(LPS) bactériens, avec des cytokines purifiées. Ces expériences ont montré que différentes
cytokines induisent préférentiellement la commutation vers d'autres isotypes. Chez la souris,
l'IL-4 induit préférentiellement la commutation de l'IgG1 vers l'IgE, le TGF-β induit la
commutation de IgG2b vers IgA, l'IL-5 promeut la commutation vers IgA, et l'IFN-γ induit
préférentiellement la commutation de l'IgG2a vers l'IgG3. Ces cytokines peuvent être
produites par les catégories T CD4 décrites précédemment, par exemple les cellules Th2
synthétisent de l'IL-4 et du TGF-β et les cellules Th1 produisent de l'IFN-γ.
Cependant, les cellules Tfh régulent probablement la plupart des commutations B dans
les centres germinatifs, et elles semblent être capables de sécréter des cytokines
caractéristiques quelle que soit la catégorie de cellules T dominante au sein de la réponse
effectrice T. Ainsi, les cellules Th régulent la production d'anticorps par les cellules B et
influencent également l'isotype de chaine lourde qui détermine la fonction effectrice de
l'anticorps (Murphy et al., 2012).
71
II. Application à la lignée T
2.1 Origine et maturation des lymphocytes T
Tous les lymphocytes traversent des stades complexes de maturation durant lesquels
ils expriment des récepteurs antigéniques et acquièrent les caractéristiques fonctionnelles et
phénotypiques des cellules matures. Les sites anatomiques où les étapes majeures du
développement lymphocytaire se déroulent sont appelés les organes lymphoïdes centraux. Ils
incluent la moelle osseuse, où les précurseurs de tous les lymphocytes croissent et où les
cellules B mûrissent, et le thymus, où les cellules T mûrissent (figure 10). Ces cellules B et T
matures sont appelées lymphocytes naïfs. Après l'activation par un antigène, les lymphocytes
subissent des changements séquentiels dans leur phénotype et leur capacité fonctionnelle
(Abbas et al., 2012).
Figure 10 : Maturation des lymphocytes. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
2.1.1 Le développement lymphocytaire T suit un fil conducteur
commun au développement de tous les types lymphocytaires
Les lymphocytes expriment des récepteurs antigéniques très diversifiés capables de
reconnaître une grande variété de substances étrangères. Cette diversité est générée durant le
développement des lymphocytes B et T matures à partir des cellules précurseurs qui
n'expriment pas les récepteurs antigéniques et ne peuvent pas reconnaître et répondre aux
antigènes. Le processus par lequel les progéniteurs des lymphocytes se différencient dans le
thymus et la moelle osseuse en lymphocytes matures qui peuplent les tissus lymphoïdes
périphériques est appelé le développement ou la maturation lymphocytaire. Le répertoire
immunitaire est constitué de cette collection de récepteurs antigéniques - et ainsi de
72
spécificités - exprimés par les lymphocytes B et T qui sont produits durant la maturation de
ces cellules. La maturation est initiée par des signaux provenant de récepteurs de surface qui
ont deux rôles principaux : ils promeuvent la prolifération des progéniteurs et induisent
également l'expression de facteurs de transcription qui travaillent ensemble pour initier le
réarrangement des gènes codant pour les récepteurs antigéniques et diriger les cellules en
développement vers la voie B ou T. Le réarrangement des gènes codant pour les récepteurs
antigéniques est un événement clé dans l'engagement d'une cellule progénitrice à une destinée
lymphoïde.
La maturation des lymphocytes B et T implique une série d'événements qui se
déroulent dans les organes lymphoïdes centraux (figure 11). Ces événements incluent :
- l'engagement des cellules progénitrices au lignage B ou T,
- la prolifération des progéniteurs et des cellules engagées immatures à un stade de
développement précoce spécifique, fournissant un grand réservoir de cellules pouvant
générer des lymphocytes utiles,
- le réarrangement séquentiel et ordonné des gènes codant les récepteurs antigéniques et
l'expression des protéines constituant les récepteurs antigéniques,
- des événements de sélection qui préservent l'organisme des cellules n'ayant pas produit
des récepteurs antigéniques efficaces et des cellules potentiellement dangereuses qui
reconnaissent trop fortement les auto-antigènes. Ces points de contrôle du
développement assurent que les lymphocytes exprimant des récepteurs fonctionnels
ayant des spécificités utiles vont mûrir et entrer dans le système immunitaire
périphérique ;
- la différenciation des cellules B et T en sous-populations de fonctions et de
phénotypes distincts. Les cellules B se développent en cellules folliculaires, cellules de
la zone marginale et cellules B-1 et les cellules T se développent en lymphocytes T
CD4+ et CD8+ et cellules T γ:δ. Cette différenciation en classes distinctes permet une
spécialisation, qui est une caractéristique importante du système immunitaire adaptatif
(Abbas et al., 2012).
Figure 11 : Stades de maturation des lymphocytes. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
73
2.1.2 Les lymphocytes T proviennent des cellules souches
hématopoïétiques de la moelle osseuse
Après la naissance, les lymphocytes, comme toutes les cellules sanguines, se
développent à partir des cellules souches dans la moelle osseuse. L'origine des lymphocytes à
partir des progéniteurs de moelle osseuse a d'abord été démontrée par des expériences
utilisant des chimères de moelle osseuse. Les lymphocytes et leurs précurseurs sont
radiosensibles et sont détruits par des hautes doses de radiations γ. Si une souris de race créée
est irradiée et reçoit ensuite une injection de cellules de moelle osseuse ou de petits nombres
de CSH d'une autre race pouvant être distinguées des cellules de l'hôte, tous les lymphocytes
qui se développent par la suite sont dérivés des cellules de moelle osseuse ou des CSH du
donneur. De telles approches se sont avérées très utiles pour examiner la maturation des
lymphocytes et des autres cellules sanguines (Abbas et al., 2012).
2.1.2.1 Présentation de la moelle osseuse
La moelle osseuse est le site de production de la plupart des cellules sanguines
circulantes matures, incluant les globules rouges, les granulocytes, et les monocytes, et le site
des événements précoces de la maturation des LB. La production de toutes les cellules
sanguines, appelée hématopoïèse, se déroule initialement, durant le développement fœtal,
dans les îlots sanguins de la poche vitelline et du mésenchyme para-aortique, puis se déplace
au foie entre le troisième et le quatrième mois de gestation, et se déplace progressivement à
nouveau vers la moelle osseuse. À la naissance, l'hématopoïèse prend place dans les os de tout
le squelette, mais elle devient restreinte au fur et à mesure à la moelle des os plats si bien qu'à
la puberté, l'hématopoïèse se déroule majoritairement au sternum, aux vertèbres, aux os
iliaques, et aux côtes. La moelle rouge qui est trouvée dans ces os consiste en une charpente
réticulaire spongieuse localisée entre les trabécules. Les espaces dans cette charpente
contiennent un réseau de sinusoïdes gorgés de sang reliés par des cellules endothéliales
attachées à une membrane basale discontinue. En dehors des sinusoïdes se trouvent les amas
des précurseurs de cellules sanguines à différents stades de développement aussi bien que des
cellules matures. Les précurseurs de cellules sanguines mûrissent et migrent à travers la
membrane basale sinusoïdale et entre les cellules endothéliales pour entrer dans la circulation
vasculaire. Quand la moelle osseuse est endommagée ou quand une demande exceptionnelle
de production de nouvelles cellules sanguines se produit, le foie et la rate deviennent souvent
des sites d'hématopoïèse extra-médullaire (Abbas et al., 2012).
Les globules rouges, les granulocytes, les monocytes, les cellules dendritiques, les
plaquettes, les lymphocytes B et T, et les cellules NK dérivent toutes d'une CSH commune
dans la moelle osseuse. Les CSH sont pluripotentes, signifiant qu'une seule CSH peut générer
tous les types de cellules sanguines matures. Les CSH peuvent également s'auto-renouveler
car à chaque fois qu'elles se divisent, au moins une des cellules filles maintient les propriétés
d'une cellule souche tandis que l'autre peut se différencier dans un lignage particulier (division
asymétrique). Les CSH peuvent être identifiées par la présence de marqueurs de surface,
incluant les protéines CD34 et c-Kit, et l'absence de marqueurs de lignage spécifiques. Les
74
CSH sont maintenues au sein d'environnements anatomiques microscopiques spécialisés dans
la moelle. Dans ces lieux, des cellules stromales non-hématopoïétiques fournissent des
signaux contact-dépendants et des facteurs solubles requis pour l'auto-renouvellement continu
des CSH. Les CSH donnent naissance à deux types de cellules multipotentes, le progéniteur
lymphoïde commun (PLC) et le progéniteur myéloïde commun (PMC). Le PLC est la source
des précurseurs des lignées T, B et NK. La plupart des étapes dans la maturation des cellules
B prend place dans la moelle osseuse, mais les événements finaux se déroulent après que les
cellules quittent la moelle pour entrer dans les organes lymphoïdes secondaires, en particulier
la rate. La maturation des cellules T se déroule entièrement dans le thymus et ainsi requiert
que les PLC ou une descendance faiblement différenciée de ces cellules migrent hors de la
moelle vers le sang puis au sein du thymus. La maturation des cellules NK est supposée
prendre place entièrement dans la moelle osseuse. Les PMC donnent naissance aux
progéniteurs des lignages érythroïde, mégacaryocytaire, granulocytaire, et monocytaire, qui
donnent naissance respectivement aux globules rouges, plaquettes, granulocytes (neutrophiles,
éosinophiles et basophiles), et monocytes. La plupart des cellules dendritiques se développent
à partir d'un lignage monocytaire.
La prolifération et la maturation des cellules précurseurs dans la moelle osseuse sont
stimulées par des cytokines. La plupart de ces cytokines sont appelées facteurs de stimulation
de colonie car elles étaient à la base évaluées par leur capacité à stimuler la croissance et le
développement de différentes colonies leucocytaires ou érythroïdes de la moelle osseuse. Les
cytokines hématopoïétiques sont produites par les cellules stromales et les macrophages dans
la moelle osseuse, fournissant ainsi un environnement local favorable à l'hématopoïèse. Elles
sont également produites par les LT stimulés par un antigène et les macrophages activés par
les cytokines ou par les microbes, fournissant un mécanisme pour renouveler les leucocytes
qui pourraient être consommés durant les réactions immunitaires et inflammatoires.
En plus des cellules souches s'auto-renouvelant et de leur descendance différenciée, la
moelle contient des plasmocytes producteurs d'anticorps. Ces plasmocytes sont générés dans
les tissus lymphoïdes périphériques suite à une stimulation antigénique des cellules B puis
migrent à la moelle, ou ils vivent et continuent de produire des anticorps pendant des années.
Quelques LT mémoires de longue durée de vie migrent également vers la moelle osseuse et y
vivent (Abbas et al., 2012).
2.1.2.2 Présentation du développement lymphocytaire
(commun aux lignées B et T) et engagement au lignage T
précoce
Les cellules souches pluripotentes dans la moelle osseuse (et le foie fœtal) donnent
naissance à tous les lignages des cellules sanguines, y compris les lymphocytes. Les CSH
mûrissent en PLC qui donnent naissance aux LB, LT et cellules NK, et quelques cellules
dendritiques (figure 12). Les précurseurs des LT quittent le foie fœtal (avant la naissance) et
la moelle osseuse (plus tard durant la vie) et circulent vers le thymus, où ils complètent leur
maturation. La majorité des cellules T, qui sont des cellules T α:β, se développent à partir des
CSH de la moelle osseuse ; la plupart des cellules T γ:δ croissent à partir des CSH du foie
fœtal. En général, les cellules B et T générées précocement dans la vie fœtale ont une moindre
diversité de récepteurs antigéniques. Malgré leurs localisations anatomiques différentes, les
75
événements précoces de maturation des lymphocytes B et T sont fondamentalement
similaires.
Figure 12 : Les cellules souches pluripotentes donnent naissance aux différentes lignées
B et T. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
L'engagement au lignage B ou T dépend d'instructions reçues à partir de différents
récepteurs de surface cellulaire, qui transmettent des signaux pour induire des régulateurs
spécifiques de transcription dirigeant un PLC vers la voie B ou T. Les récepteurs de surface
cellulaire et les facteurs de transcription qui contribuent à l'engagement induisent les protéines
impliquées dans le réarrangement des gènes codant le récepteur antigénique et rendent des
loci particuliers du récepteur antigénique accessibles à ces protéines. Pour les cellules T α:β
en développement, le locus β du TCR est rendu disponible le premier. En plus des gènes
impliqués dans le processus de réarrangement des gènes de récepteur antigénique, les gènes
qui gouvernent les différenciations ultérieures des cellules T et B sont exprimés.
Différents jeux de facteurs de transcription dirigent le développement des lignages B
et T à partir des précurseurs non-engagés (figure 13). Les protéines de la famille Notch sont
des molécules de surface cellulaire qui sont clivées par protéolyse lorsqu'elles interagissent
avec des ligands spécifiques sur les cellules avoisinantes. Les portions intracellulaires clivées
des protéines Notch migrent au noyau et modulent l'expression de gènes cibles spécifiques.
Notch-1, un membre de la famille Notch, est activé dans les cellules progénitrices lymphoïdes
et collabore avec le facteur de transcription GATA-3 pour engager les lymphocytes en
développement au sein du lignage T. Ces régulateurs de transcription contribuent à l'induction
76
de gènes requis pour le développement ultérieur des cellules T α:β. Les gènes cibles en aval
incluent des composants du pre-TCR et de la machinerie de recombinaison V(D)J.
Le développement précoce des cellules B et T est caractérisé par la prolifération des
progéniteurs engagés induite par des signaux dérivés de cytokine. La prolifération assure
qu'un réservoir assez grand de cellules progénitrices va être généré pour fournir un répertoire
hautement diversifié de lymphocytes matures, spécifiques d'antigènes. Chez les rongeurs et
l'homme, l'IL-7 dirige la prolifération des progéniteurs T. L'IL-7 est produite par les cellules
stromales dans la moelle osseuse et par les cellules épithéliales et autres dans le thymus. Les
souris avec des mutations ciblées au gène IL-7 ou au récepteur à l'IL-7 montrent une
maturation défectueuse des précurseurs de lymphocytes au-delà des stades les plus précoces
et, en conséquence, de profondes déficiences en cellules T et B matures (car chez la souris,
l'IL-7 est également nécessaire au développement précoce B). Les mutations sur une chaine
du récepteur à l'IL-7, appelée la chaine γ commune, car elle est partagée par plusieurs
récepteurs cytokiniques, donnent lieu à un désordre immunitaire chez l'homme appelé
syndrome d'immunodéficience combinée sévère lié à l'X (X-SCID). Cette maladie est
caractérisée par un blocage dans le développement des cellules T et NK, mais un
développement B normal, reflétant le rôle de l'IL-7 chez l'homme (qui n'intervient pas dans le
développement B contrairement à la souris) (Abbas et al., 2012).
2.1.3 Le développement des lymphocytes T prend place
majoritairement dans le thymus
Les LT proviennent des progéniteurs lymphoïdes dans la moelle osseuse qui sont
engagés au lignage T avant d'aller au thymus. Dans les premiers stades d'embryogénèse, les
précurseurs T migrent au sein du thymus par vagues. En parallèle, les éléments d'éducation
thymique, les cellules épithéliales, les cellules dendritiques développent la capacité à
sélectionner les cellules T appropriées. Dans le thymus, les cellules T réarrangent leurs
récepteurs antigéniques spécifiques (TCR) puis expriment CD3 avec le TCR à leur surface.
Quelques cellules CD3+ n'expriment pas CD4 et CD8 et sont caractérisées par un TCR
alternatif γ:δ (Rich, 2008).
2.1.3.1 Présentation du thymus et migration des précurseurs T dans le
thymus
Le thymus est situé dans le thorax antérieur, en avant du cœur. Il est constitué de
nombreux lobules, chacun clairement différencié en une région externe corticale - le cortex
thymique - et une médulla interne (figure 13). Chez les jeunes individus, le thymus contient
de grands nombres de précurseurs T en développement enchevêtrés dans un réseau épithélial
nommé le stroma thymique. Ceci fournit un microenvironnement unique pour le
développement T analogue à celui fournit aux cellules B par les cellules stromales de la
moelle osseuse (Murphy et al., 2012).
Le thymus est le site majeur de maturation des cellules T. Cette fonction a d'abord été
suspectée à cause des déficiences immunologiques associées à l'absence de thymus. L'absence
77
congénitale de thymus, qui se produit dans le syndrome de DiGeorge chez l'homme ou chez
les souris nude, est caractérisée par un nombre faible de cellules T matures dans la circulation
et les tissus lymphoïdes périphériques et des déficiences sévères dans l'immunité relayée par
les cellules T. Si le thymus est ôté d'une souris nouveau-née, cet animal ne pourra développer
des cellules T matures. Le thymus se développe à partir de l'endoderme de la troisième poche
pharyngienne et du mésenchyme sous-jacent dérivé de la crête neurale, il est peuplé par des
précurseurs dérivés de la moelle osseuse. Le thymus involue avec l'âge et est virtuellement
indétectable chez les humains après la puberté. Cependant, la maturation des cellules T
continue lors de la période adulte. Ceci a été démontré par la reconstitution du système
immunitaire chez des receveurs adultes après des transplants de moelle osseuse. Néanmoins,
la nécessité de générer de nouvelles cellules T décroît avec l'âge, de par la présence de
cellules T mémoires ayant une longue durée de vie (possiblement plus de 20 ans chez
l'homme) et s'accumulant au long de la vie.
Figure 13 : L'organisation cellulaire du thymus humain. Adapté d'après Murphy et al.
(2012).
Les LT ont pour origine des précurseurs qui croissent dans le foie fœtal et la moelle
osseuse adulte et colonisent le thymus. Ces précurseurs sont des progéniteurs multipotents qui
entrent dans le thymus à partir du torrent sanguin, traversant l'endothélium d'une veinule postcapillaire dans la région de la jonction cortico-médullaire du thymus. Chez la souris, les
lymphocytes immatures sont détectés dans le thymus à partir du 11ème jour de la gestation
normale de 21 jours. Ceci correspond à peu près à 7-8 semaines de gestation chez l'homme.
Les cellules T en développement dans le thymus sont appelées thymocytes (Abbas et al.,
2012).
78
2.1.3.2 Localisation des différents stades T dans le thymus, rôle du
thymus dans la maturation T
Les thymocytes les plus immatures sont trouvés dans le sinus subscapulaire et la
région corticale externe du thymus. Les thymocytes migrent alors à travers le cortex, où la
plupart des événements ultérieurs de maturation se produisent. C'est dans le cortex que les
thymocytes expriment en premier lieu les TCR γ:δ et α:β. Les cellules T α:β mûrissent en
cellules T CD4+ restreintes au CMH II ou en CD8+ restreintes au CMH I alors qu'elles
quittent le cortex et entrent dans la médulla. À partir de la médulla, les thymocytes CD4+ et
CD8+ simple-positifs sortent du thymus via la circulation.
L'environnement thymique fournit des stimuli requis pour la prolifération et la
maturation des thymocytes. La plupart de ces stimuli proviennent des cellules thymiques
autres que les cellules T en maturation. Au sein du cortex, les cellules épithéliales corticales
forment un réseau de longs processus cytoplasmiques, autour desquels les thymocytes doivent
passer pour atteindre la médulla. Les cellules épithéliales d'un type distinct connues comme
les cellules épithéliales médullaires sont également présentes dans la médulla. Les cellules
dendritiques dérivées de la moelle osseuse sont présentes à la jonction cortico-médullaire et
au sein de la médulla, et les macrophages sont également présents dans la médulla. La
migration des thymocytes à travers cette organisation anatomique permet des interactions
physiques entre les thymocytes et ces autres cellules, nécessaires à la maturation et à la
sélection des lymphocytes T (Abbas et al., 2012).
Le rôle crucial du stroma thymique dans l'induction de la différenciation des
progéniteurs T dérivés de la moelle osseuse peut être démontré par les résultats de greffes
tissulaires entre deux souris mutantes, chacune caractérisée par l'absence de cellules T
matures pour deux raisons différentes. Chez les souris nude l'épithélium thymique ne peut se
différencier, tandis que chez les souris SCID les lymphocytes B et T ne peuvent se développer
à cause d'un défaut dans les réarrangements des gènes de récepteurs antigéniques. Des greffes
réciproques de thymus et de moelle osseuse entre ces deux souches immunodéficientes
montrent que les précurseurs de moelle osseuse nude se développent normalement dans un
thymus SCID. Ainsi, le défaut présenté par les souris nude concerne les cellules stromales
thymiques. La transplantation d'un thymus SCID chez une souris nude mène au
développement T (Murphy et al., 2012).
Deux types de molécules produites par les cellules thymiques non-lymphoïdes sont
importantes pour la maturation des cellules T. Le premier représente les molécules de CMH
de classe I et II, qui sont exprimées sur les cellules épithéliales et les cellules dendritiques
dans le thymus. Les interactions des thymocytes en maturation avec ces molécules de CMH
au sein du thymus sont essentielles pour la sélection du répertoire de cellules T matures. Le
deuxième, contenant les cellules stromales thymiques, incluant les cellules épithéliales,
sécrète des cytokines et des chémokines, qui respectivement stimulent la prolifération des
cellules T immatures et orchestrent le transit du cortex à la médulla des thymocytes du lignage
α:β en développement. La mieux définie de ces cytokines est l'IL-7, qui a été mentionnée plus
tôt comme un facteur de croissance lymphoïde critique. Le mouvement des cellules à travers
le thymus est dirigé par les chémokines. Les progéniteurs des thymocytes expriment le
récepteur CCR9 (chemokine (C-C motif) receptor 9) qui fixe la chémokine CCL25
79
(chemokine (C-C motif) ligand 25), produite dans le cortex thymique. L'entrée des
précurseurs au sein du thymus est dépendante de CCL25 et CCR9. Les chémokines comme
CCL21 et CCL19, qui sont reconnues par le récepteur CCR7 sur les thymocytes, permettent
de guider le mouvement des cellules T en développement du cortex vers la médulla.
Les taux de prolifération cellulaire et de mort par apoptose sont extrêmement élevés au
sein des thymocytes corticaux. Un seul précurseur forme une grande descendance, et 95 % de
ces cellules meurent par apoptose avant d'atteindre la médulla. La mort cellulaire est due à
une combinaison de facteurs incluant un échec à réarranger de manière productive le gène de
chaine β du TCR, un échec à être sélectionné positivement par les molécules de CMH dans le
thymus, et la sélection négative induite par les auto-antigènes (figure 14). Les thymocytes
corticaux sont également sensibles aux irradiations et aux glucocorticoïdes. In vivo, de hautes
doses de glucocorticoïdes induisent la mort par apoptose des thymocytes corticaux immatures
(Abbas et al., 2012).
Figure 14 : Les points de contrôle dans la maturation lymphocytaire. Adapté d'après
Abbas et al. (2012).
2.1.4 Les stades de maturation T
Les cellules T doivent franchir deux obstacles fondamentaux et stricts durant leur
développement en cellules matures capables de monter une réponse immunitaire. D'abord,
une cellule T doit réarranger avec succès les gènes qui codent pour le TCR hétérodimérique.
Ensuite, une cellule T doit survivre à la sélection thymique durant laquelle les cellules T auto80
réactives sont éliminées. Le taux de survie de ces deux processus de sélection indépendants
est de moins de 3 %. Ces processus minimisent les chances de cellules T auto-réactives
notamment en périphérie (Rich, 2008).
Le type le plus commun de TCR, le TCR α:β, est un hétérodimère composé d'une
chaine β et d'une chaine α. Un TCR alternatif est composé de chaines γ et δ. La structure d'un
gène de TCR est très similaire à celle d'un gène d'immunoglobuline. En effet, les deux chaines
α et β constituant le TCR sont structurellement très proches des chaines légères et lourdes de
l'immunoglobuline respectivement. Ainsi, le locus α contient des segments variables Vα et des
segments de jonction Jα, tandis que le locus de chaine β contient, en plus des segments Vβ et
Jβ, des segments de diversité Dβ. Chacune de ces deux chaines possède également un segment
constant C. La structure des loci α et β du TCR est décrite dans la figure 15 (Murphy et al.,
2012).
Figure 15 : L'organisation germinale des loci α et β du TCR chez l'homme. Adapté
d'après Murphy et al. (2012).
La diversité générée par les réarrangements au sein des loci de chaines du TCR, et la
diversité supplémentaire générée par l'introduction de nucléotides non codés par le génome
(N-nucléotides) grâce à l'enzyme TdT (Terminal deoxynucleotidyl transferase) apportent au
moins 108 combinaisons possibles de TCR. Des mutations dans les gènes intervenant dans ce
processus de réarrangement peuvent produire un arrêt dans le développement lymphocytaire.
Par exemple, une mutation sur un gène codant pour une protéine kinase ADN-dépendante
requise pour la recombinaison du gène du récepteur résulte en une immunodéficience
combinée sévère, un type de désordre identifié par l'acronyme SCID. La recombinaison des
loci de TCR représente ainsi le premier des deux obstacles à franchir pour les lymphocytes en
développement. Plusieurs autres mutations régulant le développement T précoce et menant à
un phénotype clinique SCID ont été identifiées. Ces mutations incluent des déficiences en
chaine IL-7Rα, CD3δ, CD3ε, γc (X-SCID), CD45, JAK3, Artemis, RAG (recombination
activating gene)-1 et RAG-2, et adénosine désaminase.
Les stades de développement thymocytaire peuvent être définis par le statut de
réarrangement et l'expression des deux gènes codant pour les chaines α et β du TCR et
81
l'expression de CD4 et CD8. Les thymocytes sont divisés en 4 catégories majeures basées sur
l'expression de CD4 et CD8 : les immatures CD4-CD8- et CD4+CD8+, et les matures
CD4+CD8- et CD4-CD8+ (figure 17). Durant la maturation, les thymocytes procèdent d'une
façon très ordonnée CD4-8- ==> CD4+8+ ==> CD4+8- ou 4-8+. CD4 et CD8 définissent,
respectivement, les catégories helper et cytotoxiques des cellules T.
Une fois que la cellule T a réarrangé avec succès et exprime un TCR en association
avec CD3, elle rencontre le second étau majeur du développement T : la sélection thymique.
La sélection se décompose en deux phases : positive et négative. Le TCR doit engager des
complexes antigène-CMH sur l'épithélium thymique ou les cellules dendritiques qui confèrent
une certaine signalisation de faible affinité permettant au thymocyte en développement de
survivre et de mûrir au-delà du stade CD4+CD8+ (figure 16). Il s'agit de la sélection positive.
À l'extrême opposé se situe la sélection négative, lors de laquelle les cellules T exprimant les
TCR avec de trop hautes affinités pour les complexes peptide-CMH sont éliminés par mort
cellulaire active, appelée apoptose (Rich, 2008).
Figure 16 : Séquence du développement des cellules T α:β dans le thymus. Adapté d'après
Rich (2008).
2.1.4.1 Les thymocytes double-négatifs
Les thymocytes corticaux les plus immatures, récemment arrivés de la moelle osseuse,
contiennent les gènes codant pour le TCR dans leur configuration germinale et n'expriment
pas le TCR, le CD3, les chaines ζ, le CD4 et le CD8 ; ces cellules sont appelées thymocytes
double-négatifs. Ils sont considérés au stade pro-T de maturation (Abbas et al., 2012). Les
thymocytes CD4-8- peuvent être subdivisés selon leur expression de CD25 (chaine α du
82
récepteur à l'IL-2) et CD44. Le développement procède dans l'ordre : CD25-44+ ==>
CD25+44+ ==> CD25+44- ==> CD25-44-. Ces sous-populations correspondent à des stades
discrets de différenciation thymocytaire. Les cellules CD25-44+ expriment de bas niveaux de
CD4 et expriment la molécule Kit, qui est le récepteur du SCF (Stem Cell Factor). Les
cellules à ce stade sont appelées DN1. Les gène du TCR y sont donc dans la configuration
germinale. Ces cellules dérégulent alors CD4 et favorisent CD25 pour donner naissance aux
thymocytes CD25+44+, appelés cellules DN2, qui expriment désormais CD2 en surface et de
bas niveaux de CD3ε. La machinerie de recombinaison, notamment les protéines RAG (1 et
2) sont alors activées et les premiers réarrangements du gène de chaine β commencent. Au
stade suivant (CD25+44-), l'expression de Kit est réduite en parallèle de celle du CD44,
correspondant aux cellules DN3, tandis que les réarrangements se poursuivent. Les cellules
produisant une chaine β fonctionnelle perdent alors l'expression de CD25 (CD25-44-) et
progressent au stade DN4 au cours duquel elles prolifèrent, et l'expression des protéines RAG
est réprimée (Rich, 2008 ; Murphy et al., 2012).
Les réarrangements des segments Dβ et Jβ se produisent en premier lieu, dès le stade
DN2 ; ceci implique la jonction du segment Dβ1 à l'un des six segments Jβ1 ou la jonction du
segment Dβ2 à l'un des six segments Jβ2 (figure 17, A). Les réarrangements Vβ à DJβ se
produisent plus tardivement, au stade DN3 (Murphy et al., 2012). Les séquences d'ADN entre
les segments subissant des réarrangements, incluant les gènes D, J et possiblement Cβ1 (si les
segments Dβ2 et Jβ2 sont utilisés), sont délétés durant ce processus de réarrangement. De
multiples nucléotides adénine, formant une queue poly-A, sont ajoutés, après le clivage du
transcrit primaire, en aval des sites consensus de polyadénylation à l'extrémité 3' de la région
Cβ, et l'ARN (acide ribonucléique) nucléaire subit un épissage alternatif, un événement de
procession de l'ARN durant lequel les introns sont supprimés et les exons rassemblés. Ainsi,
les séquences entre l'exon VDJ et Cβ sont coupées pour former un ARN messager (ARNm)
mature dans lequel les segments VDJ sont juxtaposés à l'un des deux gènes Cβ (dépendant de
quel segment J est sélectionné durant le processus de réarrangement). La traduction de cet
ARNm fournit une protéine de chaine β de TCR de taille complète (Abbas et al., 2012). Une
petite sous-population de cellules T réarrange et exprime une seconde paire de gènes TCR,
appelés γ et δ. Le réarrangement dans ces cellules commence avec la chaine γ. Ces cellules T
γ:δ inhabituelles représentent seulement 1 à 3 % des cellules T sanguines périphériques. Un
réarrangement productif de la chaine β résulte dans la dérégulation des protéines RAG et
déclenche une seconde explosion proliférative. La perte de CD25 mène alors aux thymocytes
CD25-44- (Rich, 2008).
2.1.4.2 Le pré-TCR
Si un réarrangement productif au gène de chaine β a lieu dans une cellule pro-T
donnée, la protéine de chaine β est exprimée à la surface cellulaire en association avec une
protéine invariante appelée pré-Tα et avec les protéines CD3 et ζ pour former le pré-TCR. Le
pré-TCR permet la sélection des cellules pré-T en développement ayant correctement
réarrangé le gène β.
La signalisation pré-TCR permet la survie des cellules pré-T et contribue à la plus
grande phase de prolifération du développement T. Cette signalisation initie également la
83
recombinaison au locus de chaine α du TCR et dirige la transition vers le stade CD25-44- puis
le stade double-positif. Elle inhibe également les réarrangements ultérieurs au locus de chaine
β notamment en limitant l'accessibilité de l'autre allèle à la machinerie de recombinaison
(Abbas et al., 2012). Ceci résulte en l'exclusion allélique de la chaine β (les cellules T matures
expriment seulement un des deux allèles hérités de chaine β), mais le haut pourcentage de
cellules T contenant des réarrangements aux deux gènes β atteste de l'inefficacité de cet
évènement complexe (Rich, 2008). La fonction essentielle du pré-TCR dans la maturation des
cellules T a été démontrée par de nombreuses études sur des souris mutantes, dans lesquelles
l'absence d'un des composants du complexe pré-TCR résulte dans un blocage de la maturation
des cellules T au stade double-négatif (Abbas et al., 2012). Une cellule T ayant deux
chromosomes, elle détient deux chances de réaliser un réarrangement productif de chaine β.
Un échec à cette étape résulte dans un arrêt du développement à la transition de CD25+44- à
25-44-. Ceci se produit chez les souris déficientes en RAG notamment (Rich, 2008).
Figure 17 : Recombinaison et expression des gènes de chaine α et β du TCR. Adapté
d'après Abbas et al. (2012).
2.1.4.3 Les thymocytes double-positifs
Au stade suivant de maturation, les thymocytes expriment à la fois CD4 et CD8 et sont
appelés thymocytes double-positifs. L'expression de CD4 et CD8 est essentielle pour les
événements de sélection ultérieurs. Le réarrangement des gènes de chaine α et l'expression des
84
hétérodimères TCR α:β se produisent dans la population CD4+CD8+ double-positive peu
après que les cellules franchissent l'étape du pré-TCR. Une seconde vague d'expression du
gène RAG promeut la recombinaison du gène α. Comme il n'y a pas de segment D dans le
locus α, le réarrangement consiste seulement dans la jonction des segments V et J (figure 17,
B). Le grand nombre de segments Jα permet de multiples essais de jonction V-J sur chaque
chromosome, augmentant ainsi la probabilité qu'un TCR α:β fonctionnel soit produit. Au
contraire du locus de chaine β, où la production de la protéine et la formation du pré-TCR
suppriment les réarrangements ultérieurs, il y a peu ou pas d'exclusion allélique dans le locus
de chaine α. Ainsi, des réarrangements productifs de chaine α peuvent se produire sur les deux
chromosomes, et si cela se produit, la cellule T va exprimer deux chaines α.
En fait, plus de 30 % des cellules T périphériques matures expriment deux TCR
différents, avec des chaines α différentes mais la même chaine β. Il est possible que seulement
une des deux chaines α participe dans la formation du TCR fonctionnel antigène-spécifique.
L'incapacité à réarranger correctement la chaine α sur les deux chromosomes mène à un échec
à l'étape de sélection positive, aboutissant à la mort cellulaire par apoptose. L'expression du
gène α au stade double-positif mène à la formation d'un TCR α:β complet, qui est exprimé à la
surface cellulaire en association avec les protéines CD3 et ζ. Le réarrangement du gène α
résulte en la délétion du locus δ qui repose entre les segments V (communs aux loci α et δ) et
les segments Jα (figure 18). Par conséquent, cette cellule T n'est plus capable de devenir une
cellule T γ:δ et est complètement engagée dans le lignage T α:β. L'expression des gènes RAG
et les recombinaisons génétiques ultérieures cessent après ce stade de maturation (Abbas et
al., 2012)
Figure 18 : Organisation germinale des loci du TCR humain. Adapté d'après Abbas et al.
(2012).
85
2.1.4.4 Les processus de sélection dans la maturation des cellules T α:β
restreintes au CMH, menant aux thymocytes simple-positifs
La sélection des cellules T en développement est dépendante de la reconnaissance de
l'antigène (complexes peptide-CMH) dans le thymus et est responsable de la préservation des
cellules utiles et de l'élimination des cellules potentiellement dangereuses. Le répertoire
immature, ou non sélectionné, de LT consiste en des cellules dont les récepteurs peuvent
reconnaître tout antigène peptidique (du soi ou étranger) porté par toute molécule de CMH
(aussi bien du soi qu'étrangère). De plus, des récepteurs ne reconnaissant aucun complexe
peptide-CMH peuvent théoriquement être exprimés. Dans chaque individu, les seules cellules
T utiles sont celles spécifiques pour des peptides étrangers présentés par des molécules de
CMH de cet individu. Quand les thymocytes double-positifs expriment pour la première fois
les TCR α:β, ces récepteurs rencontrent des peptides du soi (les seuls peptides normalement
présents dans le thymus) portés par des molécules du CMH du soi présentes majoritairement
sur les cellules épithéliales thymiques dans le cortex.
L'issue de cette reconnaissance est déterminée notamment par la force de rencontre
entre les TCR et les complexes peptide-CMH du soi. La sélection positive est le processus qui
préserve les cellules T reconnaissant le CMH du soi (avec les peptides du soi) avec une faible
affinité. Cette reconnaissance préserve les cellules qui peuvent détecter des antigènes portés
par les molécules de CMH de l'individu, étant à la base du phénomène de restriction au CMH.
Au même moment, les cellules s'engagent dans le lignage CD4 ou CD8 selon si le TCR
reconnait les molécules de CMH II ou I. Mais les cellules T qui reconnaissent les autoantigènes avec une forte affinité sont potentiellement dangereuses car une telle reconnaissance
peut provoquer une auto-immunité. La sélection négative est le processus lors duquel les
thymocytes dont les TCR se lient fortement aux antigènes peptidiques du soi en association
avec les molécules de CMH sont délétés (figure 19). Le résultat de ces processus de sélection
est que le répertoire de cellules T matures quittant le thymus est restreint au CMH du soi et
tolérant à de nombreux auto-antigènes, et seules les cellules « utiles » complètent leur
maturation (Abbas et al., 2012).
2.1.4.4.1 La sélection positive des thymocytes : le développement du répertoire des cellules T
restreintes au CMH
La sélection positive est le processus par lequel les thymocytes dont les TCR se lient
avec une faible affinité aux complexes peptide-CMH du soi sont stimulés pour survivre
(figure 19). Les thymocytes double-positifs sont produits sans stimulation antigénique et
expriment des TCR α:β avec des spécificités générées au hasard, si ce n'est qu'ils
reconnaissent des structures CMH-like. Dans le cortex thymique, ces cellules immatures
rencontrent des cellules épithéliales qui portent une variété de peptides du soi fixés aux
molécules de CMH de classe I et II. Une reconnaissance faible de ces complexes peptideCMH du soi promeut la survie des cellules T. Les thymocytes dont le récepteur ne reconnait
pas les molécules de CMH du soi sont supprimés par le phénomène de mort par négligence
(absence de signaux pour la survie) (figure 19). Ainsi, la sélection positive assure que les
cellules T sont restreintes au CMH du soi.
86
Figure 19 : Maturation des cellules T dans le thymus. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
Durant la transition de thymocyte double-positif à simple-positif, les thymocytes avec
des TCR restreints au CMH de classe I deviennent CD8+CD4-, et les cellules avec des TCR
restreints au CMH II deviennent CD4+CD8-. Les cellules T immatures, double-positives
expriment des TCR qui peuvent reconnaître soit le CMH de classe I soit le CMH de classe II.
Deux modèles ont été proposés pour expliquer le processus d'engagement dans un lignage. Le
modèle stochastique ou probabiliste suggère que l'engagement des cellules T immatures dans
l'un des lignages dépend de la probabilité aléatoire qu'une cellule double-positive se
différencie en CD4+ ou en CD8+. Dans ce modèle, une cellule qui reconnait les CMH de
classe I peut aléatoirement se différencier en cellule T CD8+ (avec le co-récepteur approprié)
et survivre ou en cellule T CD4+ (avec le mauvais co-récepteur) qui ne recevra pas de signaux
de survie. Dans ce processus de différenciation aléatoire en cellules simple-positives, une
bonne association entre co-récepteur et molécule du CMH ne devrait se produire que la moitié
du temps approximativement. Une vision plus largement acceptée est que le processus
d'engagement dans un lignage associé à la sélection positive n'est pas un processus aléatoire
mais est éducatif. Le modèle éducatif suggère que les TCR restreints à la classe I ou II
délivrent des signaux différents qui induisent activement l'expression du bon co-récepteur et
annulent l'expression de l'autre. Il est connu que les cellules double-positives passent par un
stade où elles expriment fortement CD4 et peu CD8. Si le TCR d'une telle cellule est restreint
à la classe I, celle-ci, lorsqu'elle reconnait le CMH approprié de classe I et le peptide du soi,
va recevoir un signal faible car les niveaux de co-récepteur CD8 sont faibles et, de plus, le
CD8 s'associe moins bien à la tyrosine kinase Lck (lymphocyte-specific protein tyrosine
kinase) que ne le fait le CD4. Ces signaux faibles activent des facteurs de transcription,
87
comme Runx3 (Runt-related transcription factor 3), qui stimulent l'expression tardive de CD8,
générant une cellule T CD8+ restreinte au CMH de classe I. Inversement, si le TCR d'une
cellule est restreint à la classe II, celle-ci, lorsqu'elle rencontre un CMH de classe II, va
recevoir un signal plus fort car les niveaux de CD4 sont hauts et le CD4 s'associe relativement
bien avec Lck. Ces signaux forts activent un jeu différent de facteurs de transcription, dont
ThPOK (T-helper inducing POZ-Kruppel like factor), qui stimulent l'expression de CD4 et
empêchent celle de CD8.
Le modèle de sélection positive basé sur une faible reconnaissance des antigènes du
soi apporte une question fondamentale : comment la sélection positive, dirigée par les
antigènes du soi, produit un répertoire de cellules T matures spécifiques pour des antigènes
étrangers ? La réponse la plus probable est que la sélection positive permet à beaucoup de
clones de cellules T différents de survivre et se différencier, et beaucoup de ces cellules T
reconnaissant les peptides du soi avec une faible affinité vont, après maturation, reconnaître
fortuitement des peptides étrangers avec une affinité suffisamment haute pour être activées et
générer des réponses immunitaires (Abbas et al., 2012).
2.1.4.4.2 La sélection négative des thymocytes : la tolérance centrale
Les thymocytes dont les récepteurs reconnaissent les complexes peptide-CMH dans le
thymus avec une haute affinité subissent l'apoptose (appelée sélection négative) ou se
différencient en LT régulateurs (figure 19). Parmi les cellules T double-positives qui sont
générées dans le thymus, quelques-unes expriment des TCR qui reconnaissent des autoantigènes avec une haute affinité. Les peptides présents dans le thymus sont des peptides du
soi dérivés d'antigènes protéiques largement exprimés aussi bien que certaines protéines
supposées être restreintes à des tissus particuliers (on rappelle que les microbes entrant dans
l'organisme par les voies classiques, les épithélium, sont capturés et transportés aux nœuds
lymphatiques et ne rentrent pas dans le thymus).
Ce processus élimine les cellules T auto-réactives potentiellement dangereuses et est
un des mécanismes assurant que le système immunitaire ne réponde pas à de nombreux autoantigènes, appelé tolérance du soi. La tolérance induite dans les lymphocytes immatures par la
reconnaissance d'auto-antigènes dans les organes lymphoïdes centraux est également appelée
tolérance centrale, à l'inverse de la tolérance périphérique induite dans les lymphocytes
matures par les auto-antigènes dans les tissus périphériques.
La suppression des cellules T auto-réactives immatures peut se produire à la fois au
stade double-positif dans le cortex et au stade simple-positif dans la médulla. Les CPA
thymiques qui permettent la sélection négative sont surtout des cellules dendritiques dérivées
de la moelle osseuse et des macrophages, ces deux types abondants dans la médulla, et les
cellules épithéliales médullaires thymiques, tandis que les cellules épithéliales corticales sont
particulièrement (et peut-être uniquement) utiles à la sélection positive. Les cellules T doublepositives sont attirées vers la médulla par les chémokines CCL21 et CCL19, qui sont CCR7spécifiques. Dans la médulla, les cellules épithéliales médullaires thymiques expriment une
protéine nucléaire appelée AIRE (autoimmune regulator) qui induit l'expression de plusieurs
gènes tissus-spécifiques dans le thymus. Ces gènes sont autrement normalement exprimés
seulement dans des organes périphériques spécifiques, comme le pancréas ou la thyroïde.
88
Leur expression AIRE-dépendante dans le thymus rend de nombreux peptides tissusspécifiques aptes à la présentation aux cellules T en développement, facilitant la suppression
(sélection négative) de ces cellules. Une mutation dans le gène qui code l'AIRE résulte en un
syndrome de polyendocrinopathie auto-immun, reflétant l'importance de l'AIRE dans la
médiation de la tolérance centrale aux antigènes tissu-spécifiques (Abbas et al., 2012). Les
patients atteints d'une telle mutation présentent des candidiases cutanées chroniques ainsi que
des atteintes auto-immunes majoritairement des glandes parathyroïdes et surrénales, les
organes comme la peau, la thyroïde ou le foie étant moins fréquemment impliqués (Rich,
2008).
La reconnaissance des auto-antigènes dans le thymus peut générer une population de
cellules T régulatrices qui fonctionnent pour prévenir des réactions auto-immunes. On ne sait
pas quels facteurs déterminent le choix entre les deux sorts des cellules T immatures qui
reconnaissent les auto-antigènes avec une haute affinité (délétion des cellules T immatures ou
développement de cellules T régulatrices). Il est possible que des interactions d'affinité
légèrement plus faible que celles requises pour la délétion pourraient mener au
développement de cellules T régulatrices, mais des preuves claires de ce type de
discrimination nécessitent d'être obtenues (Abbas et al., 2012).
2.1.4.5 Les lymphocytes T γ:δ
Les cellules T portant les récepteurs γ:δ diffèrent de celles portant des TCR α:β en ce
sens qu'elles sont trouvées surtout dans les sites épithéliaux et muqueux et n'expriment pas les
co-récepteurs CD4 et CD8 ; en comparaison avec les cellules T α:β, les connaissances
concernant les ligands reconnus par de tels récepteurs γ:δ sont faibles, et ceux-ci sont
suspectés ne pas être restreints au CMH. Différents loci sont utilisés pour faire ces deux types
de récepteurs T. Les loci β, γ et δ commencent à subir les réarrangements presque
simultanément dans les thymocytes en développement, et les deux lignages cellulaires
divergent à partir d'un précurseur commun seulement après que certains réarrangements aient
eu lieu. Ceci peut être déduit du fait que des cellules T γ:δ matures peuvent contenir des gènes
de chaine β réarrangés, bien que 80 % de ceux-ci soient non productifs, et que des cellules T
α:β matures contiennent souvent des gènes γ réarrangés, mais souvent sans fonction (Murphy
et al., 2012).
Dans une cellule T double-négative en développement, le réarrangement des loci β, γ
ou δ est initialement possible. Si une cellule réarrange ses loci γ et δ avant qu'elle ne fasse un
réarrangement productif au locus β, elle est sélectionnée pour le lignage γ:δ. Cela se produit
pour à peu près 10 % des cellules T double-négatives en développement. Dans les thymus
fœtaux, les premiers réarrangements de gènes de TCR impliquent les loci γ et δ. La
recombinaison des loci de TCR γ et δ procède d'une manière similaire à celle des autres
réarrangements de récepteurs antigéniques (Abbas et al., 2012). Les premières cellules T à
apparaître portent donc des récepteurs T γ:δ. Chez la souris, ces cellules T γ:δ apparaissent
d'abord en vagues discrètes dans le fœtus, chacune des vagues peuplant des sites distincts
chez l'animal adulte. La première vague de cellules γ:δ peuple l'épiderme ; les cellules T sont
incluses parmi les kératinocytes et adoptent une forme dendritique-like qui leur a donné le
nom de cellules T épidermiques dendritiques. La seconde vague peuple l'épithélium du tractus
89
reproducteur. Remarquablement, étant donné le grand nombre de réarrangements
théoriquement possibles, les récepteurs exprimés par ces vagues précoces de cellules T γ:δ
sont essentiellement invariants. Toutes les cellules de chaque vague assemblent les mêmes
régions Vγ et Vδ, mais chaque vague utilise un jeu différent de segments V, D et J. Les raisons
pour lesquelles certains segments V, D et J sont sélectionnés pour les réarrangements à des
temps particuliers durant le développement embryonnaire ne sont pas connues. Il n'y a pas de
N-nucléotides contribuant à une diversité supplémentaire aux jonctions entre les segments V,
D et J, reflétant l'absence de l'enzyme TdT dans les cellules T γ:δ fœtales (Murphy et al.,
2012).
Cette diversité limitée est évocatrice de celle de la catégorie B-1 des LB et est
conforme au concept que les cellules T γ:δ servent en tant que défense précoce contre un
nombre limité de microbes rencontrés communément aux barrières épithéliales (Abbas et al.,
2012).
2.2 Présentation des catégories de lymphocytes T
La fonction des cellules T est de reconnaître des antigènes étrangers spécifiques et de
générer contre eux des réponses spécifiques pour protéger l'hôte de différentes maladies. Les
LT sont séparés en différents grands groupes, de phénotypes de surface ainsi que de fonctions
bien distincts. Ainsi, il existe une première grande dichotomie entre les cellules T portant un
TCR α:β et celles portant un TCR γ:δ.
Parmi les cellules T α:β, dont on s'intéressera majoritairement, on distingue, à la sortie
du thymus, deux nouvelles grandes familles : certaines cellules T exhibent à leur surface la
molécule CD4 et sont appelés cellules T CD4+ ou cellules T helper (Th), tandis que d'autres
portent la molécule de CD8 et sont appelées cellules T CD8+ ou cellules T cytotoxiques
(CTL). Au sein de chacun de ces grands groupes, on distingue diverses sous-populations,
certaines très récemment découvertes.
2.2.1 Les cellules T cytotoxiques CD8+
Les CTL ont pour fonction principale de détruire la cellule à laquelle elles se sont
liées. Cette fonction est très utile dans la protection de l'hôte contre les infections par des
pathogènes intracellulaires et dans la lutte contre les processus tumoraux.
Lorsqu'elles sortent du thymus, les CTL ne sont pas complètement différenciées. Bien
qu'elles expriment un TCR α:β fonctionnel et reconnaissent l'antigène, elles ne peuvent pas
détruire de cellules et ne sont pas encore dans un état réellement effecteur. L'apparition de
CTL fonctionnelles dépend de l'activation et de la différenciation des précurseurs des CTL.
Ces précurseurs sont présents en faible proportion dans le sang et les tissus lymphoïdes
périphériques. La différenciation de ceux-ci en CTL effectrices fonctionnelles requiert deux
types de signaux. Premièrement, la reconnaissance spécifique de l'antigène sur une cellule
cible doit avoir lieu, et deuxièmement, un signal de co-stimulation doit être fourni par les
cytokines dérivées des cellules CD4 comme l'IL-2, l'IL-6 et l'IFN-γ, et par des interactions
cellule-cellule entre des molécules de surface de la CTL et des CPA. Les réponses de CTL
90
maximales dépendent des précurseurs des CTL ainsi que des cellules Th étant stimulées par
l'antigène, souvent présenté par une cellule dendritique, et de telles réponses dépendent de la
présentation antigénique utilisant à la fois les molécules de CMH I et II. Les CTL ne sont pas
générées efficacement si les CPA portant les molécules de classe II sont absentes (Gotch,
2012).
Les cellules infectées par un virus présentent des fragments de protéines virales sur
leurs molécules de CMH I de surface. En réponse à une rencontre avec le complexe antigèneCMH, les cellules T au repos (phase G0) entrent en phase G1 du cycle cellulaire, et
grossissent. Ces cellules ont plus d'organites et des taux augmentés d'ARN cytoplasmique
comparé aux petits lymphocytes non stimulés. Les cellules stimulées possèdent des granules
(lysosomes primaires), qui sont dispersés dans le cytoplasme en relative proximité avec
l'appareil de Golgi, développé. Elles détiennent beaucoup de mitochondries. La progression à
la phase S du cycle cellulaire s'effectue et les grands lymphocytes activés se divisent. La
division mitotique ou l'expansion clonale est responsable de la prolifération des clones de
CTL spécifiques répondant à l'antigène (Gotch, 2012).
Les cellules T stimulées se différencient alors d'un stade de reconnaissance, auquel
elles sont capables de reconnaître l'antigène, à un stade effecteur, auquel elles agissent pour
éliminer l'antigène. Les CTL différenciées contiennent un nombre augmenté de granules
cytolytiques contenant de nombreuses protéines qui détruisent les cellules cibles infectées
avant qu'elles ne puissent relâcher de nouveaux virions (Gotch, 2012). Ces granules
contiennent une protéine formant des pores dans les membranes, appelée perforine, et des
granzymes, des enzymes capables d'induire l'apoptose des cellules cibles. De plus, les CTL
peuvent également induire la mort de la cellule cible grâce à leur expression de FasL (ligand
du récepteur de mort cellulaire Fas), pouvant délivrer des signaux inducteur de l'apoptose aux
cellules cibles exprimant Fas. En général, le rôle des CTL est de surveiller toutes les cellules
de l'hôte, se tenant prêtes à détruire quelconque cellule exprimant des fragments d'antigènes
étrangers sur les molécules de CMH I (Cosmi et al., 2010). Une partie de la descendance des
cellules T stimulées ne se différencie pas en cellules effectrices mais donne plutôt des cellules
T mémoires qui sont capables de survivre durant de longues périodes, en l'absence de
stimulation antigénique. Les cellules mémoires sont morphologiquement similaires aux petits
lymphocytes, bien que les cellules T naïves et mémoires peuvent être différenciées par leur
expression de différentes protéines de surface (Gotch, 2012).
Les CTL sont également capables de combattre les infections virales en sécrétant des
cytokines comme l'IFN-γ et le TNF, qui engage ses récepteurs sur les cellules cibles pour
provoquer l'apoptose de celles-ci (Gotch, 2012). Elles peuvent manifester des réponses
cytokiniques de type 1 et 2, auquel cas les cellules sont désignées Tc1 et Tc2 (Chaplin, 2010).
Des CTL sécrétant de l'IL-17 ont également été très récemment découvertes et sont appelées
cellules Tc17 (Yen et al., 2009).
La majorité des CTL portent à leur surface la molécule CD8. Néanmoins, il existe
quelques cellules T CD4+ reconnaissant les peptides associés au CMH II et ayant une activité
cytotoxique sur les cellules infectées (Gotch, 2012).
91
2.2.2 Les cellules T CD4+
Les cellules T CD4+ représentent une population hétérogène de cellules jouant un rôle
essentiel dans l'immunité adaptative. Ces cellules incluent des cellules helper effectrices, qui
sont dévouées à la protection contre les pathogènes, et des cellules T régulatrices (Treg), dont
la fonction est de supprimer les réponses effectrices contre les auto-antigènes, mais également
contre les antigènes exogènes, lorsqu'elles peuvent devenir dangereuses pour l'hôte. Le terme
« helper » est dérivé de l'observation que ces cellules sont essentielles pour aider les cellules
B à produire des anticorps dans les réponses primaires (immunité humorale). Les cellules Th
possèdent également la capacité d'induire des réactions inflammatoires caractérisées par
l'activation des macrophages, et sont les acteurs principaux des processus d'hypersensibilité
(Cosmi et al., 2010).
Les principales catégories de cellules T CD4+ ont été précédemment traitées dans la
partie 1.4. Une étude plus détaillée des caractéristiques de ces populations est réalisée dans les
parties suivantes.
2.2.2.1 Les cellules T helper effectrices
Les cellules T CD4 au repos synthétisent de très faibles niveaux de cytokines. Peu
après la stimulation antigénique par une CPA, les cellules Th commencent à produire de
l'IL-2 et sont désignées Th0. Alors que les cellules Th continuent de répondre au signal
d'activation, elles progressent vers des extrêmes en terme de différenciation, dépendamment
de la nature des cytokines présentes au site d'activation (Chaplin, 2010).
2.2.2.1.1 Les cellules Th1 et Th2
Dès 1986, il a été observé une hétérogénéité fonctionnelle au sein des cellules Th, par
les différents profils cytokiniques produits, chez la souris et l'homme. Les cellules Th ont
alors été catégorisées en deux catégories principales, de type 1 et 2, et appelées
respectivement cellules Th1 et cellules Th2.
Les cellules Th1 produisent de hauts niveaux d'IFN-γ, qui est responsable à la fois de
l'activation des phagocytes et de la production d'anticorps opsonisants et fixant le complément
par les cellules B, jouant ainsi un rôle important dans la protection contre les pathogènes
intracellulaires (Cosmi et al., 2010). Elles produisent également la lymphotoxine α (LTα) et
l'IL-2. La première a été impliquée en tant que marqueur pour la progression de la maladie
chez les patients atteints de sclérose en plaques. Les souris déficientes en LTα sont résistantes
à l'encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE). La production d'IL-2 est importante
pour la mémoire T CD4. Les cellules IFNγ+IL-2+ sont vues comme les précurseurs des
cellules mémoires Th1. La stimulation des cellules CD8 par l'IL-2 durant leur phase
d'amorçage est critique pour la formation de la mémoire CD8 (Zhu et Paul, 2008).
Les cellules Th2 produisent de l'IL-4, IL-5, IL-9 et IL-13, étant ainsi majoritairement
impliquées dans la protection contre les parasites helminthiques. L'IL-4 et l'IL-13 sont les
médiateurs majeurs de la commutation de classe des cellules B vers l'IgE. L'interaction de
l'IgE, fixée au FcεRI sur les basophiles et les mastocytes, avec un ligand multivalent, induit la
92
liaison croisée avec le FcεRI, ce qui mène à la sécrétion de médiateurs actifs comme
l'histamine et à la production de différentes cytokines et chémokines, incluant l'IL-4, l'IL-13,
le TNF-α et les éotaxines. L'IL-5 régule positivement un grand nombre de fonctions des
éosinophiles, incluant l'éosinophilopoïèse, le relargage par la moelle osseuse, l'activation et la
survie. L'IL-9 augmente la résistance aux nématodes intestinaux à travers une action sur les
mastocytes, et induit la production de mucines par les cellules épithéliales (Cosmi et al.,
2010). Elles sécrètent également de l'IL-10 et de l'IL-25, ainsi que l'amphiréguline. L'IL-10
produite par les cellules Th2 supprime la prolifération des cellules Th1. Elle peut également
supprimer la fonction des cellules dendritiques. L'IL-25 (également connue sous le nom IL17E) augmente la production d'IL-4, IL-5 et IL-13 par une population non-lymphocytaire
unique c-kit+FcεRI-, via une signalisation par l'IL-17RB. L'IL-25 est également produite par
les cellules épithéliales pulmonaires en réponse aux allergènes. Ainsi, l'IL-25 sert en tant que
facteur d'initiation aussi bien que d'amplification des réponses Th2. Elle peut induire la
production de chémokines donc CCL5 (RANTES) et CCL11 (éotaxine) qui recrutent les
éosinophiles (Zhu et Paul, 2008).
Les mécanismes responsables de la polarisation Th1 ou Th2 sont en cours
d'exploration. Basé sur l'observation que l'IL-12 et l'IFN-α, deux cytokines produites par les
cellules dendritiques, agissent en tant qu'inducteurs puissants de la polarisation Th1 chez
l'homme, il a été montré que le type de réponse immunitaire innée était le principal
mécanisme conditionnant le type d'immunité adaptative ultérieur. En particulier, l'expression
sur les cellules dendritiques des TLR (toll like receptor) leur permettent d'interagir avec un
groupe de structures hautement conservées de nombreuses bactéries et virus et cette
interaction résulte dans la production par les cellules dendritiques de hauts niveaux d'IL-12 et
d'IFN-α, expliquant ainsi la polarisation Th1 habituellement induite par les infections
microbiennes. En effet, l'IFN-α produit par les cellules dendritiques et l'IFN-γ produit par les
cellules NK après stimulation par l'IL-12, active STAT1 dans les cellules Th naïves, qui
régule positivement l'expression de T-bet, qui à son tour induit la production précoce d'IFN-γ
par les cellules T et régule positivement l'expression d'IL-12Rβ2. Les cellules T exprimant
l'IL-12Rβ2 peuvent alors directement répondre à l'IL-12, qui à travers l'activation de STAT4,
induit une forte production d'IFN-γ et soutient l'expression d'IL-12Rβ2. Ainsi, la collaboration
entre les IFN et l'IL-12 induit une différenciation Th1 complète. À des stades plus tardifs de la
différenciation Th1, l'IL-18Rα est également régulé positivement. La régulation positive
d'IL-18Rα requiert une signalisation IL-12/STAT4 et est ultérieurement augmentée par
l'IFN-γ. L'IL-12 et l'IL-18 induisent ensemble la production d'IFN-γ par les cellules Th1 en
l'absence de stimulation TCR. Une telle production de cytokine indépendante de l'antigène est
probablement importante pour amplifier les réponses Th1 en recrutant d'autres cellules Th1
pré-existantes (Cosmi et al., 2010).
Concernant la polarisation Th2, celle-ci est principalement due à la production précoce
d'IL-4 durant la réponse primaire. Cependant, les cellules et les mécanismes responsables de
cette production précoce d'IL-4 ne sont pas encore complètement élucidés. Seulement
récemment, il a été suggéré que l'IL-4 pourrait être produite par les cellules Th naïves ellesmêmes, sous le facteur déclenchant Notch, en conséquence de l'expression par les cellules
dendritiques de son ligand Jagged-1 à la fois chez l'homme et la souris. Une autre possibilité
est la production par d'autres types cellulaires, comme les mastocytes et les macrophages
93
présents dans l'intestin des animaux infestés par les vers ou les cellules épithéliales
pulmonaires, d'une cytokine récemment découverte, nommée IL-25. L'IL-25 peut induire la
production précoce d'IL-4 par des cellules non-T, non-B, c-kit+ et FcεRI+ ou par les cellules
Th naïves elles-mêmes, permettant ainsi sa polarisation Th2. Dans chacun des cas,
l'interaction de l'IL-4 avec son récepteur résulte dans l'activation de STAT6 qui à son tour
régule positivement l'expression de GATA-3 et c-Maf. GATA-3 augmente sa propre
expression, probablement lorsqu'il atteint un niveau seuil. De plus, GATA-3 se fixe aux
régions du loci Il4/Il13, incluant les sites hypersensible Va à la DNase I et le CNS (conserved
non-coding sequence)-1. Cependant, GATA-3 seul n'est pas suffisant pour induire la
production d'IL-4, et il est requis une activation relayée par l'IL-2 de STAT5, jouant un rôle
crucial dans l'induction/le maintien de l'accessibilité au second intron HSII et HSIII des sites
hypersensibles à la DNase I du locus IL4. En effet, STAT5 est fixé à ces deux sites dans les
cellules Th2 mais pas Th1. La collaboration de STAT5 et GATA-3 permet une différenciation
Th2 complète in vitro. Il existe une régulation mutuelle des polarisation Th1 et Th2 induites
non seulement par l'IL-4 et l'IFN-γ, respectivement, mais également par les facteurs de
transcription spécifiques des voies Th1 et Th2. GATA-3 régule négativement STAT4, et
l'activation de STAT5 inhibe l'expression de T-bet. Cependant, T-bet peut supprimer
l'expression de GATA-3 (Cosmi et al., 2010).
En plus de différentes fonctions protectrices contre les pathogènes, les cellules Th1 et
Th2 sont impliquées dans différents troubles humains. Des réponses Th1 incontrôlées seraient
impliquées dans la pathogénèse de maladies auto-immunes spécifiques d'organes, ainsi que
d'autres troubles inflammatoires chroniques, comme la maladie de Crohn, la sarcoïdose et
l'athérosclérose ; les cellules Th2 jouent probablement un rôle central dans le développement
des désordres allergiques (Cosmi et al., 2010).
2.2.2.1.2 Les cellules Th17
Le paradigme Th1-Th2 a été maintenu jusqu'il y a quelques années, lorsqu'une
troisième catégorie de cellules Th effectrices a été découverte, et nommée Th17. Bien que
l'existence de l'IL-17 comme produit de cellules Th activées était connue depuis plus de 10
ans, il a été reconnu seulement récemment l'existence d'une catégorie distincte de cellules T.
Les cellules Th17 produisent les cytokines IL-17A et IL-17F, ainsi que de l'IL-21 et de
l'IL-22. La famille IL-17 de cytokines comprend cinq membres. l'IL-17A et l'IL-17F peuvent
exister aussi bien en homodimères qu'en hétérodimères (Cosmi et al., 2010). L'IL-17A peut
induire de nombreuses cytokines inflammatoires telles l'IL-6 ou bien des chémokines comme
l'IL-8 (CXCL8). De plus, à la fois l'IL-17A et l'IL-17F recrutent et activent les neutrophiles
durant les réponses immunitaires contre les bactéries extracellulaires et les champignons (Zhu
et Paul, 2008). Les cellules Th17 jouent ainsi un rôle critique dans le recrutement, l'activation
et la migration des granulocytes neutrophiles en induisant la production du CSF (colony
stimulating factor) et de CXCL8 dans les cellules résidantes du tissu. Les autres membres de
la famille IL-17 (IL-17B, IL-17C et IL-17D) sont produits par des cellules non-T. La fonction
principale des cellules Th17 apparaît être la clairance des pathogènes extracellulaires durant
les infections (Cosmi et al., 2010). L'IL-21, synthétisée par les cellules Th17, est un facteur
stimulateur de la différenciation Th17 et participe en tant qu'amplificateur du feedback positif,
94
comme le font l'IFN-γ pour la voie Th1 et l'IL-4 pour les cellules Th2. Elle agit également sur
les cellules CD8, les cellules B, les cellules NK et les cellules dendritiques. L'IL-22 est
produite par les cellules Th17 après l'activation de STAT3 médiée par l'IL-6 ou l'IL-23 ; le
TGF-β inhibe l'expression d'IL-22. L'AHR (récepteur aux hydrocarbures aromatiques), un
récepteur pour la dioxine, est hautement exprimé dans les cellules Th17 et joue un rôle
important dans l'expression d'IL-22. L'IL-22 relaye l'acanthosis et l'inflammation dermique
induite par l'IL-23. Elle protège également les hépatocytes durant les inflammations
hépatiques aigües. L'IL-22 permet la défense contre des pathogènes bactériens comme
Klebsiella pneumoniae et Citrobacter rodentium. Cependant, ces fonctions dépendent
possiblement fortement de la stimulation par l'IL-23 des cellules innées pour produire l'IL-22
plutôt que de l'action des cellules Th17 (Zhu et Paul, 2008).
Les cellules Th17 murines expriment un facteur de transcription majeur différent de
celui des cellules Th1 et Th2, un récepteur orphelin (récepteur dont le ligand est inconnu)
appelé RORγt. Un second récepteur orphelin, appelé RORα, a été trouvé et contribue au
développement des cellules Th17 murines, et STAT3 est également essentiel pour leur
développement, bien que le fait qu'il agisse directement ou à travers l'activation de RORγt
n'est pas élucidé (Cosmi et al., 2010).
Les études chez l'homme montrent que les cellules Th17 expriment non seulement
RORC, CCR6, CCR4 et l'IL-23R, mais également l'équivalent du NK1.1 murin, et qu'elles
produisent de l'IL-17A, IL-17F, IL-22, IL-26 et la chémokine CCL20. Il est à relever qu'une
proportion notable de cellules Th17 humaines produit de l'IFN-γ en plus de l'IL-17A, et que
ces cellules sont nommées Th17/Th1. Les cellules Th17 et Th17/Th1 expriment également la
chaine IL-12Rβ2 et le facteur de transcription relié aux cellules Th1, T-bet. Finalement, la
stimulation des cellules Th17 humaines en présence d'IL-12 régule négativement RORC et
régule positivement T-bet et permet à ces cellules de produire de l'IFN-γ en plus de l'IL-17A.
Ces observations soutiennent le concept de plasticité des cellules Th17 et indiquent la
possibilité que, au moins chez les humains, les cellules Th17 et Th1 peuvent se développer et
coexister dans le même microenvironnement (Cosmi et al., 2010).
Les mécanismes impliqués dans l'induction de lymphocytes Th17 sont différents chez
la souris et l'homme. Bien que les cellules Th17 murines ont pour origine les cellules Th
naïves en présence du TGF-β et de l'IL-6, les cellules Th17 humaines se développent
exclusivement en présence d'IL-1β et d'IL-23 à partir d'une petite catégorie de cellules Th
naïves qui expriment l'homologue du NK1.1 murin. Le possible rôle du TGF-β dans la
différenciation des cellules Th17 humaines a été un sujet de débat intense, certaines études
indiquant que l'addition dans la culture de TGF-β exogène est nécessaire pour l'induction de
l'expression de RORC alors que d'autres ne l'indiquent pas. Les études de Cosmi et al.
indiquent que les précurseurs des cellules Th17 humaines expriment déjà RORC et IL-23R ex
vivo et que le TGF-β exogène, en exerçant une activité suppressive sur la prolifération des
cellules Th1, favorise indirectement le développement des cellules Th17. Le rôle critique de la
signalisation IL-1 dans la différenciation des cellules Th17 a été récemment démontré, même
chez la souris, et il a été montré qu'en présence d'IL-1, l'addition de TGF-β exogène perd son
importance (Cosmi et al., 2010).
La démonstration de la possibilité pour les cellules Th17 humaines de changer pour un
phénotype Th1, aussi bien que l'identification in vivo de lymphocytes Th17/Th1 ont été deux
95
découvertes cruciales dans la résolution des problèmes concernant le rôle respectif des deux
types de cellules effectrices dans la pathogénèse de l'auto-immunité murine et humaine, aussi
bien que d'autres désordres inflammatoires chroniques. Il a été récemment montré que les
cellules Th17 peuvent promouvoir l'inflammation pancréatique, mais induisent seulement le
diabète insulinodépendant de type I de manière efficace chez les souris en lymphopénie après
la conversion en cellules Th1. De manière plus importante, le développement du diabète
insulinodépendant de type I est prévenu par le traitement avec de l'anti-IFN-γ, mais pas avec
de l'anti-IL-17A. Ainsi, la plasticité des cellules Th17 en cellules Th1 initialement observée
chez l'homme est également confirmée chez la souris et fournit la base pour soutenir le rôle
pathogénique majeur des cellules Th1 dérivées des cellules Th17 dans l'auto-immunité et
autres désordres inflammatoires chroniques. Une représentation schématique des phénotypes
Th chez l'homme est fournie en figure 20 (Cosmi et al., 2010).
Figure 20 : Les principaux phénotypes de cellules T-helper effectrices humaines. Adapté
d'après Cosmi et al. (2010).
2.2.2.1.3 Les cellules Tfh
Récemment, il a été décrit une autre catégorie de cellules Th, appelée cellules Th
folliculaires, spécialisées dans l'aide aux réponses B et qui est localisée dans les follicules B
des organes lymphoïdes secondaires. La migration des cellules Tfh au sein des follicules B est
gouvernée en majeure partie par l'expression régulée de récepteurs aux chémokines, comme le
CXCR5 et le CXCR4 (Cosmi et al., 2010).
96
2.2.2.1.4 Autres sous-populations de cellules T helper effectrices
L'IL-22 est une cytokine connue pour être produite par les cellules Th17 ou encore les
cellules NK. Très récemment, une population de cellules Th sécrétant l'IL-22 sans produire
d'IL-17 a été découverte, et ainsi appelée lymphocytes Th22 (Eyerich et al., 2009).
Très récemment également, il a été montré que la combinaison de TGF-β et d'IL-4
induit la différenciation de cellules T CD4+ naïves chez la souris, en une unique souspopulation de cellules T produisant de l'IL-9. Ces cellules ont ainsi été appelées Th9. La
fonction de cette sous-population n'est pas définitivement connue mais il serait possible
qu'elle intervienne dans l'immunité contre les infestations par des helminthes ou la
favorisation de maladies inflammatoires (Dardalhon et al., 2008). Ces cellules Th9 ont
également été mises en évidence chez l'homme, encore plus récemment, mais restent très mal
définies (Wong et al., 2010).
2.2.2.2 Les cellules T régulatrices
La réponse immunitaire adaptative est capable de reconnaître finement et efficacement
les pathogènes, mais en même temps, elle tolère les auto-antigènes pour éviter les
phénomènes d'auto-immunité. Dans ce but, le système immunitaire a développé un
mécanisme double de contrôle basé d'un côté sur la délétion des lymphocytes auto-réactifs
dans les organes lymphoïdes primaires (ce qui est appelé tolérance centrale), et de l'autre côté
sur un contrôle périphérique de ces cellules auto-réactives qui échappent à la tolérance
centrale (ce qui est appelé tolérance périphérique), qui prend place dans les organes
lymphoïdes secondaires et les tissus. La tolérance centrale est cruciale pour le contrôle des
réponses auto-immunes ; la tolérance périphérique permet au système immunitaire de
contrôler les cellules auto-réactives qui ont échappé à la tolérance centrale, et est également
responsable de la tolérance envers les antigènes exogènes, comme les antigènes de
l'alimentation (Cosmi et al., 2010).
L'un des mécanismes de cette tolérance périphérique est la suppression cellulaire,
basée sur les cellules T qui possèdent des activités régulatrices, appelées Treg. Les cellules
Treg, dont l'existence est postulée depuis les années 70, sont séparées en deux groupes : les
cellules Treg naturelles ou innées (nTreg) et les cellules Treg adaptatives ou induites (iTreg).
Les premières ont pour origine, et acquièrent le phénotype régulateur, dans le thymus, tandis
que les secondes proviennent du thymus en tant que cellules T effectrices conventionnelles, et
acquièrent les propriétés régulatrices en périphérie, en présence de stimuli environnementaux
particuliers durant la présentation antigénique (figure 21) (Cosmi et al., 2010).
Les bases moléculaires de l'activité suppressive consistent en la production de
cytokines comme le TGF-β, l'IL-10 et l'IL-35. Le TGF-β ne semble pas absolument requis
dans certains cas, particulièrement in vitro, mais semble très important dans le relai de
l'activité suppressive dans quelques circonstances in vivo. La production d'IL-10 est critique
pour prévenir et guérir les maladies inflammatoires intestinales. La délétion spécifique
d'IL-10 dans les cellules Treg résulte dans le développement de colites spontanées et dans une
augmentation de l'inflammation pulmonaire. L'IL-10 joue également un rôle important pour
limiter la sévérité de l'EAE aux stades tardifs. Durant les infections par Leishmania, la
97
production d'IL-10 par les cellules Treg dans la lésion maintient l'homéostasie entre l'hôte et
le pathogène, permettant une persistance d'un faible niveau de pathogènes et une stimulation
continue de l'immunité protectrice. L'IL-35, qui consiste en l'EBI3, une chaine partagée avec
l'IL-27, et la sous-unité p35 de l'IL-12, est produite par les cellules Treg et contribue
également à l'activité suppressive (Zhu et Paul, 2008).
Figure 21 : Les lymphocytes T régulateurs naturels et adaptatifs chez l'homme. Adapté
d'après Cosmi et al. (2012).
2.2.2.2.1 Les cellules T régulatrices naturelles
Les premières observations relatives à ces cellules ont été faites dans les années 1990,
démontrant que les souris nouveau-nées ayant subi une thymectomie développent des
manifestions d'auto-immunité, et n'expriment plus une catégorie de cellules T circulantes
CD4+IL-2Rα+. De manière intéressante, la transfert de telles cellules, de souris normales à des
souris ayant subi une thymectomie, prévient de l'instauration d'une auto-immunité. Le facteur
de transcription Foxp3 est spécifiquement exprimé dans ces cellules CD4+IL-2Rα+ et est
requis pour leur développement. Depuis cette découverte, Foxp3 est considéré comme le
marqueur le plus fiable des cellules nTreg. De manière intéressante, Foxp3 est également
exprimé par une catégorie de cellules T CD8+ ayant des propriétés immunorégulatrices et
exprimant l'IL-2Rα à leur surface (Cosmi et al., 2010).
98
La suppression in vitro exercée par les cellules nTreg sur les cellules Th effectrices
dépend de contacts cellule à cellule. Il a été montré que le CTLA-4 est potentiellement
impliqué dans le mécanisme de suppression des cellules nTreg. En particulier, les AcM
neutralisants dirigés contre le CTLA-4 sont capables de réduire in vitro l'effet antiprolifératif
des cellules nTreg sur les cellules Th effectrices activées. De plus, CTLA-4 induit l'expression
de TGF-β1 sur les cellules Treg, et les cellules nTreg activées expriment le TGF-β1
membranaire, et son implication dans les activités suppressives des cellules Treg est
démontrée à la fois in vitro et in vivo. En particulier, l'addition d'anticorps neutralisants contre
le TGF-β1 est capable de réduire l'activité antiproliférative des cellules nTreg sur les cellules
Th effectrices activées. L'un des mécanismes proposés est la régulation négative par le
TGF-β1 de l'IL-2Rα sur les cellules T effectrices, résultant dans leur incapacité à proliférer en
réponse à l'IL-2 (Cosmi et al., 2010).
La spécificité antigénique des cellules nTreg est déterminée dans le thymus, où elles
restent en contact avec leur auto-antigènes apparentés, ainsi les cellules nTreg sont pensées
être dévolues exclusivement à la suppression de l'auto-immunité, quand bien même la
présence de cellules nTreg spécifiques d'antigènes étrangers a été démontrée chez l'homme
récemment. La fréquence des cellules nTreg dans le sang périphérique de patients souffrant de
manifestations auto-immunes (comme le diabète de type I) ne semble pas significativement
affectée, à la fois dans des affections spécifiques d'organes ou systémiques, tandis que leur
capacité à supprimer les cellules T effectrices semble compromise. Il n'est pas certain que le
défaut de régulation dépende de la fonction des cellules Treg ou bien d'une résistance des
cellules T effectrices aux cellules Treg, ou bien dépende des deux. Récemment, sur un modèle
murin d'EAE, il a été montré que la présence de cytokines pro-inflammatoires, en particulier
l'IL-6 et le TNF-α, peut réduire la susceptibilité des cellules T effectrices aux cellules nTreg.
De plus, les cellules nTreg présentent une activité immunosuppressive différente sur les
différentes sous-populations Th, en particulier les cellules Th2 et Th17 étant moins
susceptibles que les cellules Th1 à l'action des cellules nTreg. Ainsi, il paraît raisonnable que
le rôle des cellules nTreg soit plus important dans le contrôle des maladies liées aux réponses
Th1 que Th2 ou Th17 (Cosmi et al., 2010).
Les cellules nTreg jouent ainsi un rôle essentiel dans le maintien de la tolérance du soi,
mais elles peuvent également permettre aux cellules tumorales d'échapper à l'immunosurveillance. En particulier, le modèle actuel suggère que les cellules tumorales recrutent ou
induisent localement les cellules Treg, menant à l'inhibition de l'immunité anti-tumorale dans
le microenvironnement néoplasique. Ce phénomène limite l'efficacité des réponses
immunitaires anti-tumorales et également de l'immunothérapie. Chez l'homme, sur plusieurs
variétés de tumeurs, une augmentation des cellules nTreg a été notée en comparaison à des
sujets sains (Cosmi et al., 2010).
2.2.2.2.2 Les cellules T régulatrices induites
Comme dit précédemment, les cellules iTreg acquièrent leur phénotype
immunorégulateur en périphérie. Parmi les cellules iTreg il est possible de distinguer, sur la
base de facteurs solubles produits, les cellules Tr1 qui secrètent de hauts niveaux d'IL-10 et
les cellules Th3 qui produisent majoritairement du TGF-β (Cosmi et al., 2010).
99
2.2.2.2.2.1 Les cellules Tr1
Les cellules Tr1 apparaissent en périphérie lorsque les cellules T CD4+ naïves sont
activées par les CPA en présence de hauts niveaux d'IL-10. Les cellules Tr1 résultantes
régulent les réponses immunitaires en sécrétant de l'IL-10 et de plus faibles quantités de
TGF-β (Cosmi et al., 2010).
2.2.2.2.2.2 Les cellules Th3
Les cellules Th3 sont des cellules Treg impliquées dans la tolérance buccale. La
tolérance buccale a été classiquement définie comme la suppression spécifique exercée par le
système immunitaire contre des antigènes administrés oralement, comme les protéines
alimentaires dans des conditions physiologiques. L'identification des cellules Th3 remonte à
1994, lorsque des cellules Th sécrétant du TGF-β ont été isolées et clonées à partir des nœuds
lymphatiques mésentériques dans des modèles murins d'EAE, et de myasthenia gravis autoimmune expérimentale. Deux années plus tard, des LT ayant les mêmes caractéristiques ont
été identifiés également dans le sang périphérique de patients atteints de sclérose en plaques,
après l'administration orale de MBP (myelin basic protein). Différentes études ont démontré
l'efficacité des auto-antigènes administrés oralement dans des modèles animaux de maladies
auto-immunes et inflammatoires. Les essais appliqués ce jour à l'homme sont néanmoins non
concluants (Cosmi et al., 2010).
2.2.2.2.2.3 Cas particulier de l'IL-10
Les cellules T CD4 autres que les cellules Th2 et Treg peuvent également produire de
l'IL-10. La production d'IL-10 par les cellules Th1 et Th17 pourrait jouer un rôle important
dans la limitation de leur propre fonction effectrice. L'IL-10, l'IL-27 et le TGF-β peuvent
induire la production d'IL-10. Les cellules Tr1 pourraient donc inclure de nombreux types de
cellules capables de produire de l'IL-10. Ainsi, la production d'IL-10 par les cellules T CD4
sert en tant que mécanisme régulateur négatif pour limiter les réponses immunitaires et
prévenir les dommages tissulaires de l'hôte (Zhu et Paul, 2008).
2.2.2.3 Régulation croisée de la différenciation des lymphocytes T
helper
La différenciation d'une catégorie de cellules Th implique des feedback positifs par les
cytokines. Le processus de différenciation implique également activement une inhibition
croisée des autres lignages de cellules Th (figure 22). En effet, il existe une suppression
mutuelle entre l'IFN-γ et l'IL-4. Le TGF-β supprime la différenciation Th1 et Th2, et à la fois
l'IL-4 et l'IFN-γ inhibent la différenciation Th17.
La régulation croisée de la différenciation Th par les cytokines pourrait être
partiellement expliquée par l'interaction des gènes majeurs. T-bet supprime la fonction de
GATA-3 par fixation directe des facteurs. De telles interactions pourraient également être
importantes pour la suppression du développement Th1 relayé par l'IL-4. Le TGF-β induit
100
l'expression de RORγt dans les cellules Th17 et Treg, tandis que Foxp3 n'est trouvé que dans
les cellules Treg. Malgré l'expression de RORγt, les cellules Treg ne produisent pas d'IL-17.
La suppression de fonction de RORγt dans les cellules Treg est expliquée par la fixation
protéine-protéine directe entre le RORγt et Foxp3. De plus, une faible concentration de TGF-β
peut induire l'expression de RORγt, tandis que l'induction de Foxp3 requiert de hautes
concentrations de TGF-β. Ainsi, le niveau de TGF-β aussi bien que la présence ou l'absence
de cytokines pro-inflammatoires détermine la balance entre RORγt et Foxp3 et ainsi
détermine si la voie Th17 ou Treg est adoptée. En plus de l'interaction directe entre les
facteurs de transcription spécifiques de lignage, une compétition pour la fixation sur l'ADN a
également été rapportée. STAT5 pourrait être en compétition avec STAT3 pour la fixation au
promoteur d'IL17, avec pour conséquence une production supprimée d'IL-17 (Zhu et Paul,
2008).
Figure 22 : Régulation croisée entre les facteurs impliqués dans la différenciation Th1 et
Th2. Tiré de Zhu et Paul (2008).
Un autre niveau de régulation croisée se fait à travers la régulation de transcription de
facteurs critiques. GATA-3 régule négativement STAT4. Une forte activation de STAT5
inhibe l'expression de T-bet. D'un autre côté, T-bet supprime l'expression de GATA-3.
Finalement, la régulation croisée se produit au niveau de la transcription des cytokines.
Foxp3 supprime l'IL-2 via sa fixation à NFAT et Runx1. Runx3 inhibe la production d'IL-4
via sa fixation à la région HSIV du locus IL4. Une déficience en GATA-3 résulte dans la
production spontanée d'IFN-γ, indépendante de l'IL-12 et de l'IFN-γ. Gfi-1 (growth factor
independent 1 transcription repressor), qui agit en faveur de la croissance cellulaire Th2,
supprime à la fois la production d'IL-17 et d'IFN-γ. Les facteurs exprimés par les cellules
Th17 qui sont responsables de la suppression de la production de cytokines des autres
lignages sont inconnus (Zhu et Paul, 2008).
2.2.3 Les cellules NKT
Une petite catégorie de cellules T α:β n'expriment ni CD4, ni CD8, et expriment
NK1.1, antigène présent sur les cellules NK. Elles sont appelées cellules NKT, et
reconnaissent les antigènes glycolipidiques présentés par la molécule CD1d. Elles
apparaissent être immunorégulatrices ; en effet, elles ont la capacité de relâcher rapidement de
101
grandes quantités de cytokines IFN-γ, IL-4, GM-CSF (granulocyte macrophage colony
stimulating factor), TNF et d'autres (Chaplin, 2010).
2.2.4 Les cellules T mémoires
Les réponses immunitaires à un antigène médiées par les cellules T résultent
classiquement dans la genèse de cellules T mémoires spécifiques pour cet antigène, qui
persisteraient pendant des années, si ce n'est toute la vie. Ainsi, les cellules mémoires
fournissent une défense optimale contre les pathogènes répandus de l'environnement et
pouvant être régulièrement rencontrés. Le succès de la vaccination est attribué en grande
partie à la capacité de générer des cellules mémoires à une exposition antigénique initiale.
La taille du réservoir mémoire est proportionnelle à la taille de la population naïve
spécifique de l'antigène. Les cellules mémoires se développeraient à partir des cellules
effectrices selon une voie linéaire, ou bien les populations effectrice et mémoire suivent une
différenciation divergente et sont deux destins alternatifs de lymphocytes activés par
l'antigène et d'autres stimuli (figure 23). Les mécanismes qui déterminent si une cellule T
spécifique de l'antigène individuelle deviendra une cellule effectrice de courte durée de vie ou
entrera dans le réservoir de cellules mémoires de longue durée de vie ne sont pas établis. Les
signaux qui dirigent le développement des cellules mémoires ne sont pas non plus établis. Une
possibilité serait que les cellules mémoires contiennent des facteurs de transcription différents
de ceux présents dans les cellules effectrices, et que la nature des facteurs de transcription
influence le choix de la voie de différenciation (Abbas et al., 2012).
Les cellules T mémoires ont différentes caractéristiques responsables de leur survie et
de leur activation rapide.
Tout d'abord, elles sont définies par leur capacité à survivre dans un état quiescent
après l'élimination de l'antigène et à monter des réponses plus amples et rapides aux antigènes
comparé aux cellules naïves. Tandis que les cellules T naïves vivent pour des semaines à mois
et sont remplacées par les cellules matures qui se développent dans le thymus, les cellules T
mémoires survivent pour des mois à années. Ainsi, tandis que l'homme vieillit dans un
environnement dans lequel il est constamment exposé et dans lequel il répond constamment
aux agents infectieux, la proportion des cellules mémoires induites par ces microbes augmente
progressivement par rapport aux cellules naïves. Chez les individus de plus de 50 ans, la
moitié, voire plus, des cellules T circulantes seraient des cellules T mémoires. La réponse
rapide des cellules mémoires à un antigène a été documentée dans de nombreuses études. Par
exemple, chez la souris, les cellules T naïves répondent en 5 à 7 jours in vivo, et les cellules
mémoires en 1 à 3 jours.
Le nombre de cellules T mémoires spécifiques pour quelconque antigène est plus
grand que le nombre de cellules naïves spécifiques de ce même antigène. En effet, la
prolifération mène à une forte expansion clonale dans toutes les réponses immunitaires et à la
différenciation en cellules effectrices, la plupart desquelles meurent après que l'antigène soit
éliminé. Les cellules survivantes sont les cellules mémoires, et elles sont typiquement 10 à
100 fois plus nombreuses que le réservoir de cellules naïves avant la rencontre de l'antigène.
L'augmentation de la taille du réservoir est une raison majeure faisant que la provocation
102
antigénique chez un individu déjà immunisé induit une réponse plus robuste que la première
immunisation chez un individu naïf.
Figure 23 : Le développement des cellules T mémoires. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
En réponse à l'antigène et la co-stimulation, les cellules T naïves se différencient en cellules effectrices et
mémoire. Certains des marqueurs phénotypiques de ces populations sont montrés en A.
A. Selon le modèle de différenciation linéaire des cellules T mémoire, la plupart des cellules effectrices meurt et
quelques survivants se développent en cellule mémoire.
B. Selon le modèle de différenciation divergente, les cellules effectrices et mémoire sont deux destins alternatifs
des cellules T activées.
Les cellules mémoires expriment des niveaux augmentés de protéines antiapoptotiques, ce qui serait responsable de leur survie prolongée. Ces protéines incluent Bcl-2
et Bcl-XL, qui favorisent la stabilité mitochondriale et bloquent l'apoptose induite par la
déficience de signaux de survie. La présence de ces protéines permet aux cellules mémoires
de survivre même après que l'antigène soit éliminé et que les réponses immunitaires innées
s'apaisent, et que les signaux normaux pour la survie et la prolifération des cellules T aient
disparu.
Les cellules mémoires subissent une prolifération lente, et cette capacité d'autorenouvellement contribuerait à la longue espérance de vie du réservoir mémoire. Le cycle de
ces cellules serait dirigé par des cytokines. Avec cette capacité d'auto-renouvellement, les
cellules mémoires ont été reliées aux cellules souches. Le maintien des cellules mémoires est
dépendant des cytokines, mais ne requiert pas de reconnaissance antigénique. La cytokine la
plus importante pour le maintien des cellules T mémoires CD4+ et CD8+ est l'IL-7, qui joue
également un rôle clé dans le développement lymphocytaire précoce et dans la survie des
cellules T naïves. Une forte expression du récepteur à l'IL-7 est caractéristique des cellules T
mémoires. Les cellules T mémoires CD8+ dépendent également de la cytokine IL-15 pour leur
survie. L'IL-7 et l'IL-15 induisent l'expression des protéines anti-apoptotiques et stimulent la
prolifération à bas niveau, ces deux phénomènes maintenant les populations de cellules T
103
mémoires durant de longues périodes. L'indépendance des cellules mémoires par rapport à la
reconnaissance antigénique a été démontrée par des expériences chez la souris, dans
lesquelles les récepteurs antigéniques sont génétiquement délétés après que les lymphocytes
matures se soient développés. Chez ces souris, le nombre de lymphocytes naïfs chute
rapidement mais les cellules mémoires sont maintenues.
Les loci des cytokines et autres molécules effectrices seraient fixés dans une
configuration accessible dans les cellules mémoires. Il y a quelques preuves que la chromatine
entourant les gènes de cytokines dans les cellules mémoire T CD4+ et les gènes codant les
molécules comme la perforine dans les cellules mémoires T CD8+ sont dans une configuration
accessible, peut-être à cause des changements dans la méthylation et l'acétylation des
histones. Ces gènes sont alors prêts à répondre rapidement à la provocation antigénique, ce
qui est compatible avec la réponse effectrice rapide des cellules mémoires. Les cellules T
mémoires sont également moins dépendantes de la co-stimulation que ne le sont les cellules
naïves, leur permettant de répondre aux antigènes présentés par une grande diversité de CPA
dans les tissus périphériques ; au contraire, les cellules T naïves sont dépendantes de la
présentation antigénique par les cellules dendritiques matures dans les organes lymphoïdes.
L'indépendance relative des cellules T mémoires par rapport à la co-stimulation pourrait
également être reliée à l'état d'accessibilité des loci qui codent pour les molécules impliquées
dans les réponses T (Abbas et al., 2012).
Par ailleurs, de nombreuses expériences indiquent qu'une aide des cellules T CD4 est
nécessaire pour la mémoire T CD8. En effet, des souris n'ayant pas de cellules T CD4 suite à
une déficience en CMH de classe II génèrent des réponses secondaires plus faibles,
caractérisées par des cellules T CD8 mémoires spécifiques du pathogène se multipliant plus
faiblement, sans néanmoins qu'il n'y ait une influence sur la réponse primaire. D'autres
expériences indiquent que cette aide T CD4 est nécessaire pour programmer les cellules T
CD8 naïves à être capables de générer des cellules mémoires capables d'une expansion
secondaire robuste. Les cellules T CD8 mémoires qui se développent en l'absence d'aide CD4
ont été transférées au sein de souris sauvages. Après le transfert, les souris receveuses
subissent une nouvelle provocation antigénique. Chez les souris ayant reçu les cellules T CD8
mémoires qui se sont développées sans l'aide T CD4, les cellules T CD8 ont montré une
capacité réduite à proliférer même si les souris receveuses exprimaient le CMH II. Ce résultat
indique que l'aide des cellules T CD4 est requise durant la préparation des cellules T CD8 et
pas seulement le temps des réponses secondaires. Cette nécessite de l'aide CD4 dans la genèse
de la mémoire CD8 a également été démontrée par des expériences dans lesquelles les
cellules T CD4 étaient délétées par un traitement anticorps ou dans lesquelles les souris
étaient déficientes en gène CD4.
Les cellules T CD4 fournissent également une aide dans le maintien du nombre de
cellules T mémoires CD8, différent de leur effet de programmation des cellules T CD8 naïves
pour devenir des cellules mémoires. Quand les cellules T mémoires CD8 sont transférées au
sein de souris immunologiquement naïves, la présence ou l'absence de cellules T CD4 chez le
receveur influence le maintien des cellules mémoires CD8. Le transfert des cellules mémoires
CD8 au sein de souris n'ayant pas de cellules T CD4 est suivi par une diminution progressive
du nombre de cellules mémoires en comparaison avec un transfert similaire au sein de souris
sauvages. De plus, les cellules CD8 effectrices transférées au sein de souris n'ayant pas de
104
cellules T CD4 ont une relative détérioration de leurs fonctions effectrices. Ces expériences
montrent que les cellules T CD4 activées durant une réponse immunitaire ont un impact
significatif sur la quantité et la qualité de la réponse T CD8, même quand elles ne sont pas
requises pour l'activation initiale des cellules T CD8. Les cellules T CD4 aident à programmer
les cellules T CD8 naïves à être capables de générer des cellules T mémoires, aident à
promouvoir une activité effectrice efficace, et aident à maintenir le nombre de cellules T
mémoires (Murphy et al., 2012).
Les cellules T mémoires CD4 et CD8 sont hétérogènes et peuvent être subdivisées en
catégories basées sur leurs propriétés de localisation et leurs fonctions. Les cellules T
mémoires centrales expriment le récepteur chémokinique CCR7 et la L-sélectine et colonisent
principalement les nœuds lymphatiques. Elles ont une capacité limitée à accomplir les
fonctions effectrices à la rencontre antigénique, mais elles subissent des réponses
prolifératives brusques et génèrent de nombreuses cellules effectrices à une stimulation
antigénique. Les cellules T mémoires effectrices, d'un autre côté, n'expriment pas CCR7 ou la
L-sélectine et peuplent les sites périphériques, notamment les tissus muqueux. À la
stimulation antigénique, les cellules T mémoires effectrices produisent des cytokines
effectrices comme l'IFN-γ ou deviennent rapidement cytotoxiques, mais elles ne prolifèrent
pas beaucoup. Cette catégorie effectrice est prête à une réponse rapide contre une exposition
répétée à un microbe, mais l'éradication complète de l'infection requiert également de grands
nombres d'effecteurs générés par les cellules T mémoires centrales.
Les cellules T mémoires sont également hétérogènes en terme de profils cytokiniques.
Par exemple, les cellules T mémoires CD4 seraient dérivées de précurseurs avant
l'engagement au phénotype Th1, Th2 ou Th17, et lorsqu'elles sont activées par une
réexposition à l'antigène et aux cytokines, elles peuvent se différencier en quelconque de ces
catégories. D'autres cellules T mémoires seraient dérivées d'effecteurs Th1, Th2 ou Th17
complètement différenciés et conservent leur profil cytokinique respectif à la réactivation. Les
cellules T mémoires CD8+ maintiendraient quant à elles certaines des caractéristiques
phénotypiques des CTL différenciées (Abbas et al., 2012).
2.3 Phénotype de surface des lignées de cellules T
2.3.1 Les cellules T helper
2.3.1.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T CD4+
helper chez la souris et l’homme
2.3.1.1.1. Le paradigme Th1/Th2
2.3.1.1.1.1. Origine historique du paradigme Th1/Th2
À la fin des années 1970, il était généralement accepté que les cellules T pouvaient
être divisées en deux sous-populations distinctes sur la base de leurs marqueurs de surface
105
cellulaire : CD4 (Ly1) et CD8 (Ly2). Les cellules T CD4+ ont caractéristiquement été
supposées « aider » la synthèse d’anticorps (d’où le nom de cellules T helper), alors que les
cellules T CD8+ lysaient les cellules cibles infectées par un pathogène par contact direct
(Cantor et Boyse, 1975 ; Cantor et al., 1976 ; Dennert, 1974 ; Kisielow et al., 1975). De plus,
les cellules T CD4+ peuvent favoriser le développement des réponses médiées par les cellules
T CD8+ (Ashman et Müllbacher, 1979). Gershon et Kondo (1971) ainsi que plusieurs autres
groupes ont montré qu’une population de cellules T CD8+ (cellules T suppressives) régule
l’activation et le développement des cellules T CD4+. À la fin des années 1970, les
immunologistes pensaient que la compréhension du système immunitaire était alors assez
complète, avec une trame logique et une régulation précise par le réseau des cellules T.
Cependant, des éléments témoignant de l’hétérogénéité des cellules T CD4+ s’accumulaient
(Janeway, 1975 ; Liew et Parish, 1974 ; Marrack et Kappler, 1975 ; Tada et al., 1978), et il fut
enfin formellement montré en 1986 que les cellules T CD4+ de souris pouvaient être sousdivisées en deux sous-populations, désignées Th1 et Th2, sur la base de leur profil de
production de cytokines (Mosmann et al., 1986). Cette conclusion fut ensuite étendue aux
cellules T CD4+ humaines (Parronchi et al., 1991 ; Wierenga et al., 1990). Ces découvertes
eurent un impact immédiat non seulement sur notre compréhension des fonctions et
régulations de cellules T, mais aussi sur notre capacité à expliquer de nombreux troubles
dysimmunitaires. Le modèle Th1/Th2, dont l’origine et la progression de son établissement
sont représentées sur la figure 24, indiquait également de nouvelles approches thérapeutiques
possibles.
2.3.1.1.1.2. Différenciation des cellules Th1 et Th2
Dans l’initiation des réponses Th1, les CPA et particulièrement les cellules
dendritiques, stimulent les cellules T CD4+ naïves possédant des récepteurs apparentés aux
cellules T. Les CPA produisent une grande quantité d’IL-2 suite à leur activation (à travers la
stimulation de la combinaison des récepteurs TLR3, TLR4, TLR7, TLR8, TLR9 et TLR1 ou
la simple activation d’un TLR en présence de signaux de type 1 tels que l’IFN-γ, ou le
CD40L). Elles favorisent ainsi la différenciation cellulaire Th1 en agissant à la fois sur les
cellules NK et les cellules T (Trinchieri et Sher, 2007). L’IL-12 active les cellules NK pour
qu’elles produisent de l’IFN-γ, qui active en retour STAT1 en réponse aux cellules T CD4+,
sur-régulant leur expression de T-bet. T-bet, à son tour, induit la production d’IFN-γ et surrégule l’IL-12Rβ2. Ensuite, les cellules T exprimant l’IL-12Rβ2, avec un haut niveau de
T-bet, peuvent être sélectionnées par l’IL-12 produit par les cellules CPA. L’IL-12, à travers
l’activation de STAT4 induit la production d’IFN-γ et soutient l’expression de l’IL-12Rβ2.
Ainsi, la collaboration entre l’IFN-γ et l’IL-12 induit la différentiation complète Th1 (Murphy
et Reiner, 2002) comme indiqué sur la figure 25. À des stades plus tardifs de différenciation,
l’IL-18Rα est aussi sur-régulé. La sur-régulation de l’IL-18Rα requière les signaux
IL-12/STAT4 et est ensuite augmentée par l’IFN-γ. L’IL-12 et l’IL-18 induisent
conjointement la production d’IFN-γ par les cellules Th1 en absence de stimulation du TCR.
Une telle production de cytokine indépendante d’antigène est probablement importante pour
amplifier les réponses Th1 en recrutant d’autres cellules Th1 préexistantes (Zhu et Paul,
2008).
106
Figure 24 : Origine et progression de l’établissement du paradigme Th1/Th2. Adapté
d’après Liew (2002).
107
Figure 25 : Différenciation des cellules Th1 et Th2. Adapté d’après Murphy et Reiner
(2002).
À la fois l’IL-4 et l’IL-2 sont requises pour la différenciation Th2 in vitro (Cote-Sierra
et al., 2004 ; Le Gros et al., 2008). L’IL-4 peut être fournie de manière exogène, et dans ce
cas l’activation de STAT6 médiée par l’IL-4 induit l’expression de GATA-3. Si de l’IL-4
exogène n’est pas fournie, les cellules T CD4+ naïves peuvent produire une quantité limitée
d’IL-4, comme résultat de la transcription de GATA-3 médiée par le TCR et l’activation de
STAT5 médiée par l’IL-2 (Yamane et al., 2005). Une telle production endogène d’IL-4 se
produit seulement lorsque les cellules reçoivent des faibles signaux. L’IL-4 endogène agit
ensuite comme l’IL-4 exogène pour sur-réguler l’expression de GATA-3. GATA-3 a été
rapporté induire sa propre expression, probablement après avoir atteint un niveau seuil
(Ouyang et al., 2000). La voie IL-4/STAT6 induit aussi l’expression de Gfi-1, un répresseur
transcriptionnel, qui joue un rôle important dans la sélection de cellules GATA-3high pour leur
croissance, fournissant un composant sélectif dans la voie de développement Th2 (Zhu et al.,
2006a, 2002). GATA-3 se lie aux régions du loci Il4/Il13, dont le site hypersensible de la
DNase I et les sites CNS-I, mais n’est pas suffisant pour induire seul la production d’IL-4. De
plus, STAT5 se lie aux sites hypersensibles HSII et HSII de la DNaseI du locus Il4 chez les
cellules Th2 mais pas les Th1. La collaboration de STAT5 et de GATA-3 permet la
différenciation (Zhu et al., 2003, 2006b).
2.3.1.1.2. Les cellules Th17
Bien que l’existence de l’IL-17 comme produit des cellules T CD4+ activées est
connue depuis plus de 10 ans, les lymphocytes Th17 n’ont été reconnus que récemment en
tant que sous-population distincte des cellules T helper. Les cellules Th17 possèdent la
capacité exclusive de produire de l’IL-17A en plus d’autres cytokines, dont l’IL-17F
(Annunziato et al., 2008). La principale fonction des cellules Th17 semble être l’élimination
108
des pathogènes extracellulaires pendant les infections, mais elles contribuent aussi à
promouvoir l’inflammation et il a été suggéré qu’elles pourraient jouer un rôle dans la
pathogénèse de plusieurs maladies auto-immunes et inflammatoires (Annunziato et al., 2010).
Le TGF-β est critique pour la différenciation des cellules Th17 (Bettelli et al., 2006 ;
Manel et al., 2008 ; Mangan et al., 2006 ; Veldhoen et al., 2006 ; Volpe et al., 2008 ; L. Yang
et al., 2008). Les souris déficientes en TGF-β1 sont dépourvues de cellules Th17. Encore plus
important, la délétion spécifique des cellules T en TGF-β1 bloque la différenciation des
cellules Th17 pendant l’induction de l'EAE et de telles souris deviennent résistantes à l’EAE
(Li et al., 2007). L’IL-6 est produite par les cellules du système immuninaire inné ayant été
activées par des signaux TLR. En présence d’IL-6, le TGF-β induit la différenciation Th17, la
production d’IL-21 et l’expression d’IL-23R et de RORγt (Bettelli et al., 2006 ; Mangan et
al., 2006 ; Veldhoen et al., 2006). L’IL-21 peut remplacer l’IL-6 dans l’induction de RORγt et
l’expression de l’IL-17 (Korn et al., 2007 ; Nurieva et al., 2007 ; Zhou et al., 2007). Ainsi,
l’IL-21 pourrait servir comme une cytokine d’amplification de la différenciation Th17.
L’importance de l’IL-21 pendant la différenciation Th17 in vivo dans différents modèles
nécessite d’autres études. L’IL-23, initialement proposée comme le facteur de différenciation
des cellules Th17, ne permet pas d’induire la différenciation Th17 des cellules T CD4+
murines naïves mais reste critique pour la survie des cellules Th17 et/ou la maintenance de
leur fonction. De plus, la différenciation des cellules Th17, représentée sur la figure 26,
consiste en 3 stades : un stade de différenciation basé sur le TGF-β et l’IL-6, un stade
d’amplification médié par l’IL-21, et un stade de stabilisation médié par l’IL-23 (Zhu et Paul,
2008).
Alors que les cellules Th17 murines se différencient à partir des cellules T CD4+
naïves en présence d’IL-6 et de TGF-β, et que leur développement est ensuite stabilisé et/ou
amplifié par l’IL-23 et l’IL-21, plusieurs études ont nié le rôle du TGF-β dans la
différenciation des cellules Th17 humaines (Acosta-Rodriguez et al., 2007 ; Chen et al.,
2007 ; Wilson et al., 2007). Acosta-Rodriguez et al. (2007) ont trouvé que les cellules Th17
humaines se différenciaient en réponse à l’activité combinée de l’IL-1β et de l’IL-6, alors que
Wilson et al. (2007) ont trouvé que l’activité de l’IL-1β ou de l’IL-23 seules était critique,
l’activité combinée des deux cytokines n’ayant aucun effet additif ou synergique. Dans une
autre étude, l’IL-1β et l’IL-6 sur-régulaient l’expression de RORC (l’homologue humain de
RORγt), mais n’induisait pas de différenciation Th17 à partir des cellules T CD4+ naïves
humaines, alors que l’IL-23 était un régulateur puissant de son propre récepteur et un
important inducteur de l’IL-17A et de l’IL-22. Dans certaines études humaines, l’ajout de
TGF-β aux cellules T CD4+ naïves ou mémoires humaines a même eu un effet inhibiteur sur
le développement des cellules Th17. Ces différences entre l’homme et la souris et les
divergences parmi les différentes études chez l’homme ont été attribuées à la difficulté de
s’assurer de la nature naïve d’une population de cellules T. Ainsi, van Beelen et al. (2007) ont
trouvé que l’activité combinée de l’IL-1α ou de l’IL-1β et de l’IL-23 était nécessaire pour
l'obtention des cellules T mémoires humaines productrices d’IL-17A, alors que sous ces
conditions la différenciation des cellules T naïves humaines en cellules Th17 ne pouvait être
obtenue.
109
Figure 26 : Différenciation et expansion sélective des lignées Th1, Th2 et Th17. Adapté
d’après Zhu et Paul (2008).
Les cytokines critiques pour la différenciation de chaque lignée conduisent les cellules T CD4+ à exprimer leurs
facteurs de transcription majeurs tels que: T-bet pour Th1, GATA-3 pour Th2, RORγt pour Th17 ; ainsi que
d’autres facteurs spécifiques de leurs lignées tels que l’IL-12R pour Th1, Gfi-1 pour Th2, IL-23R pour Th17.
Dans de nombreux cas, seule une portion des cellules exprime les facteurs de transcription indiqués et adoptent
les phénotypes différenciés. De telles cellules différenciées expriment les facteurs qui déterminent leur capacité à
répondre à des cytokines particulières, IL-12 pour Th1, IL-2 pour Th2, et IL-23 pour Th7, conduisant donc à
l’expansion sélective de ces cellules différenciées.
Cependant, trois études indépendantes ont montré au contraire des observations
précédentes, que même la différenciation des cellules Th17 humaines nécessitait l’activité du
TGF-β (Manel et al., 2008 ; Volpe et al., 2008 ; Yang L et al., 2008 ; Yang X. O. et al.,
2008). Ces auteurs suggèrent que dans les études précédentes le rôle de TGF-β avait été sousestimé parce que les cellules T CD4+ étaient cultivées dans un milieu constitué de sérum
humain et bovin qui contient habituellement du TGF-β. Cependant, les résultats de ces études
restent contradictoires. Manel et al., (2008) ont trouvé que le TGF-β, l’IL-1β, l’IL-6 et l’IL-21
ou le TGF-β, l’IL-1β et l’IL-23 étaient nécessaires et suffisants pour induire l’expression de
l’IL-17 parmi les cellules T CD4+ de sang de cordon ombilical humain. Volpe et al., (2008)
ont trouvé que le TGF-β, l’IL-23, l’IL-1β et l’IL-6 étaient tous essentiels pour la
différenciation Th17, mais qu’ils modulaient de façon différentielle les cytokines produites
par les cellules Th17. De plus, l’absence de TGF-β induisait un passage du profil Th17 au
110
profil Th1. Au contraire, Yang L et al. (2008) et Yang X. O. et al. (2008) ont trouvé que le
TGF-β et l’IL-21 seulement pouvaient induire la différenciation des cellules T CD4+ naïves
humaines en cellules Th17 accompagnées par l’expression de RORC.
2.3.1.1.3. Autres sous-populations de cellules T CD4+ helper
Il était connu que l’IL-22 était exprimée par les cellules Th17 (Kreymborg et al.,
2007 ; Liang et al., 2006) et également par les cellules NK (Cupedo et al., 2009), mais des
études récentes ont identifié des cellules T majoritairement CCR10+, qui exprimaient l’IL-22
sans exprimer l’IL-17 (Eyerich et al., 2009a ; Nograles et al., 2008 ; Trifari et al., 2009).
C’est ainsi qu’une nouvelle population, nommé Th22, fut déterminée.
À la fin 2008, deux groupes ont montré que la combinaison de TGF-β et d’IL-4
induisait la différenciation de cellules T CD4+ naïves murines en une unique sous-population
productrice d’IL-9, alors nommées cellules Th9 (Dardalhon et al., 2008 ; Veldhoen et al.,
2008). Ceci confirma les observations faites 15 ans auparavant par Schmitt et al. (1994), que
la combinaison TGF-β/IL-4 pouvait induire la production d’IL-9 par les cellules T CD4+.
Bien que la fonction exacte de cette sous-population de cellules T helper effectrices n’est pas
encore déterminée, il lui a été proposé des fonctions dans l’immunité contre les infections par
des helminthes et/ou la promotion de maladies inflammatoires (Dardalhon et al., 2008 ;
Veldhoen et al., 2008). Ces cellules Th9 ont été retrouvées plus tard chez l’homme, mais
restent encore très mal définies (Putheti et al., 2010 ; Wong et al., 2010).
Il est connu depuis un certain temps que les cellules T helper sont impliquées dans la
régulation des réponses médiées par les cellules B. La caractérisation d’une sous-population
précise de cellules spécialisées, appelées cellules T helper folliculaires (Tfh) a été rapportée
pour la première fois chez l’homme par Schaerli et al. (2000). Les cellules Tfh sont
caractérisées par leur capacité à résider dans les zones riches en CXCL13, telles que les
follicules des cellules B, à travers l’expression de CXCR5 et leur capacité à soutenir la
production d’immunoglobulines. La différenciation et la localisation des cellules Tfh tout
comme leurs interactions avec les cellules B, ont longtemps été le sujet de recherches intenses
et plusieurs marqueurs ont été identifiés comme des composants de la signature des Tfh.
Grâce au profil d’expression génique réalisé sur les lymphomes T périphériques, une
signature des Tfh a été rapportée dans le lymphome angio-immunoblastique à cellules T et
dans le lymphome à cellules T folliculaires (de Leval et al., 2007 ; Piccaluga et al., 2007 ;
Vinuesa et al., 2005). Il a récemment été montré chez la souris que le programme de
différenciation des cellules Tfh est contrôlé par Bcl6 (Johnston et al., 2009 ; Nurieva et al.,
2008). Les cellules Tfh sur-régulent Bcl6 qui bloque à son tour la différenciation des cellules
Th1, Th2 et Th17 en réprimant leurs facteurs de transcription sélectifs. De plus, Bcl6 réprime
l’expression du facteur de transcription Blimp-1, qui est exprimé préférentiellement par les
cellules T helper des zones T (Fazilleau et al., 2009 ; Johnston et al., 2009). Bcl6 réprime
aussi l’expression de miR-17-92, un micro ARN qui sous-régule l’expression de CXCR5.
Finalement, la sur-expression de Bcl6 par les cellules T helper activées induit l’expression de
l’IL-6R et de l’IL-21R, qui sont tout deux requis pour la genèse des cellules Tfh (Awasthi et
Kuchroo, 2009). ICOS est aussi impliqué dans la régulation de la différenciation des cellules
Tfh. Une fois engagé avec son ligand (ICOS-L), exprimé sur les CPA dont les cellules B,
111
ICOS induit la production de cytokines telles que l’IL-2, l’IL-4 et spécialement l’IL-10 et
l’IL-21. La déficience en ICOS est associée à la réduction de la formation des centres
germinatifs et des cellules Tfh, suggérant son rôle essentiel dans la genèse des cellules Tfh
(King et al., 2008). Les cellules Tfh semblent jouer un rôle important dans l’auto-immunité
systémique. Les souris atteintes de maladies auto-immunes systémiques telles que le lupus
systémique érythémateux montrent une augmentation constante des cellules Tfh (Vinuesa et
al., 2005). De plus, les médicaments bloquant les voies ICOS et IL-21 améliorent les troubles
auto-immuns tels que le diabète, l’arthrite rhumatoïde ou les modèles murins de lupus
systémique érythémateux (Yu et al., 2009).
2.3.1.2. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez l’homme
2.3.1.2.1. Le paradigme des cellules Th1 et Th2
2.3.1.2.1.1. Approche historique du paradigme Th1/Th2
En utilisant des protocoles similaires à ceux utilisés pour démasquer le système murin,
la plupart des clones de cellules T CD4+ humaines alloréactifs induits par de la
phytohémagglutinine à partir de sang périphérique de donneurs en bonne santé, ne rentraient
pas clairement dans les catégories Th1 et Th2. Il y avait donc un vrai doute sur la validité de
la classification Th1/Th2 pour les cellules T humaines et le débat faisait rage. Cependant, au
début des années 1990, en utilisant des clones de cellules T issus de patients allergiques ou
atteints de maladie infectieuse, il devint clair que les clones de cellules T montrant des profils
Th1 et Th2 pouvaient être trouvés dans les tissus ou le sang périphérique (Parronchi et al.,
1991 ; Wierenga et al., 1990). Cette découverte fut rapidement confirmée en clonant une
grande gamme de cellules T CD4+ spécifiques de la bactérie intracellulaire Mycobacterium
tuberculosis, ou de l’helminthe extracellulaire Toxocara canis (Del Prete et al., 1991). Les
clones spécifiques de Mycobacterium étaient principalement producteurs d’IFN-γ, alors que
les clones spécifiques de Toxocara étaient principalement producteurs d’IL-4/IL-5. Ceci
conduit à la déclaration « les sous-populations Th1 et Th2 humaines : ne doutez plus » par
Romagnani, (1991). A posteriori, on pouvait s’attendre au caractère différent des systèmes
murin et humain. Les réponses polarisées Th1 et Th2 représentent l'aboutissement d’une
immunisation chronique ou d’une maladie. Les clones de souris Th1 et Th2 étaient
généralement isolés à partir de souris hyper-immunisées, alors que la plupart des essais
humains de cloner les cellules T impliquaient la stimulation de cellules T de sang
périphérique d’individus en bonne santé avec des mitogènes. Il est maintenant possible de
conduire les cellules T humaines naïves de sang de cordon ombilical aux lignées Th1 ou Th2
in vitro, en utilisant l’IL-2 ou l’IL-4 respectivement. Ceci est similaire à la situation des
cellules T murines et prouve donc que la classification Th1 et Th2 est tout aussi valide pour
les cellules T murines qu’humaines (Liew, 2002).
112
2.3.1.2.1.2. Expression des cytokines par les cellules Th1 et Th2
Les cellules T helper jouent un rôle critique dans l’organisation des réponses immunes
adaptatives. Elles exercent de telles fonctions principalement grâce à leur sécrétion en
cytokines et chémokines qui activent et/ou recrutent les cellules cibles. Les profils Th1 et Th2
ont également été identifiés parmi des clones de cellules T helper chez l’homme (Del Prete et
al., 1991 ; Wierenga et al., 1990 ; Haanen et al., 1991), et sont représentés sur la figure 27. La
majorité des clones de cellules T CD4+ humains dérivés à partir de sang périphérique de
donneurs en bonne santé ne rentraient pas dans les profils de production de lymphokines Th1
et Th2 des cellules T CD4+ murines, mais ressemblaient plus à des profils Th0 décrits parmi
les clones de cellules T obtenus à partir de souris non immunisées (Maggi et al., 1988 ;
Paliard et al., 1988). Cependant, des sous-populations clones de cellules T CD4+ humains
ressemblant aux clones de cellules Th1 et Th2 murins avaient été isolés à partir de tissus de
patients atteints de différentes maladies, suggérant que la sélection des cellules T CD4+ avec
des phénotypes de production de cytokines Th1 et Th2 stables pouvaient être une propriété
reliée à la structure de l’antigène et/ou des conditions d’immunisation (Del Prete G et al.,
1989 ; Del Prete GF et al., 1989 ; Maggi et al., 1991). En particulier, Wierenga et al. (1990)
avaient remarqué que les cellules T CD4+ produisant de l’IL-4 mais pas de l’IFN-γ, étaient
présentes en grande quantité dans les répertoires de cellules T spécifiques d’allergènes de
donneurs atopiques, et suggéraient déjà que ces cellules au profil Th2 avaient une implication
importante dans la pathogénie de l’atopie. Del Prete et al., (1991) ont ainsi eu l’idée d’établir
une large série de clones de cellules T spécifiques pour un dérivé protéique purifié (PPD) de
Mycobacterium tuberculosis ou d’antigène excréteur/sécréteur de Toxocara canis (TES) à
partir de sang périphérique de deux donneurs en bonne santé et d’analyser leur profil de
production en cytokine en réponse à la stimulation avec soit l’antigène spécifique soit un
activateur polyclonal. Ils ont alors observé que la majorité des clones de cellules T spécifiques
du PPD sécrétaient de l’IL-2 et de l’IFN-γ et que ceux spécifiques du TES sécrétaient de
l’IL-4 et de l’IL-5. Ils ont ainsi montré que les profils Th1 et Th2 existaient chez l’homme
également et que les cellules Th1 humaines sécrètent de l’IL-2 et de l’IFN-γ et peu voire pas
du tout d’IL-4 et d’IL-5. (Haanen et al. (1991) ont trouvé la même année que Mycobacteria
induisait des cellules T CD4+ humaines au profil Th1, c’est-à-dire sécrétant de grandes
quantités d’IFN-γ et de faibles quantités d’IL-4 et d’IL-5. Ils ont par ailleurs montré que la
grande majorité des clones de cellules T au profil Th1 montraient une activité cytolytique et
qu’ils ne fournissaient pas de fonction auxiliaire pour les IgE contrairement aux Th2 (Prete et
al., 1991).
Ainsi, les clones de cellules T CD4+ humains ont des profils cytokiniques similaires
mais pas aussi restreints que ceux des clones murins. Les sous-populations Th1 et Th2
humaines produisent principalement de l’IFN-γ, de l’IL-2, de la LTα, et de l’IL-4, de l’IL-5,
de l’IL-6 et de l’IL-10 respectivement (Zhu et Paul, 2008). Elles sont habituellement définies
selon leur production en IFN-γ/IL-4 parce que la synthèse d’IL-2, d’IL-6 et d’IL-10 n’est pas
strictement restreinte à une seule sous-population. Bien que l’expression des cytokines de type
1 et de type 2 était initialement considérée mutuellement exclusive, des cellules exprimant à la
fois des cytokines de type 1 et de type 2 ont été identifiées chez l’homme pendant la
113
différenciation mais également parmi les cellules ayant subi leur différenciation terminale
(Vukmanovic-Stejic et al., 2000). Chez l’homme, les cellules Th1 produisant de l’IFN-γ ont
un rôle prédominant dans le développement de maladies inflammatoires chroniques, alors que
les Th2 produisant de grandes quantités d’IL-4 et d’IL-5 sur-régulent la production d’IgE et
sont proéminentes dans la pathogénie des maladies allergiques (Bonecchi et al., 1998).
Figure 27 : Profils de production en cytokines des clones de cellules T de type Th1 et
Th2 chez l’homme. Adapté d’après Lucey et al. (1996).
2.3.1.2.1.3. Expression des marqueurs de surface par les cellules Th1 et Th2
Bien que l’expression des récepteurs aux chémokines et les phénotypes des cellules T
helper ne soient pas strictement coordonnés, quelques récepteurs tels que CXCR3 et CCR5
ont une expression préférentielle remarquable sur les cellules Th1. Les chémokines et leurs
récepteurs sont des éléments importants pour l’attraction sélective de sous-populations variées
de leucocytes. Les cellules T naïves expriment seulement CXCR4, alors que la majorité des
cellules T mémoires/activées expriment CXCR3, et une petite proportion expriment CCR3 et
CCR5. CXCR3 est exprimé à de forts niveaux sur les cellules Th0 et Th1, mais à de faibles
niveaux sur les Th2. Au contraire, CCR3 et dans une moindre mesure CCR4 sont trouvés sur
les Th2. L’expression de CCR4 et de CCR8 seraient transitoirement augmentée sur les
cellules Th2 après engagement du TCR et de CD28. Ceci démontre que les récepteurs aux
chémokines sont des marqueurs des sous-populations de cellules T polarisées, mais ces
programmes d’expression des récepteurs aux chémokines semblent flexibles et pourraient
contrôler la migration spécifique des cellules T effectrices vers les tissus. En effet,
l’expression des récepteurs aux chémokines et leur association aux phénotypes Th1 et Th2 est
affectée par d’autres cytokines. Bien que CCR5 soit exprimé à la fois sur les lignées Th1 et
Th2, il est absent de plusieurs clones Th2 et son expression est très influencée par l’IL-2. Le
TGF-β inhibe CCR3, mais favorise l’expression de CCR4 et CCR7, alors que l’IFN-γ inhibe
CCR3 et sur-régule CXCR3 et CCR1 (Bonecchi et al., 1998 ; D’Ambrosio et al., 1998 ;
114
Loetscher et al., 1998 ; Sallusto et al., 1998, 1997). L’expression et la régulation de récepteurs
aux chémokines est cependant complexe, et CCR4 par exemple, est retrouvé à la fois parmi
les cellules Th1 et Th2 (Etrew et al., 2001 ; Kim CH et al., 2001). Il est préférable ainsi
d’utiliser des combinaisons de récepteurs aux chémokines pour définir des populations
enrichies en sous-populations Th1 ou Th2. Par exemple, bien que les cellules Th0, Th1 et Th2
sont chacune retrouvées parmi les cellules T CD4+ de sang périphérique exprimant CXCR3 et
CCR4, le phénotype CXCR3+CCR4– peut être retrouvé parmi les Th1 mais pas les Th2, et le
phénotype CCR4+CXCR3– peut être retrouvé parmi les Th2 mais seulement quelques rares
Th1 (Kim CH et al., 2001).
La recherche de marqueurs fiables permettant de discriminer les cellules Th1 et Th2
humaines a permis d’identifier le gène codant pour CRTH2, une molécule sélectivement
exprimée in vivo par les cellules Th2 dans un état activé mais pas par les Th1 (Nagata et al.,
1999).
T1/ST2 code une protéine de surface (ST2L) et une protéine soluble (ST2). ST2L
(IL-33Rα) appartient à la superfamille IL-1R incluant IL-1R et IL-18Rα. La fonction
d’IL-33Rα sur les cellules Th2 reflète la fonction d’IL-18Rα sur les cellules Th1. Après avoir
rapporté que l’expression de ST2L (la forme transmembranaire de T1/ST2) et d’IL-18R
étaient stables sur les cellules Th1 et Th2 murines respectivement, Chan et al. (2001) ont
généré des homologues humains de ST2L et IL-18Rα et ont pu montré qu’ils étaient des
marqueurs sélectifs des lymphocytes Th2 et Th1 humains. Il a de plus été démontré que les
produits du gène T1/TS2 sont des protéines inductibles et que les lymphocytes Th2 humains,
en plus d’exprimer ST2L à leur surface, sécrètent également ST2 après activation (Lécart et
al., 2002). Finalement, ST2L reste le marqueur de surface le plus important pour les cellules
Th2 (Schmitz et al., 2005). Il a aussi été montré chez la souris que l’IL-4Rα était sur-régulé
par l’IL-4 pendant la différenciation Th2, et son polymorphisme a été relié à l’atopie chez
l’homme (Izuhara et Shirakawa, 1999 ; Izuhara et al., 2000).
Un marqueur candidat des cellules de type Th2 était CD30, mais certaines études ont
trouvé que les cellules CD30+ produisaient à la fois des cytokines de type 1 (IFN-γ) et des
cytokines de type 2 (IL-5) (Alzona et al., 1994). Il a également été trouvé que l’expression de
Txk est restreinte aux cellules Th0/Th1 ayant un potentiel à produire de l’IFN-γ. En effet,
l’expression de Txk est intimement associée au développement des cellules Th1/Th0 et est
impliquée dans la production d’IFN-γ (Kashiwakura et al., 1999). Les protéines spécifiques
des lignées Th1 et Th2 sont reprises dans le tableau 5 en fonction de leur localisation
membranaire ou cytosolique.
2.3.1.2.2. Les cellules Th17
Des études récentes ont été réalisées afin d’identifier les cellules Th17 chez l’homme
et de caractériser leur phénotype et leurs fonctions. Ces études révèlent la sécrétion de
nombreuses cytokines : IL-17A, IL-17F, IL-21, IL-22, IL-26, ainsi que CCL20
principalement (Annunziato et al., 2009). Elles montrent aussi la présence dans ces cellules de
RORC (la molécule orthologue du RORγt murin), IL-23-R et une forte expression de CCR6,
alors que les cellules Th1 expriment faiblement CCR6 et expriment fortement CXCR3
(Acosta-Rodriguez et al., 2007 ; Annunziato et al., 2007). Il a aussi été trouvé que les cellules
115
Th17 expriment IL-12Rβ2 (Annunziato et al., 2007). L’expression de CCR6 par les cellules
Th17 a aussi été décrite dans un modèle murin d’arthrite rhumatoïde (Hirota et al., 2007).
Ainsi, bien que CCR6 et CXCR3 ne puissent être considérés comme des marqueurs sélectifs
des cellules Th17 et Th1 respectivement, leur détection peut être utile pour reconnaître la
prévalence de chacune de ces deux sous-populations dans le sang ou même dans des tissus
enflammés.
Tableau 5 : Protéines spécifiques des lignées Th1 et Th2 humaines. Adapté d’après
Kashiwakura et al. (2001).
Protéines
Th1
Nom
LAG-3
CCR5
Txk
IL-12R β2
IL-18R β
IRF-1
CXCR3
spécifiques Protéines
Th2
Localisation Nom
Membrane
GATA-3
Membrane
CCR3
Cytosol
CD30
Membrane
ST2L
Membrane
ST2
Cytosol
CCR4
Membrane
spécifiques
Localisation
Membrane
Membrane
Membrane
Membrane
Cytosol
Membrane
Les cellules humaines Th17 exhibent une faible capacité proliférative et un faible
potentiel cytotoxique. Elles peuvent induire la production d’IgG, IgM et IgA par les LB mais
pas d’IgE et semblent être moins susceptibles à l’activité suppressive des Treg Foxp3+ que les
cellules Th1 et Th2. De plus, l’existence d’un nombre remarquable de cellules doublepositives (IFN-γ+IL-17+) dérivées de sang périphérique ou de clones de cellules T
« Th17/Th1 » a été rapportée. À la fois les clones Th17 et Th17/Th1 exhibent de forts niveaux
d’expression de RORC mais aussi de T-bet, le facteur de transcription majeur des cellules
Th1. L’incubation des clones Th17 avec de l’IL-12 permet à ces cellules de produire de
l’IFN-γ en plus de l’IL-17, et cet effet est associé à l’expression réduite de RORC et
augmentée de T-bet. Ceci suggère l’existence d’une flexibilité des cellules Th17 vers les
cellules Th1 et une possible relation entre ces deux types de cellules (Annunziato et al.,
2007). De plus, il a ensuite été montré que la plasticité des cellules Th17 humaines vers le
phénotype Th2 était également possible et que ce changement apparaît lorsque les cellules
Th17 mémoires sont exposées à un environnement enrichi en IL-4. Ces cellules Th17/Th2,
produisant à la fois de l’IL-17 et des cytokines Th2, sont capables d’induire la synthèse d’IgE
par les LB et leur concentration semble être augmentée dans le sang périphérique de patients
atteints d’asthme sévère, suggérant leur possible rôle pathogénique dans quelques maladies
(Cosmi et al., 2010).
Il a aussi été montré que les cellules Th17 humaines expriment CD161 sur leur surface
(Cosmi et al., 2008), qui est l’homologue humain du NK1.1 murin (Lanier et al., 1994).
CD161 est exprimé sur la plupart des cellules NK et les cellules NKT ainsi que sur quelques
116
cellules T et thymocytes. Les cellules Th17 CD161+ humaines ne sont pas des cellules NKT
restreintes au CD1, mais des cellules T CD4+ montrant un large répertoire du TCR et une
restriction au CMH II, comme les cellules T NKT-like (Godfrey et al., 2004). Malgré le fait
que les cellules productrices d’IL-17 humaines ne soient pas des cellules NKT induites
(iNKT) mais bien NKT-like, des découvertes semblent varier par rapport à celles rapportées
chez la souris, une sous-population de cellules iNKT humaines produisant de l’IL-17 ayant
été identifiée. En effet, alors que chez la souris la plupart des cellules iNKT expriment NK1.1,
les cellules iNKT productrices d’IL-17 ne semblent pas exprimer NK1.1 (Michel et al., 2007 ;
Pichavant et al., 2008). Cependant, en utilisant des puces à ADN sur des cellules NKT
murines, la production d’IL-17 à la fois par les cellules NK1.1+ et NK1.1- suite à leur
activation in vitro a aussi été rapportée (Niemeyer et al., 2008). La signification de
l’expression de CD161 par les cellules Th17 est encore floue. Une possibilité serait que cette
molécule joue un rôle important dans la migration trans-endothéliale des cellules Th17 dans
les tissus, où elles sont recrutées en réponse à la chémokine CCL20 se liant à CCR6. Bien que
la fonction de CD161 sur les cellules Th17 humaines est inconnue, il pourrait représenter avec
CCR6 un marqueur important pour la détection des cellules Th17 humaines (Annunziato et
al., 2008).
Il apparait également que le gène clusterin (CLU) soit sous-régulé chez les clones
Th17 humains, alors que Bcl-2 semble sur-régulé comparé aux clones Th1 et Th2 (Cosmi et
al., 2008). Récemment, il a été montré que CLU est aussi un modulateur des signaux médiés
par le TGF-β, et est impliqué dans la translocation nucléaire du complexe Smad2/3, qui est
critique pour la transduction des signaux médiés par le TGF-β (Jones et Jomary, 2002 ;
Miyazono, 2000). Les protéines de la famille Bcl-2 sont essentielles pour la protection contre
l’apoptose (Green et Kroemer, 2004). Sur la base de ces découvertes, et en définissant les
cellules humaines Th17 (productrices d’IL-17 mais ni d’IFN-γ, ni d’IL-4), les cellules Th1
(productrices d’IFN-γ mais ni d’IL-17, ni d’IL-4), les cellules Th2 (productrices d’IL-4 mais
ni d’IL-17, ni d’IFN-γ), il a été montré que la prolifération des clones Th17 et des cellules T
productrices d’IL-17A circulantes n’est pas affectée pat le TGF-β, alors que la prolifération
des clones Th1 et des cellules T productrices d’IFN-γ circulantes est fortement réprimée,
suggérant que les cellules Th17 sont moins susceptibles à l’activité suppressive du TGF-β que
les cellules Th1 et Th2 (Santarlasci et al., 2009).
D’autres propriétés des lymphocytes Th17 humains les distinguent de leurs
homologues murins. Tout d’abord, l’existence de clones Th17 humains, ainsi que de
lymphocytes du sang périphérique et de l’intestin produisant de l’IFN-γ a été décrite et ceuxci ont été nommés Th17/Th1 (Acosta-Rodriguez et al., 2007 ; Annunziato et al., 2007).
Ensuite, à la fois les clones Th17 et Th17/Th1 expriment non seulement l’IL-23R et RORC,
mais aussi l’IL-12β2 et T-bet. Finalement, la stimulation de clones Th17 humains en présence
d’IL-12 sous-régule RORC et sur-régule T-bet, rendant ainsi ces cellules capables de produire
de l’IFN-γ en plus de l’IL-17A. Il existe une relation proche entre les cellules Th1 et Th17
humaines. Alors qu’il était suggéré que les cellules Th1 et Th17 jouaient un rôle dans la
pathogénèse de certaines maladies auto-immunes et inflammatoires, il est possible que les
cellules Th17 soient impliquées dans le stade précoce de maladies humaines à médiation
immune, et qu’ensuite l’IL-12 et l’IL-23 les changent en Th17/Th1 ou même en phénotype
Th1, comme présenté sur la figure 28. Chez l’homme, Zaba et al. (2007) ont montré qu’une
117
amélioration du psoriasis était corrélée à la rapide sous-modulation à la fois des lymphocytes
Th17 et Th1, et qu’une rémission complète n’était observée qu’après plusieurs mois de
traitement , lorsque les produits des cellules Th17 et Th1 ont été sous-modulés.
Figure 28 : Plasticité des cellules Th17 humaines. Adapté d’après Annunziato et al. (2010).
Les cellules Th17 humaines qui expriment RORC, T-bet, IL-12Rβ2, IL-1RI, IL-4Rα, CD61 et CCR6, en présence
d’IL-2 produite par les cellules dendritiques exhibent une sur-régulation de l’expression de T-bet et commencent
à produire de l’IFN-γ (cellules Th17/Th1 et Th1), comme il a récemment été montré chez la souris. En présence
d’IL-4, qui peut être produit par les cellules Th2, les cellules basophiles et les mastocytes, les cellules Th17
humaines sur-régulent GATA-3 et commencent à produire de l’IL-4 (cellules Th17/Th2).
2.3.1.2.3. Les cellules Th22
On pensait à l’origine que l’IL-22 était produite par les cellules Th1, mais avec la
découverte des cellules Th17, on a ensuite pensé que cette cytokine était fortement exprimée
par la sous-population de cellules Th17 (Zenewicz et Flavell, 2011). Cependant, l’IL-22 et
l’IL-17 ne sont pas toujours co-exprimées et sont régulées différemment surtout chez
l’homme (Rutz et Ouyang, 2011). Depuis la récente identification des cellules Th22 qui
produisent de l’IL-22 sans produire de l’IFN-γ, IL-4 et IL-17 (Duhen et al., 2009 ; Trifari et
al., 2009), cette nouvelle sous-population de cellules T a attiré beaucoup d’attention. Alors
que le facteur de transcription majeur pour la différenciation Th17 chez l’homme est RORC,
il a été montré que celui de la différenciation Th22 est le récepteur de la dioxine (AHR)
(Ramirez et al., 2010 ; Trifari et al., 2009). En effet, l’engagement de l’AHR conduit à la forte
production d’IL-22, alors qu’il inhibe la production d’IL-17. De manière remarquable, les
cellules Th22 expriment CCR6 et les récepteurs d’écotaxie cutanée CCR4 et CCR10,
autorisant l’infiltration dans la peau et indiquant l’importance de cette sous-population de
cellules T dans les maladies cutanées (Duhen et al., 2009 ; Trifari et al., 2009). En accord
avec cela, les cellules Th22 sont non seulement observées dans la peau normale, mais
également augmentées dans la peau inflammée de patients atteints de maladies cutanées
118
inflammatoires (Eyerich et al., 2009b ; Nograles et al., 2008). Il est intéressant de remarquer
que les cellules productrices d’IL-22 sont augmentées dans le compartiment épidermique
comparé au derme dans les maladies cutanées inflammatoires (Eyerich et al., 2009b ; Res et
al., 2010). Ces observations suggèrent que l’IL-22 contribue non seulement à l’homéostasie
de la peau mais aussi à la pathogénèse de maladies cutanées. En général, les réactions
immunes reposant sur les cellules T sont contrôlées par des CPA et des cellules dendritiques
en particulier. Il a ainsi été montré que les cellules de Langerhans, une sous-population
particulière de cellules dendritiques située dans l’épiderme, est très efficace pour l’expansion
des cellules Th22 mémoires ainsi que pour leur induction à partir des cellules T CD4+ naïves
(Fujita et al., 2009). De plus, il a été montré qu’une communication entre les cellules de
Langerhans et les cellules T via des signaux dépendant de CD1a est essentielle pour la
production d’IL-22 par les cellules T (de Jong et al., 2010). Les cellules Th22 semblent
impliquées dans de nombreuses maladies cutanées, dont le psoriasis, la dermatite atopique, la
dermatite de contact, la sclérose systémique et le lymphome T cutané (Fujita, 2013).
2.3.1.2.4. Les cellules Th9
Les exigences pour la genèse de cellules de type Th9 à partir de cellules T CD4+
naïves n’ont pas encore été élucidées. Wong et al. (2010) ont confirmé que de façon similaire
à la souris, le TGF-β et l’IL-4 peuvent induire la différenciation des cellules Th9 humaines.
Les cellules Th9 à la fois humaines et murines ne co-expriment pas les cytokines
caractéristiques des autres sous-populations de cellules T helper, en particulier l’IFN-γ (Th1),
l’IL-4, l’IL-5 et l’IL-13 (Th2), ou l’IL-17 (Th17). Cependant, au contraire des cellules Th9
murines, les cellules Th9 humaines n’expriment pas l’IL-10 (Putheti et al., 2010 ; Wong et
al., 2010).
Il a également été trouvé que l’IFN-γ et l’IL-27 inhibaient la production d’IL-9 par les
cellules T CD4+ naïves humaines, suggérant qu’une réponse Th1 pourrait potentiellement
réguler négativement la différenciation des cellules Th9, tout comme il a déjà été montré chez
la souris (Wong et al., 2010). L’addition de cytokines inflammatoires telles que IL-1β, IL-6,
IL-10, IFN-α, IFN-β et IL-21, dans des conditions de culture Th9 favorise l’expression de
l’IL-9 par les cellules T CD4+ humaines (Putheti et al., 2010 ; Wong et al., 2010). Il n’est pas
clair que l’IL-21, qui promeut l’expression de l’IL-9, est dérivée des cellules Th9 ellesmêmes, car en présence d’IL-12, IFN-α ou IFN-β, les cellules IL-9+ aussi bien qu'IL-9−
produisent de l’IL-21. Cependant, des éléments allant contre un rôle de l’IL-21 dans la
différenciation des cellules Th9 humaines ont été rapportés, puisque l’IL-12 qui induit de
hauts niveaux d’IL-21 (Ma et al., 2009 ; Schmitt et al., 2009), n’a aucun effet sur l’expression
d’IL-9 (Wong et al., 2010). Bien que les facteurs de transcription nécessaires pour la
différenciation des cellules Th9 humaines ne soit pas connus, il semble que ce ne soit ni
T-bet, ni RORγt ou Foxp3 (Wong et al., 2010). La répression par l’IL-4 de l’expression de
Foxp3 induit par le TGF-β chez les cellules CD4+ Th9 humaines est bien moins observée
(environ 50 %) que chez les cellules T CD4+ murines (environ 100 %) (Dardalhon et al.,
2008 ; Wong et al., 2010). Une autre potentielle différence entre la différenciation des cellules
Th9 humaines et murines est le rôle du facteur de transcription GATA-3 associé aux cellules
Th2. Bien que les cellules Th9 murines n’expriment pas GATA-3, Wong et al. (2010)
119
rapportent que GATA-3 est sur-régulé dans les cultures Th9 humaines, qui expriment de plus
de l’IL-5 et de l’IL-13 en faible quantité. GATA-3 pourrait avoir un rôle dans la
différenciation des cellules Th9 humaines, ou alternativement les cellules Th9 humaines n’ont
pas le même niveau de polarisation que les cellules Th9 murines. Le TGF-β semble être
impliqué dans la différenciation à la fois des cellules Th9 murines et humaines (Dardalhon et
al., 2008 ; Putheti et al., 2010 ; Veldhoen et al., 2008 ; Wong et al., 2010). L’observation que
le TGF-β induit Foxp3 et Rorc et que l’IL-4 promeut la différenciation Th9 laisse supposer
une voie commune de différenciation des cellules Treg, Th17 et Th9, et il semble même que
chez l’homme les cellules Th2 soient liées à la différenciation Th9 comme représenté dans la
figure 29.
2.3.1.2.5. Les cellules Tfh
Le terme de « cellule Tfh » a été utilisé pour la première fois en 2000 pour décrire une
sous-population de cellules T présente dans les tissus lymphoïdes (amygdales) humains,
exprimant CXCR5 et dont la fonction primaire est d’apporter leur aide aux cellules B
(Breitfeld et al., 2000 ; Schaerli et al., 2000). L’expression de CXCR5 avec la perte de CCR7
permet aux cellules Tfh de se relocaliser de la zone des cellules T aux follicules des cellules
B, où elles sont positionnées pour soutenir directement l’expansion et la différenciation des
cellules B (Hardtke et al., 2005 ; Haynes et al., 2007). Les cellules Tfh peuvent être
distinguées des lignées de cellules T CD4+ par leur faible expression des cytokines IFN-γ,
IL-4, et IL-17 et des facteurs de transcription T-bet, GATA-3, et RORC caractéristiques des
cellules Th1, Th2 et Th17 respectivement (Chtanova et al., 2004 ; Kim et al., 2004 ; Nurieva
et al., 2008 ; Rasheed et al., 2006 ; Vogelzang et al., 2008). De plus, les cellules Tfh
expriment une unique combinaison de molécules effectrices qui sont critiques pour leur
développement et fonctions, dont de forts niveaux des récepteurs de surface ICOS, CD40L,
OX40, PD (programmed death gene)-1, BTLA et CD84, la cytokine IL-21, la protéine SAP
(signaling lymphocytic-activation molecule-associated protein), et les facteurs de transcription
Bcl-6 et c-Maf (Breitfeld et al., 2000 ; Chtanova et al., 2004 ; Haynes et al., 2007 ; Johnston
et al., 2009 ; Kroenke et al., 2012 ; Lim et Kim, 2007 ; Ma et al., 2009 ; Rasheed et al., 2006 ;
Schaerli et al., 2000 ; Vinuesa et al., 2005). Ces molécules sont critiques dans la promotion de
l’activation, de la différenciation, et de la survie des cellules B et/ou des cellules T CD4+. Par
exemple, CD40L sauve les cellules B de l’apoptose et favorise leur prolifération (Tangye et
al., 2012), et l’IL-21 améliore la différenciation des cellules B humaines stimulées par CD40L
induisant la sécrétion de tous les isotypes d’immunoglobuline (Avery et al., 2008 ; Ettinger et
al., 2008). L’engagement d’ICOS sur les cellules T CD4+ induit la production de cytokines
aidant les cellules B telles que l’IL-10 et l’IL-21 (Bauquet et al., 2009 ; Hutloff et al., 1999),
et SAP est nécessaire pour que les cellules T CD4+ puissent former des contacts stables avec
les cellules B pour promouvoir leur activation et leur différenciation (Cannons et al., 2010 ;
Qi et al., 2008). L’importance de ces molécules dans la fonction des cellules Tfh est soulignée
par des mutations résultant en une perte de fonction de ICOS, CD40L, et SAP chez l’homme,
qui compromettent sérieusement les réactions au sein des centres germinatifs et ainsi la
mémoire contre les antigènes TD (Al-Herz et al., 2011 ; Crotty, 2011 ; Tangye et al., 2012).
120
Figure 29 : Différenciation des cellules Th9 chez l’homme. Adapté d’après Ma et al.
(2010).
Le TGF-β peut influencer la genèse des Treg et en combinaison avec d’autres cytokines, les sous-populations de
cellules T CD4+ effectrices Th17 et Th9. Dans le contexte des cellules Th9, l’effet du TGF-β/IL-4 peut être
amplifié par les cytokines inflammatoires à travers la production d’IL-21 et atténué par l’IFN-γ et l’IL-27. Il
reste à déterminer si l’IL-21 est dérivé des cellules exprimant l’IL-9 elles-mêmes, ou de cellules n’exprimant pas
l’IL-9 présentes dans la culture.
Pour fournir une aide aux cellules B pendant les réponses humorales T-dépendantes, il
faut que les cellules T CD4+ soient proches de ces cellules B. Ceci se produit aux zones
interfolliculaires et au sein des centres germinatifs. À cause de son rôle de direction des
cellules B vers les zones des cellules B, CXCR5 était un marqueur précoce des cellules Tfh.
Plus récemment, Bcl-6 a été décrit comme une caractéristique moléculaire clé de ces cellules.
Il est maintenant clair cependant, qu’il existe une hétérogénéité marquée parmi les cellules T
CD4+CXCR5+Bcl-6+ dans leur phénotype, fonction et localisation anatomique. En effet, la
population CXCR5+Bcl-6+ comprend au moins deux sous-populations : les cellules Tfh
précoces qui fournissent probablement une aide à la limite T-B ou dans les zones
interfolliculaires avant la formation des centres germinatifs (Kerfoot et al., 2011 ; Kitano et
al., 2011 ; Lee et al., 2011), et les cellules Tfh tardives qui sont trouvées dans les centres
germinatifs (Choi et al., 2011 ; Yusuf et al., 2010). Dans les amygdales humaines, il existe
121
deux populations de cellules T CD4+CXCR5+Bcl-6+ majeures qui peuvent être distinguées
selon leur haute ou basse expression de CXCR5. Celles exprimant la plus forte expression de
CXCR5 expriment également de manière plus abondante PD-1, ICOS, CD40L, et Bcl-6, et
contiennent la plus haute fréquence de cellules productrices d’IL-4, d’IL-21 et de CXCL13, le
ligand de CXCR5 (Bentebibel et al., 2011 ; Kroenke et al., 2012 ; Lim et Kim, 2007 ; Ma et
al., 2009). Bien que ces observations semblent être en contradiction avec les observations
initiales montrant que l’IL-4 n’était pas exprimée de manière proéminente par les cellules Tfh,
les études plus anciennes examinaient des noyaux de cellules T CD4+CXCR5+ et non des
sous-populations distinctes (Chtanova et al., 2004 ; Kim et al., 2004 ; Rasheed et al., 2006).
CD57 est exprimé par environ 30 % des cellules T CD4+CXCR5high tonsillaires (Lim et Kim,
2007 ; Ma et al., 2009 ; Rasheed et al., 2006), et cette population est localisée dans les centres
germinatifs (Hutloff et al., 1999 ; Kim CH et al., 2001). Les cellules T CD4+CXCR5high sont
capables de soutenir la commutation de classe des immunoglobulines et la sécrétion
d’anticorps par les cellules B naïves, mémoires et issues des centres germinatifs in vitro
(Avery et al., 2008 ; Bentebibel et al., 2011 ; Kim CH et al., 2001 ; Ma et al., 2009). Ainsi la
sous-population de cellules T CD4+CXCR5highCD57+ correspond aux cellules Tfh des centres
germinatifs. La relation exacte entre les sous-populations CD57- et CD57+ des cellules T
CD4+CXR5high reste à déterminer. Les cellules T CD4+CXCR5lowBcl-6+ expriment aussi de
faibles niveaux d’ICOS et sont trouvées en dehors des centres germinatifs. Ces cellules
fournissent leur aide aux cellules B naïves et mémoires mais pas à celles issues des centres
germinatifs et pourraient fonctionner pendant la phase initiale de l’activation des cellules B et
à la limite cellule T – cellule B. Il est possible aussi que ces cellules migrent des centres
germinatifs après leurs interactions initiales avec les cellules B et favorisent la différenciation
des cellules B issues des centres germinatifs. Cette possibilité est en accord avec l’observation
que les cellules T CD4+CXCR5lowICOSlow sur-régulent PD-1 et ICOS à des niveaux presque
similaires à ceux des cellules Tfh des centres germinatifs, après leur co-culture avec des
cellules B naïves. Ainsi, les cellules T CD4+ exprimant de faibles niveaux de CXCR5
fournissent non seulement leur aide de façon précoce dans la réponse des cellules B, mais
contiennent aussi probablement des précurseurs à partir desquels les cellules Tfh des centres
germinatifs émergent (Bentebibel et al., 2011).
Chez l’homme, une petite sous-population de cellules T CD4+ dans le sang
périphérique exprime CXCR5. Ces cellules expriment de faibles niveaux des marqueurs Tfh
(ICOS, OX40, IL-4, Bcl-6 et c-Maf) (Breitfeld et al., 2000 ; Chevalier et al., 2011 ; Förster et
al., 1994; Schaerli et al., 2000), et sont diminuées chez les individus incapables de former des
centres germinatifs à cause d'une mutation dans CD40LG ou ICOS (Bossaller et al., 2006).
Pour cette raison, il a été proposé que les cellules T CD4+CXCR5+ circulantes dérivent des
centres germinatifs et sont vraisemblablement des cellules Tfh. La plupart des cellules T
CD4+CXCR5+ expriment CD45RO, qui est typiquement associé au phénotype mémoire
(Bossaller et al., 2006 ; Breitfeld et al., 2000 ; Chevalier et al., 2011 ; Förster et al., 1994 ; Ma
et al., 2012 ; Schaerli et al., 2000). Cependant, il est important de noter que l’expression de
CD45RO ne permet pas de discriminer entre les cellules mémoires à longue durée de vie et
les cellules effectrices récemment générées. Chez des donneurs en bonne santé ayant reçu un
vaccin de rappel de tétanos plus de deux ans auparavant, les cellules T CD4+ spécifiques du
tétanos circulantes appartenaient à la sous-population CXCR5- des cellules T CD4+CD45RO+
122
(Breitfeld et al., 2000). Au contraire, les cellules spécifiques de l’influenza ou du
cytomégalovirus étaient présentes à la fois dans les sous-populations CXCR5- et CXCR5+
(Morita et al., 2011). La présence de cellules T CD4+ spécifiques de virus dans la souspopulation CXCR5+ pourrait refléter la rencontre périodique avec l’antigène, puisque le
cytomégalovirus établit une infection persistante et latente, et l’exposition à l’influenza peut
se produire de façon saisonnière. La toxine du tétanos au contraire, est probablement éliminée
après la vaccination. Ainsi, les cellules T CD4+CXCR5+ circulantes chez l’homme, pourraient
représenter des cellules effectrices récemment générées qui ont excité les follicules
lymphoïdes plutôt que des cellules mémoires à longue durée de vie (Ma et al., 2012).
Alors que le paradigme Th1/Th2 ne semblait pas s’appliquer à l’homme, c’est
finalement suite à différents types d’infections que ces deux sous-populations ont pu être
mises en évidence. Les profils cytokiniques des sous-populations Th1 et Th2 sont
respectivement l’IFN-γ et l’IL-2 pour l'un, et l’IL-4, l’IL-5, l’IL-6, et l’IL-10 pour l'autre. Des
combinaisons de récepteurs aux chémokines tels que CXCR3 et CCR4 peuvent être utilisées
pour enrichir des populations de cellules en l’une ou l’autre de ces sous-populations. CRTH2
a été identifié comme un marqueur spécifique des cellules Th2 activées, et ST2L et IL-18Rα
comme marqueurs sélectifs des lymphocytes Th1 et Th2 respectivement. Une autre souspopulation importante, formée par les cellules Th17, sécrète de l’IL-17 mais aussi de l’IL-21
et de l’IL-22. Ces cellules sont caractérisées par leur expression de RORC, IL-18R, CCR6 et
CD161. D’autres sous populations telles que les cellules Th9 sécrétrices d’IL-9 et les cellules
Th22 sécrétrices d’IL-22 ont aussi été décrites. Pour finir, les cellules Tfh constituent une
sous-population particulière localisée dans les tissus lymphoïdes et dont le rôle est d’aider les
cellules B. Elles expriment CXCR5 et de hauts niveaux des récepteurs de surface ICOS,
CD40L, OX40, PD-1, BTLA, la cytokine IL-21, la protéine SAP, et les facteurs de
transcription Bcl-6 et c-Maf. Différentes sous-populations peuvent être distinguées selon leur
localisation et leur expression plus ou moins forte de CXCR5.
2.3.1.3. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez la souris
2.3.1.3.1. Le paradigme des cellules Th1 et Th2
2.3.1.3.1.1. Approche historique du paradigme Th1/Th2
Des éléments en faveur de l’hétérogénéité des cellules T CD4+ obtenus depuis 1986
étaient basés sur des populations polyclonales de cellules. Au début des années 1980, deux
avancées techniques importantes ont grandement facilité le progrès de l’immunologie
cellulaire. Ce fut la capacité à cloner les cellules T et les tests de cytokines. Armés de ces
techniques, Mosmann et al. (1986) établirent une gamme de clones de cellules T helper
murines spécifiques d’antigène et les caractérisèrent selon leurs profils de production de
cytokines. Ils identifièrent deux types distincts de cellules T CD4+. Les cellules de type 1
produisaient de l’IL-2, de l’IFN-γ, du GM-CSF et de l’IL-3 en réponse à un antigène et à des
CPA, ou à une stimulation avec de la concanavaline A (ConA). Au contraire, les cellules de
123
type 2 produisaient de l’IL-3, le facteur 1 stimulant les cellules B (BSF), de l’IL-4, et de
l’IL-5, un facteur de croissance des mastocytes. Ils utilisèrent la nomenclature proposée
auparavant par Tada et al. (1978) et appelèrent les cellules Th1 et Th2 respectivement. Il est
important de noter que les cellules Th2 améliorent la synthèse d’IgE et d’IgG1, alors que les
cellules Th1 favorisent la production d’IgG2a (Stevens et al., 1988). Ce fut trouvé en accord
avec le fait que l’IL-4 contrôle la commutation de classe en IgE et IgG1, et l’IFN-γ contrôle le
la commutation de classe en IgG2a (Snapper et Paul, 1987). Le classement des cellules T
CD4+ en Th1 et Th2 permit d’établir la trame conceptuelle de l’immunologie des cellules T et
conduisit à ré-examiner de nombreuses maladies auto-immunes et infectieuses dans le
contexte des cellules Th1 et Th2. Des tentatives pour démasquer les mécanismes impliqués
dans la pathogénie de ces maladies sur la base des profils de cytokines furent réalisées, dans
l’espoir d’identifier de nouvelles approches thérapeutiques. Cependant, le classement
Th1/Th2 n’était pas sans controverse. La bipartition distincte observée parmi les clones de
cellules T murines in vitro n’était pas toujours aussi claire in vivo et il semblait qu’un grand
nombre de clones et de cellules produisaient à la fois des cytokines de type 1 et de type 2
(Kelso et Gough, 1988 ; Paliard et al., 1988). Ces dernières furent appelées cellules Th0
(Firestein et al., 1989).
2.3.1.3.1.2. Expression des cytokines par les cellules Th1 et Th2
Mosmann et Coffman (1989) ont synthétisé dans le tableau 6 les cytokines produites
par les lignées Th1 et Th2 murines.
Les principales cytokines produites par les cellules Th1 sont l’IL-2, l’IFN-γ, la LTα
(anciennement TNF-β), et les principales cytokines produites par les Th2 sont l’IL-4, l’IL-5
mais aussi l’IL-6, l’IL-10 et l’IL-13 chez la souris (Carter et Dutton, 1996). Les cytokines de
type 1 conduisent à une immunité à médiation cellulaire tandis que les cytokines de type 2
conduisent à une immunité à médiation humorale. Les principales cytokines de types 1 et de
types 2 dans ces deux immunités sont indiquées dans le tableau 7.
Certains clones de cellules T produisent cependant à la fois des cytokines de type 1 et
des cytokines de type 2, avec notamment de l’IL-2, IL-3, IL-4, IFN-γ et LTα. Elles ont été
nommées Th0 d’après Firestein et al. (1989).
2.3.1.3.1.3. Expression des marqueurs par les cellules Th1 et Th2
L’extinction de la voie de signaux IL-12 pendant le développement précoce des
cellules Th2 fournit un mécanisme permettant un engagement dans un phénotype stable. Cette
extinction résulte de la perte sélective de l’expression de l’IL-12Rβ2, qui est induit par
l’activation du TCR et ensuite maintenu par la stimulation de l’IL-12 et de l’IFN-γ chez les
cellules Th1 (Szabo et al., 1997). De plus, IL-12Rβ1 est constitutivement exprimé sur les
cellules T CD4+ naïves, mais son expression est augmentée sur les cellules Th1, via un
mécanisme dépendant de l’IRF (Interferon Regulatory Factor) 1 (Kano et al., 2008). IL-18-Rα
est également sur-régulé pendant la différenciation Th1 (Zhu et Paul, 2008).
124
Tableau 6 : Phénotypes de sécrétion de cytokines des cellules Th1 et Th2 murines.
Adapté d’après Mosmann et Coffman (1989).
Th1
IFN-γ
++
IL-2
++
Lymphotoxine
++
GM-CSF
++
TNF
++
TY5
++
P500
++
H400
++
IL-3
++
Met-enképhaline +
IL-4
IL-5
IL-6
P600
-
Th2
+
+
+
+
+
++
++
++
++
++
++
Tableau 7 : Principales cytokines de type 1 et de type 2 chez la souris. Adapté d’après
Lucey (1999).
Cytokines de type 1 conduisant à une immunité à médiation cellulaire
prédominante
IFN-γ
IL-12*
IL-2
TNF-β
Cytokines de type 2 conduisant à une immunité à médiation humorale
prédominante
IL-4*
IL-10*
IL-5
IL-6
IL-13
* : cytokines qui ont aussi des propriétés de régulation croisée (IFN-γ et IL-12 inhibent les réponses de type 2, et IL-4 et IL-10 inhibent les
réponses de type 1)
Il était aussi connu que l’IL-18 et l’IL-12 avaient un effet synergique sur la production
d’IFN-γ par les cellules Th1, alors que cette combinaison n’affectait pas les cellules Th2. Il a
été montré par la suite que cette différence de réponse résultait de l’expression augmentée de
125
l’IL-18R par les cellules Th1 et par son manque d’expression par les cellules Th2 (Yoshimoto
et al., 1998).
L’homologue de CXCR3 a été cloné chez la souris et présentait comme chez l’homme
une expression préférentielle parmi les cellules Th1 (Soto et al., 1998), bien que certaines
cellules Th2 peuvent l’exprimer (Freeman et al., 2006). En revanche, les cellules Th2
n’expriment pas un niveau détectable de CCR3 contrairement à ce qui est retrouvé chez
l’homme (Grimaldi et al., 1999), et l’expression de CCR4 est retrouvée à la fois chez les
populations Th1 et Th2, comme il a également été rapporté chez l’homme (Freeman et al.,
2006). Comme son homologue humain, le récepteur aux chémokines CCR8 murin est aussi
retrouvé de façon préférentielle sur les cellules Th2 (Zingoni et al., 1998).
Le gène codant pour l’homologue du CRTH2 murin a d’abord été cloné (Abe et al.,
1999) avant d’être caractérisé (Hirai et al., 2003). Contrairement à ce qu’ils avaient trouvé
chez l’homme, aucune différence significative dans l’expression de CRTH2 chez les cellules
Th1 et Th2 n’existe chez la souris (Abe et al., 1999 ; Spik et al., 2005).
Avant l’homme, il a été montré chez la souris que le gène T1/ST2 est exprimé de façon
stable à la fois chez les clones Th2 et les cellules polarisées Th2 activées in vivo ou in vitro.
L’expression de T1/ST2 est indépendante de l’induction par l’IL-4, IL-5 ou IL-10. T1/ST2
joue un rôle critique dans la fonction effectrice Th2. L’administration d’AcM anti-T1/ST2 ou
de protéine de fusion T1/ST2 recombinante atténue l’inflammation éosinophilique des voies
respiratoires et supprime la production d’IL-4 et d’IL-5 in vivo après transfert adoptif de
cellules Th2 (Löhning et al., 1998). ST2L est ainsi un marqueur stable permettant de
distinguer les cellules Th1 des cellules Th2, et est aussi associé aux fonction Th2 (Xu et al.,
1998). Chez la souris également, ST2L (IL-33Rα) reste le marqueur de surface le plus
important pour les cellules Th2. De plus, chez la souris l’IL-33 induit une éosinophilie, une
splénomégalie et des niveaux augmentés d’immunoglobulines sériques menant à des
modifications histologiques profondes dans les poumons et le tractus digestif (Schmitz et al.,
2005).
La kinase Txk existe aussi chez la souris (souvent référée sous le nom de Rlk). Les
kinases Txk et Itk sont des membres de la famille des tyrosines kinases Tec qui sont
impliquées dans les signaux en aval du TCR. Itk est exprimé à la fois dans les cellules Th1 et
Th2, et Txk est au contraire exprimée préférentiellement chez les cellules Th1. Itk est
nécessaire aux réponses Th2 in vivo et Txk, régulée par l’expression de l’IFN-γ, l'est pour les
réponses Th1 (Sahu et al., 2008).
2.3.1.3.2. Les cellules Th17
La lignée Th17 a été découverte chez quelques modèles murins d’autoimmunité, tels
que l'EAE et l’arthrite induite au collagène (CIA), qui avaient été historiquement associées
aux réponses Th1. Le dogme du rôle des cellules Th1 dans la pathogénèse de l’EAE et de la
CIA a été remis en question par la découverte d’un nouveau membre de la famille de l’IL-12,
nommé IL-23, qui partage avec l’IL-12 la sous-unité p40, mais qui possède p19 au lieu de
p35. Certaines études ont montré que l’EAE et la CIA ne se développaient pas chez des souris
déficientes en sous-unité p19 de l’IL-23, alors que d’autres maladies pouvaient se développer
chez les souris déficientes en sous-unité p35 de l’IL-12, ce qui suggérait qu’au moins dans ces
126
modèles murins d’auto-immunité, l’IL-23 était impliquée plutôt que l’IL-12 (Cua et al.,
2003 ; Murphy et al., 2003).
Un rôle critique des cellules Th17 en immunopathologie et l’origine distincte des
cellules Th1 et Th17 sous le conditionnement différentiel de l’IL-12 ou de l’IL-23 ont aussi
été suggérés par des découvertes autres que celles issues de souris déficientes pour un gène
(Langrish et al., 2005). Selon un nouveau modèle, les cellules Th1 et Th17 partagent leur
origine des précurseurs de cellules T CD4+ naïves et divergent ensuite selon la disponibilité
pendant la réponse primaire de l’IL-12 ou de l’IL-23 agissant sur un « précurseur Th1 »
commun ou un « intermédiaire pré-Th1 » co-exprimant à la fois IL-12R et IL23R (Bettelli et
Kuchroo, 2005 ; Harrington et al., 2005 ; McKenzie et al., 2006 ; Park et al., 2005).
Cependant, plus récemment, un modèle complètement différent de développement des
cellules Th17 murines a été découvert. Différents groupes ont démontré indépendamment que
le TGF-β était la cytokine critique pour l’initiation et que l’IL-6 agissait comme un régulateur
majeur de la différenciation Th17 (Bettelli et al., 2006 ; Mangan et al., 2006 ; Veldhoen et al.,
2006). Le TGF-β est aussi connu pour sa capacité à promouvoir le développement des cellules
T régulatrices exprimant Foxp3, le facteur de transcription majeur de la différenciation des
cellules Treg. Néanmoins, l’expression de l’IL-17A ou de Foxp3 semble être restreinte à des
sous-populations séparées, de sorte que les développements des cellules Th17 et Treg
conduits par le TGF-β à partir de précurseurs naïfs sont mutuellement exclusifs. Une voie de
la différenciation des cellules Th17 murines indépendante de l’IL- 6 a également été rapportée
(Kimura et al., 2007). De plus l’IL-21 joue également un rôle dans la différenciation des
cellules Th17 murines (Korn et al., 2007 ; Zhou et al., 2007).
Les cellules Th17 murines produisent de grandes quantités de cytokines : IL-17A,
IL-17F, IL-21, IL-22, IL-26, IL-6 et TNF-α. L’IL-17A et l’IL-17F semblent être les cytokines
clés pour le recrutement, l’activation et la migration des granulocytes neutrophiles en
induisant la production de facteurs stimulateurs de colonie et de CXCL8 par différents types
cellulaires, dont les cellules résidentes. L’IL-21 semble jouer un rôle d’amplification des
réponses Th17 de manière autocrine. L’IL-22 peut induire l’acanthose et l’inflammation
dermique, bien que dans le foie elle exhibe un rôle protecteur en contrecarrant la nature
destructrice de la réponse inflammatoire. Le rôle exact de l’IL-26 dans la réponse Th17 n’a
pas encore été établi. La production préférentielle d’IL-17 par les cellules T a été trouvée
pendant l’infection à certaines bactéries alors que l’IL-17 joue un rôle plus modeste dans la
protection contre les mycobactéries intracellulaires (Ouyang et al., 2008). Alors que tous les
lymphocytes Th17 humains expriment CD161, NK1.1, l’homologue de CD161, n’a jamais été
rapporté sur les cellules Th17 murines (Annunziato et al., 2010).
Les cellules Th17 semblent être essentielles pour l’induction et la propagation de
l’auto-immunité dans différents modèles murins. Les souris déficientes en IL-17 ou les souris
traitées avec un récepteur antagoniste de l’IL-17 sont plus résistantes à l’induction de la CIA
et développent l’EAE de façon retardée et avec une sévérité réduite. Dans ce contexte, la
présence de cellules Th1 dans les tissus inflammatoires de modèles murins d'auto-immunité a
été interprétée comme protectrice. Cependant, en plus d’un très grand nombre d’observations
démontrant clairement un rôle pathogénique de l’IFN-γ dans plusieurs modèles murins de
troubles auto-immuns, d’autres découvertes sont contre le rôle pathogénique des cellules
Th17 tout comme le rôle protecteur des cellules Th1 dans ces modèles murins. En effet, à la
127
fois les cellules polarisées IL-12 p70 (Th1) et polarisées IL-23 (Th17) sont capables d’induire
l’EAE après transfert adoptif (Kroenke et al., 2008). De plus, l’arthrite induite au
protéoglycane semble être indépendante de l’IL-17 contrairement à la CIA (Doodes et al.,
2008). Il a aussi été clairement établi que les cellules Th1 et Th17 pouvaient être
pathogéniques dans des modèles murins d’uvéite auto-immune expérimentale (Luger et al.,
2008). En fait, même chez la souris il existe une relation stricte entre les voies Th1 et Th17,
puisque l’IL-17A, mais pas l’IL-17F, est capable d’induire la production d’IL-2 par les
cellules dendritiques en induisant une réponse Th1 (Lin et al., 2009). Comme chez l’homme,
il est possible que les cellules Th17 soient impliquées dans le stade précoce de maladies à
médiation immune, et qu’ensuite l’IL-12 et l’IL-23 les changent en cellules Th17/Th1 ou
même en phénotype Th1. En effet, ceci se produit chez des souris NOD, qui présentent une
inflammation pancréatique induite par les cellules Th17, mais ne présentent un diabète
qu'après la conversion en cellules productrices d’IFN-γ (Martin-Orozco et al., 2009).
2.3.1.3.3. Les cellules Th22
Les cellules Th22 humaines, caractérisées par leur production d’IL-22 avec peu ou pas
du tout d’IL-17, semblent avoir leurs homologues chez la souris, basé sur des études ex vivo
qui montrent que les cellules T CD4+ naïves se différencient avec de l’IL-6 sans TGF-β en
cellules exprimant de grandes quantités d’IL-22 mais une quantité négligeable d’IL-17,
comparé aux cellules Th17 conventionnelles différenciées en présence d’IL-6 et de TGF-β
(Zheng et al., 2007). Un profil d’expression d’IL-22 et d’IL-17 similaire a par ailleurs été lié à
une sous-population « pathogénique » de cellules Th17 murines induite dans des conditions
similaires (Ghoreschi et al., 2010).
Les cellules Th22 se différencient de façon dépendante à l’IL-6 et indépendante au
TGF-β et sont plus efficaces que les cellules Th17 dans la protection de l’hôte. La
programmation par l’IL-6 des cellules Th22 pour une forte expression d’IL-22 est
indépendante de l’IL-23, mais l’IL-23 améliore la production d’IL-22 par les cellules Th2
amorcées avec de l’IL-6. L’expression de l’IL-22 induite par l’IL-23 sécrétée par les cellules
lymphoïdes innées est indispensable pour la protection de l’hôte. Cependant, des souris
déficientes en IL-23 sont protégées via un mécanisme dépendant de l’IL-6 lié au
développement des cellules Th22 et Th17, et indépendant de la production d’IL22 par les
cellules lymphoïdes innées. Alors que les cellules Th17 sont strictement dépendantes de
l’AHR pour l’expression de l’IL-22, les cellules Th22 nécessitent la co-expression de l’AHR
et de T-bet pour une expression optimale de l’IL-22, et ces deux facteurs de transcription sont
nécessaires pour la protection de l’hôte par les cellules Th22 (Basu et al., 2012).
L’analyse comparée du transcriptome des cellules Th22 et Th17 révèle une expression
différentielle de plusieurs centaines de gènes. Elles expriment réciproquement T-bet et
RORγt, ce qui permet d’identifier T-bet comme un facteur important dans la conduite de
l’expression de forts niveaux d’IL-22 et de la protection de l’hôte par les cellules Th22.
Malgré les faibles niveaux de l’AHR chez les cellules Th22, l’AHR contribue de façon
significative à l’expression de l’IL-22 par les cellules Th22, de sorte qu’une perte combinée
de T-bet et de l’AHR résulte en une abolition presque complète de l’IL-22. Les cellules Th17
murines expriment un plus fort niveau du membre Maf (c-Maf) de la famille des facteurs de
128
transcription AP-1 comparé aux cellules Th22. En plus de leur expression diminuée de Maf,
les cellules Th22 expriment aussi des niveaux significativement plus faibles de RORC
comparé aux cellules Th17 (Basu et al., 2012). Basu et al. (2013) ont ainsi émis l’hypothèse
que l’engagement précoce des cellules Th17 et Th22 se réalise en fonction des gradients de
TGF-β et d’IL-6, comme représenté sur la figure 30.
Figure 30 : Engagement précoce des cellules Th17, iTreg et Th22 par les gradients de
TGF-β et d’IL-6 chez la souris. Adapté d’après Basu et al. (2013).
Comme chez l’homme, les cellules Th22 ont été impliquées dans plusieurs maladies
cutanées chez la souris comme des modèles de psoriasis (Van Belle et al., 2012), de dermatite
de contact (Choi et al., 2013), mais également dans la maladie du greffon contre l’hôte (Zhao
et al., 2014) et se sont montrées jouer un rôle protecteur contre le pathogène entérique
Citrobacter rodentium (Basu et al., 2012).
2.3.1.3.4. Les cellules Th9
Les cellules Th9 forment une nouvelle sous-population de cellules T helper, dont la
cytokine signature est l’IL-9 (sans IL-4). Par de nombreux aspects, les cellules Th9 forment
une sous-population de cellules T helper unique. Par exemple, dans la plupart des études la
fréquence des cellules Th9 est très faible (environ 5 %), et même dans des conditions de
polarisation optimales in vitro (Tan et Gery, 2012). Ceci amène souvent à des interrogations
concernant les cellules Th9 : sont-elles vraiment une sous-population distincte de cellules T
129
helper ? Les cellules Th9 sont aussi très proches des cellules Th2, puisque les cellules Th2 coexpriment à la fois l’IL-4 et l’IL-9 dans leur phase précoce de différenciation, et l’IL-4 fournit
l’un des signaux clés pour l’induction Th9 (Veldhoen et al., 2008). De plus, certains des
facteurs de transcription du développement des cellules Th2 sont impliqués dans l’induction
Th9. Comme exemple, les cellules T CD4+ déficientes en STAT6 ne réussissent pas à
développer ni des cellules Th2, ni des cellules Th9 (Goswami et al., 2012). Cependant, les
cellules Th9 ne sont pas des cellules Th2. Les conditions de culture et de milieu en cytokines
qui mènent soit aux cellules Th2 soit aux cellules Th9 sont très différentes. Dans certaines
cultures Th2, les cellules T CD4+ qui expriment l’IL-4 (les cellules Th2), et l’IL-9 (les
cellules Th9) sont complètement ségréguées dans le sens que seules les cellules perdant la
capacité à exprimer de l’IL-4 deviendront des productrices d’IL-9. Les mécanismes de
régulation transcriptionnelle des cellules Th9 et Th2 sont très différents, ce qui sépare une fois
de plus clairement les cellules Th9 des cellules Th2 (Veldhoen et al., 2006). Certains auteurs
proposent que les cellules Th9 sont issues des cellules Th2. Dans la plupart des rapports
montrant des faibles niveaux de cellules Th9 dans des conditions de culture avec du TGF-β et
de l’IL-4, les cellules Th9 co-expriment souvent l’IL-10, qui est une autre cytokine Th2
(Dardalhon et al., 2008). Il est probable que les cellules Th9 dérivent des cellules Th2 comme
conséquence de l’induction d’autres facteurs de transcription tels que PU.1 (PU-box binding
factor 1) et IRF4 qui éteignent l’expression de l’IL-4 mais allument celle de l’IL-9 (Chang et
al., 2010a, 2009, 2005). Cependant, une autre étude montre qu’une autre voie d’induction des
cellules Th9 pourrait se faire directement à partir des cellules T CD4+ naïves par le TGF-β et
l’IL-4 lorsque la co-stimulation d’OX40 est engagée (Xiao et al., 2012). Ces deux voies
d’induction des cellules Th9 sont représentées dans la figure 31.
2.3.1.3.5. Les cellules Tfh
Comme chez l’homme, les cellules Tfh murines expriment CXCR5, Bcl-6 et PD-1,
CD40, ICOS, SAP et l’IL-21. L’importance de ces molécules dans la fonction des cellules Tfh
a été soulignée notamment grâce à la délétion ciblée chez des souris de Cd40/Cd40l, Icos,
Sh2d1a (gène codant pour SAP) et Il21/Il21r (Al-Herz et al., 2011 ; Crotty, 2011 ; Tangye et
al., 2012). De plus, une étude récente rapporte chez la souris que les cellules Tfh expriment de
façon coordonnée FR4 et CD73 et que ces deux molécules peuvent être utilisées comme
nouveaux marqueurs pour distinguer les cellules Tfh des cellules Th1 (Iyer et al., 2013).
De façon similaire à l’homme, les cellules T CD4+ CXCR5highBcl-6+ comprennent des
cellules trouvées dans le follicule et au sein des centres germinatifs. GL7 a été rapporté
comme marqueur d’une sous-population de cellules Tfh murine exprimant de forts niveaux de
CXCR5, Bcl-6, PD-1, ICOS, CD200, et IL-21, localisée dans les centres germinatifs (Yusuf et
al., 2010). Une autre étude cependant, a trouvé que GL7 était exprimé par les cellules T
CD4+CXCR5+ situées dans la zone interfolliculaire (Kerfoot et al., 2011). Des études
supplémentaires sont donc nécessaires pour montrer définitivement si les cellules Tfh des
centres germinatifs peuvent être différenciées des autres cellules Tfh sur la base de leur
phénotype plutôt que sur leur localisation seule. Une autre sous-population de cellules T
CD4+ murines fournit l’aide nécessaire à la différenciation précoce des cellules B en
plasmablostes extra-folliculaires producteurs d’immunoglobuline de faible affinité (Lee et al.,
130
2011). Rappelant les cellules Tfh, ces cellules T helper extra-folliculaires expriment Bcl-6 et
CXCR5 et fournissent leur aide aux cellules B via la production d’IL-21. Cependant, elles
peuvent être distinguées des cellules Tfh des centres germinatifs par de plus faibles niveaux
de PD-1 et leur localisation à la limite cellule T – cellule B. Elles pourraient correspondre aux
cellules T CD4+CXCR5lowICOSlowBcl-6+ humaines qui sont localisées en dehors des centres
germinatifs (Bentebibel et al., 2011). Une hétérogénéité notable parmi les cellules Tfh a aussi
été révélée récemment par la description de souris exprimant l’IL-21 couplée à la GFP (green
fluorescent protein). Environ 20 à 40 % des cellules Tfh (définies par les cellules T
CD4+CXCR5+PD-1+) exprimaient l’IL-21 pendant les réponses immunitaires, et ces cellules
exprimaient également des niveaux plus forts d’IFN-γ, d’IL-10 et de Tbx21 (codant pour
T-bet) que les cellules Tfh productrices d’IL-21. D’autre part, l’expression de Bcl-6, GATA-3
et IL-4 tout comme la prolifération ex vivo étaient comparables entre les cellules Tfh IL-21+ et
IL-21-. Des études de transfert ont montré que les cellules Tfh IL-21- pouvaient donner
naissance à des cellules Tfh IL-21+ après la ré-exposition à l’antigène initiateur, démontrant
une relation de précurseur/produit, au moins dans le contexte d’une réponse de rappel (Lüthje
et al., 2012).
Figure 31 : Voies d’induction des cellules Th9 chez la souris. Adapté d’après Zhao et al.
(2013).
De la même façon que chez l’homme, Fazilleau et al., (2007) ont aussi décrit une
population de cellules T CD4+CXCR5+ dans les nœuds lymphatiques des souris qui persistait
après le pic de réponse des centres germinatifs 30 jours après immunisation. Comme chez
l’homme, ces cellules avaient sous-régulé l’expression des molécules signatures des cellules
Tfh (ICOS, OX40, IL-4 et IL-21). Bien que ces cellules T CD4+CXCR5+ murines ont été
désignées comme cellules Tfh « mémoires », elles pourraient résulter d’une rencontre récente
avec un antigène, puisque des complexes CMH II-antigène spécifique étaient encore
clairement détectables 70 jours après immunisation. Les cellules Tfh IL-21+ isolées à partir de
souris 30 à 55 jours après immunisation ou infection et transférées à des souris naïves donnent
131
naissance à la fois à des cellules Tfh IL-21+ et à des cellules effectrices conventionnelles
CXCR5-IL-21- après ré-exposition à un antigène (Lüthje et al., 2012). Ceci suggère que les
cellules Tfh peuvent entrer dans le pool des cellules T CD4+ mémoires CXCR5-, comme
décrit à l’origine pour les cellules T CD4+ humaines spécifiques du tétanos (Breitfeld et al.,
2000). Bien que ces études aient permis de partager quelques informations sur les cellules Tfh
mémoires, de plus amples recherches sont nécessaires pour fournir une meilleure
compréhension des relations entre les cellules effectrices, les cellules Tfh mémoires et
conventionnelles mémoires (Ma et al., 2012).
Bien que les cellules Tfh peuvent être distinguées des cellules T helper effectrices sur
la base de leurs marqueurs de surface, un nombre de données grandissant chez la souris
démontre que les cellules Tfh peuvent exprimer des cytokines (IFN-γ, IL-4 et IL-17)
caractéristiques des populations effectrices Th1, Th2 et Th17, bien que souvent à de faibles
niveaux. En effet, les cellules Tfh isolées ex vivo peuvent être induites pour exprimer des
cytokines effectrices suivant la re-stimulation secondaire dans des conditions de polarisation
in vitro (Lu et al., 2011). Après une infection virale, des cellules possédant des
caractéristiques de cellules Tfh produisent de l’IFN-γ (Lüthje et al., 2012 ; Marshall et al.,
2011). L’IL-17 a été identifiée comme un composant central de la réponse des centres
germinatifs dans la souche murine BXD2 sujette à des troubles auto-immuns (Hsu et al.,
2008). Des cellules affichant un phénotype Tfh produisant de l’IL-17 ont aussi été retrouvées
chez des souris atteintes d’EAE, un modèle de sclérose en plaques (Bauquet et al., 2009). Il
est aussi à noter que des études utilisant des souris exprimant de l’IL-4 conjuguée à la GFP
ont démontré que la majorité des cellules T CD4+ exprimant l’IL-4 dans les nœuds
lymphatiques exprimaient des caractéristiques de cellules Tfh pendant une infection
d’helminthes (King et Mohrs, 2009 ; Reinhardt et al., 2009 ; Zaretsky et al., 2009). Ces
cellules Tfh productrices d’IL-4 étaient localisées dans les follicules des cellules B et étaient
fonctionnellement distinctes des cellules B trouvés dans les sites périphériques (León et al.,
2012 ; Reinhardt et al., 2009). Récemment, Liang et al. (2011) ont utilisé des souris
rapporteuses pour évaluer la production spatiale et temporelle des cytokines produites pendant
l’infection par des helminthes, connue pour déclencher une réponse immunitaire reposant sur
les cellules Th2. Les cellules effectrices Th2 trouvées dans les tissus périphériques
produisaient de l’IL-4 et de l’IL-13 en abondance et exprimaient un fort niveau de GATA-3.
Au contraire, les cellules Tfh exprimaient un plus faible niveau de GATA-3 et bien que ces
cellules produisaient de l’IL-4, l’IL-13 n’était pas détectée. Le mécanisme de l’activation
discordante le l’IL-4 et de l’IL-13 chez ces populations de cellules T helper n’est pas bien
défini, mais suggère que la régulation des cytokines parmi les cellules Th2 et Tfh diverge. De
façon intéressante, la production d’IL-4 par les cellules Tfh des centres germinatifs est aussi
observée pendant une infection virale et pourrait donc être particulièrement importante pour la
fonction des cellules Tfh (Yusuf et al., 2010). Cannons et al. (2013) ont proposé un modèle
représenté par la figure 32, dans lequel les cellules T CD4+ pourraient recevoir des signaux
spécifiques issus du pathogène ou du milieu qui induiraient des niveaux d’expression
différents des facteurs de transcription spécifiques des sous-populations de cellules T helper,
entraînant ainsi une réponse adaptée pour le développement de l’immunité humorale
protectrice. Ce modèle suggère que les cellules Tfh n’ont pas subi de différenciation
132
terminale, mais retiennent la capacité d’acquérir des caractéristiques d’autres souspopulations de cellules T helper suite à une stimulation ultérieure.
Figure 32 : Diversité des cellules Tfh chez la souris. Adapté d’après Cannons et al. (2013).
C’est chez la souris que fut d’abord établi le paradigme Th1/Th2 à la fin des années
1980, avant qu’il ne soit étendu à l’homme et à d’autres espèces. Le profil cytokinique Th1
(IFN-γ, IL-2, IL-12, TNF-β) conduit à une réponse immunitaire majoritairement cellulaire
alors que le profil cytokinique Th2 (IL-4, IL-5, IL-6, IL-10, IL-13) conduit à une réponse
immunitaire majoritairement humorale. L’utilisation de récepteurs aux chémokines tels que
CXCR3, CCR3 et CCR4 est aussi intéressante chez la souris, mais leur expression
différentielle diffère un peu de chez l’homme. Chez la souris, CRTH2 ne peut être utilisé pour
différencier les cellules Th2 des cellules Th1, mais c’est ST2L qui reste le marqueur de
surface le plus important pour les cellules Th2. La sous-population Th17 a aussi bien été
caractérisée et sécrète de nombreuses cytokines telles que l’IL-17, IL-21, IL-22, IL-26, IL-6 et
TNF-α. Les sous-populations Th22 sécrétrice d’IL-22 et Th9 sécrétrice d’IL-9 ont aussi été
décrites chez la souris. Les cellules Tfh murines expriment de forts niveaux de CXCR5,
Bcl-6, PD-1, ICOS, CD200, et IL-21, et bien qu’elles soient hétérogènes comme chez
l’homme, quelques différences existent.
2.3.1.4. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez le rat
Le paradigme Th1/Th2 est aussi valable chez le rat (Druet et al., 1995 ; Pelletier,
1996). Les cellules Th1 sécrètent de l’IFN-γ et du TNF-α alors que les cellules Th2 sécrètent
de l’IL-4, IL-5, IL-10 et IL-13 (Ramírez et al., 1996).
133
Les cellules Th17 sécrétrices d’IL-17 ont également été identifiées chez le rat. Elles
sécrètent également de l’IL-6 et de l’IL-23 (Ávalos et al., 2012 ; Li et al., 2011). Elles jouent
un rôle dans les modèles d’uvéorétinite auto-immune expérimentale chez les rat Lewis (Fang
et al., 2013 ; Zhang et al., 2009), dans des modèles de rejet de greffe de foie de rat Dark
Agouti vers des rats Brown Norway (Xie et al., 2010) et dans le modèle d’infarctus
myocardique chez le rat (Ávalos et al., 2012). Il a aussi été identifié chez des rat Lewis des
cellules exprimant à la fois de l’IFN-γ et de l’IL-17, qui ont été associées au phénotype
Th1/Th17 (Kaufmann et al., 2012). Il a été proposé que l’IL-21 favorise la différenciation
Th17 et la production de cytokines par les cellules Th17 dans un modèle de myocardite autoimmune (Wang et al., 2012).
Récemment, des cellules Th22 ont été décrites chez des rats Sprague-Dawley dans un
modèle de pancréatite aigüe (Huai et al., 2012), mais les cellules Th9 n’ont pas encore été
rapportées. Il a également été rapporté récemment chez des rats Lewis dans un modèle de
myasthenia gravis auto-immune expérimentale, des cellules T CD4+CXCR5+ICOShigh définies
comme étant des cellules Tfh (Xie et al., 2013).
2.3.1.5. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez le chien
Les cellules Th0, Th1, Th2 ont été très peu caractérisées chez le chien. De nombreuses
études récentes ont montré que les chiens ont vraisemblablement ces populations
fonctionnelles différentes dirigeant les réponses immunitaires. Cependant, chez le chien
comme chez l’homme, la polarisation de ces réponses n’est pas aussi distincte que chez la
souris. Deux exceptions sont la réponse immunitaire de type 1 quit promeut la résistance du
chien à une infection par Leishmania, et la réponse immunitaire de type 2 qui émerge lors des
stades précoces des maladies allergiques (Day, 2011). Les réponses classiques Th1 et Th2
cependant ont aussi été démontrées dans les modèles canins de maladie de Chagas (Guedes et
al., 2009), de thyroïdite (Choi et al., 2006), d’allergie saisonnière (Fujiwara et al., 2003) et de
colite (Ridyard et al., 2002). Horiuchi et al. (2007) ont montré qu’il était possible d’évaluer la
balance Th1/Th2 par cytométrie de flux avec marquage de cytokines intracellulaires sur du
sang périphérique de chien. Ils ont ainsi défini les cellules Th1 comme celles produisant de
l’IFN-γ et les cellules Th2 comme celles produisant de l’IL-4. De façon similaire à l’homme,
le rapport Th1/Th2 des lymphocytes du sang périphérique de chien augmente avec l’âge, et
c’est tout particulièrement le pourcentage de la sous-population Th1 qui augmente. Tout
comme chez l’homme, un changement de polarisation Th2 vers Th1 se réalise dès le plus
jeune âge, et s’il n’est pas suffisant, peut conduire à une maladie atopique canine. D’autres
cytokines caractéristiques des populations Th1 (IL-2, TNF-α), et Th2 (IL-5, IL-6, IL-10) ont
aussi été rapportées (Barbosa et al., 2011 ; Santos-Gomes et al., 2002 ; Valli et al., 2010).
Ce sont chez les modèles de chiens infectés par Leishmania infantum que la majorité
des études sur les profils cytokiniques Th1 et Th2 ont été réalisées. Les chiens infectés
asymptomatiques par Leishmania infantum ont des réponses prolifératives de cellules
mononuclées de sang spécifiques d’antigène avec la production d’IFN-γ, d’IL-2 et de TNF, et
de faibles concentrations d’anticorps sériques spécifiques pour Leishmania (Pinelli et al.,
1999 ; Quinnell et al., 2001). Au contraire, les animaux symptomatiques ont une suppression
134
de l’immunité fournie par les cellules T et de hauts niveaux d’anticorps spécifiques (SantosGomes et al., 2002). La maladie se produit comme une conséquence de la réponse Th2, avec
la production d’IL-4, d’IL-5 et d’IL-6, qui promeut à son tour la prolifération des cellules B et
la production d’anticorps. Ces anticorps sont en effet non protecteurs et sont probablement
même nuisibles, à cause de la formation de complexes immuns et de leur dépôt dans les
membranes basales (Pinelli et al., 1999). Dans une étude sur 13 chiens Beagle inoculés avec
Leishmania infantum, Santos-Gomes et al. (2002) ont étudié la production des cytokines
IFN-γ, IL-2, IL-12, IL-6 et IL-10 pendant 23 mois. Les cytokines stimulées étaient
généralement observées dans une faible proportion des chiens, sauf entre les mois 9 et 11
après infection où il était observé une augmentation importante de l’IFN-γ et de l’IL-2.
L’IL-10 et l’IL-12 étaient détectées sporadiquement chez quelques animaux. La
prédominance d’une réponse de type 1 pendant une courte période de temps indique que ces
cytokines sont nécessaires au contrôle de l’infection pour retarder l’apparition progressive de
la maladie. Un haut niveau d’expression des gènes codant pour l’IL-12, l’IFN-γ, l’IL-2 et
l’IL-4 a été rapporté dans le sang périphérique de chiens symptomatiques infectés
expérimentalement (Sanchez-Robert et al., 2008) ou naturellement (Barbosa et al., 2011).
Cependant, une étude chez des chiens symptomatiques naturellement infectés montre de hauts
niveaux d’IL-4 mais de plus faibles niveaux d’IFN-γ (Manna et al., 2008). Une autre étude a
montré que l’accumulation d’IFN-γ et d’IL-2 était seulement détectée dans les cultures de
leucocytes issus de chiens symptomatiques infectés expérimentalement. De plus, la
production d’IL-2 par les leucocytes de sang périphérique de chien symptomatique infectés
expérimentalement et naturellement est faible (Pinelli et al., 1994). Malgré les différentes
méthodes utilisées, ces études démontrent que parmi les leucocytes cultivés il y a une
expression réduite suivie d’une production de cytokines Th1. Les cellules mononuclées de
sang périphérique issues de chiens asymptomatiques montrent une augmentation significative
de l’expression d’IL-4, suggérant une différenciation d’une réponse immune Th2. Au
contraire, une étude a rapporté une accumulation lente d’IL-4 dans les cellules mononuclées
de sang périphérique de chiens asymptomatiques bien qu’un rapport récent démontre que
l’expression d’IL-4 augmente chez les chiens asymptomatiques avec l’émergence de
l’infection (Manna et al., 2006). Chez ces chiens, les niveaux d’expression d’IL-12, d’IFN-γ
et d’IL-2 sont similaires aux chiens sains, (Barbosa et al., 2011 ; Sanchez-Robert et al., 2008).
Le fort niveau d’IL-4 et la faible expression d’IL-12, d’IL-2 et d’IFN-γ réduit la capacité de
l’hôte à développer une réponse efficace contre l’infection. Une étude récente a démontré que
l’expression des cytokines était spécifique à chaque compartiment. Les leucocytes issus de
chiens asymptomatiques reflètent une réponse immunitaire mixte Th1/Th2, alors que les
nœuds lymphatiques révèlent une réponse immunitaire Th1 et que la moelle osseuse semble
ne pas répondre. D’autre part, les leucocytes issus du sang périphérique de chiens
asymptomatiques exhibent une réponse Th2 prédominante et les nœuds lymphatiques de ces
chiens une réponse immune Th1 (Barbosa et al., 2011).
Bien que des cytokines relatives à la sous-population Th17 aient été rapportées chez le
chien, cette sous-population n’a pas encore été proprement décrite. La présence d’IL-23 a été
rapporteé chez des chiens atteints d’aspergillose (Day, 2008), celle d'IL-17F chez les chiens
atteints de conjonctivite sèche (Murphy et al., 2011), celle d’IL-17A chez des chiens atteints
de maladie inflammatoire chronique de l’intestin et d’aspergillose (Schmitz et al., 2012 ;
135
Vanherberghen et al., 2013). De plus, une étude récente affirme que l’incapacité des chiens
atteints d’aspergillose à éliminer cette infection fongique n’est pas liée à une déficience de
l’immunité Th1 ou à une réaction de régulation, mais par la réaction pro-inflammatoire non
contrôlée conduite par les cellules Th17 (Vanherberghen et al., 2013).
Les cellules Th9 n’ont pas été étudiées chez le chien, bien que le gène codant pour
l’IL-9 ait été séquencé (Chang et al., 2010b), mais elles existent vraisemblablement tout
comme les cellules Th22 et les cellules Tfh.
Quelques anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée avec les antigènes canins
sont commercialement disponibles pour l’IFN-γ (AbD Serotec), l’IL-4 (AbD Serotec ;
Abcam ; Acris Antibodies ; GeneTex ; LifeSpan Biosciences), l’IL-8 (AbD Serotec ; Abcam ;
Thermo Scientic Pierce Antibodies ; LifeSpan Biosciences), l’IL-17A (Novus Biologicals). Il
est aussi possible de trouver certains anticorps monoclonaux obtenus directement à partir
d’immunogènes canins pour l’IL-1β, l’IL-4 et l’IL-8 (Genxbio). Enfin, certains anticorps
polyclonaux présentent une réaction croisée contre des antigènes canins de l’IL-2 (Biotrend),
l’IL-8 (Bioss Inc.), l’IL-10 (Bioss Inc.), l’IL-13 (Bioss Inc. ; Abbiotec ; R & D Systems), l’IL17 (Abcam) et l’IL-17A (LifeSpan Biosciences ; Aviva Systems Biology ; GenWay Biotech),
l’IL-22 (Bioss Inc. ; antibodies-online ; Aviva Systems Biology ; LifeSpan Biosciences ;
Biorbyt ; GeneTex ; GenWay Biotech), ou sont rarement directement obtenus à partir d’un
immunogène canin : IL-17A (LifeSpan Biosciences) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to
explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
2.3.1.6. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez le porc
Tout comme chez les autres ongulés, les cellules T γ:δ chez le porc forment une souspopulation majeure de cellules T au sein des cellules mononuclées des jeunes animaux, même
si cette population décroit avec l’âge (Yang et Parkhouse, 1996). Il n’existe toujours pas
d’AcM spécifique des molécules porcines du TCR α:β. Ainsi, les cellules T α:β peuvent
seulement être identifiées indirectement avec une combinaison d’anticorps contre le CD3 et le
TCR γ:δ. Cette population peut être divisée en 4 sous-populations : des cellules CD4−CD8α+,
CD4+CD8α−, CD4+CD8α+ et une très petite fraction de cellules CD4−CD8α− (Gerner et al.,
2009).
Des anticorps monclonaux dirigés directement contre la chaine ε du CD3 porcin
(Novus Biologicals ; BD Biosciences ; Southern Biotech) ou obtenus à partir d’un
immunogène humain et présentant une réactivité croisée avec le porc (AbD Serotec ; Abcam ;
Lifespan Biosciences ; Abbiotech ; Genetex ; Thermo Scientific Pierce Antibodies) sont
commercialement disponibles. Des anticorps polyclonaux dirigés contre la chaine ε du CD3
porcin (Bioss Inc.) sont également disponibles. On peut également trouver des anticorps
monoclonaux dirigés contre la chaîne δ du CD3 porcin (Lifespan Biosciences) ou obtenus à
partir d’un immunogène humain et présentant une réactivité croisée avec le porc (GenWay
Biotech). Il n’existe pas actuellement d’anticorps dirigés contre les différentes chaines du
TCR porcin commercialement disponibles. De nombreux anticorps monoclonaux dirigés
contre le CD4 porcin (Lifespan Biosciences : Abcam ; Acris Antibodies ; BD Biosciences ;
136
Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Creative Biomart) ou des anticorps polyclonaux
(Biorbyt ; Bioss Inc. ; Abbiotec ; Aviva Systems Biology ; GenWay Biotech) existent. Des
anticorps monoclonaux dirigés contre le CD8α porcin sont également disponibles (Abcam ;
Lifespan Biosciences ; Novus Biologicals ; Acris Antibodies ; Southern Biotech)
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Une particularité du porc partagée avec les singes (Zuckermann, 1999) est l’expression
de CD8α sur une proportion substantielle de cellules T CD4+ helper dans le sang périphérique
et les organes lymphoïdes secondaires (Pescovitz et al., 1994 ; Saalmüller et al., 1987 ;
Zuckermann et Husmann, 1996). De nombreuses études ont montré que les cellules
CD4+CD8α+ sont presque absentes chez les porcelets, mais augmentent graduellement avec
l’âge (Borghetti et al., 2006 ; Solano-Aguilar et al., 2001 ; Zuckermann et Husmann, 1996) et
que ces cellules prolifèrent en réponse à une stimulation à un antigène de rappel (Saalmüller
et al., 1999 ; Summerfield et al., 1996 ; Zuckermann et Husmann, 1996). Talker et al., (2013)
suggèrent que la sur-régulation de CD8α est l’un des premier événements survenant dans la
différenciation des cellules T helper naïves chez le porc, mais Revilla et al. (2005) suggèrent
la présence de cellules naïves parmi les cellules CD4+CD8α+, puisque la moitié de ces cellules
affichaient un phénotype naïf en ce qui concerne les marqueurs d’activation CD45RA,
SLA-DR et CD29. En plus de la proportion de cellules T helper CD8α+ augmentée, les porcs
possèdent aussi un nombre augmenté de cellules T helper SLA-DR+, et SLA-DR n’est détecté
que sur les cellules T CD8α+ (Saalmüller et Maurer, 1994 ; Saalmüller et al., 2002, 1991 ;
Talker et al., 2013). Talker et al (2013) suggèrent que les cellules T helper CD8α+SLA-DR+
seraient issues des cellules CD8α+SLA-DR−, mais une fois encore Revilla et al. (2005)
avaient conclu que des cellules T helper mémoires étaient présentes dans la fraction
SLA-DR−. La stimulation in vitro des cellules T helper résulte en une sous-régulation partielle
de CD45RC avec la population CD8α+SLA-DR+CD27+ étant enrichie de cellules CD45RC(Saalmüller et al., 2002). Au fil du temps, la proportion des cellules T helper CD45RC−
augmente, mais une proportion considérable de cellules CD3+CD4+ est déjà négative pour
CD45RC dès la naissance, ce qui laisse douter que l'absence de CD45RC soit un phénotype
authentique d’activation des cellules T helper chez le porc (Talker et al., 2013). Comme chez
l’homme, toutes les cellules T helper sont positives pour CD27 à la naissance et un nombre
croissant de cellules T helper CD27− est identifié au cours du temps. D’autre part, comme
pour l’expression de SLA-DR, toutes les cellules T helper CD27− étaient CD8α+, ce qui
indique que l’expression de CD8α est un pré-requis pour le phénotype CD27-. À la naissance,
deux phénotypes sont présents : les cellules affichant le phénotype naïf CD8α−CD45RC+
SLA-DR−CD27+ et les cellules CD8α−CD45RC-SLA-DR−CD27+. À part ces deux souspopulations présentes à la naissance, d’autres phénotypes contenant des cellules CD8α−
deviennent extrêmement rares chez les porcs adultes. Ceci est en défaveur de la présence de
cellules effectrices et/ou mémoires au sein des cellules T helper CD8α− et soutient
l’hypothèse que les cellules T CD3+CD4+ ayant déjà eu une expérience antigénique coexpriment toujours CD8α. Le manque de CD27 semble identifier des cellules hautement
différenciées chez le porc (Talker et al., 2013).
Une combinaison d’expériences fonctionnelles avec des analyses phénotypiques ont
aussi montré que les cellules T helper répondant à la stimulation polyclonale deviennent
137
CMH II+ mais perdent l’expression de CD45RC, et que le même phénotype (CD4+CD8α+
CMHII+CD45RC−) est trouvé sur les cellules en prolifération lors de réponses de rappel in
vitro spécifiques de l’antigène contre le virus de la peste porcine classique (Saalmüller et al.,
2002) et les peptides dérivés du virus de la fièvre aphteuse (Blanco et al., 2000 ; Gerner et al.,
2006).
Des anticorps monoclonaux dirigés contre le CD45RC porcin (Antibodies-online ;
Antigenix America Inc. ; Lifespan Biosciences ; Genetex ; AbD Serotec ; Abcam. Novus
Biological ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Aviva Systems Biology ; GenWay
Biotech), contre SLA-DR de classe II (Antibodies-online ; Acris Antibodies ; Lifespan
Biosciences ; AbD Serotec ; Genetex ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; GenWay
Biotech), ainsi que des anticorps polyclonaux réagissant contre le CD27 porcin (Antibodiesonline ; Biorbyt ; Lifespan Sciences ; Bioss Inc.) sont disponibles (BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Un autre marqueur des cellules T CD4+ helper est identifié par l’AcM 2E3. Cet AcM
identifie un antigène exprimé partiellement par les cellules CD4+CD8α+, mais la majorité des
cellules marquées 2E3+ appartiennent à la sous-population CD4+CD8α−. De plus, les cellules
T CD4+2E3+ sont majoritairement CD45RA+CMHIIDR−CD29−, et semblent être des cellules
T helper naïves puisqu’une prolifération spécifique d’antigène a été trouvée parmi une
fraction de cellules CD4+2E3− mais pas parmi les cellules CD4+2E3+ (Revilla et al., 2004). De
façon intéressante dans une étude consécutive, l’hypothèse selon laquelle l’expression du
CMH de classe II est trouvée sur la population entière des cellules T helper mémoires a été
remise en cause puisqu’il a été démontré que les cellules T CD4+2E3−CMHII− contiennent
une fraction de cellules pouvant répondre à leur antigène spécifique par une prolifération in
vitro (Revilla et al., 2005b). De plus, la même équipe a montré qu’au sein des cellules
mononuclées de sang périphérique, les cellules CD4+2E3− expriment CXCR3 et CCR4 mais
pas CCR7, alors que ce dernier est trouvé parmi les cellules CD4+2E3+ (Revilla et al., 2005a).
CCR7, qui est trouvé sur les cellules T helper naïves et mémoires centrales (Kim CH et al.,
2001), pourrait ainsi ne pas être détecté dans une population de cellules porcines contenant
des cellules T mémoires. Aussi, CXCR3, qui est trouvé sur les cellules humaines Th1, et
CCR4, exprimé par les cellules Th2 humaines (Kim CH et al., 2001 ; Moser et al., 2004), sont
tout deux trouvés sur les cellules CD4+2E3−, ce qui ne donne aucun argument sur la
polarisation des cellules T helper chez le porc.
En effet, chez le porc, de véritables efforts ont été entrepris pour élucider les
populations Th1 et Th2 avec peu de succès, les données sur le paradigme Th1/Th2 étant
principalement basées sur les études utilisant de la PCR en temps réel, et la production de
cytokines n’a seulement été étudiée que depuis une population de lymphocytes entière
(Gerner et al., 2009).
L’anticorps monoclonal 2E3 est commercialement disponible (Thermo Scientific
Pierce Antibodies ; GeneTex ; Antibodies-online ; Novus Biological ; Acris Antibodies)
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Après leur analyse des profils cytokiniques des cellules mononuclées de sang
périphérique et de nœuds lymphatiques de porcelets infectés in utero par le virus du syndrome
138
dysgénésique et respiratoire porcin (PRRSV), Aasted et al. (2002) viennent à douter de
l’existence de la dichotomie Th1/Th2 chez le porc. Cependant, l’apport d’une source exogène
d’IFN-α au moment de la vaccination résulte en une augmentation d’IFN-γ et une réduction
des quantités d’IL-1, IL-6 et IL-10 sécrétées par les cellules mononuclées du sang
périphérique. La combinaison d’une réponse IFN-α limitée et d’une production soutenue
d’IL-1, IL-6 et d’IL-10 pendant les deux premières semaines après exposition au PRRSV
faciliterait donc le développement d’une faible réponse immune Th1. Suite à ces observations,
Royaee et al. (2004) proposèrent que la réponse immune polarisée contre le PRRSV soit
régulée de la même façon que le paradigme Th1/Th2 décrit chez l’homme et les rongeurs. Peu
de temps après, le profil des cytokines de porcs croisés Pollet China X Letrace inoculés avec
Toxoplasma gondii et Ascaris suum a été évalué par Dawson et al. (2005), qui ont trouvé un
profil de type Th1 chez les porcs infectés par T. gondii et un profil de type Th2 chez les porcs
infectés par A. suum. Cependant, une étude récente a montré que l’IL-4 n’était pas un facteur
stimulateur des cellules B porcines, mais qu’elle bloque la sécrétion d’anticorps et d’IL-6, et
réprime la prolifération des cellules B stimulées par un antigène (Murtaugh et al., 2009). Ceci
suggère que l’IL-4 joue un rôle différent chez le porc que chez l’homme et la souris, chez
lesquels elle stimule les cellules B et est essentielle à la production d’anticorps.
Enfin, les cellules Th17, Th22, Th9 et Tfh n’ont pas encore été rapportées chez le
porc, bien qu’elles existent vraisemblablement (Gerner et al., 2009).
Des anticorps monoclonaux dirigés contre l’IFN-α porcin (Abcam, Lifespan
Biosciences ; Acris Antibodies ; Cell Sciences ; AbD Serotec ; GenWay Biotech ; Creative
Biomart), l’IL-1 porcine (Genetex ; Creative Biomart), l’IL-2 porcine (Lifespan Biosciences ;
GenWay Biotech ; Acris Antibodies), l’IL-4 porcine (Cell Sciences), l’IL-8 porcine (Cell
Sciences ; Life Technologies), l’IL-10 porcine (Lifespan Biosciences ; Cell Sciences ;
GenWay Biotech) sont commercialement disponibles. Des anticorps polyclonaux dirigés
contre l’IFN-α porcin (Lifespan Biosciences ; Biotrend Chemikalien), l’IL-1 porcine (Cell
Sciences ; Abbiotech ; Merck Millipore), l’IL-2 porcine (Cell Sciences), l’IL-4 porcine
(GenWay Biotech ; Biotrend Chemikalien), l’IL-6 porcine (Cell Sciences ; GenWay Biotech ;
Biotrend Chemikalien ; Bioss Inc. ; Lifespan Biosciences), l’IL-8 porcine (Lifespan
Biosciences ; GenWay Biotech ; Biotrend Chemikalien ; Acris Antibodies ; AbD Serotec ;
Creative Biomart), l’IL-10 porcine (Biotrend Chemikalien), l’IL-13 porcine (Biotrend
Chemikalien ; Acris Antibodies ; Lifespan Biosciences ; Novus Biologicals) et l’IL-22
porcine (Biotrend Chemikalien) le sont également. Enfin, certains anticorps monoclonaux
présentent aussi des réactivités croisées avec l’IL-4 porcine (Lifespan Biosciences ; Acris
Antibodies ; AbD Serotec ; Biolegend), et certains anticorps polyclonaux avec l’IL-13 porcine
(Bioss Inc. ; Abbiotech ; Biorbyt) et l’IL-22 porcine (Aviva Systems Biology ; GenWay
Biotech) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour
le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Ainsi, les connaissances actuelles suggèrent que chez le porc, les cellules T helper sont
restreintes au CMH de classe II et sur-régulent CD8α et le CMH de classe II DR suite à leur
activation mais perdent l’expression de CD45RC. En général, les cellules T helper mémoires
semblent retenir le phénotype CD8α+CD45RC−CMHII+. De plus, le marqueur 2E3 semble
identifier les cellules T helper, et la perte de l’expression du marqueur CD27 caractérise les
139
cellules T helper hautement différenciées. Certaines études mettent en évidence l’équivalent
du paradigme Th1/Th2 chez le porc, mais cette polarisation serait beaucoup moins marquée
que chez la souris, et le rôle de l’IL-4 dans la polarisation Th2 serait en particulier très
différent. Les sous-populations Th17, Th22, Th9 et Tfh n’ont pas encore été rapportées.
2.3.1.7. Distinction des différentes sous-populations de cellules T CD4+
helper chez le macaque
Le paradigme Th1/Th2 a aussi été observé chez les macaques. Kawabata et al. (1998)
ont mis en évidence chez des macaques rhésus infectés par le virus de l’immunodéficience
simienne (SIV) l’existence de cellules sécrétant des cytokines de type 1 (IFN-γ, IL-2) et de
cellules sécrétant des cytokines de type 2 (IL-4, IL-6) en fonction de l’isotype du SIV.
Cependant, la polarisation Th1/Th2 n’est pas aussi marquée que chez la souris. En effet, des
souris BALB/c et DBA/2 vaccinées avec le transactivateur transcriptionel (Tat) du HIV-1
montrent une réponse de type Th2, alors qu’un profil mixte Th1/Th2 est observé chez les
macaques cynomolgus (Turbant et al., 2009).
Ce n’est que récemment que furent isolées pour la première fois chez le macaque
rhésus, des cellules sécrétrices d’IL-17A, et que les cellules Th17 alors définies par le
phénotype CD3+CD4+IL-17A+ furent rapportées chez cette espèce (Qiu et al., 2008). Cette
découverte permit alors de développer des études sur cette sous-population chez des
macaques infectés par le SIV, modèles de l’infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (HIV) chez l’homme (Cecchinato et al., 2008 ; Demberg et al., 2011 ; HartiganO’Connor et al., 2012 ; Raffatellu et al., 2008). Tout comme chez l’homme et la souris, les
cellules Th17 chez le macaque sont différentes des lignées Th1, Th2 et Treg. Cette population
de cellules a un phénotype mémoire, et produit très peu d’IFN-γ, et pas d’IL-4, IL-10 ni de
TGF-β (Cecchinato et al., 2008 ; Favre et al., 2009 ; Kader et al., 2009). Chez les macaques à
queue de cochon et chez l’homme, une fraction significative des cellules produisent de l’IL-2
et du TNF-α et co-expriment CD25 en l’absence de Foxp3 (Brenchley et al., 2008 ; Favre et
al., 2009). Au contraire, un autre groupe a montré que les cellules Th17 de macaques rhésus
n’expriment pas CD25 (Cecchinato et al., 2008).
Les cellules Th22 ont été décrites chez le macaque rhésus dans des modèles
d’infection par Plasmodium fragile (Ryan-Payseur et al., 2011), de maladie cœliaque (Xu H
et al., 2013). La distinction entre Th17 et Th22 n’est cependant pas toujours claire et il existe
des populations de cellules sécrétant à la fois de l’IL-17 et de l’IL-22 qualifiées de cellules
Th17/Th22 (H. Xu et al., 2013 ; Zeng et al., 2011). Les cellules Th9 n’ont en revanche pas
encore été décrites.
Il existe pour le macaque rhesus des anticorps monoclonaux obtenus à partir
d’immunogène humain ayant une réactivité croisée avec l’IFN-γ (Lifespan Biosciences ; Cell
Sciences ; AbD Serotec ; BD Biosciences ; Biolegend), l’IL-2 (Biolegend ; BD Biosciences ;
AbD Serotec ; Cell Sciences), l’IL-4 (Abcam ; GenWay Biotech ; Biolegend ; Lifespan
Biosciences ; BD Biosciences ; Cell Sciences), l’IL-6 (BD Biosciences), l’IL-10 (Biolegend) ;
ainsi que des anticorps polyclonaux ayant une réactivité croisée avec l’IL-2 (Lifespan
Biosciences), l’IL-13 (Merck Millipore). Il existe pour le macaque cynomolgus des anticorps
monoclonaux obtenus à partir d’immunogène humain ayant une réactivité croisée avec l’IFN140
γ (Cell Sciences ; BD Biosciences ; Biolegend), l’IL-2 (Biolegend ; BD Biosciences ; Cell
Sciences), l’IL-4 (Biolegend ; BD Biosciences), l’IL-6 (BD Biosciences), l’IL-10
(Biolegend) , ainsi que des anticorps polyclonaux dirigés contre l’IL-6 de cynomolgus (Sino
Biological) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à
jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les cellules Tfh ont récemment été identifiées chez le macaque rhésus. Elles ont été
trouvées pour la première dans les follicules des cellules B des tissus lymphoïdes secondaires
par Petrovas et al. (2012), qui les ont caractérisé par le phénotype CD28highCD95high
CCR7lowPD-1high. Cependant, Onabajo et al. (2013) ont montré que les cellules Tfh pouvaient
simplement être différenciées par leur forte expression de PD-1 et que ces cellules T
CD4+PD-1high expriment de manière inhérente de forts niveaux de CXCR5 et d’IL-21. Les
cellules Tfh du macaque rhésus affichent un phénotype similaire aux cellules Tfh murines et
humaines, exprimant de forts niveaux d’ICOS, CTLA-4, CXCR4, BTLA, CD69, CD154 et
Bcl-6 (Onabajo et al., 2013 ; Petrovas et al., 2012). La transcription réduite de TBX21 dans les
cellules Tfh CD150low est associée à une forte production d’IL-4, alors que les cellules Tfh
CD150high produisent de l’IL-10. De plus, les cellules Tfh produisent peu de cytokines Th1
indépendamment de leur expression de CD150. Ceci suggère que les cellules T
CD4+CCR7lowPD-1highICOShighCD150low sont l’équivalent des cellules Tfh des centres
germinatifs humains (Petrovas et al., 2012). Les cellules T CD4+CCR7lowPD-1high issues de
macaques rhésus infectés de façon chronique sont de plus capables de fournir une aide in vitro
aux cellules B autologues mémoires, en accord avec la définition des cellules Tfh (Petrovas et
al., 2012), et la corrélation positive entre les cellules T CD4+PD-1high et les cellules B
Bcl6+Ki-67+IgG+ indique que ces deux populations de cellules sont probablement associées
au sein des centres germinatifs des nœuds lymphatiques (Onabajo et al., 2013). D’autre part,
l’IL-6 est capable d’induire les marqueurs (Bcl-6, ICOS, CD95, PD-1) des cellules Tfh et
aurait un rôle régulateur critique dans les dynamiques des cellules Tfh (Petrovas et al., 2012).
Il a aussi été montré chez les macaques à queue de cochon que les cellules T CD4+
mémoires PD-1highCD127low ont un phénotype comparable aux cellules Tfh humaines,
exprimant de haut niveaux de CXCR5, d’IL-21, de Bcl-6 et d’ICOS, et n’exprimant pas
CCR5 ni CXCR6 (Xu Y et al., 2013).
Pour le macaque rhésus, il existe dans le commerce des anticorps monoclonaux dirigés
contre CD28 (Abcam ; Biolegend ; BD Biosciences), CD95 (AbD Serotec ; Abcam ; BD
Biosciences ; Biolegend ; Lifespan Biosciences), CCR7 (Abcam ; Biolegend), PD-1
(Biolegend), CXCR5 (eBiosciences), IL-21 (eBiosciences), ICOS (eBiosciences), CTLA-4
(eBiosciences ; BD Biosciences), CXCR4 (Abcam ; Biolegend ; BD Biosciences), CD69
(Biolegend ; BD Biosciences ; AbD Serotec ; Lifespan Biosciences ; Aviva Systems Biology),
CD154 (Lifespan Biosciences ; Abcam, Biolegend ; BD Biosciences ; AbD Serotec), CD150
(Biolegend). Pour le macaque cynomolgus, il existe dans le commerce des anticorps
monoclonaux dirigés contre CD28 (Biolegend ; BD Biosciences), CD95 (BD Biosciences ;
Biolegend), CCR7 (Biolegend), PD-1 (Biolegend) , CTLA-4 (BD Biosciences), CD69
(Biolegend ; BD Biosciences ; AbD Serotec ; Lifespan Biosciences ; Aviva Systems Biology),
CD154 (Lifespan Biosciences ; Abcam, Biolegend ; BD Biosciences ; AbD Serotec), CD150
(Biolegend); et polyclonaux contre CXCR5 (Abcam), CXCR4 (Abcam ; Biolegend ; BD
141
Biosciences) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à
jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Ainsi, le paradigme Th1/Th2 s’applique également aux cellules T CD4+ helper des
macaques, même si leur polarisation semble moins marquée que chez la souris. Les souspopulations Th17 et Th22 ont récemment été mises en évidence, et semblent relativement
proches. Enfin les cellules Tfh ont aussi été identifiées très récemment, mais leur
caractéristiques phénotypes sont déjà mieux définies que les autres sous-populations connues
jusqu’alors.
2.3.2 Les cellules T cytotoxiques
2.3.2.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T CD8+
chez la souris et l’homme
Les cellules T CD8+ reconnaissent surtout les peptides issus d’antigènes synthétisés de
façon endogène et présentés par les molécules de CMH I qui sont en général exprimées par
toutes les cellules nucléées. Ils assurent des fonctions effectrices à travers leur production de
cytokines, telles que l’IFN-γ et le TNF-α, et/ou par cytotoxicité directe. La plupart de nos
connaissances sur leurs fonctions vient de l’analyse d’infections virales chez la souris (Wong
et Pamer, 2003). Ces infections expérimentales conduisent typiquement à des expansions de
clones de cellules T CD8+ qui éliminent les cellules infectées (van Lier et al., 2003). Après
résolution de l’infection, l’expansion clonale se contracte à travers l’apoptose. Environ 10 %
des cellules répondant persistent en tant que cellules mémoires et confèrent une protection
contre une réinfection, mais peuvent être délétères si elles réagissent à des auto-antigènes.
L’amorçage initial des cellules T CD8+, la taille des expansions et la formation des cellules
mémoires est largement contrôlé par les interactions avec les CPA (Badovinac et al., 2002 ;
Murali-Krishna et al., 1998). Si le fait que l’aide des cellules T helper est nécessaire à
l’initiation des réponses T CD8+ est encore controversé (Bevan, 2004), elles sont clairement
essentielles à la genèse de cellules T CD8+ mémoires (Sun et Bevan, 2003). De plus, dans
certaines infections virales ou lors de situations avec des réactions inflammatoires seulement
légères, la « validation » des CPA par les cellules T helper est nécessaire pour amorcer les
réponses T CD8+ (Smith et al., 2004).
Les populations de cellules T et les cellules NK ont de nombreuses caractéristiques en
commun. Elles ont toutes deux la capacité de tuer les cellules infectées par un pathogène et les
cellules néoplasiques à travers la libération ciblée de perforines et de granzymes enfermées
dans des granules lytiques. Lors de leur libération, les perforines forment des pores dans la
membrane des cellules cibles, facilitant l’entrée de granzymes inductrices de l’apoptose
(Lieberman, 2003 ; Voskoboinik et al., 2010). La plupart des lymphocytes cytotoxiques qui
expriment la perforine reconnaissent les cellules cibles en utilisant des TCR somatiquement
réarrangés et clonalement distribués qui lient des complexes spécifiques peptide-CMH I sur
les cellules cibles. En accord avec cela, de telles cellules T cytotoxiques expriment le corécepteur CD8 pour le CMH de classe I. Complétant l’immunité assurée par les cellules T, les
cellules NK reconnaissent les cellules cibles en utilisant de nombreux récepteurs d’activation,
142
et ceci de façon potentialisée par la perte de l’expression du CMH I sur les cellules cibles
(Bryceson et al., 2011 ; Lanier, 2008). En plus de leur cytotoxicité, une autre fonction
importante des lymphocytes cytotoxiques est la production de chémokines et de cytokines
telles que le TNF-α et l’IFN-γ, qui promeuvent l’immunité contre les pathogènes
intracellulaires. Les cascades de signalisation contrôlant la variété des fonctions effectrices
sont pensées être similaires entre les cellules cytotoxiques et les cellules NK (de Saint Basile
et al., 2010). Cependant, chez la souris des études d’imagerie in vitro et in vivo ont montré des
différences sur la façon dont les cellules cytotoxiques et les cellules NK reconnaissent et
éliminent les cellules cibles. Alors que les cellules cytotoxiques forment des contacts stables
avec les cellules cibles, les cellules NK forment des contacts plus transitoires en induisant une
mobilisation de Ca2+ et une polarisation cytosquelettique moins profonde (Deguine et al.,
2010 ; Wulfing et al., 2003).
De nombreux marqueurs de surface ont été proposés pour faire le lien entre le
phénotype de surface des cellules T CD8+ et leur fonction. La plupart de ces études utilisent la
combinaison des isoformes de CD45R et les récepteurs impliqués dans l’écotaxie, la costimulation et l’activation des cellules T CD8+ (Friese et Fugger, 2005). La classification
phénotypique des cellules T CD8+ fonctionnelles, réparties en cellules naïves, mémoires et
effectrices est très utile dans de nombreuses études sur les cellules T humaines et murines.
Chez l’homme, les profils d’expression particuliers des molécules co-stimulatrices CD27 et
CD28 ainsi que de CD45RA et CD45RO sont associés aux fonctions naïve, mémoire et
effectrice des cellules T CD8+ (Hamann et al., 1997 ; Tomiyama et al., 2002). Une étude plus
récente démontre que les cellules T CD8+ exprimant les phénotypes CD27+CD28−CD45RA+/−
et CD27−CD28−CD45RA+/− pourraient être classées en cellules mémoires/effectrices et
effectrices respectivement, alors que les cellules T CD8+ naïves et mémoires seraient
phénotypiquement CD27+CD28+CD45RA+ et CD27+CD28+CD45RA− respectivement
(Tomiyama et al., 2004). Un modèle de différenciation linéaire pour les cellules T CD8+
humaines a proposé que les cellules CD27+CD28+CD45RA+ « naïves » progressent en
cellules CD27+CD28+CD45RA− « précoces » et que ces cellules se différencient ensuite en
cellules CD27−CD28+CD45RA− « intermédiaires », qui deviennent ensuite des cellules
CD27−CD28−CD45RA−/+ « tardives » (Appay et Rowland-Jones, 2004). Ces études sont
reprises dans la partie s’intéressant aux cellules T mémoires.
Pendant un certain nombre d’années on croyait que le paradigme Th1/Th2 ne
s’appliquait pas aux cellules T CD8+. La plupart des cellules T CD8+ avaient un profil Th1 et
ces cellules semblaient rarement produire de l’IL-4. Dans les années 1990, cette vision
commença à être discutée, d’abord par Seder et al. (1992) qui observèrent chez la souris que
les cellules T CD8+ cultivées avec de l’IL-2 et de l’IL-4 sécrétaient des quantités
significatives d’IL-4 ; puis chez des patients lépreux chez qui le groupe de Salgame montra
que les cellules T CD8+ sécrétant de l’IL-4 étaient associées à des formes lépromateuses plus
sévères et pouvaient inhiber les cellules T CD4+ spécifiques de Mycobacterium leprae
(Salgame et al., 1991a, 1991b). Ce fut d’abord chez les souris qu’il fut mis en évidence que
les cellules T CD8+ pouvaient se différencier à partir de cellules produisant à la fois de
l’IFN-γ et de l’IL-4 (cellules Tc0), en cellules produisant de l’IFN-γ mais pas d’IL-4 (cellules
Tc1) et en cellules produisant de l’IL-4 mais pas de l’IFN-γ (cellules Tc2) (Croft et al., 1994 ;
Sad et al., 1995). Cependant, il est difficile de produire des cellules Tc2 de souris (Noble et
143
al., 1995) ou d’humain, bien que des rapports isolés signalent de telles cellules issues de
gencive (Wassenaar et al., 1996) ou de péritoine (Birkhofer et al., 1996). Ce n’est que
récemment qu’une troisième sous-population de cellules T CD8+ productrice d’IL-17 fut
reconnue et appelée Tc17. Ces cellules ont de nombreuses caractéristiques en commun avec
leur homologue Th17 et leur engagement est conduit par des signaux similaires. Elles ont été
décrites dans de nombreuses conditions inflammatoires et elles semblent impliquées dans de
nombreuses maladies dysimmunitaires et même les cancers. Enfin, l’existence d’une
population de cellules T CD8+ productrice d’IL-22 mais pas d’IL-17 ni d’IFN-γ (Tc22)
induite par l’IL-21 (Zhang et al., 2013) fut également observée dans des lésions de psoriasis et
de tumeur (Res et al., 2010).
Les cellules T CD8+ régulatrices ont aussi une longue histoire en immunologie. Elles
furent la première sous-population de cellules décrite capable d’induire une suppression
immunitaire comme montré initialement par Gershon et Kondo (1970). Cependant, les
difficultés à caractériser ces cellules T CD8+ et leurs potentiels marqueurs limitèrent
rapidement cette aire de recherche. De plus, elles furent éclipsées par l’émergence des Treg
dans le compartiment des cellules T CD4+. Hall et al. (1990) et Sakaguchi et al. (1995)
montrèrent que la sous-population de cellules T CD4+ exprimant CD25 était capable d’induire
une suppression immunitaire. Initialement décrites en tant que cellules T CD4+CD25+,
l’identification du facteur de transcription Foxp3 a permis de définir plus récemment une
lignée de cellules T générées dans le thymus ou induites par conversion périphérique, et
pouvant inhiber les maladies auto-immunes en supprimant les cellules T auto-réactives.
L’importance des cellules Treg CD8+ a été récemment ravivée par des observations chez des
souris KO et lors de vaccination par des cellules T chez la souris (Hu et al., 2004 ; Jiang et al.,
1998). Cone et al. (2009) ajoutèrent à ce domaine ré-émergeant la description des cellules
Treg CD8+ pouvant limiter les réponses d’hypersensibilité menées par les cellules T contre un
antigène délivré dans l’œil. Les cellules T activées peuvent être utilisées pour vacciner les
souris, ce qui induit une réponse régulatrice capable de limiter la maladie dans un certain
nombre de modèles dont l'EAE, le modèle murin de la sclérose en plaques. Il a été montré que
ce phénomène est du à l’induction de cellules T CD8+ qui entrent en interaction avec les
cellules T effectrices et qui limitent ainsi les réponses immunitaires : les cellules Treg CD8+.
De plus, cette réponse se produit non pas par les molécules classiques du CMH de classe Ia,
mais par une molécule de classe Ib, Qa-1 (HLA-E chez l’homme). L’importance de
l’interaction de cette molécule avec les Treg CD8+ a été montrée chez des souris invalidées
pour le gène Qa-1, qui développent une maladie auto-immune en l’absence de la fonction des
cellules Treg CD8+. Les cellules Treg CD8+ semblent agir non seulement à travers la lyse
directe des cellules T effectrices via la perforine mais aussi à travers des cytokines
immunosuppressives (Hu et al., 2004 ; Jiang et al., 1998). Qa-1 est une molécule très
intéressante qui est exprimée sur une large variété de cellules et en particulier sur les cellules
T activées, les cellules B et les cellules dendritiques. Elle peut lier la globuline β-2, comme
une molécule classique de classe Ia et présenter une large variété de peptides (Sarantopoulos
et al., 2004). Les peptides que cette molécule présente sont dérivés soit de la séquence
meneuse des molécules de CMH nommée molécules Qdm ou de peptides du soi dont la prépro-insuline et les protéines heat-shock. En plus d’agir comme un élément de restriction pour
les cellules T CD8+, c’est aussi un ligand pour les récepteurs inhibiteurs NKG2A des cellules
144
NK. Ainsi, elle peut à la fois inhiber la lyse des cellules T par les cellules NK et mener à
l’inhibition des cellules T par les cellules Treg CD8+. Différents sites de liaison pour les
cellules Treg CD8+ et cellules NK sur Qa-1 ont été définis et des mutations sur chacun de ces
sites conduisent à des effets opposés. Le manque d’activation des cellules Treg CD8+ entraîne
une aggravation de la maladie, alors que la perte de l’inhibition par les cellules NK diminue
les effets de la maladie (Lu et al., 2008). Le nombre de cellules Treg CD8+ est généralement
faible : moins de 1 % dans la circulation périphérique, bien que des concentrations bien
supérieures sont rencontrées parmi les lymphocytes de l’épithélium intestinal. Un certain
nombre de marqueurs des cellules Treg CD8+ a été étudié dont l’expression de CD28, CD122
et CD8αα comparé à l’hétérodimère normal CD8αβ (Smith et Kumar, 2008). De plus,
l’expression de Foxp3 a été identifiée parmi quelques cellules suppressives CD8+, bien que
cela puisse refléter l’activation induite de Foxp3 plutôt que son véritable phénotype
régulateur. L’utilisation des tétramères Qa-1 était initialement prometteuse mais elle s’avère
limitée par la relativement faible capacité de liaison des peptides à la molécule et aussi par le
fait que la liaison du tétramère à NKG2A se produit sur un grand nombre de cellules T CD8+.
2.3.2.2. Détermination des cellules T CD8+ chez l’homme
2.3.2.2.1. Détermination des cellules T CD8+ cytotoxiques chez l’homme
2.3.2.2.1.1. Distinction entre les cellules T cytotoxiques par leur expression d’enzymes
cytotoxiques
À la fois dans l’immunité innée et adaptative, les lymphocytes tueurs comme les
cellules T cytotoxiques (CTL) et les cellules NK respectivement, peuvent induire une
apoptose rapide des cellules transformées ou infectées par un virus. Les lymphocytes tueurs
utilisent deux voies pour tuer les cellules cibles, les deux nécessitant un contact cellule à
cellule. La première voie est induite après la liaison croisée de récepteurs de mort cellulaire
tels que Fas sur la cellule cible par leurs ligands respectifs exprimés sur les cellules tueuses.
La seconde voie implique l’exocytose de protéines cytotoxiques telles que la perforine et les
granzymes à partir de granules stockés dans le cytoplasme des cellules effectrices (Bratke et
al., 2005).
Il est nécessaire de comparer les CTL et les cellules NK humaines afin d’améliorer nos
connaissances sur les similarités et différences moléculaires parmi les sous-populations de
lymphocytes cytotoxiques. Mais pour pouvoir les comparer, les marqueurs d’identification
des CTL et des cellules NK sont nécessaires. Les CTL sont en général définis comme des
cellules T CD8+ contenant de la perforine, et les cellules NK contenant de la perforine et
hautement cytotoxiques sont typiquement définies comme les cellules CD3−CD56dim (diminished)
(Chiang et al., 2013).
Certaines études ont montré que les granzymes pouvaient entrer dans les cellules
cibles par endocytose, alors que la perforine permet aux granzymes l’accès à leur substrat
dans les cellules cibles en déstabilisant les endosomes. Chez l’homme, cinq types de
granzymes ont été identifiées avec des spécificités de substrats différentes. La granzyme A
(GrA) et la granzyme K (GrK) humaines ont une activité similaire à la trypsine et clivent
145
après les résidus basiques d’arginine et de lysine. La granzyme B (GrB) clive après les résidus
d’acide aspartique, la granzyme H après les résidus hydrophobes comme la phénylalanine et
la granzyme M clive après la méthionine ou la leucine. Les GrA et GrB sont les mieux
caractérisées (Bratke et al., 2005). Les phénotypes des sous-populations de cellules T CD8+
exprimant les granzymes ont été résumés dans le tableau 8.
Tableau 8 : Expression relative des granzymes au sein des sous-populations de
lymphocytes issus de sang périphérique humain. Adapté d’après Bratke et al. (2005).
Les symboles donnés représentent les pourcentages trouvés dans les populations respectives : - pour non
détecté, +/- pour < 10 %, + pour 10-50 %, ++ pour 50-75 %, +++ pour >75 % .
Sous-populations de
du sang périphérique
lymphocytes
Granzyme A
Granzyme B
Granzyme K
-
-
-
fort
fort
faible
fort
fort
faible
Cellules NK (CD56 CD3 )
intermédiaire
faible / -
fort
Cellules NK (CD56brightCD3-)
+++
+++
-
+++
variable
variable
Cellules B (CD19+CD3-)
+
-
Cellules B (CD19 CD3 )
+
-
Cellules NK (CD56 CD3 )
dim
-
+
+
+
+
Cellules NKT (CD16 CD3 )
Cellules NKT (CD56 CD3 )
+/-
+/-
+/-
+
+
++ / +
+
+
+
+
+++
++
+
Granzyme A
Granzyme B
Granzyme K
Cellules T helper (CD4 CD3 )
Cellules T CD8+ (CD8 CD3 )
Sous-populations
cellules T CD8+ (CD8+CD3+)
CD11b+
de
+++
+++
+
CD16
+
+++
+++
-
CD25
+
+
-
+
CD27
-
+++
+++
-/+
CD28
-
+++
+++
-/+
CD45RA+
+
+
-/+
CD45RO+
+++
++
+
+++
variable
variable
CD56
+
-
CD62L
+++
++
+
CCR5+
+++
+
++
-
+++
+
+
-
-
-
+++
++
++
CCR7
+
CCR7
HLA-DR
+
Il a été proposé que la fonction effectrice des CTL soit encore mieux corrélée à
l’expression du marqueur CD56. CD56 est absent des cellules T CD8+ de cordon ombilical,
mais est exprimé par environ 4 à 30 % des cellules T CD8+ fraichement isolées à partir de
sang d’adultes. La sous-population contient en général de grandes quantités de perforine et de
granzyme B intracellulaire, et la capacité cytolytique est restreinte aux cellules CD45RAhigh
CD56+ plutôt qu’aux cellules CD45RAhighCD27-. Pittet et al. (2000) ont donc proposé que le
146
phénotype des cellules T CD8+ effectrices circulantes soit simplifié et plus précisément défini
par l’expression de seulement deux marqueurs de surface : CD8 et CD56.
L’expression des enzymes cytotoxiques est régulée par des molécules de signal
cellulaire en amont des signaux d’activation précoces. Les facteurs de transcription
Éomésodermine (EOMES) et T-box exprimé dans les cellules T (T-bet), qui sont connus pour
induire l’expression de granzyme (Pearce et al., 2003 ; Sullivan et al., 2003), sont trouvés à
travers les populations de cellules T et non T et gouvernent probablement les profils
d’expression des enzymes cytotoxiques (Glimcher et al., 2004). Bien que les mécanismes
gouvernant l’expression des enzymes cytotoxiques ne soit pas complètement connus, des
études suggèrent qu’elle est liée de près à la différenciation cellulaire. Parmi les cellules T
CD8+, les cellules naïves expriment peu ou pas d’enzymes cytotoxiques comparées à des
types cellulaires plus différenciés. L’expression d’enzymes cytotoxiques au sein des cellules
mémoires centrales est considérablement plus diverse que dans les autres populations, peutêtre à cause des multiples protéines de surface utilisées pour les identifier. Il a été montré que
de forts niveaux d’expression de perforines sont uniformément accompagnés par la forte
expression de CD57. L’expression simultanée de GrA, de GrB et d’un fort niveau de
perforine est attribué à une sous-population de cellules qui peut être identifiée simplement par
le marqueur CD57 (Chattopadhyay et al., 2009).
La stimulation antigénique chronique conduit à une accumulation graduelle de cellules
T oligoclonales spécifiques d’un antigène et tardivement différenciées, particulièrement au
sein du compartiment des cellules T CD8+. Elles sont caractérisées par des télomères
extrêmement raccourcis, la perte de CD28 et/ou le gain de l’expression de CD57 et sont
définies soit par les cellules T CD8+CD28- soit par les cellules T CD8+CD57+. De nombreuses
études ont montré que les cellules CD8+CD28− (CD8+CD57+) expriment la perforine, les
granzymes, la granulysine et ont un fort potentiel cytotoxique. L’expression de ces molécules
cytotoxiques parmi les cellules T CD8+CD28− (CD8+ CD57+) est plus forte que parmi leurs
homologues CD28+ (CD57-). L’un des gènes les plus sur-exprimés parmi les cellules T
CD8+CD28− (CD8+ CD57+) code pour la granulysine qui est un effecteur critique dans la
réponse des CTL aux pathogènes intracellulaires et aux cellules tumorales, et qui agit aussi
comme un activateur pro-inflammatoire et chimio-attractif. Les cellules T CD8+CD28−
(CD8+CD57+) produisent de forts niveaux de la cytokine immunomodulatrice IFN-γ et de la
cytokine pro-inflammatoire TNF-α. La production de ces cytokines est plus marquée parmi
les cellules CD8+CD28− (CD8+CD57+) que parmi les cellules CD8+CD28+ (CD8+CD57-). Il a
été trouvé que l’augmentation de la production d’IFN-γ à travers le vieillissement est corrélée
à l’expansion de la population de cellules T CD8+CD57+, ce qui implique que les cellules T
pourraient être une source de production élevée d’IFN-γ. Une autre étude suggère que les
cellules T CD8+CD28− productrices d’IFN-γ pourraient être impliquées dans la pathogénèse
de la réponse auto-immune de la maladie de Graves, puisque l’ophtalmopathie de Graves est
corrélée à la prévalence de cellules T CD8+CD28− productrices d’IFN-γ (Strioga et al., 2011).
Ainsi, les molécules CD56 et CD57 ont été suggérées être de bons marqueurs pour identifier
les CTL. Cependant, aucun consensus n’a été atteint concernant la meilleure définition
phénotypique des CTL (Appay et al., 2008). Afin d’obtenir une vue non biaisée dans la
relation des marqueurs de la lignée des cellules T CD8+, Chiang et al. (2013) ont réalisé un
modèle probabiliste des cellules humaines avec le respect de leur expression des constituants
147
de leurs granules cytotoxiques et des différentes lignées et marqueurs de différenciation. Ils
ont ainsi confirmé que la forte expression de CD57 était un marqueur utile pour la détection
des CTL. Ils ont aussi montré que les CTL CD3+CD8+CD57bright affichaient une capacité à
dégranuler et à tuer les cellules cibles similaires aux cellules NK CD3−CD56dim, mais que la
composition de leurs granules lytiques était différente.
2.3.2.2.1.2. Distinction des sous-populations de cellules T cytotoxiques en fonction de leur
profil cytokinique
2.3.2.2.1.2.1. Distinction des sous-populations Tc0, Tc1 et Tc2
Il est difficile de produire des cellules Tc2, bien que des rapports isolés signalent de
telles cellules issues de gencive (Wassenaar et al., 1996) ou de péritoine (Birkhofer et al.,
1996). En utilisant un stimuli approprié, Kemeny et al. (1999) sont parvenus à obtenir des
clones de cellules Tc1 et Tc2 humaines ainsi que de cellules Tc1 et Tc2 murines.
Contrairement aux cellules T CD4+ Th1 et Th2, les sous-populations de cellules T CD8+
semblent avoir la même capacité cytolytique. Cependant, le niveau de cytotoxicité semble
dépendre du niveau d’expression du complexe peptide-CMH I et possiblement de la force de
la co-stimulation. De plus, les sous-populations de cellules T CD8+ répondent différemment
aux cytokines. L’IL-12 améliore la croissance des cellules Tc1 mais pas des cellules Tc2,
alors que l’IL-4 inhibe la prolifération des cellules Tc1 mais n’a pas d’effet sur les cellules
Tc2. Finalement les clones de cellules Tc1 et Tc2 diffèrent dans le niveau d’antigène de
surface qu’ils expriment. Les cellules T CD8+ Tc1 humaines expriment peu de CD30, CD28
ou CD40L alors que les cellules Tc2 expriment une quantité substantielle de ces ligands, ce
qui pourrait faciliter leur interaction avec les autres cellules immunitaires (Kemeny et al.,
1999). La première analyse systématique fonctionnelle des cellules T CD8+ humaines fut
réalisée par Vukmanovic-Stejic et al. (2000) qui générèrent des clones de cellules Tc0, Tc1 et
Tc2 à partir du sang périphérique d’individus en bonne santé. La majorité des clones de
cellules T CD8+ étaient de phénotype Tc1, mais 10 à 20 % sécrétaient de l’IL-4 en plus de
l’IFN-γ (phénotype Tc0). La genèse de clones Tc2 est dépendante de l’utilisation d’anti-CD3
et d’anti-CD28 comme stimulus primaire. Les profils cytokiniques des clones établis
pouvaient être modifiés par l’ajout d’IL-12 et d’IL-4. De plus, l’IL-12 améliorait et l’IL-4
inhibait la croissance des clones Tc1 mais pas des clones Tc2 et Tc0. Des différences
fonctionnelles significatives étaient observées entre ces sous-populations. Les clones Tc2 et
Tc0 expriment CD30 et CD40L à un bien plus grand niveau que les clones Tc1, ce qui
confirme l’utilisation de CD30 en tant que marqueur des cellules Tc0 et Tc2. Les clones Tc1,
Tc2 et Tc0 montrent une capacité cytotoxique comparable et produisent des niveaux
similaires de perforine et de FasL. Cependant les clones Tc2 sont bien plus résistants à la mort
cellulaire induite par activation et moins susceptibles à l’apoptose par la liaison directe de Fas.
De plus, les clones Tc1 et Tc2 ont des effets opposés sur le développement des cellules T
CD4+ effectrices, promouvant les réponses de type 1 et de type 2 respectivement.
La molécule CRTH2 a été proposée comme marqueur le plus fiable des cellules Tc2
chez l’homme. En effet, les cellules CRTH2+ ne contiennent que des cellules Tc2 (ou Th2)
mais pas de cellules Tc1 ou Tc0, bien qu’elles ne produisent pas toutes des cytokines de type
148
Th2. Les cellules T CRTH2+ sont dépourvues de cellules CXCR3+ et CCR5+, mais sont
enrichies en cellules CCR3+ et CCR4+ (Cosmi, 2001).
L’élimination des virus est considérée être l’une des principales fonctions effectrices
des cellules T CD8+. Elles possèdent une gamme d’activités antivirales qui varie en
importance selon les différentes infections et comprennent la capacité à tuer des cellules
infectées par cytolyse médiée par le CMH et à sécréter les cytokines IFN-γ et TNF-α et des
chémokines. Le fait que le profil cytokinique des lymphocytes T CD8+ affecte leurs fonctions
reste controversé. Chez l’homme, plusieurs groupes (Halverson et al., 1997 ; VukmanovicStejic et al., 2000) n’ont rapporté aucune différence dans l’activité cytolytique des cellules
Tc1, Tc2, Tc0 in vitro et aucune différence dans leur expression du FasL, alors que Maggi et
al., 1997 ont trouvé que les cellules Tc2 et Tc0 affichent une moindre capacité cytolytique
que les cellules Tc1. Février et al. (2004) ont étudié le contrôle de la réplication de deux
souches virales (X4 et R5) de HIV dans les cellules T CD4+ par les trois sous-populations de
cellules T CD8+ (Tc0, Tc1, Tc2) et ont quant à eux trouvé que leur capacité à contrôler la
réplication virale était hétérogène : certains clones peuvent contrôler les deux souches de
virus, certains seulement la souche X4, alors que la majorité n’exerçaient aucune activité
suppressive.
2.3.2.2.1.2.2. Découverte de la nouvelle sous-population Tc17
L’IL-17 forme un groupe de cytokines inflammatoires, comprennat l’IL-17A qui est
produite à la fois par les cellules T CD4+ et CD8+. Les cellules T CD4+ productrices d’IL-17
(Th17) ont récemment été identifiées en tant que nouvelle sous-population des cellules T
helper. Les cellules Th17 sont des cellules effectrices et jouent un rôle important dans les
maladies inflammatoires et auto-immunes. Les cellules T CD4+ se différencient en cellules
Th17 par une voie distincte de la différenciation des cellules Th1 et Th2, suggérant que les
cellules Th17 ont une voie de différenciation spécifique. Au contraire, on en connait beaucoup
moins sur les cellules Tc17, les cellules T CD8+ produisant de l’IL-17. Les cellules Tc17 ont
été détectées chez l’homme, mais sans détails rapportés. Sur un échantillon de 10 individus en
bonne santé, Kondo et al. (2009) ont trouvé que la fréquence des cellules T CD8+ sécrétant de
l’IL-17 était bien plus faible que celle des cellules T CD4+ exprimant cette cytokine, ce qui
montre que la population de cellules Tc17 est bien plus petite que la population Th17. Ils ont
en effet trouvé que seulement 0,4 % des cellules T CD8+ produisaient de l’IL-17 alors que ce
pourcentage était de 1,8 % pour les cellules T CD4+. La production d’IL-17 était cependant
très variable selon les individus, avec le pourcentage de cellules T CD8+IL-17+ allant de 0,04
à 0,4 %.
Plusieurs études ont montré que les cellules T CD8+ humaines pouvaient être classées
en cellules naïves, mémoires, effectrices/mémoires, et effectrices selon leur profil
d’expression des trois marqueurs de surface CD27, CD28 et CD45RA (Hamann et al., 1997 ;
Tomiyama et al., 2002). Les cellules Tc17 sont majoritairement trouvées dans les souspopulations CD27+CD28+CD45RA− et CD27−CD28+CD45RA− mémoires, mais pas dans les
sous-populations CD27+CD28+CD45RA+ naïve et CD27−CD28−CD45RA−/+ effectrice. Ceci
montre que les cellules Tc17 se trouvent dans les sous-populations CD27+/−CD28+CD45RA−.
D’autre part, les cellules Tc17 sont principalement accumulées dans la sous-population
149
CD27−CD28+CD45RA− bien que leur nombre absolu soit plus grand dans la sous-population
CD27+CD28+CD45RA− (Kondo et al., 2009).
Bien que l’on retrouve un moindre pourcentage de cellules CCR6+ et de cellules
IL-17A+ dans la population T CD8+ que dans la population T CD4+, tout comme pour les
cellules T CD4+, les cellules T CD8+ productrices d’IL-17A sont aussi trouvées
exclusivement au sein de la sous-population CCR6+ (Singh et al., 2008). On les retrouve
également dans la sous-population de cellules CCR5high mais pas dans les sous-populations
CD45RA-CCR5low, CCR5−, et CCR6−, ni dans les sous-populations CCR4+ ou CCR7+.
D’autre part, comme plus de 90 % de la sous-population de cellules T CD8+CCR6+ exprime
un fort niveau de CCR5, ceci suggère que les cellules Tc17 sont majoritairement détectées
dans la sous-population CCR5highCCR6+CD45RA− (Kondo et al., 2009). Plusieurs études ont
montré au contraire que les cellules Th17 humaines sont présentes majoritairement dans les
sous-populations CCR6+CCR4+ ou CCR2+CCR5− (Acosta-Rodriguez et al., 2007 ; Sato et al.,
2007), suggérant ainsi que les cellules Tc17 ont une activité chimiotactique différente des
cellules Th17 et qu’elles migrent dans les sites inflammatoires en réponse à différentes
chémokines. Dans le rapport de Kondo et al. (2009), respectivement 44,6 % et 27,9 % des
sous-populations CCR5highCCR6+CD27−CD28+CD45RA− et CCR5highCCR6+CD27+CD28+
CD45RA− produisent de l’IL-17 et on peut conclure de leur étude que les cellules Tc17 font
partie de la sous-population de cellules CCR5highCCR6+CD27−/+CD28+CD45RA−CD8+.
Les cellules Tc17 ont été détectées dans des tumeurs (Kryczek et al., 2007), mais la
nature et la régulation de ces cellules n’ont été étudiées que récemment. L’étude des cellules
Tc17 dans des carcinomes hépatocellulaires humains a montré qu’elles favorisent la
progression de la maladie en stimulant l’angiogénèse. Elles représentent une grande part des
cellules productrices d’IL-17 dans ces tumeurs. Bien que la plupart des cellules Tc17
circulantes sont IFN-γ-, plus de 80 % des cellules Tc17 dans les tissus tumoraux sont IFN-γ+
et sont présentes majoritairement du côté envahissant de la tumeur. Comparées aux cellules
CD8+IFN-γ-IL-17-, les cellules Tc17 IFN-γ+ ont un niveau d’expression significativement plus
élevé de cytokines pro-inflammatoires (IL-2, IL-22, TNF-α), mais une expression réduite de
GrB et de perforine. De plus, les monocytes activés par la tumeur sécrètent un jeu de
cytokines clés (IL-1β, IL-6 et IL-23) pour déclencher la prolifération des cellules Tc17. Ceci
révèle que les cellules Tc17 humaines sont générées par une action collaborative finement
accordée entre différents types cellulaires et micro-environnements tumoraux (Kuang et al.,
2010).
Chez des patients, les cellules T CD8+ productrices d’IL-17 ont pu être identifiées
dans les lésions inflammatoires chroniques telles que des lésions de psoriasis (Eysteinsdóttir
et al., 2013 ; Res et al., 2010), de sclérose en plaques (Tzartos et al., 2008), de lupus
systémique érythémateux (Henriques et al., 2010), de colite (Kumawat et al., 2013), d’arthrite
rhumatoïde (Henriques et al., 2013) mais également chez des enfants atteints de diabète de
type 1 (Marwaha et al., 2010).
150
2.3.2.2.2. Détermination des cellules T CD8+ régulatrices chez l’homme
2.3.2.2.2.1. Les cellules T régulatrices CD8+CD28-Foxp3+
Les cellules Treg CD8+CD28−Foxp3+ sont probablement les mieux caractérisées
(Suciu-Foca et al., 2005 ; Vlad et al., 2011, 2005). Le facteur de transcription nucléaire Foxp3
est considéré être l’un des marqueurs les plus pertinents de nombreuses cellules T
immunosuppressives. Il est à noter cependant que contrairement à la souris, Foxp3 n’est pas
un marqueur absolu des lymphocytes T régulateurs chez l'homme, parce que son expression
avec celle de CD25 est transitoirement induite chez la majorité des cellules T CD8+ et CD4+
« conventionnelles » naïves activées (Shevach, 2006). Cependant, l’expression de Foxp3α, un
isoforme de Foxp3 prédomine dans la sous-population de cellules Treg CD8+CD28−Foxp3+
(Suciu-Foca et al., 2005).
L’analyse de profil génétique des cellules Treg CD8+CD28−Foxp3+ a montré une surrégulation significative de nombreux gènes avec une activité anti-apoptotique tout comme des
gènes impliqués dans la voie Wnt, dont l’activation inhibe la prolifération des cellules T CD8+
et la différenciation effectrice cytotoxique, et la production d’IFN-γ et de granzyme. Bien que
les cellules Treg CD8+CD28−Foxp3+ induisent des gènes qui contrôlent la machinerie de
croissance, l’arrêt de leur cycle cellulaire semble ne pas être irréversible parce qu’il a été
montré que sous certaines condition de stimulation (haute concentration en IL-2 en présence
de CPA), ces cellules Treg sont capables de proliférer de façon extensive. Les cellules Treg
CD8+CD28−Foxp3+ ayant une activité suppressive évidente ne semblent pas exprimer CD57,
et pourraient ainsi représenter cette sous-population mineure de cellules T CD8+ hautement
différenciées qui sont négatives à la fois pour CD28 et CD57 (Colovai et al., 2001 ; Vlad et
al., 2011).
Le mécanisme de l’immunosuppression médiée par les cellules Treg CD8+CD28−
Foxp3+ fut révélé par le groupe de Suciu-Focia. Il diffère de ceux médiés par les autres
cellules T régulatrices parce que ces cellules Treg ne produisent pas de cytokines, n’ont pas
de capacité à tuer et leur activité immunosuppressive est restreinte au CMH I. Il est présumé
que la forte sur-régulation du répresseur de transcription Bcl-6 observé parmi les cellules Treg
CD8+CD28−Foxp3+ compte en partie pour leur activité suppressive (Suciu-Foca et al., 2005 ;
Vlad et al., 2011).
Les cellules Treg CD8+CD28−Foxp3+ agissent aussi bien sur les CPA professionnelles
(principalement les cellules dendritiques mais aussi les monocytes) que sur les CPA non
professionnelles (cellules endothéliales) directement par contact de cellule à cellule et rendent
ces CPA tolérogéniques induisant une expression augmentée d’ILT3 et d’ILT4, qui
appartiennent à la famille des récepteurs inhibiteurs immunoglobuline-like (Uss et al., 2006 ;
Vlad et al., 2005). Le ligand pour l’ILT3 est inconnu, alors qu’ILT4 se lie au domaine α3 non
polymorphique des molécules de CMH de classe Ia (HLA-A, HLA-B, HLA-C) et de CMH de
classe Ib (HLA-G) (Vlad et al., 2005). La sur-expression de l’ILT3 et de l’ILT4 sur la surface
des CPA inhibe très fortement l’activation du facteur nuclaire kappaB (NFκB) médiée par
CD40, diminuant la capacité des CPA à transcrire les molécules co-stimulatrices dépendantes
du NFκB telles que CD80 et CD86 (Shevach, 2006 ; Vlad et al., 2011). Les CPA
ILT3highILT4high tolérogéniques générées interagissent avec les cellules T CD4+ naïves qui
151
soit deviennent anergiques et rentrent en apoptose, soit gagnent une expression constante de
CD25 et Foxp3 avec une activité régulatrice. Similaires aux cellules Treg CD8+CD28−
Foxp3+, ces cellule Treg CD4+ induites sont spécifiques d’un antigène et agissent aussi sur les
CPA indépendamment des cytokines, par contact de cellule à cellule induisant la surrégulation de l’ILT3 et de l’ILT4. De plus, les CPA ILT3highILT4high tolérogéniques peuvent
interagir avec les cellules T CD8+ naïves, en induisant aussi l’expression de Foxp3 et en
convertissant leur différenciation en cellules CD8+CD28−FOXP3+ (Suciu-Foca et al., 2005 ;
Vlad et al., 2005).
2.3.2.2.2.2. Les cellules T régulatrices CD8+CD28-Foxp3- sécrétrices d’IL-10
Les cellules Treg CD8+CD28-Foxp3- sécrétrices d’IL-10 sont non-spécifiques d’un
antigène et n’expriment pas les molécules CD56 et CD127. Elles sont anergiques et cet état ne
peut être surpassé en utilisant des mitogènes variés ou des conditions de cultures
mitogéniques. In vitro, les cellules Treg CD8+CD28-Foxp3- sont générées à partir de cellules
T CD8+CD28- sous l’action de l’IL-2 et de l’IL-10 sans nécessité de stimulation du TCR.
L’expression de GITR (glucocorticoid-induced TNFR-related protein) a un rôle dans la
genèse mais pas dans la fonction suppressive des cellules Treg CD8+CD28-Foxp3-. Elles
inhibent l’activité CPA des cellules dendritiques, la prolifération des cellules T et la
cytotoxicité des cellules T cytotoxiques par la sécrétion de l’IL-10 (Fenoglio et al., 2008 ;
Filaci et al., 2007, 2004).
2.3.2.2.2.3. Les cellules T régulatrices CD8+CD57+
Plusieurs études démontrent clairement que les cellules T CD8+CD57+ montrent une
activité immunosuppressive, médiée par la sécrétion d’une glycoprotéine soluble résistante à
la trypsine, la chaleur et l’acide, et distincte des cytokines connues. Le facteur soluble sécrété
par les cellules CD8+CD57+ cultivées de patients HIV-positifs et ayant subi une
transplantation de moelle osseuse inhibent à la fois l’activation polyclonale et l’activité
cytotoxique des cellules T de donneurs en bonne santé (Frassanito et al., 1998 ; Joly et al.,
1989 ; Sadat-Sowti et al., 1994). Le surnageant des cellules CD8+CD57+ issues de patients
atteints de myélome multiple suppriment la prolifération des cellules T conduite par la
phytohémagglutinine ou par l’agent mitogène du phytolaque tout comme la production d’IgG
et d’IgM des lymphocytes du sang périphérique d’individus en bonne santé stimulés par
l’agent mitogène du phytolaque. La suppression de la production d’immunoglobulines est
dépendante des cellules T, suggérant que ce facteur soluble inhibiteur agit sur la fonction des
cellules T. Il est important de noter que l’effet inhibiteur médié par les cellules T CD8+CD57+
est significativement plus fort chez les patients atteints de myélome multiple que les contrôles
en bonne santé, bien que les cellules T CD8+CD57+ des patients et des contrôles aient été
incubées aux mêmes concentrations. Un effet similaire est observé chez les patients infectés
par le HIV et ayant subi une transplantation de moelle osseuse, suggérant que la population de
cellules T CD8+CD57+ immunosuppressives est étendue et plus active dans quelques
conditions pathologiques (Frassanito et al., 1998 ; Wang et al., 1993).
152
2.3.2.2.2.4. Les cellules T régulatrices restreintes au HLA-E
De récents rapports ont également démontré la participation des cellules T CD8+
régulatrices dans le contrôle de la sclérose en plaques chez l’homme. L’analyse des cellules T
issues de patients atteints de sclérose en plaques a montré que les Treg CD8+ restreintes au
HLA-E peuvent être clonées à la fois à partir des patients atteints de sclérose en plaques et des
individus sains. Les cellules Treg CD8+ isolése de patients atteints de sclérose en plaques
lysent les cellules T CD4+ réactives à la myéline par un processus cytolytique restreint par la
molécule de CMH de classe Ib non classique HLA-E, l’homologue humain de Qa-1 chez la
souris (Correale et Villa, 2008). En accord avec les découvertes réalisées dans le modèle
EAE, les cellules Treg CD8+ restreintes au HLA-E clonées de patients pendant la
manifestation de la maladie expriment un plus haut niveau de CD94/NKG2A à leur surface
que les cellules T CD8+ clonées de patients en rémission ou que les cellules T CD8+ de
contrôles sains. Cette expression supérieure de CD94/NKG2A à leur surface correspond à leur
moindre activité cytotoxique contre les cellules T CD4+ réactive à la myéline, indiquant que
les récepteurs inhibiteurs CD94/NKG2A exprimés par les cellules CD8+ diminuent leur
activité suppressive restreinte au HLA-E. De plus, le blocage par anticorps de l’interaction
HLA-E-CD94/NKG2A améliore la lyse des clones de cellules T CD4+ auto-réactives par les
cellules CD8+ restreintes au HLA-E chez les patients atteints de sclérose en plaques (Correale
et Villa, 2008).
Cette découverte suggère aussi que la thérapie combinant des cellules T CD8+ restreintes au
HLA-E clonées et un anticorps anti-NKG2A pourrait conduire à une amélioration à long
terme voire une rémission de la maladie. L’acétate de glatiramère (AG) fut découvert lors
d’études de l’EAE. Ce polymère synthétique peut réduire les manifestations et supprimer les
rechutes de la sclérose en plaques. Bien que l’AG ait déjà reçu l’approbation de la FDA
comme traitement de la sclérose en plaque, son mécanisme d’action reste inconnu. Des
analyses récentes ont suggéré que le traitement de la sclérose en plaques avec l’AG entrainait
une sur-régulation des cellules T CD8+ régulatrices/suppressives réactives à l’AG. Les
cellules Treg CD8+ induites par l’AG expriment de forts niveaux de perforine et lysent
directement les cellules T CD4+ qui présentent l’AG par le HLA-E. Au contraire, les patients
non traités montrent un déficit global en suppression médiée par les cellules T CD8+
comparés aux sujets sains.
2.3.2.2.2.5. Les cellules T régulatrices CD8+CD25+Foxp3+
Des cellules CD8+CD25+ exprimant de forts niveaux de Foxp3, de GITR, CCR8,
TNFR2 et CTLA-A ont été identifiées pour la première dans les septa fibreux et les zones
médullaires de thymus humain par Cosmi et al. (2003). Les thymocytes CD8+CD25+ activés
ne produisaient pas de cytokines mais la plupart d’entre eux exprimaient à leur surface
CTLA-4 et du TGF-β1. Tout comme les cellules CD4+CD25+, ces thymocytes CD8+CD25+
supprimaient la prolifération des cellules T CD25- autologues par un mécanisme de contact.
L’activité suppressive de ces cellules était abrogée par un mélange d’anticorps anti-CTLA-4
et anti-TGF-β1. Des cellules Treg CD8+CD25+ exprimant Foxp3 ont ensuite été retrouvées
suite à leur induction par un AcM anti-CD3 modifié chez des patients atteints de diabète de
153
type 1 (Bisikirska et al., 2005), et en quantité importante dans le sang et dans le tissu tumoral
de patients atteints de cancer colorectal (Chaput et al., 2009). Ces cellules Treg infiltrant le
tissu tumoral sont activées, comme le suggère leur expression augmentée de CTLA-4, de
GITR et de TGF-β1 comparées aux autres cellules Treg CD8+ isolés dans le tissu colique
autologue normal. De plus, ces cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ sont capables de supprimer
la prolifération des cellules T CD4+CD25-, la production de cytokines Th1 ex vivo,
démontrant que les cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ ont de puissantes capacités
suppressives. Le nombre de cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ était corrélé avec le stade de la
tumeur et le statut micro-invasif. La genèse des cellules CD8+CD25+Foxp3+ ex vivo peut être
induite de façon synergique par l’IL-6 et le TGF-β1 (Chaput et al., 2009).
Ces cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ ont ensuite été retrouvées chez des patients
atteints de sclérose en plaques et leur phénotype plus précisément caractérisé. De manière
similaire à ce qui était trouvé chez les patients atteints de cancer colorectal, isolées de patients
atteints de sclérose en plaques elles inhibent également la prolifération de cellules T CD4+
auto-réactives et la production d’IFN-γ et d’IL-17. De façon intéressante, on peut abroger
cette inhibition en réduisant au silence Foxp3 par l’utilisation d’un ARNsi. Les cellules Treg
CD8+CD25+Foxp3+ sont CD122+, CTLA-4+, GITR+, CCR7+ et CD62L+, produisant de l’IL10
et du TGF-β. Elles sous-régulent l’expression de molécules co-stimulatrices sur les cellules
dendritiques via la voie médiée par STAT3, entrainant une présentation antigénique moins
efficace, et induisant l’expression d’IDO sur les cellules dendritiques par des mécanismes
dépendants de STAT3 et CLA-4 (Correale et Villa, 2010).
Une sous-population de cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ et LAG-3+ a été décrite par
Joosten et al. (2007). Ces Treg CD8+ expriment CTLA-4, CD62L, CD28 mais ne produisent
pas d’IFN-γ, et la majorité sont CD45RA− et CD27−. Cette sous-population a la particularité
de réguler les cellules T en partie via la sécrétion de CCL4 qui inhibe l’activation des cellules
T en interférant avec la voie de signalisation du TCR. Ces cellules Treg CD8+ entrent en
expansion suite à une stimulation antigénique chez des donneurs amorcée in vivo et peuvent
être détectées dans les tissus humains infectés par Mycobacterium ; elles sont trouvées
seulement parmi de tels donneurs mais pas les individus naïfs suggérant qu’elles sont induites
in vivo.
De manière intéressante, une sous-population de cellules Treg C8+CD25+Foxp3+ a été
obtenue par Mahic et al. (2008) suite à une stimulation antigénique continue en présence de
monocytes CD14+. Le mécanisme de suppression de ces cellules Treg est indépendant des
sécrétions d’IL-10 et de TGF-β mais repose plutôt sur un mécanisme par contact. Le blocage
de CTLA-4, CD80 et CD86 ne permettait cependant pas d’inhiber la fonction suppressive de
ces cellules suggérant ainsi l’implication d’autres mécanismes.
2.3.2.2.2.6. Autres sous-populations de cellules T régulatrices CD8+
Le marqueur CD103 a récemment été utilisé par le groupe d’Uss pour caractériser une
sous-population de cellules Treg CD8+CD103+. Cette sous-population diffère des cellules
Treg CD8+CD28- principalement dans le fait que la majorité des cellules CD8+CD103+
expriment CD28. De plus, les cellules Treg CD8+ dépendantes d’un antigène dérivent des
cellules CD8+CD28-, qui sont générées in vitro après contact avec différents antigènes, alors
154
que les cellules Treg CD8+CD103+ sont générées ex vivo seulement après stimulation avec un
alloantigène. Ni la stimulation polyclonale avec la combinaison d’AcM anti-CD3 et antiCD28 ni la stimulation autologue n’induit la formation des cellules T CD103+. Les cellules
CD8+CD103+ au repos et stimulées par un allo-antigène manquent d’expression de Foxp3,
CD25, LAG-3, CTLA-4 et GITR. Elles expriment aussi la molécule co-stimulatrice CD127
mais manquent d’ICOS ce qui permet de déduire qu’elles nécessitent l’engagement du TCR et
des signaux co-stimulateurs CD80/86 pour être complètement activées et réaliser leur fonction
suppressive. L’analyse de marqueurs de différenciation révèle que les cellules T CD103+
n’expriment pas CD45RA, CCR7 et CD62L, ce qui indique que ces cellules ont déjà eu une
expérience antigénique. Elles sont également HLA-DR-CD69-perforine-granzyme-. Cette
découverte ex vivo n’est pas en accord avec le fait que les cellules T CD8+CD103+ stimulées
in vivo affichent souvent un phénotype GrB+ activé. Deux sous-populations fonctionnelles
différentes peuvent donc être distinguées, l’une ex vivo et l’autre in vivo (Koch et al., 2008 ;
Uss et al., 2006).
Ces auteurs ont proposé une distinction différente des sous-populations de cellules
Treg CD8+ de celle présentée ici, apparaissant dans le tableau 9, et révélant aussi une
hétérogénéité complexe.
L’importance des cellules Treg CD8+CD122+ dans le maintien de l’homéostasie
immune est bien connue chez la souris. Parce que le profil d’expression de CD8 et CD122
chez l’homme est différent de celui de la souris, les cellules Treg CD8+ humaines
correspondant aux cellules Treg CD8+CD122+ murines n’ont été identifiées que récemment.
En réalisant des analyses à l’aide de puces à ADN pour comparer les profils d’expression
génétique des cellules CD8+CD122+ et des cellules CD8+CD122- chez la souris, il a été trouvé
que CWCR3 était préférentiellement exprimé par les cellules CD8+CD122+. Il s’est avéré que
les cellules CD8+CD122+ et les cellules CD8+CXCR3+ montraient des activités régulatrices
similaires in vivo et in vitro chez la souris, et que ces cellules CD8+CXCR3+ chez l’homme
montraient une activité régulatrice par production d’IL-10 et supprimait la production d’IFN-γ
des cellules CD8+CXCR3-. Ces cellules CD8+CXCR3+ humaines seraient donc les
homologues des cellules CD8+CD122+ chez la souris (Shi et al., 2009).
Un rapport récent décrit une nouvelle sous-population de cellules Treg
+
CD8 CD45RA+CCR7+Foxp3+ obtenue suite à la stimulation de cellules T CD8+ avec des
anticorps anti-CD3 en présence d’IL-15. Le phénotype de ces cellules est celui classiquement
rencontré sur les cellules T CD8+ naïves puisqu’elles sont positives pour CD45RA, CD28,
CD27, et CCR7. Les mécanismes par lesquels elles exercent leur fonction suppressive sont
indépendants de cytokines sécrétées et ciblent préférentiellement les cellules T CD4+ naïves.
Les cellules Treg CD8+CCR7+ régulent les cellules T CD4+ en inhibant des événements très
précoces dans la cascade d’activation des cellules T CD4+ (Suzuki et al., 2012).
Ainsi, les CTL ont longtemps été définies par leur expression concomitante du
marqueur CD8 avec une forte expression de perforine et de granzymes. La combinaison de
l‘expression des marqueurs CD8 et CD57 a récemment été proposée pour définir les CTL
mais n’a pas encore été approuvée. Si les cellules T CD8+ cytotoxiques se caractérisent par
leurs fonctions cytotoxiques, il a été découvert que cette population n’est pas aussi homogène
que ce qu’elle paraissait et qu’elle n’échappe pas au paradigme Th1/Th2 rencontré chez les
155
cellules T CD4+. En effet, il est également possible de séparer les cellules T CD8+
cytotoxiques en fonction de leur profil cytokinique, et bien que les cellules Tc1 soient
largement majoritaires on retrouve aussi des cellules Tc0, Tc2 et Tc17. Toutes les cellules
CD8+ n’exercent pas une activité cytotoxique, mais certaines ont bien des propriétés
immunorégulatrices. Si ce sont les cellules Treg appartenant à la population CD4+ qui sont au
centre des efforts de recherche, les cellules Treg CD8+ ont été découverts bien avant mais
leurs sous-populations phénotypiques et fonctionnelles restent moins bien connues. Les
cellules Treg CD8+ semblent former une population très hétérogène, dont les mécanismes
d’actions peuvent reposer sur la sécrétion de facteurs solubles tels que l’IL-10, le TGF-β,
CCL-4 ou par contact cellule à cellule. Certaines de ces sous-populations ont même des
caractéristiques similaires aux cellules Treg CD4+CD25+.
Tableau 9 : Les différentes sous-populations de cellules Treg CD8+. Adapté d’après Koch
et al. (2008).
CD8+HLA-G+
Origine
Induction
Marqueurs
Cellules
CD8+Foxp3+LAG-3-/+
CD8+NKG2A+
CD8+CD28-
CD8+CD103+
Treg naturels
Treg adaptatifs
Thymus
Périphérie
Périphérie
Périphérie
Périphérie
Naturelle
Auto-antigènes
Pathogènes
Auto-antigènes
Pathogènes
Allo-antigènes
Auto-antigènes
Allo-antigènes
+
+
+
HLA-G
CD25
Foxp3+
LAG-3-/+
CTLA-4-/+
CD28-/+
CD45RClow
Facteurs solubles
Contact cellulaire
-
cellule T - cellule T cellule T - cellule T
cellule T - CPA
Mécanismes
HLA-G soluble
NKG2A
CD28-/+
NKG2A
HLA-E
-
CD103+
Foxp3CD25LAG-3CD28-/+
NKG2A-/+
CD28
Foxp3-/+
cellule T - CPA
ILT3,
IDO
cellule T - cellule T
cellule T - CPA
ILT4 NKG2A
HLA-E
ILT3, ILT4
IDO (nt)
(nt)
Abréviation : nt = non testé
2.3.2.3. Détermination des cellules T cytotoxiques chez la souris
2.3.2.3.1. Détermination des cellules T CD8+ cytotoxiques chez la souris
2.3.2.3.1.1. Distinction entre les cellules T cytotoxiques par leur expression d’enzymes
cytotoxiques
Chez la souris également, les cellules cytotoxiques du système immunitaire sont de
deux types : CTL et cellules NK. Ces deux types de cellules possèdent des mécanismes
156
effecteurs communs, induisant la mort par la voie Fas ou à l’aide de granules cytotoxiques.
Les cellules T CD8+ cytotoxiques chez la souris contiennent également la perforine et des
granzymes. Comme les CTL de l’homme, elles contiennent des GrA, GrB, GrM, GrK, mais
également d’autres granzymes telles que les GrC, GrD, GrE, GrF et GrG. Les souris ont servis
de modèle afin d’étudier les implications de la perforine et des granzymes dans les fonctions
cytotoxiques des CTL. Par exemple, les souris diabétiques non-obèses (NOD) et déficientes
en perforine ont une incidence réduite de la maladie comparé aux souris NOD contrôles, et
dans les modèles transgéniques d’expression d’un antigène viral par les cellules β du
pancréas, la voie de la perforine est la plus importante pour tuer les cellules. Au contraire, les
souris NODLPR et NODGLD MICE ne développent pas de diabète, et les clones CTL semblent
tuer les cellules exclusivement par la voie Fas. Ces deux voies sont donc peut-être toutes les
deux importantes selon les stades du diabète (Barry et Bleackley, 2002).
C’est également grâce à des modèles murins qu'a été mis en évidence le rôle
d’EOMES et de T-bet dans les profils d’expression des enzymes cytotoxiques. Il a ainsi été
montré que l’expression d’EOMES pouvait induire l’expression de la perforine et de GrB par
les cellules manquant normalement d’activité cytotoxique (telles que les cellules CD4+ Th2).
De façon similaire, les cellules T CD8+ issues de souris déficientes en T-bet sont bien moins
efficaces à tuer les cellules cibles in vitro que les cellules des souris contrôles. Les souris
déficientes en T-bet sont de plus davantage susceptibles aux infections par des pathogènes
nécessitant l’immunité médiée par les cellules T CD8+ (Chattopadhyay et al., 2009).
Cependant aucun marqueur de surface tel que CD56 ou CD57 n’est utilisé pour
identifier les cellules T CD8+ cytotoxiques chez la souris. Seule l’expression du marqueur
CD8+ associée à l’expression de la perforine et de granzymes permet de définir les cellules T
CD8+ cytotoxiques chez la souris.
2.3.2.3.1.2. Distinction des sous-populations de cellules T cytotoxiques en fonction de leur
profil cytokinique
2.3.2.3.1.2.1. Distinction des sous-populations Tc0, Tc1 et Tc2
Les cellules CD8+ issues de rate de souris stimulées par un alloantigène se
différencient soit spontanément soit en présence d’IL-2 ou d’IFN-γ et d’IL-4 en cellules T
CD8+ au profil cytokinique Th1 (IL-2 et IFN-γ). Au contraire, l’IL-4 induit la différenciation
en cellules T CD8+ sécrétrices de cytokines Th2 (IL-4, IL-5, IL-6 et IL-10), alors que des antiIFN-γ suppriment le développement de cellules T CD8+ sécrétrices d’IFN-γ. Les clones de
cellules T CD8+ sécrétrices d’IL-4 ou d’IFNγ sont relativement stables, puisque ni l’IL-4 ni
l’IFN-γ n’ont causé d’interconversion des cellules T CD8+ engagées. Les deux souspopulations CD8+ sont cytotoxiques, et n’ont pas réussi à aider la production d’anticorps par
les cellules B. C’est ainsi que Sad et al. (1995) furent les premiers à proposer les noms Tc1 et
Tc2 à ces cellules T CD8+ cytotoxiques sécrétrices de cytokines Th1 et Th2 respectivement.
Les cellules Tc1 et Tc2 peuvent être associées à des hypersensibilités retardées et
contrairement à leurs homologues Th1 et Th2, elles induisent des réactions similaires alors
que la cytotoxicité médiée par la perforine ne semble pas essentielle (Li et al., 1997). D’autres
157
études ont montré le rôle des cellules Tc2 dans la prévention de rejet de greffe sur des
modèles de transplantation de moelle osseuse chez la souris (Fowler et Gress, 2000, 1998).
Des études ont trouvé que les cellules Tc1, Tc0 et Tc2 avaient les mêmes capacités
cytolytiques médiées par Fas ou par les perforines in vitro alors que ce n’est pas le cas in vivo
(Cerwenka et al., 1999 ; Wirth et al., 2000). En effet, dans un modèle d’infection
expérimentale avec un virus influenza, les cellules Tc1 et non les cellules Tc2 réduisent la
concentration en virus dans les poumons tôt après l’infection. Ceci s’explique par le fait que
les cellules Tc2 entrent dans les poumons avec une cinétique retardée comparées aux cellules
Tc1. De plus, après leur entrée, les cellules Tc2 ne se localisent pas près de l’épithélium
respiratoire infecté comme le font les cellules Tc1, mais se retrouvent au sein de groupes de
cellules inflammatoires à distance de l’épithélium (Cerwenka et al., 1999). De même, les
cellules Tc0 et Tc2 sont moins efficaces que les cellules Tc1 à contrôler le virus de la
chorioméningite lymphocytaire in vivo. Ici encore, leur activité antivirale réduite n’est pas due
à une activité cytotoxique réduite mais à leur migration défectueuse jusqu’à l’organe cible à
cause de leur plus faible expression et/ou plus faible activité en molécules d’adhésion (Wirth
et al., 2000).
Les deux sous-populations Tc1 et Tc2 jouent un rôle important dans le contrôle du
développement des tumeurs. La protection de longue durée par les cellules Tc2 et Tc1 dépend
d’une part de l’importance de la tumeur et des cytokines IL-4, IL-5 et IFN-γ qu’elles sécrètent
respectivement. Elles fournissent ainsi une immunité par différents mécanismes qui
potentialisent les réponses anti-tumorales de l’hôte (Dobrzanski et al., 2000).
2.3.2.3.1.2.2. Découverte de la nouvelle sous-population Tc17
Bien que l’IL-17 soit largement considérée comme un produit des cellules T CD4+, les
cellules CD8+ sécrétrices d’IL-17 ont également été signalées dans différents modèles murins
depuis quelques années, sans pour autant qu’on leur porte un grand intérêt. Après culture dans
un milieu contenant des cellules dendritiques ayant été exposées à Klebsiella pneumonia, on
peut observer une production significative d’IL-17 par les cellules T CD8+. De plus, cette
production serait largement induite par l’IL-23 (Happel et al., 2003). L’hypersensibilité de
contact est une réponse immunitaire retardée et médiée par les cellules T qui a longtemps été
considérée être médiée primairement par les cellules Tc1. En effet, l’IFN-γ qui est la cytokine
type des cellules Tc1, a été impliquée en tant que cytokine inflammatoire primaire de
l’hypersensibilité de contact. Cependant, il a été démontré plus tard que c’est la neutralisation
de l’IL-17 plutôt que de l’IFN-γ qui supprime l’apparition de l’hypersensibilité de contact.
Ces cellules CD8+ productrices d’IL-17 sont stimulées par l’IL-23 comme proposé
précédemment, et sont en plus inhibées par l’IL-12 qui est un stimulateur type des cellules
Tc1 productrices d’IFN-γ. Il a ainsi pu être démontré que les cellules T CD8+ productrices
d’IL-17 sont bien différentes des cellules Tc1 (He et al., 2006). Il a également été signalé à la
fois chez la souris et chez l’homme, que les cellules T CD8+IL-17+ sont induites dans de
multiples micro-environnements tumoraux tout comme les cellules Treg et Th17 (Kryczek et
al., 2007).
Il est connu que le TGF-β et l’IL-6 facilitent la différenciation des cellules CD4+ en
cellules spécialisées sécrétant de l’IL-17, nommées cellules Th17. Il a été démontré que le
158
TGF-β et l’IL-6 pouvaient également stimuler les cellules CD8+ à se différencier en cellules
productrices d’IL-17, non cytotoxiques. Ces cellules CD8+ productrices d’IL-17 ne produisent
ni d’IFN-γ ni d’IL-10, et jusqu’à 94 % de ces cellules sont GrBlow, ce qui les caractérisent par
un manque d’activité cytotoxique. Les niveaux d’ARNm des facteurs de transcription
GATA-3 des cellules Th2/Tc2 et T-box des cellules Th1/Tc1 exprimés chez les cellules T
sont diminués chez les cellules CD8+ issues de cultures de leucocytes mixtes traitées au
TGF-β et à l’IL-6. Ces cellules CD8+ affichent en plus une sur-régulation de ROR-γt, un
facteur de transcription clé de l’IL-17. Ces résultats permettent d’affirmer pour la première
fois l’existence d’une sous-population de cellules T CD8+ n’appartenant à aucune des souspopulations Tc1 ou Tc2 et qui a alors été nommée comme cellule T non-cytotoxique 17
(Tnc17) (Liu S-J et al., 2007). Alors que ces cellules Tnc17 polarisées in vitro n’expriment
pas de granzyme B et ne médient pas de lyse, après transfert dans des souris exprimant
l’hémaglutinine (HA) comme auto-antigène, les cellules Tc17 spécifiques de l’HA prolifèrent
significativement avec l’émergence d’un phénotype sécréteur d’IFN-γ. Ceci montre que cette
population peut faire preuve in vivo d’une véritable plasticité (Yen et al., 2009). Plus
récemment, dans un modèle de diabète de type 1 basé sur l’expression de l’auto-antigène HA
dans les cellules β du pancréas, le même phénomène a été observé. Lorsqu’elles sont
transférées seules, les cellules T CD8+ spécifiques de l’HA productrices d’IL-17 migraient
vers les nœuds lymphatiques pancréatiques sans causer d’infiltration pancréatique ni de
destruction tissulaire, alors que lorsqu’elles étaient transférées avec un petit nombre de
cellules T CD4+ spécifiques de l’HA diabétogénique, un autre phénotype se développait : les
cellules CD8+ s’accumulaient dans les îlots pancréatiques et une fraction considérable se
convertissait sous contrôle d’IL-12 en un phénotype producteur d’IFN-γ (Saxena et al., 2012).
Les cellules T CD8+ déficientes en facteurs de transcription T-bet et éomésodermine
(Eomes) ne réussissent pas à se différencier en cellules tueuses fonctionnelles nécessaires à la
défense contre le virus de la chorioméningite lymphocytaire. À la place, ces cellules T CD8+
spécifiques du virus manquant à la fois de T-bet et Eomes se différencient en une lignée
sécrétant de l’IL-17. Suite à une infection virale, les souris dont les cellules T manquent à la
fois de T-bet et d’Eomes développent un syndrome inflammatoire progressif dépendant des
cellules T CD8+, associé à un syndrome de dépérissement caractérisé par une infiltration
neutrophilique de multiples organes (Intlekofer et al., 2008). Les cellules T CD8+ sécrétrices
d’IL-17 ont également été observées chez des souris déficientes en T-bet seulement, et
semblent jouer un rôle important dans le rejet d’allogreffes (Burrell et al., 2008). L’addition
d’IL-23 in vitro est suffisante pour que des cellules T CD8+ se différencient en cellules
productrices d’IFN-γ/IL-17 et est associée avec une augmentation de l’expression de ROR-γt
et de ROR-α. Un ajout d’IL-6 et de TGF-β à l’IL-23 augmente encore les expressions de
ROR-γt et de ROR-α et supprime l’expression d’Eomes, améliorant ainsi la production
d’IL-17 par les cellules T CD8+ et résultant en une baisse marquée de l’expression de
granzyme B et de perforine (Curtis et al., 2009). Comme chez les cellules Th17, le facteur de
transcription STAT3 semble également être nécessaire pour la polarisation des cellules Tc17
(Huber et al., 2009 ; Yen et al., 2009). À la fois STAT1 et STAT4 sont nécessaires pour un
développement optimal des cellules Tc17 et leur sécrétion maximale en cytokines (Ciric et al.,
2009), tout comme CTLA-4 qui promeut la différenciation Tc17 résultant en une réponse
Th17 robuste (Pick et al., 2014).
159
Au final, l’engagement des cellules T CD8+ naïves à la lignée Tc17 est conduit par des
signaux similaires à ceux décrits pour la différenciation Th17. En effet, le TGF-β et l’IL-6
conduisent les cellules T CD8+ naïves à se différencier en cellules T CD8+ de façon
dépendante de STAT-3 et ROR-γt (Huber et al., 2009 ; Liu S-J et al., 2007). Les cellules
Tc17 expriment aussi le récepteur à l’IL-23, CCR6, et produisent IL-2, IL-22 et le TNF-α
(Ciric et al., 2009 ; Huber et al., 2009). De plus, les cytokines de type I répriment le
développement à la fois des cellules Th17 et Tc17 (Hamada et al., 2009).
Ainsi, les cellules Tc17 ont été identifiées dans des conditions inflammatoires variées
allant d’infections au cancer et à des troubles dysimmunitaires (Ciric et al., 2009 ; Hamada et
al., 2009 ; Intlekofer et al., 2008 ; Tajima et al., 2008 ; Tzartos et al., 2008). Les modèles
murins corroborent l’implication des cellules T CD8+ productrices d’IL-17 dans une large
variété de conditions immunitaires (Burrell et al., 2008 ; Hamada et al., 2009 ; He et al.,
2006 ; Peng et al., 2007 ; Yeh et al., 2010). Des expériences de transfert adoptif de cellule
Tc17 suggèrent que leur capacité à détruire le virus influenza et à protéger contre les tumeurs
est liée à leur plasticité. En effet, l’acquisition de phénotype cytotoxique et producteur
d’IFN-γ explique en partie leur capacité à fournir une protection immunitaire (Hamada et al.,
2009 ; Hinrichs et al., 2009).
2.3.2.3.2. Détermination des cellules T CD8+ régulatrices chez la souris
2.3.2.3.2.1. Les cellules Treg CD8+ restreintes au Qa-1
La sous-population des cellules Treg CD8+ restreintes au Qa-1 est probablement celle
la mieux décrite chez la souris. Cette sous-population de cellules CD8+ reconnait le produit de
CMH de classe Ib Qa-1 (HLA-E chez l’homme) et supprime le développement et la rechute
de l’EAE (Jiang et al., 1995). Il y a plusieurs années, la genèse et l’analyse de souris
déficientes en Qa-1 a permis de définir plus précisément le rôle de Qa-1 dans la genèse et la
médiation de l’activité suppressive par cette sous-population Treg CD8+. Les souris manquant
de cellules Treg CD8+ restreintes au Qa-1 développent des réponses immunitaires aux
antigènes du soi exagérées (Hu et al., 2004). Cependant, les souris déficientes en Qa-1 n’ont
pas été entièrement suffisantes pour définir la contribution des cellules T CD8+ restreintes au
Qa-1 aux suppressions immunologiques, à cause de l’interaction bivalente de Qa-1 avec ses
récepteurs.
La présentation de peptides par la protéine Qa-1 sur les CPA active les cellules CD8+
spécifiques d’antigènes. De plus, lorsque le complexe Qa-1/peptide Qdm est formé, il engage
le récepteur CD94/NKG2 exprimé par les cellules CD8+ et NK et atténue les activités de ces
cellules (Lu et al., 2007 ; Moser et al., 2002 ; Vance et al., 1998). Il en résulte que le
phénotype de la réponse immunitaire des souris déficientes en Qa-1 reflète deux effets
opposés. L’amélioration de l’immunité dépendante des cellules CD4+ reflète la perte de la
cible Qa-1 pour l’activité des cellules Treg CD8+ (Hu et al., 2004), alors que la diminution de
l’immunité dépendante des cellules T CD4+ résulte de la lyse des cellules CD4+ activées par
les cellules NK qui ne sont plus encombrées par l’interaction inhibitrice NKG21 - Qa-1/Qdm
(Lu et al., 2007).
160
Pour isoler et analyser individuellement ces deux voies régulatrices dépendant de
Qa-1, deux mutants ont été créés. La genèse de la mutation Qa-1 D227K interrompt la liaison
de Qa-1 au co-récepteur CD8 et empêche la présentation du peptide aux cellules T CD8+
(Luescher et al., 1995). Les cellules exprimant la mutation Qa-1 D227K ne peuvent présenter
les peptides aux cellules T CD8+ mais conservent la capacité à lier les récepteurs NKG2A des
cellules T CD8+ et des cellules NK.
Une seconde souche de souris mutantes knock-in Qa-1 R72A a également été
développée, et chez laquelle la liaison de Qa-1 au NKG2A exprimé par les cellules T CD8+ et
les cellules NK est interrompue, rendant les cellules CD4+ vulnérables à la lyse par les
cellules T CD8+ et les cellules NK, mais épargnant la présentation de peptide au TCR
dépendante de Qa-1 (Lu et al., 2007). De façon intéressante, l’interruption de cette interaction
chez les souris Qa-1 R72A knock-in permet le développement d’une activité robuste des
cellules Treg CD8+ et une résistance complète au développement de l’EAE. L’engagement de
Qa-1/Qdm au CD94/NK2A sur les cellules Treg CD8+ transmet un signal inhibiteur qui
atténue leur activité suppressive, ce qui sous-régule leur cytotoxicité et production de
cytokines pro-inflammatoires lors d’une infection virale. Bien qu’une faible proportion des
cellules T CD8+ exprime NKG2A, la majorité des cellules T CD8+ lie spécifiquement les
tétramères Qa-1/Qdm, permettant peut-être ainsi un impact plus conséquent de liaison au
NKG2A (Wang et al., 2001).
Cette donnée suggère que le rapport relatif des deux classes de ligand peptidique Qa-1
(peptides Qdm versus non-Qdm) sur la surface des cellules CD4+ activées pourrait déterminer
la susceptibilité de ces cellules face à la suppression par les cellules Treg CD8+. Selon cette
hypothèse, l’engagement de NKG2A par le complexe Qa-1/peptide Qdm sur les cellules Treg
CD4+ cibles inhibe l’activité Treg, alors que l’engagement du TCR par le complexe
Qa-1/peptide non-Qdm (tel que le peptide Hsp60) exprimé par les Treg CD8+, active leur
activité suppressive (Chen et al., 2007). Puisque la majorité des cellules T CD8+ murines,
dont les cellules Treg CD8+, se lient au tétramère Qa-1/Qdm et peuvent exprimer des
récepteurs fonctionnels pour les deux ligands, l’expression différentielle des ligands
peptidiques Qa-1/Qdm et Qa-1/non-Qdm sur les cellules cibles CD4+ Qa-1 activées pourrait
décider du destin de la cellule. Le contrôle régulateur des cellules Treg CD8+ pourrait être
expliqué en partie par leur reconnaissance auto-réactive des antigènes du soi restreints au
Qa-1. En effet, l’expansion des cellules T CD8+ restreintes au CMH de classe Ib chez les
souris triples KO (Kb-/-Db-/-CIITA-/-) manquant de Qdm induit une maladie auto-immune (Das
et al., 2006). Ainsi, la régulation des cellules auto-réactives restreintes au Qa-1 à travers
l’interaction Qa-1/Qdm et CD94/NKG2A pourrait être essentielle pour prévenir l’autoimmunité CD8+.
Une sous-population, référée en tant que Treg CD8αα+, au sein des cellules Treg CD8+
restreintes au Qa-1 a aussi été identifiée. Les cellules Treg CD8αα+ contrôlent l’EAE en
induisant l’apoptose des cellules T CD4+ pathogéniques activées après reconnaissance du
complexe TCR-peptide/Qa-1 sur leur surface cellulaire. Les cellules Treg CD8αα+ tuent par
un mécanisme dépendant de la voie de l’IFN-γ et de la perforine. Ils ont un enrichissement
significatif en CD200. La voie CD200/CD200R est connue pour être capable de délivrer un
signal intracellulaire induisant une immunosuppression, et le blocage de CD200R par des
anticorps mène à une aggravation de l’EAE. L’expression de CD200 sur les cellules Treg
161
CD8αα+ pourrait jouer un rôle important dans la sous-régulation de la réponse anti-MBP dans
le système nerveux central. Les cellules Treg CD8+ sont non seulement capables de supprimer
les CPA dans les organes lymphoïdes, mais aussi de supprimer l’activation localement au
niveau de la microglie du système nerveux central pour une régulation efficace. CD28 et
CD80 sont aussi élevés parmi la population de cellules Treg CD8αα+.
Une autre propriété notable est l’enrichissement d’un répertoire unique de récepteurs
NK par les populations Treg CD8αα+. Le récepteur NK le plus enrichi est un récepteur
Ly49E, connu pour être incapable de réagir avec les molécules du CMH I. Cependant les
cellules Treg CD8αα+ sont restreintes par la molécule du CMH de classe Ib non classique
Qa-1, il reste donc possible qu’elle puisse être un potentiel ligand pour Ly49E. En accord
avec leurs propriétés immunorégulatrices, les cellules Treg CD8αα+ expriment
préférentiellement les récepteurs NK qui sont inhibiteurs de façon prédominante : Ly49A,
Ly49C, Ly49F et Ly49G (Fanchiang et al., 2012).
2.3.2.3.2.1. Les cellules Treg CD8+ CD122+
Une seconde population de cellules Treg CD8+ sécrétrices d’IL-10 a été définie
comme exprimant de grandes quantités de CD122, la chaîne β du récepteur à l’IL-2. Le
pourcentage de cellules T CD8+CD122+ est élevé (environ 50 %) chez les jeunes souris, mais
diminue à environ 10 % vers l’âge de 7-10 semaines, et augmente de nouveau chez les souris
âgées (Rifa’i et al., 2004). La plupart des études ont été réalisées avec des cellules issues de
souris âgées de 6 semaines. Les souris déficientes en CD122 développent un syndrome autoimmun qui peut être empêché lorsque des cellules CD8+CD122+ sont injectées aux nouveaunés. Les souris déficientes en RAG qui reçoivent des cellules CD8+CD122- meurent d’un
syndrome auto-immun dans les 10 semaines après le transfert cellulaire, indiquant que les
cellules CD8+CD122- deviennent activées en l’absence de cellules T CD8+CD122+. Il est
intéressant de noter que les cellules T CD4+CD25+ ne contrôlent pas la maladie induite chez
les souris déficientes en RAG par un transfert de cellules CD8+CD122+, et les cellules Treg
CD8+CD122+ sont Foxp3- et ne peuvent pas être induites par l’activation des cellules T
CD8+CD122- in vitro. Les cellules Treg CD8+CD122+ inhibent l’activation à la fois des
cellules T CD8+ et CD4+ in vitro. L’IL-10 produite par les cellules T CD8+CD122+ semble
être le facteur responsable de la suppression de la prolifération et de la production d’IFN-γ.
Ainsi, les cellules T CD8+CD122+ issues de souris déficientes en IL-10 sont incapables de
supprimer l’activation des cellules T in vitro, mais montrent une activité in vivo en supprimant
l’activité des cellules T CD8+CD122-, suggérant qu’elles utilisent des mécanismes
suppresseurs additionnels (Endharti et al., 2005).
Cependant les cellules T CD8+CD122+ avaient déjà été décrites comme étant des
cellules T mémoires (Judge et al., 2002), alors que d’autres proposaient un phénotype double
de ces cellules, montrant à la fois des propriétés régulatrices et mémoires dans leurs profils
fonctionnels (Suzuki et al., 2008). Ce n’est que récemment que ces découvertes
contradictoires ont pu être résolues. Il s’avère que les cellules T CD8+CD122+ contiennent à
la fois des populations PD-1- et PD-1+, mais ce sont les cellules T CD8+CD122+PD-1+ qui ont
la capacité de supprimer les réponses médiées par les cellules T in vitro et in vivo, et non leurs
homologues PD-1-. Les signaux co-stimulateurs à la fois de CD28 et de PD-1 sont nécessaires
162
pour leur production optimale d’IL-10. Au contraire, les cellules T CD8+CD122+PD-1- sont
bien des cellules T mémoires. Les cellules T CD8+CD122+ peuvent donc être soit des cellules
T mémoires soit des cellules T régulatrices, selon leur expression en PD-1 (Dai et al., 2010).
Ainsi, ce sont les modèles murins qui ont permis en grande partie d’étudier les
implications de la perforine et des granzymes dans les fonctions cytotoxiques des cellules T
CD8+ cytotoxiques. Chez la souris, les CTL se définissent comme des cellules T CD8+
exprimant de grandes quantités de perforine et de granzymes. Les granzymes sont d’autre part
beaucoup plus variées chez la souris que chez l’homme, mais il n’existe pas de marqueur de
surface tel que CD56 ou CD57 actuellement utilisé pour définir les CTL chez la souris.
Comme chez l’homme il est possible de distinguer quatre types de cellules T CD8+
cytotoxiques en fonction de leur profil cytokinique : les cellules Tc0, Tc1, Tc2 et Tc17. Il
existe comme chez l’homme des cellules T CD8+ aux propriétés immunosuppressives. La
distinction des différentes sous-populations Treg CD8+ est cependant différente. On retrouve
les cellules Treg CD8+ restreintes au Qa-1 qui ont d’abord été définies chez la souris avant
que leur homologue humain ne soit découvert. Une population importante dans l’homéostasie
immune de la souris est la population définie par le phénotype CD8+CD122+ dont l’équivalent
humain avait longtemps été recherché.
2.3.2.4. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le rat
On retrouve chez le rat comme chez l’homme les GrA, GrB, GrK et GrM, comme
chez la souris les GrC et GrF mais également un autre type de granzyme, la GrJ. Ces
différents types de granzymes sont répertoriés dans le tableau 10 ci-dessous.
Tableau 10 : Les granzymes retrouvées chez l’homme, la souris et le rat. Adapté d’après
Barry et Bleackley (2002).
Protéase
Spécificité du site de clivage peptidique
Granzyme A Arg / Lys
Espèces
Souris, rat, homme
Granzyme B
Asp /Glu
Souris, rat, homme
Granzyme C
Asn / Ser
Souris, rat
Granzyme D Phe / Leu
Souris
Granzyme E
Phe / Leu
Souris
Granzyme F
Phe / Leu
Souris, rat
Granzyme G Phe / Leu
Souris
Granzyme H Phe
Homme
Granzyme J
Rat
Inconnu
Granzyme K Arg / Lys
Souris, rat, homme
Granzyme M Met / Leu
Souris, rat, homme
La susceptibilité entre les rats Lewis et les rats Brown-Norway à développer
respectivement des désordres immuns de type 1 et de type 2, est associée à une différence
qualitative dans leurs compartiments des cellules T CD8+ (Cautain et al., 2002 ; Fournié et al.,
2001). Les cellules T CD8+ de rat Brown-Norway produisent peu d’IFN-γ et d’IL-2 mais
163
expriment un haut niveau d’IL-4, comparé avec les cellules T CD8+ de rat Lewis. Il est connu
que chez le rat comme chez l’homme et la souris, les cellules T CD8+ ont un potentiel à
produire une large gamme de cytokines et différentes sous-populations de cellules T CD8+ ont
ainsi pu être établies (Noble et al., 1995). Comme chez l’homme et la souris, il existe chez le
rat des sous-populations de cellules T CD8+ qui sont similaires à leurs homologues CD4+, et
qui sont nommées Tc1 et Tc2 par analogie à la terminologie Th1/Th2 (MacAry et al., 1998 ;
Noble et al., 1995). À la fois les cellules T CD8+ Tc1 et Tc2 favorisent l’immunité Th1 et
inhibent les réponses IgE par un mécanisme indépendant de leur sécrétion d’IFN-γ, puisque
les cellules Tc2 (IFN-γ-) inhibent également la réponse IgE (Holmes et al., 1997 ; Thomas et
al., 2001).
Xystrakis et al. (2004a) démontrent pour la première fois que le niveau d’expression
de CD45RC permet de distinguer deux sous-populations de cellules T CD8+
fonctionnellement distinctes : CD45RChigh et CD45RClow. Suite à une stimulation in vitro
dans un système indépendant de CPA, les cellules T CD8+CD45RChigh produisent
principalement de l’IL-2 et de l’IFN-γ, alors que les cellules T CD8+CD45RClow produisent
seulement de l’IL-4, de l’IL-10 et de l’IL-13. De plus, les cellules T CD8+CD45RChigh et
CD45RClow exhibent différentes fonctions cytotoxique et régulatrice in vitro. Le rapport entre
les cellules T CD8+CD45RChigh et CD45RClow a aussi été déterminé chez les rats Lewis et
Brown-Norway. Ces deux souches de rat diffèrent dans la polarisation Th1/Th2 de leurs
réponses immunes et leur susceptibilité à développer des maladies immunes distinctes. Le
rapport entre les cellules T CD8+CD45RChigh et CD45RClow est plus élevé chez les rat Lewis
que chez les rats Brown-Norway.
Le phénomène d’immunotolérance est connu depuis longtemps chez le rat, chez qui la
transplantation de foie avec certaines combinaisons de souches peut induire un état de
tolérance de l’allogreffe spécifique du donneur en l’absence de traitement immunosuppressif.
Cette acceptation spontanée de l’allogreffe de foie est un exemple puissant du développement
de la tolérance immune périphérique, qui peut à son tour promouvoir la tolérance spécifique
du donner à d’autre donneurs de greffes de cœur, rein ou peau (Kamada, 1985). Des études
plus récentes suggèrent que les cellules Treg, qui contribuent à l’acceptation spontanée des
allogreffes de foie, nécessitent une stimulation alloantigénique continue pour maintenir leur
spécificité et leur fonction régulatrice in vivo (Asakura et al., 2005).
Les cellules Treg CD8+ ont également été décrites chez le rat. Une sous-population de
cellules aux propriétés régulatrices a été décrite par Xystrakis et al. (2004b) pour la première
fois parmi des cellules T CD8+CD45RClow chez le rat Lewis. Elle exprime un faible niveau de
CD45RC à sa surface (CD45RClow), produit principalement les cytokines IL-4, IL-10 et IL-13
après stimulation in vitro, exprime Foxp3 et CTL-4, et n’est pas cytotoxique contre les cibles
allogéniques. Cette sous-population supprime la prolifération et la différenciation des cellules
T CD4+ autologues en cellules productrices de cytokine de type 1. Le mécanisme de cette
suppression repose sur un contact cellule à cellule et non sur la sécrétion de cytokines
suppressives. L’activité régulatrice des cellules CD8+CD45RClow est aussi démontrée in vivo
dans un modèle de maladie du greffon contre l’hôte médiée par les cellules T CD4+.
Les cellules T CD8+Foxp3+ suppressives issues de rats tolérants à des transplantations
cardiaques inhibent la prolifération des cellules T CD4+ syngéniques dans la réponse du
donneur. Leur effet suppresseur est dose-dépendant, spécifique d’un allo-antigène,
164
indépendant des cytokines et nécessite une interaction directe avec les CPA, tout comme il a
été montré chez les cellules Treg CD8+ Foxp3+ humaines. Ainsi, les cellules Treg CD8+ de
l’homme et du rat partagent des caractéristiques fonctionnelles et phénotypiques, qui les
distinguent des autres populations de cellules T régulatrices. Le mécanisme majeur de
suppression semble reposer sur la capacité de ces cellules Treg CD8+ à induire une surrégulation de récepteurs inhibiteurs, tels que PIR-B (l’homologue de l’ILT-4 chez l’homme) à
la fois parmi les CPA professionnelles et non professionnelles du donneur. Des éléments
supportant la notion que la sur-régulation de PIR-B est importante pour la survie de la
transplantation vient du fait que cette molécule est exprimée par les cellules endothéliales le
long de l’aorte d’allogreffes tolérées de Lewis, alors qu’elle est absente des aortes normales
ou rejetées. De plus, les allogreffes de cœur PIR-B+ issues de receveurs tolérants sont
protégées du rejet quand elles sont re-transplantées dans des receveurs secondaires et naïfs
(Liu et al., 2004).
Il a été montré que les cellules T CD8+CD28− spléniques sont augmentées dans le
modèle de tolérance spontané Brown-Norway → Lewis, comparé aux rats naïfs alors que les
cellules TCD4+CD25+ restent inchangées. Les cellules T CD8+CD28− issues de receveurs
spontanément tolérants, qui sont en concentration augmentée, exercent une fonction
suppressive in vitro. Le transfert de ces cellules résulte en la survie prolongée de
transplantations de peau de Brown-Norway sur la peau de Lewis (You et al., 2006). Le
transfert adoptif de cellules T CD8+CD28− issues de receveurs spontanément tolérants soulage
le rejet aigu de transplantation de foie allogénique davantage que les cellules T CD4+CD25+.
La transfusion de sang de donneur spécifique est connue pour induire des cellules T
CD8+CD28− suppressives chez les rats naïfs. Le transfert adoptif de ces cellules T
suppressives induites prolonge la survie hépatique de receveurs syngéniques dans les modèles
de rejet aigu. Ces résultats suggèrent la fonction suppressive des cellules T CD8+CD28− dans
les modèles de rejet aigu de transplantation de foie chez le rat (Y. Liu et al., 2007).
Un rapport montre qu’un bref traitement à base de cyclosporine A chez des rats ayant
reçu une allogreffe rénale entraine l’accumulation progressive de cellules T CD8+CD103+ au
sein de l’allogreffe (Yuan et al., 2005). Une étude récente étudiant la tolérance de
transplantation de foie entre les souches de rat Lewis et Dark Agouti montre que les cellules T
CD8+CD103+ générées in vitro possèdent une activité suppressive, qu’elles augmentent dans
les d’allogreffes de foie et qu’elles pourraient ainsi contribuer à la tolérance de l’allogreffe de
foie (Lu et al., 2009).
Ainsi, les cellules T cytotoxiques chez le rat sont également déterminées par leur
expression du marqueur CD8 associée à une expression de perforine et de diverses
granzymes. Il est également possible de différencier des populations définies par leurs profils
cytokiniques en cellules Tc1 et Tc2. Ce sont principalement les cellules T CD8+ aux fonctions
immunosuppressives qui ont été étudiées chez le rat, en particulier dans des modèles de
transplantation d’allogreffe de rein, de cœur, de peau ou de foie entre les souches Lewis,
Brown-Norway et Dark Agouti.
165
2.3.2.5. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le chien
Bien que plusieurs études aient rapporté l’activité de cellules NK à la fois chez les
chiens en bonne santé et chez des chiens atteints de tumeur, l’existence d’un bien plus faible
nombre de cellules NK dans le sang périphérique de chien comparé à l’homme a compliqué la
caractérisation de ces cellules. Il existe donc un manque d’information concernant les
marqueurs spécifiques et les récepteurs de cellules NK chez le chien et elles restent très peu
caractérisées bien qu’elles expriment des marqueurs de cellule T. Les cellules NK canines
étaient donc définies comme des grands lymphocytes granuleux aux fonctions cytotoxiques
naturelles en l’absence d’immunisation spécifique, avant que Shin et al. (2013) ne réussissent
à les cultiver ex vivo et les décrivent comme étant des cellules au phénotype
CD5dimCD3+CD8+TCRαβ−TCRγδ−CD4−CD21−CD11c+/−CD11d+/−CD44+, exprimant les
récepteurs associés aux cellules NK (NKG2D, NKp30, NKp44, Ly49, la perforine et la
granzyme B) et sécrétant une grande quantité d’IFN-γ. Les cellules T CD8+ cytotoxiques chez
le chien se différencient donc des cellules NK par leur expression du TCR et sont
classiquement reconnues par l’expression des marqueurs cytotoxiques tels que la perforine et
la granzyme B (Chimura et al., 2011). Par ailleurs le gène de la perforine chez le chien n’a été
séquencé que très récemment, ce qui devrait permettre de réaliser des évaluations
fonctionnelles plus précises sur la cytotoxicité des lymphocytes chez le chien (Neta et al.,
2010). Il existe de nombreux anticorps monoclonaux disponibles contre le CD4 canin
(eBiosciences ; Lifespan Biosciences ; GeneTex ; Acris Antibodies ; Aviva Systems Biology ;
Abcam) et contre le CD8α canin (eBiosciences ; Lifespan Biosciences ; R & D Systems ;
Acris antibodies ; GeneTex ; Abcam ; AbD Serotec ; GenWay Biotech ; Aviva Systems
Biology ; BD Biosciences ; eBiosciences ; Creative Biomart), ainsi que des anticorps
polyclonaux ayant des réactivités croisées contre les granzymes D/B/E/N/G/F/H canines
(Antibodies-online ; Bioss Inc. ; Biorbyt) et contre la perforine 1 (Aviva Systems Biology ;
GenWay Biotech) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne].
[Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les cellules T CD8+ cytotoxiques chez le chien peuvent également être différenciées
selon leur profil cytokinique en cellules Tc1 et Tc2. Les cellules Tc1 sont caractérisées par la
sécrétion de cytokines de type 1 (IFN-γ, IL-12 p35, IL-12 p40 et LT-α) et les cellules Tc2 par
les cytokines de type 2 (IL-4 et IL-13) (Chimura et al., 2013, 2011 ; Horiuchi et al., 2010). De
la même façon que chez l’homme, les cellules Tc1 sont retrouvées en quantité diminuée chez
les chiens atteints de mélanome (Horiuchi et al., 2010). Au contraire, elles sont retrouvées en
plus forte quantité dans les lésions de lymphome cutané épithéliotrope comparé à de la peau
normale, alors que les cellules Tc2 ne présentaient pas de différence. Ceci suggère que la
sous-population de lymphocytes néoplasiques pourrait être de type Tc1, ce qui serait
complètement différent de la majorité des lymphomes cutanés épithéliotrope humains
(Chimura et al., 2011). De façon concomitante, la réduction dans le sang périphérique des
niveaux de cytokines de type 1 et des marqueurs cytotoxiques (perforine et granzyme B),
pourrait s’expliquer par le recrutement des cellules T cytotoxiques dans les lésions cutanées
(Chimura et al., 2013).
Quelques anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée avec les antigènes canins
sont commercialement disponibles pour l’IFN-γ (AbD Serotec), l’IL-4 (AbD Serotec ;
166
Abcam ; Acris Antibodies ; GeneTex ; LifeSpan Biosciences). Il est aussi possible de trouver
certains anticorps monoclonaux obtenus directement à partir d’immunogènes canins pour
l’IL-4 (Genxbio), et polyclonaux contre l’IL-12 (R & D Systems ; Lifespan Biosciences) et la
LT-α (Lifespan Biosciences). Enfin, certains anticorps polyclonaux présentent une réactivité
croisée contre des antigènes canins de l’IL-13 (Bioss Inc. ; Abbiotec ; R & D Systems) et la
LT-α (Bioss Inc.) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne].
[Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
L’activité cytotoxique des CTL a été évaluée chez des chiens atteints de lymphome.
L’activité spontanée des CTL dans le sang de chiens atteints de lymphomes augmente
considérablement après l’induction de la rémission de la tumeur en utilisant de la
doxorubicine (Mitchell et al., 2012).
Des cellules T CD8+ aux activités immunosuppressives ont aussi été décrites chez le
chien dans l’épithélium intestinal. Des sous-populations CD8αα+TCRαβ+ et CD8αα+TCRγδ+
ont été décrites pour la première fois par Luckschander et al. (2009). Elles possédaient une
activité suppressive puissante en supprimant la prolifération des cellules T périphériques et
étaient abondantes dans l’épithélium intestinal, ce qui suggère un rôle important de ces
cellules dans la maintenance de l’homéostasie immune intestinale. Il n’existe pas d’anticorps
dirigé contre les chaînes du TCR canin commercialement disponible (BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les cellules T CD8+ ont été très peu étudiées chez le chien. C’est principalement leur
implication dans des modèles humains de maladies dysimmunitaires ou tumorales qui sont
étudiées. Les cellules T CD8+ cytotoxiques expriment la perforine et la granzyme B chez le
chien. Elles peuvent également être différenciées en cellules Tc1 et cellules Tc2 selon leur
profil cytokinique et des cellules T CD8αα+ aux propriétés immunosuppressives ont été mises
en évidence.
2.3.2.6. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le porc
Les porcs possèdent des populations de lymphocytes inhabituelles, avec un grand
nombre de cellules T CD4+CD8+ doubles positives extrathymiques (Pescovitz et al., 1994 ;
Zuckermann, 1999), un grand nombre de cellules T au repos exprimant les molécules du
CMH II (Saalmüller et al., 1991) et d’abondantes cellules NK et T γ:δ (Yang et Parkhouse,
1997, 1996). Certains de ces lymphocytes sont observés dans d’autres espèces, mais à de
moindre niveaux, ou dans les tissus muqueux en tant que lymphocytes intra-épithéliaux
(Hayday et al., 2001). Les porcs fournissent donc non seulement les moyens d’étudier
comment le système immunitaire des espèces de mammifères s’est diversifié, mais donne
aussi une opportunité d’étudier des sous-populations de lymphocytes qui expriment le
marqueur CD8. Chez l’homme et la souris, la plupart des cellules CD8 positives sont des
cellules T α:β cytotoxiques jouant un rôle important dans l’élimination des cellules infectées
par les virus. Chez les porcs, il existe un plus faible nombre de cellules T α:β CD8 positives
classiques, et CD6 est principalement exprimé sur la surface cellulaire des lymphocytes CD3qui ressemblent aux cellules NK (Yang et Parkhouse, 1997). Le porc semble donc posséder
167
seulement un faible nombre de cellules T cytotoxiques phénotypiquement classiques mais un
grand nombre de lymphocytes, par exemple les cellules NK et T γ:δ, ayant un potentiel pour
une activité cytotoxique innée. En effet, il est bien documenté qu’il est difficile de démontrer
une activité CTL spécifique d’un antigène et restreinte au CMH chez le porc, et cela pourrait
être du à la présence d’un grand nombre de cellules spécifiques d’un antigène mais dont la
cytotoxicité n’est pas restreinte au CMH (Pauly et al., 1996 ; Saalmüller et al., 1994).
Alors que l’expression de surface de CD8 est indicative de cellules avec une fonction
cytotoxique, tous les lymphocytes CD8+ ne possèdent pas une activité cytotoxique. Par
exemple, chez le porc les cellules T double-positives (CD4+CD8+) extrathymiques forment
une sous-population de cellules T helper mémoires (Saalmüller et al., 2002 ; Zuckermann,
1999). Un autre marqueur associé à la fonction cytotoxique est donc nécessaire afin de définir
les sous-populations de lymphocytes T cytotoxiques chez le porc, comme la perforine qui est
considérée comme un marqueur des lymphocytes possédant une fonction cytotoxique. Denyer
et al. (2006) ont ainsi identifié trois sous-populations de cellules T perforines-positives chez
des porcs miniatures croisés d’haplotype cc ou dd et chez des porcs fermiers croisés. Ils ont
montré que les cellules T γ:δ chez le porc contrairement à celles de l’homme et de la souris
n’expriment pas de perforine, et si elles ont une activité cytotoxique ce serait donc par un
autre mécanisme. Ils ont aussi montré que toutes les cellules CD4+CD8+ n’étaient pas des
cellules T mémoires helper, mais certaines possèdent une activité cytotoxique spécifique d’un
antigène et restreinte au CMH. La population de cellules T CD8 simple-positives ayant une
activité CTL restreinte au CMH et spécifique d’un antigène, avait le phénotype
CD2+CD3+CD4−CD5+CD6+CD8α+CD11b−CD16−perforine+, mais plus de 80 % de ces
cellules n’exprimaient pas CD8β. Ceci est spécifique du porc car les cellules T exprimant
l’homodimère CD8αα (et donc CD8β négatives) chez l’homme et la souris sont
habituellement observées seulement dans les tissus muqueux mais pas dans la circulation.
Comme vu précédemment, des anticorps dirigés contre les CD3, CD4 et CD8α porcins
sont commercialement disponibles. Il existe également des anticorps monoclonaux ayant une
réactivité croisée contre le CD2 porcin (Lifespan Biosciences ; Biolegend ; GeneTex ;
Abcam ; GenWay Biotech ; AbD Serotec ; eBiosciences), le CD11b (Lifespan Biosciences ;
Abcam ; Acris Antibodies ; Biolegend ; OriGene Technologies ; AbD Serotec ; Thermo
Scientific Pierce Atibodies ), CD16 (AbD Serotec ; Abcam ; Biorbyt) ou polyclonaux contre
le CD2 porcin (Bioss Inc. ; Biorbyt ; Aviva Systems Biology), le CD5 porcin (Bioss Inc.), le
CD11b (Antibodies-online ; Bioss Inc.), le CD16 (Bioss Inc.), la perforine 1 (Lifespan
Biosciences ; Aviva Systems Biology ; GenWay Biotech) ou encore des anticorps
monoclonaux obtenus directement avec des immunogènes porcins pour le CD5 (Lifespan
Biosciences ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Acris Antibodies ; GeneTex ; Abcam ;
AbD Serotec ; GenWay Biotech ; Aviva Systems Biology), le CD6 (Lifespan Biosciences ;
Aviva Systems Biology ; Acris Antibodies ; Abcam ; AbD Serotec), le CD11b (Abcam),
CD16 (Abcam ; Lifespan Biosciences ; GeneTex ; Acris Antibodies ; Novus Biologicals ;
AbD Serotec ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Creative Biomart ; GenWay Biotech). Il
n’existe pas d’anticorps dirigé contre le CD8β commercialement disponible (BIOCOMPARE.
Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
168
Il n’existe toujours pas d’AcM spécifique pour les molécules de TCR α:β, les cellules
T α:β ne peuvent donc être identifiées que par une combinaison d’anticorps contre CD3 et
TCR γ:δ. Néanmoins, avant même que des AcM spécifiques des cellules T γ:δ n’aient été
développés, une combinaison de tests fonctionnels et phénotypiques indiquaient que les
cellules T α:β étaient CD2+CD5highCD6+ (Hammerberg et Schurig, 1986 ; Pauly et al., 1996 ;
Saalmüller et al., 1994, 1989). Cependant, si une population de cellules CD3+TCRγ:δ− est
analysée pour l’expression de CD4 et CD8α, quatre sous-populations peuvent être identifiées :
CD4−CD8α+, CD4+CD8α−, CD4+CD8α+ et une très petite fraction de cellules CD4−CD8α−.
L’existence d’une fraction considérable de cellules T CD4+CD8α+ dans les sites
extrathymiques est une particularité du système immunitaire porcin décrite à la fin des années
1980 (Pescovitz et al., 1985 ; Saalmüller et al., 1989, 1987). Presque toutes les cellules
CD8β+ appartiennent à la fraction CD4−CD8αhigh, qui contient les lymphocytes T cytolytiques
(Gerner et al., 2009).
Des études précoces montraient déjà qu’une séparation des lymphocytes porcins en
sous-populations CD6+ et CD6− mène à une accumulation de cellules avec une activité lytique
spontanée dans la fraction CD6−, qui comprend les cellules NK et les cellules T γ:δ, alors que
la lyse spécifique d’un allo-antigène de cellules cibles infectées par le virus de la fièvre
porcine classique ou le virus de la maladie d’Aujesky est observée dans la sous-population
CD6+, constituée principalement de LT CD3+TCRα:β+ (de Bruin et al., 2000 ; Pauly et al.,
1996, 1995). Une séparation des lymphocytes CD4−CD8α+ en sous-populations CD5+ et
CD5− mène aussi à un enrichissement en cellules allo-réactives dans la population CD5+
(Saalmüller et al., 1994). De plus, la lyse spécifique d’un antigène de cellules cibles infectées
par le virus de la peste porcine classique est bien réalisée par les cellules CD4− (Pauly et al.,
1995). Ces observations mènent à la notion que les cellules T cytotoxiques chez le porc sont
CD4−CD5+CD6+CD8αhigh (Saalmüller et al., 1999). Cependant, dans une étude plus récente,
une activité lytique des lymphocytes CD4+CD6+ contre les cellules cibles syngéniques
infectées par le virus de la maladie d’Aujesky a été décrite (Denyer et al., 2006). La lyse
spécifique induite par ces cellules restait malgré tout plus faible comparée à celle induite par
le même nombre de cellules effectrices CD4−CD6+ utilisées dans une expérience au protocole
identique. Ces auteurs ont aussi recherché l’expression de la perforine parmi les cellules T
α:β, identifiant cette molécule dans la sous-population de cellules T CD3+CD6+CD8β+. De
plus, leur étude décrivit aussi des cellules T CD3+CD6−perforine+ qui montrent une activité
lytique spontanée contre les cibles cellulaires K562 et P815 après activation in vitro avec de
l’IL-2, ressemblant donc aux cellules NKT. Au final, ceci indique une hétérogénéité
phénotypique considérable des sous-populations de cellules T α:β capables de cytolyse, mais
suggère que la majorité des cellules T α:β cytolytiques représentant la sous-population de
cellules T cytolytiques restreintes au CMH de classe I classique chez le porc peut être placée
dans la sous-population de lymphocytes T CD2+CD3+CD4−CD5highCD6+CD8αhighCD8β+. Des
données définitives sur le phénotype des cellules T α:β mémoires cytotoxiques manquent
encore, mais ces cellules pourraient être CD45RC− comme il a été établi pour les cellules T
helper (Gerner et al., 2009).
169
Bien que des anticorps pour SWC2 étaient disponibles depuis près de 20 ans, ce n’est
que récemment que Reutner et al. (2012) purent identifier de manière univoque SWC2
comme le CD27 orthologue porcin. Ils remarquèrent que l’expression de CD27 sur les CTL
était corrélée à une expression réduite de CD8β bien qu’ils ne puissent pas l’expliquer.
Néanmoins, en faisant une comparaison avec le phénotype des CTL humains, parmi lesquels
les cellules CD27- représentent des cellules différenciées tardives, ils spéculèrent que les CTL
CD8βdimCD27− porcins pourraient représenter des cellules effectrices spécialisées et/ou
mémoires. Cette hypothèse fut reprise par Talker et al. (2013) en réalisant une étude sur la
maturation de ces cellules de la naissance jusqu’à l’âge de six mois sur des porcelets croisés
(truie : Landrace × Large White ; verrat : Piétrain). Ils ont ainsi postulé que les phénotypes
étaient pour le stade effecteur précoce CD3+CD8αβ+perforine+CD27dim et pour le stade
effecteur tardif ou mémoire CD3+CD8αβ+perforine+CD27−. Au contraire des cellules NK qui
sont perforine+ directement après la naissance, les CTL sont négatives pour la perforine dans
les premières semaines après la naissance. Ceci est en accord avec le fait que la majorité des
lymphocytes perforine+ des jeunes porcs n'exprime pas CD3 et ressemble aux cellules NK
(Denyer et al., 2006). Les CTL perforines+ et SLA-DR+ augmentent au cours du temps alors
que les CTL CD27+ diminuent. Le premier changement phénotypique notable des CTL est
observé vers 3 semaines avec l’apparition massive de CTL SLA-DR+. L’augmentation
conséquente des CTL CD27- est observée en combinaison avec le phénotype perforine+. Basé
sur ces observations, quatre stades de développement des CTL dans la voie de différenciation
naïve à mémoire peuvent être proposés. Les CTL perforine−SLA-DR−CD27+ présentes à la
naissance représentent le pool de CTL naïfs. L’apparition de CTL SLA-DR+ observée vers 3
semaines reste difficile à interpréter. Autour de 7 à 9 semaines, une forte augmentation des
CTL perforine+ peut être observée, indiquant que ces cellules pourraient représenter les CTL
dans un stade effecteur précoce. Finalement, l’expression de CD27 pourrait permettre de
distinguer le stade effecteur tardif des CTL, puisque la majorité des CTL perforine+ apparue
vers 7 à 9 semaines affiche un niveau d’expression intermédiaire de CD27 et décline
rapidement, alors que plus tard les CTL perforine+ étaient largement négatives pour CD27. Il
est également possible que les cellules mémoires soient incluent dans la fraction CD27- des
CTL perforine+, alors que les CTL au stade effecteur précoce sont perforine+ mais encore
positives pour CD27. Cette hypothèse serait en accord avec les observations réalisées chez
l’homme, chez qui une voie de différenciation des CTL a été proposée avec le marqueur
CD27 absent des cellules ayant subi leur différenciation terminale (Appay et al., 2002).
Comme indiqué précédemment, des anticorps dirigés contre le CD45RC porcin, le SLA-DR
de classe II et le CD27 porcin sont commercialement disponibles (BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les sous-populations de cellules T cytotoxiques Tc1 et Tc2 existent également chez le
porc. Il a été trouvé que la thyroïdite auto-immune expérimentale est médiée par les cellules
Tc1 (Kang et al., 2004). De plus, même si la majorité des lymphocytes Foxp3+ co-expriment
CD4, il a pu être démontré l’existence de Treg CD4−CD8α+Foxp3+ (Käser et al., 2008). Des
anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée contre le Foxp3 porcin (eBioscience) et
polyclonaux (Lifespan Biosciences ; Antibodies-online ; Acris Antibodies ; Aviva Systems
170
Biology ; Biorbyt ; St John’s Laboratory ; Everest Biotech ; Thermo Scientific Pierce
Antibodies ; Bioss Inc. ; GenWay Biotech) sont également disponibles (BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
La littérature sur les lymphocytes T cytotoxiques chez le porc est pauvre. Même si il
possède un bien plus grand nombre de cellules T γ:δ, ces cellules n’exprimant pas de
perforine, les CTL sont donc comme chez l’homme retrouvées parmi les cellules T α:β.
Cependant, il possède seulement un faible nombre de cellules T cytotoxiques
phénotypiquement classique, un grand nombre de lymphocytes ayant un potentiel pour une
activité cytotoxique innée. Il existe une hétérogénéité phénotypique considérable des souspopulations de cellules T α:β capables de cytolyse, la majorité des cellules T cytolytiques
restreintes au CMH I classique peut être placée dans la sous-population de lymphocytes T
CD2+CD3+CD4−CD5highCD6+CD8αhighCD8β+. Le marqueur CD27 permettrait également de
définir différents stades de maturation des CTL. Comme chez l’homme, il semble exister des
cellules Tc1 et des Treg CD8α+ mais ces sous-populations n’ont pas encore été étudiées.
2.3.2.7. Détermination des cellules T cytotoxiques chez le macaque
Très peu de publications s’intéressent aux lymphocytes CD8+ chez le macaque, si ce
n’est à leur rôle dans le contrôle de diverses infections comme la malaria ou la tuberculose
(Chen CY et al., 2009 ; Li et al., 2012). Ils ont tout particulièrement été étudiés dans des
modèles d’infection au SIV qui servent de modèles pour les infections au HIV.
Bien que l’utilisation de virus recombinants ait été proposée comme approche pour
mettre en évidence une immunité protective contre le HIV, la capacité de recombinant viraux
à mettre en avant les réponses CTL CD8+ chez les primates n’avait jamais été démontrée
avant que Shen et al. (1991) n’utilisent un recombinant viral vivant du SIV chez des
macaques rhésus. Ils mirent en évidence après avoir vacciné les rhésus, la présence de CTL
CD8+ spécifiques d’un épitope de la protéine Gag du virus. De multiples rapports ont ensuite
indiqué que les cellules T CD8+ spécifiques du virus sont responsables du contrôle immédiat
et à long-terme de la réplication in vivo du HIV (Cohen et al., 2011 ; Goonetilleke et al.,
2009 ; Koup et al., 1994). Il existe également de nombreuses études chez le macaque rhésus
qui soulignent le rôle important des cellules T CD8+ dans le contrôle de la réplication in vivo
du SIV. L’élimination des lymphocytes T CD8+ par des anticorps anti-CD8 chez des rhésus
présentant une infection chronique au SIV résulte en une augmentation rapide et marquée de
la virémie, qui est supprimée lors de la réapparition des cellules T CD8+ spécifiques du SIV
(Lifson et al., 2001 ; Metzner et al., 2000 ; Schmitz et al., 1999).
Le développement de la technologie des tétramères a permis de faciliter la
quantification et la comparaison des lymphocytes T CD8+ spécifiques d’un antigène de
différents organes. Cette technique permet de quantifier directement les cellules T spécifiques
d'un antigène par marquage direct de leur TCR avec un complexe de quatre unités de CMH I
préalablement chargées de l'épitope d'intérêt. La fixation de ce tétramère couplé à un
fluorochrome se fait sans pré-manipulation in vitro des cellules à tester, et est évaluée par
cytométrie de flux. Une analyse multiparamétrique permet de quantifier ces cellules et de
171
préciser le phénotype intracellulaire et extracellulaire des cellules T CD8+ ayant fixé le
tétramère (Altman et al., 1996). Le groupe de Huroda et al. a utilisé cette technologie pour
montrer que les lymphocytes T CD8+ liant les tétramères « CMH de classe I - peptide Gag du
SIVmac » avaient un phénotype similaire dans le sang périphérique, les nœuds lymphatiques
et même le sperme de rhésus infectés chroniquement. Elles affichaient des molécules
associées à la mémoire (CD62L−CD45RA−) et à l’activation (CD11a+CD95+HLA-DR+),
suggérant qu’elles étaient des CTL actives (Jordan et al., 1999 ; Kuroda et al., 1999). Ces
lymphocytes T CD8+ spécifiques du SIVmac sont présents à des fréquences similaires dans
les différents nœuds lymphatiques et l’épithélium intestinal, mais sont présents à de plus
grandes fréquences dans la rate et la moelle osseuse (Kuroda et al., 2000 ; Schmitz et al.,
2001). Leur phénotype est présenté dans le tableau 11 ci-dessous.
La cinétique de l’activité des CTL spécifiques d’antigène lors d’infection aigüe par
SIV et l’association temporelle de cette activité avec un déclin de la charge virale plasmatique
ont été étudiées (Kaur et al., 1998 ; Koup et al., 1994). Afin d’étudier la prolifération de ces
CTL, Kaur et al. (2000) ont utilisé le marqueur de prolifération Ki-67. Ils ont trouvé que les
lymphocytes
T
CD8+Ki-67+
étaient
phénotypiquement
CD45RA−CD49dhigh
CD95highCD25−CD69−CD28−HLA-DR− et persistaient à des niveaux deux fois plus important
6 mois après infection. L’augmentation de la prolifération des cellules T CD8+ est associée à
une expansion cellulaire, parallèle à la survenue de l’activité des lymphocytes T spécifiques
du SIV et montre une composante oligoclonale (Kaur et al., 2000). Les cellules T CD8+
perdent leur expression de CD28 lorsqu’elles prolifèrent, ce phénomène devenant de plus en
plus prononcé après chaque division, ce qui n’est pas le cas des cellules CD4+ (Janković et al.,
2003). L’utilisation du marqueur CD28 en combinaison avec d’autres marqueurs dans un
modèle de macaque rhésus infecté par un cytomégalovirus (rhCMV) a permis d’identifier, de
la même façon que chez l’homme, des cellules T CD8+ mémoires centrales
(CD28+CD45RA-), des cellules effectrices/mémoires plus nombreuses (CD28-CD45RA-) et
des cellules effectrices (CD28-CD45RA+), ainsi qu’une population de cellules
CD28+CD45RA+ mémoires dont la fonction reste inconnue (Chan et Kaur, 2007).
Tableau 11 : Caractérisation phénotypique des cellules T CD8+ dans les différents
compartiments d’un macaque rhésus infecté par le SIV. Adapté d’après Kuroda et al.
(2000).
Les valeurs représentent les pourcentages de cellules marquées pour l’expression des différents marqueurs
d’intérêt. Les prélèvements sont issus d’un seul individu.
Sous-populations
Pourcentage de cellules T CD8+
Nœuds lymphatiques
Rate Moelle osseuse
Tonsilles
94
99
94
97
63
36
29
68
17
16
13
17
+
90
97
93
90
+
13
4.8
5.3
12
95
97
98
95
CMH de classe II DR+ 78
94
90
83
CD11a
CD28
+
+
CD45RA+
CD49d
CD62L
CD95
+
172
Pour le macaque rhésus, il existe des anticorps monoclonaux ayant des réactivités
croisées pour le CD4 (Abcam ; BD Biosciences ; Biolegend ; AbD Serotec ; Lifespan
Biosciences), le CD8 (Abcam ; Lifespan Biosciences ; BD Biosciences ; Biolegend ; GenWay
Biotech ; AbD Serotec), CD62L (eBioscience ; Abcam ; Lifespan Biosciences ; AbD
Serotec), CD45RA (Abcam ; Lifespan Biosciences ; BD Biosciences ; GenWay Biotech),
CD11a (BD Biosciences), CD95 (AbD Serotec ; Abcam ; BD Biosciences ; Biolegend ;
Lifespan Biosciences), HLA-DR (eBiosciences ; Biolegend ; Abcam ; Lifespan Biosciences ;
AbD Serotec), CD49d (BD Biosciences ; Lifespan Biosciences ; Abcam ; AbD Serotec ;
Biolegend), CD25 (Biolegend ; BD Biosciences ; Abd Serotec), CD69 (Biolegend ; BD
Biosciences ; AbD Serotec ; Lifespan Biosciences ; Aviva Systems Biology), CD28 (Abcam ;
Biolegend ; BD Biosciences), et des anticorps polyclonaux dirigés directement contre le CD4
du rhésus (Antibodies-online), HLA-DR (Antibodies-online). Pour le macaque cynomolgus, il
existe des anticorps monoclonaux ayant des réactivités croisées pour le CD4 (Abcam ; BD
Biosciences ; Biolegend ; AbD Serotec ; Lifespan Biosciences), le CD8 (BD Biosciences ;
Biolegend ; GenWay Biotech ; AbD Serotec), CD62L (eBioscience ; Abcam ; Lifespan
Biosciences ; AbD Serotec), CD45RA (BD Biosciences), CD11a (BD Biosciences), CD95
(BD Biosciences ; Biolegend), HLA-DR (eBiosciences ; Biolegend ; Lifespan Biosciences ;
AbD Serotec), CD49d (BD Biosciences ; Lifespan Biosciences ; Abcam ; AbD Serotec ;
Biolegend), CD25 (Biolegend ; BD Biosciences ; AbD Serotec), CD69 (Biolegend ; AbD
Serotec ; Lifespan Biosciences ; Aviva Systems Biology), CD28 (Biolegend ; BD
Biosciences) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à
jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
La capacité cytotoxique des cellules T CD8+ repose sur leur production de granules
cytotoxiques et leur sécrétion de granzyme B, et est de plus corrélée au contrôle immunitaire
chez les macaques rhésus infectés par le SIV. En effet, une charge importante en granules
lytiques des cellules T CD8+ spécifiques du virus et une sécrétion efficace de granzyme B
auprès des cellules cibles infectées sont associées à un meilleur contrôle de l’infection du SIV
chez les macaques rhésus (Mendoza et al., 2013). Les cellules T double-positives montrent
une capacité proliférative et une sensibilité à l’apoptose et certaines présentent une activité
cytotoxique comparable aux cellules T CD8 simple-positives. Les cellules T double-positives
tuent leurs cellules cibles principalement par la voie perforine/granzyme et produisent un fort
niveau d’IFN-γ quand elles sont stimulées avec un anticorps anti-CD3 (Nam et al., 2000).
L’efficacité antivirale des cellules T CD8+ n’est pas corrélée à leur avidité peptidique. Même
si des cellules T CD8+ à faible avidité doivent nécessiter plus d’antigène peptidique sur la
surface de cellules cibles pour déclencher la sécrétion de cytokines, ce temps supplémentaire
semble ne pas avoir d’effet sur leur capacité suppressive (Vojnov et al., 2010). D’autre part,
plusieurs études ont impliqué la sur-régulation de PD-1 sur la surface des cellules T CD8+
comme un indicateur de leur faible fonction effectrice et d’une charge virale du SIV
augmentée (Velu et al., 2009, 2007), alors que d’autres ont montré que cela ne semblait pas
être le cas (Chen H et al., 2009 ; Vojnov et al., 2010). Chez les macaques rhésus et
cynomolgus, des anticorps monoclonaux dirigés contre PD-1 (Biolegend) sont
commercialement disponibles (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide.
[en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août
2014]).
173
Il a été montré que les molécules CD107a et CD107b sont de bon marqueurs de la
dégranulation des cellules T CD8+ cytotoxiques chez l’homme (Betts et al., 2003). Les
anticorps anti-CD107a et anti-CD107b humains peuvent également détecter avec fiabilité la
dégranulation des lymphocytes T chez le macaque rhésus, même si les propriétés
d’endocytose du CD107a du rhésus diffèrent de son homologue humain (Chan et Kaur, 2007).
Il est intéressant de noter que les études qui ont utilisé des ELISPOT perforine ou granzyme
B, ou des tests de lyse pour mesurer la fonction cytolytique à un niveau cellulaire, ont montré
une discordance marquée entre les fréquences des cellules cytolytiques sécrétant de l’IFN-γ
pour les cellules T CD8+ spécifiques du SIV ou du HIV (Calarota et al., 2006 ; Kleen et al.,
2004 ; Snyder et al., 2003 ; Snyder-Cappione et al., 2006). Dans la plupart des études, la
fréquence des cellules sécrétrices d’IFN-γ dépassait de loin la fréquence des cellules
cytolytiques. Même si la mobilisation de CD107a sur la surface des lymphocytes T CD8+ et
cellules NK activés est directement corrélée avec l’extension de la cytotoxicité évaluée par un
test traditionnel de libération de chrome (Alter et al., 2004 ; Betts et al., 2003 ; Rubio et al.,
2003), des études chez la souris ont montré que la capacité cytolytique est dépendante du
contenu des granules, et la mobilisation de CD107 seule ne représente donc pas une mesure
de la capacité cytolytique (Wolint et al., 2004).
Il existe pour le macaque rhésus des anticorps monoclonaux obtenus à partir
d’immunogène humain ayant une réactivité croisée avec l’IFN-γ (Lifespan Biosciences ; Cell
Sciences ; AbD Serotec ; BD Biosciences ; Biolegend), la granzyme B (Lifespan
Biosciences ; Abcam ; Antibodies-online ; AbD Serotec), CD107a (Biolegend), et
polyclonaux avec CD107a (Merck Millipore) mais pas la perforine ni CD107b. Il existe pour
le macaque cynomolgus des anticorps monoclonaux obtenus à partir d’immunogène humain
ayant une réaction croisée avec l’IFN-γ (Cell Sciences ; BD Biosciences ; Biolegend), mais
pas avec la granzyme B, la perforine ni CD107 (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore,
learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/]
[Consulté le 25 août 2014]).
La détection concomitante de la dégranulation et de la sécrétion d’IFN-γ révèle
l’hétérogénéité dans la composition des lymphocytes T CD8+ spécifiques du rhCMV en
regard avec la proportion de cellules exhibant soit une ou les deux fonctions, comme en
témoigne le tableau 12. Les lymphocytes T CD8+ activés affichant des témoins de
dégranulation sans production d’IFN-γ diffèrent dans le phénotype mémoire des cellules
produisant de l’IFN-γ avec ou sans dégranulation, suggérant qu’ils représentent une
population fonctionnellement distincte. Ces données renforcent l’importance de l’utilisation
de multiples fonctions effectrices pour évaluer les lymphocytes T CD8+ spécifiques d’un virus
(Chan et Kaur, 2007). Depuis, de nombreuses études évaluent la réponse cytotoxique des
cellules CD8+ par l’expression concomitante de la granzyme B et de CD107a, et la libération
de perforine (Morrow et al., 2010 ; Yamamoto et al., 2012).
Comme chez l’homme, il est possible de distinguer les cellules T CD8+ cytotoxiques
de macaque par leurs profils d’expression cytokiniques en Tc1 et Tc2.
Les profils d’expression cytokiniques des lymphocytes T CD8+ chez des macaques
rhésus lors d’une infection aigüe au SIV ont été étudiés. Après infection, les réponses
cytokiniques des lymphocytes T CD8+ étaient soient maintenues (IL-2, CCL2, CCL3, CCL5,
CXCL9, CXCL11, et VEGF), soit diminuées (IL-6, CCL11, et CXCL10), soit augmentées
174
(IL-5, IL-17, IFN-γ, CCL4, FGF-basic, GM-CSF, HGF, et MIF). Ces résultats montrent qu’il
n’y a pas de passage de Tc1 à Tc2 comme il a été proposé chez l’homme (Kenway-Lynch et
al., 2013). Il a également été proposé un afflux de Tc17 suite à augmentation d’IL-17 sécrétée
par les cellules T CD8+ après infection.
Tableau 12 : Différences dans les phénotypes mémoires entre les sous-populations
fonctionnelles des lymphocytes T CD8+ spécifiques du rhCMV chez le macaque rhésus.
Adapté d’après Chan et Kaur (2007).
Les pourcentages (moyenne ± écart-type) des phénotypes parmi les sous-populations de cellules T CD8+ sont
indiqués.
Pourcentage de cellules T CD8+
CD95+28-CD45RA(EM)
CD95+28-CD45RA+
(Eff)
CD95+28+CD45RA(CM1)
CD95+28-CD45RA+
(CM2)
38,5 ± 11,4
11,7 ± 4,0
1,8 ± 1,3
18,2 ± 13,9
61,7 ± 16,3
3,9 ± 3,4
1,2 ± 0,9
34,8 ± 18,9
48,0 ± 21,9
5,4 ± 4,5
1,3 ± 1,1
36, 8 ± 19,0
44,6 ± 24,1
5,4 ± 6,5
1,5 ± 2,5
Total de cellules T CD8+
24,9 ± 12,9
(n = 6)
Cellules T CD8+ spécifiques du rhCMV (n = 12)
CD107a+IFN-γ-
CD107a IFN-γ
+
CD107a+IFN-γ+
Abréviations : EM = cellules mémoires effectrices ; Eff = cellules effectrices ; CM1 = cellules mémoires centrale 1 ; CM2 =
cellules mémoires centrales 2
Si les cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+ ont été relativement bien étudiées chez les
macaques, l’existence de cellules Treg CD8+CD25+Foxp3+ a également été signalée. Ces
cellules Treg CD8+ expriment des molécules associées avec la fonction immunitaire
suppressive telles que CTLA-4 et CD39, et suppriment la prolifération de cellules T
spécifiques du SIV in vitro. Elles expriment également de faibles niveaux de granzyme B et
de perforine, suggérant qu’elles ne possèdent pas de potentiel tueur (Nigam et al., 2010).
Après infection par le SIV, on observe une rapide expansion des cellules Treg
CD8+CD25+Foxp3+ dans le sang et de multiples tissus de macaques rhésus. L’expansion de
ces cellules est corrélée directement avec la phase aigüe de la virémie et inversement avec la
magnitude de la réponse cellulaire T antivirale. La surveillance des dynamiques des cellules T
CD25+Foxp3+ durant l’infection primaire et chronique de macaques cynomolgus par le SIV,
permet de montrer que les cellules T CD8+CD25+Foxp3+ périphériques sont induites quelques
jours après le pic viral plasmatique pendant la première infection. Le nombre de ces cellules
est corrélé positivement avec la charge virale et corrélé négativement avec l’activation des
cellules T CD4+, les réponses prolifératives spécifiques d’antigène du SIV pendant l’infection
primaire. Un grand nombre de cellules T CD8+CD25+Foxp3+ est donc indicateur d’un
mauvais pronostic (Karlsson et al., 2007 ; Nigam et al., 2010). Pour le macaque rhésus, des
anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée avec Foxp3 (eBioscience ; Abcam ;
Biolegend), CTLA-4 (eBiosciences ; BD Biosciences) et CD39 (Biolegend) sont disponibles,
tout comme pour le cynomolgus avec Foxp3 (Biolegend) et CTLA-4 (BD Biosciences)
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
175
Plus récemment, il a été montré l’existence d’une sous-population Treg CD8+
restreints au CMH-Ib/E, qui serait l’homologue de la population Treg restreinte au Qa-1 chez
la souris et au HLA-E chez l’homme. Cette sous-population a été trouvée suite à
l’administration orale d’un vaccin constitué d’un SIVmac239 inactivé et de Lactobacillus
plantarum, une bactérie commensale connue pour favoriser la tolérance immune. La tolérance
ainsi obtenue était caractérisée par la suppression d’anticorps spécifiques du SIV et les
réponses CTL, ainsi que par l’activation de ces cellules Treg CD8+ non cytotoxiques,
spécifiques du SIV et restreints au CMH-Ib/E. Ces cellules ont la capacité de supprimer les
cellules T CD4+ activées par le SIV (Lu et al., 2012). Aucun anticorps dirigé contre les
molécules du CMH de classe Ib de macaque n'est actuellement disponible.
Peu d'études s'intéressent aux caractéristiques phénotypiques des cellules T CD8+ chez
le macaque. Au contraire, c’est le rôle de ces cellules dans le contrôle d’infections, et en
particulier d’infection au SIV qui fait l’objet de nombreuses recherches dans l’espoir de
contribuer à la découverte d’un traitement contre le HIV chez l’homme. Le rôle des cellules T
CD8+ dans le contrôle de la réplication virale est bien démontré et leur capacité cytotoxique
est évaluée par la co-expression concomitante de la granzyme B et de C107a avec la sécrétion
de perforine. Les cellules T cytotoxiques peuvent également être séparées en Tc1 et Tc2 chez
le macaque, et il a été suggéré récemment l’existence de cellules Tc17. Les cellules Treg
CD8+ sont bien connues dans le cadre de modèles d’infection au SIV et elles seraient
corrélées positivement à la charge plasmatique virale, et négativement avec la magnitude de la
réponse cellulaire T antivirale. De plus, l’existence d’une sous-population de cellules Treg
CD8+ restreintes au CMH-Ib/E a été proposée comme homologue des cellules Treg restreintes
au Qa-1 chez la souris et au HLA-E chez l’homme.
2.3.3 Les cellules T régulatrices
2.3.3.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T
régulatrices chez la souris et l’homme
2.3.3.1.1. Découverte d’une population de cellules T aux promesses thérapeutiques
Depuis que le groupe de Sakaguchi a identifié les cellules CD4 et CD25 doublepositives comme cellules T suppressives, les cellules T régulatrices (Treg) ont été considérées
comme une immunothérapie prometteuse pour diverses maladies, mais il y a eu de
nombreuses difficultés à trouver des marqueurs spécifiques pour identifier ce type cellulaire
unique. Une grande avancée avait été permise lorsque le facteur de transcription nucléaire
Foxp3 avait été identifié comme marqueur spécifique des cellules Treg. Celles-ci ont une
activité immunosuppressive prédominante dans des conditions inflammatoires pour éviter des
dégâts pathogènes, mais elles ont également la malheureuse tendance à protéger les tumeurs
de la surveillance immunologique. Elles peuvent également être utilisées à but thérapeutique
lors des transplantations d’organe pour supprimer la réaction des cellules T contre les alloantigènes. Ce genre de fonctions est à double tranchant selon les conditions pathogéniques, ce
qui nécessite une utilisation judicieuse des cellules Treg lors de maladies (Lin et al., 2013).
176
2.3.3.1.2. Découverte des cellules T régulatrices induites
De nombreux rapports ont démontré que les cellules Treg Foxp3+ peuvent être
séparées en deux variétés : les cellules Treg naturelles (nTreg) et les cellules Treg induites
(iTreg). Ces cellules suppressives se développent respectivement à partir de la sélection des
cellules T thymiques ayant un TCR de haute affinité, et des cellules T Foxp3+ générées en
périphérie sous stimulation antigénique immunogénique ou sub-immunogénique in vivo. Les
propriétés différenciant les cellules nTreg des cellules iTreg ne sont pas universellement
acceptées. Il a été rapporté que la genèse des cellules iTreg pouvait résulter de la stimulation
par un antigène étranger tel que ceux de la flore intestinale ou les allergènes alimentaires ou
environnementaux, alors que la genèse des cellules nTreg pouvait être conduite par le besoin
de contrôler des réactions auto-antigéniques de sorte à prévenir les maladies auto-immunes.
Certains chercheurs pensent que le répertoire différentiel du TCR joue un rôle important dans
la formation des cellules Treg in vivo. Cependant, les résultants d’une étude récente chez la
souris montre que la genèse des cellules nTreg requière à la fois une stimulation spécifique du
TCR avec d’autres stimuli dans le thymus encore inconnus (Lin et al., 2013). Un modèle de la
genèse des cellules nTreg et iTreg est proposé dans la figure 33 ci-dessous.
Les cellules iTreg peuvent également être induites in vitro. L’équipe de Horwitz et al.
(2008) est parvenue à obtenir à partir de cellules précurseurs CD4+CD25-Foxp3- des cellules
CD4+CD25+Foxp3+ en présence d’IL-2 et de TGF-β à la fois in vivo et in vitro. Des études
récentes ont montré que les cellules iTreg peuvent être générées chez un modèle de souris
complètement dépourvu de cellules nTreg dérivées du thymus, ce qui implique que la
production de cellules iTreg in vivo est indépendante des cellules nTreg. Le transfert adoptif
de cellules T CD4+ naïves spécifiques d’un antigène chez des souris lymphopéniques
exprimant cet antigène de manière endogène et systémique entraine des symptômes similaires
à ceux retrouvés dans la maladie du greffon contre l’hôte, et avec une récupération spontanée
tardive. Cette récupération est associée avec la genèse de cellules T régulatrices
Foxp3+CD25+ dans le sang périphérique. Les cellules effectrices pathogéniques et les cellules
régulatrices protectrices se développent à partir de la même population de cellules T
spécifiques de l’antigène, et leur genèse pourrait se faire en parallèle ou à la suite l'une de
l'autre. En l’absence d'IL-2, on ne retrouve pas de cellules T régulatrices Foxp3+ et la maladie
progresse (Knoechel et al., 2005). Ainsi, la genèse de cellules iTreg est indépendante du
thymus mais repose sur la présence d’IL-2. Cette cytokine est également essentielle à la
genèse de cellules iTreg in vitro. En effet, Davidson et al. (2007) ont montré que IL-2 est
absolument nécessaire pour l’induction de cellules iTreg Foxp3+, en concert avec TGF-β. Une
fois induites, leur expression de Foxp3 est stable en l’absence d’IL-2 à la fois in vivo et in
vitro. Au contraire, l’IL-2 n’est pas nécessaire à la genèse des cellules nTreg in vivo, mais
semble jouer un rôle dans leur maintenance. Une seconde différence majeure est que le
développement des cellules nTreg requière des stimuli médiés par CD28 en plus de ceux
nécessaires à la production d’IL-2, alors que le rôle de CD28 dans l’induction des cellules
iTreg ne semble être lié qu’à sa capacité à stimuler la production endogène d’IL-2. Le rapport
de Zheng et al. (2007) est en accord avec ces résultats.
Bien que les cellules Treg constituent une lignée cellulaire stable pour maintenir
l’homéostasie du système immunitaire dans un environnement dynamique, les cellules T
177
Foxp3+ préservent malgré tout une certaine stabilité. Plusieurs groupes ont rapporté que les
cellules nTreg ne sont pas stables dans des conditions inflammatoires, et ont démontré
qu’elles pourraient même évoluer en cellules Th17 en présence d’IL-6. Le traitement des
cellules iTreg avec IL-6 n’affecte pas leur expression de Foxp3, et leur activité suppressive
reste intacte in vivo et in vitro. Cette différence pourrait s’expliquer par le fait que l'IL-2 et le
TGF-β favorisent la sous-expression du récepteur à l'IL-6 et diminuent les stimuli médiés par
l'IL-6. Cette résistance des cellules iTreg à la conversion en cellules Th17 suggère qu’elles
pourraient exercer leur fonction suppressive plus efficacement que les cellules nTreg en
milieu inflammatoire, et souligne le rôle central de l'IL-2 en combinaison avec le TGF-β dans
le maintien de l’homéostasie du système immunitaire. (Horwitz et al., 2008 ; Zheng et al.,
2008). L’un des obstacles majeurs à l’utilisation clinique des cellules Treg est justement le
problème de leur stabilité. Contrairement aux cellules iTreg induites par le TGF-β, les cellules
nTreg maintiennent leur expression de Foxp3 et leur activité suppressive en l’absence de
TGF-β in vitro (Lin et al., 2013). En co-cultivant des cellules T CD4+CD25+ pré-activées avec
des cellules B en présence d’activateurs polyclonaux de cellules B, la prolifération des
cellules B est réprimée via leur mort causée par les cellules T CD4+CD25+. Cette mort est
médiée par la sécrétion de perforine et de granzymes par les cellules Treg qui tuent de
manière préférentielle les cellules présentant des antigènes. Au contraire, les cellules iTreg
répriment les cellules B sans les tuer (Zhao et al., 2006).
Figure 33 : Modèle de formation thymique et périphérique des cellules Foxp3+. Adapté
d’après Curotto de Lafaille et Lafaille (2009).
Les cellules Treg naturelles se différencient dans le thymus et migrent dans la périphérie des tissus. Les cellules
Treg Foxp3+ induites (iTreg) se différencient dans les organes et tissus lymphoïdes secondaires. La population
périphérique Treg Foxp3+ comprend à la fois les cellules nTreg et iTreg. Il est très probable que les cellules
nTreg et iTreg Foxp3+ diffèrent dans leur répertoire TCR car les cellules iTreg dérivent de cellules matures.
178
2.3.3.2. Détermination des cellules T régulatrices chez l’homme
2.3.3.2.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T effectrices chez
l’homme
2.3.3.2.1.1. Les marqueurs phénotypiques majeurs des cellules T régulatrices
Plusieurs marqueurs plus ou moins spécifiques des cellules Treg ont été caractérisés au
cours des années. À l’origine, ces cellules ont d’abord été identifiées par les phénotypes
CD5high en 1985 puis CD45RClow en 1990 (Siri et al., 2012). En 1995, Sakaguchi et al. (1995)
ont permis une avancée considérable en identifiant CD25 (chaîne α du récepteur de IL-2)
comme marqueur des cellules T régulatrices. Bien que l’expérience initiale ait été réalisée sur
des souris à fond BALB/c, ce résultat a rapidement été étendu à l’homme et ce marqueur fut
utilisé seul pendant près de 10 ans pour reconnaître les cellules T régulatrices (Siri et al.,
2012). L’équipe de Stephens et al. (2001) est la première a montré chez l’homme l’existence
de cellules CD4+CD25+ avec les mêmes caractéristiques. Les cellules T CD4+CD8-CD25+
sont présentes dans le thymus et dans le sang périphérique et représentent environ 10 % des
cellules T CD4+CD8-. Elles sont une faible capacité de prolifération et peuvent inhiber la
prolifération des cellules T CD4+CD8- par contact. Contrairement à la souris chez qui toutes
les cellules T CD4+CD25+ montrent une fonction régulatrice, seule la population
CD4+CD25high montre une fonction régulatrice équivalente chez l’homme. Ces cellules T
CD4+CD25high représentent 1 à 2 % des cellules T CD4+ circulantes, alors qu’elles
représentent 6 à 10 % des cellules T CD4+ chez la souris (Baecher-Allan et al., 2001).
Cependant, des cellules T conventionnelles/effectrices ainsi qu’une portion de cellules T
mémoires centrales commencent à exprimer CD25 suite à leur activation via le TCR, bien que
généralement à un moindre niveau que les cellules T régulatrices (Lastovicka, 2013 ; Siri et
al., 2012). Bien que le phénotype CD25high soit encore retenu pour isoler les cellules Treg, un
marquage plus spécifique devenait nécessaire.
Chez les souris, le caractère Scurfy est un caractère transmis de façon récessive lié au
chromosome X aboutissant à une létalité chez les mâles homozygotes, et caractérisé par une
prolifération des cellules T CD4+CD8-, une infiltration de la plupart des organes et une
élévation de nombreuses cytokines. Brunkow et al. (2001) sont parvenus à identifier le gène
défectueux de ces souris, qui n’est autre que le gène codant pour Foxp3. Il a aussitôt été
montré que le syndrome d’immunodérégulation, polyendocrinopathie, entéropathie autoimmune lié au chromosome X (syndrome IPEX) chez l’homme, était l’équivalent des souris
Scurfy et était associé à des mutations du gène codant pour Foxp3 (Bennett et al., 2001 ;
Wildin et al., 2001). Suite à ces découvertes, plusieurs équipes ont montré en 2003 que le
facteur de transcription Foxp3 était exprimé par les cellules Treg. Le gène FOXP3 est
essentiel au développement des cellules Treg comme en témoigne la survenue chez l’homme
du syndrome IPEX, un tableau auto-immun survenant lorsque ce facteur est muté. De fait,
FOXP3 joue un rôle central dans la différenciation et le maintien des cellules Treg. Le facteur
de transcription Foxp3 est considéré comme étant une molécule marquant la lignée des
cellules Treg. Il est nécessaire pour leur développement thymique, leur fonction et leur
phénotype, et est responsable du contrôle de l’expression d’un certain nombre de gènes dont
179
les cytokines suppressives et des molécules de surface des cellules Treg. Cependant, les
cellules T Foxp3+ sont phénotypiquement et fonctionnellement hétérogènes et incluent des
cellules T suppressives mais également des cellules T non suppressives. De plus, Foxp3 est
une molécule intracellulaire dont la détection requière une fixation et une perméabilisation
des cellules et les cellules fixées ne peuvent donc être utilisées dans des études de la fonction
des cellules Treg. Le marquage intracellulaire de Foxp3 est à peine utilisable en routine parmi
de grandes séries d’échantillons (plusieurs étapes d’incubation, lavage, temps longs
d’incubation, utilisation d’un isotype contrôle). Foxp3 a largement été utilisé pour la
caractérisation des cellules nTreg, bien qu’il soit bien connu que son expression s’étende aux
cellules iTreg et même à des cellules T effectrices CD4+CD25- humaines sans activité
suppressive. Ainsi, pour délimiter la sous-population Treg avec une précision maximale,
l’utilisation d’une analyse quantitative et une combinaison d’autres marqueurs plutôt qu’une
simple évaluation qualitative des expressions de CD25 et Foxp3 est nécessaire. Malgré ces
faits, le phénotype CD4+CD25+Foxp3+ est encore généralement accepté comme le phénotype
le plus fiable des cellules Treg (Lastovicka, 2013 ; Siri et al., 2012). Plus tard, des différences
épigénétiques dans la méthylation de l’ADN au sein du locus de FOXP3 ont été détectées
entre les cellules Treg et les cellules T non-régulatrices. Baron et al. (2007) ont ainsi trouvé
que la déméthylation de la région spécifique des cellules Treg riche en CpG (TSDR) du locus
FOXP3 était seulement observée parmi les cellules nTreg, mais pas parmi les cellules T
conventionnelles actives exprimant transitoirement Foxp3, et était aussi préférentiellement
associée aux cellules Treg affichant une expression stable de Foxp3 après expansion in vitro.
Tatura et al. (2012) ont ensuite montré que la déméthylation du locus FOXP3-TSDR est la
propriété la plus spécifique des cellules Treg à ce jour. Leur utilisation de l’analyse
quantitative des allèles méthylés (QAMA), permet de quantifier précisément les cellules Treg
puisqu’elle détecte même les cellules Treg engagées et cachées au sein de la fraction de
cellules CD4+CD25int (intermediary)/low. Cette méthode fiable et facilement standardisable parmi
les laboratoires pourrait donc améliorer la reproductibilité de la quantification des cellules
Treg. Afin d’optimiser l’identification des cellules nTreg, de nombreux autres marqueurs
peuvent être utilisés en combinaison de CD25 et/ou Foxp3.
2.3.3.2.1.2. Autres marqueurs phénotypiques additionnels des cellules T régulatrices
Liu et al., (2006) ont montré que l’expression de CD127 était un excellent marqueur
des cellules Treg humaines, et plus particulièrement en combinaison avec CD25. Cette
combinaison de marqueurs leur a permis d’identifier les cellules Treg humaines avec un
meilleur pourcentage que les approches jusqu’alors réalisées. Ces cellules suppriment la
réponse proliférative des cellules T réactives lors de réponses lymphocytaires mixtes et sont
elles-mêmes anergiques à ces stimuli, caractéristiques partagées par les cellules Treg
CD4+CD25high humaines. Cette découverte a ensuite été étayée par des observations
génétiques. L’analyse d’ARNm issu de sous-populations de cellules T a montré que CD127
était exprimé à un niveau significativement plus bas chez les cellules T CD4+CD25high que les
cellules T CD4+CD25−. Au contraire de la majorité des cellules T activées qui ré-expriment
rapidement CD127 et des cellules T mémoires qui expriment fortement CD127, les cellules
Tregs restent CD127low/−. Ceci pourrait s’expliquer par une stimulation antigénique continue
180
et dépendante de CD28, qui induirait un signal responsable de l’extinction de la transcription
des ARNm de CD127. Une autre explication alternative bien que non exclusive, serait que la
sur-expression de Foxp3 résulte en la répression du gène CD127. Seddiki et al. (2006a) ont
également trouvé que l’expression de surface de CD127 permettait une estimation précise des
cellules Tregs et l’isolation de populations pures. D’autres études ont ensuite repris ce
marqueur pour isoler et même caractériser les cellules Tregs dans le sang périphérique. C’est
le cas de celle de Tenorio et al. (2008) qui étudiait la part des cellules Treg naïves et
mémoires chez les patients HIV-positifs, et qui définissait les cellules Treg par le phénotype
CD25+CD127lowCD4+. Après avoir confirmé que les cellules T CD4+CD25+CD127low/−
pouvaient supprimer efficacement la prolifération des cellules T CD4+CD25−, l’équipe de Yu
et al. (2012) a utilisé ce phénotype pour quantifier les cellules Treg chez des individus atteints
de lupus érythémateux systémique. D’autres résultats ne montrent pourtant pas une bonne
corrélation avec les cellules T Foxp3+. Les phénotypes les plus couramment utilisés pour
isoler les cellules Treg sont les phénotypes CD4+CD25hiCD127low et CD4+CD25highFoxp3+.
Del Pozo-Balado et al. (2010) sont les premiers à étudier la corrélation de ces phénotypes
parmi deux groupes d’humains HIV-positifs, l’un virémique et l’autre avirémique. Alors
qu’une forte corrélation était observée parmi les patients avirémiques, cette corrélation était
absente parmi les patients virémiques. Leurs données suggèrent que le phénotype
CD4+CD25highCD127low pourrait également être partagé par un nombre important de cellules
T non régulatrices parmi le groupe virémique. Rios et al. (2012) ont rapporté un résultat
similaire chez les patients HIV-positifs, alors que ce n’était pas le cas chez les patients
présentant un syndrome grippal. Ainsi, bien que CD127 ait été considéré une certaine période
comme un outil efficace pour déterminer le phénotype et l’activité fonctionnelle des cellules
Treg, des résultats controversés sont apparus en plus grand nombre au cours des années, en
particulier dans le contexte d’infections chroniques. La simple existence d’une infection sousjacente (infection par le HIV) ou même une activation in vitro pourrait causer la sousexpression de CD127 sur les cellules T effectrices anciennement CD127+ (Lastovicka, 2013).
L’utilisation de CD49d, un marqueur des cellules T effectrices sécrétrices de cytokines
pro-inflammatoires, permet d’éliminer les cellules T conventionnelles des cellules Treg. En
combinaison avec CD127, il est même possible d’obtenir une population Treg Foxp3+ très
pure. L’expression de CD49d se retrouve sur la plupart des cellules T productrices d’IFN-γ ou
d’IL-17, et est réduite sur les cellules Treg (Kleinewietfeld et al., 2009). Cependant, certaines
sous-populations de cellules Treg exprimeraient à un certain degré CD49d (Lastovicka, 2013).
D’autres études ont montré l’importance de CD39 (CD39 (nucleoside triphosphate
diphosphohydrolase-1 [NTPDase 1]) dans l’identification des cellules Treg. Dans le système
immunitaire, l’ARNm extracellulaire fonctionne comme un « adjuvant naturel » qui montre
de multiples effets pro-inflammatoires. Il est libéré par des cellules endommagées et est un
indicateur de trauma et mort cellulaire mais peut être inactivé par CD39, une ectoenzyme qui
dégrade l’ATP en AMP. Il est bien connu chez la souris que CD39 est présent sur toutes les
cellules CD4+CD25+. Mais contrairement à la souris, l’expression de CD39 chez l’homme est
restreinte à une sous-population de cellules T effectrices/mémoires régulatrices Foxp3+. Les
patients atteints de la forme cyclique de la sclérose en plaques ont en particulier un nombre
réduit de cellules Treg CD39+ dans le sang. Ainsi chez l’homme, CD39 serait un marqueur
d’une sous-population Treg probablement impliquée dans le contrôle de maladies
181
inflammatoires auto-immunes (Borsellino et al., 2007). Mandapathil et al. (2009) ont ensuite
montré que CD39 était un marqueur de surface qui pouvait être utilisé avec succès et fiabilité
pour isoler les cellules nTreg humaines fonctionnellement actives dans le sang périphérique
de donneurs sains. Quelques papiers ont aussi été publiés sur la fréquence des cellules T
CD39+CD4+ dans certaines maladies dysimmunitaires. Leal et al. (2013) se sont intéressés à
l’infection au HTLV-1 qui est associée à plusieurs troubles inflammatoires, dont la condition
neurodégénérative HTLV-1 associée à une myélopathie/paraparésie spastique tropicale
(HAM/TSP). Ils ont montré que l’expression de CD39 était sur-régulée sur les cellules CD4+
des patients HAM/TSP. Cette sur-régulation pourrait jouer un rôle dans le développement du
milieu pro-inflammatoire à travers des voies à la fois distinctes et séparées parmi les
différentes sous-populations de cellules T CD39+. La sur-régulation de CD39 pourrait donc
servir comme un substitut du marqueur diagnostic de la progression de la maladie et pourrait
potentiellement être ciblée pour des interventions visant à réduire le développement de
HAM/TSP. De façon similaire, Schulze Zur Wiesch et al. (2011) sont les premiers à montrer
une corrélation significative entre l’expression de CD39 par les cellules Treg et la progression
de la maladie sur des patients HIV-positifs. D’autres études ont montré que l’expression de
CD39 pouvait servir de marqueur non seulement des cellules T CD4+ suppressives, mais aussi
des sous-populations de cellules T CD4+ avec des propriétés immunostimulatrices. Les
données établies jusque là ont montré que les cellules Th17, impliquées dans de nombreuses
maladies auto-immunes, sont résistantes à la suppression par les cellules Treg Foxp3+
humaines. Bien que les deux populations de cellules T CD4+CD25highCD39+ et
CD4+CD25highCD39− suppriment la prolifération et la production d’IFN-γ par les cellules T
répondantes, seules les cellules T CD4+CD25highCD39+, qui sont majoritairement Foxp3+,
suppriment la production d’IL-17, alors que les cellules T CD4+CD25highCD39− produisent de
l’IL-17. L’examen des cellules T de patients atteints de sclérose en plaques révèle une
fréquence normale de cellules CD4+CD25+CD127lowFoxp3+, mais un déficit dans la fréquence
relative et la fonction suppressive des cellules Treg CD4+CD25+CD127lowFoxp3+CD39+. Ces
résultats suggèrent que les cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+CD39+ jouent un rôle important
dans le contrôle des cellules Th17 pathogéniques et leur réduction chez les patients atteints de
sclérose en plaques pourrait mener à une incapacité à contrôler les inflammations autoimmunes médiées par IL-17 (Fletcher et al., 2009). Une découverte importante a été réalisée
par Ndhlovu et al. (2010) qui ont découvert une nouvelle population de cellules T CD4+
humaines « inductrice » qui augmente significativement la prolifération et la production de
cytokines par les cellules T réactives à partir de donneurs sain in vitro. Ces cellules T sont
CD25- et Foxp3- mais expriment CD39. Il a été proposé que la fonction suppressive de CD39
soit couplée à la présence de CD73, qui convertirait l’AMP en adénosine ayant elle-même une
fonction immunosuppressive. Il a donc été spéculé que l’absence ou la présence de CD73
pourrait déterminer si les cellules T CD4+ exprimant CD39 agiraient comme des cellules T
suppressives ou inductrices. De plus, d’autres études ont montré que les cellules activées surexpriment CD39 et une nouvelle sous-population de cellules T CD4+CD39+Foxp3− humaine
produisant IFN-γ et IL-17 a été trouvée (Lastovicka, 2013).
CD26 est une protéase à sérine extracellulaire ayant une activité dipeptidyl-peptidase
IV. Une forte expression de CD26 a été traditionnellement utilisée comme un indicateur
d’activation immune et de fonctions effectrices des cellules T. Les cellules T activées et
182
mémoires affichent un phénotype CD26high, et les cytokines T comme l’IL-12 augmentent le
nombre de molécules CD26 sur les lymphocytes T. Un fort niveau d’expression de surface de
cette protéase indique des réponses effectrices Th1 (Lastovicka, 2013). Une publication
intéressante a été réalisée par Salgado et al. (2012). Les résultats de leur cytométrie de flux
montrent un fort niveau d’expression de CD26 au sein des cellules T effectrices CD4+CD25−
et CD4+FoxP3−/low, mais un niveau faible voire nul parmi les cellules Treg sélectionnées selon
les phénotypes CD4+CD25high et CD4+Foxp3high. Contrairement au marqueur négatif CD127,
qui est sous-régulé chez les cellules T effectrices CD4+ après stimulation du TCR, la plupart
de ces cellules sur-expriment CD26 et prennent un phénotype CD4+CD25+/highCD26+ après
activation. Au contraire, il y a seulement une légère sur-expression au sein des cellules Treg
(CD4+CD25highCD26−/low). Ainsi, les différences de niveau d’expression de CD26 entre les
cellules Treg et les sous-populations de cellules T effectrices sont stables, et une évaluation de
ce marqueur en combinaison avec d’autres tels que CD25, Foxp3 ou CD127 pourrait être utile
lors d’évaluations quantitatives ou d’isolement de cellules Treg dans des échantillons
contenant des cellules T effectrices activées (en particulier chez des patients atteints de
maladies inflammatoires auto-immunes). Le récepteur du folate (FR) existe sous quatre
isoformes chez l’homme : FR-α, -ß, -γ et -δ. Ils sont exprimés sur les cellules épithéliales,
macrophages et cellules malignes. Puisque le FR est sur-exprimé dans environ 40 % des
cancers humains, des conjugués du folate ont été utilisés pour délivrer des agents
thérapeutiques sélectivement aux cellules malignes. Bien que difficile à détecter dans les
tissus humains, FR–δ a récemment été associé aux cellules Treg humaines (Low et Kularatne,
2009). Les cellules Treg CD25highFoxp3+ expriment de très faibles niveaux de CD103 (< 5 %)
dans de nombreux tissus dont le sang. Néanmoins, les cellules T CD4+ peuvent être induites
par différents stimuli in vitro pour exprimer CD103 et le pourcentage de cellules CD103+
parmi les cellules T CD4+CD25high est significativement plus élevé que parmi les cellules T
CD4+CD25− chez des patients atteints de sclérose en plaques. D’autres études restent
nécessaires pour déterminer si CD103 est sur-régulé par les cellules Treg humaines dans
d’autres conditions inflammatoires (Chen et Oppenheim, 2011). HLA-DR est exprimé par
approximativement un tiers des cellules Treg effectrices issues du sang périphérique chez
l’homme adulte. Les cellules Treg HLA-DR+ expriment un plus fort niveau de Foxp3 et sont
responsables de suppression par contact in vitro, alors que la suppression exercée par les
cellules Treg HLA-DR− est initialement médiée par IL-4 et IL-10 et plus tard par contact.
L’activation et l’expansion des cellules Treg HLA-DR− in vitro conduit à la formation de
cellules Treg HLA-DR+. Les cellules Treg HLA-DR+ à la fois isolées ex-vivo et générées in
vitro suppriment plus efficacement que les cellules Treg HLA-DR−. Ainsi, HLA-DR définit
une sous-population de cellules Treg fonctionnelles ayant subi leur différenciation terminale.
HLA-DR est seulement exprimé par les cellules Treg humaines, et non murines (BaecherAllan et al., 2001). CTLA-4 (CD152) freine l’activation des cellules T en rentrant en
compétition avec CD28 pour la liaison à B7. Chez l’homme, les cellules Treg CD4+CD25+
isolées à partir de sang périphérique qui expriment la plus grande capacité suppressive sont
celles qui présentent les plus forts niveaux d’expression de CTLA-4, comparées aux autres
sous-populations. Cependant la détection de CTLA-4 au FACS nécessite un marquage
intracellulaire, ce qui écarte son utilisation en tant que marqueur de surface des cellules Treg
(Chen et Oppenheim, 2011).
183
2.3.3.2.1.3. Les marqueurs des cellules T naïves/mémoires exprimés par les cellules T
régulatrices
L’étude de l’expression de marqueurs associés aux cellules T mémoires/activées a
permis de définir des populations de cellules Treg naïves ou mémoires, au repos ou activées.
Seddiki et al. (2006b) sont les premiers à montrer l’existence de cellules Treg naïves chez
l’homme adulte en utilisant le marqueur CD45RA. La population CD25+CD45RA+ dans le
sang périphérique humain décroit avec l’âge et pourrait représenter une sous-population
nTreg. Ces cellules sont identifiées comme CD25int, distinctes des cellules CD25high qui sont
principalement CD45RA- (Baecher-Allan et al., 2001 ; Seddiki et al., 2006b ; Valmori et al.,
2005 ; Wing et al., 2002). La population CD25highCD45RA- pourrait représenter une
population de cellules ayant déjà eu une expérience antigénique, et qui se sont différenciées à
partir de cellules CD4+CD25- et de cellules Treg in vivo (Vukmanovic-Stejic et al., 2006).
En revanche, l’expression de CD62L chez les cellules CD25int ou CD25high reste
controversée. Wing et al. (2002) rapportent que le sang périphérique adulte contient deux
types de populations de cellules T CD4+ exprimant CD25 à des densités différentes. La
population la plus grande (environ 40 %) exprime des niveaux intermédiaires de CD25
(qualifiée de CD25+) et affiche un phénotype de cellule T mémoire (CD45RA/RO+CD45RBlowCD95+CD62LlowCD38low). La population la plus petite (environ 2 %)
exprime un très fort niveau de CD25 (qualifiée de CD25++), CTLA-4 et un niveau élevé de
CD122 de la même manière que son équivalent régulateur CD4+CD25+ murin. Valmori et al.
(2005) vont plus loin en identifiant une nouvelle sous-population Treg nommée Treg naturel
naïf (NnTreg). Cette sous-population, caractérisée par le phénotype CD25+CCR7+CD62L+
CTLA-4+Foxp3+, est proéminente chez les jeunes adultes puis décroit avec l’âge tout comme
la population CD4+ naïve totale. Elle se distingue des autres populations T CD4+ naïves par
son expression de CTLA-4 et de Foxp3, qui sont aussi exprimés par des cellules Treg ayant
déjà été en contact avec un antigène. Les cellules NnTreg sont anergiques après leur
stimulation en l’absence d’IL-2 et exercent une fonction suppressive par contact in vivo. Elles
prolifèrent en réponse à une stimulation autologue médiée par des CPA, ce qui indique une
riche proportion de cellules T portant des TCR auto-réactifs. Après stimulation et
prolifération, elles sur-régulent fortement CD25, sous-régulent partiellement CD45RA et dans
une moindre mesure CCR7, mais maintiennent de forts niveaux d’expression de CD62L,
suggérant qu’elles pourraient avoir un potentiel de migration vers les organes lymphoïdes
secondaires. Les implications de cette nouvelle sous-population dans diverses maladies seront
ensuite étudiées (Venken et al., 2008).
Alors que les cellules T naïves sont CD95- et résistantes à l’induction de l’apoptose,
les cellules T activées (CD45ROhigh) sur-régulent CD95 et deviennent sensibles à l’apoptose.
Suite à la re-stimulation du TCR, les cellules T effectrices activées (Teff) sur-régulent CD95L
et induisent une mort cellulaire induite par activation (AICD) à travers la liaison de CD95 par
CD95L. L’AICD élimine les cellules Teff après une réponse immune et contribue à
l’homéostasie des cellules T. La plupart des cellules T régulatrices CD4+CD25highFoxp3+
issues du sang périphérique d’adulte expriment de forts niveaux de CD45RO et de CD95, et
sont sujettes à l’apoptose médiée par CD95L au contraire des cellules T conventionnelles.
C’est seulement après les études de Valmori et al. (2005) et de Kleinewietfeld et al. (2005)
184
que la présence de cellules Treg naïves de phénotype CD4+CD25+CD45RA+ en plus des
cellules Treg mémoires a été appréciée dans le sang périphérique. Cependant, aucune
différence fonctionnelle entre les cellules Treg naïves et mémoires n’a été décrite. Fritzsching
et al. (2006) montrent que les cellules Treg naïves sont résistantes à l’apoptose médiée par
CD95L au contraire des cellules Treg mémoires. Une analyse par cytométrie de flux et par
puces à ADN a révélé une augmentation des marqueurs de cellules T naïves sur les cellules
Treg résistantes à CD95L comparées à la plupart des cellules Treg. Au contraire des cellules
Treg trouvées chez les humains adultes, la plupart des cellules CD4+CD25+Foxp3+ trouvées
dans le sang de cordon ombilical sont naïves et exhibent une faible expression de CD95. De
plus, la plupart des ces cellules Treg du nouveau-né ne sont pas sensibles à CD95L de la
même manière que les cellules Treg naïves des adultes. Après une courte stimulation avec des
AcM anti-CD3/CD28, les cellules de sang de cordon ombilical sur-régulent fortement CD95
et sont sensibles à CD95L. Ce changement fonctionnel est à mettre en parallèle avec une surrégulation rapide des marqueurs de cellules T mémoires sur les cellules Treg du sang de
cordon ombilical qui sont souvent trouvées sur les cellules Treg mémoires chez l’adulte. Ceci
montre qu’une courte stimulation du TCR in vitro convertit ces cellules Treg naïves en
cellules Treg sensibles au CD95L de la même manière que les cellules Treg mémoires
d’adulte (CD4+CD25high), et qu’il existe une différence fonctionnelle nette entre les cellules
Treg naïves et mémoires, qui pourrait résulter en des taux de survie très différents de ces deux
populations. Les cellules Tregs naïves constituent seulement 0,2 à 0,8 % des cellules CD4+
humaines, alors que dans le sang de cordon ombilical la plupart des cellules Treg appartient à
la sous-population naïve et résistante à l’apoptose. In vivo, la reconnaissance d’un antigène du
soi par les cellules Treg pourrait conduire à une conversion de la plupart des cellules Treg en
cellules mémoires (Fritzsching et al., 2006). Ces résultats ont ensuite été repris par Miyara et
al. (2009) qui ont décrit trois sous-populations de cellules T CD4+Foxp3+ chez l’homme
phénotypiquement et fonctionnellement différentes : les cellules Treg au repos
CD45RA+Foxp3low, les cellules Treg actives CD45RA-Foxp3high, toutes deux ayant une
activité suppressive in vitro, et les cellules T non-suppressives CD45RA−Foxp3low. Les
cellules Treg activées meurent rapidement alors que les cellules Treg au repos prolifèrent et se
convertissent en cellules Treg activées in vitro et in vivo. Dans le sang périphérique issu
d’humains normaux, 30 à 80 % des cellules T CD25high et 20 à 70 % des cellules T CD25-/low
expriment CCR6. L’expression de CCR6 est strictement corrélée à CD45RO, et l’expression
de CCR6 définit une sous-population de cellules Treg mémoires. Les cellules Tregs CCR6+
humaines purifiées sont activement suppressives. Une sous-population Treg CD4+Foxp3+
mémoire exprimant CCR6, exprime RORγt et produit de l’IL-17 suite à leur activation ou en
présence de stimulation inflammatoire, tout en préservant leur capacité suppressive, suggérant
ainsi leurs possibles fonctions pro-inflammatoires additionnelles (Chen et Oppenheim, 2011).
Les cellules Treg Foxp3+ humaines présentes dans le thymus et la périphérie peuvent être
divisées en deux sous-populations fonctionnellement distinctes ; les cellules Treg ICOS+ et
ICOS-. Alors que les cellules Treg ICOS+ utilisent de l’IL-10 pour supprimer la fonction des
cellules dendritiques et le TGF-β pour supprimer la fonction des cellules T, les cellules Treg
ICOS- utilisent seulement le TGF-β. Presque toutes les cellules Treg ICOS+ montrent un
phénotype mémoire CD45RO+, alors que les cellules Treg ICOS− contiennent à la fois des
185
cellules CD45RO+ et des cellules CD45RO-, suggérant qu’elles sont davantage liées aux
cellules Treg naïves de par leur phénotype (Ito et al., 2008).
LAG-3 (Lymphocyte-Activation Gene 3) est un ligand du CMH II et peut être induit
sur les cellules T activées et freine l’homéostasie des cellules T par des mécanismes
dépendants des cellules Treg et par d’autres ne dépendant de celles-ci (Workman et Vignali,
2005). Dans le sang périphérique d’humain normal, environ 3 % des cellules Treg
CD4+CD25high ou CD4+Foxp3+ sont des cellules LAG-3+. La proportion de cellules Treg
LAG-3+ s’étend de 8 à 10 % dans le sang périphérique, les nœuds lymphatiques et les tumeurs
lymphocytaires infiltrantes issus de patients atteints de cancer. Les cellules Treg LAG-3montrent un phénotype mémoire/effecteur et un potentiel inhibiteur plus puissant. Bien que
les cellules Treg LAG-3+ présentes chez les patients atteints de cancer produisent de l’IL-10
et du TGF-β, elles diffèrent des cellules Tr1 et Th3 classiques à cause de leur activité
inhibitrice par contact (Camisaschi et al., 2010). Ainsi, LAG-3 peut identifier une souspopulation Treg humaine associée à des tumeurs, activée et ayant subi la différenciation
terminale. Cependant, chez les patients atteints de cancer, LAG-3 est aussi sur-régulé sur les
cellules Foxp3− et ces cellules LAG-3+Foxp3− manifestent vraisemblablement leur fonction
immunosuppressive par un mécanisme différent de celui des cellules Treg Foxp3+ classiques
(Gandhi et al., 2006).
Le gène codant pour GARP (Glycoprotein A Repetitions Predominant), une molécule
de surface, est exprimé 100 fois plus par les cellules Treg activées humaines que par les
cellules Teff (Probst-Kepper et al., 2009 ; Wang et al., 2008). Suite à leur activation, GARP
est exprimé sur une sous-population Treg CD25+ ou Foxp3+ ayant une capacité suppressive
plus puissante comparée à la population GARP−CD25+ contenant des cellules productrices
d’IL-17. L’expression de GARP est associée à l’expression de Foxp3 et à la fonction
suppressive des cellules Treg (Wang et al., 2009, 2008). De manière remarquable, GARP est
sélectivement sur-régulé sur les cellules Treg activées, mais n’est pas induit sur les cellules
Teff activées ou les cellules Foxp3+ induites au TGF-β sans fonction suppressive. Chez les
patients HIV-positifs, bien que le pourcentage de cellules Foxp3+ soit augmenté, la proportion
de cellules GARP+ induites par activation du TCR dans la sous-population de cellules Foxp3+
est la même que chez des donneurs sains (soit environ 20 %), suggérant que cette molécule est
utile en tant que marqueur fonctionnel des cellules Treg même lors de réponse inflammatoire
sous-jacente (Wang et al., 2009). GARP est critique pour l’attachement du TGF-β sur la
surface cellulaire et les cellules Treg co-expriment donc le TGF-β et GARP sur leurs
membranes cellulaires. GARP n’est pas détectable sur des cellules Treg fraichement isolées et
son expression sur les cellules Treg activées via leur TCR n’est pas stable, ce qui fait que de
plus amples informations sont nécessaires pour pouvoir exploiter cette molécule en tant que
marqueur des cellules Treg fonctionnelles humaines (Stockis et al., 2009 ; Tran et al., 2009b ;
Wang et al., 2009).
LAP (Latency-Associated Peptide) et le récepteur à l’IL-1 de type T (CD121a) et II
(CD121b) ne sont pas exprimés constitutivement par les cellules Treg Foxp3+ au repos ou
s’étant multipliées, mais sont rapidement induits et exprimés seulement par les cellules Treg
Foxp3+ pendant une courte période de temps après leur activation par le TCR. Ces trois
molécules sont sélectivement exprimées par les cellules Treg activées ayant une capacité
suppressive complète, mais ne sont pas exprimés ni par les cellules Teff CD4+Foxp3−
186
activées, ni par les cellules non-suppressives Foxp3+ productrices de cytokines proinflammatoires et les cellules non-suppressives Foxp3+ induites par le TGF-β. De plus,
l’expression de LAP, CD121a et CD121b induite par la stimulation du TCR définit aussi des
cellules Treg suppressives puissantes issues de patients manifestant des réponses
inflammatoires (Tran et al., 2009a).
La cytokine classiquement pro-inflammatoire TNF exerce un rétrocontrôle négatif sur
les réponses inflammatoires en activant et stimulant l’expansion des cellules Treg via le
TNFR2 (Chen et Oppenheim, 2010 ; Chen et al., 2007). Chez l’homme, TNFR2 est exprimé
constitutivement par les cellules Treg thymiques, mais pas par les cellules Teff thymiques
contrairement à la souris (Annunziato et al., 2002). Les cellules Foxp3+ circulantes humaines
présentes dans les sous-populations CD25high, CD25low et même CD25− des cellules CD4+
expriment des niveaux beaucoup plus marqués de TNFR2 (environ 70 %), comparées aux
cellules Teff CD4+Foxp3- (environ 20 %) (Chen et al., 2010b ; Nagar et al., 2010 ; van Mierlo
et al., 2008). TNFR2 est aussi exprimé par les cellules Treg CD4+ spécifiques d’un antigène
induites par les cellules dendritiques tolérogéniques et par les cellules Treg CD8+ générées
après un traitement anti-CD3 (Ablamunits et al., 2010 ; Kleijwegt et al., 2010). En
combinaison avec d’autres marqueurs, l’expression de TNFR2 identifie les cellules Treg
suppressives humaines même dans les sous-populations CD25low ou CD25−. Toutes les
cellules CD4+CD25highFoxp3+ ainsi qu’une proportion non négligeable des cellules
CD4+CD25lowFoxp3+ expriment TNFR2. Les cellules Treg CD4+CD25+TNFR2+ triées par
cytométrie de flux expriment de forts niveaux de Foxp3 et ont une activité suppressive
puissante (Chen et al., 2010b). Cette méthode pourrait être améliorée par combinaison avec
d’autres marqueurs, tels que CD127−/low ou CD62L+. Même dans la fraction CD25-, les
cellules TNFR2+ CD127−/low comprennent quelques cellules Foxp3+, qui pourraient être
identifiables par d’autres marqueurs. Les cellules Treg Foxp3+ naïves, identifiées par leur
caractère CD45RA+ ou CD45RO− expriment aussi un fort niveau de TNFR2, comparées aux
cellules Teff naïves. Ainsi, TNFR2 ne serait pas seulement utile dans l’identification de la
sous-population de cellules Treg mémoires/activées, mais il pourrait aussi être utilisé pour
identifier les cellules Treg suppressives naïves (Chen et al., 2008). Seulement une minorité de
cellules Treg périphériques au repos de souris (entre 30 et 40 %) exprime TNFR2, alors que la
majorité des cellules Treg du sang périphérique d’humain normal (environ 70 %) exprime
cette molécule (Chen et al., 2010b, 2008). Néanmoins, lors de condition inflammatoire sousjacente, la sur-régulation de l’expression de TNFR2 par les cellules Treg humaines peut aussi
servir d’indicateur de cellules Treg encore plus suppressives, comme il a été montré chez des
patients atteints de malaria (Minigo et al., 2009). L’expression de TNFR2 par les cellules
Treg humaines présentes dans le liquide synovial de patients atteints d’arthrite rhumatoïde est
aussi sur-régulée, et reflétant probablement leur capacité suppressive améliorée (Nagar et al.,
2010 ; van Amelsfort et al., 2004). Les implications fonctionnelles de TNFR2 dans l’activité
des cellules Treg humaines sont aussi relativement bien comprises. Par exemple, les cellules
Treg activées humaines et murines produisent de hauts niveaux de TNFR2 soluble, ce qui
contribue à leur activité immunosuppressive. L’interaction TNF-TNFR2 promeut la survie des
cellules Treg lors de cancer et aux sites inflammatoires en induisant la thiorédoxine-1, une
molécule anti-oxydative. De plus, chez l’homme comme chez la souris, l’interaction TNFRTNFR2 augmente l’expression de Foxp3 par les cellules Treg (Chen et Oppenheim, 2011).
187
Plusieurs autres membres de la super-famille des TNFR, tels que GITR, 4-1BB et OX40, sont
aussi préférentiellement exprimés par les cellules Treg activées ou au repos. Bien que GITR
était initialement reconnu comme marqueur des cellules Treg (Arch, 2005 ; McHugh et al.,
2002), les cellules Teff expriment aussi cette molécule et même au repos, et l’expression de
GITR par les sous-populations de cellules Treg n’est pas directement corrélée avec leur
fonction suppressive (Chen et al., 2008). L’expression de 4-1BB et d’OX40 est
préférentiellement sur-régulée par les cellules Treg hautement suppressives, telles que les
cellules Treg activées par l’IL-2 ou le TNF, ou celles présentes dans des environnements
tumoraux. Ainsi, ces deux molécules peuvent être utilisées comme marqueurs des cellules
Treg activées (Hamano et al., 2011). Sakaguchi et al. (2010) ont proposé une voie de
différenciation des cellules Treg en indiquant les marqueurs phénotypiques associés aux
différentes sous-populations, représentée par la figure 34. Toutes les lignées de cellules T
prennent leur origine dans le thymus et migrent en tant que cellules T CD45RA+ naïves.
L’activation des cellules T naïves en périphérie induit leur différenciation en sous-populations
régulatrices ou conventionnelles. Les cellules T conventionnelles peuvent ensuite se
différencier en cellules T mémoires qui peuvent ensuite être ré-activées. Bien que la
formation des cellules T conventionnelles n’a pas été décrite, il a été montré que les cellules
Treg se différencient en cellules Treg effectrices terminales avec une expression de marqueurs
de surface unique. Les cellules Treg-like converties contribuent également au compartiment
des cellules Treg périphériques CD45RA−, et sont dérivées des cellules T conventionnelles.
Ces cellules Treg-like converties ont une expression de marqueurs de surface similaire à celle
exprimée par les cellules nTreg.
Figure 34 : Modèle des voies de différenciation des cellules Treg chez l’homme. Adapté
d’après Sakaguchi et al. (2010).
188
2.3.3.2.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et induites Foxp3+
Les deux populations de cellules Treg expriment les marqueurs CD25, Foxp3, GITR et
CTLA4, mais les cellules nTreg montrent une plus forte expression de PD-1, neuropilin 1
(Nrp1), Helios et CD73 comparées aux cellules iTreg. Il faut noter qu’à l’exception d’Helios
et de Nrp1, aucune de ces molécules ne peut individuellement fournir la spécificité nécessaire
à distinguer les cellules nTreg et iTreg (Lin et al., 2013).
Helios est le premier marqueur des cellules nTreg identifié. Getnet et al. (2010) ont
montré que l’expression d’Helios était relativement restreinte au compartiment CD25+ chez
l’homme mais également chez la souris, et que l’expression d’Helios est sélective et restreinte
à une sous-population de cellules T CD4+CD25+ pré-existante. Ceci suggère que comme chez
la souris, Helios joue vraisemblablement un rôle chez les cellules nTreg mais pas chez les
cellules iTreg. L’expression d’Helios relaye l’apoptose mais sa sur-expression seule n’est pas
suffisante à générer les caractéristiques des cellules Treg. Après avoir montré sur la souris
qu’Helios se liait au promoteur de Foxp3, ils ont cherché à diminuer l’expression de Foxp3 en
utilisant un ARNsi permettant de supprimer l’expression d’Helios. Cela leur a en effet permis
de montrer que les cellules Treg transfectées avec cet ARNsi fournissaient une suppression
moins efficace, montrant donc chez l’homme également qu’Helios se lie au promoteur de
Foxp3 pour maintenir l’activité suppressive des cellules Treg. Ces résultats ne sont pas en
accord avec le rapport de Cai et al. (2009) qui suggère que chez la souris Helios n’est pas
essentiel au développement et à la fonction des cellules T. Thornton et al. (2010) ont rapporté
qu’Helios était exprimé par environ 70 % des cellules T Foxp3+ chez l’homme et la souris
dans les tissus lymphoïdes périphériques, et que 100 % des cellules nTreg exprimaient Helios.
Puisque les cellules Treg Foxp3+ de la périphérie contiennent à la fois les cellules nTreg
dérivées du thymus et les cellules iTreg induites dans les tissus lymphoïdes secondaires, une
expression d’Helios par 70 % des cellules Treg suggère que 70 % des cellules Treg
périphériques sont des cellules nTreg. En effet, que ce soit chez l’homme ou la souris, aucune
cellule iTreg induite par TGF-β n’exprime Helios in vitro ou in vivo. Helios serait donc un
marqueur spécifique des cellules nTreg dérivées du thymus. Cependant, en commentaire à
cette étude, Verhagen et Wraith (2010) suggèrent que c’est plutôt la méthode d’activation in
vitro que l’origine thymique versus périphérique des cellules Foxp3+ qui détermine
l’expression d’Helios. D’autres équipes ont montré récemment chez l’homme et la souris
qu’Helios n’était vraisemblablement pas un bon marqueur des cellules nTreg. En effet,
l’expression de CD131, un marqueur des cellules nTreg récemment émigrées, est inversement
associée à l’expression d’Helios parmi les cellules Treg. Les cellules T Helios- sont enrichies
en phénotypes naïfs alors que les cellules T Helios+ montrent des caractéristiques de cellules
plus matures. Helios peut être induit au sein des cellules Teff, même sans TGF-β ou IL-2.
Chez l’homme, certaines cellules Teff sur-régulent Foxp3 à un niveau intermédiaire associé à
une expression d’Helios encore plus importante, et ce de manière prédominante parmi les
cellules se divisant rapidement. Ces données suggèrent que l’expression d’Helios est
simplement le reflet de l’activation et de la prolifération des cellules T. Ceci est confirmé par
l’expression du marqueur de prolifération Ki-67 par les cellules Helios+. Dans des conditions
de repos, les thymocytes dont les cellules Treg perdent l’expression d’Helios, et ces mêmes
cellules le sur-expriment sous forte stimulation de CD3/CD28. Il n’y a pas de relation entre
189
l’âge et l’expression d’Helios parmi les cellules Treg, ce qui supporte la théorie que
l’expression d’Helios ne soit pas corrélée à l’involution thymique chez l’homme et ne soit
donc pas reliée à leur origine thymique (Akimova et al., 2011).
Neuropilin (Nrp1) est un récepteur des membres de la famille des VEGF dont la
fonction est de promouvoir l’angiogénèse, ainsi qu’un récepteur pour la sémaphorine III décrit
pour être impliqué dans l’influx axonal et plus récemment en tant que composant essentiel de
la synapse immunologique chez l’homme (Akimova et al., 2011). Bruder et al. (2004) sont les
premiers à rapporter que Neuropilin 1 est un marqueur des cellules Treg chez la souris. Dans
les nœuds lymphatiques et le sang périphérique de patients atteints de cancer cervical, Nrp1
identifie une sous-population de cellules T CD4+CD25high ainsi que de cellules T
CD4+CD25int et CD25- qui expriment de plus forts niveaux de Foxp3 et de diverses marqueurs
de cellules Treg activées tels que CD45RO, HLA-DR et GITR, que leurs semblables Nrp1-.
De plus, Nrp1 jouerait un rôle dans la fonction suppressive des cellules Treg puisque la
neutralisation de l’activation de Nrp1 abolit la capacité suppressive de celles-ci. Les cellules
Treg Nrp1+ prolifèrent peu in vitro mais sont plus efficaces dans l’induction de la suppression
des cellules T par contact et par sécrétion de cytokines. Cependant il semble que chez la
souris Nrp1 n’exerce pas de rôle indispensable à la différenciation des cellules Treg. Nrp1
n’est pas seulement exprimé par les cellules T, mais également par les cellules tumorales. Une
sur-expression de Nrp1 réduit la croissance et la migration des cellules tumorales in vitro,
suggérant que Nrp1 puisse avoir différentes fonctions pour les cellules T et les cellules
tumorales. Cependant, les niveaux de cellules Treg Nrp1+ chutent dans les nœuds
lymphatiques drainant les tumeurs après chimio-radiothérapie pré-opératoire en relation
directe avec la réduction de la masse tumorale, suggérant que l’élimination des cellules
régulatrices facilite la genèse de cellules T relayant la destruction des cellules néoplasiques
(Battaglia et al., 2008 ; Lin et al., 2013). Si Nrp1 a été identifié comme un marqueur
spécifique des cellules Treg murines, son expression n’avait pas été rigoureusement
investiguée chez l’homme. Milpied et al. (2009) sont les premiers à montrer que
contrairement aux cellules Treg murines et indépendamment de leur origine (sang, thymus,
rate, nœud lymphatique, tonsille), l’expression de Nrp1 sur les cellules Treg
(CD4+CD25+Foxp3+) n’est pas plus forte que sur les cellules CD4+CD25-Foxp3-. Une
population de cellules T Foxp3-Nrp1+ est détectée dans les organes lymphoïdes secondaires
humains, et l’expression de Nrp1 est induite sur les cellules T du sang périphérique à la suite
de leur activation in vitro. Nrp1 ne peut donc pas être utilisé comme un marqueur spécifique
des cellules Treg humaines, mais peut représenter un nouveau marqueur d’activation des
cellules T humaines (Wang et al., 2013).
Les modifications épigénétiques du TSDR ont également été utilisées pour distinguer
les cellules nTreg et iTreg. Kim et al. ( 2012) ont fait des recherches sur le statut de la
méthylation des TSDR parmi différentes sous-populations de cellules T CD4+ humaines :
Foxp3-, Foxp3+Helios+ et Foxp3+Helios-. Leurs résultats ont montré que les cellules T Foxp3expriment un TSDR complètement méthylé. Ainsi, le phénotype instable des cellules iTreg
pourrait être lié à une forte méthylation de la région TSDR du promoteur de FOXP3.
L’analyse du statut de méthylation du TSDR du locus FOXP3 pourrait permettre de
différencier les cellules iTreg et nTreg, puisque d’autres rapports montrent que les cellules
190
iTreg sont majoritairement méthylées au niveau du TSDR, alors que les cellules nTreg sont
pour la plupart déméthylées dans cette région (Lin et al., 2013).
2.3.3.2.3. Distinction phénotypique de deux sous-populations de cellules T régulatrices
induites caractérisées par leur sécrétion de cytokines
2.3.3.2.3.1. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites Tr1
Les cellules Tr1 sont des cellules Treg induites, qui furent d’abord définies dans des
systèmes de différenciation in vitro qui impliquaient l’amorçage de cellules T CD4+ en
présence d’IL-10 exogène. Groux et al. (1996) sont les premiers à avoir démontré que l’IL-10
induit un état d’anergie des cellules T. Après avoir activé des cellules T CD4+ humaines,
celles-ci ne proliféraient pas en présence d’IL-10, et cet état de non réponse était de longue
durée et non réversible. Ces cellules T rendues anergiques sous IL-10 semblent subir deux
stades de différenciation. D’abord elles deviennent insensibles et ne prolifèrent pas ou
produisent des cytokines en réponse à une activation spécifique d’un antigène ou polyclonale.
Dans ce stade intermédiaire, bien que les cellules T aient déjà acquis la capacité de supprimer
les réponses des cellules T naïves, cette fonction n’est pas dépendante de la production de
cytokines immunosuppressives, mais est une inhibition de contact. Une seconde étape de
différenciation se produit suite à une prolifération forcée in vitro, et probablement suite à une
exposition à un antigène in vivo (Chen et al., 2003 ; Groux et al., 1997). Les cellules
précédemment anergiques retrouvent une certaine capacité à proliférer, et acquièrent un profil
de production de cytokines unique (IL-2-/low, IL-4–, IL-5+, IL-10+, TGF-ß+), qui est distinct de
celui des cellules classiques Th0, Th1 ou Th2. En plus d’IL-10 et du TGF-ß, les cellules Tr1
humaines produisent aussi de l’IFN-γ, bien que ce soit à des niveaux beaucoup plus faibles
que ceux produits par les cellules Th1 (Levings et Roncarolo, 2005).
En plus de l’amorçage de cellules T en présence d’IL-10 exogène, de nombreuses
autres méthodes peuvent être utilisées pour promouvoir la différenciation des cellules Tr1. En
effet, en l’absence de CPA, l’IL-10 seule est peu efficace pour générer des cellules Tr1, et
l’ajout d’IFN-α peut améliorer ses effets (Levings et al., 2001). La stimulation des cellules T
en présence d’immunosuppresseurs tels que la vitamine D3 et la dexaméthasone a des effets
similaires dans l’induction des cellules Tr1, dépendante de l’induction d’IL-10 autocrine. De
façon intéressante, les cellules Tr1 chez l’homme ont également été induites in vitro avec des
anticorps anti-CD46 en présence d’IL-2, un récepteur qui lie et inactive le facteur de
complément C3b (Kemper et al., 2003). Une conclusion générale de ces études conduites en
l’absence de CPA est que l’IL-10, qu’elle soit d’une origine autocrine, paracrine ou de source
exogène, est nécessaire mais probablement pas suffisante pour la différenciation des cellules
Tr1. De nombreux groupes ont également recherché la capacité de différentes souspopulations de CPA à amorcer les cellules Tr1, en particulier des cellules dendritiques
immatures (Levings et Roncarolo, 2005). Les populations de cellules Tr1 obtenues par ces
différents protocoles contiennent cependant une fraction significative de cellules non Tr1, ce
qui représente un problème important pour l’application clinique de la thérapie par cellules
Tr1. Andolfi et al. (2012) ont réussi à produire une population homogène de cellules Tr1
productrices d’IL-10, en transduisant des cellules T CD4+ humaines avec un lentivirus codant
191
pour l’IL-10 humaine. Les cellules obtenues exprimaient un fort niveau d’IL-10 et un faible
niveau d’IL-4 ainsi que les marqueurs associés à IL-10. Elles exprimaient en plus des
propriétés de cellules Tr1 : phénotype anergique, suppression des cellules T allogéniques via
IL-10 et TGF-β, ainsi que par contact in vitro. Ils ont ainsi réussi à produire une population
stable de cellules rassemblant le phénotype et la fonction des cellules Tr1.
Actuellement, le phénotype définissant les cellules Tr1 est seulement basé sur la
production de cytokines, avec surtout le fait que ce sont des cellules T qui sécrètent de l’IL-10
mais pas de l’IL-4, et très peu voire pas du tout d’IL-2. La question concernant l'inclusion de
la sécrétion du TGF-β dans la définition des cellules Tr1 est encore ouverte. De nombreux
rapports décrivent le rôle à la fois de l’IL-10 et du TGF-β dans leur effet suppresseur, alors
que d’autres décrivent un rôle exclusif de l'IL-10. Un phénomène suppresseur entièrement
dépendant du TGF-β sécrété par les cellules T a été attribué soit aux cellules Th3 soit aux
cellules Treg CD4+CD25+. Jusqu’à ce que des marqueurs moléculaires plus fiables de ces
différentes sous-populations de cellules Treg soient établis, Levings et Roncarolo, (2005)
proposent que les effets suppresseurs médiés par l’IL-10 dérivée de cellules T soient attribués
aux cellules Tr1, sans prendre en compte la présence ou non de TGF-β. Comme la plupart des
cellules Treg, les cellules Tr1 prolifèrent très peu suite à leur activation spécifique d’antigène
ou polyclonale, mais leur prolifération peut être significativement améliorée par de l’IL-2
et/ou de l’IL-15 exogène. Malgré cette faible capacité proliférative, les cellules Tr1 expriment
des niveaux normaux des marqueurs d’activation des cellules T tels que CD25, CD40L,
CD69, HLA-DR et CTLA-4. Il est à noter que puisque les cellules Tr1 sur-expriment
normalement CD25 après leur activation, elles pourraient potentiellement tomber dans le
groupe des cellules CD25+ classiques. Une distinction importante des cellules Treg
CD4+CD25+ est qu’elles ne continuent pas à exprimer de forts niveaux de CD25 dans leur
phase de repos. Ainsi, les cellules qui sont IL-10+ et CD25+ devraient être réanalysées pour
leur niveau d’expression de CD25 après culture in vitro et leur entrée en phase de repos. Les
difficultés associées avec la définition des cellules Tr1 sur la seule base de leur production en
cytokines a mené de nombreuses études à rechercher des marqueurs spécifiques de surface
cellulaire. En phase de repos, les clones de cellules Tr1 expriment constitutivement de forts
nivaux d’IL-2 et des chaînes communes IL-15Rβ et γ, ainsi qu’un vaste répertoire de
chémokines, dont celles associées précédemment avec les phénotypes Th1 et Th2 (Bacchetta
et al., 2002). Remarquablement, le niveau d’expression de Foxp3 des cellules Tr1 ne diffère
pas de celui des cellules T CD4+ activées normales (Levings et Roncarolo, 2005). De façon
similaire aux autres sous-populations de cellules T, les cellules Tr1 peuvent exprimer
transitoirement Foxp3 suite à leur activation, cependant cette expression n’est pas constitutive
et n’atteint jamais les forts niveaux caractéristiques des cellules CD25+Foxp3+ régulatrices
(Gregori et al., 2012). Un rapport intéressant est celui de Stassen et al., (2004) qui fait la
distinction dans le sang périphérique d’humains de deux sous-populations de cellules Treg
caractérisées par l’expression de l’intégrine α4β1 ou de l’intégrine α4β7. Ils ont réussi à
montrer que ces deux populations induisent des populations distinctes de cellules T
suppressives secondaires : IL-10lowTGF-βhigh Thsup (Th3-like) et IL-10highTGF-βlow Thsup
(Tr1-like).
192
2.3.3.2.3.2. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites Th3
Les cellules Th3 forment une autre sous-population de cellules Treg induites à partir
des cellules T CD4+ après ingestion d’un antigène étranger par voie orale, suscitant ainsi la
tolérance orale (Weiner, 2001). Elles sécrètent le TGF-β et l’IL-10, et expriment Foxp3. Elles
sont induites à partir de cellules T CD4+ naïves par le TGF-β et ont un rôle important dans la
tolérance orale aux antigènes étrangers et en inhibant les réactions auto-immunes. Les cellules
Th3 sécrètent du TGF-β, qui exerce un effet immunosuppresseur. Les cellules Th3 ont une
relation réciproque avec les cellules Th17. Les cellules Th17 sont hautement proinflammatoires et sont supposées être importantes dans les maladies auto-immunes (Korn et
al., 2009 ; Nistala et Wedderburn, 2009). Il n’y a pas de marqueur spécifique de surface pour
identifier les cellules Th3, bien que l’expression de Foxp3 soit induit dans les cellules Th3, il
ne peut être utilisé pour les différencier des cellules nTreg (Peterson, 2012 ; Wan et Flavell,
2007). Liu et al. (2006) suggèrent dans leur rapport que le marqueur CD127 pourrait être utile
pour identifier les différents sous-types de cellules Treg, dont les cellules Tr1 et Th3, mais
cette piste reste encore inexplorée. Il peut être spéculé que les cellules Tr1 et Th3 dérivent de
la même population puisqu’elles ont des phénotypes similaires, et relayent habituellement
leurs activités suppressives via la libération d’IL-10 et/ou de TGF-β (Beissert et al., 2006).
Une comparaison des caractéristiques des populations Th3 et Tr1 avec les populations Th1 et
Th2 est réalisée dans le tableau 13 ci-dessous.
Ainsi, la caractérisation phénotypique des cellules Treg chez l’homme repose sur
l’expression de deux marqueurs majeurs : CD25 et Foxp3. Le premier fut d’abord découvert
chez la souris en 1995 par l’équipe de Sakagushi et c’est seulement quelques années plus tard
que son homologue humain fut découvert. Ce marqueur manquait cependant de spécificité et
d’autres marqueurs devenaient nécessaires. Le second marqueur, Foxp3, fut identifié grâce à
son implication dans le syndrome IPEX humain, équivalent au caractère Scruffy des souris. Il
reste à ce jour le marqueur le plus spécifique des cellules Treg, et la combinaison des
marqueurs CD25 et Foxp3 avec d’autres marqueurs permet d’obtenir une meilleure
spécificité. Plus tard, des populations Treg naïves et mémoires aux propriétés fonctionnelles
bien différentes furent caractérisées en utilisant les marqueurs des cellules T naïves/mémoires.
Il est aussi possible de distinguer les cellules nTreg issues de la sélection thymique des
cellules iTreg Foxp3+ générées en périphérie. Alors qu’on croyait qu’Helios était un marqueur
spécifique des cellules nTreg, il s’est avéré que son expression reflétait seulement l’activation
et la prolifération des cellules T. L’utilisation du marqueur Nrp1 s’est également avérée
décevante puisque son expression est également associée à l’activation des cellules T. C’est
finalement la déméthylation du TSDR sur les cellules nTreg et sa méthylation sur les cellules
iTreg qui reste le meilleur moyen de les différencier. Parmi les cellules iTreg, la distinction
des populations Tr1 et Th3 reste mal définie à ce jour, et repose sur la production d’IL-10 par
la première et de TGF-β par la seconde.
193
Tableau 13 : Comparaison des caractéristiques des sous-populations de cellules Th1,
Th2, Th3 et Tr1. Adapté d’après Weiner (2001).
Profil de cytokines
Th1
Th2
Th3
Tr1
IFN-γ
++++
-
+/-
+
IL-4
-
++++
+/-
_
TGF-β
+/-
+/-
++++
++
IL-10
-
++++
+/-
++++
Facteurs de croissance / différenciation
IL-2
IL-2 / IL-4
IL-4 / TGF-β
IL-10
Aide
DTH / IgG2a IgG1 / IgE
IgA
?
Suppression
Th2
Th1 / Th2
Th1
Th1
Abréviation: DTH = Hypersensibilité retardée
2.3.3.3. Détermination des cellules T régulatrices chez la souris
2.3.3.3.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T effectrices chez
la souris
2.3.3.2.1.1. Les marqueurs phénotypiques majeurs des cellules T régulatrices
C’est sur la souris à fond BALB/c que Sakaguchi et al. (1995) ont les premiers
identifié CD25 en tant que marqueur des cellules Treg, avant que ce résultat ne s’étende à
l’homme. Différentes molécules de surface étaient alors utilisées pour identifier les cellules
Treg, et notamment CD45RB, CTLA-4 et GITR. Chez la souris, la plupart des cellules T
CD4+CD25+ sont potentiellement suppressives, alors que les populations analogues chez
l’homme contiennent principalement des cellules effectrices activées et seulement un faible
pourcentage des cellules CD25+ représente des cellules Treg (Lastovicka, 2013).
Comme vu précédemment, le caractère Scurfy de la souris est l’équivalent du
syndrome IPEX chez l’homme. Il est caractérisé par une prolifération des cellules T
CD4+CD8-, une infiltration de la plupart des organes et une élévation de nombreuses
cytokines. Le gène défectueux responsable de ce caractère n’est autre que le gène codant pour
Foxp3 et fut identifié par Brunkow et al. (2001). Il a rapidement été montré que Foxp3 était
exprimé de manière prédominante parmi la population de cellules Treg CD4+CD25+ présentes
naturellement dans le thymus et la périphérie de souris BALB/c, et que l’expression de Foxp3
parmi les cellules T naïves pouvait convertir ces cellules en un phénotype de cellules T
régulatrices fonctionnellement similaires aux cellules Treg CD4+CD25+ présentes
naturellement. C’est alors que Foxp3 était devenu le marqueur des cellules Treg le plus
spécifique disponible (Hori et al., 2003). Bien que chez l’homme il a été montré que les
cellules Teff pouvaient exprimer faiblement et transitoirement Foxp3 lors de leur activation,
le phénotype CD4+CD25+Foxp3+ est spécifique des cellules Treg chez la souris (Siri et al.,
2012). Foxp3 est nécessaire au développement thymique des cellules Treg CD4+CD25+. Le
syndrome auto-immun lymphoprolifératif observé chez les souris déficientes en Foxp3 résulte
de la déficience en cellules Treg CD4+CD25+ et non d’un défaut cellulaire intrinsèque de ces
194
cellules. De plus, l’expression ectopique de Foxp3 est suffisante à activer le programme de la
fonction suppressive des cellules T CD4+CD25- périphériques. D’autre part, à la fois les
cellules T CD4+CD25- et CD8+ issues de souris portant un transgène Foxp3 dérivé d’un
cosmide acquièrent une activité suppressive, améliorée après engagement de leur TCR. Au
contraire des autres marqueurs moléculaires utilisés pour identifier les cellules Treg tels que
GITR, CTLA-4 et CD25, Foxp3 n’est pas sur-régulé par les cellules T CD4+CD25-. Il existe
une forte corrélation entre l’expression de CD25 et de Foxp3 dans la population de cellules T
CD4+ au repos. Cependant, un très faible niveau de Foxp3 parmi les cellules T CD4+CD25existe, identifiant possiblement une population de cellules Treg CD25- très petite ou très peu
puissante selon d’autres études (Fontenot et al., 2005).
2.3.3.2.1.2. Autres marqueurs phénotypiques additionnels des cellules T régulatrices
Comme chez l’homme, il a aussi été démontré chez la souris qu’à l’opposé de leur
expression constitutive de CD25, les cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+ ont une faible
expression de CD127 comparé aux cellules T CD4+ et CD8+ périphériques conventionnelles
(Simonetta et al., 2010).
En exploitant une souris rapporteuse Foxp3GFP, Deaglio et al. (2007) ont démontré
que CD39 est exprimé par les cellules Treg. Comparé à CD25 qui est exprimé sur environ 50
à 60 % des cellules Treg CD4+Foxp3+, CD39 peut être détecté sur plus de 70 à 80 % des
cellules Treg. Les cellules Treg expriment aussi CD73, une ecto-5’-nucléotidase qui convertit
l’AMP en adénosine, les rendant donc capables de catalyser l’ATP/ADP en adénosine
immunosuppressive. Cette double expression peut servir de marqueur phénotypique pour les
cellules Treg, mais elle contribue aussi à leur activité suppressive en catalysant la production
d’adénosine péri-cellulaire. Il a également été noté qu’une sous-population de cellules T
CD4+Foxp3- était CD39+. Ces cellules n’ont cependant pas d’ARNm de CD73 détectable, sont
incapables de générer de l’adénosine et n’expriment donc pas de fonction suppressive. Cette
sous-population de cellules Foxp3−CD39+CD73dim/− englobe des cellules mémoires de type
Th1, Th2, Th17 pré-existantes. Ainsi, contrairement à l’homme chez qui l’expression de
CD39 est restreinte à une sous-population de cellules T effectrices/mémoires régulatrices
Foxp3+, l’expression chez la souris de CD39 marque non seulement les cellules Treg mais
aussi une sous-population de cellules T mémoires (Zhou et al., 2009).
La molécule CD101 est une protéine transmembranaire de type I, qui est exprimée sur
les monocytes, les granulocytes, les cellules dendritiques et les cellules T activées. La liaison
d’un AcM sur les molécules CD101 des cellules T bloque la prolifération induite par la
stimulation TCR/CD3 en inhibant le flux calcique, ce qui empêche l’activation de la tyrosinekinase et conduit à la suppression de la transcription d’IL-2. Fernandez et al. (2007) ont
remarqué que les cellules Treg CD101high avaient de plus grandes capacités de suppression in
vitro comparées aux cellules Treg CD101low. Dans un modèle murin de réaction du greffon
contre l’hôte, le traitement avec des cellules Treg CD101high a permis d’améliorer la survie, de
réduire les niveaux de cytokines pro-inflammatoires et de réduire l’atteinte des organes cibles.
L’expression de CD101 permet donc de distinguer les cellules Treg murines ayant une
puissante activité suppressive.
195
Chez la souris aucune étude n’a montré l’intérêt de l’utilisation de CD49d, alors que
chez l’homme son utilisation en combinaison avec CD127 permet d’obtenir une population
Treg très pure. L’intérêt du marqueur CD26 pour la sélection de cellules Treg n’a pas non
plus été étudié chez la souris, mais une étude récente chez l’homme a montré son potentiel
intérêt.
L’un des isoformes de récepteur du folate, FR–δ a récemment été associé aux cellules
Treg humaines. Chez la souris, il a été décrit une molécule très homologue au FR–δ humain,
appelée FR4. Dans leur étude, Tian et al. (2012) ont identifié un nouveau variant d’épissage
alternatif du gène FR4, nommé FR4D3, à qui il manque l’exon 3 en entier du gène FR4. Les
protéines FR4D3 sont exprimées à un niveau plus fort par les cellules Treg CD4+CD25+ que
par les cellules T CD4+CD25- ou CD8+, suggérant que FR4D3 est spécifique du type
cellulaire. La transduction rétrovirale de Foxp3, qui peut fonctionnellement et
phénotypiquement convertir des cellules T normales en cellules similaires à des cellules Treg,
a montré que l’expression de FR4 était proportionnelle à celle de Foxp3 dans les cellules T
CD25-CD4+ transduites avec Foxp3. Ceci suggère que Foxp3 peut contrôler, directement ou
indirectement, l’expression de FR4 dans les cellules nTreg.
Entre 10 et 30 % des cellules Treg périphériques de souris expriment CD103.
Contrairement à CD25, l’expression de CD103 n’est pas induite suite à leur activation, et
n’est donc pas un indicateur du statut activé ou non activé des cellules Treg (Banz et al.,
2003 ; Lehmann et al., 2002 ; Zeng et al., 2009). Cependant, l’environnement inflammatoire
in vivo semble sur-réguler l’expression de CD103 sur les cellules Treg. Bien que montrant un
phénotype activé, la capacité suppressive in vitro des cellules Treg CD103+ est supérieure à
celle des cellules Treg CD103-, et induit la production d’IL-10 par les cellules Teff en coculture. Leur fonction suppressive ne peut cependant pas être stoppée par la neutralisation de
l’IL-10, et les cellules Treg CD103+ issues de souris KO pour l’IL-10 sont aussi suppressives
(Banz et al., 2003 ; McHugh et al., 2002). Le rôle de CD103 est la rétention des cellules T au
sein des compartiments épithéliaux. Ainsi, la capacité des cellules Treg CD103+ à migrer vers
certains sites inflammés, en particulier dans la peau et la membrane muqueuse, peut expliquer
leur excellente activité anti-inflammatoire sur ces sites (Huehn et al., 2004).
CTLA-4 est exprimé constitutivement par environ 40 % des cellules Tregs murines, et
est aussi rapidement induit dans les cellules Teff suite à leur activation (Takahashi et al.,
2000). Il a été rapporté que cette molécule est absolument nécessaire pour la fonction des
cellules Treg in vivo (Wing et al., 2008). Cependant, les cellules Treg issues de souris
déficientes en CTLA-4 sont encore fonctionnelles (Read et al., 2006). Les niveaux
d’expression de CTLA-4 devraient être capables d’indiquer le statut fonctionnel des cellules
Treg. En effet, les cellules Treg murines avec une capacité suppressive maximale expriment
des niveaux bien plus élevés de CTLA-4, comparées aux cellules Treg CTLA-4low inactives
(Chen et al., 2008).
2.3.3.2.1.3. Les marqueurs des cellules T naïves/mémoires exprimés par les cellules T
régulatrices
En périphérie, CCR6 est préférentiellement exprimé par 15 à 32 % des cellules Treg
de souris. Les cellules Treg CCR6+ sont générées in vivo à partir des cellules Treg CCR6196
après la rencontre avec un antigène, et les cellules Treg CCR6+ montrent un phénotype
mémoire/effecteur, bien qu’elles possèdent une capacité suppressive égale aux cellules Treg
CCR6-. Elles répondent rapidement à une re-stimulation in vitro avec une production accrue
d’IL-10. CCL20, la chémokine ligand de CCR6, peut induire une puissante réponse
chimiotactique par les cellules Treg CCR6+. Dans l'EAE, les cellules Treg CCR6+ sont
augmentées dans le sang périphérique et s’accumulent dans le système nerveux central
(Kleinewietfeld et al., 2005). Un manque de CCR6 réduit le recrutement des cellules Treg
dans les tissus inflammés du modèle d'EAE, aussi bien que celui des cellules Th17
pathogéniques qui expriment également CCR6 (Yamazaki et al., 2008). Ainsi, les cellules
Treg mémoires/effectrices CCR6+ semblent fonctionner comme une contre-balance naturelle
des cellules Teff mémoires/effectrices, destinées à contrôler les réponses immunes
potentiellement destructives directement aux tissus inflammés. Cette notion est supportée par
l’observation que l’expression de CCR6 par les cellules Treg est nécessaire pour une
suppression médiée par les cellules Treg complète dans le modèle de colite à cellules T
transférées (Kitamura et al., 2010).
Le récepteur co-stimulateur ICOS est exprimé par la majorité des cellules Treg de
souris, et les cellules Treg Foxp3highCD44high expriment un plus fort niveau d’ICOS
(Burmeister et al., 2008). Dans un modèle d’hypersensibilité de contact, une sous-population
Treg Fox3+ exprimant un fort niveau d’ICOS possédait une activité suppressive supérieure.
Distincte des autres sous-populations Treg Foxp3+, la population Treg ICOS+ dans ce modèle
produisait aussi de l’IL-10, de l’IL-17 et de l’IFNγ (Vocanson et al., 2010). Dans d’autres
modèles les cellules Treg exprimant fortement ICOS ont une capacité à produire de l’IL-10, et
peuvent ainsi être considérées similaires aux cellules Tr1 (Coquerelle et al., 2009 ; McGee et
al., 2010).
Les cellules Treg de souris expriment sélectivement un fort niveau du gène LAG-3,
cependant l’expression de surface de la protéine LAG-3 sur les cellules Treg peut être
détectée sur des cellules Treg activées via leur TCR ex vivo, mais pas sur des cellules Treg
fraichement isolées (Huang et al., 2004).
TNFR2 est préférentiellement exprimée par 30 à 40 % des cellules Treg présentes dans
les tissus lymphoïdes périphériques de souris normales, alors que moins de 10 % des cellules
Teff expriment TNFR2 et à un moindre niveau. Les cellules CD25+ et les cellules Foxp3+
exprimant TNFR2 montrent l’activité suppressive la plus puissante, alors que les cellules Treg
TNFR2-, même si elles sont CD25+ et Foxp3+ chez des souris normales de souche C57BL/6,
ont des capacités suppressives minimales voire nulles (Chen et al., 2010a, 2008). La majorité
des cellules Treg infiltrant les tumeurs sont des cellules TNFR2+ hautement suppressives, et la
déplétion des cellules Treg TNFR2+ entraine l’éradication de la tumeur après traitement au
cyclophosphamide. Les cellules Treg TNFR2+ sont hautement prolifératives in vivo suite à
une stimulation inflammatoire et les cellules Treg déficientes en TNFR2 ne sont pas capables
de contrôler les réponses inflammatoires in vivo (Chen et al., 2010a, 2008 ; van der Most et
al., 2009 ; van Mierlo et al., 2008). De façon remarquable, TNFR2 identifie plus de cellules
Treg périphériques de souris (30 à 40 %) que ne le fait CD103 (10 à 30 %), et les cellules
Treg TNFR2+ sont remarquablement plus suppressives que ne le sont les cellules Treg
CD103+. De plus, TNFR2 peut définir des cellules Treg Foxp3+ hautement suppressives au
sein de la sous-population CD25-, et les cellules CD4+TNFR2+ triées par cytométrie de flux
197
sont par voie de conséquence environ 4 fois plus suppressives que les cellules CD4+CD25+.
Ainsi, l’expression de TNFR2 est un excellent marqueur pour définir des cellules Tregs
murines hautement fonctionnelles (Chen et al., 2008).
2.3.3.3.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et induites
Sugimoto et al. (2006) ont rapporté que les thymocytes double-positifs exprimaient
Helios, que les thymocytes simple-positifs CD4+CD25+ exprimaient Helios à un plus grand
niveau et que cette expression était maintenue en périphérie. Puisqu'Helios est exprimé plus
tôt que ne l’est Foxp3, les auteurs suggèrent que l’expression d’Helios après la maturation
pourrait engendrer l’engagement à la lignée nTreg au stade tardif double-positif. Des souris
exprimant une forme non fonctionnelle d’Helios ne montrent pas d’anomalie dans un premier
temps mais expriment un lymphome de type T très agressif 4 à 10 mois plus tard, ce qui
démontre une fonction vitale d’Helios dans le maintien de l’homéostasie des cellules T.
(Zhang et al., 2007). Cependant, la formation de souris KO pour le gène codant pour Helios a
permis de montrer qu’Helios n’était pas essentiel à la différenciation, l’homéostasie et la
fonction des cellules T, y compris des cellules Treg (Cai et al., 2009). Pour examiner si Helios
est exprimé par les cellules iTreg, Getnet et al. (2010) ont utilisé des souris Foxp3-GFP
décrites pour la première fois par Fontenot et al. (2005). Ils ont cultivé des cellules T
CD4+CD25- Foxp3-GFP- en présence de TGF-β et d’IL-2 pour obtenir des cellules T
CD4+CD25+ Foxp3-GFP+. De façon surprenante, ces cellules ne présentaient pas une
expression augmentée d’Helios, ce qui suggère que l’expression d’Helios est une
caractéristique des cellules nTreg non partagée par les cellules iTreg. Leur rapport suggérait
également que l’expression de Foxp3 était partiellement régulée par Helios. Le rapport de
Thornton et al. (2010) mentionné plus haut suggère qu’Helios chez la souris tout comme chez
l’homme est un marqueur spécifique des cellules nTreg dérivées du thymus. Mais celui de
Akimova et al, (2011), suggère que comme chez l’homme, Helios est plutôt un marqueur de
l’activation et de la prolifération. En réponse au rapport de Thornton et al. (2010), Verhagen
et Wraith, (2010) proposaient déjà que c’était plutôt la méthode d’activation in vitro que
l’origine thymique versus périphérique des cellules Foxp3+ qui déterminait l’expression
d’Helios. Le rapport de Gottschalk et al. (2012) permet de préciser ce commentaire, puisqu’ils
ont trouvé que la stimulation du TCR avec un peptide comme un anti-CD3 pouvait induire
l’expression d’Helios par les cellules iTreg, tant que les CPA étaient présentes dans les
cultures. Une seconde dose de peptide entrainait des niveaux augmentés d’Helios plus
tardivement, suggérant qu’une stimulation fréquente du TCR pouvait être importante dans le
maintien de l’expression d’Helios. Ces auteurs ont spéculé que les cellules Treg avec de plus
faibles niveaux d’Helios pouvaient avoir été stimulées moins récemment. Cela serait en
accord avec le fait que les plus hauts niveaux d’expression d’Helios sont dans le thymus, là où
les cellules viennent d’être sélectionnées, et avec la perte d’Helios parmi les cellules Treg
thymiques cultivées in vitro sans stimulation du TCR. Selon ce scénario, les cellules avec une
expression diminuée d’Helios pourraient inclure les cellules iTreg dont l’antigène n’était
présent que transitoirement, et les cellules Treg thymiques qui n’ont pas été stimulées
récemment. En parallèle, Zabransky et al. (2012) ont trouvé que l’expression de GITR, une
molécule associée aux cellules Treg, était corrélée à l’expression d’Helios parmi les cellules
198
Treg spléniques non stimulées. CD103, une intégrine α/β associée aux lymphocytes résidant
dans les intestins et préférentiellement exprimée sur les cellules Treg infiltrant les tumeurs,
était aussi relativement surexprimé sur les cellules Treg Helios+ comparées aux cellules Treg
Helios-. Il a été montré par ailleurs que les cellules Treg CD103+ sont des suppresseurs plus
puissants, et ces données suggèrent que cette différence puisse être corrélée avec l’expression
d’Helios. De manière intéressante, le degré de suppression des cultures de cellules Treg dans
ce rapport était proportionnel au nombre absolu de cellules Helios+, laissant penser qu’Helios
pourrait être un marqueur des cellules Treg ayant une capacité fonctionnelle et suppressive.
Bruder et al. (2004) sont les premiers à rapporter que Neuropilin 1 est un marqueur
des cellules Treg chez la souris. En effet, Neuropilin 1 est fortement exprimé par les cellules
Treg CD4+CD25+, parmi lesquelles l’expression de Foxp3 est liée à l’expression de Nrp1.
Corbel et al. (2007) ont montré que dans le thymus de souris adulte, Nrp1 est trouvé sur des
thymocytes à des stades où l’activité proliférative est intense. Son activité est presque
indétectable sur les cellules triple-négatives (TN) 3 précoces CD44-CD25high, puis augmente
jusqu’au stade TN 4 tardif CD44-CD25-, et décroît au stade double-positif et est de nouveau
presque indétectable au stade simple-positif mature. Ceci montre que l’expression
décroissante de CD25 est liée à l’expression de Nrp1. Chez des souris déficientes en Nrp1
dans la lignée T, le développement des cellules Treg n’était pourtant pas affecté ni dans le
thymus ni en périphérie puisque le nombre de cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+ était similaire
chez les souris contrôles. De plus, Nrp1 ne semble pas jouer un rôle indispensable dans la
fonction des cellules Treg car même les souris âgées déficientes en Nrp1 ne manifestaient pas
de maladie auto-immune. On note cependant une légère altération de la différenciation des
thymocytes après le stade TN3 avec un blocage de la sous-régulation de CD25. Des souris
KO pour Nrp1 montrent un moindre échappement tumoral et une durée sans tumeur
prolongée dans des modèles de mélanome murins, accompagné par une réduction de la
croissance de la tumeur dans des modèles de fibrosarcomes murins. On observe un plus faible
nombre de cellules Treg Foxp3+ au sein de ces tumeurs, compensé par une activation
augmentée des cellules T CD8+. Ceci suggère que l’ablation de Nrp1 dans les cellules Treg
Foxp3+ contribue à une réponse anti-tumorale plus efficace. L’analyse des cellules Treg
Foxp3+ dans les organes lymphoïdes secondaires ne révèle aucune différence dans leur
quantité chez les souris KO pour Nrp1 indemnes ou ayant une tumeur et chez les souris
contrôles. Cette observation suggère que les différences dans la tumorigénèse ne sont pas le
résultat d’un nombre réduit de cellules Treg Foxp3+ dans ces souris. (Loser et al., 2005). Une
sur-expression de Nrp1 atténue la progression de l'EAE chez la souris, et à l’inverse le
manque de Nrp1 conduit à l’aggravation de la maladie sans altération de l’expression de
Foxp3 (Solomon et al., 2011).
Récemment, deux études sont en accord avec l’utilisation de Nrp1 comme marqueur
permettant de distinguer les cellules nTreg et iTreg chez la souris. En utilisant une souris
trangénique, Yadav et al. (2012) ont montré que chez cette souris, manquant de cellules Treg
CD4+Foxp3+ dans son thymus, des cellules Treg émergeaient en périphérie après 4 à 6
semaines et même sans thymus, et pouvaient donc être définies comme des cellules iTreg.
Parmi ces cellules iTreg périphériques produites in vivo, seulement 6 % étaient Nrp1+ et 25 %
Helios+, alors que les cellules Treg issues de souris contrôles étaient pour 57 % Nrp1+ et pour
60 % Helios+. Ceci montre qu’à la fois Nrp1 et Helios sont exprimés principalement sur les
199
cellules nTreg, et que Nrp1 peut être un meilleur marqueur des cellules nTreg. La formation
de cellules iTreg in vivo avec une stimulation peptidique spécifique a permis de montré que
ces cellules étaient aussi majoritairement Nrp1low. Weiss et al. (2012) ont également montré
que Nrp1 est préférentiellement sur-exprimé par les cellules nTreg et que à l’opposé, les
cellules iTreg générées sous plusieurs conditions in vivo, et en particulier par la voie orale
physiologique, exprimaient de faibles niveaux de Nrp1.
Comme chez l’homme, les modifications épigénétiques du TSDR ont également été
utilisées pour distinguer les cellules nTreg et iTreg. Au contraire des cellules iTreg induites
par le TGF-β, les cellules nTreg maintiennent leur expression de Foxp3 ainsi que leur activité
suppressive après re-stimulation en l’absence de TGF-β in vitro (Huehn et al., 2009). Il a été
montré que les modifications épigénétiques du TSDR sont à mettre en relation avec la
stabilité de Foxp3 (Polansky et al., 2010). La déméthylation de la région TSDR est en
corrélation avec la stabilité du gène Foxp3. Les cellules iTreg spécifiques de l’antigène OVA
sont capables de maintenir un fort niveau d’expression de Foxp3 pendant une semaine in
vitro, mais perdent rapidement leur expression de Foxp3 après stimulation avec l’antigène
OVA. Cet effet peut être abrogé en ajoutant de l’IL-2 exogène. Ce traitement à l’IL-2 permet
de stabiliser l’expression de Foxp3 chez les cellules iTreg et initie la déméthylation du TSDR
(Chen et al., 2011). Chez la souris également, des rapports montrent que les cellules iTregs
sont majoritairement méthylées au niveau du TSDR, alors que les cellules nTreg sont en
majorité déméthylées dans cette région (Floess et al., 2007 ; Lal et Bromberg, 2009 ; Lal et
al., 2009).
2.3.3.3.3. Distinction phénotypique de deux sous-populations de cellules T régulatrices
induites caractérisées par leur sécrétion de cytokines
2.3.3.3.3.1. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites Tr1
L’activation in vitro ou in vivo chez la souris de cellules T CD4+ en présence d’IL-10
conduit comme chez l’homme à la formation de cellules Tr1 produisant des quantités
significatives d’IL-10, de TGF-β, et d’IL-5, mais de faibles quantités d’IL-2 voire nulles pour
l’IL-4. Mais contrairement à ce que l’on retrouve chez l’homme, les cellules Tr1 ne
produisent pas de TGF-β chez la souris. Dans le modèle murin de maladie inflammatoire
chronique de l’intestin (MICI) chez des souris SCID, le co-transfert de cellules Tr1 avec des
cellules T CD4+CD45RBhigh pathogéniques empêche l’induction de la maladie. La MICI n’a
été empêchée que chez les souris qui se sont vues administrer l’antigène reconnu par les
cellules Tr1, démontrant ainsi que les cellules Tr1 doivent être activées in vivo via le TCR
pour exercer leurs effets régulateurs (Bacchetta et al., 2002 ; Groux et al., 1997). Comme vu
précédemment chez l’homme, il est possible d’induire la différenciation de cellules T CD4+
en cellules Tr1 avec des anticorps anti-CD46 en présence d’IL-2. Mais les souris n’expriment
pas CD46 et le rôle biologique de CD46 dans la différenciation des cellules Tr1 ne peut donc
être recherché chez la souris (Kemper et al., 2003). L’IL-27, un membre de la famille des
cytokines de l’IL-12, a également été identifié comme facteur de différenciation pour la
formation des cellules Tr1 produisant de l’IL-10. L’IL-27 est sécrétée par les cellules
dendritiques tolérogéniques qui sont conditionnées in vitro ou in vivo par les cellules Treg
200
Foxp3+. Ces cellules dendritiques modifiées par des cellules Treg expriment des marqueurs de
cellules plasmocytoïdes. Basé sur l’homologie structurale entre l'IL-12 et l'IL-27, l'IL-27 était
initialement décrite comme une cytokine pro-inflammatoire qui pouvait agir sur des cellules T
CD4+ naïves pour induire une réponse Th1. Cette interprétation était en accord avec la
capacité de l’IL-27 à induire le TGF-β, le facteur de transcription majeur de la réponse Th1
qui transactive les gènes IFN-γ et IL-12Rβ2. Des travaux conduits ultérieurement ont montré
que l’IL-27 n’était pas une cytokine pro-inflammatoire, mais pouvait supprimer les réponses
immunes excessives in vivo puisque les souris déficientes en IL-27R pouvaient très bien
induire les cellules Th1, mais mourraient à cause d’une réponse immunitaire excessive induite
par une infection à Leishmania. Il a ensuite rapidement été découvert que l’addition d’IL-27 à
des cellules T naïves induisait l’expansion et la différenciation de cellules T CD4+ sécrétant
un haut niveau d’IL-10. Ces cellules Tr1 induites par l’IL-27 prolifèrent très peu suite à
l’activation du TCR et suppriment les cellules T effectrices in vitro en partie par leur
production en IL-10. D’autres études ont montré que les cellules Tr1 suppriment aussi les
réponses des cellules T effectrices par contact, possiblement grâce à la lyse médiée par la GrB
puisqu’en plus de l’IL-10, la GrB est induite par l’IL-27 pendant la différenciation Tr1.
Finalement, l’IL-27 peut aussi induire des cellules Tr1 produisant de l’IL-10 chez l’homme à
partir de cellules T CD4+ naïves (Pot et al., 2011).
Les cellules Tr1 sécrétant de l’IL-10, qu’elles soient obtenues par stimulation
antigénique in vitro ou in vivo, n’expriment pas Foxp3. Malgré l’absence de l’expression de
Foxp3, les populations de cellules Tr1 inhibent la prolifération in vitro des cellules T
CD4+CD25− aussi efficacement que les cellules Treg CD4+CD25+ (Vieira et al., 2004). Le
groupe de Zelenika et al. (2002) a réalisé une analyse en série de l’expression de gènes
(SAGE) sur des clones murins Tr1 et ont rapporté que la pro-enképhaline, la protéine
activatrice du ganglioside GM2, le membre 18 de la superfamille des TNFR glucocorticoinduits, et l’intégrine αEβ7 (CD103) étaient des potentiels marqueurs des cellules Tr1. Les
cellules Treg CD103+ expriment un bien plus fort niveau d’IL-10 que les cellules Treg
CD103-, cependant leur fonction immunosuppressive ne peut être arrêtée en neutralisant
l’IL-10, et les cellules Treg CD103+ issues de souris KO pour l’IL-10 sont encore
suppressives. Ces résultats indiquent donc que les cellules Treg CD103+ ne sont pas des
cellules Tr1 (Lehmann et al., 2002 ; Zeng et al., 2009). Dans leur tentative de trouver une
signature génétique spécifique des cellules Tr1, Cobbold et al. (2003) ont comparé
l’expression de gènes entre les cellules de clones Tr1 murins avec les cellules Treg
CD4+CD25+Foxp3+ et ont trouvé que le répresseur de GATA-3 (ROG) était exprimé
spécifiquement chez les cellules Tr1 mais pas chez les cellules nTreg. Cependant, la
pertinence in vivo de ROG dans la biologie des cellules Tr1 n’a pas été explorée puisque ROG
est également exprimé parmi d’autres cellules T helper stimulées avec un anti-CD3. Les
cellules Treg exprimant fortement ICOS ont aussi une capacité à produire de l’IL-10, et
certains auteurs les considéreraient même similaires à des cellules Tr1, mais d’autres études
sont nécessaires pour établir plus précisément le rôle d’ICOS sur ces cellules (McGee et al.,
2010). D’autre part, LAG-3 est constitutivement exprimé sur les cellules CD4+CD25−Foxp3−,
et il a été suggéré que cette molécule pouvait être utilisée comme marqueur de surface des
cellules Tr1 de souris (Okamura et al., 2009).
201
2.3.3.3.3.2. Caractérisation phénotypique des cellules T régulatrices induites Th3
À l’origine, c’est chez la souris qu’elles ont été identifiées après induction de la
tolérance orale à la protéine basique de myéline (MBP). Après traitement avec la MBP, la
majorité des cellules T CD4+ spécifiques de la MBP sécrètent du TGF-β et suppriment
l’induction de l'EAE spécifique du MBP in vivo. Ces cellules CD4+ produisent du TGF-β, des
quantités variables d’IL-4 et d’IL-10 : elles appartiennent à une nouvelle sous-population de
cellules T (Chen et al., 1994). Cette suppression est abrogée en injectant des anticorps antiTGF-β. De plus, ces cellules suppriment la prolifération et la libération de cytokines des
cellules Th1 spécifiques du MBP in vitro, de manière dépendante au TGF-β (Fukaura et al.,
1996). Ainsi les cellules Th3 forment une sous-population unique de cellules T induites par un
antigène administré par voie orale in vivo et déclenchée de façon spécifique à un antigène.
Elles soutiennent la production d’IgA et ont des propriétés suppressives à la fois sur les
cellules Th1 et Th2 (Weiner, 2001), mais ne sont pas spécifiques d’antigène. Parce que le
TGF-β est exprimé par de nombreuses cellules et influence l’activité fonctionnelle de
multiples types cellulaires, les cellules Th3 ont probablement un rôle majeur dans de
nombreux aspects de la régulation immunitaire et l’homéostasie des cellules T (Jonuleit et
Schmitt, 2003).
C’est chez la souris que fut d’abord identifier en 1995 par l’équipe de Sakagushi le
CD25, le premier marqueur des Treg. Peu de temps après, c’est grâce aux souris de caractère
Scruffy que fut identifié Foxp3, le marqueur le plus spécifique des cellules Treg encore
existant. Contrairement à l’homme, le phénotype CD4+CD25+Foxp3+ est spécifique des
cellules Treg chez la souris. De nombreux autres marqueurs ont été étudiés en parallèle aux
études réalisées chez l’homme et quelques différences sont à noter. On retrouve également les
populations de cellules Treg naturelles et de cellules Treg induites. Comme chez l’homme
l’expression d’Helios fut d’abord associée aux cellules nTreg, mais il s’avère qu’elle est au
moins associée aux cellules Treg ayant de fortes capacités fonctionnelles et suppressives. Un
fort niveau d’expression de Nrp1 ainsi qu’un fort niveau de méthylation du TSDR serait
comme chez l’homme associé aux cellules nTreg. Les populations Tr1 et Th3 sont également
assez mal caractérisées. Des pistes prometteuses existent cependant avec notamment les
expressions de ROG, ICOS et LAG-3 qui permettraient d’identifier les cellules Tr1.
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le rat
2.3.3.4.1. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices des cellules T effectrices chez
le rat
Deux modèles ont particulièrement contribué à l’intérêt porté sur les cellules Treg.
Tout d’abord, le modèle Penhale dont la thyroïdite auto-immune est induite chez les rats par
thymectomie et irradiations répétées à faible dose du corps entier (quatre fois 200 rad). Ce
modèle souligne le rôle des cellules dérivées du thymus dans la régulation des réponses autoimmunes, et suggère que la thymectomie combinée à une série d’irradiations sub-léthales
cause la déplétion sélective des cellules T impliquées dans la suppression des composants à
202
réactivité auto-immune envers la thyroïde tout en laissant intactes les cellules T helper autoréactives (Penhale et al., 1975). En utilisant le même protocole, il est également possible
d’obtenir un modèle de diabète auto-immun et une insulite associés à des cellules T CD4+ et
CD8+ et des macrophages. La protection par transfert adoptif de thymocytes CD4+CD8- du
diabète de type 1 alors induit sur des rats PVG.RT1u, est médiée presque entièrement par la
sous-population L-sélectine+. Les thymocytes CD4+CD8- doivent donc entrer en maturation
jusqu’au stade de l’expression de la L-sélectine, avant de pouvoir assurer une fonction de
cellule T normale (Seddon et al., 1996). Une autre étude a montré que les cellules T CD4+
périphériques de rats dont la thyroïde a été détruite in utero par un traitement à l’iode 131,
étaient incapables d’empêcher par transfert adoptif le développement de la thyroïdite induite
chez les rats ayant subi une thymectomie suivie d’irradiations. Ce déficit régulateur est
spécifique d’une auto-immunité thyroïdienne puisque les cellules T CD4+ issues de rats
PVG.RT1u traités à l’iode 131 étaient aussi efficaces que celles issues de donneurs normaux
dans la prévention du diabète. Au contraire des cellules T CD4+ périphériques, les thymocytes
CD4+CD8- issus de donneurs traités avec de l’iode 131 étaient encore capables d’empêcher la
thyroïdite. Ceci indique que c’est l’auto-antigène périphérique lui-même qui stimule la
formation de cellules régulatrices appropriées à partir de précurseurs thymiques émigrants
(Seddon et Mason, 1999b). Les diabète et insulite auto-immuns peuvent également être
empêchés par l’injection de cellules T CD4+ isolées à partir de donneurs syngéniques sains, et
présentant le phénotype CD45RClowTCRα:β+RT6+Thy1-OX-40-. Les cellules présentant ce
phénotype protecteur, comptant pour environ 5 % des lymphocytes du canal thoracique,
aident contre les réponses auto-immunes et produisent de l’IL-2 et de l’IL-4 et du TGF-β
(Fowell et Mason, 1993 ; Seddon et Mason, 1999). Un second modèle est celui de rats
congénitalement athymiques auxquels sont injectés des cellules T CD4+CD45RBhigh issues de
donneurs euthymique, développant alors un syndrome de dépérissement avec des infiltrations
du foie, des poumons, de l’estomac, de la thyroïde et du pancréas. Au contraire, ceux injectés
avec des cellules T CD4+CD45RBlow ne développent pas la maladie, tout comme ceux ayant
reçu un mélange de cellules T CD4+CD45RBhigh et de cellules T CD4+CD45RBlow, avec
malgré tout la présence d’une inflammation dans les organes. Ces résultats suggèrent de
nouveau que la sous-population de cellules T CD4+CD45RBhigh présente un potentiel
aggressif, inhibé chez les animaux sains par les cellules de phénotype CD4+CD45RBlow
(Powrie, 1991). Il a été conclu de ces modèles, que CD45RC est un récepteur de surface
associé aux cellules Treg. CD45RC est un variant d’épissage de l’antigène commun
leucocytaire CD45. Chez le rat l’expression de CD45RC divise les cellules T helper en deux
sous-populations : les cellules T helper CD45RChigh et CD45RClow. L’activité suppressive est
confinée à la sous-population CD45RClow comme démontré dans plusieurs expériences in vivo
(Powrie, 1991 ; Fowell et Mason, 1993 ; Seddon et Mason, 1999). Suite à une stimulation in
vitro, ces cellules mais pas les cellules T helper CD45RChigh, produisent des cytokines antiinflammatoires IL-4, IL-10 et IL-13. Alors que l’activité suppressive des cellules T helper
CD45Rlow n’a jamais été démontrée in vitro, c’est bien le cas des cellules nTreg CD4+CD25+.
Ces cellules nTreg qui sont typiquement confinées au sein de la sous-population de cellules T
helper CD45RClow, sont capables d’inhiber la prolifération des cellules T helper CD25- in
vitro (Damoiseaux, 2006).
203
Seddon et Mason (2000) ont proposé un modèle de développement des cellules Treg
intéressant, en regroupant toutes les données obtenues chez le rat et la souris, présenté dans la
figure 35. Les études chez ces deux espèces sont en accord pour dire que les thymocytes
régulateurs sont trouvés au sein de la population de cellules simple-positives
CD4+TCRα:β+CD25+CD62L+. Une fois que ces cellules ont quitté le thymus, le
développement fonctionnel des cellules Treg nécessite la présence d’auto-antigène
périphérique présenté par des CPA telles que les cellules dendritiques. Le phénotype des
cellules T régulatrices chez le rat a été déterminé comme CD4+TCRα:β+CD45RC-RT6+Th-1alors que chez la souris c’est la sous-population CD4+TCRα:β+CD25+ qui est impliquée.
Figure 35 : Modèle de développement et de maturation des cellules T régulatrices chez le
rat. Adapté d’après Seddon et Mason (2000).
Les flèches pleines indiquent le développement des cellules T et les flèches en pointillés indiquent l’action des
cellules Treg sur les cellules T auto-réactives.
Suite aux études sur le modèle du diabète auto-immun, d’autres études ont ensuite
montré que dans le thymus les cellules T régulatrices appartiennent à la sous-population
CD25+ des cellules CD4+CD8-, alors que le transfert adoptif de la sous-population de
thymocytes CD25- correspondante mène à une accélération de la maladie. Cependant, dans la
périphérie toutes les cellules T régulatrices ne sont pas CD25+. Dans le canal thoracique, les
cellules pouvant empêcher l’apparition du diabète appartenaient à la fois aux sous-populations
CD25+ et CD25- des cellules CD4+CD45RC-. D’autre part, des cellules T régulatrices CD25étaient également présentes dans la sous-population de cellules CD4+CD45RC- issue de la
rate et des nœuds lymphatiques, mais n’étaient efficaces dans la prévention du diabète
204
seulement après avoir retiré les émigrants thymiques CD25-. L’analyse phénotypique chez
l’homme montre la même proportion de thymocytes CD25+ que chez le rat, soit environ 5 à
10 % (Stephens et Mason, 2000). CD25 est ensuite devenu très utilisé comme marqueur de la
sous-population de cellules T CD4+ régulatrices dans le thymus et la périphérie du rat.
Cependant, CD25 est également exprimé par les cellules T conventionnelles activées qui ne
sont pas régulatrices, et toutes les cellules T régulatrices périphériques n’expriment pas CD25.
Dans le thymus, les cellules CD4+CD8–CD25+ ont un phénotype plus mature que les cellules
CD4+CD8–CD25– correspondantes, avec l’expression de Thy-1 (CD90), CD53 et CD44,
suggérant que l’expression de CD25 et peut-être l’engagement à la fonction régulatrice
pourraient être des événements tardifs dans le développement des thymocytes. Les cellules
CD4+CD25+ à la fois du thymus et de la périphérie présentent une expression enrichie et
hétérogène en marqueurs d’activation tels qu’OX-40 (CD134) et OX-48. Les cellules T
CD4+CD25+ ont également une expression enrichie en CD80. Cependant, des études
fonctionnelles in vitro et vivo ont montré que ni OX-40 ni OX-48 étaient des marqueurs utiles
pour une subdivision plus précise des cellules T régulatrices. Au contraire, cette étude a
montré que CD25 restait le marqueur le plus utile pour identifier les cellules T CD4+
régulatrices de rat et n’a pas réussi à mettre en évidence une subdivision de la composante
régulatrice des cellules T CD4+CD25–CD45RClow (Stephens et al., 2004). Les propriétés des
cellules Treg de rat identifiées par le phénotype CD4+CD25+ correspondent à celles établies
chez l’homme et la souris : expression constitutive de CTLA-4, production d’IL-10 mais pas
d’IL-2, et capacité à supprimer la prolifération des cellules T CD25-.
Le marqueur Foxp3 est également utilisé comme marqueur des cellules T régulatrices
chez le rat. Il a été trouvé une souche mutante de rat LEC ayant une sélection thymique
défectueuse, qui développait spontanément une maladie inflammatoire chronique de l’intestin
(MICI). Le nombre de cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+ dans le thymus, les nœuds
lymphatiques mésentériques et la lamina propria issus de ces rats était significativement
réduit comparé aux rats contrôles. Le développement des lésions de la MICI développée chez
ces rats LEC pourrait donc être du à un dysfonctionnnement dans le système régulateur
contrôlé par les cellules Treg. Chez la souris, il a été noté des cellules T CD25-Foxp3+ ayant
des fonctions suppressives similaires aux cellules Treg CD25+Foxp3+ classiques. Cependant il
est intéressant de noter que dans cette étude, il n’y avait pas de différence significative entre
les rats LEC et les rats contrôles dans le nombre de cellules T CD25-Foxp3+ dans les
différents organes. Ceci indique que ce sont les cellules Treg CD25+Foxp3+ et non les cellules
T CD25+Foxp3+ qui pourraient influencer la colite des rats LEC (Ishimaru et al., 2008).
CTLA-4 est exprimé constitutivement à un niveau détectable par cytométrie de flux
seulement par la sous-population CD25+ des cellules T CD4+ et des thymocytes chez le rat.
Ainsi, les cellules Treg CD25- périphériques qui co-existent avec les CD25+ chez le rat
peuvent en plus être distinguées des cellules CD4+CD25+ par leur manque d’expression de
CTLA-4. Puisque les thymocytes simple-positifs CD4+ capables de supprimer des réactions
auto-immunes se sont différenciés in situ, cela démontre que l’expression de CTLA-4 est déjà
acquise pendant la différenciation thymique et n’est pas un événement périphérique
secondaire résultant d’une stimulation continue avec des auto-antigènes (Lin et Hünig, 2003).
Le même groupe a également montré que les cellules Treg de rat subissent préférentiellement
205
une expansion suite à la stimulation par CD28 par rapport aux autres sous-populations de
cellules T.
Dans son rapport, Peterson (2012) reprend les marqueurs couramment utilisés dans
l’identification des cellules Treg chez le rat, et ne montre aucune différence dans les
proportions des différentes sous-populations selon le sexe, comme indiqué dans la figure 36
ci-dessous.
Figure 36 : Pourcentage des cellules T CD3+CD4+ et de ses sous-populations chez le rat.
Adapté d’après Peterson (2012).
Les graphes de cytométrie de flux utilisant les marqueurs utiles dans la caractérisation des cellules Treg
montrent le pourcentage de cellules CD3+CD4+, de cellules CD62L+ dans la population CD3+CD4+, les cellules
CD25+ dans la population CD3+CD4+, et les cellules Foxp3+ dans la population CD3+CD4+chez les rats mâles
et femelles.
Une autre étude a cherché à caractériser les cellules T CD4+CD25+ chez le rat, et a
montré que ces cellules avaient des niveaux élevés de protéines Foxp3 et CD45RC, mais aussi
des niveaux élevés d’ARNm de Lag-3, IL-10, CD80 et CTLA-4. D’autres élévations
significatives bien que moins importantes ont également été observées pour les ARNm de
GITR, CXCR3, CCR7 et IP-10 parmi les cellules Treg de rat. Ces données sont bien corrélées
avec celles observées chez l’homme et la souris, ce qui rend probablement les cellules Treg
comparables entre l’homme, la souris et le rat. Cependant cette étude a trouvé des niveaux
similaires d’ARNm de TGF-β, Nrp-1 et HO-1 dans les deux populations CD4+ alors qu’ils
sont rapportés être associés aux cellules Treg. Les auteurs ont spéculé que cette divergence
était causée soit par une plus faible expression des cellules Treg chez le rat ou un manque
d’activation avant l’analyse, puisque les niveaux des ARNm de HO-1 et Nrp-1 semblent
associés à l’activation des cellules T. Une autre explication était une possible contamination
206
par des cellules T activées au sein de la population CD4+CD25+ puisque Foxp3 n’était
exprimé que par environ 75 % des cellules, même si plusieurs groupes ont trouvé qu’environ
90 % des cellules T CD4+CD25+ chez l’homme et la souris étaient Foxp3+. Cette
contamination pourrait aussi expliquer l’expression élevée des ARNm de CXCR3 et d’IP-10
parmi les cellules T CD4+CD25+ (Holm et al., 2006). Ces données sont résumées dans le
tableau 14.
Tableau 14 : Niveaux relatifs des ARNm des marqueurs dans les fractions CD25+ et
CD25- chez le rat. Adapté d’après Holm et al. (2006).
Les pourcentages (moyenne ± écart-type) d’expression des marqueurs d’intérêt parmi les différentes souspopulations sont indiqués. Les niveaux d’IFN-γ, de TGF-β, d’HO-1 et de Nrp-1 ne diffèrent pas entre les
fractions (donnée non montrée).
Marqueurs
Nombre
d'échantillons
Fraction CD25+
testés (CD25+/CD25-)
Fraction CD25-
Ratio
P
Foxp3
9/9
26,27 ± 6,45
0,85 ± 0,11
>30
<0,01
Lag-3
9/10
44,04 ± 18,41
3,28 ± 1,37
13
<0,01
CD80
8/6
2,56 ± 1,08
0,25 ± 0,06
10
<0,01
IL-10
10/9
0,27 ± 0,17
0,03 ± 0,01
9
<0,01
CTLA-4
8/8
23,93 ± 11,50
3,12 ± 2,01
7
<0,01
GITR
9/9
2,76 ± 1,10
1,02 ± 0,42
2
<0,01
CXCR3
10/8
3,01 ± 1,08
1,32 ± 0,36
2
<0,01
CCR7
9/8
0,05 ± 0,02
0,02 ± 0,01
2
<0,01
IP-10
9/7
0,02 ± 0,01
0,01 ± 0,00
2
<0,03
TNFR2 n’est pas utilisé comme marqueur des cellules Treg chez le rat. L’utilisation de
BF02, un recombinant du TNFR2, chez des rats Sprague-Dawley modèles d’une arthrite
adjuvante restaure le pourcentage de cellules T CD4+CD25+Foxp3+ alors abaissé chez ces rats
(Song et al., 2013). Les marqueurs CD49d et CD103 sont également présents chez le rat mais
leur implication dans les sous-populations de cellules Treg n’a pas été étudiée.
2.3.3.4.2. Distinction phénotypique des cellules T régulatrices naturelles et induites chez le
rat
Les notions sur les cellules T régulatrices naturelles et induites sont également
supposées applicables chez le rat. Comme indiqué dans la figure 37, dans son rapport
Peterson (2012) associe le phénotype CD4+CD25+Foxp3+ aux cellules nTreg, et le phénotype
CD4+CD25-Foxp3+ aux cellules iTreg qui représenteraient alors environ 70 % des cellules
CD4+Foxp3+ chez le rat.
L’expression des facteurs de transcription de la famille Ikaros est très importante dans
le développement des lymphocytes humains et murins, et l’expression d’Helios est même
utilisée pour différencier les cellules T régulatrices naturelles des cellules T régulatrices
induites. Cette famille étant très conservée, une étude récente a pu montrer l’expression pour
la première fois de tous les membres de la famille Ikaros (Ikaros, Aiolos, Helio, Eos et
207
Pegasus) dans les thymus de rats Sprague-Dawley. Des recherches sont nécessaires pour
savoir si l’expression de ces facteurs de transcription pourrait aussi chez le rat permettre de
différencier les cellules iTreg (Paradzik et al., 2012).
Les populations Tr1 et Th3 existent également chez le rat mais ont été très peu
étudiées. Dans un modèle d’EAE chez le rat Lewis, des cellules régulatrices générées suite à
une tolérance orale ont été caractérisées. Dans ce modèle, elles étaient cependant CD8+ et
agissaient via la sécrétion de TGF-β suite à leur activation, et étaient capables de transférer
leur fonction suppressive in vivo et in vitro (Weiner, 2001). Les études sur les rats ont aussi
démontré un rôle essentiel du TGF-β et de l’IL-4 dans la prévention de la thyroïdite autoimmune par des cellules CD4+CD4RC- et des thymocytes CD4+CD8- (Seddon et Mason,
1999).
Figure 37 : Pourcentages de co-expression de Foxp3 et CD25 parmi les cellules T CD4+
issues de sang périphérique de rat. Adapté d’après Peterson (2012).
Les graphes de cytométrie de flux montrent le pourcentage des cellules Foxp3+ dans la population CD4+CD25+
et les cellules CD25+ dans la population CD4+Foxp3+. La majorité (environ 80 %) des cellules CD4+CD25+
sont aussi Foxp3+, elles incluraient les cellules nTreg et les cellules Th3. Seulement une minorité (environ 30 %)
de cellules CD4+Foxp3+ sont aussi CD25+, ce qui signifie qu’environ 70 % de la population CD4+Foxp3+
représente probablement une population iTreg.
Ainsi, dès les années 1970 il a été mis en évidence chez le rat l’existence de
populations cellulaires aux fonctions régulatrices. Les modèles de thyroïdite et de diabète
auti-immuns induits développés dans ces années ont été très utilisés jusqu’aux années 1990 et
ont permis de caractériser les fonctions de ces cellules. Les cellules nTreg ont d’abord été
confirmées comme appartenant aux populations CD45RClow, et le marqueur CD25 fut
rapidement utilisé afin de mieux les définir, suivi du marqueur Foxp3. Les cellules iTreg ont
208
été décrites chez le rat, mais les sous-populations Tr1 et Th3 n’ont fait l’objet que de très peu
d’études.
2.3.3.5. Détermination des cellules T régulatrices chez le chien
Le concept de tolérance périphérique chez le chien n’est pas nouveau : Waxman et al.
(1980) rapportèrent des cellules suppressives circulantes chez des chiens Berger Allemand
atteints de myélopathie progressive. Une étude réalisée dans les années 1990, décrit l’activité
inhibitrice de populations de lymphocytes suppresseurs spontanées et induites, supposés être
des cellules T, dans le sang périphérique de chien atteints de dermatite atopique (Wilkie et al.,
1992). D’autres études rapportèrent la capacité du médicament azaspirane à mettre en
évidence une activité cellulaire suppressive dans la rate et la moelle épinière de chiens Beagle
en bonne santé, par l’induction présumée de « cellules T suppressives » (Kaplan et al., 1993 ;
Thiem et al., 1992). Le rôle de cytokines immunosuppressives avait également été reconnu
avec par exemple l’évaluation des niveaux d’ARNm du TGF-β dans la peau de chien atteint
de dermatite atopique (Nuttall et al., 2002).
Des avancées conséquentes dans le domaine de la tolérance périphérique chez le chien
furent atteintes seulement plusieurs années plus tard lorsque Biller et al. (2007) remarquèrent
la capacité de l’AcM FJK-16s anti-souris/rat Foxp3 (eBiosciences) à marquer une population
de cellules T CD4+ dans le sang périphérique et les nœuds lymphatiques de chien
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]). Le groupe de Biller
observa que FJK-16s marquait bien moins de cellules T CD8+ et déduisit qu’une population
de cellules T CD4-CD8- (double-négative) FJK-16s existait. Ils spéculèrent que les cellules
CD4+FJK-16s+ étaient des cellules Treg, bien qu’ils n’avaient pas initialement de preuve sur
leur fonction. La définition des cellules Treg dépend en effet en partie de leurs fonctions
immunosuppressives, mais une telle exploration était alors impossible à cause du manque de
marqueur CD25. Ils investiguèrent alors si l’expansion de ces cellules Treg pouvait être
obtenue par des stimuli connus pour avoir cet effet sur les cellules Treg humaines et murines.
En effet, les cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+ humaines et murines subissent une expansion
in vitro lorsqu’elles sont cultivées en présence d’IL-2 et l’ajout de TGF-β peut également être
utilisé pour améliorer cet effet. Dans leur étude avec des lymphocytes canins, ils observèrent
une augmentation de l’expression de Foxp3 parmi les lymphocytes activés cultivés avec de
l’IL-2 et du TGF-β. L’activation du TCR seule induisait une petite augmentation dans
l’expression de Foxp3 par les cellules CD4+, mais une bien plus grande augmentation
lorsqu’elles étaient cultivées avec de l’IL-2 et du TGF-β. La régulation de l’expression de
Foxp3 chez les cellules Treg canines est ainsi plus proche de celles des cellules Treg
humaines que murines. La proposition que l’expression de Foxp3 se produit de façon
prédominante parmi les populations de cellules Treg est renforcée par les expressions
augmentées des ARNm d’IL-10 et du TGF-β parmi ces cellules. La réactivité croisée de
FJK-16s pour la protéine Foxp3 canine fut confirmée plus tard par Mizuno et al. (2009) qui
clonèrent et exprimèrent cette protéine, obtenant une séquence nucléotidique très proche de la
protéine Foxp3 murine et en particulier pour l’épitope reconnu par l’anticorps.
209
Dans cette étude, ils montrèrent également la réaction croisée de l’AcM ACT-1 antihumain CD25 avec la protéine canine, confirmant un rapport précédant qui montrait un
marquage positif des cellules T canines activées avec ACT-1 (Masuda et Yasuda, 2008). En
utilisant cet anticorps, ils n’ont pas trouvé de cellules CD25+ parmi les cellules CD4+Foxp3+
canine non stimulées, alors que les cellules humaines et murines équivalentes sont positives
pour ce marqueur. En effet, chez l’homme et la souris, CD25 est exprimé par les populations
de cellules Treg et représente un marqueur de surface caractéristique des cellules Treg. L’une
des hypothèses pouvant expliquer que CD25 n’était pas détecté parmi les cellules
CD4+Foxp3+ avant leur stimulation était que cet anticorps n’était pas assez sensible. Abrams
et al. (2010) confirmèrent en effet que l’affinité de cet anticorps pour la protéine canine était
faible. Ils ont alors eux-mêmes développé un nouvel AcM anti-CD25 spécifique du chien et à
haute affinité, nommé P4A10 et qui est commercialement disponible (eBiosciences ; AbD
Serotec) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour
le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]). Mizuno et al.
(2009) ont par ailleurs montré que la stimulation des cellules mononucléées du sang
périphérique de chien par de la ConA induit l’expression de Foxp3 et de CD25 parmi les
cellules CD4+ et CD4-, ce qui indique que l’activation des lymphocytes canins pourrait
induire la production de cellules Treg induites, comme observé chez l’homme. Alors que
Biller et al. (2007) avaient trouvé 4 % de cellules Treg dans le compartiment des lymphocytes
CD4+ chez le chien en les définissant par le phénotype CD4+Foxp3+, Knueppel et al. (2011)
en trouvèrent 0,8 % en utilisant le phénotype CD4+CD25+Foxp3+, et trouvèrent 2,8 % de
cellules CD4+Foxp3+. Ils confirmèrent le potentiel de ces cellules Treg à prévenir la
prolifération in vitro des cellules Teff en réponse à une stimulation allogénique, et montrèrent
que les cellules Treg ayant subi une expansion pendant une semaine avaient un potentiel
suppresseur supérieur aux cellules fraichement isolées. Alors qu’aucune technique
d’enrichissement des cellules Treg canines n’avait été décrite jusque là, ils proposèrent
d’utiliser un séparateur par billes magnétiques et d’ajouter de l’IL-2.
Plus tard, en utilisant la réaction croisée d’ACT-1, Pinheiro et al. (2011) démontrèrent
que les cellules T CD4+ ayant la plus forte expression de CD25 étaient enrichies en Foxp3 et
étaient marquées positivement avec l’AcM 22F6 anti-murin/humain Helios (eBioscience ;
Lifespan Biosciences ; BD Biosciences ; Biolegend) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to
explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]). Ceci suggère que ces cellules T
CD4+CD25+Foxp3+ expriment Helios, récemment associé aux cellules nTreg à la fois chez la
souris et chez l’homme. Suite à l’activation avec de la ConA des cellules T CD4+ dérivées soit
du sang périphérique, soit des nœuds lymphatiques, deux populations de cellules T ont
émergé sur la base de l’expression de Foxp3 et de l’IFN-γ. Il y avait des cellules T
CD4+Foxp3highIFN-γ-, supposées être des cellules Treg activées, et des cellules T
CD4+Foxp3intIFN-γ-/+, supposées représenter une population plus hétérogène avec
majoritairement des cellules T conventionnelles. Après avoir isolé les cellules T
CD4+CD25high par FACS, ils démontrèrent la fonction régulatrice par des tests de suppression
classiques dans lesquels des cellules T CD4+ fraiches étaient ajoutées en tant que population
réactive et la prolifération cellulaire était mesurée en incorporant de la thymidine tritiée.
Actuellement, des études se concentrent sur la découverte des mécanismes de suppression de
210
ces cellules Treg et de leur implication dans un certain nombre de maladies canines (Bauer et
al., 2009).
Ce sont Biller et al., (2007) qui ouvrèrent la voie à un certain nombre d’études ayant
pour but d’examiner les changements dans les proportions de cellules T CD4+Foxp3+ se
produisant dans les cancers canins. Comparée à celle dans les chiens sains contrôles, la
proportion de cellules CD4+Foxp3+ des chiens atteints d’une variété de tumeurs (dont les
tumeurs à cellules rondes, carcinomes et sarcomes), était grande à la fois dans le sang et dans
nœuds lymphatiques drainants. Les chiens atteints de tumeur montraient une augmentation du
rapport des cellules T périphérique CD4+Foxp3+ sur CD8+ (Biller et al., 2007 ; O’Neill et al.,
2009). La présence de métastases augmentait les proportions des cellules T CD4+Foxp3+ dans
le sang périphérique (Horiuchi et al., 2009). D’autres travaux réalisés par le même groupe
démontrèrent des proportions augmentées de cellules T CD4+Foxp3+ dans le sang
périphérique de chiens atteints de mélanomes malins buccaux (Tominaga et al., 2010). La
proportion de cellules T CD4+Foxp3+ montra aussi une corrélation positive avec le stade
tumoral et négative avec la proportion de cellules Th1 et cytotoxiques (Horiuchi et al., 2010).
Cependant, Rissetto et al. (2010) n’ont trouvé aucune différence dans la proportion de cellules
T CD4+Foxp3+ dans le sang périphérique et les nœuds lymphatiques de chiens atteints
d’ostéosarcomes, alors que Biller et al., (2010) avaient trouvé des proportions augmentées
dans le sang de chiens atteints du même type de tumeurs. Des études s’intéressant aux cellules
T CD4+Foxp3+CD25+ ou à l’expression de FOXP3 dans d’autres domaines de la médecine
canine sont rares. Keppel et al. (2008) ont montré une augmentation de la proportion de
cellules T CD4+Foxp3+ du sang périphérique et de la concentration en IL-10 sérique chez des
chiens atteints de dermatite atopique recevant une immunothérapie anti-allergénique, associée
à une baisse de la concentration en IgE sérique. Veenhof et al. (2011) quant à eux montrèrent
une expression accrue de FOXP3 à la fois dans la peau lésionnelle et non-lésionnelle de
chiens présentant des réactions cutanées diverses d’origine alimentaire. De Lima et al. (2010)
ont trouvé des proportions diminuées de cellules T CD4+CD25+ et des concentrations
augmentées d’IFN-γ dans des cultures de cellules mononucléées issues de sang périphérique
de chiens immunisés avec le vaccin contre Leishmania spp.
Le concept de tolérance périphérique chez le chien a été établi très tôt dès les années
1980. Les cellules Treg ont d’abord été caractérisées par leur fonction, mais ce n’est que très
tardivement que leur caractérisation phénotypique est devenue possible. C’est un AcM ayant
une réactivité croisée contre le Foxp3 canin qui fut trouvé en 2007, puis contre le CD25 canin
en 2009. Les cellules Treg sont principalement étudiées chez le chien en oncologie, les autres
domaines d’étude sont rares et incluent la dermatite atopique.
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le porc
Les cellules T régulatrices ont aussi été décrites chez le porc, initialement dans le
contexte de la tolérance fœtale avec Georgieva (1984) qui remarquait que le nombre de
lymphocytes T suppresseurs était très augmenté dans le sang périphérique et les nœuds
lymphatiques drainants pendant la gestation des truies, alors qu’ils ne remarquaient aucun
changement parmi les cellules T helper contrairement à ce qui avait été observé chez l’homme
211
à l’époque. Malgré l’utilisation des porcs dans des études de transplantation, aucun AcM
spécifique de récepteur à l’IL-2 n’avait été décrit, et aucun rapport n’avait trouvé une
réactivité croisée entre les récepteurs à l’IL-2 humain et porcin. Bailey et al. (1992)
décrivirent les premiers un AcM nommé 231.3B2 reconnaissant un épitope associé au
récepteur de l’IL-2 porcin. Plus tard, en clonant l’ADNc de la sous-unité α du récepteur à
l’IL-2 (IL-2Rα) et en exprimant la protéine, il fut confirmé que l’AcM 231-3B2 était bien
spécifique de l’IL-2Rα porcin (Kokuho et al., 1997). Plusieurs laboratoires proposent
maintenant cet AcM (Abcam ; Acris Antibodies ; AbD Serotec ; Thermo Scientific Pierce
Antibodies ; Lifespan Biosciences ; GeneTex) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore,
learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/]
[Consulté le 25 août 2014]). La confirmation de cet AcM anti-CD25 porcin permit de
développer les études s’intéressant au rôle des cellules Treg dans les allogreffes. Des études
sur des mini porcs avaient montré qu’un court traitement à la cyclosporine A permettait
d’obtenir une survie indéfinie d’allogreffes rénales de deux haplotypes de classe I différents.
Ierino et al. (1999) indiquèrent une association entre la présence de cellules régulatrices
périphériques in vitro et le maintien d’allogreffes rénales. Plusieurs études utilisant des
modèles d’allogreffes rénales et cardiaques sur des mini porcs ont ensuite caractérisé les
capacités suppressives de ces cellules notamment dans des tests de cytotoxicité à médiation
lymphocytaire, et ont montré qu’elles exprimaient le marqueur CD25 (Mezrich et al., 2003 ;
Wu et al., 2003 ; Wu et al., 2004). Bien que l’existence des lymphocytes T CD4+CD25+ était
alors bien établi chez le porc, rien n’était vraiment connu sur cette population. Käser et al.,
(2008) furent les premiers à décrire cette population. La population CD4+CD25high représente
environ 6 % des cellules T CD4+ du sang périphérique. La fréquence des différentes souspopulations CD25 parmi les cellules T CD4+ chez le porc est résumée dans le tableau 15. La
co-culture de cellules T CD4+CD25high avec des cellules T CD4+CD25- réactives cause une
baisse de la prolifération dans toute la culture, démontrant ainsi la capacité suppressive de la
sous-population CD4+CD25high.
Tableau 15 : Répartitions des sous-populations CD4+ définies par leur densité en CD25
dans le sang périphérique, la rate et les nœuds lymphatique de porc. Adapté d’après
Käser et al. (2008).
Les pourcentages (moyenne ± écart-type) des différentes sous-populations sont indiqués en fonction de leur
localisation.
PBMC
Nombre d'animaux 4
Rate
Nœuds lymphatiques
4
12
+
+
78,8 ± 2,8
85,6 ± 23,9
83,5 ± 23,1
+
dim
14,8 ± 2 2,4
10,6 ± 22,8
11,4 ± 23,1
+
high
6,4 ± 21,1
3,6 ± 21,5
5,1 ± 21,5
CD4 CD25
CD4 CD25
CD4 CD25
Abréviation: PBMC = Cellules mononuclées du Sang Périphérique
Une question centrale était celle de l’expression de Foxp3 dans les différentes souspopulations définies par leur expression de CD25. Les approches de marquage en utilisant des
AcM anti-Foxp3 humain avaient jusque-là échoué. L’expression de Foxp3 fut donc étudiée
212
par RT-PCR suivie d’un Southern Blot, en utilisant un oligonucléotide sFoxP3/2 marqué avec
de la digoxygénine et localisé dans l’exon 8 du gène porcin FOXP3. L’expression de Foxp3
n’était pas détectée ex vivo parmi les cellules T CD4+CD25- au repos. Les cellules T
CD4+CD25dim montrèrent une expression modérée de Foxp3 et les cellules T CD4+CD25high
montrèrent la plus forte expression de Foxp3. La capacité suppressive de la sous-population
de cellules T CD4+CD25high avec leur forte expression de Foxp3 montre l’existence des
cellules Treg porcines au sein de la sous-population de cellules T CD4+CD25high. Les cellules
T CD4+CD25dim montraient une faible expression de Foxp3 et avaient une production d’IL-10
plus forte, ce qui indique la présence de quelques cellules Treg dans cette sous-population.
Cela pourrait même mettre en évidence les cellules T régulatrices induites produisant de
l’IL-10 (Tr1).
Après avoir démontré que les lymphocytes T CD4+CD25+ contenaient de l’ARNm de
Foxp3 et que ces sous-populations Foxp3+ avaient les mêmes caractéristiques fonctionnelles
que les cellules Treg, Käser et al. (2008b) démontrèrent la réactivité croisée de l’AcM
FKJK-16s anti-Foxp3 de souris/rat sur le Foxp3 porcin, après avoir écarté trois autres AcM
commercialement disponibles. Ils apportèrent la preuve finale après avoir séquencé l’ADNc
de FOXP3 et exprimé la protéine Foxp3 (Bolzer et al., 2009), ouvrant ainsi la voie à d’autres
études sur l’expression de la protéine Foxp3 chez le porc. Un autre AcM 236A/E7 anti-Foxp3
humain a également été proposé pour étudier les cellules Treg porcines, néanmoins aucune
preuve de sa réactivité croisée avec la protéine Foxp3 porcine n’a été apportée (Wongyanin et
al., 2010). Plusieurs laboratoires proposent maintenant cet AcM (Abcam ; eBiosciences ;
Biorbyt ; BD Biosciences ; GenWay Biotech) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore,
learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/]
[Consulté le 25 août 2014]).
Les études du groupe de Käser et al. ont démontré la présence des cellules Treg dans
le sang, la rate, les nœuds lymphatiques et le thymus, qui présentaient également une
corrélation entre l’expression de CD25 et Foxp3 au niveau protéique dans tous les organes. Ils
montrèrent aussi l’existence de cellules Treg CD4-CD8α+Foxp3+, et que plusieurs souspopulations de cellules Treg CD4+ pouvaient être définies selon leur expression hétérogène de
CD45RC, CD8α et CMH II qui représentent des marqueurs d’activation pour les cellules T
helper porcines. Les deux populations décrites sont CD4+CD25+Foxp3+CD8α−CMHII− et
CD4+CD25+Foxp3+CD8α+CMHII−. La première peut être assimilée aux cellules Treg au
repos et pourrait représenter les cellules nTreg, la seconde population peut être assimilée aux
cellules Treg mémoires activées et pourrait correspondre aux cellules iTreg (Käser et al.,
2008a, 2008b). Il reste cependant encore à élucider si ces sous-populations de cellules Treg
ont bien des propriétés fonctionnelles différentes (Käser et al., 2012). Des preuves de
l’existence des cellules iTreg ont ensuite été apportées après avoir observé que l’infection
avec le virus du syndrome dysgénésique et respiratoire porcin pouvaient augmenter le nombre
de cellules T régulatrices induites CD4+CD25+Foxp3+ dans le sang à la fois in vitro et in vivo
(Silva-Campa et al., 2009 ; Wongyanin et al., 2010), et pour la première fois l’existence de la
sous-population Th3 fut rapportée chez le porc en utilisant ce modèle (Silva-Campa et al.,
2009).
Comme vu précédemment, il existe plusieurs laboratoires proposant des anticorps
monoclonaux dirigés contre CD4, CD8α, Foxp3 et CD45RC. Des anticorps monoclonaux
213
dirigés contre SLA-DR de classe II (Antibodies-online ; Acris Antibodies ; Lifespan
Biosciences ; AbD Serotec ; Genetex ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; GenWay
Biotech) et SLA-DQ de classe II (Aviva Systems Biology ; Antibodies-online ; GeneTex ;
Novus Biologicals ; GenWay Biotech) sont également disponibles (BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
La caractérisation phénotypique des cellules Treg chez le porc fut assez tardive. Le
frein majeur était de trouver des AcM ayant une réactivité croisée avec les marqueurs porcins.
C’est tout d’abord dans les années 1990 qu’un AcM ayant une réactivité croisée contre le
CD25 porcin fut trouvé et ouvrit la porte aux études sur les cellules Treg chez le porc. Ce n'est
que récemment qu’un AcM ayant une réactivité croisée contre le Foxp3 porcin fut également
trouvé. Les cellules Treg sont principalement étudiées chez le porc dans le cadre de modèles
d’allogreffes rénales et cardiaques.
2.3.3.4. Détermination des cellules T régulatrices chez le macaque
Les primates non-humains (PNH) peuvent servir de modèles pré-cliniques pertinents
pour tester des nouveaux principes thérapeutiques développés chez des espèces moins
évoluées pour les préparations cliniques. Le macaque rhésus a été l’un des modèles favoris
pour la transplantation d’organe et de peau, dans lequel une large variété de nouveaux
principes thérapeutiques a été étudiée. La caractérisation et la culture des cellules nTreg chez
le macaque rhésus ont été rapportées depuis quelques années déjà, mais une évaluation
complète des cellules nTreg n’avait jamais été réalisée jusqu’au rapport de Haanstra et al.
(2008). Chez les macaques, ce sont des AcM humains ayant des réactivités croisées avec les
épitopes de leurs marqueurs qui sont utilisés. Un certain nombre d’AcM développés par
différents laboratoires sont utilisés pour des mêmes marqueurs selon les études, bien que leur
réactivité croisée n’ait bien souvent pas fait l’objet d’étude. Le tableau 16 reprend les
phénotypes des différentes sous-populations CD4+ définies par leur densité en CD25.
Contrairement aux cellules Treg humaines, les cellules CD4+CD25+ des macaques rhésus ne
peuvent être séparées en une population CD4+CD25high clairement distincte et en cellules
CD4+CD25int, alors que les cellules CD25high peuvent être discernées chez l’homme en
utilisant les mêmes techniques utilisées. Comme chez l’homme, la plupart des cellules CD25+
de macaque rhésus ont un phénotype mémoire CD45RA-. Alors que l’expression plus forte de
CD62L parmi les cellules CD25int ou CD25high est un fait controversé, l’expression la plus
forte de CD62L chez le rhésus est trouvée sur les cellules CD25high, mais est toujours plus
faible que celle retrouvée sur les cellules CD25-. Ainsi, les cellules CD25+ de macaque rhésus
ont un profil d’expression CD25 qui ressemble aux cellules Treg naïves trouvées chez la
souris et l’homme dans le sang de cordon ombilical, mais elles ne sont pas naïves. Leur statut
vis-à-vis de leur expérience antigénique est similaire aux cellules Treg de sang périphérique
humaines. Les cellules CD4+CD25+ de macaque rhésus expriment Foxp3 à des niveaux
beaucoup plus élevés que les cellules CD4+CD25-. CTLA-4 est aussi exprimé à un haut
niveau parmi les cellules CD4+CD25+ de macaque rhésus, et l’expression à la fois de Foxp3 et
de CTLA-4 est même plus forte que parmi la population CD25high, ce qui est semblable à
214
l’homme. Cependant, les cellules CD25int expriment aussi Foxp3 et CTLA-4 à des niveaux
bien plus élevés que les cellules CD25-. Certains rapports décrivent que l’expression de Foxp3
et de CTLA-4 est trouvée parmi les cellules CD25int humaines également, alors que ce n’est
pas le cas pour tous. Comme indiqué précédemment, plusieurs laboratoires proposent des
anticorps monoclonaux ayant pour les macaques rhésus et cynomolgus des réactivités croisées
avec CD4, CD25, CD45RA, CD62L et CTLA-4. Il existe également des anticorps
monoclonaux ayant des réactivités croisées avec Foxp3 (Abcam ; Biolegend ; eBioscience)
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Il existait également un manque d’information sur le nombre absolu de cellules Treg
circulantes chez des macaques cynomolgus naïfs et sains avant que Clark et al. (2012) ne
développent un panel de phénotypage standardisé pour identifier les cellules Treg
CD3+CD4+CD25+Foxp3+ et s’en servent pour établir un intervalle de référence du comptage
des cellules Treg chez les macaques cynomolgus naïfs. Les cellules Treg circulantes comptées
dans leur étude faisaient seulement partie de la population nTreg, et le compte absolu de
cellules Treg circulantes chez les macaques cynomolgus sains était de 56 à 180 cellules par
microlitre de sang (n = 25), sans différence entre les sexes.
Ainsi les phénotypes des cellules Treg de macaques ont été décrits tardivement par
rapport à leurs différentes techniques de cultures qui avaient déjà été décrites. Afin
d’optimiser leur culture, l’expression d’un autre marqueur, CD127, a largement été étudié. Il a
été montré que les cellules Treg humaines expriment de faibles niveaux de CD127 (Liu et al.,
2006 ; Seddiki et al., 2006a) et que l’expression de CD127 est inversement corrélée avec la
forte expression de CD25. CD127 est un marqueur utile pour immunophénotyper les cellules
Treg grâce à son expression sur la surface cellulaire, ce qui nécessite moins de manipulations
comparé au marquage intracellulaire de Foxp3. De plus, lorsque l’expression de Foxp3 est
utilisée comme « gold-standard » pour identifier les cellules Treg, la purification de celles-ci
est alors assez spécifique mais manque de sensibilité puisqu’un nombre significatif de cellules
exprimant un faible niveau de CD25 est rejeté alors qu’elles sont Foxp3+. En incluant CD127
dans la stratégie d’identification des cellules Treg, il est possible d’obtenir plus de cellules
sans compromettre la spécificité (Hartigan-O’Connor et al., 2007 ; Liu et al., 2006). En effet
l’obtention de populations de cellules Treg pures et en quantité suffisante est très recherchée
chez le macaque, afin de pouvoir les utiliser in vivo pour des thérapeutiques cellulaires. Chez
le macaque cynomolgus, des cellules circulantes CD4+CD25+CD127- qui expriment Foxp3 et
manifestent une activité suppressive ont été isolées et cultivées en utilisant des cellules
dendritiques allogéniques semi-matures et de l’IL-2 (Moreau et al., 2008), bien que la
spécificité alloantigénique des cellules Treg n’était pas certaine. Chez les macaques rhésus,
les cellules T CD4+CD25+CD127low/− circulantes ont été cultivées ex vivo en utilisant des
AcM anti-CD3/CD28 et de l’IL-2, et ont inhibé efficacement les proliférations des cellules T
effectrices de manière non-spécifique (Anderson et al., 2008). Il est également possible
d’obtenir des cellules CD4+CD127−/low circulantes hautement suppressives en les enrichissant
en cellules Treg spécifiques d’un alloantigène, en utilisant des cellules dendritiques dérivées
de monocytes immatures et résistantes à la maturation (Zahorchak et al., 2009). Il a même été
proposé que CD127 pouvait être utilisé pour identifier les cellules Treg à la place de Foxp3.
En effet, dans leur rapport, Clark et al. (2012) ont trouvé le même nombre de cellules T
215
CD4+CD25+Foxp3+ et de cellules T CD4+CD25+CD127low pour les 20 macaques cynomolgus
qu’il ont utilisé. Cependant, ils ne pouvaient pas utiliser les anticorps Foxp3 et CD127 dans le
même panel car la détection la plus sensible de ces deux anticorps n’était seulement atteinte
qu’avec des anticorps couplés avec le fluorochrome Phycoérythrine, ce qui les a empêché de
conclure sur la véritable nature de ces supposées cellules Treg. Il n’existe pas d’anticorps
monoclonal commercialement disponible ayant une réactivité croisée avec le CD127 de
macaque rhésus ou cynomolgus (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide.
[en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août
2014]).
Tableau 16 : Phénotype des cellules CD4+CD25- et CD4+CD25+ chez le macaque rhésus.
Adapté d’après Haanstra et al. (2008).
Le pourcentage de cellules CD4+ pour les marqueurs ou les sous-populations d’intérêt sont indiqués (moyenne ±
erreur standard de la moyenne).
CD4+CD25-
CD45RA+CCR7+
CD62L+
CTLA-4+
Foxp3+
29 ± 4
71 ± 3
9±1
8±2
+
+
20 ± 3
50 ± 3
46 ± 5
59 ± 4
+
int
15 ± 3
43 ± 2
37 ± 5
43 ± 6
+
high
27 ± 2
58 ± 4
58 ± 6
80 ± 3
CD4 CD25 total
CD4 CD25
CD4 CD25
L’existence de la sous-population Tr1 a également été étudiée chez le macaque
cynomolgus à travers un modèle de sclérose en plaques. Les singes atteints de la sclérose en
plaques ont non seulement un défaut en cellules Treg CD4+CD25+, mais également en cellules
Tr1 CD4+IL-10+. Ceci est en accord avec les résultats de l’équipe de Hafler et al. qui ont
observé des défauts dans l’induction des cellules Tr1 par co-stimulation avec CD46 tout
comme dans l’IL-10 sécrétée chez des patients atteints de sclérose en plaques. Les niveaux de
production d’IL-10 et de TGF-β étaient plus hauts parmi les cellules T CD4+ isolées chez les
singes inactifs que chez les singes actifs. Ces cytokines augmentées pourraient être associées
avec le retour de cellules Treg chez les singes en rémission (Ma et al., 2009).
Puisque la fréquence des cellules nTreg est assez faible, la formation de cellules Treg à
partir des cellules T conventionnelles est une stratégie attirante pour obtenir un grand nombre
de cellules. L’activation de cellules T CD4+CD25- humaines via la stimulation du TCR en
présence de TGF-β sur-régule Foxp3, conférant ainsi une capacité suppressive. De plus,
l’effet synergique de l’acide rétinoïque avec le TGF-β pendant la stimulation des cellules T et
sa capacité à induire des cellules T Foxp3+ humaines et murines hautement suppressives est
une découverte prometteuse. Ces cellules iTreg suppriment les troubles à médiation immune
chez la souris et représentent une bonne alternative à la culture de cellules nTreg. Cependant,
les tests cliniques ne sont pas réalisables à cause des problèmes de sécurité sous-jacents, mais
les modèles de primates non-humains et en particulier de macaques représentent le meilleur
outil pour cette approche. Il faut donc s’attendre à un nombre d’études grandissant sur les
cellules iTreg chez le macaque (Dons et al., 2010).
216
Ainsi, les macaques faisant parti des modèles favoris de nouveaux principes
thérapeutiques et notamment la transplantation d’organe, les travaux réalisés sur les cellules
Treg cherchent à trouver les meilleures techniques afin d’obtenir le plus grand nombre de ces
cellules possible. Pour cela, il faut avoir une technique de tri ayant une bonne spécificité afin
d’obtenir des populations pures, mais également assez sensible pour avoir suffisamment de
cellules. Les cellules Treg chez le macaque ont d’abord été définies par le phénotype
CD4+CD25+, auquel s’ajoute le marqueur Foxp3+. De nombreuses études ont ensuite porté sur
le marqueur CD127 afin d’obtenir une meilleure sensibilité et spécificité dans la sélection des
cellules Treg. Enfin, l’avenir ne réside plus dans la culture des cellules nTreg, mais dans
l’obtention de cellules iTreg, ce qui permettrait d’obtenir des cellules T régulatrices en bien
plus grand nombre.
2.3.4 Les cellules T mémoires
2.3.4.1. Caractéristiques communes des populations de cellules T
mémoires chez la souris et l’homme
2.3.4.1.1. Mécanismes de sélection et de maintien des cellules T mémoires
Les cellules T naïves après exposition à un antigène viral subissent une expansion
clonale, aboutissant à l’élimination du virus. Cette phase est suivie par une phase de
contraction pendant laquelle les cellules T spécifiques de ce virus subissent une apoptose, leur
nombre se stabilisant ensuite pour laisser place aux cellules T mémoires (Gupta et al., 2005).
Le modèle de la figure 38 représente l’enchaînement de ces phases.
Alors que les deux sous-populations de cellules T partagent des caractéristiques
communes, les mécanismes impliqués dans la formation des cellules T mémoires CD4+ sont
différents de ceux impliqués dans la formation des cellules T mémoires CD8+. Contrairement
aux cellules T CD8+ qui peuvent facilement s’engager dans un cours de différenciation
programmée avec une période de stimulation relativement brève, les cellules T naïves CD4+
ont besoin d’une stimulation antigénique prolongée pour pouvoir se différencier en cellules T
effectrices et mémoires CD4+. En opposition à certaines études passées, des études récentes
indiquent que les cellules T CD4+ ont besoin d’un seuil élevé de TCR activé afin de se
différencier complètement en cellules effectrices qui peuvent se convertir en cellules
mémoires.
La stimulation des cellules T naïves et mémoires par le récepteur IL-7 (IL-7R) est
essentielle à leur survie prolongée. L’IL-7R est normalement fortement exprimé sur les
cellules T au repos, et l’expression de l’IL7-Rα est rapidement diminuée sur les cellules T
activées, puis ré-augmente dans une petite fraction de cellules T effectrices destinées à
survivre en tant que cellules mémoires. Des études récentes suggèrent que pendant la phase
précoce d’activation, l’IL-2 promeut la ré-expression de l’IL7-Rα sur les cellules effectrices
destinées à survivre en tant que cellules mémoires. Néanmoins pour les cellules T CD8+ il est
maintenant clairement établi que l’expression de l’IL-7R, bien qu’utile pour détecter les
précurseurs de cellules mémoires, n’est pas nécessaire pour la transition de cellule effectrice à
mémoire. Pour les cellules T CD4+ en revanche, l’IL-7R joue un rôle plus important, et
217
apparaît même être essentiel bien que non suffisant au développement des cellules T
mémoires CD4+.
Figure 38 : Un modèle de l’activation et de la différenciation des cellules T. Adapté
d’après Gupta et al. (2004).
Alors que la plupart des auteurs s’accordent pour dire que la combinaison de l’IL-7 et
de l’IL-15 (mais pas du CMH I) régule l’homéostasie des cellules T mémoires CD8+, les
facteurs contrôlant l’homéostasie des cellules T mémoires CD4+ sont plus controversés.
L’IL-7 semble jouer un rôle plus important que l’IL-15 dans le maintien de la survie des
cellules T mémoires CD4+, mais ces deux cytokines semblent aussi essentielles pour que ces
cellules subissent une prolifération homéostatique basale dans des conditions normales.
L’IL-15 a un rôle moins prédominant pour les cellules T mémoires CD4+ que CD8+, ces
dernières comptant plus sur l’IL-15 que sur l’IL-7 pour leur homéostasie. Cette différence de
dépendance à l’IL-15 est étroitement corrélée avec l’expression du récepteur à l’IL-15,
CD122, qui est affiché à un moindre niveau sur les cellules T mémoires CD4+ comparées aux
CD8+. Il en résulte donc que les cellules T mémoires CD4+ sont bien plus compétitives pour
l’IL-15 que ne le sont les CD8+. Ceci pourrait être l’une des explications principales à la
moindre durée de vie des cellules T mémoires CD4+ par rapport aux cellules T mémoires
CD8+ (van Leeuwen et al., 2009).
Les connaissances sur les rôles de l’IL-7 et de l’IL-15 dans la sélection et
l’homéostasie des cellules T mémoires proviennent essentiellement de modèles murins, de
souche C57BL/6 et BALB/c, avant d’être extrapolées à l’homme.
2.3.4.1.2. Distinction de deux types de cellules T mémoires centrales selon leurs relations aux
tissus lymphoïdes
Des études dans les années 1990 étaient en faveur du concept selon lequel SLC
(secondary lymphoïd-tissue chemokine) et ELC (EBI1-ligand chemokine) qui se lient à CCR7
étaient intimement impliqués dans le recrutement des cellules et leur localisation dans les
nœuds lymphatiques, les plaques de Peyer et la rate. Campbell et al. (1998) en particulier ont
montré chez l’homme et les souches de souris BALB/c et B57BL/6, que SLC est un agoniste
218
du récepteur chimioattractif lymphocytaire CCR7, alors connu pour être le récepteur de
l’ELC. Ils ont également montré que SLC et ELC attirent les mêmes populations majeures de
lymphocytes circulant dont les cellules T et B naïves et mémoires. Leur étude suggère
également que la majorité des lymphocytes circulants répondent à SLC et ELC en grande
partie à travers leur récepteur commun CCR7 et que ces molécules peuvent être des
médiateurs importants de la recirculation physiologique des lymphocytes. Förster et al. (1999)
ont démontré le rôle crucial de CCR7 dans ces procédés grâce à des souris déficientes en
CCR7. À l’inverse, Gunn et al. (1999) et Ngo et al. (1999) ont observé que des souris
mutantes déficientes pour les ligands de CCR7 (SLC et ELC) présentaient une baisse de la
redirection des cellules T naïves vers les nœuds lymphatiques, les plaques de Peyer et la rate.
SLC est capable de déclencher un arrêt rapide des lymphocytes et est exprimé par les veinules
à haut endothélium (VHE), des vaisseaux spécialisés dans l’extravasation des lymphocytes du
sang vers les nœuds lymphatiques et les plaques de Peyer. De nombreuses autres études sur
l’homme et les souris ont permis de montré que lorsque les cellules T naïves du sang migrent
vers les nœuds lymphatiques, elles adhèrent d’abord aux veinules en utilisant la molécule
d’adhésion L-sélectine (CD62L). Ceci permet alors au récepteur CCR7 d’entrer en contact
avec son ligand SLC affiché par les cellules endothéliales. Leur interaction active ensuite des
intégrines qui promeuvent leur transmigration au sein du nœud lymphatique.
Connaissant l’importance de CCR7 et CD62L pour la migration des lymphocytes aux
nœuds lymphatiques, Sallusto et al. (1999) ont pensé que la co-expression de ces récepteurs
pouvait distinguer deux sous-populations de cellules T mémoires. Ils ont ainsi montré chez
l’homme que la mémoire immunitaire était répartie en deux sous-populations de cellules T
mémoires distinctes : les cellules résidant dans les nœuds lymphatiques et manquant de
fonctions cytotoxique et inflammatoire qu’ils ont appelé les cellules T mémoires centrales
(TMC), et les cellules résidant dans les tissus possédant diverses fonctions effectrices qu’ils
ont appelé les cellules T mémoires effectrices (TME). La figure 39 illustre ces deux types de
cellules mémoires en fonction de leur localisation. Après la découverte de ces deux souspopulations de TMC CCR7-CDL62high et de TME CCR7-CDL62low chez l’homme, les équipes
de Masopust et al. (2001) et de Reinhardt et al. (2001) ont confirmé leur existence chez la
souris. En utilisant comme modèles des souris C57BL/6J, ils ont montré en particulier que ces
deux sous-populations étaient fonctionnellement distinctes, avec une sous-population de
cellules mémoires recirculant à travers les nœuds lymphatiques et y produisant une grande
quantité d’IL-2 suggérant son rôle dans la production d’autres cellules mémoires, et une
seconde sous-population qui recircule à travers les organes non-lymphoïdes et qui participe
directement à l’immunité protectrice en sécrétant des lymphokines anti-microbiennes.
La séparation des cellules T mémoires en cellules T mémoires centrales et cellules T
mémoires effectrices reste aujourd’hui le paradigme dans la détermination des souspopulations des cellules T mémoires. Depuis, de nombreuses études sur l’homme et la souris
ont pu affiner nos connaissances sur la réalité fonctionnelle de cette dichotomie in vivo.
219
Figure 39 : Deux types de cellules mémoires avec des préférences de migration
différentes. Adapté d’après Mackay (1999).
Les cellules T mémoires affichent une expression différentielle de molécules
d’adhésion (CD62L) et de récepteurs aux chémokines (CCR7), qui les autorisent à rentrer
dans les nœuds lymphatiques, les tissus non-lymphoïdes et les sites muqueux, et à répondre
aux microbes aux sites tissulaires périphériques. Quand elles arrivent du sang aux nœuds
lymphatiques, elles adhèrent aux VHE en utilisant d’abord CD62L (L-sélectine). Cela permet
alors à CCR7 d’engager son ligand SLC affiché par les cellules endothéliales. L’interaction
CCR7-SLC active alors les intégrines assurant une adhésion ferme et la migration des cellules
T dans le nœud lymphatique. Les cellules T naïves ainsi qu’une sous-population de cellules T
mémoires expriment CCR7 avec CD62L pour l’attachement aux VHE et la redirection vers
les nœuds lymphatiques, alors qu’une autre sous-population de lymphocytes T mémoires
exprime faiblement CD62L mais pas CCR7. À cause de leur rôle essentiel dans la migration
des lymphocytes aux nœuds lymphatiques, la co-expression de CCR7 et CD62L peut
permettre de distinguer une sous-population de lymphocytes T mémoires résidant aux nœuds
lymphatiques.
Les cellules T mémoires CCR7- et CD62Lhigh, ou cellules T mémoires centrales, ne
sont pas orientées vers la production de cytokines telles que les cellules T helper de type 1 ou
2, ni ne possèdent des capacités de lyse cellulaire. Elles ont une plus grande sensibilité aux
220
stimulations antigéniques, sont moins dépendantes des co-stimulations, et expriment
davantage CD40L, fournissant ainsi un rétrocontrôle positif plus efficace aux cellules
dendritiques et cellules B. Suite à l’activation du TCR, elles produisent essentiellement de
l’IL-2, mais après prolifération elles se différencient en cellules effectrices et produisent de
grandes quantités d’IFN-γ ou d’IL-4. Elles sont retrouvées dans les organes lymphoïdes tels
que les nœuds lymphatiques, les plaques de Peyer et la rate.
Les cellules T mémoires CCR7- et CD62Llow ou cellules T mémoires effectrices, sont
caractérisées par une fonction effectrice très rapidement acquise dans les heures suivant leur
activation. Les TME CD8+ synthétisent de grandes quantités de perforines, et à la fois les
TME CD4+ et CD8+ produisent des cytokines IFN-γ, ou IL-4 et IL-5. Elles affichent un
ensemble caractéristique de récepteurs de chémokines et de molécules d’adhésion qui sont
nécessaires à leur migration vers les tissus inflammés. Elles sont trouvées dans les sites extranodulaires tels que le foie et les poumons. Elles ne rejoignent pas les nœuds lymphatiques ni
les plaques de Peyer mais circulent à travers les tissus périphériques à la recherche de leur
antigène cible pour une réponse immédiate. L’expression accrue de récepteurs à des
chémokines inflammatoires (telles que CXCR3 et CCR5) peut permettre aux TME d’entrer
directement dans les sites inflammatoires (Gupta et al., 2005, 2004 ; Moser et Loetscher,
2001).
On pense que les TME recirculent préférentiellement à travers les tissus où la mémoire
immunologique a été générée, c'est-à-dire au niveau des anciens sites inflammatoires et des
tissus lymphoïdes secondaires. La circulation des cellules T à travers les sites périphériques
diffère fondamentalement de celle à travers les nœuds lymphatiques. Des chémokines et leurs
récepteurs dits inflammatoires sont impliqués, avec les molécules d’adhésion dont
l’expression est augmentée via les cytokines inflammatoires. Les cellules T recrutées par les
tissus périphériques sont bien différenciables, ce sont notamment des cellules T CD45RO
exprimant des récepteurs aux chémokines tels que CCR5, CCR2 ou CCR3 mais n’exprimant
pas CCR7. CCR5 est un particulièrement bon marqueur des TME, et les cellules exprimant
CCR5 sont prédominantes lors de maladies inflammatoires ou aux surfaces muqueuses.
L’expression combinée de molécules d’adhésion et de récepteurs à des chémokines permet un
ciblage tissu-spécifique de ces sous-populations et des leucocytes plus largement. Un bon
exemple sont les cellules T à tropisme cutané marquées par l’expression de CLA (cutaneous
lymphocyte antigen) et CCR4, qui migrent à travers les vaisseaux sanguins exprimant la
E-sélectine jusqu’à la peau. Un autre exemple sont les cellules T à tropisme intestinal qui
expriment α4ß7 mais pas CLA, le ligand de MAdCAM-1 (mucosal addressin-cell adhesion
molecule-1) qui est exprimé sur les vaisseaux sanguins des intestins. Certaines cellules T à
tropisme cutané ou intestinal expriment CCR7, ce qui suggère qu’elles peuvent être capables
de retourner aux tissus lymphoïdes également. De plus, alors que la plupart des TMC
expriment simultanément CCR7 et CD62L, certaines TME (qui n’expriment pas CCR7) et en
particulier au sein des CD4, affichent CD62L. Cette découverte permet de penser que la
capacité des TME CD62L à entrer dans les nœuds lymphatiques à travers les VHE est
également possible via l’utilisation d’autres récepteurs liant des chémokines capables de les
arrêter dans le flux sanguin des vaisseaux. Cela peut être particulièrement important lors de
conditions inflammatoires lorsque les chémokines produites dans les tissus inflammés
221
peuvent être transportées et affichées sur la face luminale des cellules endothéliales (Moser et
Loetscher, 2001 ; Sallusto et al., 2004).
Ainsi, les études chez la souris et chez l’homme ont permis ensemble de développer le
concept de la dichotomie des cellules T mémoires en cellules T mémoires centrales et cellules
T mémoires effectrices. Il reste ensuite à déterminer quelles sont les relations dans la
formation de ces deux sous-populations.
2.3.4.1.3. Les deux modèles de développement des cellules T mémoires
Il existe deux modèles de développement des cellules T mémoires en compétition : la
différenciation linéaire et la différenciation divergente. Dans le premier modèle, les cellules T
naïves activées se développent initialement en cellules effectrices productrices de cytokines,
avant qu’une petite fraction de ces cellules ne donne des cellules mémoires. Dans le modèle
divergent, une fraction de cellules T naïves activées se différencie directement en cellules
mémoires outrepassant ainsi la phase effectrice (van Leeuwen et al., 2009).
Dès la définition des TMC et des TME, Sallusto et al. (1999) avaient suggéré que la
différenciation des cellules T mémoires en TMC et TME dépendait de la force et de la durée
de stimulation des TCR, et de la présence de cytokines polarisantes. Wu et al. (2002) ont
ensuite rédigé un rapport en faveur du modèle divergent. Ils ont étudié le maintien à long
terme de différentes populations de lignées cellulaires Th1, définies par leur sécrétion
d'IFN-γ, in vivo chez des souris BALB-c. Ils ont trouvé que les cellules Th1 effectrices
avaient une courte durée de vie et ne se développaient pas efficacement en cellules Th1
mémoires de longue durée de vie. Au contraire, une population de lignée de cellules Th1
activées qui ne sécrétaient pas d’IFN-γ après première stimulation antigénique persistait
pendant plusieurs mois in vivo et développait la capacité à sécréter de l’IFN-γ après
stimulation. Ils en ont alors conclu que ces données suggéraient que la voie de la
différenciation linéaire, définie par la transition entre cellules productrices d’IFN-γ à des
cellules au repos, était relativement limitée in vivo.
En accord avec ce modèle divergent, Sallusto et al. (2004) ont proposé un rôle majeur
de la force de la stimulation antigénique dans la différenciation des cellules mémoires, lorsque
cette force de stimulation est comprise dans une gamme bien précise. Des conditions de
stimulation qui sont au-dessous ou au-delà de cette gamme de force mène à des cellules qui
meurent soit par négligence soit par mort cellulaire induite par activation (Activated Induced
Cell Death ou AICD) respectivement. Dans la gamme de force de stimulation productive, il
est possible de générer des cellules appartenant à une variété de stades de différenciation
allant des cellules effectrices à des cellules arrêtées à des niveaux intermédiaires de
différenciation et possédant différentes capacités d’écotaxie. On distingue ainsi deux
principaux types de cellules T mémoires, les TMC et les TME. Ainsi, au sein de la même
réponse immunitaire les cellules T peuvent recevoir des forces de stimulation différentes soit
parce que le nombre et la durée des interactions entre cellules T et CPA sont des événements
aléatoires, soit parce que les cellules T peuvent être recrutées à des moments différents. En
fait, lors des premières étapes de la réponse immunitaire, un grand nombre de cellules
dendritiques matures affichant de grandes quantités d’antigènes et sécrétant des grandes
222
quantités de cytokines seront présentes, alors que ces conditions de stimulation peuvent
ensuite changer considérablement avec l’arrivée d’une moindre quantité de cellules
dendritiques affichant une moindre quantité d’antigènes et ayant épuisé leur capacité à
produire des cytokines. Selon ce modèle, les précurseurs des TME seraient préférentiellement
générés en début de réponse immunitaire alors que les précurseurs de TMC seraient générés
plutôt en fin de réponse. Ce modèle est représenté par la figure 40. Il est conforté par les
changements dans les profils transcriptionnels observés par de Kaech et al. (2002) sur des
souris transgénique P14, qui montrent que les précurseurs de cellules mémoires ne sont pas
présents au pic de la réponse immunitaire, mais apparaissent progressivement pendant la
phase de contraction. Les données obtenues in vitro avec des cellules T mémoires humaines
indiquent que les TMC peuvent générer des TME suite à une activation antigénique ou
médiée par des cytokines, alors que les TME pourraient se différencier (par exemple en
acquérant une capacité supplémentaire de production de cytokine) ou retourner au phénotype
initial de la cellule lui ayant donné naissance (Geginat et al., 2001 ; Messi et al., 2003). En
contraste avec ces observations, l’analyse des répertoires de TCR des TMC et TME CD8+
humains réalisée par Baron et al., (2003), a révélé que ces deux populations avaient un
répertoire très distinct. Ceci suggère que les TME ne sont probablement pas dérivées des
TMC mais que ces deux populations sont distinctes et générées indépendamment. Une autre
alternative serait que les précurseurs de TME parmi le réservoir de TMC aient disparu, ne
recirculent pas dans le sang, ou aient atteint un nombre indétectable (Tough, 2003). Il a été
montré également par Macallan (2004) sur des cellules T mémoires CD4+ humaines, que les
TME ont un renouvellement in vivo bien plus rapide que les TMC, ce qui indique que les
TME représentent une population cellulaire à courte durée de vie qui nécessite un
réapprovisionnement continue. Cette observation est compatible avec un modèle dans lequel
les TMC à longue durée de vie réapprovisionnent continuellement le réservoir de TME, mais
également avec un modèle dans lequel les deux populations sont séparées et avec des taux de
renouvellement différents.
Kaech et al., (2002) ont proposé un modèle selon la voie de différenciation linéaire,
basé sur leurs données obtenues avec des cellules T mémoires CD8+ de souris transgéniques
P14. Dans ce modèle, les cellules mémoires sont des descendantes directes des cellules
effectrices. La mémoire ne se développerait donc pas avant que l’antigène soit éliminé ou en
quantité grandement diminuée, et les précurseurs des cellules mémoires seraient de véritables
cellules effectrices. Selon ce modèle les TME ne sont donc qu’une population transitoire
représentant un type cellulaire « intermédiaire » dans la transition des cellules effectrices à
mémoires, et se convertissent directement en TMC en l’absence d’antigène, qui sont les
véritables cellules mémoires, et obtiennent alors seulement la capacité à subir un
renouvellement homéostatique. Ce modèle est représenté par la figure 41.
223
Figure 40 : Un modèle de différenciation des cellules T et de formation de cellules T
mémoires dépendant de la force de signal. Adapté d’après Sallusto et al. (2004).
La durée et l’intensité de la stimulation antigénique sont indiquées par la longueur et l’épaisseur des flèches
pleines. Les événements indépendants de l’antigène conduisant à la prolifération des cellules T et à leur
différenciation sont indiqués par des lignes en pointillés.
Abréviation : AICD = Mort cellulaire induite par activation
Pour soutenir ce modèle, Wherry et al. (2003) ont montré que suite à l’élimination de
l’antigène, les TME se convertissent en TMC. Ils proposent que les TMC et les TME ne
représentent pas nécessairement des sous-populations distinctes, mais qu’elles font partie du
continuum de la différenciation linéaire. Ils soulignent également que les études réalisées sur
l’homme in vitro (Champagne et al., 2001 ; Sallusto et al., 1999 ; Tomiyama et al., 2002), ne
permettent pas de tirer des conclusions aussi fiables qu’avec les modèles murins, in vivo. Les
récents rapports de Harrington et al. (2008) et de Löhning et al. (2008) donnent également des
arguments solides pour le développement des cellules T mémoires CD4+ et CD8+ par la voie
linéaire. Les premiers ont en effet trouvé dans leurs modèles murins que les cellules T
effectrices IFNγ CD4+ et CD8+ se différenciaient en cellules mémoires tout aussi
efficacement, voire plus, que les cellules effectrices IFNγ-. Les seconds ont également trouvé
en utilisant un transfert adoptif chez des hôtes naïfs, que la formation de cellules mémoires
était aussi efficace pour les cellules effectrices IFNγ+ que pour les cellules effectrices IFNγ-.
Ces deux rapports ont ainsi trouvé que les cellules mémoires dérivées des cellules effectrices
IFNγ+ étaient entièrement fonctionnelles de par tous les paramètres analysés et ont confirmé
224
que les cellules mémoires générées par les cellules effectrices IFNγ- étaient capables de
produire de l’IFNγ suite à une re-stimulation. Puisque les cellules effectrices IFNγ- donnent
naissance à des cellules mémoires, il est également possible que la voie divergente contribue à
la formation des cellules mémoires CD4+. Une indication possible de la voie divergente est
que les cellules T naïves CD8+ nouvellement activées subissent initialement une division
asymétrique, la cellules fille proximale affichant à la fois des caractéristiques phénotypiques
et fonctionnelles d’une cellule effectrice, et la cellule fille distale se comportant davantage
comme une cellule mémoire. La division cellulaire asymétrique a également été signalée pour
les cellules T CD4+, bien qu’il n’ait jamais été analysé si la cellule sœur distale exerçait
également une fonction mémoire (van Leeuwen et al., 2009).
Figure 41 : Modèle de différenciation progressive des précurseurs des cellules T pendant
la phase de contraction suivant l’élimination de l’antigène. Adapté d’après Kaech et al.
(2002).
Dernièrement, Pepper et Jenkins (2011) ont proposé un modèle de formation des TMC
et TME dans le compartiment CD4+, en tenant compte en particulier des différents types de
cellules effectrices. Ils se sont appuyés sur les résultats d’études réalisées chez les souris in
vivo et en particulier sur leur précédente étude suggérant que les cellules mémoires effectrices
Th1 ne se convertissent pas en TMC (Pepper et al., 2009). Des études montrent également
que les cellules Th2 peuvent devenir des TME mais les preuves apportées sont moins
nombreuses que pour les cellules Th1. Le cas des cellules effectrices Th17 est moins clair.
Certaines conditions de stimulation antigénique pourraient générer des cellules effectrices
conservant les deux options Th1 et Th17 avant de s’engager dans une lignée de cellules
mémoires. Cette idée est supportée par le fait qu’aucune conversion de cellules Th1 en
cellules Th17 n’a été rapportée jusqu’ici. Il n’a jamais pu être montré que les cellules Treg
pouvaient entrer dans la population des cellules T mémoires. Leur identification repose sur
l’expression du marqueur de transcription Foxp3, mais les cellules Foxp3 ne sont pas
présentes dans les cellules T mémoires. Cependant, il est possible que les cellules Treg
perdent leur expression de Foxp3 avant de devenir des cellules mémoires. Les auteurs doutent
de la capacité des cellules Tfh à devenir des cellules mémoires, car bien que des cellules au
225
phénotype évocateur ont été identifiées chez l’homme et apparentées à des cellules mémoires
Tfh au repos, il est également possible que les TMC expriment le marqueur CXCR5 utilisé
pour la détermination des cellules Tfh. Ils soulignent également le rôle important que jouent
les cellules B dans la formation des différentes lignées de cellules T mémoires. Ce modèle est
représenté dans la figure 42 ci-dessous.
Figure 42 : Modèle de formation simultanée des cellules TMC et TME. Adapté d’après
Pepper et Jenkins (2011).
Les cellules T naïves après exposition à un antigène deviennent activées pour devenir
des cellules effectrices capables de défendre l’organisme contre ses agresseurs. L’élimination
de l’agresseur s’accompagne de la disparition des antigènes à l’origine de la stimulation
antigénique, et laisse place à une phase de contraction pendant laquelle les cellules T
effectrices subissent une apoptose, leur nombre se stabilisant ensuite pour laisser place aux
cellules T mémoires. Les mécanismes de formation des cellules T mémoires sont encore
inconnus et font débat. Le modèle murin permet la réalisation d’études in vivo, rendant son
apport essentiel à la compréhension de ces phénomènes. Le paradigme de la dichotomie des
226
cellules T mémoires en cellules T mémoires centrales et cellules T mémoires effectrices
rassemble encore la majorité de la communauté scientifique.
2.3.4.2. Détermination des cellules T mémoires chez l’homme
2.3.4.2.1. Distinction phénotypique des cellules T naïves et des cellules T mémoires
La supposition que les cellules T naïves et mémoires peuvent être distinguées
phénotypiquement est basée sur la notion que les cellules T mémoires retiennent une
emprunte permanente d’avoir répondu à un antigène. La précise identification des cellules T
mémoires cependant n’est pas simple. Contrairement aux cellules B, les cellules T ne
semblent pas muter leurs gènes de récepteur antigénique au cours de la réponse immunitaire.
De plus, la distinction entre cellules T mémoires et effectrices est réalisée sur la base de
critères plutôt flous. On considère que les cellules T mémoires diffèrent des cellules T
effectrices par leur survie continue après que la réponse immunitaire aigüe ait régressée et en
étant à un moindre état d’activation (Berard et Tough, 2002).
Chez l’homme, les isoformes de CD45R semblent être capables de distinguer entre les
cellules T mémoires et naïves. Toute cellule exprimant l’isoforme de bas poids moléculaire
CD45RO est considérée comme étant une cellule T mémoire basé sur le fait que les cellules T
CD45RO peuvent répondre vigoureusement in vitro à des antigènes rencontrés auparavant, ce
qui n’est pas le cas des cellules T CD45RA. De plus, les cellules T CD45RA migrent presque
exclusivement à travers le tissu lymphoïde, les cellules T CD45RO migrent à travers le corps
dont les surfaces épithéliales. Le principe est qu’une cellule T naïve a une si faible probabilité
de rencontrer son antigène spécifique qu’elle a besoin de circuler par les nœuds lymphatiques,
qui sont conçus pour des migrations massives de lymphocytes et d’échantillonnages
d’antigènes. Au contraire, les cellules mémoires et effectrices migrent principalement
jusqu’aux tissus périphériques, fournissant ainsi une protection aux sites vulnérables aux
pathogènes. Ainsi, l’expression des isoformes CD45RA et CD45RO pour l’identification et la
sélection des cellules T mémoires et naïves est largement citée et utilisée (Mackay, 1999).
Arlettaz et al. (1999) ont étudié chez l’homme les altérations dans les phénotypes
CD45R de cellules T CD4+ CD45RA-/RO+. Ils ont trouvé que les cellules T CD4+
CD45RA-/RO+ pouvaient ré-exprimer CD45RA mais ne pouvaient jamais revenir à un
véritable phénotype naïf de cellule T CD4+ CD45RA+/RO-. Les cellules CD4+ CD45RA-/RO+
peuvent donc ré-exprimer l’isoforme de haut poids moléculaire de CD45R mais restent
distinguables des cellules naïves par leur plus faible expression de CD45RA en co-expression
avec CD45RO. De même, Hamann et al. (1997) avaient déjà trouvé que des cellules T
CD45RO de type mémoire avaient de faibles exigences d’activation et une capacité à sécréter
(mise à part L’IL-2) de l’IFN-γ et du TNF-α. La discrimination entre cellules naïves et
mémoires basée seulement sur l’expression de l’isoforme CD45R n’a donc pas été démontrée
comme étant fiable, puisque les populations de cellules CD45RA contiennent des cellules
partageant un nombre de propriétés phénotypiques avec les cellules ayant subi une stimulation
antigénique.
La discrimination entre les cellules T CD8+ naïves et mémoires, et les cellules T CD8+
effectrices est possible en utilisant en plus les marqueurs CD27 et CD28. Ces molécules sont
227
bien connues pour être des molécules co-stimulatrices. CD28 interagit avec CD80 et CD86
qui sont exprimés sur les CPA, et a un double rôle en tant que molécule d’adhésion et de
signalisation. Le co-engagement de CD28 avec le TCR est nécessaire à l’activation des
cellules T. L’expression de CD28 est diminuée après la stimulation du TCR. CD27 est moins
bien caractérisé que CD28. Son expression est au contraire augmentée après la stimulation du
TCR. L’expression de CD70, le ligand de CD27, est transitoirement augmentée par la
stimulation des récepteurs antigéniques à la fois chez les cellules B et T. La liaison de CD27
déclenche l’expansion clonale induite par le TCR à la fois sur les cellules T CD4+ et CD8+.
Une étude suggère que CD27 est requis pour la formation des cellules T mémoires plutôt que
pour la différenciation des cellules T CD8+ en cellules T effectrices cytotoxiques (Tomiyama
et al., 2002).
Des études utilisant des cellules T CD8+ colorées à la fois avec des AcM antiCD45RA et anti-CD27 ou anti-CD28 ont montré que les cellules T CD8+ ayant le phénotype
CD28+CD45RA- ou CD27+CD45RA- n’exprimaient pas, ou très faiblement, la perforine mais
avaient la capacité de produire des cytokines. Au contraire, les cellules T CD8+ ayant le
phénotype CD28-CD45RA+ ou CD27-CD45RA+ exprimaient fortement la perforine mais
avaient une capacité limitée à produire des cytokines. Ces observations suggèrent fortement
que les cellules ayant le phénotype CD28+CD45RA- et CD27+CD45RA- sont des cellules
mémoires et que celles exprimant le phénotype CD28-CD45RA+ et CD27-CD45RA+ sont des
cellules effectrices. Les cellules T CD8+ ayant un phénotype CD28-CD45RA- ou
CD27-CD45RA- exprimaient un niveau intermédiaire de perforine, et sont donc intermédiaires
entre cellules T mémoires et effectrices, qualifiées de cellules T mémoires/effectrices
(Tomiyama et al., 2002).
D’autres différences phénotypiques ont également été notées entre les cellules T
naïves et mémoires. La plupart de ces différences sont des changements arrivant pendant
l’activation initiale des cellules T et qui persistent chez les cellules T mémoires. Les
différences sur l’expression des molécules d’adhésion sont particulièrement importantes.
Ainsi comparées aux cellules T naïves, les cellules T mémoires ont été rapportées pour avoir
un plus haut niveau d’expression des intégrines β1 (CD11a, CD11b, CD49d et CD49e) et β2
(CD11a, CD11b, CD18) et de CD2, CD44, CD54 et CD58 (Berard et Tough, 2002).
2.3.4.2.2. Caractérisation des sous-populations de cellules T mémoires par combinaisons de
marqueurs
2.3.4.2.2.1. Les sous-populations de cellules T mémoires CD8+
2.3.4.2.2.1.1. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD8+
Lors de leur étude, Champagne et al. (2001) ont identifié quatre sous-populations de
cellules T mémoires CD8+ caractérisées par l’expression des marqueurs de surface CD45RA
et CCR7, par leur capacité de prolifération et par leurs propriétés de différenciation. Ils ont pu
bâtir un modèle de différenciation basé sur ces différentes sous-populations, qui est représenté
par la figure 43. Les cellules CD45RA+CCR7+ représentent les précurseurs des autres souspopulations de cellules mémoires. Les cellules CD45RA+CCR7- constitue la population de
228
cellules mémoires au stade le plus avancé de la différenciation. Les cellules CD45RA-CCR7peuvent se reconvertir en phénotype des cellules précurseur CD45RA-CCR7+ ou même en
CD45RA+CCR7+ suite à une stimulation antigénique. Ces changements de phénotype ne sont
pas associés à l’acquisition des fonctions des cellules typiques des stades précoces de
différenciation. La caractérisation fonctionnelle des sous-populations de cellules T a montré
que l’expression de perforine et d’IFN-γ est associée à des stades tardifs de la différenciation,
en particulier les sous-populations CCR7-.
Figure 43 : Profil de différenciation linéaire des cellules T CD8+ mémoires. Adapté
d’après Champagne et al. (2001).
L’étude de Tomiyama et al. (2002) avait repris davantage de marqueurs dans la
détermination des sous-populations de cellules T mémoires CD8+ pour leur modèle de
différenciation représenté par la figure 44. Il avait utilisé les marqueurs CD45RA, CD28,
CD27 mais également CCR5 et CCR7 afin de séparer ces sous-populations selon leurs
localisations. Pour rappel, CCR5 joue un rôle dans la migration des cellules T CD8+ vers les
sites inflammatoires ou les muqueuses et caractérisant ainsi les TME.
Plus récemment, les sous-populations de cellules T CD8+ ont été plus précisément
caractérisées. Les cellules T CD8 naïves en plus de leur expression de CD45RA et CCR7
expriment également CD27 et CD28, alors que les cellules T CD8 mémoires centrales
retiennent ces antigènes de surface à l’exception de CD45RA. Alors que les cellules T
mémoires ont été à l’origine caractérisées par leur manque d’expression de CD45RA, une
sous-population de cellules T mémoires effectrices CD45RA+ a été observée. Cette souspopulation de cellules T mémoires hautement effectrices (transportent de grandes quantités de
perforine) a alors été qualifiée de TMERA. Les molécules de co-stimulation ont été les
premiers marqueurs utilisés pour disséquer l’hétérogénéité des cellules T mémoires. CD27 et
CD28, qui sont exprimés par les cellules T naïves, sont également exprimés chez quelques
cellules T mémoires mais sont absentes d’une sous-population de cellules T mémoires CD8+
caractérisée par une haute fonction effectrice et l’expression de CD45RA. La population de
cellules T CD8+ CD27-CD45RA+ se superpose largement avec la population TMERA.
Cependant, quelques cellules TMERA expriment CD27 et affichent des caractéristiques
phénotypiques et fonctionnelles qui sont intermédiaires entre les cellules T effectrices et
naïves.
229
Figure 44 : Proposition de la voie de différenciation des cellules T CD8+ mémoires.
Adapté d’après Tomiyama et al. (2002).
En utilisant les marqueurs CD45RA, CCR7 et CD28, Gupta et al. (2005) ont réalisé un
modèle permettant de diviser les cellules T CD8+ mémoires effectrices en trois souspopulations, comme représenté par la figure 45. Une sous-population de cellules T CD8+
mémoires effectrices (TME-1) est CCR7-CD45RA-CD28+, la seconde de cellules T CD8+
mémoires effectrices (TME-2) est CCR7-CD45RA-CD28-, et la troisième sous-population
(TEM-3/TMERA) est CCR7-CD45RA+CD28-. Bien que TME-3/TMERA soit souvent
considérée absente des cellules T CD4, Sallusto et al. (2004) et Gupta et al. (2005) ont trouvé
une faible population de cellules T CD4 TME-3/TMERA.
Ainsi, la combinaison des marqueurs CD45RA, CD27, CD28, CCR7 et CD62L est
couramment utilisée comme critères phénotypiques pour définir les sous-populations de
cellules T mémoires. Cependant, la dichotomie des cellules T mémoires en cellules T
mémoires centrales et cellules T mémoires effectrices ne semble pas permettre de comprendre
l’intervention de ces différentes sous-populations dans la réponse immunitaire de rappel.
2.3.4.2.2.1.2. Étude fonctionnelle des sous-populations de cellules T mémoires CD8+
Les étapes de la différenciation des cellules T identifient des populations basées sur
des marqueurs de surface et fonctionnels exprimés par les cellules T en réponse à des
antigènes. Bien que les marqueurs de surface cellulaire phénotypiques et fonctionnels aient
été assignés à des sous-populations sans voie de différenciation, une discrimination précise
des cellules T CD8+ mémoires et effectrices s’est avérée complexe et controversée à cause de
l’hétérogénéité des sous-populations. Ces définitions sont de plus compliquées par un manque
de consensus pour les marqueurs phénotypiques qui définissent les sous-populations de
cellules T CD8+. Sallusto et al. (1999) ont défini en premier les sous-populations de cellules T
mémoires avec les marqueurs CD45RA, CCR7 et CD62L, puis Gupta et al. (2005) ont
230
proposé un modèle décrivant les différentes sous-populations de cellules T mémoires CD8+
avec les marqueurs CD45RA, CCR7 et CD28. Par la suite, d’autres marqueurs ont été utilisés
afin d’analyser plus finement ces sous-populations.
Figure 45 : Cinq sous-populations phénotypiquement différentes de cellules T CD8+.
Adapté d'après Gupta et al. (2005).
Les études essayant d’associer les contributions des sous-populations de cellules T
mémoires centrales et effectrices CD8+ aux réponses immunitaires de rappel se sont avérées
contradictoires. Hikono et al. (2007) ont donc spéculé que l’efficacité des réponses
immunitaires de rappel était liée à d’autres caractéristiques indépendantes des statuts mémoire
centrale et mémoire effectrice. Plutôt que d’utiliser des marqueurs de migration (CCR7 et
CD62L) pour tenter de comprendre les qualités fonctionnelles différentes des cellules T
mémoires, ils proposent d’utiliser les marqueurs d’activation CD27, CD43 (isoforme activé)
et CD127. L’intérêt de ces marqueurs pour la caractérisation du rôle des cellules T dans la
réponse immunitaire avait été montré sur des études réalisées chez la souris (Kaech et al.,
2003 ; Onami et al., 2002). La combinaison des marqueurs CD27 et CD43 permet de définir
trois sous-populations distinctes de cellules T mémoires CD8+ dont la capacité à participer à
la production de cellules effectrices aux sites d’infection est différente. Ces sous-populations
expriment d’autres marqueurs associés à leur statut d’activation dont CXCR3, CD127 et
KLRG1, et sont indépendantes de leur statut mémoire centrale ou mémoire effectrice. Ils ont
trouvé notamment que les cellules CD27highCD43low étaient de plus en plus représentées au
sein des cellules T mémoires centrales au cours du temps. Depuis, de nombreuses études
ayant pour objectif de mieux comprendre l’intervention des différentes sous-populations de
cellules T mémoires dans les réponses de rappel ont repris ces marqueurs (Obar et Lefrancois,
2010 ; Olson et al., 2013).
Enfin, l’interprétation des données issues de la cytométrie de flux n’est pas simple,
mais par une technique de bio-informatique Inokuma et al. (2013) ont réussi à définir quatre
231
sous-populations de cellules T CD8+ humaines en utilisant les marqueurs CD45RA, CCR7 et
CD28. Des marqueurs de branches (CD62L, CD57, CD27, CD127) ont également été
identifiés et ont révélé des sous-populations au sein des cellules mémoires/effectrices. Ces
marqueurs sont communément utilisés pour l’identification des populations de cellules T
CD8+ TMC et TME. Ceci indique que CD62L ne devrait pas être utilisé en tant que marqueur
sélectif pour l’identification des sous-populations TMC et TME. De plus, l’utilisation de
l’expression de CD127 et CD27 dans la démarcation des TMC et TME peut conduire à une
mauvaise identification des sous-populations de cellules T mémoires CD8+. Ainsi,
l’utilisation de ces marqueurs de branches dans l’identification des sous-populations de
cellules T mémoires pourrait être l’une des explications du manque de consensus dans
l’identification de sous-populations de cellules T mémoires.
2.3.4.2.2.2. Les sous-populations de cellules T mémoires CD4+
2.3.4.2.2.2.1. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD4+
L’analyse des sous-populations de cellules T mémoires CD4+ n’a pas été étudiée de si
prêt. Des données concernant les cellules CD4+ ont d’abord été fournies par le rapport de
Sallusto et al. (1999) qui a défini les TMC et les TME. À l’origine, on considérait que les
cellules T CD4+ n’étaient réparties qu’en trois catégories : les cellules naïves
(CCR7+CD45RA+), les cellules mémoires centrales (CCR7+CD45RA-) et les cellules
mémoires effectrices (CCR7-CD45RA-). Plusieurs groupes ont montré par la suite l’existence
de cellules T CD4+ CCR7-CD45RA+, qui avaient été considérées pendant longtemps
inexistantes contrairement aux cellules T CD8+ TEMRA. En parallèle, des études ont utilisé
les marqueurs CD27 et CD28 pour définir des sous-populations distinctes de cellules T
mémoires CD4+. Tout comme l’expression de CD45RA, le manque d’expression de CD28 a
été corrélé avec une forte expression de CD57.
Fritsch et al. (2005) ont caractérisé trois sous-populations distinctes de cellules T
mémoires CD4+ par leur expression de CCR7 et CD27. Leur réponse de prolifération déclinait
en même temps que leur susceptibilité à l’apoptose augmentait au cours de la voie de
différenciation identifiée : CCR7+CD27+ → CCR7-CD27+ → CCR7-CD27-. Leurs sécrétions
de cytokines ont en plus montré des différences fonctionnelles. Une forte production d’IL-10
était seulement observée parmi les cellules CCR7+CD27+ et dans une moindre mesure par les
cellules CCR7-CD27-, alors que les sécrétions d’IL-4 étaient seulement observées parmi ces
dernières. Le développement de la cytométrie de flux a permis par la suite d’étudier des
combinaisons d’un plus grand nombre de marqueurs.
Amyes et al. (2005) ont montré que les cellules T CD4+ sont distribuées en six à huit
populations possibles, identifiées par l’expression des marqueurs CCR7, CD45RA, et CD28,
et représentées dans la figure 46. Leur étude démontre que ces populations phénotypiques et
fonctionnelles justifient le choix de ces trois marqueurs dans la définition des
compartimentations des cellules T CD4+. Les cellules T mémoires centrales CD4+ ont la
capacité de produire de l’IL-2, et les cellules T mémoires effectrices CD4+ produisent en
majorité de l’IFN-γ, de l’IL-4 et du TNF-α, même si une petite partie de leur population peut
produire de l’IL-2. Les sous-populations CCR7+CD45RA+CD28+ et CCR7+CD45RA-CD28+
232
produisaient seulement de l’IL-2, alors que les sous-populations CCR7-CD45RA+CD28+ et
CCR7-CD45RA-CD28+ produisaient à la fois de l’IL-2, de l’IFN-γ, et du TNF-α, suggérant
que les sous-populations CCR7+CD45RA+CD28+ et CCR7+CD45RA-CD28+ sont les cellules
naïves et mémoires centrales respectivement, et que les autres sont des cellules mémoires
effectrices. Au contraire, les sous-populations CCR7-CD45RA-CD28- et CCR7-CD45RA+
CD28- ne produisaient que faiblement de l’IL-2 mais efficacement du TNF-α suggérant que
ce sont des cellules effectrices.
Figure 46 : Modèle de distribution des populations de cellules T CD4+. Adapté d’après
Amyes et al. (2005).
2.3.4.2.2.2.2. Étude fonctionnelle des sous-populations de cellules T mémoires CD4+
Le réservoir des TME peut être divisé selon l’expression des récepteurs de chémokines
caractéristiques des cellules Th1 et Th2. Ainsi, au sein des TME, CCR5 et CXCR6
discriminent les cellules Th1 et lymphocytes T cytotoxiques, alors que CCR3 et CRTh2
identifient les cellules Th2. CXCR3 et CCR4 sont exprimés sur les cellules Th1 et Th2
respectivement, mais sont également exprimés sur différentes sous-populations de TMC. Les
sous-populations de TMC CXCR3 et CCR4 représentent des cellules pré-effectrices (pré-Th1
et pré-Th2 respectivement).
Des sous-populations fonctionnelles peuvent donc être discriminées au sein des TMC
et des TME en utilisant des récepteurs de chémokines et d’autres marqueurs. Il est important
de retenir cependant, que certains de ces marqueurs sont rapidement et transitoirement
233
modulés selon l’activation des cellules. Par exemple, après stimulation antigénique, les TME
affichent fortement CCR7et CXCR5 de manière transitoire tout en n’affichant que faiblement
CCR5. De plus, CD62L est rapidement perdu après l’activation du TCR ou après
l’immigration dans les nœuds lymphatiques. Ainsi, la caractérisation phénotypique des TMC
et des TME s’applique seulement aux cellules en repos, c’est-à-dire à celles qui ne sont pas
pas engagées dans une réponse antigénique (Moser et Loetscher, 2001 ; Sallusto et al., 2004).
Okada et al. (2008) se sont appuyés sur le modèle de Amyes et al. (2005) dans leur
étude, et ont réussi à classer les sous-populations de cellules T CD4+ Th1 et Th2 en utilisant
les quatre marqueurs de surface CD45RA, CCR7, CD27, et CD28. Leur étude a démontré
cinq sous-populations majeures : CCR7+CD45RA+CD27+CD28+, CCR7+CD45RA-CD27+
CD28+, CCR7-CD45RA-CD27+CD28+, CCR7-CD45RA-CD27-CD28+ et CCR7-CD45RACD27-CD28-. Les cellules CCR7-CD45RA+ ne représentaient que 3,63 % de la totalité des
cellules T CD4+ humaines alors qu’elles en représentaient 10 % dans l’étude précédente.
Les sous-populations CCR7+CD45RA+CD27+CD28+ et CCR7+CD45RA-CD27+CD28+
produisaient faiblement des cytokines et n’incluaient que des cellules capables seulement de
produire de l’IL-2, confortant l’idée qu’elles représentaient respectivement les cellules naïves
et les cellules mémoires. La sous-population CCR7-CD45RA-CD27+CD28+ incluait en
majorité des cellules IFNγ-IL-4-IL-2+ et IFNγ+IL-4-IL-2+ suggérant que cette sous-population
était majoritairement composée de cellules mémoires effectrices Th0 et Th1. D’un autre côté
la sous-population CCR7-CD45RA-CD27-CD28+ incluait à la fois des cellules mémoires
effectrices Th1 et Th2 et non classifiées, alors qu’un grand nombre de cellules effectrices Th1
et un plus faible nombre de cellules mémoires effectrices Th1 étaient incluses dans la souspopulation CCR7-CD45RA-CD27-CD28-. D’après ces résultats, ceux de Fritsch et al., (2005)
et le fait que la sous-population CCR7-CD45RA+ est trouvée en faible quantité dans la
population japonaise, ils ont réalisé le modèle de différenciation des cellules T CD4+
humaines de la figure 47.
L’utilisation d’autres marqueurs a permis de découvrir d’autres sous-populations
fonctionnelles de cellules T mémoires CD4+.
2.3.4.2.2.2.3. Hétérogénéité des cellules T mémoires CD4+ mise en évidence par d’autres
marqueurs
Au sein de la sous-population de TMC CD4+ CCR7+CD45RA- du sang humain,
environ 20 à 25 % de ces cellules expriment CXCR5. CXCR5 et son ligand CXCL13 sont
importants pour la formation des zones B des follicules dans les organes lymphoïdes
secondaires. De plus, une forte expression de CXCR5 est l’une des propriétés définissant les
cellules T follicular B helper (Tfh). Les cellules Tfh constituent une sous-population de
cellules T CD4+ spécialisées qui se localise dans la zone B des follicules et dans les centres
germinatifs des organes lymphoïdes secondaires, où elles promeuvent la différenciation des
cellules B en cellules B mémoires et plasmocytes. Chez l’homme et la souris, les cellules Tfh
sont clairement différentes des autres lignées de cellules Th. L’expression constitutive de
CXCR5 à la fois sur les cellules Tfh et sur une fraction de TMC suggère une association entre
les cellules TMC CXCR5+ et la réaction des centres germinatifs. Le rôle définitif de ces
cellules reste non résolu. Généralement, les cellules TMC CXCR5+ sont décrites comme des
234
cellules relativement non polarisées à un stade précoce de leur différenciation effectrice, sans
expression de marqueurs d’activation et de molécules de co-stimulation. Leur expression
uniforme de CD27 fait penser aux cellules T naïves, et à l’exception de l’IL-2, les cellules T
CD4+CXCR5+ produisent beaucoup moins de cytokines que les cellules T CD4+CXCR5-.
Plusieurs études ont proposé que les cellules TMC CXCR5+ représentaient des cellules
récemment activées, mais ceci ne peut être vrai pour toutes ces cellules. L’expression de
CXCR5 sur une sous-population de TMC du sang périphérique et de cellules Tfh des
tonsilles, pose la question à savoir si les cellules T CD4+CXCR5+ représentent un type de
cellules Tfh mémoires, programmées pour des recrutements préférentiels au niveau des
follicules et centres germinatifs. Une analyse comparative d’expression génétique a cependant
révélé des différences majeures entre les sous-populations de cellules T CD4+CXCR5+ des
tonsilles et du sang périphérique, suggérant que les TMC CXCR5+ suivent une voie de
différenciation bien distincte de celle des cellules Tfh. Une étude récente a montré qu’un
recrutement préférentiel des cellules TMC CXCR5+ circulantes aux zones B des follicules
riches en CXCL13 est nécessaire à la promotion d’une réponse immunitaire humorale
secondaire protectrice rapide et efficace. Ceci suggère que les TMC CXCR5+ représentent une
sous-population de cellules mémoires distincte spécialisée dans la promotion de réponses
immunitaires humorales (Chevalier et al., 2011).
Figure 47 : Voie de différenciation des cellules T CD4+ humaines. Adapté d’après Okada
et al. (2008).
Dans le modèle de Moser et Loetscher (2001) les cellules T mémoires CCR7+CXCR5+
sont représentées comme des cellules T mémoires biens séparées des TMC. Dans la zone T,
SLC et ELC présentent les cellules T CCR7 et les cellules dendritiques pour l’amorçage des
cellules T et leur différenciation en cellules mémoires et effectrices. BCA-1 (B-cell attracting
chemokine 1) présente dans les follicules les cellules T CXCR5+ et les cellules B pour la
235
formation de cellules B productrices d’anticorps. Les cellules T effectrices et les cellules
plasmatiques, différentes sous-populations de cellules T mémoires se distinguant par leur
expression des récepteurs aux chémokines, et les cellules B mémoires quittent l’organe
lymphoïde secondaire. Il est intéressant de noter que ce modèle, représenté par la figure 48,
montre bien que CXCL13 est présent dans les vaisseaux de la zone B folliculaire mais pas
dans ceux de la zone T dépendante. Analogue au SLC des VHE extrafolliculaires, le CXCL13
des VHE folliculaires est capable de recruter les cellules CXCR5+ circulantes, telles que les
cellules Tfh et cellules B, aux sites folliculaires où les interactions entre cellules T et B
prennent place. Les VHE de la zone T expriment SLC et les VHE dans les follicules
expriment BCA-1, qui relaye le recrutement des cellules T et B circulantes exprimant CCR7
et CXCR5.
CXCR3 et CCR4 sont des marqueurs exprimés par les cellules mémoires effectrices.
CXCR3 est le récepteur de cytokines inductibles par l’IFNγ (CXCL9-11), et est exprimé
préférentiellement sur les lymphocytes du sang périphérique Th1. CCR4 est le récepteur de
CCL17 et CL22 et est exprimé préférentiellement par les lymphocytes Th2. Song et al.,
(2005) sont parvenus à détecter CXCR3 et CCR4 sur des cellules dont tous les autres
marqueurs les rendaient indistinguables des cellules naïves. Cela suggère qu’elles représentent
des cellules mémoires très précoces, et certaines d’entre elles étaient néanmoins polarisées et
pouvaient exprimer directement une activité effectrice. L’implication importante qui en
résulte est que les cellules T mémoires CD4+ humaines ne sont pas obligatoirement générées
selon une simple voie linéaire de différenciation des cellules naïves à des cellules CD45RO+
non effectrices puis à des cellules effectrices. Ces résultats montrent que l’acquisition de
fonctions effectrices in vivo n’est pas obligatoirement un événement tardif et n’est pas lié à un
changement séquentiel de phénotype cellulaire. Ces relations non-causales parmi les fonctions
mémoires et effectrices résultent de voies de différenciation avec des branchements et
produisant une grande hétérogénéité dans les populations de cellules mémoires.
L’IL-2 est une cytokine ayant de nombreux effets sur les lymphocytes dont la
promotion de la survie, de la prolifération, la différenciation des cellules T et la production
d’autres cytokines. Son récepteur IL-2R est constitué de trois sous-unités, la sous-unité
IL-2Rα (CD25) étant la seule la seule spécifique au récepteur de IL-2 et manifestant une haute
affinité pour IL-2. L‘expression de CD25 est utilisée pour discriminer les cellules Treg
CD4+CD25highFoxp3+ et les cellules Treg CD4+CD25-Foxp3+. Dans leur étude, Triplett et al.
(2012) ont rapporté que la majorité des cellules T mémoires CD4+Foxp3- exprimaient des
niveaux intermédiaires de CD25, et que CD25 pouvait être utilisé pour délimiter des souspopulations de cellules mémoires fonctionnellement différentes. Les cellules T mémoires
CD4+CD25- contiennent la grande majorité des cellules différenciées tardivement, alors que
les cellules T mémoires CD4+CD25int manifestent des réponses de rappel lors de seconde
exposition à l’antigène spécifique, produisent un grand nombre de cytokines et sont moins
dépendantes des co-stimulations pour leurs réponses effectrices grâce à leur expression de
CD25. La figure 49 met bien en évidence l’hétérogénéïté qui reigne au sein des cellules T
mémoires.
236
Figure 48 : SLC, ELC et BCA-1 coopèrent dans le recrutement et la localisation des
cellules T et B au sein des organes lymphoïdes secondaires. Adapté d'après Moser et
Loetscher (2001).
Notes : des flèches montrent la direction des migrations ; flèches bleues = recrutement des cellules dans la zone T ; flèches rouges =
recrutement des cellules dans les follicules ; flèches noires = cellules destinées à quitter l’organe lymphoïde secondaire.
Abréviations : B = cellule B ; Bplasma = plasmocyte ; CD = cellule dendritique ; TMC = cellules T mémoires centrales ; TME = cellules T
mémoires effectrices ; Tfh = cellules T follicular helper ; Teff = cellules T effectrices ; Tmémoire = cellules T mémoires circulantes au repos
dont les TMC, TME et Tfh ; Tnaïve = cellules T naïves, CKRinf = récepteurs pour les cytokines inflammatoires ; VHE = veinules à haut
endothélium.
Figure 49 : Hétérogénéité phénotypique des cellules T mémoires humaines. Adapté
d’après Sallusto et al. (2004).
La manière dont les cellules T naïves donnent naissance à des cellules mémoires et
effectrices n'est pas encore clairement établie. Les seuls isoformes CD45RA et CD45RO
étaient auparavant utilisés pour distinguer les cellules naïves des cellules mémoires et
237
effectrices. La combinaison des marqueurs d’activation CD27 et CD28 avec ces isoformes a
permis une distinction plus fiable de ces populations cellulaires même si la limite avec les
cellules effectrices reste floue. Les cellules mémoires ont rapidement été séparées en cellules
mémoires centrales et effectrices. Cette distinction s’est faite sur leurs caractéristiques de
localisation différente. Les cellules T mémoires centrales CCR7+CD62Lhigh sont trouvées
dans les organes lymphoïdes secondaires alors que les cellules T mémoires effectrices
CCR7-CD62low sont trouvées dans les tissus non lymphoïdes. L’hétérogénéité de ces deux
populations a rapidement conduit à définir des sous-populations à l’aide de combinaisons de
marqueurs CD45RA, CCR7, CD28 et CD28 principalement. La définition des souspopulations par ces marqueurs s’est faite sans comprendre leur voie de différenciation et pose
des problèmes dans la compréhension de leur intervention dans les réponses immunes de
rappel. L’utilisation d’autres marqueurs a rapidement permis de mettre en exergue
l’hétérogénéité qui règne au sein des cellules T mémoires et que nous sommes encore loin de
comprendre totalement leurs voies de différenciation.
2.3.4.3. Détermination des cellules T mémoires chez la souris
2.3.4.3.1. Les cellules T naïves et les cellules T mémoires
Dès les années 1990, c’est l’isoforme de haut poids moléculaire CD45RB qui était
couramment utilisé dans la distinction entre les cellules naïves et les cellules ayant déjà été
stimulées chez la souris. Il n’existe pas d’équivalent de l’isoforme de bas poids moléculaire
CD45RO chez la souris, bien qu’une baisse de l’expression de CD45RB parallèle à
l’augmentation de l’expression du variant sialylé de CD45RB est observée parmi les cellules
T activées. Il est largement admis que les cellules T mémoires diffèrent des cellules T naïves
par la baisse d’expression de CD45RB et de CD62L en parallèle de l’augmentation
d’expression de CD44. Les cellules T naïves ont donc le phénotype CD45RBhigh
CD62LhighCD44low alors que les cellules T mémoires retiennent souvent le phénotype typique
CD45RBlowCD62LlowCD44high des cellules effectrices activées. Cependant après un certain
temps, les cellules T mémoires peuvent réacquérir des propriétés de cellules naïves (Andersen
et Smedegaard, 2000 ; Boursalian et Bottomly, 1999 ; Sprent, 1997). Chez la souris, les
cellules T mémoires CD4+ peuvent maintenir leur expression de CD45RBlow pendant au
moins 10 semaines en l’absence de l’antigène alors que les cellules T CD8+ ré-expriment
CD45RB rapidement après leur activation (Berard et Tough, 2002). Ce phénomène de
réversion des cellules T mémoires CD45RBlow en CD45RBhigh n’a pas été retrouvé chez
l’homme, chez qui il est admis que l’isoforme CD45RO identifie de manière satisfaisante les
cellules T mémoires (Bell et al., 2001).
De plus, CD122 et Ly-6C sont deux molécules très fortement exprimées par les
cellules T mémoires chez la souris, CD122 étant un composant à la fois de l’IL-2R et de
l’IL-15R, Ly-6C étant une molécule participant dans l’adhésion intercellulaire (Berard et
Tough, 2002). Les cellules T mémoires chez la souris montrent également une faible
expression des marqueurs d’activation tels que CD25 (Elyaman et al., 2008).
238
2.3.4.2.2. Détermination des cellules précurseurs par des marqueurs d’activation
L’existence de cellules précurseurs partageant des propriétés à la fois avec les cellules
naïves et les cellules effectrices et émergeant avant les cellules effectrices et mémoires est
supportée par un ensemble de données récentes. L’examen des marqueurs de surface des
cellules T pendant la réponse immunitaire a démontré une hétérogénéité remarquable. Des
populations fonctionnellement distinctes peuvent être détectées aussi précocement que trois
jours après la stimulation antigénique. En particulier IL-7R, KLRG1, CD27 et plus
récemment IL-2R se sont avérés être exprimés différentiellement dans les sous-populations de
cellules T CD8 précocement après l’immunisation.
Bien que CD43 soit l’une des glycoprotéines les plus abondantes sur la surface des
cellules T, ses fonctions sont controversées. Des fonctions pro-adhésives autant qu'antiadhésives ont été proposées, mais également un rôle de co-stimulation autant qu’un rôle
régulateur négatif dans l’activation des cellules T. Onami et al. (2002) ont montré sur la souris
que CD43 jouait un rôle régulateur positif dans la co-stimulation et migration des cellules T
naïves in vivo, mais jouait un rôle régulateur négatif dans les réponses des cellules T
modulatrices.
Dans leur étude sur des souris, Kaech et al. (2003) ont montré que l’expression
augmentée de l’IL-7Rα (CD127) identifie les cellules T CD8+ effectrices qui se
différencieront en cellules mémoires. Les cellules effectrices CD127high contiennent des
quantités augmentées de molécules anti-apoptotiques, et le transfert adoptif de cellules
effectrices CD127high et CD127low a montré que les cellules CD127high donnaient
préférentiellement naissance à des cellules mémoires qui pouvaient persister et conférer une
immunité protective. Ainsi, l’expression sélective de CD127 identifie les précurseurs de
cellules mémoires. Huster et al. (2004) ont confirmé ce résultat dans leur étude mais sont allés
plus loin. Ils ont décrit une nouvelle combinaison de marqueurs CD127 et CD62L, qui leur a
permis de séparer des cellules effectrices à courte durée de vie (TCE) deux populations
distinctes de cellules T mémoires CD8+, qui apparaissent similaires voire identiques aux TMC
(CD127highCD62Lhigh) et TME (CD127highCD62Llow). Ils ont ensuite montré à l’aide de cette
combinaison de marqueurs que les TMC peuvent se développer en TME ou TCE, alors que
les TME peuvent seulement progresser en TCE. De même les TCE ne peuvent jamais
retrouver le phénotype TME ou TMC (Huster et al., 2006). L’utilisation de CD43 et de
CD127 dans l’étude des implications des cellules T mémoires dans la réponse immunitaire de
rappel a été reprise chez l’homme par Hikono et al. (2007) puis bien d’autres.
L’IL-2 est un facteur de croissance clé et la capacité d’une cellule à recevoir ce signal
de croissance dépend du récepteur de IL-2 qui est composé d’une chaine α de haute affinité
IL-2Rα (CD25), d’une chaine IL-2Rβ (CD122) et d’une chaine commune IL-2Rγ (CD132). À
l’état stable, les niveaux d’IL-2 et d’expression de CD25 par les cellules T sont bas. CD25 est
cependant rapidement sur-exprimé par les cellules T CD8+ répondant au virus de la
chorioméningite lymphocytaire (VCML), au virus influenza ou par activation in vitro. Au sein
de ces cellules, une faible proportion retient l’expression de CD25 pour une période de temps
prolongée. Ces cellules CD25high donnent naissance à des cellules effectrices terminalement
différenciées de courte durée de vie et avec une faible capacité de prolifération. Au contraire,
les cellules CD25low sont capables de fortes réponses de rappel et ressemblent aux cellules
239
mémoires à longue durée de vie. Une observation réciproque a été réalisée entre CD25 et
IL-7Rα et l’expression de la GrB suite à une action in vitro. Cette relation semble être moins
distincte in vivo avec à la fois les cellules T CD8+CD25+ et CD25- spécifiques du VCML
montrant un degré similaire de sous-expression de IL-7Rα et de GrB.
KLRG1 est un récepteur lectine-like de type C qui contient un récepteur à base
tyrosine à motif inhibiteur. Il est fortement exprimé par les cellules T CD8+ effectrices et
mémoires effectrices murines après une infection. Son rôle dans la régulation des cellules T
est encore flou, mais il a été proposé que l’induction de KLRG1 sur les cellules T agit pour
atténuer les réponses effectrices et limiter ou prévenir l’auto-réactivité pendant la réponse
immunitaire. L’étendue de l’expression de KLRG1 semble être liée à la quantité de cytokines
inflammatoires telles que l’IL-12 et l’IFN de type I. Il s’agit de cette caractéristique qui est
vraisemblablement à l’origine des différences de fréquence des cellules CD8+KLRG1+
détectée dans différentes infections (virus de la chorioméningite lymphocytaire, virus
influenza, Listeria monocytogenes). Étonnamment, les cellules T CD8+ qui expriment KLRG1
à des niveaux faibles ou intermédiaires, expriment également CD25 à un niveau faible et
affichent une plus grande capacité à donner naissance à des cellules mémoires
CD25highCD127high. En accord avec cela, des cellules CD25high ont été trouvées avec une forte
expression de KLRG1 et d’annexine V suggérant que ces cellules forment des cellules
effectrices terminalement différenciées qui inhibent la hausse de l’apoptose (Belz et Kallies,
2010).
2.3.4.3.3. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD8+
Comme vu précédemment, les équipes de Masopust et al. (2001) et de Reinhardt et al.
(2001) ont confirmé l’existence chez la souris de la dichotomie entre cellules T mémoires
centrales (TMC) et cellules T mémoires effectrices (TME), en utilisant des souris C57BL/6J
comme modèle.
Chez la souris, la troisième sous-population de cellules T mémoires CD8+, les cellules
TEMRA de phénotype CD45RA+CCR7-CD62Lhigh n’existent pas. L’importance des souspopulations à la fois de TMC et de TME pour le contrôle des maladies infectieuses et pour
l’efficacité de la vaccination a été montrée dans de nombreuses études murines. Chez la
souris, Wherry et al. (2003) ont démontré une voie de différenciation linéaire T naïves →
T effectrices → TME → TMC suivant une infection aigüe au VCML.
Chez l’homme, les TMC produisent surtout de l’IL-2 et aucune cytokine effectrice,
alors que chez la souris les TMC CD8+ sont capables de produire autant de cytokines
effectrices que les TME. Des cellules T mémoires CD8+ lymphoïdes ont été trouvées avec les
mêmes fonctions effectrices que les cellules T non-lymphoïdes (Wherry et al., 2003).
En utilisant un modèle murin des rejets de greffes humains, Zhang et al. (2005) ont
identifié une sous-population de cellules T CD8+ post-mitotique CD44lowCD62Lhigh qui avait
la capacité de générer et de supporter toutes les sous-populations de cellules T allogéniques
dans les réactions de rejet de greffe, y compris les cellules mémoires centrales, les cellules
mémoires effectrices et les cellules effectrices tout en se renouvelant. Ces cellules exprimaient
Sca-1, CD122, Bcl-2 et induisaient un rejet de greffe après transfert dans un second récipient.
Leur longue vie, leur capacité d’auto-renouvellement et de multipotence définissent ces
240
cellules comme des cellules souches mémoires (CSM). Wnt/β-caténine est une voie conservée
à travers l’évolution qui promeut le renouvellement des cellules souches hématopoïétiques et
leur multipotence en limitant leur prolifération et différenciation. L’équipe de Gattinoni et al.
(2009) a trouvé que l’induction de la voie Wnt/β-caténine arrêtait le développement des
cellules T CD8+ en cellules effectrices. En bloquant la différenciation des cellules T, la voie
Wnt permet la formation de ces cellules souches mémoires CD8+ multipotentes à haut
renouvellement CD62LhighSca-1highCD122highBcl-2high, dont les capacités prolifératives sont
supérieures à celles des cellules T mémoires centrales et effectrices. Ces cellules ont été
décrites plus tard chez l’homme par l’équipe de Gattinoni et al. (2011).
2.3.4.2.4. Classification phénotypique des cellules T mémoires CD4+
Les cellules T mémoires ont classiquement été associées à l’expression de marqueurs
phénotypiques tels que de fortes expressions des marqueurs d’adhésion CD44 et CD11a et
une faible expression de l’isoforme de haut poids moléculaire de CD45R (CD45RA chez
l’homme et CD45RB chez la souris). Alors que des variations de l’expression de CD62L
étaient trouvées au sein des cellules T CD4+CD45RO+ chez l’homme, Bingaman et al. (2005)
sont les premiers à distinguer des cellules CD62Lhigh endogènes chez la souris. Ils ont trouvé
que les capacités effectrices des cellules T CD4+ dérivées de la rate et des poumons ne sont
pas très différentes, alors que leur propriétés de migration dans les tissus lymphoïdes et non
lymphoïdes divergent significativement. Ils ont montré que la dichotomie TMC/TME n’était
pas suffisante pour décrire la diversité des cellules T CD4+CD62L+. Ils ont trouvé que les
cellules T mémoires CD62Lhigh sont totalement différentes des cellules CD62Llow dans leur
expression des marqueurs conventionnels des cellules T mémoires. La sous-population
CD62Lhigh montre un phénotype non conventionnel (CD45RBhigh/CD44int/CD11aint), en
contraste avec le phénotype mémoire classique des cellules T CD4+CD45RBlowCD44high
CD11ahigh. Ces distinctions phénotypiques entre les sous-populations de cellules T mémoires
CD62L+ semblent être spécifiques des cellules T CD4+, puisque dans l’étude de Wherry et al.
(2003) les sous-populations de cellules T CD8+ n’ont pas montré de différence dans
l’expression des marqueurs d’activation/différenciation à part pour l’expression de CD62L.
Alors que Sallusto et al. (2004) ont suggéré chez l’homme que les cellules mémoires
CD45RBhighCD62high étaient moins différenciées que les cellules CD45RBlowCD62low, ils
proposent que la limite entre les sous-populations de cellules mémoires CD62L se produit
plus tardivement dans le développement des cellules T mémoires.
Des études chez l’homme ont corrélé les phénotypes mémoires au niveau d’infection
chronique, suggérant que la différenciation des cellules T mémoires progresse par un
phénomène de maturation dépendant du niveau et de la durée de stimulation antigénique. Une
voie de différenciation linéaire TMC → TME précoce → TME tardive a été proposée à partir
des marqueurs de surface et de la longueur des télomères de chaque sous-population. Alors
que des infections chroniques de faible intensité mènent au maintien de cellules mémoires
effectrices précoces, une infection de forte intensité entrainera la formation de cellules
mémoires effectrices tardives. Stephens et Langhorne (2010) ont étudié la dynamique des
cellules T mémoires CD4+ sur un modèle de souris BALB/c avec une infection chronique de
malaria. Pour distinguer les différentes sous-populations de cellules T CD4+ mémoires et
241
effectrices, ils ont utilisé les marqueurs CD62L, CD27, CD43, CD44 et IL-7Rα. Les cellules
définies comme cellules effectrices avaient le phénotype CD62LlowIL-7Rα-CD43+CD27CD44int. Les cellules mémoires étaient facilement identifiées par leur forte expression de
l’IL-7Rα, les TMC et les TME étaient différenciées par leur expression de CD62L, et les trois
autres marqueurs CD43, CD44 et CD27 étaient utilisés pour déterminer le statut d’activation
des cellules. Ils ont montré que lors d’une infection chronique les cellules T mémoires CD4+
peuvent produire ces deux sous-populations qui ont bien une relation linéaire l’une à l’autre
comme le suggérait les études humaines. À la fois les cellules T effectrices et les TME
peuvent protéger dans de nombreux modèles infectieux. Bien que les cellules mémoires
effectrices ont probablement une plus courte durée de vie que les cellules T mémoires
centrales, certains rapports montrent une longue persistance des cellules effectrices.
Henao-Tamayo et al. (2010) ont tenté de déterminer les phénotypes des souspopulations de cellules T effectrices et mémoires dans leurs modèles de souris C57BL/6 avec
une infection chronique à Mycobacterium tuberculosis. Pour différencier les cellules de
phénotype TME et TMC ils ont comparé l’expression des marqueurs CD62L, CCR7, CD44,
CD45RB et CD127 en s’appuyant sur des études déjà publiées (Sallusto et al., 2004 ; Wherry
et al., 2003 ; Wu et al., 2002). Les deux derniers marqueurs n’ont pas permis de distinguer
clairement les différentes sous-populations (la plupart des cellules était CD45RBmid/low et
CCR7low/mid. Ils se sont alors basés sur la distinction entre l’expression des marqueurs CD62L
et CCR7 versus CD44. Dans les modèles établis, une forte ou faible expression de CD62L et
de CCR7 sont habituellement parallèles, avec le phénotype CD62LlowCCR7low représentant
les TME et le phénotype CD62LhighCCR7high représentant les TMC. Il a cependant été
rapporté que suite à une stimulation antigénique, les TME peuvent transitoirement surexprimer CCR7. Il a également été montré que CD62L est rapidement perdu après l’activation
du TCR suivant la migration jusqu’aux nœuds lymphatiques, probablement via CD127. Dans
leur modèle d’infection mycobactérienne, une population ayant le phénotype de cellules T
effectrices activées parmi les cellules CD4+ et CD8+ présentait également une forte expression
de CD45RB, et elle a été associée à une population de transition entre les TME et les cellules
effectrices. Une autre population CD4+CD44lowCD62Lhigh était présente seulement dans la
rate et les nœuds lymphatiques, sécrétait de l’IFNγ et présentait une grande qualité
d’expansion tout en fournissant une protection efficace. Il a été proposé que cette souspopulation également observée par Andersen et Smedegaard (2000) fasse partie d’une discrète
sous-population pouvant représenter une forme de TMC ayant sous-régulé ou possiblement
perdu l’expression de CD44. En effet, l’expansion rapide et la protection efficace que ces
cellules fournissent est en accord avec les caractéristiques des TMC.
La capacité de la plupart des TME chez l’homme à subir des voies de différenciation
divergente Th1 et Th2 est une propriété propre qui n’est pas partagée par les cellules T
murines, qui deviennent rapidement engagée après une stimulation (Sallusto et al., 2004).
2.3.4.2.5. Hétérogénéité des cellules T mémoires récemment mise en évidence
Des études ont montré que les animaux normaux possèdent une population de cellules
T CD8+ mémoire-like n’ayant pas subi d’activation, qui est appelée cellules mémoires
242
virtuelles (MV). Ces cellules apparaissent tôt après la naissance chez les souris normales et
représentes 5 à 20 % des cellules T CD8+ spécifiques pour divers antigènes. Le fait que ces
cellules se forment à des fréquences similaires chez des souris élevées en conditions stériles
soutient l’hypothèse que ces cellules seraient produites par des mécanismes homéostatiques
plutôt que par une stimulation environnementale. Le fait que les cellules T CD8+ MV
apparaissent chez les souris néonatales indique un rôle dans l’immunité à ce stade vulnérable,
mais le nombre de cellules MV augmente avec l’âge. Ces cellules pourraient compenser des
défauts fonctionnels dans le système immunitaire vieillissant. Dans leur étude, Lee et al.
(2013) trouvent que les cellules T CD8+ MV diffèrent à la fois des cellules T CD8+ naïves et
des « vraies » cellules mémoires. Des études in vitro ont révélé que les cellules T CD8+ MV
manifestent certaines fonctions des cellules T mémoires mais également des propriétés de
cellules naïves telles que la faible production d’IFN-γ après stimulation antigénique. Malgré
leurs caractéristiques particulières en comparaison avec les cellules T naïves et les cellules T
mémoires, les cellules T MV manifestent des propriétés fonctionnelles importantes leur
permettant de monter une réponse immunitaire plus efficace pendant la première rencontre
avec le pathogène. Dans leur étude sur des souris à fond C57BL/6, Chiu et al. (2013)
montrent que les cellules T mémoires centrales CD8+ représentant une grande majorité des
cellules T mémoires CD8+ des souris âgées, ne sont pas des cellules mémoires se développant
en réponse à une stimulation antigénique mais bien des cellules MV qui se développent sans
stimulation antigénique.
Avec la découverte récente des cellules T mémoires résidentes (TMR), la complexité
des sous-populations de cellules T mémoires prend toute son ampleur. Les cellules T
mémoires des tissus non-lympoïdes peuvent inclure à la fois les TME et les TMR. Ces souspopulations de cellules T n’expriment pas CCR7 et sont donc incapables de rentrer dans le
drainage normal des nœuds lymphatiques. Bien que les TMR puissent fournir une réponse
rapide contre les pathogènes aux sites locaux d’infection, ces cellules migrent peu et peuvent
être inefficaces dans la protection d’un site éloigné de l’exposition à l’antigène. Bien qu’il ait
été suggéré que la majorité des cellules T cutanées résident dans la peau, des données laissent
penser qu’une sous-population de cellules T mémoires peuvent quitter la peau pour entrer
dans les nœuds lymphatiques. En utilisant une souris transgénique Kaede, Bromley et al.
(2013) ont identifié une nouvelle population de cellules T mémoires dont le phénotype et les
propriétés de migration diffèrent des TMC, TME et TMR. Ces cellules T CD4+ mémoires
recirculantes (TMRC) migrent de la peau vers les nœuds lymphatiques de manière
indépendante à CCR7. Des nœuds lymphatiques drainants, elles rentrent dans la circulation,
les nœuds lymphatiques distaux et les sites cutanés non-spécifiques inflammatoires. Suivant
une stimulation polyclonale, ces cellules sur-expriment CD40L et sécrètent de l’IL-2. Cette
sous-population de cellules T mémoires CD4+ recirculantes est équipée pour délivrer de l’aide
à la fois aux tissus lymphoïdes distaux et cutanés. Bien que des cellules mémoires résidentes
dans la peau avaient été décrites, cette sous-population n’est présente que transitoirement dans
la peau affichant une dynamique de migration à travers la peau et dans les nœuds
lymphatiques afférents. Ces cellules TMRC peuvent être identifiées avec le phénotype
CD44highCCR7int/+CD62LintCD103+/-CD69-CCR4+/-e-sel-ligands. On sait déjà que les TMR
sont abondantes dans la peau et même les poumons de l’homme (Purwar et al., 2011), mais on
ne sait pas encore s'il possède des TMRC.
243
Si la distinction phénotypique entre les cellules T mémoires centrales et cellules T
mémoires effectrices est simple grâce aux marqueurs CD62L et CCR7, la distinction des
cellules T naïves et des cellules T mémoires n’est pas aussi rigoureuse et de nombreux
marqueurs d’activation sont utilisés tels que CD44, CD43, CD25 et CD127. À cette difficulté
de caractériser phénotypiquement des sous-populations de cellules T mémoires, de nouvelles
catégories de cellules T mémoires telles que les cellules souches T mémoires, les cellules T
résidentes, les cellules T mémoires virtuelles ou encore les cellules T mémoires recirculantes
ont complexifié le paysage.
2.3.4.4. Détermination des cellules T mémoires chez le rat
Dès le milieu des années 1980, on divisait les cellules T CD4+ en deux populations
distinctes en utilisant l’isoforme de haut poids moléculaire CD45RC, alors que les isoformes
CD45RA et CD45RB étaient utilisées pour l’homme et la souris respectivement. Les cellules
T CD4+CD45RChigh correspondent aux cellules T naïves alors que les cellules T
CD4+CD45RClow correspondent aux cellules T mémoires que l’on retrouve chez l’homme.
Les informations sur les différences phénotypiques et fonctionnelles des différentes souspopulations de cellules T CD4+ étaient moins avancées que chez l’homme. Aussi, Nagai et al.
(1993) sont les premiers à analyser les différences phénotypiques et fonctionnelles des
cellules T CD4+ chez le rat en utilisant la souche Lewis. Ils ont confirmé la division des
cellules T CD4+ en cellules CD45Rhigh et cellules CD45RClow. Seule la sous-population de
cellules T CD4+CD45RClow exprimait de l’IL-4 suite à diverses stimulations. Au contraire,
l’expression de l’IL-2 et de l’IFN-γ variait selon la nature du stimulus. Les cellules T
CD4+CD45RChigh exprimaient fortement le marqueur de surface CD44 et les cellules T
CD4+CD45RClow le marqueur de surface CD2. Il n’y avait pas de différence dans l’expression
de CD3 et LFA-1 entre les deux sous-populations.
La réversion phénotypique se produit à différentes vitesses selon l’espèce et diffère
également entre cellules T CD4+ et CD8+ mais il s’agit d’un phénomène très important chez le
rat. Par exemple, les cellules T CD4+CD45RC- de rats (de phénotype mémoire) ré-expriment
CD45RC en l’espace d’une semaine lorsqu’elles sont transférées dans des récipients
secondaires en l’absence d’antigène. La rapidité avec laquelle cette réversion a lieu suggère
que le phénotype CD45RC chez le rat est un marqueur récent d’activation plutôt que mémoire
(Bell et Sparshott, 1990 ; Sparshott et Bell, 1994). En comparaison, cette réversion des
cellules T mémoires en cellules T naïves avait été estimée chez l’homme à environ 3 à 5 ans
en moyenne (Mclean et Michie, 1995), et ce phénomène a également été observé chez la
souris (Bell et al., 2001). En utilisant un modèle d’hypersensibilité retardée, Bunce et Bell,
(1997) ont montré que la réversion des cellules CD45RClow pouvait être empêchée par la
persistance de l’antigène.
Suite aux résultats de leur étude sur des rats de souches PVG.7A et PVG.7B,
Westermann et al. (1997) affirment que les cellules T CD4+ naïves et mémoires portant les
phénotypes CD45RC+ et CD45RC- chez le rat ne sont pas différentes de celles des autres
espèces, CD45RA+ et CD45RO+ chez l’homme et CD45RB+ et CD45RB- chez la souris.
Comme observé chez ces dernières, les cellules T mémoires chez le rat sous-expriment
CD62L. De plus, elles se localisent préférentiellement au niveau de la lamina propria des
244
intestins comme chez la souris. Cependant, Bunce et Bell (1997) ont montré la présence de
deux catégories de cellules T mémoires fonctionnellement distinctes : une de courte durée de
vie de phénotype CD45RChigh pourvue d’une cinétique rapide, et une de longue durée de vie
de phénotype CD45RClow qui assure la mémoire immunitaire. La découverte majeure de leur
étude était que les cellules T mémoires entrent dans les nœuds lymphatiques (et migrent
préférentiellement dans les zones B) et les plaques de Peyer aussi rapidement que les cellules
T naïves, en utilisant les VHE, ce qui était un résultat inattendu par rapport aux expériences in
vitro. L’expérience de Bell et al. (2001) confirme cette séparation des cellules T mémoires et
précise que cela détermine les caractéristiques de la réponse des cellules B mémoires.
Le marqueur CD45RC est également utilisé dans de nombreux modèles de maladies
dysimmunitaires chez le rat, dont les rejets de greffe. Dans leur étude sur des rats de souches
BN et LEW, Xystrakis et al. (2004a) ont analysé la contribution des sous-populations de
cellules T CD4+ définies selon leur expression de CD45RC, dans le développement des rejets
de greffe aigus et chroniques. Ils ont trouvé que les cellules CD45RChigh (cellules naïves)
induisaient à la fois des rejets de greffe aigus et chroniques alors que ce n’était pas le cas des
cellules CD45RClow (cellules mémoires). Cependant, les cellules CD4+CD45RClow, connues
pour contenir des cellules Treg n’ont pas été capables d’empêcher les rejets de greffe. De
même, in vitro, seules les cellules T CD4+CD45RChigh proliféraient et produisaient des
cytokines en réponse à une stimulation allo-antigénique. Une transfusion de cellules
mémoires d’un donneur pourrait ainsi considérablement augmenter les reconstitutions
immunes sans risque d’induire un rejet de greffe.
Les marqueurs Thy-1 et RT6 sont également très importants dans la distinction entre
cellules mémoires et cellules naïves chez le rat, comme indiqué sur la figure 50. L’expression
de Thy-1 est perdue pendant les premiers stades du développement post-thymique des cellules
T. Il a été trouvé que les cellules T Thy-1 manifestaient des rejets de greffes allogéniques
retardées. L’allo-antigène RT6 est exprimé sur 50 à 85 % des cellules T CD4+ et CD8+ chez le
rat. L’acquisition de RT6 sur les cellules T apparaît presque simultanément à la perte de
Thy-1. Deux études ont démontré que les récents migrants et émigrants thymiques peuvent
être identifiés chez le rat par l’expression de Thy-1 et l’absence de RT6 et CD45RC de
manière univoque. Suite à la perte d’expression de Thy-1 pendant le procédé de maturation,
l’expression de RT6 est acquise et peu après celle de CD45RC. Le phénotype Thy-1RT6+CD45RC+ ainsi acquis représente la plupart des cellules T périphériques chez le rat. Il a
été montré que secondairement, à la fois RT6 et CD45RC sont perdus par une petite souspopulation formant les cellules T Thy-1-RT6-CD45RC+ ou Thy-1-RT6+CD45RC-. Puisque
RT6 et CD45RC sont perdus suite à l’activation des cellules T et que la sous-population
Thy-1-RT6-CD45RC- est augmentée dans les environnements riches en antigènes tels que les
plaques de Peyer, il a été suggéré que l’activation rendait les cellules T négatives à la fois
pour RT6 et CD45RC. Sur la base de leurs propriétés et profils de cytokines, leur association
entre l’induction de maladies auto-immunes à médiation cellulaire ou humorale, la balance
exercée l’une sur l’autre, les deux sous-populations Thy-1-RT6-CD45RC+ et Thy-1RT6+CR45RC- ont été associées aux cellules T mémoires au repos Th1 et Th2 respectivement
(Pastoret, 1998).
245
Figure 50 : Concept du développement des cellules T CD4+ et CD8+ chez le rat. Adapté
d’après Pastoret (1998).
Dans leur étude, (Xystrakis et al., 2004b) montrent que le niveau d’expression de
CD45RC permet de distinguer deux sous-populations de cellules T CD8+ produisant
différents types de cytokines et montrant différentes fonctions. Des études ont montré chez la
souris que les cellules T naïves CD8+ peuvent se différencier en deux sous-populations : Tc1
et Tc2 secrétant différentes cytokines. Les résultats de leur étude montrent que les cellules T
mémoires CD8+CD45RClow sont Tc2-like et que les cellules CD8+CD45RChigh sont Tc1-like.
Il est intéressant de remarquer que la proportion de ces deux sous-populations était différente
dans les deux souches de rats utilisées. Les rats BN, qui sont très sensibles aux troubles
immunologiques à médiation de cytokines de type 2, présentaient une forte proportion de
cellules T CD8+CD45RClow. Au contraire, les rats LEW, qui sont très sensibles au
développement de maladies auto-immunes à médiation de cytokine de type 1, avaient une
prédominance de cellules T CD8+CD45RChigh.
Mackay (1993) a proposé le concept selon lequel les cellules T mémoires migrent vers
les tissus tels que la peau et arrivent dans les nœuds lymphatiques régionaux via les vaisseaux
lymphatiques afférents, et que les cellules T naïves entrent dans les nœuds lymphatiques via
les VHE lorsque l’expression des isoformes de CD45R est utilisée comme marqueur des
cellules T mémoires et naïves. Chez le rat cependant, ni les études in vitro ni celles in vivo
246
n’ont supporté ce concept. Westermann et Pabst (1996) regrettent dans leur rapport que les
cellules T mémoires soient caractérisées par défaut comme étant non-naïves, puisque chez
l’homme certaines cellules acquièrent un phénotype mémoire sans sous-réguler l’expression
de leur phénotype naïf.
Dans leur étude, Ramírez et Mason, (2000) ont trouvé un plus grande nombre de
cellules T mémoires Thy-1-CD45RClowCD62L- dans les plaques de Peyer que dans les nœuds
lymphatique et la rate. Les cellules T CD4+ qui recirculent à travers les organes lymphoïdes
secondaires étaient principalement CD45RChigh, et il a été découvert une population de
cellules T CD4+ non-recirculantes dans les organes lymphoïdes secondaires qui était presque
exclusivement de phénotype CD45RClow. De plus, ils ont montré que le niveau d’expression
de CD44 chez le rat ne permet pas de distinguer entre les cellules T naïves et les cellules T
mémoires, comme chez la souris.
Le rôle de CXCR3 dans la migration des cellules T mémoires a été étudié par l’équipe
de Mohan et al. (2005). La plupart des cellules T au repos migrant vers les sites
inflammatoires ont un phénotype mémoire. Bien que la sous-population de cellules CXCR3
ne représente que 15 % des cellules T mémoires chez le rat, elle représente la plupart des
cellules T recrutées dans les inflammations dermiques. Ceci peut s’expliquer par l’importance
de CXCR3 dans la migration ou parce que les cellules T CXCR3+ co-expriment d’autres
récepteurs aux cytokines tels que CCR2, CCR4 et CCR5 contribuant à l’infiltration des
cellules T. En effet, les cellules T mémoires de rat sont à 15 % CCR2, 10 à 15 % CCR4, 4 %
CXCR6 et ont des faibles niveaux de CCR5. En contraste, les cellules T mémoires CD8+ sont
à 9 % CCR2, 3 % CXCR6 et n’ont que de faibles niveaux de CCR4 et CCR5.
Des équivalents des populations TMC et TME de l’homme chez le rat ont été trouvés
via un modèle de transfert adoptif d’EAE. La sclérose en plaques est une maladie autoimmune du système nerveux central qui affecte communément les jeunes adultes, et qui est
caractérisée par la démyélinisation et des lésions axonales entrainant des déficits
neurologiques. Les cellules T activées à l’origine de cette maladie ont été associées à un
unique phénotype caractérisé par une forte expression de canaux Kv1.3 et une faible
expression de canaux IKCa1, à la fois chez le rat et l’homme. Le ciblage de Kv1.3 a donc été
proposé comme nouvelle modalité de thérapie de la sclérose en plaques (Beeton et al., 2001).
Il a ensuite été montré chez l’homme, que les cellules T affichant ce phénotype étaient des
cellules T mémoires effectrices CCR7-CD45RA-. Après leur activation, les TME expriment
plus fortement Kv1.3. et plus faiblement IKCa1 et acquièrent ainsi le phénotype de TME
Kv1.3.highIKCa1low. Il a aussi été montré que le blocage des canaux Kv1.3 par le peptide ShK
supprimait la prolifération des TME sans affecter les TMC ni les cellules T naïves. Il en a été
déduit que le phénotype Kv1.3.highIKCa1low était un marqueur fonctionnel des TME (Wulff et
al., 2003). Cette équipe a ensuite développé ShK(L5), un analogue synthétique de ShK de très
haute affinité pour les canaux Kv1.3 in vitro, et améliorant efficacement l’EAE utilisée
comme modèle de la sclérose en plaques. Pour leur étude, ils ont proposé de déterminer le
statut TMC ou TME des cellules T mémoires de rat, en analysant leur expression de Kv1.3.
Ils ont ainsi associé les TMC au phénotype CD45RC-Kv1.3low et les TME au phénotype
CD45RC-Kv1.3high (Beeton et al., 2005). Récemment, Li et al. (2012) ont montré en utilisant
le modèle de rat atteints d’EAE qu’un nouveau peptide ADWX-1 cible de Kv1.3 inhibait
247
sélectivement l’activation des cellules T CCR7-. Dans cette étude sur le rat, ils avaient
assimilé les TME au phénotype CD4+CCR7- et les TMC au phénotype CD4+CCR7+.
La plupart des études chez le rat sont réalisées sur des modèles de maladies
dysimmunaires de l’homme. Chez le rat, c’est l’isoforme CD45RC qui est utilisé pour
distinguer les cellules T naïves des cellules T mémoires, bien que le phénomène de réversion
du phénotype CD45RC- au phénotype CD45RC+ soit très important chez le rat. L’existence
de sous-populations TMC et TME est admis bien qu’il n’ait jamais clairement été démontré,
et la détermination phénotypique des sous-populations de cellules T mémoires est quasiment
absente.
2.3.4.5. Détermination des cellules T mémoires chez le chien
Les chiens sont largement utilisés pour des études de transplantation, en particulier des
transplantations de moelle épinière, de cœur, et de reins. Ils fournissent un excellent modèle
pour des études de suivi et de programmes thérapeutiques. Contrairement à l’homme et à la
souris, les sous-populations de lymphocytes canins sont mal caractérisées à cause du nombre
limité d’AcM disponibles (Hötzl et al., 1991).
On sait que dans d’autres espèces le marqueur CD45RA caractérise les cellules T
naïves ou inactivées, mais que sa sous-expression peut être réversible. Dans leur étude, Tipold
et al. (1998) ont utilisé des anticorps définis par le premier International Canine Leukocyte
Antigen Workshop (Cobbold et Metcalfe, 1994), dont l’anticorps murin monoclonal
spécifique du chien CD4.1D3 afin de caractériser CD45RA. Ils ont caractérisé les souspopulations de cellules T canines dans le sang et dans le liquide cérébro-spinal (LCS)
notamment à l’aide du marqueur CD45RA. Bien qu’en plus faible concentration que dans le
sang, ils ont retrouvé des cellules CD45RA+ appartenant aux populations des cellules T et B.
On ne sait pas si les cellules T canines passent à travers à la barrière hémato-encéphalique
sans être activées ou si ces cellules ré-expriment CD45RA après un certain temps dans le
LCS. Il existe une grande variation individuelle, les cellules T exprimant entre 24 et 84 %
CD45RA et les cellules B entre 30 et 73 %.
L’étude de Barrouin-Melo et al. (2006) est la première à quantifier et décrire les
populations et sous-populations de leucocytes chez le chien, en utilisant des cytoponctions de
rate à partir de chiens sains et infectés par Leishmania. Ils ont utilisé des anticorps définis par
le premier International Canine Leukocyte Antigen Workshop (Cobbold et Metcalfe, 1994),
dont les anticorps de rats monoclonaux spécifiques du chien YKIX 753.22 caractérisant
CD45RA (Abcam), et YKIX 716.13 caractérisant CD45RB. Ce dernier anticorps n’est plus
disponible et il n’existe pas d'anticorps dans le commerce ayant une réactivité croisée contre
le CD45RB canin. Les cellules T naïves, les cellules T helper sécrétant de l’IFN-γ ainsi qu’un
certain nombre de cellules B expriment CD45RA, alors que CD45RB a été associé à des
cellules T CD4+ ayant été activées au cours d’une infection virale ou protozoaire chez la
souris. En accord avec ces observations, ils ont trouvé une proportion augmentée de cellule
CD45RB+ et réduite de cellules CD45RA+ parmi les chiens infectés par Leishmania, ce qui
pourrait refléter une activation des cellules T suite à l’infection.
248
L’équipe de Reis et al. (2006) a tenté de caractériser les propriétés phénotypiques des
lymphocytes circulants permettant de définir des marqueurs immunologiques du statut de
chiens infectés par Leishmania. Bien qu’aucune différence significative n’ait été observée
pour l’expression isolée des marqueurs CD45RA et CD45RB, l’analyse du rapport
CD45RB/CD45RA a révélé de plus grandes valeurs parmi les chiens infectés
asymptomatiques que parmi les chiens non-infectés et infectés symptomatiques. Ceci suggère
une proportion augmentée de cellules T CD45RB+ et réduite de CD45RA+ parmi les chiens
asymptomatiques, qui pourrait reflétée une activation des cellules T pendant la phase
asymptomatique.
Du fait d'un manque de marqueur caractérisant les cellules T mémoires chez le chien,
d’autres marqueurs associés à la migration ou à l’activation ont été investigués. CD62L, un
marqueur assurant la migration des cellules T jusqu’aux organes lymphoïdes secondaires est
utilisé comme marqueur des cellules T naïves et mémoires centrales chez l’homme et la
souris. Les cellules T CD4+CD8+ dans le sang périphérique sont des cellules T matures, que
l’on peut caractériser comme cellules effectrices (cellules T effectrices ou cellules T
mémoires/effectrices) par leur faible expression de CD62L après stimulation de rappel avec le
virus de la maladie de carré (VMC). Le clone FMC46, AcM murin IgG2b anti-CD62L
humain (Novus Biologicals ; AbD Serotec ; Antibodies-online) peut être utilisé chez le chien
(Schuberth et al., 2007). Une autre caractéristique de l’activation des cellules T est l’induction
de l’expression de CD25 chez l’homme et la souris. On peut utiliser le clone PA410, AcM
murin anti-CD25 canin (eBioscience ; AbD Serotec) chez le chien (Abrams et al., 2010). Ce
marqueur est détecté sur la vaste majorité des cellules T CD4+CD8+ stimulées par rappel
antigénique viral, alors que les cellules T simple-positives CD4+ et CD8+ sont seulement
partiellement CD25. Ceci suggère qu’à l’instar des autres espèces, le phénotype double-positif
des cellules T canines est relié à l’activation des cellules T. Les cellules T mémoires helper
canines sont présentes au sein des cellules T CD4+CD8+ mais également au sein des cellules T
CD4 simple-positives, selon leur prolifération en réponse à la stimulation antigénique virale
de rappel. D’autres recherches sont nécessaires pour savoir si les cellules mémoires canines
résident dans la fraction CD4+CD8+ en elle-même ou si elles peuvent se développer à partir de
cellules T simple-positives pendant la stimulation antigénique de rappel (Bismarck et al.,
2012 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le
23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les populations de cellules T mémoires sont très mal caractérisées chez le chien,
principalement du au faible nombre de marqueurs disponibles. Les cellules T mémoires sont
principalement définies par leurs propriétés de cellules T activées opposées à celles des
cellules T naïves. Il apparaît que les cellules T mémoires affichent une sous-expression de
CD45RA, de CD62L, avec une sur-expression de CD45RB et de CD25. Le caractère doublepositif des cellules T est un marqueur d’activation, aussi on retrouve les cellules T mémoires
au sein de cette population mais également parmi les cellules T simple-positives. Il reste
encore beaucoup de travail avant de caractériser correctement les cellules T mémoires
canines.
249
2.3.4.6. Détermination des cellules T mémoires chez le porc
En considérant l’expression de CD4 et CD8α, les cellules T porcines peuvent être
séparées en 4 sous-populations : les cellules T CD4+CD8α−, CD4−CD8αhi, CD4+CD8αlow, et
CD4−CD8α−. Plusieurs groupes suggèrent que les cellules mémoires appartiennent à la souspopulation des cellules T CD4+CD8αlow, basé sur leurs capacités à proliférer en réponse à une
stimulation antigénique de rappel, à coopérer avec les cellules B à la production d’anticorps, à
leur résistance à la thymectomie, leur augmentation avec l’âge (Ober et al., 1998 ; Saalmüller
et al., 1991 ; Summerfield et al., 1996 ; Zuckermann et Husmann, 1996 ; Zuckermann, 1999).
Cependant, on ne sait pas encore si la totalité de la population des cellules T mémoires CD4+
est comprise au sein de la population CD4+CD8αlow. Ober et al., 1998 et Summerfield et al.,
1996 ont trouvé que seules les cellules T CD4+CD8αlow étaient capables de répondre à une
stimulation antigénique de rappel, suggérant que les cellules T mémoires helper résidaient
exclusivement au sein de cette sous-population. Cependant, Zuckermann et Husmann (1996)
ont trouvé que les deux sous-populations de cellules T CD4+CD8αlow et CD4+CD8αproliféraient en réponse à une stimulation antigénique de rappel, et que le marqueur CD29
était plus approprié pour distinguer les cellules mémoires. Dans cette étude, l’expression de
CD29 permettait en effet de distinguer entre les cellules T CD4+ naïves et mémoires, avec la
sous-population CD4+CD29high comprenant la plupart des cellules mémoires, et les cellules
naïves trouvées majoritairement au sein de la sous-population CD4+CD29low. Ces résultats
indiquent que les cellules T mémoires CD4+ chez le porc pourraient comprendre les cellules T
CD4+CD8α−CD29high et CD4+CD8αlowCD29high.
Comme indiqué précédemment, il existe des anticorps monoclonaux dans le
commerce reconnaissant les CD4 et CD8α porcins. De nombreux laboratoires proposent
également des anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée avec le CD29 porcin
(Lifespan Biosciences ; GeneTex ; Acris Antibodies ; AbD Serotec ; Biorbyt ; Abcam ;
Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Novus Biologicals ; Merck Millipore) ou polyclonaux
(Fitzgerald Industries International ; Bioss Inc. ; Aviva Systems Biology), et même des
anticorps monoclonaux obtenus directement à partir d’un immunogène porcin (BD
Bioscience) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à
jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Plus tard, Saalmüller et al. (2002) ont proposé une classification phénotypique des
populations de cellules T helper, mais sans utiliser le marqueur CD29. Cette classification est
représentée par la figure 51. Parmi les cellules T extrathymiques porcines, deux souspopulations de cellules T helper CD8α sont définies. Similaires aux cellules T helper au repos
décrites chez les autres espèces, les cellules T CD4+ naïves sont caractérisées par une surexpression de CD45RC associée à un manque d’expression de CD8α, CD25 et CMH II. Suite
à leur activation, elles sous-expriment CD45RC et peuvent sur-exprimer CD4, CD8α, CD25
et le CMH II. Les cellules T helper mémoires peuvent être caractérisées par leur expression de
CD8α, CMH II, et leur manque d’expression de CD25 et CD45RC.
250
Figure 51 : Différenciation phénotypique extra-thymique des cellules T helper porcines.
Adapté d’après Saalmüller et al. (2002).
Récemment, un nouvel antigène 2E3 a été décrit pour la première fois chez le porc
alors qu’aucun rapport ne l’avait caractérisé dans aucune espèce mammifère jusque là.
L’expression de cet antigène est restreinte aux populations de cellules T CD4+ porcines
périphériques. À la fois les sous-populations T CD4+CD8α− et CD4+CD8αlow expriment cet
antigène. Les cellules T CD4+2E3+ présentent les caractéristiques phénotypiques et
fonctionnelles des cellules naïves, et les cellules T CD4+2E3− ressemblent aux cellules T
mémoires/effectrices. Ce marqueur permet donc de distinguer les cellules T CD4+ naïves des
cellules mémoires/effectrices. Comme indiqué précédement, l’anticorps monoclonal 2E3 est
commercialement disponible (Thermo Scientific Pierce Antibodies ; GeneTex ; Antibodiesonline ; Novus Biological ; Acris Antibodies) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore,
learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/]
[Consulté le 25 août 2014]). La majorité des cellules T CD4+2E3+ expriment faiblement
CD11a/CD18, CD49d et CD29, un phénotype associé avec les cellules de type naïf. Au
contraire, les cellules T CD4+2E3− expriment fortement CD11a/CD18, CD49d, et CD29,
molécules impliquées dans la migration des cellules mémoires jusqu’aux tissus inflammés.
Comme indiqué précédemment, de nombreux anticorps reconnaissant le CD29 sont
commercialement disponibles. Il est aussi possible de trouver des anticorps monoclonaux
obtenus directement à partir d’immunogène porcin pour le CD11a (Lifespan Biosciences ;
GeneTex ; Aviva Systems Biology ; Abcam ; Acris Antibodies ; Antibodies-online ; AbD
Serotec ; GenWay Biotech), CD18 (Abcam ; Acris Antibodies ; Lifespan Biosciences ; AbD
Serotec ; Novus Biologicals ; Aviva Systems Biology ; Creative Biomart ; GeneTex ;
GenWay Biotech), ou des anticorps monoclonaux ayant une réactivité croisée avec CD18
(Biolegend), CD49d (Abcam ; Lifespan Biosciences ; Acris Antibodies ; AbD Serotec ;
Fitzgerald Industries International ; GeneTex), et des anticorps polyclonaux ayant une
réactivité croisée avec CD11a (Bioss Inc.), CD18 (Bioss Inc. ; Biorbyt), CD49d (Lifespan
Biosciences ; Antibodies-online) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide.
[en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août
2014]).
De plus, le pourcentage de cellules exprimant CD45RA, un marqueur des cellules T
+
CD4 naïves, est significativement plus important parmi les cellules T CD4+2E3+ que les
cellules T CD4+2E3-. De nombreux laboratoires proposent des anticorps monoclonaux réactifs
contre le CD45RA porcin (Lifespan Biosciences ; Antibodies-online ; Acris Antibodies ;
GeneTex ; Thermoscientific Pierce Antibodies ; AbD Serotec ; Novus Biologicals ; GenWay
251
Biotech ; Aviva Systems Biology) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
D’une part, et en accord avec un statut non activé, la plupart des cellules T CD4+2E3+
sont SLA-II−, quand la majorité des cellules T CD4+2E3- sont SLA-II+. D’autre part, aucune
différence n’a été observée pour l’expression de CD44 entre ces deux sous-populations. Cette
découverte est similaire à celle reportée chez le rat, alors que chez l’homme et la souris, les
cellules T mémoires expriment de plus hauts niveaux de CD44 que les cellules T naïves.
Parmi les cellules T CD4+2E3+, on retrouve une proportion conséquente de cellules
CD4+CD8αlow, ayant une capacité de prolifération quasiment nulle et une capacité à sécréter
exclusivement IL-2, suggérant ainsi la présence de cellules naïves au sein des cellules
CD4+CD8αlow. Ces cellules étaient de plus CD45RA, SLA-DR− et CD29low comme les
cellules naïves. Puisque la stimulation in vitro des cellules CD4+CD8− mène à l’expression de
CD8α, ces cellules pourraient représenter un stade intermédiaire dans la progression des
cellules naïves à mémoires/effectrices. La population de cellules CD4+2E3− qui contient les
cellules mémoires, est représentée par une majorité de cellules CD8lowCD45RA-SLA-DRhigh
CD29high, mais d’autres sous-populations mineures sont à noter. Ces autres sous-populations
peuvent correspondre à des cellules naïves en transition vers les stades effecteurs et
mémoires. Des études ont en effet montré une sous-régulation de l’expression de 2E3 suite à
l’activation des cellules T. À l’opposé, ces sous-populations peuvent inclurent des cellules
mémoires à longue durée de vie qui ont réversé l’expression de certains marqueurs, comme il
a été rapporté chez d’autres espèces. À la fois les sous-populations de cellules T
CD4+2E3−SLA-DR+ et CD4+2E3-SLA-DR- répondent à une stimulation antigénique in vitro,
et produisent TNF-α et IFN-γ, mais les cellules T CD4+2E3-SLA-DR+ prolifèrent et
produisent des cytokines plus efficacement. Une autre voie de différenciation a donc été
proposée, dans laquelle les cellules T CD4+2E3+CD8α-SLA-II- se développent en cellules T
CD4+2E3−CD8α+SLA-II+ qui comprennent la majorité des cellules répondant à l’antigène
chez des animaux immunisés (Revilla et al., 2004, 2005b). L’expression de l’ARNm de
CCR7 a clairement été détectée parmi les cellules T CD4+2E3+ mais pas parmi les cellules T
CD4+2E3−. De plus, CXCR3 et CCR4 étaient fortement exprimés parmi les cellules T
CD4+2E3− alors que les cellules T CD4+2E3+ étaient négatives. L’expression de l’ARNm de
CCR7 parmi les cellules T naïves CD4+2E3+ est en accord avec les données récoltées chez
l’homme et la souris, qui montrent que ce récepteur est impliqué dans la migration des
cellules T naïves jusqu’aux nœuds lymphatiques. Bien que chez l’homme et la souris ce
récepteur est exprimé par la sous-population de cellules T mémoires TMC, l’expression de
l’ARNm CCR7 n’a pas été détectée parmi les cellules T CD4+2E3− (Revilla et al., 2005a).
Il est possible de trouver des anticorps polyclonaux ayant une réactivité croisée avec le
CXCR3 porcin (Antibodies-online ; Aviva Systems Biology ; Bioss Inc.), mais pas avec
CCR7 ni CCR4 (seul des anticorps réactifs contre les sous-unités CNOT6 et CNOT11 du
complexe CCR4-NOT sont disponibles) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
Récemment, l’équipe de Reutner et al. (2012) a montré que le marqueur SWC2 défini
lors du premier International Swine Cluster of Differentiation Workshop en 1992, était une
252
molécule orthologue de CD27. On peut distinguer les deux populations de cellules T helper
porcines CD4+CD8α+CD27+ et CD4+CD8α+CD27− en quantité équivalente dans le sang
périphérique et la rate, alors que les nœuds lymphatiques abritent majoritairement les cellules
CD4+CD8α+CD27+. Les cellules T helper CD4+CD8α+ porcines sont classiquement
considérées comme une population de cellules mémoires/activées. Les cellules T mémoires
humaines peuvent être divisées en cellules T mémoires centrales et cellules T mémoires
effectrices, ces dernières ayant le phénotype CD62L-CCR7- et ayant perdu l’expression de
CD27. Sur ce même modèle, une séparation des cellules T helper CD4+CD8α+ porcines selon
l’expression de CD27 serait possible mais des études doivent encore être menées. Comme
indiqué précédemment, des anticorps polyclonaux réagissant contre le CD27 porcin
(Antibodies-online ; Biorbyt ; Lifespan Sciences ; Bioss Inc.) sont disponibles
(BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
En l’absence d’anticorps spécifique du CCR7 porcin, son expression a pu être
analysée plus précisément grâce à la création d’un recombinant du ligand CCL19 de CCR7,
fusionné au fragment Fc d’un IgG1 humain. Bien que chez l’homme et la souris CCL19 se lie
à un autre récepteur nommé CCX-CKR, la liaison chez les lymphocytes porcins est plus
certainement observée à travers CCR7. Il a été confirmé que les cellules T CD4+2E3+ liaient
pCCL19-Fc, alors que les cellules T CD4+2E3− ne le liaient pas. Mais pCCL19-Fc a surtout
permis de disséquer les cellules T α:β cytotoxiques restreintes au CMH I, qui sont
majoritairement constituées de cellules CD8αhighCD8β+ bien que des variations considérables,
à la fois dans l’expression de CD8β et la proportion de cellules positives à ce marqueur ont
été rapportées. Il a également été suggéré que les cellules T α:β cytolytiques n’expriment pas
d’isoforme de haut poids moléculaire de CD45R comme il a été établi pour les cellules T
helper. Rodrıǵ uez-Carreño et al. (2002) ont en effet montré que la production d’IFN-γ par les
cellules CD8αhigh était très variable, et que lorsque les cellules CD8α étaient subdivisées par le
marqueur CD45RA, il apparaissait que les cellules CD45RA- étaient les principales
productrices d’IFN-γ. La plupart des cellules T CD8β+ qui lient pCCL19-Fc expriment plus
fortement CD8β que celles qui ne le lient pas. Il est possible de trouver des anticorps
polyclonaux ayant une réactivité croisée avec le CCL19 porcin (Antibodies-online ; Bioss
Inc.). De plus, une corrélation négative a été notée entre les niveaux d’expression de CD8β et
CD11a. La plupart des cellules T CD8βhighCD11alow sont aussi CD45RA+ et n’expriment pas
de perforine. Ces cellules représentent donc probablement les précurseurs des cellules T
cytotoxiques. Au contraire, les cellules T CD8βlowCD11ahigh expriment constitutivement de
forts niveaux de perforine, dont l’expression est corrélée à leur activité cytotoxique, et
produisent de forts nivaux d’IFN-γ suite à une stimulation comme le feraient les cellules T
mémoires ou activées. La plupart de ces cellules ne lient pas pCCL19-Fc et sont
majoritairement CD45RA-, bien qu’une petite population soit CD45RA+. Ces cellules
CD45RA+ pourraient correspondre aux cellules T mémoires effectrices terminalement
différenciées, aussi connues sous le nom de cellules TMERA. Cependant, contrairement aux
cellules TMERA décrites chez l’homme, ces cellules CD8βlowCD11ahighCD45RA+
n’expriment pas de plus forts niveaux de perforine que les cellules CD8βlo CD11ahi
CD45RA−. Il y a également une petite population de cellules CD8βlowCD11ahigh qui lient
pCCL19-Fc, et qui pourrait correspondre aux cellules T mémoires centrales qui recirculent à
253
travers les tissus lymphoïdes secondaires. L’ensemble de ces données révèle la complexité des
cellules cytotoxiques porcines en relation avec leurs capacités fonctionnelles et de migration,
et montre une image similaire à celle rapportée chez l’homme où quatre populations de
cellules T cytotoxiques ont été décrites : naïves (CD45RA+CD11alowCCR7+), mémoires
mémoires
effectrices
(TME,
centrales
(TMC,
CD45RA−CD11ahighCCR7+),
−
high
−
CD45RA CD11a CCR7 ), et mémoires effectrices terminalement différenciées (TEMRA,
CD45RA+CD11ahighCCR7−) (Moreno et al., 2013).
L’équipe de Reutner et al. (2012) a étudié l’expression de CD27 au sein des cellules T
cytotoxiques CD8β+ qui comptent une population CD27- absente des nœuds lymphatiques. À
l’instar de ce qui est rapporté chez l’homme, les cellules T cytotoxiques CD8βdimCD27−
porcines pourraient représenter des cellules mémoires ou des cellules effectrices spécialisées.
Il a longtemps été supposé que les cellules T mémoires appartenaient à la souspopulation des cellules T CD4+CD8αlow mais certaines cellules T CD4+CD8α- avaient
également des propriétés de cellules mémoires. Le phénotype mémoire CD4+CD8αlowCD25CD45RC-SLA-II+ a ensuite été établi sans tenir compte du marqueur CD29 qui avait été
suggéré auparavant pour distinguer les cellules mémoires. La découverte du nouvel antigène
2E3 a permis de proposer un autre modèle de différenciation, dans lequel les cellules T CD4+
2E3+CD8α−SLA-II− se développent en cellules T CD4+2E3−CD8α+SLA-II+ qui comprennent
la majorité des cellules mémoires. L’utilisation récente des marqueurs CCR7 et CD27 dans
l’étude phénotypique et fonctionnelle des cellules T porcines pourrait aboutir à établir
l’équivalent des sous-populations mémoires centrales et effectrices rencontrées chez
l’homme. Dernièrement, on a ainsi pu mettre en évidence parmi les cellules T cytotoxiques
porcines l’équivalent des mêmes sous-populations présentes chez l’homme : naïves
(CD45RA+CD11alowCCR7+), mémoires centrales (TMC, CD45RA−CD11ahighCCR7+),
mémoires effectrices (TME, CD45RA−CD11ahighCCR7−), et mémoires effectrices
terminalement différenciées (TEMRA, CD45RA+CD11ahighCCR7−).
2.3.4.7. Détermination des cellules T mémoires chez le macaque
Pitcher et al. (2002) sont les premiers à avoir défini des critères phénotypiques pour
l’identification des cellules T mémoires chez les macaques, indiqués dans le tableau 18. Des
critères phénotypiques très sophistiqués sont couramment admis pour la délimitation entre
cellules T naïves et mémoires chez l’homme, et sont appliqués dans de nombreuses études et
notamment sur le HIV. Alors que le macaque rhésus est le modèle animal majeur pour l’étude
du HIV, ses cellules T mémoires étaient caractérisées avec bien moins de rigueur. Des
anticorps spécifiques de l’homme étaient alors utilisés pour analyser les populations de
cellules T périphériques, mais sans optimisation, validation ni corrélation fonctionnelle qui
auraient été requis pour le développement de stratégies analytiques rigoureuses. Dans leur
étude, ils ont clairement délimité les cellules naïves des cellules mémoires à la fois pour les
cellules T CD4+ et CD8+. Les cellules T naïves CD4+ sont le mieux délimitées par le
phénotype CD95lowintégrine-β7intCD28high et les cellules T naïves CD8+ par le phénotype
CD95lowCD28intCD11alow. Cette population homogène de cellules T naïves est présente dans
le sang et les tissus lymphoïdes secondaires mais absente des sites effecteurs, est très
254
largement prédominante dans le système immunitaire fœtal/néonatal mais diminue rapidement
avec l’âge, et manque de capacité de production d’IFN-γ et de prolifération.
Pour le macaque rhésus, il existe dans le commerce des anticorps monoclonaux dirigés
contre CD28 (Abcam ; Biolegend ; BD Biosciences), CD95 (AbD Serotec ; Abcam ; BD
Biosciences ; Biolegend ; Lifespan Biosciences), CD11a (BD Biosciences), et l’intégrine β7
(Biolegend ; Lifespan Biosciences). Pour le macaque cynomolgus, il existe dans le commerce
des anticorps monoclonaux dirigés contre CD28 (Biolegend ; BD Biosciences), CD95 (BD
Biosciences ; Biolegend), CD11a (BD Biosciences), et l’intégrine β7 (Biolegend ; Lifespan
Biosciences) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à
jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Bien que CD45RA ait été utilisé pour distinguer les cellules T naïves et mémoires
humaines, son utilisation seule a rapidement été abandonnée suite à la découverte de cellules
T mémoires CD45RA+. La forte expression de CD45RA par des cellules ayant déjà subi une
stimulation antigénique est encore plus commun chez les macaques rhésus (jusqu’à 60 % des
cellules mémoires l’expriment fortement). La combinaison des marqueurs CD45RA et
CD62L ne permet pas non plus de distinguer entre les cellules T naïves et mémoires. La
population de cellules mémoires est capable de produire de l’IFN-γ, de répondre à une
infection au cytomégalovirus (CMV), est présente aux sites effecteurs, est peu présente à la
naissance, et démontre une bonne capacité de prolifération. La fréquence des cellules T
mémoires chez l’homme atteint 40 à 50 % à l’âge adulte, alors qu’elle atteint 70 % pour les
cellules T CD4+ et 80 à 90 % pour les cellules T CD8+ chez le macaque rhésus adulte. Ceci
indique que ces derniers sont davantage exposés à une pression antigénique que ne l’est
l’homme, et ce avant même la naissance.
Les cellules T mémoires à la fois CD4+ et CD8+ ont une sous-population caractérisée
par la perte de l’expression de CD28 avec des propriétés phénotypiques et fonctionnelles
particulières. Les cellules T CD4+CD28- sont généralement CD11ahighCD49dhighCD62L−
β7-integrine−/low. Chez le macaque rhésus, il existe également des anticorps monoclonaux
ayant des réactivités croisées pour CD49d (BD Biosciences ; Lifespan Biosciences ; Abcam ;
AbD Serotec ; Biolegend) et CD62L (eBioscience ; Abcam ; Lifespan Biosciences ; AbD
Serotec), de même que chez le macaque cynomolgus pour CD49d (BD Biosciences ; Lifespan
Biosciences ; Abcam ; AbD Serotec ; Biolegend) et CD62L (eBioscience ; Abcam ; Lifespan
Biosciences ; AbD Serotec) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en
ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août
2014]). Les cellules T CD8+CD28- sont similaires si ce n’est qu’elles incluent une discrète
sous-population β7-intégrinebrightCD11alow. Ces propriétés phénotypiques suggèrent une
capacité à migrer vers les sites extra-lymphoïdes. La sous-population de cellules CD28- est
ainsi présente en quantité augmentée dans les sites effecteurs et est caractéristique de la souspopulation de cellules T mémoires effectrices décrite chez l’homme et la souris. Alors que les
marqueurs CD27 et CD45RA sont utilisés chez l’homme pour distinguer les cellules
mémoires effectrices, cette combinaison de marqueurs ne s’applique pas au macaque rhésus.
Les données acquises grâce à l’expression de Ki-67 et la consommation de BrdU suggèrent
que les cellules mémoires effectrices CD28- ont une capacité de réplication et une stabilité
intrinsèque comparables aux cellules mémoires centrales CD28+, et constituent donc
probablement une sous-population capable d’une homéostasie indépendante. Ceci ne contredit
255
pas le rôle des cellules mémoires centrales CD28+ de précurseur des cellules mémoires
effectrices CD28-, mais suggère qu’après la différenciation, le maintien des cellules mémoires
effectrices peut se faire relativement indépendamment. Compte-tenu de la grande différence
d’écotaxie des cellules mémoires centrales et effectrices, il est fort probable que l’homéostasie
de ces populations soit contrôlée par des mécanismes régulateurs différents.
La distinction entre les populations de cellules T naïves, mémoires centrales et
mémoires effectrices par la combinaison des marqueurs CD95 et CD28 a ainsi été
brillamment démontrée et a été reprise dans de nombreuses autres études. Selon ces
définitions, il a été montré que l’IL-7 est une cytokine conduisant à la prolifération des
cellules T naïves à la fois dans le sang et dans les organes lymphoïdes secondaires. De plus,
l'IL-7 augmente la capacité des cellules TMC et TME CD4 et CD8 à produire des cytokines.
La production d’IL-2 par les cellules mémoires centrales induites par le SIV est associée à une
protection efficace contre l’infection au lentivirus. Le développement et le maintien des
cellules TME CD4+ et CD8+ sont favorisés par l’IL-15. Les différentes cytokines IL-2, IL-7 et
IL-15 présentent des rôles complémentaires dans l’homéostasie des cellules T naïves et TMC,
et dans le développement des cellules TME (Moniuszko et al., 2004 ; Picker et al., 2006 ; Sun
et al., 2005).
Tableau 17 : Caractéristiques phénotypiques et fonctionnelles des sous-populations de
cellules T périphériques chez le macaque rhésus. Adapté d’après Pitcher et al. (2002).
Cellules T CD4
Naïve
Cellules T CD8
Mémoire
centrale
Mémoire
effectrice
Naïve
Mémoire
centrale
Mémoire
effectrice
Fort
-
Variable
Variable
Phénotype
CD95
-
CD28
Fort
Intégrine β
-
Variable
CD11a
Dim
Dim
Dim
Variable
CD62L
Variable
-
Variable
Majorité -
CD45RA
Variable
Variable
Variable
Variable
Peu
Grande majorité
Grande majorité
Peu
Fonction
Production d'IFN-γ
-
Réponse spécifique du CMV
-
Minorité
Majorité
-
Grande majorité
Peu
Épuisés
Enrichis
-
Peu
Grande majorité
Grande
majorité
Faible
-
Grande
majorité
Peu
Très peu
Faible
Fort
Fort
Faible
Fort
Fort
Localisation
Nœud lymphatique
Sites
(poumon,
lamina propria)
effecteurs
intestin, -
Développement
Fréquence dans le sang néonatal
Turnover
Expression
de
Ki-67
assimilation de BrdU
ou
256
En analyse comparative des sous-populations de cellules mémoires effectrices chez
l’homme et le macaque rhésus, les marqueurs CD28 et CCR7 ont été utilisés. Les cellules T
CD4+ peuvent ainsi être divisées en cellules T naïves et mémoires centrales
CD4+CD28+CCR7+ à la fois pour l’homme et le macaque, en cellules T mémoires effectrices
CD28+CCR7- chez l’homme, en cellules T mémoires transitionnelles CD28+CCR7- chez le
macaque et en cellules T mémoires effectrices CD28-CCR7- chez le macaque (Picker et al.,
2006). Une étude a pu montrer des résultats similaires chez le macaque cynomolgus.
(Eastwood et al., 2010). De même que pour le CD28, il existe dans le commerce des anticorps
monoclonaux dirigés contre CCR7 chez le macaque rhésus (Abcam ; Biolegend) et le
macaque cynomolgus (Biolegend) (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
En parallèle à l’utilisation de ces marqueurs, l’expression de CD45RO par les cellules
mémoires chez le macaque est un sujet controversé, et c’est pour cela que des méthodes
alternatives pour délimiter les cellules T naïves des cellules T mémoires ont été développées,
telles que l’utilisation de la combinaison de marqueurs CD95/CD28 ou encore l’identification
des cellules CD45RA+ comme naïves. Il a été décrit pour la première fois que cet antigène
pouvait être détecté chez le macaque à queue de cochon avec l’AcM UCHL1 par
immunofluorescence indirecte mais pas lorsque la préparation de UCHL1 était directement
conjuguée (Firpo et al., 1992). Un autre anticorps OPD4 reconnaissant un antigène
correspondant à l’isoforme CD45RO et rapporté lors du cinquième International Leukocyte
Typing Workshop, est similaire à UCHL1 si ce n’est qu’il ne marque pas les monocytes,
macrophages et granulocytes. Récemment il a été montré qu’OPD4 marque spécifiquement
les cellules T mémoires CD4+ chez environ 44 % des macaques rhésus d’origine indienne
mais pas d’origine chinoise, et environ 75 % des macaques à queue de cochon. Cet anticorps
peut donc être utile pour examiner les cellules T mémoires CD4+ chez certains macaques,
mais son utilité reste limitée chez d’autres espèces et même parmi certains individus,
suggérant une diversité génétique parmi ces macaques (Wang et al., 2008). Il existe de
nombreux laboratoires commercialisant des anticorps monoclonaux dirigés contre l’antigène
UCHL1 (Lifespan Biosciences ; Bioworld Technology ; St John’s Laboratory ; Origene
Technologies ; AbD Serotech) et polyclonaux (Biorbyt ; Lifespan Biosciences ; Antibodiesonline ; Acris Antibodies ; Thermo Scientific Pierce Antibodies ; Origene Technologies :
Novus Biologicals ; GenWay Biotech). L’anticorps monoclonal OPD4 est commercialement
disponible auprès de GenWay Biotech (BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
Dernièrement, une étude a pu montrer que CD45RO, défini par l’anticorps UCHL1,
est exprimé par une sous-population de cellules T chez tous les macaques à queue de cochon
et quelques macaques rhésus, mais pas chez les quelques macaques cynomolgus examinés.
Ces résultats sont en accord avec ceux de Firpo et al. (1992). La réaction croisée d’UCHL1
avec l’épitope du macaque a cependant une plus faible avidité que pour le CD45RO humain.
Puisque OPD4 n’est actuellement pas disponible aux États-Unis, ces résultats sont de grand
intérêt et fournissent un outil immunologique pour les modèles de macaques. L’expression de
CD45RO chez les macaques est cohérente avec un phénotype mémoire et sa distribution est
257
similaire mais non identique à celle des humains. CD45RO est exprimé majoritairement sur
les cellules T helper à la fois chez l’homme et le macaque. Les cellules CD45RO+ de macaque
expriment fortement les marqueurs CD95 et CCR5, qui sont sur-exprimés sur les cellules
mémoires, CCR5 étant en particulier associé aux tissus intestinaux. Chez les macaques, les
cellules mémoires ont été subdivisées en sous-populations sur la base de l’expression de
CD28, CD95 et CCR7, où le phénotype CD95+CCR7-CD28+ définit les cellules T mémoires
transitionnelles (TMT), le phénotype CD95+CCR7-CD28- définit les cellules mémoires
effectrices (TME), et le phénotype CD95+CCR7+CD28+ les cellules T mémoires centrales
(TMC) (Eastwood et al., 2010). Dans le sang périphérique et les intestins, la majorité des
cellules CD45RO+ expriment à la fois CD28 et CD95, et sont donc soit TMC soit TMT.
CCR7 est exprimé en grande majorité par les cellules CD45RO+, ce qui suggère que la plupart
de celles-ci sont des TMC. Cependant, un nombre non négligeable de cellules CD45RO+ sont
CD95+CD28-, indiquant qu’au moins quelques cellules CD45RO+ sont de phénotype TME, en
particulier dans l’intestin. De plus, quelques populations de cellules CD45RA+ ou CD45ROexpriment CD95. Il apparaît donc que CD45RO définit un ensemble de cellules mémoires qui
recouvre tout en étant différent celles définies par CD95, CD28 et CCR7. En comparaison aux
nœuds lymphatiques et au sang périphérique, la proportion de cellules CD45RO+ chez le
macaque est augmentée dans le GALT, où un plus grand nombre de cellules T ayant été
stimulées par un antigène est attendu. Tout comme chez l’homme, CD45RO est exprimé sur
les thymocytes de macaque sans y être associé à un phénotype mémoire, mais contrairement
aux humains la détection de CD45RO n’est confinée qu’aux cellules T (Valentine et al.,
2013).
Ainsi chez les macaques, il est admis que la séparation des cellules T naïves et
mémoires se fait à l’aide des marqueurs CD95 et CD28. La combinaison de ces marqueurs à
permis de définir les populations de cellules T naïves CD95-CD28+, de cellules T mémoires
centrales CD95+CD28+ et de cellules T mémoires effectrices CD95+CD28-. Plus récemment
les cellules T mémoires ont pu être divisées en trois sous-populations en ajoutant CCR7 à la
combinaison des marqueurs CD95 et CD28 : les cellules T mémoires transitionnelles (TMT)
CD95+CCR7-CD28+, les cellules T mémoires effectrices (TME) CD95+CCR7-CD28-, et les
cellules T mémoires centrales (TMC) CD95+CCR7+CD28+. Enfin, l’utilisation de la réaction
croisée d’anticorps humains OPD4 et UCHL1 peut être envisagée pour la détection de
CD45RO, marqueur des cellules T mémoires, mais est sujet à de grandes variations interspécifiques et inter-individuelles parmi les macaques.
258
III. Application à la lignée B
3.1 Origine et maturation des lymphocytes B
Les LB sont trouvés à travers le corps dans plusieurs organes lymphoïdes comme la
rate, les nœuds lymphatiques, les amygdales, les plaques de Peyer, les poumons et la cavité
péritonéale, aussi bien que dans le sang (Bondada et al., 2013). Tout comme pour les LT, le
développement des LB fait appel à des mécanismes complexes permettant aux cellules en
développement de franchir des stades de maturation particuliers.
On rappelle que les LB, comme l'ensemble des lymphocytes, et même cellules
sanguines, proviennent des cellules souches hématopoïétiques (CSH) présentes dans la moelle
osseuse. Ces CSH, capables d'auto-renouvellement, se divisent asymétriquement pour donner
naissance notamment aux progéniteurs lymphoïdes communs PLC, à l'origine des cellules de
la lignée lymphoïde : cellules B, T et NK (Abbas et al., 2012). Chez la souris, les précurseurs
B peuvent être trouvés dans le foie fœtal au 12ème jour du développement embryonnaire et
dans les îlots sanguins un peu plus tôt (Bondada et al., 2013).
Bien que l'ensemble du développement B est globalement très similaire au
développement T, il existe quelques différences notables, à commencer par le fait que
contrairement aux progéniteurs T migrant vers le thymus pour la suite du développement, les
précurseurs B restent dans la moelle osseuse où l'essentiel de leur développement a lieu. Ce
tissu, ainsi que le foie durant la vie fœtale, fournit un micro-environnement adapté à la survie
des cellules souches ainsi qu'au développement B grâce aux différents types cellulaires,
notamment les cellules stromales, qui y résident (Abbas et al., 2012). Le passage de la
production du foie fœtal vers la moelle osseuse se produit durant la deuxième moitié de la vie
fœtale et s'achève juste avant la naissance. Les cellules B continuent à être produites dans la
moelle osseuse tout au long de la vie de l'individu, bien qu'à des taux plus faibles avec l'âge
(Rich, 2008).
3.1.1 Les lymphocytes B suivent le même fil conducteur de
développement que les lymphocytes T
Le développement des LB suit les mêmes étapes principales que celles du
développement T, à savoir :
- l'engagement des cellules progénitrices au lignage B,
- la prolifération des progéniteurs et des cellules engagées immatures à un stade de
développement précoce spécifique, fournissant un grand réservoir de cellules pouvant
générer des lymphocytes utiles,
- le réarrangement séquentiel et ordonné des gènes codant pour le récepteur antigénique
et l'expression des protéines constituant le récepteur antigénique,
- des événements de sélection préservant l'organisme à la fois des cellules n'ayant pas
produit de récepteur antigénique productif et des cellules potentiellement dangereuses
dont le récepteur antigénique reconnait trop fortement les auto-antigènes ;
259
-
la différenciation des cellules B en sous-populations de fonctions et de phénotypes
distincts. Les cellules B se développent en cellules B folliculaires, cellules B de la
zone marginale (cellules B MZ) et cellules B B-1 (Abbas et al., 2012).
3.1.2 L'engagement au lignage B
Comme mentionné précédemment, le développement des cellules B prend
majoritairement place dans la moelle osseuse, et avant la naissance, dans le foie fœtal. Les
cellules souches dérivées du foie fœtal donnent naissance majoritairement à un type de
cellules B appelées cellules B-1, tandis que les CSH dérivées de la moelle osseuse donnent
naissance à la majorité des cellules B circulantes (les cellules B folliculaires). Malgré leurs
localisations anatomiques différentes, les événements précoces de maturation des
lymphocytes B et T sont fondamentalement similaires.
L'engagement au lignage B, d'une manière similaire à l'engagement au lignage T,
dépend d'instructions reçues à partir de différents récepteurs de surface cellulaire, à l'origine
d'une signalisation permettant l'induction des régulateurs spécifiques de transcription qui
dirigent un PLC vers un devenir B. Dans le cas des cellules B en développement, le locus de
chaine lourde d'immunoglobuline, à la base dans une configuration de chromatine « fermée »,
est ouvert si bien qu'il devient accessible aux protéines qui vont relayer le réarrangement et
l'expression des gènes de récepteur antigénique.
Concernant les facteurs de transcription rentrant en jeu dans l'engagement au lignage
B, on notera l'importance d'EBF (early B-cell factor) et d'E2A, qui contribuent à l'induction
d'un autre facteur de transcription appelé Pax-5, ces trois protéines collaborant pour induire le
processus d'engagement au lignage B en facilitant l'expression d'un certain nombre de gènes
(Abbas et al., 2012). Le locus E2A code pour deux facteurs de transcription représentant des
produits issus de l'épissage alternatif, E12 et E47. Les cibles pour E2A incluent RAG-1 et
TdT, l'enzyme responsable des N-additions. Les fonctions d'E12 et d'E47 se chevauchent.
Cependant, E47 semble jouer un plus grand rôle en dirigeant TdT et RAG-1, tandis qu'E12 est
un meilleur activateur pour EBF et Pax-5, et aide ainsi à l'engagement des cellules dans le
lignage B. Chez les souris présentant des défauts dans le gène E2A, le développement B est
stoppé à un stade extrêmement précoce, avant la première transcription de RAG-1. L'EBF, ou
facteur de cellule B précoce, est un facteur de transcription hélice-boucle-hélice. EBF est
exprimé à tous les niveaux de différenciation à l'exception des plasmocytes, et il a été montré
comme étant critique dans la progression des cellules B après le stade pro-B chez la souris. Le
blocage provoqué dans le développement B est similaire à celui observé chez les mutants E2A
suggérant que ces facteurs de transcription agissent en coopération et régulent un même
groupement de gènes. Pax-5 est un facteur de transcription qui, parmi la descendance des
CSH, est exprimé exclusivement dans les cellules du lignage B. Pax-5 a un effet à la fois
positif et négatif sur la différenciation B. Chez la souris, les précurseurs B requièrent Pax-5
dans le but de progresser au-delà du stade pro-B. La présence de Pax-5 prévient également les
progéniteurs B précoces d'un transit dans une autre voie hématopoïétique, incluant celles
menant au développement des granulocytes, cellules dendritiques, macrophages, ostéoclastes,
cellules NK et cellules T (Rich, 2008).
260
Les facteurs de transcription PU.1 (PU-box binding factor 1), Ikaros et ID-1
participent également à l'engagement dans la lignée B. PU.1 est un facteur de transcription de
la famille ETS (E26 transformation-specific). Les protéines ETS contiennent une structure qui
fixe les séquences d'ADN riches en purines. PU.1 semble réguler un nombre de gènes
lymphoïdes spécifiques, incluant le CD79a (Igα), la chaine J, la chaine μ, les chaines κ et λ,
RAG1, et la TdT.
Les membres de la famille ETS sont de relativement faibles activateurs de
transcription et requièrent la présence d'autres facteurs dans le but d'activer ou de réprimer ces
gènes cibles. PU.1 coopère avec Pip (PU.1 interacting partner). Les souris déficientes en PU.1
montrent une genèse défectueuse de progéniteurs pour les monocytes et les granulocytes aussi
bien que pour les lymphocytes B et T, indiquant un rôle dans la genèse des progéniteurs
multipotents aussi bien que des progéniteurs lymphoïdes multipotents. Les souris déficientes
en Pip présentent une absence de centres germinatifs dans les organes lymphoïdes
périphériques et exhibent des défauts dans l'activation B.
Ikaros et Aiolos appartiennent à la même famille de facteurs de transcription. Les deux
sont exprimés durant le développement lymphoïde, mais Ikaros est exprimé dans les cellules
souches et les lymphocytes matures, tandis que Aiolos est exprimé uniquement après
l'engagement au lignage B. Les transcrits Ikaros sont sujets à un épissage alternatif, générant
plusieurs isoformes, qui diffèrent dans leurs séquences fixant l'ADN, leur tendance à
dimériser, et leurs localisation nucléaire. Parmi les gènes ciblés par Ikaros se trouvent TdT,
λ14.1 (λ5), VpreB, et Lck. Les souris déficientes en Ikaros manquent de cellules B. Les souris
déficientes en Aiolos exhibent des niveaux élevés d'IgG et IgE. Avec l'âge, ces souris tendent
à développer des auto-anticorps et des lymphomes B (Rich, 2008). Par ailleurs, les facteurs de
transcription PU.1 et Ikaros sont nécessaires à l'activation de l'E2A puis de l'EBF (Murphy et
al., 2012).
ID-1 n'a pas de domaine fixant l'ADN. Ainsi, il peut fonctionner comme un facteur
négatif dominant, inhibant la fonction des facteurs de transcription hélice-boucle-hélice,
comme l'E2A. ID-1 est exprimé uniquement dans les cellules pro-B. Les souris transgéniques
pour ID-1 ont un phénotype très similaire aux souris KO E2A, suggérant qu'ID-1 puisse
réguler la fonction d'E2A (Rich, 2008).
Le développement précoce des cellules B, comme celui des cellules T, est caractérisé
par la prolifération des progéniteurs engagés en réponse à des cytokines. Chez les rongeurs,
l'IL-7 dirige à la fois la prolifération des progéniteurs T et B, contrairement à l'homme chez
qui elle n'a pas d'effet prouvé sur le développement B. L'IL-7 est produite par les cellules
stromales dans la moelle osseuse. On rappelle que les mutations ciblées du gène IL-7 ou du
récepteur à l'IL-7 chez la souris conduisent à une maturation défectueuse des précurseurs de
lymphocytes au-delà des stades les plus précoces et, par conséquent, à de profondes
déficiences en cellules T et B matures. L'activité proliférative dans le développement
lymphocytaire précoce, dirigé principalement par l'IL-7, cesse juste avant que le
réarrangement des gènes codant pour les chaines du récepteur antigénique s'achève, et la
prolifération ultérieure ne concernera que les cellules dont les réarrangements ont été
productifs et exprimant la première chaine du récepteur antigénique. Une fois cette chaine
produite, elle formera le pré-BCR qui permettra à la cellule de recevoir des signaux de survie,
de proliférer, et de se différencier (Abbas et al., 2012).
261
3.1.3 Les stades de développement des lymphocytes B
Durant leur maturation, les cellules du lignage B traversent différents stades,
caractérisés par des marqueurs de surface cellulaire particuliers et une expression
différentielle des gènes codant pour l'immunoglobuline (figure 52).
Figure 52 : Stades de maturation des cellules B. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
Un BCR intact et fonctionnel, consistant en une immunoglobuline liée à la membrane
associée aux co-récepteurs Igα et Igβ ainsi qu'à des composants de transduction secondaires,
doit être exprimé afin de permettre la survie de la cellule B en développement. La
composition du BCR est sujette à une intense sélection. Dans les organes lymphoïdes
primaires (moelle osseuse et foie fœtal), les BCR auto-réactifs ainsi que les BCR nonfonctionnels peuvent être supprimés par modification de la composition du récepteur (édition
du récepteur), suite à l'induction de l'anergie cellulaire ou à l'apoptose de la cellule hôte. Les
survivants à ce processus initial de sélection sont relâchés dans le sang et migrent vers la rate,
les noeuds lymphatiques, et les autres tissus et organes lymphoïdes secondaires où la sélection
continue.
La différenciation B est communément présentée comme un processus linéaire défini
par l'expression régulée de facteurs de transcription spécifiques, d'immunoglobulines, et de
molécules de surface cellulaire. Étant donné le rôle central du BCR, les étapes initiales de
développement sont classiquement définies par le statut des loci d'immunoglobuline se
réarrangeant. Avec le développement des AcM, l'analyse des marqueurs de surface cellulaire
comme CD10, CD19, CD20, CD21, CD24, CD34, et CD38 a facilité la définition des stades
précoces et tardifs de développement, spécialement dans ces cas où l'immunoglobuline ne
peut être utilisée pour distinguer les types cellulaires. Parmi eux, le CD19, une molécule de
262
transduction qui est exprimée au cours du développement B jusqu'au stade de plasmocyte
mature exclus, détient une mention spéciale en tant que meilleur marqueur clinique pour
l'identité B. En pratique, le développement B est plus complexe que le simple processus
linéaire présenté en figure 53. Par exemple, les cellules pro-B dérivent d'un PLC, mais
peuvent également se développer à partir d'un précurseur bipotent B/macrophage (Rich,
2008).
Figure 53 : Modèle de différenciation des cellules B. Tiré de Rich (2008).
3.1.3.1 Les stades pro-B et pré-B
La cellule la plus précoce de la moelle osseuse engagée dans le lignage B est appelée
la cellule pro-B. La cellule pro-B ne produit pas d'immunoglobuline, mais elle peut être
distinguée des autres cellules immatures par l'expression de molécules de surface restreintes
au lignage B comme le CD19 et le CD10 (Abbas et al., 2012). Elle est également caractérisée
par l'expression de la leucosialine (CD43) et du B220, la forme B spécifique de l'antigène
leucocytaire commun obtenue après épissage alternatif, CD45 (Bondada et al., 2013).
Des études in vitro ont montré que la combinaison du SCF avec l'IL-6, l'IL-11 et le GCSF (granulocyte colony-stimulating factor) pourrait intervenir dans le développement des
progéniteurs B précoces. De plus, la différenciation des cellules pro-B fœtales fait appel au
ligand FLK (fetal liver kinase)-2 codé par le gène flt3. FLT (Fms-like tyrosine kinase)-3/FLK2 est un récepteur tyrosine kinase appartenant à la même famille que le c-FMS (colonystimulating factor-1 receptor), le récepteur du CSF-1. Le ligand FLT-3, qui est homologue au
CSF-1, est un co-stimulateur potentiel des cellules pro-B précoces. Chez la souris, la mutation
ciblée de flt3 conduit à une déficience sélective des progéniteurs B primitifs (Rich, 2008).
Les facteurs de transcription E2A et EBF dans la cellule pro-B précoce induisent
l'expression de plusieurs protéines clés permettant le réarrangement de certains gènes dont les
composants RAG-1 et RAG-2 de la V(D)J recombinase. Ainsi, E2A et EBF permettent
l'initiation de la recombinaison V(D)J au locus de chaine lourde et l'expression d'une chaine
263
lourde. En l'absence d'E2A ou d'EBF, même la phase la plus précoce du développement de la
lignée B, c'est-à-dire la liaison DH à JH, ne se produit pas (Murphy et al., 2012).
La recombinaison de chaine lourde d'immunoglobuline implique l'abouchement d'un
segment D à un J, avec une délétion de l'ADN intermédiaire (figure 54, A). Les segments D
positionnés en 5' des segments D réarrangés et les segments J positionnés en 3' des segments J
réarrangés ne sont pas affectés par cette recombinaison. Après la recombinaison D-J, l'un des
nombreux gènes V en 5' est joint à l'unité DJ, donnant naissance à un exon VDJ réarrangé. À
ce stade, tous les segments V et D entre les segments V et D utilisés sont également délétés.
La recombinaison V à DJ au locus de chaine lourde d'immunoglobuline se produit seulement
dans les précurseurs des LB engagés et est un événement critique dans l'expression de
l'immunoglobuline car seul le gène V réarrangé est transcrit ultérieurement.
Figure 54 : Recombinaison et expression des gènes de chaine lourde et légère
d'immunoglobuline. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
264
L'enzyme TdT, qui catalyse les additions de N-nucléotides aux jonctions, est exprimée
plus abondamment durant le stade pro-B lorsque la recombinaison VDJ a lieu au locus de
chaine lourde et les niveaux de TdT régressent avant que la recombinaison VJ des gènes de
chaine légère soit complète. Ainsi, la diversité jonctionnelle attribuée à l'addition des Nnucléotides est plus importante dans les gènes de chaine lourde réarrangés que dans les gènes
de chaine légère. Les exons de la région C de chaine lourde restent séparés des complexes
VDJ par l'ADN contenant les segments J distaux et l'intron J-C. Le gène de chaine lourde
réarrangé est transcrit pour produire un transcrit primaire qui inclue le complexe VDJ
réarrangé et les exons Cμ. L'ARN nucléaire Cμ est clivé en aval de l'un des deux sites
consensus de polyadénylation, et une queue poly-A est ajoutée à l'extrémité 3'. Se produit
ensuite le phénomène d'épissage alternatif. Dans le cas de l'ARN μ, les introns entre l'exon
leader et l'exon VDJ, entre l'exon VDJ et le premier exon du locus Cμ, et entre chacun des
exons suivants de région constante Cμ sont éjectés, donnant ainsi naissance à un ARNm épissé
pour la chaine lourde μ, traduit pour former une protéine μ. À peu près la moitié de toutes les
cellules pro-B font des réarrangements productifs au locus de chaine lourde sur au moins un
chromosome et peuvent ainsi synthétiser les protéines de chaine lourde μ. Seules les cellules
qui font des réarrangements productifs survivent et se différencient ultérieurement (Abbas et
al., 2012).
3.1.3.2 Le pré-BCR
La chaine lourde μ nouvellement synthétisée participe à la formation d'un complexe en
association avec des chaines légères de substitution et des protéines de transduction appelées
Igα et Igβ. Ce complexe de protéines est le pré-BCR (Abbas et al., 2012). Les chaines de
substitution sont codées par des gènes non-réarrangés séparés des loci du récepteur
antigénique, et leur expression est induite par E2A et EBF (Murphy et al., 2012). Il s'agit des
protéines λ5 et V pré-B, appelées ainsi de par leur homologie structurelle forte avec les
chaines légères κ et λ, mais elles sont invariantes (elles sont identiques dans tous les préBCR) et sont synthétisées seulement dans les cellules pro-B et pré-B. Les protéines Igα et Igβ
font quant à elle également partie intégrante du BCR des cellules B matures. Des signaux
provenant du pré-BCR dirigent la transition du stade pro-B au stade pré-B et sont à l'origine
de la plus grande expansion proliférative des cellules du lignage B dans la moelle osseuse.
Les types de molécules reconnues par le pré-BCR sont encore inconnus ; le consensus actuel
est que ce récepteur fonctionne de manière indépendante au ligand et qu'il est activé par le
processus d'assemblage (le récepteur complètement assemblé est en mode « on »).
L'importance des pré-BCR est illustrée par des études de souris KO et de rares cas de
déficiences humaines en ces récepteurs. Par exemple, chez la souris, la répression du gène
codant pour la chaine μ ou l'une des chaines légères de substitution résulte en un nombre
réduit de cellules B matures car le développement est bloqué au stade pro-B (Abbas et al.,
2012).
L'expression du pré-BCR est le premier point de contrôle dans la maturation B. De
nombreuses molécules de signalisation associées à la fois au pré-BCR et au BCR sont
requises par les cellules pour négocier avec succès ce point de contrôle. Une kinase appelée la
tyrosine kinase de Bruton (Btk) est activée en aval du pré-BCR et est nécessaire à la
265
délivrance de signaux, par ce récepteur, permettant la survie, la prolifération et la maturation
au stade pré-B et ultérieurement. Chez l'homme, des mutations dans le gène Btk provoquent la
maladie appelée agammaglobulinémie liée à l'X (XLA), qui est caractérisée par un échec de la
maturation B. Chez la souris, des mutations sur le gène Btk conduisent à un déficit moins
sévère des cellules B appelé immunodéficience liée à l'X (Xid), car les cellules pré-B murines
expriment une seconde kinase Btk-like appelée Tec qui compense la Btk déficiente.
Le pré-BCR régule les réarrangements futurs des gènes d'immunoglobuline de deux
façons. Premièrement, si une protéine μ est produite à partir du locus de chaine lourde
recombiné sur un chromosome et forme un pré-BCR, ce récepteur émet un signal qui inhibe
irréversiblement le réarrangement du locus de chaine lourde sur l'autre chromosome. Si le
premier réarrangement est non productif, l'allèle de chaine lourde sur l'autre chromosome peut
compléter un réarrangement VDJ. Ainsi, dans chaque clone de cellule B, un allèle de chaine
lourde est réarrangé et exprimé avec succès, et l'autre est soit retenu dans la configuration
germinale soit réarrangé sans succès. Par conséquent, une cellule B individuelle peut exprimer
des protéines de chaine lourde codées par seulement l'un des deux allèles hérités. Il s'agit du
phénomène d'exclusion allélique, déjà mentionné pour le développement T, et ceci assure que
chaque cellule B exprimera un seul récepteur, maintenant ainsi la spécificité clonale. Si les
deux allèles subissent un réarrangement de chaine lourde non-productif, la cellule en
développement ne peut produire des chaines lourdes d'immunoglobuline, ne peut donc
générer un signal de survie provenant du pré-BCR, et ainsi subit la mort cellulaire
programmée. L'exclusion allélique de chaine lourde d'immunoglobuline implique des
changements dans la structure de la chromatine au locus de chaine lourde qui limitent
l'accessibilité à la recombinase V(D)J. Le second moyen par lequel le pré-BCR régule la
production du récepteur antigénique est en stimulant le réarrangement de chaine légère κ.
Cependant, l'expression de la chaine μ n'est pas absolument nécessaire pour que la
recombinaison du gène de chaine légère débute, ce qui a été mis en évidence par la découverte
du fait que les souris KO pour le gène μ initient les réarrangements de chaine légère dans
quelques cellules B en développement (qui bien sûr ne peuvent exprimer des récepteurs
antigéniques fonctionnels et procéder à la maturation). Le pré-BCR contribue également à
l'inactivation de l'expression des gènes de chaines légères de substitution (Abbas et al., 2012).
3.1.3.3 Les cellules B immatures
Après le stade pré-B, chaque cellule B en développement réarrange initialement le
gène de chaine légère κ et, si le réarrangement est dans les normes, produira une protéine de
chaine légère κ qui s'associe avec la chaine μ préalablement synthétisée pour produire une
protéine complète d'IgM. Si le locus κ n'est pas réarrangé correctement, la cellule peut
réarranger le locus λ et à nouveau produire une molécule complète d'IgM (l'induction du
réarrangement du gène de chaine légère λ se produit majoritairement lorsque les BCR κ sont
auto-réactifs). La cellule B exprimant l'IgM est appelée cellule B immature (Abbas et al.,
2012).
Des études ont montré des effets pléiotropes de l'IL-4 dans la transition entre le stade
pré-B et le stade immature, de faibles doses d'IL-4 induisant une différenciation des cellules
266
pré-B en cellules produisant une IgM, tandis que de fortes doses inhiberaient la
différenciation en cellules B immatures (Rich, 2008).
La recombinaison dans le locus de chaine légère κ se produit d'une manière similaire
au locus de chaine lourde d'immunoglobuline (figure 54 ci-dessus, B). Il n'y a pas de segment
D dans les loci de chaine légère, ainsi la recombinaison implique seulement la jonction d'un
segment V à un segment J, formant un exon VJ. Cet exon VJ reste séparé de la région C par
un intron, et cette séparation est maintenue dans le transcrit primaire d'ARN. L'épissage
alternatif du transcrit primaire résulte dans l'excision de l'intron entre les exons VJ et C et
génère un ARNm qui est traduit pour produire la protéine κ ou λ. Au locus λ, l'épissage
alternatif peut mener à l'utilisation de chacun des 4 exons Cλ disponibles, mais il n'y a pas de
différence fonctionnelle connue entre les types de chaines légères λ obtenues. La production
d'une protéine κ empêche le réarrangement λ, et, comme dit précédemment, le réarrangement
λ se produit seulement si le réarrangement κ était improductif ou si une chaine légère κ
réarrangée auto-réactive est délétée. Au final, un clone individuel de cellule B peut exprimer
seulement l'un des deux types de chaines légères ; ce phénomène est appelé exclusion
isotypique de chaine légère (Abbas et al., 2012). Chez la souris et l'homme, le locus de chaine
légère κ tend à se réarranger avant le locus λ. Cela a été d'abord déduit de l'observation que
les cellules de myélome sécrétant des chaines légères λ ont généralement à la fois leurs gènes
κ et λ réarrangés, tandis que dans les myélomes sécrétant des chaines légères κ, seuls les
gènes κ sont généralement réarrangés. Cet ordre est cependant parfois renversé, et le
réarrangement du gène λ ne requiert pas absolument le réarrangement préliminaire des gènes
κ. Le rapport de cellules B matures exprimant la chaine légère κ sur celles exprimant la chaine
légère λ varie d'un extrême à l'autre selon les espèces. Chez la souris et le rat, ce rapport est de
95 % : 5 % , chez l'homme il est de 65 % : 35 %, et de 5 % : 95 % chez le chat à l'opposé de la
souris. Ces rapports sont très fortement corrélés avec le nombre de segments Vκ et Vλ
fonctionnels dans le génome de ces espèces. Ils reflètent également les cinétiques et
l'efficacité des réarrangements. Le rapport κ : λ dans les populations de lymphocytes matures
est utile dans les diagnostics cliniques, car un rapport κ : λ aberrant indique la dominance d'un
clone et la présence d'un désordre lymphoprolifératif, pouvant être malin (Murphy et al.,
2012).
Comme pour le locus de chaine lourde, les chaines légères sont sujettes à l'exclusion
allélique. Comme pour les chaines lourdes également, si les deux allèles des deux chaines
légères κ et λ sont non-fonctionnels dans une cellule B en développement, celle-ci ne recevra
pas de signaux de survie (normalement générés par le BCR) et mourra.
Les molécules d'IgM assemblées sont exprimées à la surface cellulaire en association
avec les Igα et Igβ pour former le BCR. Dans les cellules qui ne sont pas fortement autoréactives, le BCR fournit des signaux toniques indépendants des ligands. Ces signaux les
maintiennent en vie et induisent également l'arrêt de l'expression du gène Rag, empêchant
ainsi les réarrangements ultérieurs. Les cellules B immatures ne prolifèrent ni ne se
différencient en réponse aux antigènes. En fait, si elles reconnaissent avec une forte affinité
des antigènes dans la moelle osseuse, ce qui pourrait se produire si les cellules B exprimaient
des récepteurs pour des auto-antigènes multivalents présents dans la moelle osseuse, les
cellules B subissent l'édition du récepteur ou la mort cellulaire. Ces processus sont importants
pour la sélection négative des cellules B fortement auto-réactives (Abbas et al., 2012).
267
Les cellules B immatures qui ne sont pas fortement auto-réactives perdent l'expression de
CXCR4, le récepteur de la chémokine CXCL12 les retenant au sein de la moelle osseuse, et
quittent celle-ci par le sinus central puis complètent leur maturation dans la rate avant de
migrer vers les autres organes lymphoïdes secondaires (Minges Wols, 2006).
3.1.3.4 Les catégories de cellules B matures
Les différents groupes de cellules B matures et la transition du stade immature au
stade mature naïf est à l'heure actuelle un champ de recherche très actif. Les cellules
immatures quittant la moelle osseuse et migrant vers la rate passent par des stades
transitionnels de maturation. Ces cellules transitionnelles ont été décrites il y a quelques
années seulement, et bien que les premières données indiquaient l'existence de deux stades
transitionnels T1 et T2 (Abbas et al., 2012), les études récentes caractérisent au moins trois
stades transitionnels (T1 à T3) distinguables phénotypiquement (Bondada et al., 2013).
Après avoir traversé ces stades immatures transitionnels, la cellule B devient une
cellule B mature, au sein de la rate. Il existe différentes catégories de cellules B matures :
- les cellules B folliculaires, représentant la majorité des cellules B,
- les cellules B MZ, qui avec les cellules B folliculaires forment le groupe des cellules B
B-2,
- les cellules B B-1, séparées en deux catégories B-1a et B-1b.
Les connaissances actuelles sont encore floues concernant la provenance de chacune de ces
catégories, les processus d'engagement à l'un ou l'autre des groupes de cellules B matures, et
les données de la littérature divergent. Il apparait néanmoins que les CSH dérivées du foie
fœtal seraient les précurseurs des cellules B B-1, tandis que les cellules B de la moelle osseuse
donneraient préférentiellement naissance aux cellules B B-2 (figure 55) (Abbas et al., 2012).
Plus précisément, le développement cellulaire B était sujet à controverses, l'une des deux
visions étant qu'il existe des lignages hématopoïétiques distincts dérivés de progéniteurs
distincts, tandis que l'autre serait que le développement des cellules B-1 soit lié à celui des
cellules B-2. Le modèle de lignage a évolué grâce à des études de transplantation ayant
montré que les progéniteurs des tissus fœtaux et du nouveau-né génèrent efficacement les
cellules B-1, alors que la capacité de la moelle osseuse adulte à les générer est moindre. Ces
observations suggèrent l'existence d'un progéniteur B-1 distinct qui est produit d'abord dans le
fœtus. Ceci a été confirmé avec l'identification par le laboratoire médical de l'université de
Californie à Los Angeles d'un progéniteur B-1 spécifique. Une étude récente a démontré que
les CSH de moelle osseuse adulte, les PLP (progéniteurs lymphoïdes précoces) et les PLC
pouvaient générer des progéniteurs B-1, mais que les cellules pro-B ne le pouvaient pas.
Puisque les CSH, PLP et PLC peuvent également générer des cellules B-2, ces observations
suggèrent que les programmes de développement B-1 et B-2 sont liés jusqu'au stade de PLC.
Un essai a été développé dans lequel des clones identiques d'un même PLC étaient placés
dans des conditions permettant le développement des progéniteurs B-1 et B-2, et il a été
observé qu'un PLC donne soit des progéniteurs B-1, soit B-2 mais pas les deux, indiquant que
les décisions du sort cellulaire B-1 ou B-2 sont prises avant le stade de PLC. Le nombre de
PLC B1-spécifiques est réduit chez l'adulte.
268
Des études similaires sur le stade de PLP indiquent qu'ils peuvent générer des progéniteurs
B-1 et B-2 mais l'analyse de plus de 1000 PLP révèle qu'ils génèrent préférentiellement des
progéniteurs B-2 (sans prendre en compte leur provenance de nouveau-né ou adulte). Ceci
suggère que les PLP ne seraient pas le principal intermédiaire à partir duquel la majorité des
cellules B-1 dérive, et que la plupart des progéniteurs B-1 serait la descendance de
précurseurs plus primitifs encore comme les progéniteurs multipotents (Barber et al., 2011).
Figure 55 : Les catégories de lymphocytes B. Adapté d'après Abbas et al. (2012).
Ce modèle de lignage pourrait ne pas être l'unique ligne conductrice du développement
B. En effet, l'étude de souris transgéniques exprimant les chaines lourdes et légères
d'immunoglobuline habituellement utilisées par les cellules B-1 a démontré que les cellules B1 étaient préférentiellement générées, menant à la conclusion que la sélection antigénique au
stade de l'expression de l'immunoglobuline de surface détermine si une cellule B va adopter
un devenir B-1. De plus, il a été récemment rapporté que les cellules B-2 pouvaient acquérir
les caractéristiques des cellules B-1. Ceci constitue le modèle de « sélection ». Sans remettre
en cause le modèle de lignage, soutenu par la découverte d'une population de cellules lignage
négatives Lin-CD93(AA4.1)+CD45R-/lowCD19+ présentes en grand nombre dans le foie fœtal
et atteignant un pic en nombre à 17 jours de gestation puis déclinant en fréquence et en
nombre dans les semaines après la naissance, le modèle de sélection pourrait se superposer au
modèle de lignage dans un schéma unique. Ces cellules Lin-CD93(AA4.1)+CD45R-/lowCD19+
transplantées in vivo se différencient à la fois en cellules B-1a et B-1b dans la cavité
péritonéale des receveurs. De plus, elles ne génèrent pas de cellules B-2 ou d'autres lignages
hématopoïétiques, montrant qu'il s'agit bien d'un progéniteur B-1 distinct. Yoshimoto et al.
ont testé la présence de ces cellules dans la poche vitelline et la splanchnopleure para-aortique
de l'embryon de 9-9.5 jours. Bien que ne trouvant que très peu de cellules de ce phénotype, ils
ont montré l'existence d'un progéniteur B-1 apparaissant avant les progéniteurs B-2. L'identité
des précurseurs donnant les cellules B-1 n'est néanmoins pas connue. Puisque les CSH
n'apparaissent pas avant 10.5 jours de gestation, il est intéressant de postuler l'existence d'une
269
vague de développement B-1 pré-CSH. Les progéniteurs B-1 apparaissant plus tard dans la
gestation sont quant à eux probablement dérivés des CSH, en témoigne le pic des cellules LinCD93(AA4.1)+CD45R-/lowCD19+ à 16-17 jours, soit quelques jours après l'apparition des
CSH.
Il a été proposé que les cellules B-1 se développent également à travers des stades
transitionnels . Les cellules transitionnelles B présentes dans la rate durant les deux premières
semaines après la naissance donnent en effet principalement des cellules B-1. Des analyses
ultérieures ont révélé que les cellules B-1 transitionnelles ne sont pas dépendantes de la
signalisation BAFF-R, indiquant que les cellules transitionnelles B-1 et B-2 ne sont pas
régulées de la même manière. La formation des cellules B-1 serait dépendante d'une
signalisation BCR forte et de l'activation de la voie NF-κB classique. Ceci a été démontré par
le fait que les souris ayant des défauts dans l'expression des intégrateurs de signaux NF-κB
tels Btk, Bcl-10, MALT1 (CARMA1) ou encore NF-κB1, présentent une sévère réduction
dans le nombre de cellules B-1 dans la cavité péritonéale. Ces informations indiquent que la
signalisation BCR est déterminante pour le sort B-1. La combinaison des deux modèles de
lignage et de sélection conduit à la formation d'un schéma dans lequel les cellules B-1
immatures dérivées des progéniteurs B-1 spécifiques sont sélectionnées au sein du réservoir
B-1 mature après la liaison d'antigènes spécifiques à leur BCR. La première vague de cellules
démarre dans la poche vitelline et la splanchnopleure para-aortique où des précurseurs dérivés
de cellules non-CSH ayant le potentiel de générer des cellules B-1 apparaissent, tandis qu'une
deuxième vague démarre durant la mi-gestation dans le foie, la moelle osseuse et la rate
fœtaux. Il est probable que la plupart des progéniteurs B-1 émergeant de cette deuxième
vague soient dérivés des CSH. Finalement, lors d'une troisième vague, ayant lieu vers la fin de
la gestation, la production de progéniteurs B-1 décline et le programme de développement B2 devient bien établi (Montecino-Rodriguez et Dorshkind, 2012).
Durant la vie adulte, les cellules B-1 habitent les cavités péritonéales et pleurales et
persistent largement par auto-renouvellement, mais l'animal maintient un réservoir de
progéniteurs engagés au développement B-1 qui peut être mobilisé en cas de stress pour
élargir ou repeupler la population B-1. En effet, le traitement de souris sauvages par 15 µg de
LPS intraveineux enrichit fortement la rate en progéniteurs B-1 3 à 4 jours après stimulation
(Ghosn et al., 2011).
Par ailleurs, bien que le développement de toutes les cellules B requière des
réarrangements successifs et l'expression de chaines lourde et légère fonctionnelles
d'immunoglobuline, il existe des différences clés dans le répertoire d'anticorps exprimé durant
la vie fœtale et adulte. Tandis que l'utilisation des segments VH dans les cellules B spléniques
adultes est stochastique, les cellules B dérivées du foie fœtal utilisent préférentiellement les
segments DH proches des segments VH. De plus, il n'y a pas de N-additions durant la vie
fœtale de par l'absence d'expression de l'enzyme TdT. Ainsi, le répertoire de spécificités des
cellules B-1 est bien moins développé que ne l'est celui des cellules B-2 (Allman et Pillai,
2008).
Les mécanismes à la base de l'engagement au groupe des cellules B folliculaires ou
cellules B MZ restent incertains. Certains auteurs rapportent que l'affinité du BCR pour les
auto-antigènes rentrerait en jeu dans le choix de l'un des deux groupes (Abbas et al., 2012),
les cellules transitionnelles reconnaissant les antigènes avec une affinité suffisamment forte
270
exprimant ainsi Btk et s'engageant en cellule B folliculaire, tandis que celles ne reconnaissant
pas l'antigène avec suffisamment d'affinité pour activer Btk se différencieront en cellules B
MZ (Lee Chang, 2011). En effet, des expériences sur des souris transgéniques pour le locus
de chaine lourde d'immunoglobuline ont montré que les cellules B immatures spécifiques
pour la phosphorylcholine produisaient sélectivement des cellules B MZ. De la même
manière, les cellules B spécifiques pour Thy-1 sont sélectionnées dans le compartiment B-1
des souris normales et au réservoir des cellules B MZ chez les souris déficientes en cellules T.
Puisque la phosphorylcholine est un constituant de la paroi des bactéries encapsulées,
comprenant une fraction significative de la flore intestinale, et que le Thy-1 est clairement un
auto-antigène, ces expériences suggèrent que les cellules B immatures faiblement autoréactives peuvent échapper à la sélection négative et coloniser préférentiellement la MZ
(Allman et Pillai, 2008). D'autres auteurs rapportent que les cellules B MZ ne dérivent pas
directement des cellules transitionnelles mais des cellules B folliculaires (Bondada et al.,
2013).
Mis à part la signalisation BCR, il semblerait que Notch-2 soit un récepteur de surface
requis pour le développement des cellules MZ. En effet, les cellules MZ ne sont pas détectées
chez les mutants Notch2-/- (Allman et Pillai, 2008).
3.1.3.5 Le développement B est modulé par des facteurs comme les
cytokines, chémokines et hormones
Les cellules stromales peuvent influencer le micro-environnement entourant les
précurseurs B à travers les cytokines et chémokines, qui exercent des effets locaux sur le
développement B. Par exemple, CXCL12, qui est également appelé facteur de croissance des
cellules pré-B et facteur dérivé des cellules stromales (PBSF/SCF-1), promeut la prolifération
des cellules pro-B (Rich, 2008). Il est produit abondamment par les cellules stromales de la
moelle osseuse, et l'un de ses rôles semble être de retenir les précurseurs B en développement
au sein du micro-environnement de la moelle (Murphy et al., 2012). Les souris ayant une
mutation ciblée de ce gène exhibent une lymphopoïèse B anormale dans le foie fœtal et la
moelle osseuse, et présentent une absence de myélopoïèse dans la moelle osseuse. Les
mécanismes par lesquels CXCL12 régule le développement précoce B restent flous.
Cependant, la mutation de son récepteur CXCR4 empêche la localisation normale des
plasmocytes dans la moelle osseuse.
L'IL-7 a un effet prolifératif minime sur les progéniteurs B humains et, contrairement à
la souris, n'est pas essentiel pour la différenciation du lignage B. Néanmoins, l'IL-7 augmente
l'expression de CD19. Le traitement avec de l'IL-7 des cellules pro-B humaines conduit
également à une réduction dans l'expression de RAG-1, RAG-2 et TdT et peut ainsi moduler
le processus de réarrangement des segments de gène d'immunoglobuline. Les interférons α et
β sont des inhibiteurs potentiels de la croissance des cellules B murines induite par l'IL-7.
Cette inhibition est médiée par la mort cellulaire induite par apoptose. Une source potentielle
d'IFN-α/-β serait les macrophages de la moelle osseuse. Une autre cytokine dérivée des
macrophages, l'IL-1, peut également agir comme un modulateur positif ou négatif dosedépendant de la lymphopoïèse B.
271
Les hormones systémiques régulent également la lymphopoïèse. Un rôle des stéroïdes
sexuels est suggéré par la réduction des cellules pré-B durant la gestation. L'œstradiol peut
également altérer les stades tardifs du développement B, promouvant l'expansion du
compartiment de la zone marginale. La prolactine augmente la production à la fois des
cellules B folliculaires et marginales. Les souris ayant une mutation perte de fonction du gène
codant pour le facteur de transcription Pit (pituitary-specific transcription factor)-1 ne
produisent pas d'hormones de croissance, de prolactine, de TSH (thyroïd stimulating
hormone). Ces souris naines exhibent un défaut dans le développement B qui est corrigé par
l'hormone thyroïdienne, la thyroxine (Rich, 2008).
En plus de ces facteurs moléculaires influençant le développement B, l'existence d'un
rétrocontrôle négatif a été démontrée sur des cultures de plasmocytes et de cellules pré-B en
présence de cellules stromales de moelle osseuse. En effet, les plasmocytes ont un effet
apoptotique sur ces cellules pré-B. Il y aurait ainsi un maintien complexe de l'homéostasie
pour conserver un nombre de cellules B à peu près constant, et la présence de plasmocytes en
excès inhiberait la production de nouvelles cellules B (Fairfax et al., 2008).
3.1.3.6 La tolérance B
Une fois qu'une chaine légère réarrangée s'est appariée avec une chaine μ, l'IgM peut
être exprimée à la surface cellulaire et la cellule pré-B devient une cellule B immature. À ce
stade, le récepteur antigénique est testé pour son auto-réactivité. L'élimination ou
l'inactivation des cellules B auto-réactives assure que la population B dans son ensemble sera
tolérante aux auto-antigènes. La tolérance produite à ce niveau du développement B est
appelée tolérance centrale car elle apparaît dans un organe lymphoïde central, la moelle
osseuse. Les cellules B auto-réactives qui échappent à ce test et continuent leur maturation
peuvent encore être exclues du répertoire après avoir quitté la moelle osseuse. Il s'agit de la
tolérance périphérique.
Il existe quatre sorts possibles pour les cellules B immatures auto-réactives, dépendant
de la nature du ligand qu'elles reconnaissent (figure 56). Ces sorts sont :
- la mort cellulaire par apoptose ou délétion clonale,
- la production d'un nouveau récepteur par un processus appelé édition du récepteur,
- l'induction d'un état permanent d'incapacité à répondre, ou anergie, aux antigènes,
- l'apparition d'un état d'ignorance immunologique.
La délétion clonale, ou le retrait des cellules d'une spécificité antigénique particulière du
répertoire, semble prédominer lorsque l'auto-antigène interagissant est multivalent.
Tous les lymphocytes ayant des récepteurs fortement auto-réactifs ne subissent pas la
délétion clonale. Il y a un intervalle avant la mort cellulaire durant lequel la cellule B autoréactive peut être sauvée par d'autres réarrangements qui remplacent le récepteur auto-réactif
par un nouveau récepteur non auto-réactif. Ce mécanisme est appelé édition du récepteur
(figure 57). Quand une cellule B immature produit son IgM de surface, les protéines RAG
sont toujours exprimées. Si le récepteur n'est pas auto-réactif, l'absence de liaison de l'IgM de
surface permet d'interrompre les réarrangements et le développement B se poursuit, avec une
disparition des protéines RAG. Si le récepteur est auto-réactif, cependant, une rencontre avec
l'auto-antigène résulte en une forte liaison de l'IgM de surface, l'expression de RAG est
272
maintenue et les réarrangements de chaine légère persistent. Ces réarrangements secondaires
peuvent sauver la cellule B immature auto-réactive en supprimant la chaine légère autoréactive et en la remplaçant par une autre séquence.
Figure 56 : La fixation de molécules du soi dans la moelle osseuse peut mener à la mort
ou à l'inactivation des cellules B immatures. Adapté d'après Murphy et al. (2012).
Si la nouvelle chaine n'est pas auto-réactive, la cellule B continue son développement
normal. Si le récepteur reste auto-réactif, les réarrangements continuent jusqu'à ce qu'un
récepteur non-autoréactif soit produit ou que les segments V et J de chaine légère soient
épuisés. Les cellules restant auto-réactives subissent l'apoptose. On ne sait pas réellement si
l'édition du récepteur est possible au locus de chaine lourde. Il n'y a pas de segments D
disponibles sur un locus de chaine lourde réarrangé, donc un nouveau réarrangement ne peut
pas se produire par le mécanisme normal et remplacer le préexistant. Plutôt, un processus de
remplacement de VH pourrait être utilisé, avec un déplacement du segment VH auto-réactif
pour qu'un autre segment V puisse prendre sa place. Ceci a été observé dans certaines tumeurs
à cellules B, mais il n'est pas certain que cela se produise au cours du développement B
normal en réponse à des signaux provenant de récepteurs B auto-réactifs.
Les cellules B immatures qui créent de plus faibles liaisons avec des auto-antigènes de
plus faible valence, tels que les petites protéines solubles, répondent différemment. Dans cette
situation, les cellules B auto-réactives tendent à être inactivées et entrent dans un état
permanent d'incapacité à répondre, ou anergie, mais ne meurent pas immédiatement. Les
cellules B anergiques ne peuvent pas être activées par leur antigène spécifique.
La migration des cellules B anergiques au sein des organes lymphoïdes périphériques
est réduite, et leur durée de vie ainsi que leur capacité à concurrencer les cellules B
immunocompétentes sont compromises. Dans des circonstances normales, dans lesquelles les
273
cellules B liant des auto-antigènes solubles sont rares, les cellules B auto-réactives anergiques
sont emprisonnées dans les zones T des tissus lymphoïdes périphériques et sont exclues des
follicules lymphoïdes.
Figure 57 : Le remplacement des chaines légères par édition du récepteur peut sauver
quelques cellules auto-réactives en changeant leur spécificité antigénique. Adapté d'après
Murphy et al. (2012).
Les cellules B anergiques ne peuvent être activées par les cellules T, car toutes les
cellules T sont tolérantes aux antigènes solubles. Elles meurent plutôt relativement vite,
sûrement car elles ne reçoivent aucun signal de survie de la part des cellules T, assurant que le
réservoir de cellules B périphériques est purgé de cellules potentiellement auto-réactives.
Le quatrième devenir potentiel des cellules B immatures autoréactives est que rien ne se
passe. Elles restent dans un état d'ignorance immunologique vis-à-vis de leur auto-antigène.
Les cellules ignorantes sont affines pour un auto-antigène, mais pour diverses raisons, ne le
détectent pas et n'y répondent pas. L'antigène pourrait ne pas être accessible aux cellules B en
274
développement dans la moelle osseuse ou la rate, ou peut-être en faible concentration, ou bien
il pourrait se fixer si faiblement aux récepteurs B qu'il ne générerait pas de signal actif. Parce
que quelques cellules ignorantes peuvent être activées sous certaines circonstances comme
l'inflammation, ou quand l'auto-antigène devient disponible ou atteint une concentration
inhabituellement haute, elles ne devraient pas être considérées comme inertes.
Le fait que la tolérance centrale ne soit pas parfaite et que quelques cellules B autoréactives mûrissent reflète l'équilibre très fin que le système immunitaire atteint entre
l'élimination de toute l'auto-réactivité et le maintien de la capacité à répondre aux pathogènes.
Si l'élimination des cellules auto-réactives était trop efficace, le répertoire de récepteurs
pourrait devenir trop limité et ainsi incapable de reconnaître une grande variété de
pathogènes. Quelques maladies autoimmunes sont le prix à payer dans cet équilibre : des
lymphocytes auto-réactifs ignorants peuvent être activés et causer des maladies dans certaines
circonstances. Néanmoins, les cellules B ignorantes sont gardées sous contrôle par quelques
cellules Th, par la continuelle inaccessibilité des auto-antigènes, ou par la tolérance pouvant
être induite chez les cellules B matures (Murphy et al., 2012).
La caractérisation récente des cellules B transitionnelles en périphérie a conduit à
l'hypothèse de leur participation dans la tolérance périphérique. Il y a des différences
fonctionnelles clés dans leur réponse à une stimulation antigénique. Les cellules B matures
subissent une expansion clonale en réponse à l'antigène en augmentant les niveaux
intracellulaires de calcium et l'hydrolyse du phosphatidylinositol-4,5-biphosphate (PiP2),
tandis que les cellules B immatures augmentent les niveaux de calcium en l'absence
d'hydrolyse de PiP2 et subissent la mort cellulaire par apoptose (Bondada et al., 2013).
Les cellules B T1, localisées dans les manchons lymphoïdes périartériolaires de la rate,
subissent l'apoptose (sélection négative) plutôt que l'édition du BCR ou l'anergie, afin de
réduire le nombre de clones auto-réactifs, tandis que les cellules B T2, localisées dans les
follicules, subissent la prolifération (sélection positive).
Des facteurs autres que l'antigène ont un rôle dans la progression des cellules B
transitionnelles. Ceci a été prouvé par la découverte de membres nouvellement identifiés de la
famille des TNF et de cytokines appelées facteurs B appartenant à la famille des TNF
(BAFF). La délétion du gène BAFF ou de son récepteur dans le système murin empêche la
progression des cellules B du stade T1 au stade T2, suggérant que BAFF joue un rôle dans la
sélection positive. Les mécanismes moléculaires responsables de ce blocage ne sont pas
connus, mais, néanmoins, ceci met l'accent sur le rôle des facteurs solubles comme les
cytokines dans le développement B périphérique (Bondada et al., 2013).
3.2 Présentation des catégories de lymphocytes B
Les cellules B périphériques sont divisées en plusieurs sous-populations distinctes
fonctionnellement et phénotypiquement, incluant les cellules B immatures nouvellement
formées (transitionnelles), les cellules B matures folliculaires, les cellules B de la zone
margine (cellules MZ) et les cellules B B-1. Ces catégories diffèrent dans leurs niveaux
d'expression des IgM et IgD de surface. Les cellules B immatures quittent la moelle osseuse et
entrent dans la rate en tant que cellules transitionnelles de type 1 (T1). Les cellules T1
275
murissent en cellules T2 puis T3. Les cellules T3 murissent en cellules B folliculaires, qui
sont désormais prêtes à rencontrer un antigène. Les cellules B transitionnelles forment le lien
crucial entre les cellules B immatures dans la moelle osseuse et les cellules B matures
périphériques (figures 58 et 59) (Bondada et al., 2013).
Figure 58 : Le développement des cellules B folliculaires. Adapté d'après Bondada et al.
(2013).
Figure 59 : Maturation des cellules B périphériques depuis la moelle osseuse. Adapté
d'après Allman (2008).
276
3.2.1 Les catégories de cellules B
Les cellules des différentes catégories varient selon leur localisation, leur capacité à migrer, et
leur probabilité à être activée d'une manière T-dépendante ou indépendante.
3.2.1.1 Les cellules B B-1
Les cellules B-1 représentent une partie mineure des cellules B spléniques mais sont
présentes en grand nombre dans les amygdales et les cavités pleurale et péritonéale. Il existe
deux catégories de cellules B-1 provenant de progéniteurs différents, B-1a et B-1b, définies
selon une expression différentielle de marqueurs de surface cellulaire comparé aux cellules
B-2 (Allman et Pillai, 2008). Les études menées par Eliver Eid Bou Ghosn et al. ont montré
que des CSH particulières tirées de la moelle osseuse adulte et transférées à des patients
irradiés donnaient naissance aux cellules B-2, MZ et B-1b mais ne reconstituaient pas les
cellules B-1a de manière détectable, même 30 jours post-transplantation. Ceci placerait les
cellules B-1a dans un lignage séparé dérivé de CSH rares voire absentes chez l'adulte. En
effet, le défaut sélectif de reconstitution des cellules B-1a ne peut être expliqué par un manque
de soutien du développement B-1a dans l'environnement du receveur adulte, car des études
préalables ont clairement montré que les cellules B-1a sont reconstituées quand les
progéniteurs précoces (foie fœtal, rate et moelle osseuse des nouveau-nés) sont transférés à
des receveurs adultes. D'autres études menées par Dorshkind et al. ont montré que des CSH
de moelle osseuse adulte reconstituaient les cellules B-2 et B-1b et pauvrement les cellules B1a, qui sont au contraire bien reconstituées par les CSH tirées de moelle osseuse néonatale.
Ces découvertes démontrent que l'engagement vers B-1a se produit avant ou durant le
développement des CSH et que la présence de CSH chez l'adulte, dans la moelle osseuse et la
rate, susceptibles de donner des cellules B-1a est très limitée. Ceci sous-tend soit que les CSH
perdent progressivement leur capacité à reconstituer les cellules B-1a avec l'âge, soit que les
CSH adultes n'ont jamais eu cette capacité, c'est-à-dire qu'elles sont différentes des CSH
prédominant durant la vie fœtale et néonatale.
En plus de ces différences dans les phénotypes de surface, les cellules B-1 ont une
morphologie distincte caractérisée en général par une granularité, un cytoplasme et une taille
augmentés par rapport aux cellules B-2. De plus, elles sont caractérisées par leur capacité
d'auto-renouvellement (LeBien et Tedder, 2008). Il est suggéré que les cellules B-1 auraient
besoin de transiter par la rate pour leur auto-renouvellement, mais ceci reste sujet à
controverse (Allman et Pillai, 2008).
De manière plus intéressante, les cellules B dans la rate du nouveau-né sont
majoritairement des cellules B-1, dont la proportion diminue avec l'âge. Cependant, le nombre
de cellules B-1 tend à augmenter chez les très vieux animaux d'une manière idiosyncratique
du fait que les cellules B-1 chez certains individus sont formées de peu (voire d'un seul)
clones de cellules B-1. De plus, toutes les cellules B chez les patients atteints de leucémie
lymphoïde chronique appartiennent à la catégorie B-1.
En plus d'un répertoire limité, les cellules B-1 ont une incidence augmentée de
spécificités auto-réactives et leurs concentrations sont augmentées dans les lignées de souris
présentant des troubles auto-immuns et dans l'arthrite rhumatoïde. La plupart des cellules B
277
produisant du facteur rhumatoïde appartiennent à la catégorie des cellules B-1 (Bondada et
al., 2013).
3.2.1.2 Les cellules B B-2
3.2.1.2.1 Les cellules B de la zone marginale
Les cellules MZ apparaissent plus tardivement dans l'ontogénèse que les cellules B-1
et sont localisées dans la zone marginale splénique. Elles sont localisées au sinus marginal de
la rate grâce à l'activité de S1P1 et S1P3, les récepteurs de la sphingosine-phosphate-1
(Allman et Pillai, 2008). Contrairement aux cellules B-1, les cellules MZ augmentent avec
l'âge. Jusqu'à l'âge de 2 ans, les cellules MZ ne sont pas complètement formées. Elles
requièrent des signaux positifs via le BCR puisqu'elles sont diminuées voire absentes chez les
souris déficientes en une variété de régulateurs positifs. Actuellement, on ne sait pas si les
cellules MZ proviennent directement des cellules B transitionnelles ou des cellules B
folliculaires (Bondada et al., 2013).
3.2.1.2.2 Les cellules B folliculaires
La classe majoritaire de cellules B correspond à la classe des cellules B folliculaires.
L'amalgame est souvent fait entre cellules B-2 et cellules folliculaires, certains auteurs
utilisant abusivement le terme de cellules B-2 pour caractériser les cellules folliculaires alors
qu'elles incluent également les cellules de la zone marginale. Ces cellules naïves, matures,
occupent deux niches durant leur recirculation. Une fois qu'elles murissent et atteignent leur
capacité à recirculer dans la rate (ou la moelle osseuse elle-même), elles migrent de manière
répétitive à travers le sang et la lymphe aux zones des cellules B des nœuds lymphatiques, aux
plaques de Peyer, et à la rate.
Hormis leur localisation aux follicules dans les organes lymphoïdes secondaires
conventionnels, les cellules B folliculaires peuplent également la moelle osseuse où elles
forment de discrètes collections autour des sinusoïdes vasculaires. Cette niche périsinusoïdale est formée des mêmes cellules B recirculantes qui à d'autres moments de leurs
périodes de migration résident dans les follicules. Bien que la nécessité de BAFF ait été
établie dans le contexte de survie dans les niches folliculaires, les cellules dendritiques de la
moelle osseuse nourrissent les cellules B dans la niche péri-sinusoïdale de manière
indépendante à BAFF (Allman et Pillai, 2008).
3.2.1.3 Les cellules B mémoires et les centres germinatifs
Lors d'une rencontre avec un antigène, les cellules B matures précédemment citées ont
deux devenirs possibles. Certaines se différencieront en cellules B mémoires tandis que les
autres formeront des plasmocytes.
Les réponses immunitaires produites à la première rencontre avec l'antigène sont
nommées réponses primaires tandis que celles produites lors de rencontres ultérieures sont
278
nommées réponses secondaires. Les réponses secondaires sont habituellement plus rapides, de
magnitude plus importante, et produisent des anticorps de plus haute affinité grâce aux
nombreux événements prenant place durant la réponse primaire. Les anticorps de classe IgM
prédominent lors des réponses primaires, tandis que les IgG et IgA sont plus proéminents dans
les réponses secondaires. Ceci est permis par la formation, lors des réponses primaires, des
centres germinatifs au sein des follicules et la fabrication de cellules B mémoires. L'activation
antigénique des cellules B-2 folliculaires conduit à la formation des centres germinatifs.
Le centre germinatif est un site où les cellules B prolifèrent rapidement mais meurent
aussi rapidement si elles ne sont pas retenues par une interaction avec l'antigène. Ceci permet
la sélection de cellules B ayant des récepteurs de plus haute avidité pour les antigènes.
L'affinité du BCR est modifiée grâce au processus de mutation somatique, qui conduit à des
changements aléatoires majoritairement dans les régions variables des chaines lourdes et
légères. La fréquence des mutations somatiques est très haute, fournissant des cellules B
portant des BCR dont l'affinité est plus ou moins forte que l'originale. Les cellules B ayant des
affinités moins fortes meurent à cause de leur incapacité à faire face aux quantités
décroissantes d'antigène et/ou à cause de l'aide de cellules T durant les phases tardives de la
réponse primaire, permettant la sélection de cellules B avec de plus fortes affinités dans les
centres germinatifs. Les processus d'hypermutation somatique, de commutation de classe et
de développement d'une mémoire B prennent place surtout dans les centres germinatifs. Ceci
est une évolution Darwinienne au niveau cellulaire.
La commutation de classe est un phénomène au cours duquel les régions variables des
chaines μ sont désormais jointes aux régions constantes des chaines γ, α ou ε, respectivement,
présentes dans les isotypes IgG, IgA et IgE. Ce processus est dépendant de signaux fournis
par des cytokines. Ainsi, dans les cellules B murines, l'IL-4 facilite la commutation vers IgG1
et IgE, l'interféron γ vers IgG2a, et l'IL-5, IL-6 et TGFβ vers les isotypes IgA (Bondada et al.,
2013).
Une enzyme appelée cytidine déaminase induite par l'activation (AID) est essentielle à
la fois pour les mutations somatiques et la commutation de classe. Il existe deux théories
concernant la fonction de l'AID pour promouvoir la diversification des anticorps. L'une
suggère que l'AID déclenche une « édition de l'ARN », n'étant pas la source des
hypermutations mais coopérant avec une autre protéine pour médier les mutations somatiques.
Une vue plus prévalante dit que l'AID participe plus directement pour effectuer des mutations
des gènes de chaine lourde au niveau de l'ADN. Malheureusement, générer un répertoire
diversifié d'immunoglobulines peut être délétère car l'AID peut collaborer avec d'autres
enzymes pour générer des translocations chromosomiques impliquant c-myc et le locus de
chaine lourde d'immunoglobuline dans certains lymphomes B.
Après la stimulation antigénique, les cellules mémoires persistent, et lors d'une
rencontre ultérieure avec le même antigène, sont capables de proliférer et se différencier, et
donc de répondre, plus rapidement que les cellules naïves (LeBien et Tedder, 2008).
3.2.1.4 Les plasmocytes
Le stade de différenciation terminal des cellules B (naïves aussi bien que mémoires)
est le plasmocyte, qui ne possède plus les caractéristiques des cellules B, en particulier dans
279
son phénotype de surface. Le plasmocyte est l'usine de fabrication des anticorps. Avant de se
différencier en plasmocytes, les cellules B transitent par le stade de plasmoblastes, décrits
comme une fraction proliférative de cellules sécrétrices d'anticorps et souvent trouvés dans le
torrent sanguin, migrant vers des organes comme la moelle osseuse (Minges Wols, 2006).
Les plasmocytes ont un petit noyau et un large cytoplasme, avec un réticulum
endoplasmique très développé, qui est essentiel pour la synthèse protéique (Bondada et al.,
2013). Les plasmocytes sont à la fois de courte et longue durée de vie.
Plusieurs études in vitro ont tenté d'identifier les facteurs majeurs promouvant la
formation des plasmocytes. L'addition d'IL-3 et d'IL-10 à des blastes de cellules B en culture
avec des cellules stromales de moelle osseuse stimulent la sécrétion d'IgG et leur
différenciation en plasmocytes non prolifératifs. Le rôle essentiel du TNF-α dans la
différenciation en cellules sécrétrices d'anticorps a également été démontré. En effet, la
cytokine semble critique dans la différenciation précoce puisque la présence de celle-ci est
nécessaire dans les premières 24 heures de culture pour la sécrétion d'immunoglobulines. Le
rôle de l'IL-6 est quant à lui énigmatique et semble dépendre de l'immunogène (Minges Wols,
2006).
Les plasmocytes générés par les cellules MZ et les cellules folliculaires durant la
réponse primaire à un antigène sont de courte vie. Durant une réponse secondaire, les
plasmocytes générés peuvent à la fois être de courte durée (et supposés dériver des cellules
MZ ayant déjà subi la maturation d'affinité durant la réponse primaire) et de longue durée (et
provenant des cellules du centre germinatif), migrant alors vers la moelle osseuse (Minges
Wols, 2006). Ceci a été démontré par une étude impliquant une infection virale sur un modèle
murin, où les plasmocytes pouvaient être trouvés dans la moelle osseuse un an après
l'infection. L'IL-6, une cytokine produite par les cellules stromales de la moelle osseuse, est
supposée promouvoir la survie des plasmocytes sur de longues périodes (mois à années)
(Bondada et al., 2013).
Les mécanismes moléculaires promouvant la survie à long terme des plasmocytes ne
sont pas clairs. Récemment, il a été montré que les plasmocytes expriment des molécules
comme Blimp-1 (B-lymphocyte-induces maturation protein-1) et XBP-1 (X-box binding
protein-1) qui sont les régulateurs majeurs de la différenciation des plasmocytes. En l'absence
de ces molécules, les cellules B ne se différencient pas en plasmocytes et il n'y a ainsi pas de
production d'anticorps (Bondada et al., 2013).
Les plasmocytes à longue durée de vie permettent un maintien des titres en anticorps
élevés. Les réponses immunitaires secondaires génèrent des plasmocytes à longue durée de
vie dans la rate, qui migrent vers la moelle osseuse où ils occupent des niches de survie et
peuvent persister pendant toute la vie de l'animal sans besoin d'auto-renouvellement. Le
réservoir de plasmocytes de la moelle ne requiert pas de contribution du réservoir de cellules
B mémoires pour son maintien, mais lorsqu'ils sont en voie d'épuisement, la repopulation se
fait à partir du réservoir de cellules B mémoires. Ainsi, la persistance de l'antigène, des
cytokines, ou des signaux du TLR peut permettre au réservoir de cellules B mémoires de se
différencier chroniquement en plasmocytes à longue durée de vie pour une production
d'anticorps persistante (LeBien et Tedder, 2008).
280
3.2.1.5 Les cellules B B-10
Les cellules B sont typiquement caractérisées comme des régulateurs positifs de la
réponse immunitaire, surtout par la production d'anticorps. Les anticorps sécrétés par les
cellules B effectrices luttent contre les pathogènes comme les bactéries et virus. Cependant,
une petite catégorie de cellules B, appelée cellules B régulatrices, travaillent pour supprimer
la réponse immunitaire. Ces cellules B sont caractérisées par leur sécrétion d'une cytokine
spécifique appelée IL-10, donnant à ces cellules B régulatrices le nom de cellules B10. Bien
que les cellules B10 soient en petit nombre, elles sont cruciales pour contrôler l'inflammation
et l'auto-immunité. Les cellules B10 peuvent également limiter les réponses immunitaires
normales durant les infections, réduisant les dégâts causés aux tissus sains. Quand de petits
nombres de cellules B10 sont introduits au sein d'une souris avec de multiples maladies autoimmunes ressemblant à la sclérose en plaques, leurs symptômes sont significativement
réduits. Ces cellules B10 servent d'immunosuppresseurs (Bondada et al., 2013).
Après une période transitoire de production d'IL-10, une partie significative des
cellules B10 initie les programmes génétiques et phénotypiques menant à la différenciation en
cellules sécrétrices d'anticorps in vitro et in vivo. Les cellules B10 produisent des anticorps
spécifiques de l'antigène et représentent une source significative d'IgM et d'IgG sériques,
présentant des spécificités poly-réactives et auto-réactives, ce qui concorde avec leur grande
diversité de BCR. Ainsi, les cellules B10 régulent l'inflammation aigüe et les réponses
immunitaires par la production transitoire d'IL-10 et semblent avoir la capacité de nettoyer
leurs antigènes inducteurs en produisant des anticorps poly-réactifs et/ou spécifiques de
l'antigène (Maseda et al., 2012).
En plus des cellules B10, les cellules B-1 péritonéales (B-1P) produisent de hauts
niveaux d'IL-10 en stimulation par différents ligands du TLR. De hauts niveaux d'IL-10
suppriment la réponse de prolifération et de différenciation des cellules B-1P à tous les
ligands du TLR étudiés d'une manière autocrine in vitro et in vivo. L'effet inhibiteur de l'IL-10
sur les cellules B-1P durant la stimulation du TLR est abrogé par la co-stimulation de CD40
ou de BAFF. Les cellules B-1P transférées à partir de la cavité péritonéale des souris IL-10-/montrent une meilleure clairance de Borrelia hermsii que les cellules B-1P de type sauvage.
Ainsi, l'IL-10 dérivée des cellules B-1P peut influencer le rôle des cellules B dans
l'inflammation et l'auto-immunité (Bondada et al., 2013).
3.2.2 Cellules B et réponse immunitaire
3.2.2.1 Antigènes thymo-dépendants et thymo-indépendants
Le processus complet de l'activation B et de l'expansion clonale requiert non
seulement la reconnaissance de l'antigène par le BCR, mais également des signaux solubles et
médiés par la surface d'autres cellules accessoires comme les macrophages, les cellules
dendritiques et les cellules T. La nécessité de ces autres cellules accessoires dépend de la
nature de l'antigène. La plupart des antigènes protéiques solubles requièrent des interactions
physiques spécifiques entre les cellules T et B spécifiques de l'antigène pour induire une
281
réponse humorale, tandis que les antigènes avec des épitopes répétitifs comme les
polysaccharides bactériens ne requièrent pas une telle interaction entre cellules B et T. Les
premiers sont qualifiés de thymo-dépendants (TD) et les seconds de thymo-indépendants (TI).
Les antigènes TD, contenant des composants protéiques, ont un nombre très limité
d'épitopes et sont ainsi peu efficaces pour lier l'immunoglobuline de surface et initier
l'activation B. Ceci est énormément aidé par des interactions physiques avec les cellules Th
activées, qui sont médiées par la reconnaissance des peptides antigéniques TD sur les
molécules de CMH aussi bien que d'autres molécules de surface des cellules B. Cette
interaction T-B résulte en un signal de prolifération et de différenciation pour la cellule B, qui
est à nouveau fortement augmenté par les cytokines sécrétées par les cellules T. Les cellules B
activées expriment d'autres molécules de surface qui interagissent avec les cellules Th et
fournissent des signaux secondaires requis pour l'activation T (Bondada et al., 2013). Les
antigènes TD, bien qu'établissant des foci extra-folliculaires, établissent également la
formation des centres germinatifs avec commutation de classe, hypermutation et formation de
cellules B mémoires et plasmocytes à longue durée de vie (Fairfax et al., 2008). Le signal
provenant des cellules Th est essentiel pour le développement des centres germinatifs.
Néanmoins, des études récentes ont montré l'existence d'une mémoire B indépendante
des centres germinatifs. En effet, les cellules B mémoires pourraient être générées
indépendamment des centres germinatifs en réponse à des antigènes TD. Les souris n'ayant
pas de répresseur de transcription Bcl6 ne forment pas de centres germinatifs et ne génèrent
pas de plasmocytes à longue durée de vie dans la moelle osseuse. Pourtant, ces cellules B
génèrent des cellules mémoires ayant subi une commutation de classe mais n'ayant aucune
mutation somatique du gène V et donc de maturation d'affinité. Les cellules B mémoires
déficientes en Bcl6 ne peuvent être distinguées des cellules B mémoires exprimant le Bcl6 ni
par leur phénotype de surface, ni par leur renouvellement, ni même par leur profil
d'expression génétique (à l'exception du gène V muté), suggérant que le passage par les
centres germinatifs n'est pas essentiel pour conférer les propriétés de cellule mémoire. Il
semble que ces cellules mémoires indépendantes des centres germinatifs proviennent des
stades précoces de la réponse B aux antigènes TD. En effet, lors de l'interaction des cellules B
et T, tandis que certaines cellules B vont exprimer Bcl6 et migrer vers les cellules
dendritiques folliculaires au sein des follicules pour former les centres germinatifs en
association avec les cellules Tfh ; les autres cellules B restant en dehors du follicule vont pour
certaines migrer et établir les foci extra-folliculaires de cellules sécrétrices d'anticorps et pour
les autres donner la mémoire indépendante des centres germinatifs (Tarlinton et GoodJacobson, 2013).
Les antigènes TI sont capables de générer une réponse chez les souris sans thymus, de
fixer efficacement l'immunoglobuline de surface, ce qui est interprété par la cellule B comme
un signal d'activation pour initier l'expansion clonale et la différenciation. Ces processus sont
augmentés significativement par les cellules accessoires tels les macrophages et les cellules
dendritiques, à l'origine de cytokines nécessaires aux réponse contre de tels antigènes comme
les interleukines 1, 2, 4, 5, 6, 10 et 13 (Bondada et al., 2013). Ces antigènes TI incluent des
composants de la paroi bactérienne et des molécules hautement répétitives comme les
polysaccharides (Fairfax et al., 2008). Il existe deux classes d'antigènes TI, définis selon la
capacité à induire une réponse chez les souris atteintes de Xid, ayant une mutation dans le
282
gène codant pour Btk. Les antigènes TI-1 sont des activateurs polyclonaux des cellules B et
intrinsèquement mitogènes via une signalisation TLR, permettant aux cellules B Xid de
répondre malgré leur BCR défectueux. Les antigènes TI-2 ne sont pas mitogènes
intrinsèquement, sont caractérisés par des déterminants répétitifs sur une grande ossature
polysaccharide et incluent notamment les pathogènes Haemophilus influenzae de type B,
Streptococcus pneumoniae et Nisseria meningitidis, auxquels les souris Xid ne peuvent
répondre (Fairfax et al., 2008). Il est supposé que des défauts dans la fonction des cellules
accessoires jouent un rôle critique dans l'échec des nouveau-nés à répondre à de tels antigènes
TI-2. Des études ont montré que les cellules accessoires des nouveau-nés sont déficientes
dans la production d'IL-1, ce qui apparait être important pour les réponses TI-2 (Bondada et
al., 2013).
Les antigènes TI sont généralement supposés ne pas pouvoir générer de plasmocytes à
longue durée de vie, ce qui est attribué à l'absence de formation de centres germinatifs et de
mémoire. Pourtant, des réponses humorales à long terme sont observées suivant certaines
provocations aux antigènes TI, mais en résultat de réponses extra-folliculaires qui créent
continuellement des plasmoblastes. Récemment, l'initiation des centres germinatifs et de la
mémoire suivant une immunisation TI a été rapportée. Les antigènes TI-2 induisent les
centres germinatifs, dont la fin de formation est cependant prématurée, et ne produisent ni
plasmocytes ni cellules mémoires. Ainsi, la majeure production d'anticorps à partir d'une
immunisation TI-2 est restreinte aux foci extra-folliculaires (Fairfax et al., 2008).
Il a été montré que les cellules immatures sont capables de répondre aux antigènes
TI-1 comme les lipopolysaccharides, avec une réponse humorale rapide sans aide des cellules
T (LeBien et Tedder, 2008). L'activation des cellules B par les antigènes TI et TD est résumée
dans la figure 60.
3.2.2.2 Cellules B et signalisation TLR
Les TLR forment un groupe de récepteurs reconnaissant des classes de molécules
associées aux pathogènes et déclenchant l'immunité innée, conduisant à l'initiation de
l'immunité adaptative. L'activation des cellules dendritiques médiée par les TLR est connue
pour être un événement critique dans l'initiation des réponses immunitaires cellulaire et
humorale. Les cellules B sont connues pour répondre aux LPS et aux agonistes du CpG.
Cependant, le récepteur impliqué dans ce processus de reconnaissance n'était pas connu
jusqu'à la découverte des TLR. Différentes catégories de cellules B, incluant les cellules B
naïves, expriment de multiples TLR, et la signalisation via de tels TLR résulte dans une
grande prolifération et une sécrétion d'Ac, même en l'absence d'activation des cellules
dendritiques, ou de l'aide des cellules T (Bondada et al., 2013).
3.2.2.3 Rôle des différentes catégories de cellules B dans la réponse
immunitaire
-
Le système humoral possède trois armes de défense :
les « anticorps naturels » qui peuvent relayer l'activation du complément et la
destruction d'éléments étrangers immédiatement après l'infection ;
283
-
-
les cellules MZ et B-1 innée-like qui fournissent une réponse de faible affinité mais
rapide dans les jours suivants la reconnaissance antigénique et qui précède et complète
la réponse extra-folliculaire des cellules B2 ;
la réponse adaptative, tardive dérivée des centres germinatifs qui augmente l'affinité et
commence à fournir une protection 4 à 6 jours après l'administration de l'immunogène
(Fairfax et al., 2008).
Figure 60 : Activation B par les antigènes T-indépendants et T-dépendants. Adapté
d'après Bondada et al. (2013).
Le répertoire limité des cellules B-1, et leur existence aux sites muqueux a conduit à la
supposition que les cellules B-1 sont plus primitives que les cellules B-2 et qu'elles
contribueraient à l'immunité innée. En effet, la plupart des IgM naturelles dérivent des
cellules B-1 (Bondada et al., 2013). Les cellules B-1 peuvent quitter la cavité péritonéale via
l'omentum et migrer vers les nœuds lymphatiques puis atteindre le torrent sanguin. Cette
migration est potentiellement favorisée par des signaux TLR induisant une diminution de
l'adhésion des intégrines. L'activation des cellules B-1 peut également être induite par des
cytokines comme l'IL-5 ou l'IL-10. CXCL13 et possiblement S1P1 sont impliqués dans la
promotion de la migration des cellules B-1 (Allman et Pillai, 2008).
284
Les cellules B-1 contribuent à l'immunité humorale à la fois par des réponses
immunitaires spécifiques et par les « anticorps naturels » ou anticorps qui sont produits en
l'absence de stimulation exogène (Fairfax et al., 2008). Les cellules B-1a sont la source de ces
anticorps naturels, et fournissent une protection innée contre les infections bactériennes chez
les hôtes naïfs (LeBien et Tedder, 2008). Des études sur des infections virales ou bactériennes
montrent que les anticorps naturels, qui n'augmentent pas après l'administration d'un antigène,
aident à la neutralisation et à la clairance de ces immunogènes (Fairfax et al., 2008). Les
cellules B-1b fonctionnent indépendamment comme la première source des réponses
humorales à long terme aux polysaccharides et autres antigènes TI-2 durant l'infection
(LeBien et Tedder, 2008). Ces cellules B-1b pourraient représenter un type spécialisé de
cellules mémoires sécrétrices d'IgM ayant pour origine les cellules B-2 après stimulation
antigénique TI. Ces cellules ont été les mieux caractérisées sur le modèle murin à infection
chronique à Borrelia hermsii. Il serait possible que la différenciation des cellules B-2 en
cellules B-1b se produise dans le sang ou la moelle osseuse (Allman et Pillai, 2008). Les
cellules B-1b ont été récemment montrées comme étant la population B répondant
majoritairement à la bactérie Borrelia hermsii. Ces cellules fournissent des IgM spécifiques
protectrices permettant à la fois la clairance de l'antigène et la constitution d'une mémoire,
indiquant que les cellules B-1 peuvent participer à toutes les formes de réponses
immunitaires. En effet, après le transfert au sein d'un receveur compromis immunitairement,
les cellules B-1 fournissent des plasmocytes ayant la capacité de migrer vers la moelle
osseuse, suggérant qu'une migration anormale est plus une question d'opportunité que de
capacité (Fairfax et al., 2008).
Par ailleurs, les bactéries commensales présentées par les cellules dendritiques dans la
lamina propria peuvent contribuer à l'activation des cellules B-1. Les LPS et autres ligands du
TLR peuvent induire à la fois la prolifération des cellules B-1 et leur différenciation en
plasmocytes à courte durée de vie sécréteurs d'IgM. Les cellules B-1 spécifiques de l'antigène
peuvent être induites à commuter de manière thymo-indépendante en cellules sécrétrices
d'IgA (Allman et Pillai, 2008).
Les cellules MZ et B-1 sont pensées être les intervenants majoritaires dans les
réponses immunitaires aux antigènes TI. De plus, il a été observé lors d'expériences in vitro
qu'en réponse à une signalisation TLR avec des LPS (TLR4) et le CpG (TLR9), les cellules
MZ et B-1 se différencient en plasmocytes plus rapidement que les cellules B-2 folliculaires,
indiquant que la réponse provenant de ces types cellulaires est plus rapide à se mettre en place
que la réponse des cellules B-2 folliculaires (Fairfax et al., 2008).
Les cellules MZ possèdent à la fois des caractéristiques de cellules naïves et mémoires
et constituent une ligne de front de défense contre les bactéries encapsulées transportées dans
le sang (LeBien et Tedder, 2008). Dès la liaison à l'IgM de surface, les cellules MZ se divisent
rapidement et se différencient en plasmocytes à courte durée de vie sécrétant des anticorps.
Comme les enfants n'ont pas de cellules MZ jusqu'à deux ans, ils sont plus susceptibles aux
infections aux bactéries encapsulées comme Streptococcus pneumoniae (Bondada et al.,
2013). Les cellules MZ relayent le transport de l'antigène dans des complexes immuns au sein
des follicules spléniques. Elles semblent pouvoir faire la navette entre ces deux localisations
(zone marginale et follicules). Durant ces réponses, les LPS et possiblement d'autres produits
bactériens diminuent l'adhésion des intégrines et conduisent à la migration des cellules B
285
activées hors de la zone marginale au sein de la pulpe rouge de la rate où elles se différencient
en plasmocytes à courte durée de vie. Dans les nœuds lymphatiques humains les cellules B
extra-folliculaires ont également longtemps été appelées cellules MZ. Ces cellules avec un
phénotype de cellules B mémoires IgM+ peuvent potentiellement jouer un rôle dans la capture
antigénique et le transport au sein des follicules des nœuds lymphatiques d'une manière
analogue à celle postulée pour les cellules MZ murines. En plus de leur rôle important dans
les réponses thymo-indépendantes, les cellules MZ participent également aux réponses aux
antigènes TD aussi bien qu'aux réponses contre les antigènes lipidiques. Bien que les cellules
MZ puissent potentiellement contribuer aux réponses TD contre les antigènes protéiques en
aidant à délivrer ces antigènes aux cellules B folliculaires, elles peuvent également être
activées directement par les antigènes TD et reçoivent l'aide des cellules T. Elles sont mieux
équipées, de par leur phénotype de surface, pour la présentation antigénique et pour activer les
cellules T que ne le sont les cellules folliculaires. Il existerait une interaction potentielle entre
les cellules MZ et les cellules NKT en réponse aux antigènes lipidiques, permettant
l'induction d'une commutation de classe et des mutations somatiques (Allman et Pillai, 2008).
La localisation des cellules B folliculaires permet un contact rapproché avec les
cellules dendritiques. Ceci permet aux cellules B-2 folliculaires de répondre efficacement aux
antigènes TD portés par ces cellules dendritiques et à leur tour de présenter les antigènes TD
aux lymphocytes T activés, de proliférer, et de se différencier en plasmocytes ou de débuter
les réactions du centre germinatif (LeBien et Tedder, 2008). Il est probable que les cellules B
folliculaires activées dans un follicule par des antigènes TD d'origine microbienne reçoivent
des signaux entre autre du BCR et des TLR. La différenciation des cellules B activées en
cellules sécrétrices d'anticorps est probablement facilitée par l'activation des TLR sur les
cellules B folliculaires, seulement dans le contexte d'une activation primaire du BCR et du
CD40. Les cellules B folliculaires expriment la même panoplie de TLR que les cellules de la
MZ et les cellules B-1. Elles peuvent être induites pour proliférer après une exposition aux
ligands des TLR mais, contrairement aux cellules MZ et B-1, les cellules B folliculaires n'ont
pas une capacité intrinsèque à se différencier en cellules sécrétrices d'anticorps si elles sont
stimulées seulement par les ligands TLR (Allman et Pillai, 2008). Ainsi, en présence
d'antigènes TD, des cellules dendritiques et de l'aide des cellules T, les cellules B folliculaires
prolifèrent et forment à la fois des foci extra-folliculaires de plasmocytes et des centres
germinatifs au sein des follicules. Des plasmocytes à longue durée de vie générés lors de cette
réponse immunitaire peuvent être trouvés à la fois dans la pulpe rouge de la rate et dans la
moelle osseuse dans les semaines suivant l'immunisation. De tels plasmocytes à longue durée
de vie peuvent potentiellement dériver soit des foci extra-folliculaires soit des centres
germinatifs (Fairfax et al., 2008). Ceux-ci, de par la synthèse continuelle d'anticorps de haute
affinité circulant dans le sang, participent donc à la mémoire immunitaire tout comme les
cellules B mémoires (Tarlinton et Good-Jacobson, 2013).
Les cellules B folliculaires péri-sinusoïdales peuvent quant à elles être activées par les
microbes portés par le sang d'une manière thymo-indépendante, et se différencier en cellules
sécrétant des IgM, mais elles sont incapables d'induire l'AID, possiblement car elles ne sont
pas configurées pour interagir avec les cellules Th qui sont relativement rares dans ce
compartiment. Il est admis que d'autres signaux sont fournis par les microbes, mais leur nature
reste encore indéterminée (Allman et Pillai, 2008).
286
L'ensemble des catégories de cellules B ainsi que leurs relations et rôles principaux
sont résumés dans la figure 61.
Figure 61 : Le développement B. Adapté d'après LeBien et Tedder (2008).
3.3 Phénotype de surface des lignées de cellules B
Les lymphocytes T et B ont des morphologies semblables avec un fort noyau et un
cytoplasme très réduit, rendant leur distinction impossible par de simples techniques
microscopiques. Seules des techniques permettant l'identification de molécules de surface
cellulaire peuvent fournir des résultats quant à la différenciation entre ces deux types
cellulaires. Ainsi, les cellules B expriment notamment des immunoglobulines et d'autres
glycoprotéines de surface. L'immunoglobuline permet la distinction entre cellules B et T, et
entre chaque cellule B puisque chacune exprime une immunoglobuline de spécificité
particulière. Les cellules B exprimant la même immunoglobuline forment des clones. Les
animaux en possèdent des millions, restant quiescents la plupart du temps, jusqu'à la
confrontation à un antigène spécifique et leur différenciation en plasmocytes ou cellules B
mémoires. D'un point de vue morphologique, les cellules mémoires ne peuvent être
différenciées des cellules naïves, tandis que les plasmocytes possèdent des caractéristiques
uniques. Les cellules B sont divisées en plusieurs catégories décrites précédemment, chacune
différant dans leurs niveaux d'expression d'IgM et d'IgD notamment (Bondada et al., 2013).
287
3.3.1 Connaissances sur la souris et l'homme
3.3.1.1 Quelques bases sur les précurseurs B
Les cellules pro-B expriment à leur surface la leucosialine (CD43) et le B220, la forme
B-spécifique de l'antigène leucocytaire commun (CD45). Ces cellules immatures n'expriment
pas encore d'immunoglobuline à leur surface. Progressivement durant la maturation, on
observe une perte du CD43, pour obtenir des cellules Ig+B220+ (Bondada et al., 2013). Les
cellules B transitionnelles forment le lien crucial entre les cellules B immatures et les cellules
B matures. Elles peuvent être distinguées dans la rate par leur expression de B220, AA4.1
(CD93), IgM et CD23. L'AA4.1 est un marqueur de cellule B immature. Les différents stades
de cellules transitionnelles (T1 à T3) peuvent être distingués selon leur expression
différentielle des marqueurs CD23 et IgM, comme suit : IgMhighCD23- (T1), IgMhighCD23+
(T2), et IgMlowCD23+ (T3) (Bondada et al., 2013 ; Allman et Pillai, 2008).
Les formes matures, quant à elles, cessent d'exprimer AA4.1 et peuvent ainsi être
différenciées des cellules transitionnelles. Elles expriment entre autres le B220, le HSA (heatstable antigen, ou antigène stable à la chaleur), ainsi que des immunoglobulines d'isotypes M
et D et le CMH de classe II (Bondada et al., 2013).
3.3.1.2 Les marqueurs phénotypiques de surface commun aux
différentes catégories de cellules B
3.3.1.2.1 Le BCR
Le BCR est l'élément caractéristique majeur des cellules B, tout comme l'est le TCR
pour les cellules T. Il est le support de toute les cascades de signalisation à l'origine des
réponses immunitaires dirigées contre des antigènes capables de stimuler les cellules B.
Il est composé, sur une cellule naïve, d'une IgM ou IgD associée aux molécules Igα
(CD79a) et Igβ (CD79b). Ces deux dernières permettent au BCR, grâce à leurs longs
domaines cytoplasmiques, d'interagir avec les molécules de signalisation intracellulaires. La
liaison de l'immunoglobuline à un antigène conduit à l'activation d'une série de protéines
kinases, comme lyn, blk, fyn et syk, certaines s'assemblant sur le BCR en se fixant à des
domaines ITAM (immunoreceptor tyrosine-based activation motifs) situés sur les portions
cytoplasmiques des chaines Igα et Igβ. Lors de l'activation B, les tyrosines sont
phosphorylées, ce qui permet la fixation de syk, qui contient les domaines SH2 (Src
homology domain 2) fixant les phospho-tyrosines. Ceci conduit à une cascade d'événements
impliquant d'autres protéines tyrosine kinases comme Btk, ainsi que des sérine-thréonine
kinases, comme la protéine kinase C, et une augmentation de la concentration intracellulaire
en calcium permise par l'augmentation des phospholipases C et la libération de calcium hors
des réserves intracellulaires. Tout ceci permet l'expression de gènes (c-myc, c-fos, c-jun ...)
requis pour le passage des cellules B de la phase de repos G0 aux phases G1, S et M du cycle
cellulaire, marquant le début d'une phase de forte expansion cellulaire (Bondada et al., 2013).
288
3.3.1.2.2 Marqueurs de surface influençant la signalisation BCR
Le BCR reçoit de multiples informations, et la signalisation passant par ce récepteur
est influencée par de nombreuses autres molécules de surface.
Parmi elles, l'élément de contrôle majeur est un complexe composé des molécules
CD19, CD21 et CD81, possédant sur le CD21 un site de fixation au fragment C3d du
complément. Ce complexe agit comme un régulateur positif pour le BCR. Le long domaine
intracellulaire du CD19 est important pour l'activation d'une enzyme, la phosphatidylinositol
3-kinase, menant à l'activation de Btk et à l'augmentation du signal provenant du BCR. La
liaison simultanée du BCR et de CD21 à un antigène, associée à la fixation du fragment C3d
au CD21, réduit considérablement la quantité d'antigène requise pour l'activation B in vivo et
in vitro (Bondada et al., 2013). Ce complexe CD21/CD19/CD81 intervient également dans la
protection des cellules B contre l'apoptose médiée par Fas (CD95) chez l'homme.
L'expression défectueuse de Fas conduit à une auto-immunité des cellules B,
soulignant l'importance de la voie de l'apoptose dans l'élimination des cellules B autoréactives. Cependant, des cellules B auto-spécifiques échappent occasionnellement à une telle
régulation chez des individus dont l'expression de Fas est pourtant intacte, suggérant
l'existence de moyens permettant de prévenir l'apoptose.
Mongini et al. ont étudié si la liaison du BCR et du complexe de co-stimulation
CD21/CD19/CD81 pouvait augmenter l'échappement des cellules B humaines à l'apoptose
médiée par Fas. En effet, non seulement les signaux initiés par le BCR induisent une
résistance à l'apoptose médiée par Fas, mais certains événements déclenchés par le BCR sont
aussi amplifiés par la liaison concomitante du BCR et du complexe de co-stimulation, et
plusieurs auto-antigènes impliqués dans les maladies auto-immunes activent le complément. Il
a ainsi été établi que la co-liaison BCR/CD21 diminue l'engagement du BCR nécessaire à
l'induction d'une protection contre l'apoptose médiée par Fas. L'augmentation de la protection
est associée à une modification de l'expression de différentes molécules régulatrices de
l'apoptose médiée par Fas, suggérant un modèle moléculaire unique pour expliquer comment
la co-liaison BCR/CD21 augmente la protection. La liaison concomitante du BCR et de CD21
diminue la formation de fragments actifs de la caspase-8 en diminuant l'expression de Fas
membranaire et en augmentant celle de FLIPL. Ceci diminue à son tour la formation de
cellules qui seraient directement ciblées par l'apoptose via le clivage de la caspase-3 par la
caspase-8 (cellules de type I). Tout essai d'utilisation de la voie d'apoptose mitochondriale
dépendante de l'Apaf (apoptotic proteas-activating factor)-1 pour l'apoptose (cellules de type
II) est ultérieurement bloqué car la co-liaison BCR/CD21 augmente l'expression de la
molécule anti-apoptotique mitochondriale, Bcl-2 (Mongini et al., 2003).
Le CD40 est un autre régulateur important des cellules B. Il est un facteur de survie
essentiel aux cellules B des centres germinatifs et détient un rôle majeur dans la réponse aux
antigènes TD. De tels antigènes possèdent un nombre très limité d'épitopes et sont ainsi peu
adaptés à initier l'activation B. Celle-ci est fortement favorisée par les cellules Th, permise par
la reconnaissance de l'antigène par les molécules de CMH ainsi que par plusieurs molécules
de surface cellulaire B. CD40 est la principale de ces molécules de surface, fixant son ligand
CD40L, présent sur les cellules T activées. Cette interaction fait aussi intervenir Lyb-2
289
(CD72) à la surface des cellules B et son ligand CD5 à la surface des cellules T, ce qui permet
la transmission du signal de prolifération et de différenciation des cellules B, fortement
augmentée par les cytokines produites par les cellules T. Les cellules B activées expriment
alors d'autres molécules de surface appelées B7-1 (CD80), et B7-2 (CD86), interagissant avec
le CD28 des LT et fournissant des signaux secondaires d'activation des LT, nécessaires pour
l'expression de CD40L qui à son tour permettra l'activation B (Bondada et al., 2013 ; LeBien
et Tedder, 2008).
La signalisation CD40 est impliquée dans une grande variété d'activités immunitaires,
incluant la commutation de classe, le développement de la mémoire B et la formation des
centres germinatifs. Une étude indique que la signalisation CD40 place les LB dans un état
mémoire-like : ils ne sont plus naïfs, mais ne sont pas encore différenciés en plasmocytes.
La manière dont les cellules B naïves prennent la décision entre différenciation en
plasmocytes ou en cellules mémoire reste incertaine. Il est généralement accepté que durant la
différenciation en plasmocytes, le profil d'expression génétique spécifique des cellules B
matures et contrôlé par Pax-5 doit être interrompu et remplacé par le profil génétique
spécifique des plasmocytes, gouverné par Blimp-1. Or, en présence d'une signalisation CD40,
l'expression de Blimp-1 est réprimée. De plus, cette dérégulation est irréversible : elle est
maintenue en l'absence d'un signal CD40 continu ou d'addition de LPS. D'autres molécules
régulatrices impliquées dans la transition des cellules naïves en plasmocytes sont également
modulées par le CD40. Les programmes d'expression génétique actuellement connus pour le
maintien dans un état de LB naïf ou la différenciation en plasmocytes sont tout deux réprimés,
suggérant que les événements médiés par le CD40 conduisent les LB activés en un stade
intermédiaire, qui n'est ni naïf, ni pleinement différencié. Ces résultats sont concordants avec
un phénotype mémoire où les LB ne sont plus naïfs mais ne sont pas non plus complètement
différenciés en plasmocytes. Une telle décision d'engagement à la catégorie mémoire opposé à
la formation de plasmocytes pourrait se dérouler très rapidement (dans les 24 premières
heures de signalisation) après la stimulation B (Upadhyay et al., 2014).
À l'opposé, le CD22 et le récepteur du fragment Fc (FcR) représentent deux
régulateurs négatifs, inhibant la transduction du signal provenant du BCR par le recrutement
de deux phosphatases (SH2 domain-containing protein tyrosine phosphatase-1 et SH2containing inositol polyphosphate-5-phosphatase-1).
Le PD (programmed death gene)-1 est un autre régulateur négatif de la signalisation
BCR. PD-1 est un récepteur fixé à la membrane exprimé à la fois par les cellules B et T. Les
souris KO pour PD-1 présentent une auto-immunité avec des cellules B auto-réactives en
quantité augmentée en périphérie. Quand le BCR est attaché au PD-1, la SHP-2 (protein
tyrosine phosphatase) est recrutée vers le domaine cytoplasmique de PD-1, inhibant
l'expansion clonale (Bondada et al., 2013).
3.3.1.2.3 Autres marqueurs de surface
Nous avons vu précédemment l'important de la signalisation TLR dans l'immunité
médiée par les cellules B. Ces récepteurs sont notamment à la base des réponses aux LPS
bactériens communément rencontrés et participent à l'immunité innée. Ainsi, le TLR4, par
290
exemple, envoie des signaux après la reconnaissance de LPS des bactéries Gram-. Le MD-2
est un élément indispensable de la réponse TLR4-dépendante. De manière similaire, le
RP-105, récemment renommé CD180, est une molécule de surface B dont la fixation induit
l'activation de la cellule B chez l'homme et la souris, conduisant à l'augmentation de
l'expression de la molécule co-stimulatrice B7.2 (CD86). Le CD180, une protéine
transmembranaire de type I possédant des motifs riches en leucine dans sa partie
extracellulaire et une courte queue cytoplasmique, est associé à une molécule extracellulaire
appelée MD-1. Le CD180 a été la première molécule semblable aux récepteurs Toll à être
découverte. Le complexe CD180/MD-1 est structurellement très proche du complexe
TLR4/MD-2 et des études visant à déterminer le rôle de ce complexe ont été menées, et ont
permis de découvrir que, de manière analogue au complexe TLR4/MD-2, la présence de la
molécule MD-1 est essentielle à la réponse aux LPS médiée par le CD180. Le complexe
TLR4/MD-2 est fortement exprimé dans des organes tels que le cœur, les reins, le cerveau et
le foie tandis que le complexe CD180/MD-1 est restreint aux cellules immunitaires dont les
cellules B, macrophages et cellules dendritiques. La dérégulation de MD-1 abroge
l'augmentation de CD80/CD86 induite par les LPS, mais n'influe pas sur l'expression de
CD23 dépendante des LPS, qui n'est contrôlée que par le complexe TLR4/MD-2 (Nagai,
2002).
D'autres molécules CD sont également présentes à la surface des cellules B. Parmi
elles, on retrouve CD24, une glycoprotéine ancrée par le GPI (glycosylphosphatidylinositol),
l'une des premières molécules pan-cellulaire B à être identifiée, mais dont la fonction reste à
déterminer (LeBien et Tedder, 2008).
Les cellules B matures expriment également le CD20, une molécule remplissant la
fonction de canal calcique intra-membranaire. Le Rituximab, un AcM chimérique du CD20,
est utilisé dans la thérapie anticancéreuse et de l'auto-immunité, menant à l'élimination de la
plupart des cellules y compris les cellules auto-réactives, sans toxicité significative (Bondada
et al., 2013). L'effet positif du Rituximab dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde a
conduit à suspecter un rôle important des cellules B dans la pathogénèse de cette maladie. Des
découvertes récentes suggèrent un rôle pro-inflammatoire et destructeur des cellules B via la
production de RANKL, TNF-α et IL-6. Les forts niveaux de CD20 exprimés par ces cellules
expliqueraient l'effet clinique anti-inflammatoire du Rituximab dans le traitement de l'arthrite
rhumatoïde (Yeo et al., 2014).
L'étude des pathologies immunitaires fréquentes, de leurs causes, leurs enjeux, et leurs
potentiels traitements a permis de découvrir ou de mettre en évidence le rôle de certains
cluster de différenciation. C'est notamment le cas pour le lymphome et la leucémie,
pathologies fréquentes aussi bien dans les milieux vétérinaire que médical. La recherche
systématique de facteurs pronostics dans les pathologies cancéreuses a ainsi dévoilé
l'importance du complexe moléculaire composé des CD49d (intégrine α4) et CD29 (intégrine
β1), formant le VLA (very late antigen)-4. En effet, l'augmentation de l'expression de ce
complexe, intervenant dans les phénomènes d'adhésion et de trafic cellulaire, et relayant
l'adhésion des lymphocytes à des sites endothéliaux spécifiques, est un facteur pronostic
négatif de la leucémie lymphoïde chronique. Sur les cellules B des patients atteints de
leucémie lymphoïde chronique, il a été montré une association physique de la molécule de
291
CD38 avec le complexe CD49d/CD29, et il a été montré que les cellules CD49d+CD38+
adhéraient de manière plus forte aux substrats du CD49d que les cellules CD49d+CD38-. Le
CD38 augmenterait ainsi directement les processus d'adhésion médiés par le CD49d dans les
leucémies lymphoïdes chroniques et représente un autre facteur pronostic négatif de cette
maladie (Zucchetto et al., 2012 ; Gauthier et al., 2005).
3.3.1.3 Connaissances sur les cellules B B-1
Les cellules B-1, faiblement présentes dans la rate mais en grand nombre dans les
amygdales et les cavités pleurale et péritonéale, expriment fortement l'IgM et faiblement
l'IgD. Presque toutes les cellules B-1 spléniques et la majorité de celles de la cavité
péritonéale expriment CD5, l'antigène de différenciation T, tandis que les cellules B-2
(folliculaires et MZ) et une catégorie de cellules B-1 ne l'expriment pas.
De manière intéressante, toutes les cellules B-1 péritonéales (B-1P) expriment la
molécule de surface spécifique des macrophages Mac-1 (récepteur au complément CR3
comprenant les molécules CD11b et CD18, fixant le C3b et le C4b), ce qui permet la
distinction des cellules B-1a (CD5+Mac-1+IgM+) des cellules B-1b (CD5-Mac-1+IgM+).
De plus, les cellules B-1 ont des caractéristiques morphologiques telles qu'une
augmentation de la granularité, de leur taille et de leur cytoplasme par rapport aux cellules
B-2.
Toutes les cellules B des patients atteints de leucémie lymphocytaire chronique
appartiennent à la catégorie B-1 (Bondada et al., 2013).
Les cellules B-1 expriment CD43, de faibles niveaux de B220, de CD21 et de CD23
ainsi qu'un fort niveau de CD19. (Fairfax et al., 2008 ; Covens et al., 2013). Les cellules B-1
présentent néanmoins une certaine hétérogénéité dans les niveaux d'expression de certains
marqueurs. Par exemple, tandis que les cellules B-1a expriment de très faibles niveaux de
CD21 et CD35, les cellules B-1b peuvent être divisées en sous-populations CD21int et
CD21low/-, en sous-populations CD23+ et CD23-, ainsi qu'en sous-populations B220+CD80- et
B220lowCD80+ (Yammani et Haas, 2013).
Il a été établi par Bikah et al. (1996) que l'expression de CD5 sur la surface des
cellules B-1 est responsable de leur hypo-réactivité face à la signalisation du BCR, et que
l'absence de CD5 sur les cellules B-1P (CD5-/-) peut au contraire restaurer la réponse médiée
par le BCR. Le fait qu'à la fois les cellules B-1a et B-1b soient déficientes dans la
prolifération anti-IgM induite indique qu'en plus du CD5, la signalisation du BCR dans les
cellules B-1 doit être régulée par d'autres molécules de surface cellulaire. Dans ce contexte, il
a été montré que la liaison simultanée de CD19 et du BCR induit une augmentation
synergique dans la réponse Ca2+ et qu'à la fois les cellules B-1a et B-1b péritonéales sont
déficientes en cette réponse synergique comparativement aux cellules B-2 spléniques.
Néanmoins, il semblerait que les cellules B-2 péritonéales présentent une réponse moins forte
que les cellules B-2 spléniques. L'étude de Dasu et al. montre que les cellules B-1 restent
hypo-réactives comparées aux cellules B-2 péritonéales face à la co-liaison du BCR et de
CD19. Ainsi, les cellules B1-a et B1-b, spléniques et péritonéales ne prolifèrent pas en
réponse à la liaison au BCR et exhibent une mobilisation du Ca2+ réduite quand le BCR et
292
CD19 sont fixés. La phosphorylation et ainsi l'activation de la kinase Akt et de la JNK, deux
kinases impliquées dans la survie et la prolifération des cellules B, est déficiente dans les
cellules B-1, contribuant possiblement à leur capacité de prolifération réduite suite à la
stimulation IgM. La protéine Lyn jouerait un rôle crucial, les souris lyn-/- présentant en effet
des réponses exacerbées aux stimulations et une maladie auto-immune. Il a été récemment
découvert que la phosphorylation de Lyn peut conduire à une dualité d'effets : soit une
augmentation, soit une diminution de la signalisation B. Or, de forts niveaux de pLyn ont été
observés dans les cellules B-1 spléniques et péritonéales, à la fois dans les cellules au repos et
dans les cellules stimulées par le complexe BCR/CD19 ; il est possible que pLyn provoque la
phosphorylation des ITIM (immunoreceptor tyrosine-based inhibitory motif) des récepteurs
inhibiteurs présents à la surface des cellules B à un plus haut degré que l'activation des
protéines avec des domaines ITAM. Lyn pourrait également directement provoquer la
phosphorylation de phosphatases telles que SHP-1 et SHIP-1, induisant leur activation, qui à
leur tour pourraient inhiber la signalisation du BCR. Lyn serait à l'origine de la diminution de
mobilisation du Ca2+. Le blocage de l'activité de Lyn restaure les capacités de prolifération
des cellules B-1 et augmente l'influx calcique. Ces découvertes permettent une meilleure
compréhension des événements de signalisation responsables du défaut de réponse au BCR
des cellules B-1, cellules pouvant fixer fortement les auto-antigènes, mais il reste à
comprendre comment de telles cellules à faible réponse sont capables de sécréter des niveaux
abondants d'IgM sériques en l'absence d'immunisation (Dasu et al., 2009).
Les cellules B-1 expriment de forts niveaux de CD44 et IL-5Rα, deux molécules
également exprimées sur les cellules folliculaires activées, et les cellules B-1 expriment
fortement STAT-3, qui est induit dans les cellules B-2 après stimulation exogène. Cette
caractéristique pourrait être importante dans la prolifération et la différenciation rapide des
cellules B-1 en réponse à une stimulation (Fairfax et al., 2008).
Durant leur action dans la réponse aux antigènes TI (par la synthèse d'IgM), les
cellules B-1 sont amenées à sortir de la cavité péritonéale et à migrer vers les nœuds
lymphatiques et la lamina propria. La signalisation TLR peut induire une diminution de
l'adhésivité des intégrines et de l'expression de CD9, facilitant ainsi la sortie des cellules B-1
du péritoine (Allman et Pillai, 2008).
L'existence d'une population B-1 n'a pas clairement été définie chez l'homme, et à
l'évidence les essais pour découvrir un compartiment B-1 dans nombre d'espèces mammifères
n'ont pas eu plus de succès. La nature des cellules B circulantes humaines CD20+CD27+
CD43+CD70-CD69- a été sujet à controverse. De base, ces cellules étaient décrites comme les
homologues chez l'homme des cellules B-1 murines, partageant certaines caractéristiques
fonctionnelles communes avec elles. Mais certaines études ont montré qu'il pourrait plutôt
s'agir de plasmoblastes. Griffin et al. réfutent cette hypothèse en rappelant que ces cellules
potentiellement B-1 sont identifiées par leur expression de CD20, ce qui n'est pas le cas des
plasmocytes. Cependant, des plasmoblastes et plasmocytes CD20+ ont été découverts dans les
amygdales de l'homme in vitro. Covens et al. ont caractérisé ces supputées cellules B-1 et les
ont comparé directement avec des cellules B mémoires et des plasmoblastes pour différentes
caractéristiques fonctionnelles. La production spontanée d'anticorps de différents isotypes
293
aussi bien que la production induite d'anticorps spécifiques de l'antigène après vaccination par
un antigène TD n'ont pas révélé de différence entre ces cellules B-1 potentielles et les
plasmoblastes CD20- authentiques. Le profil d'expression génétique des différentes catégories
B positionnent le phénotype de ces supposées cellules B-1 plus proche de celui des
plasmoblastes CD20- que des cellules B mémoires. De plus, ces cellules supposées B-1
pourraient se différencier en plasmoblastes CD20- et en plasmocytes in vitro. Ceci soutient
l'hypothèse d'un phénotype pré-plasmoblaste, et que ces cellules CD20+CD27+CD43+CD70CD69- pourraient provenir de plusieurs catégories B distinctes (Covens et al., 2013).
Le développement des programmes lymphoïdes commence en milieu de gestation
chez l'embryon de souris, lorsque les précurseurs lymphoïdes sont détectables. Les
précurseurs B c-Kit+AA4.1+CD19+ les plus précoces, dépendant de Pax-5, trouvés au 11ème
jour de gestation manquent de façon caractéristique de CD45/CD45R. Les précurseurs B
CD19+CD45R+ n'apparaissent pas avant les 13-14ème jours de gestation, et dominent
rapidement les compartiments B du foie et de la moelle osseuse fœtaux. Cependant, une
catégorie de cellules CD19+CD45R- est maintenue et mûrit rapidement au cours des périodes
fœtale et post-natale, à la fois dans la moelle osseuse et la rate. Tandis qu'il a été montré que
les cellules CD19+CD45R- de moelle osseuse adulte incluent des précurseurs de la population
B-1b, l'étude de De Andres et al. montre une population phénotypiquement similaire de
cellules B spléniques périfolliculaires (CD19highCD45R-/lowIgM+/-IgD-CD21/Cr2-/low)
grandement enrichie en plasmocytes sécrétant spontanément des isotypes IgG et IgA, en
l'absence de quelconque immunisation intentionnelle. Ces cellules montrent un phénotype de
cellules B hautement différenciées (CD43, CD138, CD9). La différenciation à court terme in
vitro et les transferts cellulaires in vivo de progéniteurs hématopoïétiques multipotents (cKit+Sca-1+lineage-) révèlent que les cellules B spléniques CD19+CD45R- adultes dérivent
préférentiellement des progéniteurs hématopoïétiques multipotents de l'ontogénèse précoce de
la souris.
Ces cellules pourraient ainsi représenter une composante des réponses IgG précoces ou
une catégorie de cellules B indépendantes des centres germinatifs. Il reste possible que ces
cellules se scindent en deux catégories, certaines sécrétant les IgG et d'autres les IgA, même si
elles n'ont pas encore été identifiées. Les cellules CD19+CD45R- sécrétrices d'IgA pourraient
représenter les homologues spléniques des cellules B-1b péritonéales, elles-mêmes
probablement dérivées des cellules pré-B de moelle osseuse récemment décrites.
L'enrichissement en plasmocytes sécréteurs d'anticorps, la localisation extrafolliculaire et l'expression négative ou faible des co-récepteurs CD45 et CD21 du BCR
suggèrent un lien avec les cellules B innées-like. Ces cellules sont impliquées dans les
réponses rapides, sans co-stimulation, aux pathogènes fréquents et/ou aux antigènes autoréactifs, et sont spécialisées dans la production d'IgG ou d'IgA naturelles. Il est intéressant de
noter que les cellules B CD19highCD45R-/low sont complètement absentes chez les souris
déficientes en Btk, soutenant la notion que leur formation serait conditionnée par des
spécificités restreintes sélectionnées par des signaux puissants dépendant du BCR (comme
pour les cellules B-1 et MZ).
294
Enfin, ces cellules CD19+CD45R- paraissent hautement prolifératives et il est probable
que cette population se maintienne par auto-renouvellement, comme c'est le cas pour les
cellules B-1b (de Andrés et al., 2007).
3.3.1.4 Connaissances sur les cellules B de la zone marginale
Les cellules MZ sont identifiables dans la rate par leur expression d'IgM et de CD21,
et leur absence d'AA4.1 et de CD23. Elles expriment de forts niveaux de B220, mais de très
faibles niveaux d'IgD (Bondada et al., 2013 ; Fairfax et al., 2008).
Elles peuvent être également distinguées des cellules folliculaires par leur expression
du récepteur au complément C3b, le CD35 (CR1), molécule synthétisée par le gène Cr2
(codant également pour le CD21 ou CR2) (Anderson et al., 2007).
Les cellules MZ sont considérées comme des cellules semblables aux cellules innées
qui peuvent être induites pour se différencier en plasmocytes à courte durée de vie sans
stimulation du BCR. Elles peuvent également favoriser le transport des antigènes au sein de
complexes immuns vers les follicules, elles participeraient aux réponses contre les antigènes
TD et seraient impliquées dans les réponses aux antigènes lipidiques. Chez les souris, elles
semblent principalement soutenir les réponses aux antigènes TI. Les forts niveaux de CD21
exprimés sur les cellules MZ ont probablement évolué pour faciliter la capture des immunscomplexes.
En raison de leur forte expression de CMH II, B7-1 et B7-2 (CD80 et CD86), les
cellules MZ sont mieux équipées pour présenter l'antigène et activer les cellules T que ne le
sont les cellules folliculaires.
Les cellules MZ expriment également de forts niveaux de CD1d. Cette molécule
pourrait être potentiellement impliquée dans la présentation des antigènes lipidiques aux
cellules NKT, ce qui activerait les cellules MZ par des interactions CD40L-CD40 de façon à
induire une commutation de classe rapide et de potentielles mutations somatiques (Allman et
Pillai, 2008).
3.3.1.5 Connaissances sur les cellules B folliculaires
L'expression différentielle des molécules de surface cellulaire IgD, CD5,
CD11b/CD18 (constituants de Mac-1), CD23 et CD45 permet la séparation entre les deux
compartiments B-1 et B-2 (Rich, 2008). Les cellules folliculaires expriment de forts niveaux
de B220 (CD45) et d'IgD, de faibles niveaux d'IgM, des niveaux intermédiaires de CD21, et
n'expriment pas Mac-1 ou CD5 (Fairfax et al., 2008).
On retrouve à leur surface la molécule CD23, un récepteur de faible affinité à l'IgE
exprimé sur les cellules activées (LeBien et Tedder, 2008).
3.3.1.6 Connaissances sur les cellules B régulatrices
Les cellules B10 constituent une petite catégorie de cellules B qui, au lieu de
promouvoir la réponse immunitaire, sont des cellules régulatrices supprimant les réponses
immunitaires. Elles sont ainsi nommées d'après leur expression caractéristique de l'IL-10,
295
pour les différencier des autres cellules B régulatrices récemment découvertes sécrétant de
l'IL-12. Les cellules B10 spléniques sont trouvées à de faibles fréquences (1 à 5 %) et font
partie de manière prédominante de la sous-population de cellules B CD1dhighCD5+CD19high.
Ces cellules partagent des marqueurs de surface avec de multiples autres catégories de
cellules B (B-1a, MZ, précurseurs des cellules MZ), ce qui concorde avec leur localisation au
sein des follicules spléniques et de la zone marginale (Maseda et al., 2012). En effet, le CD5
est affiché par les cellules B-1a, et le CD1d est fortement exprimé sur les cellules MZ. De
plus, on trouve parmi ces cellules B10 CD1dhighCD5+, des cellules affichant le CD23, qui
donnent naissance à des cellules CD1dhighCD23+IgMhigh semblables aux précurseurs T2 des
cellules de la MZ, et des cellules n'affichant pas le CD23, qui donnent naissance à des cellules
CD1dhighCD23-IgMhigh semblables aux cellules MZ matures. Toutes ces catégories de cellules
contiennent sans doute à la fois des cellules B10 et leurs précurseurs B10pro. Les cellules B10
murines sont de manière prédominante IgDlowIgMhigh et moins de 10 % d'entre elles coexpriment IgG ou IgA, mais elles se différencient en cellules sécrétrices d'IgM et d'IgG. Les
cellules B10 n'ont donc pas, pour l'instant, de marqueurs propres bien définis, et le seul moyen
de les identifier est de rechercher l'IL-10 intracellulaire. Conservant la capacité à répondre à
un antigène et à se différencier en plasmocytes, les cellules B10 présentent à leur surface le
CD40, le CMH II, ainsi que le récepteur à l'IL-21 qui sont fondamentaux pour les interactions
avec les lymphocytes T CD4+. L'IL-21 induit la production d'IL-10 sur les cellules
CD1dhighCD5+ (Kalampokis et al., 2013).
Les cellules B10 sanguines humaines, homologues des cellules B10 murines, sont
aussi rares et présentent des marqueurs communs aux cellules B mémoires. En effet, elles
présentent un phénotype CD24highCD27+ (Maseda et al., 2012). Chez l'homme, le
développement et le fonctionnement des cellules B10 est très semblable à ceux de la souris. Il
reste encore néanmoins à déterminer leur devenir, car la preuve que ces cellules puissent se
différencier en plasmocytes et en cellules mémoires reste manquante. Près de 60 % des
cellules B10 humaines expriment le CD38, et un nombre à peu près équivalent de cellules
B10 est rapporté dans les catégories CD24highCD38high et CD24highCD38int. Elles expriment
aussi fortement le CD48 et le CD148. Le CD48 est un marqueur d'activation B et le CD148
est considéré comme un marqueur des cellules B mémoires humaines. Les cellules B10
humaines présentent ainsi un phénotype comparable aux cellules mémoires. Leur capacité
proliférative en réponse à une stimulation mitogène est d'ailleurs plus forte que pour les autres
catégories de cellules B, ce qui est à nouveau comparable aux cellules mémoires, et ce qui
apparaît être le cas également pour les cellules B10 murines (Kalampokis et al., 2013).
Alors que les études anciennes ne montraient pas que les cellules B étaient capables de
sécréter de l'IL-12, les récents résultats indiquent que les cellules B murines et humaines
peuvent produire de grandes quantités d'IL-12 après stimulation du BCR/CD40. L'IL-12 est
considérée être un facteur crucial de l'induction de la voie Th1, caractérisée par une
production augmentée de cytokines pro-inflammatoires (IFN-γ et TNF-α). Le développement
de modèles d'inflammation intestinale de maladie de Crohn a permis de démontrer un rôle
important de l'IL-12 dans le développement de l'inflammation intestinale. Les résultats chez
l'homme sont similaires ; en effet, le traitement par un AcM capable de neutraliser l'activité
p40 de l'IL-12 (l'une des sous-unités de l'IL-12) a été montré être bénéfique dans la rémission
296
de la maladie de Crohn active. Cette population de cellules B régulatrices synthétisant l'IL-12
est induite en présence d'IL-10 et impliquée dans la suppression des réponses inflammatoires
intestinales Th2, ce qui a été montré par l'utilisation de souris KO déficientes en sous-unité
p35 de l'IL-12 (p35/p40). L'IL-12 participe à la pathogénèse des colites médiées par voie Th1
de part sa capacité à augmenter les réponses Th1. Ainsi, il se pourrait que l'effet de l'IL-12
diffère selon le profil cytokinique présent (Th1 vesus Th2). Néanmoins, de récentes études
suggèrent que, même dans les maladies Th1, l'IL-12 joue plutôt un rôle régulateur et que le
mécanisme pathogène est médié par une autre cytokine associée à la sous-unité p40, l'IL-23
(p19/p40). Une autre étude encore plus récente montre que l'IL-23, et pas l'IL-12, est
impliquée dans la pathogénèse des colites à médiation Th1 observées chez les souris KO pour
l'IL-10. Il serait possible que des facteurs autres que la balance cytokinique influent sur le rôle
de l'IL-12 dans les colites. L'IL-12 aurait une influence directe sur l'activation des cellules
Th17 intestinales et la synthèse d'IL-17 favoriserait la suppression. L'IL-23 quant à elle induit
la production d'IL-17 par les cellules Th17 (Sugimoto et al., 2007).
3.3.1.7 Connaissances sur les cellules B mémoires
Les cellules B mémoires présentent une certaine hétérogénéité phénotypique. Malgré
la description initiale du CD27 comme étant un marqueur universel des cellules mémoires
humaines, plusieurs études ont montré l'existence de populations de cellules mémoires
n'exprimant pas le CD27. Cette hétérogénéité se manifeste également à travers l'expression
des molécules CD38, CD21, CD24, CD19, B220, et CD25. Le nombre de cellules mémoires
chez l'homme, reconnues par l'expression du CD27, est bien plus important que chez la souris.
Ceci est attribué à l'accumulation de cellules mémoires à longue durée de vie au cours de la
vie, plus longue, de l'homme. Moins de la moitié de ces cellules mémoires ont subi la
commutation de classe, le reste exprimant des IgM à leur surface.
Récemment, une population de cellules mémoires n'exprimant pas le CD27 a été
découverte dans les amygdales et le sang périphérique. Ces cellules CD27- n'expriment pas
l'IgD et représentent moins de 5 % des cellules B chez un sujet sain. Tout comme les cellules
CD27+, elles expriment les isotypes IgM, IgG ou IgA, et sont incapables d'extruder la
rhodamine 123 ou colorants similaires. Le taux moyen de mutations dans les cellules CD27IgG+ est plus faible que pour leurs homologues CD27+. Beaucoup des cellules IgM+CD27restent non mutées. Ces cellules CD27- sont trouvées en moins grand nombre que leurs
homologues CD27+. Bien que représentant une part non négligeable des cellules mémoires
dans les amygdales, une grande majorité de cellules CD27+ est retrouvée en périphérie.
L'analyse de marqueurs de surface supplémentaires a permis de montrer l'existence de
plusieurs sous-populations au sein des cellules mémoires CD27+ comme CD27-. En effet,
dans chacune de ces catégories, environ la moitié des cellules sont CD38+ tandis que l'autre
moitié est CD38-. Par contre, la majorité des cellules CD27+ sont CD24+ tandis que la
majorité des cellules CD27- sont CD24-. B220 est presque universellement exprimé par les
cellules B humaines naïves, mais par seulement 20 % des cellules mémoires CD27+. Les
études montrent que 50 à 60 % des cellules mémoires CD27- expriment B220, notamment
dans le compartiment ayant subi la commutation de classe. En effet, l'analyse des cellules
CD27+ et CD27- montre que les cellules n'exprimant que des IgM forment une population de
297
cellules CD24+B220-, tandis que les cellules B mémoires exprimant des IgG dans les deux
catégories sont hétérogènes dans leur expression de CD24 et de B220, suggérant que les
cellules B mémoires commutées pourraient être divisées en d'autres catégories. Finalement, il
a été démontré l'existence, au sein des cellules B mémoire CD27+, de deux populations
distinctes selon l'expression de CD25, les cellules CD27+CD25+ représentant 60 % des
cellules CD27+ mémoires (Sanz et al., 2008).
Le peu qui est connu sur les cellules mémoires provient des études réalisées chez
l'homme qui, outre le fait qu'il possède un nombre de cellules mémoires bien plus important
que la souris, présente des cellules mémoires caractérisées par des marqueurs bien définis :
CD27 (qui n'est toutefois pas exprimé sur toutes les cellules mémoires) et CD148. Les
cellules humaines ont par exemple des niveaux élevés en molécules de co-stimulation CD80
et CD86 comparé aux cellules naïves (Anderson et al., 2007 ; Sanz et al., 2008).
L'étude des cellules B mémoires murines est limitée par le petit nombre de cellules et
l'absence de marqueur définitif spécifique. Des modèles de souris transgéniques pour certains
haptènes ont permis de lever quelques-unes ce des difficultés, permettant la production d'un
grand nombre de cellules B mémoires spécifiques d'antigène lors d'une immunisation. Par
ailleurs, de courtes cures de bromodéoxyuridine (BrdU) étiquettent durablement une catégorie
de cellules B antigènes-spécifiques restant stable au moins 20 semaines après l'immunisation.
L'utilisation du BrdU a donc permis de définir les cellules B mémoires comme étant des
cellules spécifiques de l'antigène se divisant en réponse à cet antigène (et ainsi fixant le
BrdU), sortant alors du cycle cellulaire et persistant dans un état de repos (et ainsi retenant le
BrdU) pendant plus de 3 mois après immunisation.
Les cellules B mémoires présentent une hétérogénéité considérable. Quelques
catégories de cellules, qui ont répondu à l'antigène des mois auparavant, incluant des cellules
ayant subi la commutation de classe, restent non mutées. L'étude de ces mutations dans l'une
des catégories a permis de découvrir un enrichissement des mutations ponctuelles alors que le
compartiment mémoire vieillit, suggérant une sélection ou une gravure initiale de longévité
dans les cellules B les plus affines. Il a également été découvert par immunohistologie que les
cellules B mémoires fixant le BrdU étaient trouvées dans la zone marginale mais également et
à nombre égal dans les follicules spléniques. Cette hétérogénéité implique probablement
différentes origines et fonctions.
Cette technique de marquage au BrdU présente des limites, étant donné que ne sont
sélectionnées que les cellules mémoires se différenciant pendant ces cures et pas les cellules
mémoires se différenciant avant et après. Néanmoins, elle a permis la découverte de plusieurs
marqueurs définissant les catégories de cellules B mémoires, en les cherchant ensuite chez les
souris non-transgéniques pour montrer que ces marqueurs de surface représentent bien des
caractéristiques générales de cellules mémoires.
La majorité des cellules B mémoires expriment par exemple de forts niveaux de CD80
comparé aux cellules naïves après immunisation. Certaines cellules mémoires ne présentent
néanmoins pas d'augmentation de CD80 à leur surface. Il existe ainsi deux populations de
cellules mémoires, CD80high et CD80- chez la souris, comme c'est le cas chez l'homme chez
qui il existe deux catégories de cellules mémoires CD27 selon l'expression de CD80.
298
Quatre autres marqueurs, le CMH II, CD95, CD62L (L-sélectine) et CD73 sont
sensiblement plus présents sur les cellules B mémoires. Le CD95 et le CD73 sont deux
molécules impliquées dans la survie/apoptose des cellules, et le CD62L joue un rôle dans
l'adhésion et la migration cellulaire. La cytométrie de flux a permis de montrer l'existence, au
sein de la population CD80+, de deux sous-populations de cellules selon l'expression de CD73
: CD80+CD73+ et CD80+CD73-, cette dernière étant plus apparente parmi les cellules
mémoires IgG1+.
Vingt-quatre autres molécules de surface testées n'ont pas montré de différences
d'expression significative entre les compartiments naïf et mémoire. Néanmoins, les antigènes
CD23, CD35 et CD38 donnent des résultats très proches de la significativité. Le CD35 est
particulièrement intéressant, car les cellules B folliculaires et MZ sont classiquement
distinguées par leur expression relative de ce récepteur de surface (les cellules folliculaires
sont CD35low et les cellules MZ sont CD35high). Cette hétérogénéité est de manière
surprenante retrouvée au sein du compartiment mémoire. Auparavant, les cellules B mémoires
étaient supposées résider au sein de la zone marginale, bien qu'il n'était pas prouvé qu'elles
exprimaient des marqueurs communs à la population naïve MZ, comme le CD35. Cette
expression différentielle de CD35 au sein des cellules mémoires suggère des origines et
fonctions différentes. Les cellules B mémoires humaines CD27+ ont un phénotype de cellules
MZ, c'est-à-dire CD35highCD23low. Concernant les cellules mémoires murines, il a d'abord été
pensé que l'expression différentielle de CD35 déterminait la localisation (zone marginale pour
les CD35high et folliculaire pour les CD35low), mais il semblerait que la moitié des cellules B
mémoires BrdU+ folliculaires expriment CD35. Ainsi, pour le compartiment mémoire et
contrairement au compartiment des cellules naïves, la forte expression de CD35 n'est pas
nécessairement corrélée à la localisation dans la zone marginale.
Étant donné l'expression hétérogène de CD80 parmi les cellules B mémoires, d'autres
propriétés fonctionnelles ou génétiques potentiellement corrélées à ce marqueur ont été
cherchées. Il apparait ainsi que les mutations du gène V, considérées comme une indication
d'activation cellulaire et comme une caractéristique majeure des cellules mémoires, sont
retrouvées dans la catégorie de cellules mémoires CD80high mais pas parmi les cellules CD80-,
et qu'au sein des cellules CD80+, seules les cellules CD35low présentent des mutations. Cette
catégorie de cellules B mémoires mutées aurait ainsi une survie prolongée par sélection
positive ou négative des cellules non mutées (Anderson et al., 2007).
Une catégorie de cellule B mémoires localisée dans les amygdales et exprimant le
FcRL4 (Fc receptor-like 4) a été découverte. Ces cellules synthétisent RANKL. Yeo et al. ont
tenté de déterminer si les cellules B exprimant RANKL présentes dans l'arthrite rhumatoïde
appartiennent à cette catégorie de cellules mémoires. Les cellules B exprimant le FcRL4 sont
dans cette étude détectées dans les fluides synoviaux en fréquence significativement plus
haute que dans le sang périphérique. Le RANKL était significativement plus fort dans la
population B FcRL4+ que la population FcRL4-. Ces cellules B FcRL4+ sont majoritairement
dérivées des cellules B mémoires, exprimant de forts niveaux de CD80, CD86, CD95, CD20
et CD11c (famille des intégrines) comparé aux cellules B FcRL4-. Elles expriment par ailleurs
des niveaux significativement plus forts d'ARNm pour RANKL et TNF-α. Une nouvelle
population de cellules B pro-inflammatoires, exprimant RANKL et TNF-α, a donc été
299
découverte dans la synovie des patients atteints d'arthrite rhumatoïde. Cette population montre
une expression considérable de molécules de co-stimulation, indiquant un potentiel rôle dans
la pathogénèse de l'arthrite rhumatoïde (Yeo et al., 2014).
3.3.1.8 Connaissances sur les plasmocytes
Contrairement aux cellules B matures, les plasmocytes présentent un petit noyau,
dense et excentré, un cytoplasme volumineux contenant un réticulum endoplasmique
granuleux et un appareil de Golgi très développés (Minges Wols, 2006).
Lors de la différenciation en plasmocyte, les caractéristiques définissant l'origine de la
cellule B sont progressivement perdues si bien que les plasmocytes matures sont
effectivement négatifs en quelconque immunoglobuline de surface, CD19, CD79, B220,
CMH II, CD5 et Mac-1, rendant leur origine impossible à déterminer à partir du phénotype
seul.
Chez la souris, les plasmocytes peuvent être répartis sur la base des niveaux
d'expression de Blimp1. À peu près 50 % des plasmocytes dans la rate d'une souris adulte
naïve sont Blimp1high et 50 % Blimp1int, avec une différence d'un facteur 5
approximativement. Dans la moelle osseuse, il semblerait que tous les plasmocytes soient
Blimp1high, tandis que dans le sang, les rares plasmocytes pouvant être détectés sont Blimp1int.
L'analyse des marqueurs de surface suggère que ces deux catégories représentent deux stades
de développement différents, les plasmocytes Blimp1high seraient plus matures que les
Blimp1int. Ainsi, les plasmocytes Blimp1int conservent une certaine expression de B220,
CD19, CD22 et de CMH II tandis que les plasmocytes Blimphigh sont négatifs pour tous ces
marqueurs. Certains marqueurs apparaissent dans les plasmocytes Blimp1int et sont conservés
dans les plasmocytes Blimp1high tels CD138 (syndecan), et CXCR4, le récepteur du CXCL12,
tandis que le CD43 est exprimé seulement sur les cellules Blimp1int. De manière intéressante,
l'expression de FcγRII, fortement exprimé sur les cellules B naïves, est augmentée sur les
plasmocytes. Finalement, les études de marquage au BrdU indiquent que les plasmocytes
Blimp1int ont un renouvellement beaucoup plus rapide que les cellules Blimp1high. Ainsi,
l'immunisation conduit à une expansion prononcée de la catégorie Blimp1int dans la rate sans
changer la fréquence des cellules Blimp1high dans la rate et la moelle osseuse, compatible avec
ces compartiments de plasmocytes à courte et longue durées de vie. Il n'existe néanmoins pas
de preuve définitive que les cellules Blimp1int soient bien les précurseurs des plasmocytes
Blimp1high.
La cytokine APRIL, tout comme BAFF, appartenant à la superfamille des TNF, est
impliquée dans la survie des plasmocytes dans les cultures de moelle osseuse de souris et de
cellules B humaines. Récemment, il a été rapporté qu'APRIL fixe les syndécanes riches en
glycosaminoglycanes, comme CD138, précédemment cité en tant que marqueur des
plasmocytes. Ceci permettrait de faciliter la capacité d'APRIL à interagir avec BCMA,
impliqué dans le mécanisme de survie des plasmocytes (Fairfax et al., 2008). Le CD138 est la
molécule la plus utilisée pour l'isolation des plasmocytes. Cette syndécane fixe la
fibronectine, le collagène et le facteur de croissance des fibroblastes (basic fibroblast growth
factor). En plus de leur expression de CD138, les plasmocytes présentent à leur surface les
300
molécules d'adhésion CD44 et VLA-4 (composé d'un dimère d'intégrines : intégrine α4 ou
CD49d et intégrine β1 ou CD29) suggérant qu'il y aurait plusieurs moyens pour les
plasmocytes d'être en contact avec les cellules stromales de la moelle osseuse, gardant les
cellules sécrétrices d'anticorps à proximité des facteurs de survie dérivés des cellules
stromales (Minges Wols, 2006). Les plasmocytes expriment également le CD27, marqueur
controversé des cellules mémoires (Demberg et al., 2012).
Plusieurs observations ont contribué à la théorie qu'au sein de la rate, des nœuds
lymphatiques et de la moelle osseuse, les plasmocytes résident au sein de niches fournissant
des signaux permettant la survie de longue durée. Dans la moelle osseuse, plus de 90 % des
plasmocytes IgG+CD138+ sont observés à proximité des cellules stromales CXCL12+,
également VCAM (vascular cell adhesion molecule)-1+. Il a été également observé que la
survie des plasmocytes in vitro pouvait être soutenue par ces cellules stromales et par le
CXCL12. CXCR4, le récepteur du CXCL12, joue un rôle à la fois dans la localisation et la
survie des plasmocytes chez la souris, puisque la délétion induite de CXCR4 conduit à une
diminution des plasmocytes matures (Fairfax et al., 2008).
Les cellules sécrétrices d'anticorps humaines isolées à partir de différents organes ne
présentent pas le même phénotype de surface. L'expression des molécules de surface suggère
une maturation progressive des amygdales vers la moelle osseuse en passant par le sang. La
plupart des plasmocytes de la moelle osseuse présentent les phénotypes suivants (en
comparaison aux plasmocytes des amygdales) : le gain de la Syndécane-1 et la perte du
phénotype B (CD19, CD20, CD22, HLA-DR, Pax5 parmi d'autres), le gain du facteur de
survie Bcl-2 et la perte du récepteur de mort CD95, le gain de molécules d'adhésion telles que
VLA-4 et du récepteur de chémokine CXCR4. Ceci, associé au fait que les cellules sécrétrices
d'anticorps des amygdales et sanguines sécrètent un pic d'anticorps à trois jours de culture in
vitro tandis que les plasmocytes de moelle osseuse les sécrètent de façon linéaire durant trois
semaines, suggère une maturation des plasmocytes des organes lymphoïdes secondaires vers
le sang jusqu'à leur destination finale, la moelle osseuse.
Les études menées chez la souris indiquent également une population de plasmocytes
précurseurs dans la moelle osseuse. Ces cellules expriment toujours de nombreux marqueurs
des cellules B (comme le BCR, le CMH II, le B220) et conservent leur capacité de
prolifération. Elles ne semblent pas être des cellules mémoires puisqu'elles continuent de
sécréter des anticorps. Ultérieurement, elles expriment VLA-4, CD44 et le récepteur à l'IL-6,
qui facilite probablement leur développement en plasmocytes totalement différenciés dans la
moelle osseuse.
VLA-4 représente l'un des mécanismes à travers lesquels les cellules stromales et les
plasmocytes interagissent, mais bien que les cellules stromales expriment VCAM-1, l'un des
ligands de VLA-4, VCAM-1 n'est pas nécessaire pour maintenir les plasmocytes en vie
(Minges Wols, 2006).
3.3.1.9 La classification Bm des cellules B périphériques
Le processus de différenciation des cellules B naïves en cellules B effectrices
(plasmocytes ou cellules B mémoires) est un processus complexe, faisant intervenir de
301
nombreux types de cellules, comme les cellules T ou les cellules dendritiques folliculaires,
parmi d'autres. Ces cellules B naïves se différencient en cellules effectrices dans les centres
germinatifs, des aires hautement spécialisées des organes lymphoïdes secondaires (nœuds
lymphatiques, rate, amygdales). Après la rencontre avec l'antigène, les cellules B naïves
activées subissent une prolifération, les mutations somatiques des gènes de région V, la
commutation de classe de l'immunoglobuline, et la maturation d'affinité. Un certain nombre
de catégories de cellules B ont été identifiées dans le sang périphérique et les organes
lymphoïdes secondaires de l'homme. Ces catégories sont pensées représenter des stades de
développement distincts des cellules B naïves en cellules B effectrices (Vugmeyster et al.,
2004).
Dans les amygdales humaines, des sous-populations distinctes ont été identifiées il y a
près de deux décennies. En effet, l'expression différentielle des immunoglobulines de surface
(sIg) de classe D et du CD38 a permis de distinguer quatre sous-populations de cellules B :
sIgD+CD38-, sIgD+CD38+, sIgD-CD38+ et sIgD-CD38-. Des analyses phénotypiques,
fonctionnelles et génétiques (sur le gène de l'immunoglobuline) ultérieures ont permis
d'apporter les conclusions suivantes (Liu et al., 1996) :
- les cellules B sIgM+IgD+CD38- sont des cellules B naïves (stades Bm 1 et 2) portant
des récepteurs non-mutés. La séparation entre ces deux stades se fait alors sur
l'expression du CD23, les cellules Bm1 étant CD23- et les cellules Bm2 exprimant le
CD23 ;
- les cellules B sIgM+IgD+CD38+ sont les cellules fondatrices des centres germinatifs
(stade Bm2') prêtes à subir l'apoptose avant le début des mutations somatiques ;
- les cellules B sIgM-IgD+CD38+ sont les cellules B des centres germinatifs (stade Bm3
δ), ayant accumulé le plus grand nombre de mutations somatiques jamais rapporté sur
des cellules B normales ayant probablement subi la délétion de la région constante μ ;
- les cellules B sIgD-CD38+CD77+ sont les centroblastes (stade Bm3), dans lesquels la
machinerie de mutation somatique est activée ;
- les cellules B sIgD-CD38+CD77- sont les centrocytes (stade Bm4) dans lesquels la
machinerie de commutation de classe est activée ;
- les cellules B sIgD-CD38- (stade Bm5) représentent les cellules B mémoires au repos,
mutées.
Dans le sang périphérique, on retrouve toutes ces catégories exceptées les souspopulations Bm3 et 4. Le phénotype de chacune de ces catégories a ensuite été précisé par
l'apport d'autres marqueurs de surface (CD10, CD44, CD95, et CD27).
Elle a été la première des subdivisions des cellules B humaines qui a fonctionné sur le
sang périphérique aussi bien que les amygdales (et les autres organes lymphoïdes secondaires)
et a été largement utilisée pour quantifier les catégories B humaines dans un certain nombre
d'affections, notamment les maladies auto-immunes, mais également pour la classification des
lymphomes et leucémies. Néanmoins, bien que très utile, quelques problèmes restent
persistants. Par exemple, peu après l'introduction de la classification Bm, l'expression de
CD27, comme nous l'avons vu, est devenue communément utilisée en tant que marqueur des
cellules B mémoires humaines, mais il a été découvert que des cellules d'autres stades que le
stade Bm5 (quelques cellules B naïves Bm1 et quelques centroblastes et centrocytes)
exprimaient également le CD27. Ceci met en évidence un écueil potentiel à l'utilisation d'un
302
seul et unique marqueur dans l'identification d'une sous-population, et d'autres études ont
montré que le CD27 ne permettait pas non plus d'identifier toutes les cellules B mémoires du
sang périphérique, démontant qu'un seul et unique marqueur n'est pas forcément adapté pour
reconnaître toutes les cellules appartenant à une même catégorie (Jackson et al., 2008).
Dans le sang périphérique, on retrouve toutes les catégories ci-dessus excepté les
cellules B des centres germinatifs (stades Bm3 et Bm4), suggérant par ailleurs que quelques
cellules B fondatrices des centres germinatifs sont circulantes, sûrement pour transiter d'un
organe lymphoïde secondaire à un autre. Cette catégorie de cellules circulantes
phénotypiquement semblables aux cellules Bm2' portent également à leur surface le marqueur
CD10, caractéristique des cellules Bm2', Bm3 et Bm4 (cellules fondatrices et cellules des
centres germinatifs), et n'expriment pas le CD27, confirmant qu'elles ne sont pas encore des
cellules B des centres germinatifs ou des cellules B mémoires mutées somatiquement
réentrant dans les centres germinatifs.
Des cellules mémoires exprimant toujours le CD38 (Bm5 précoce) ont été découvertes
à la fois dans le sang périphérique et les amygdales, suggérant que ces cellules B sont
également capables de quitter les centres germinatifs et les organes lymphoïdes périphériques
à un stade de différenciation plus précoce que précédemment suggéré (Bohnhorst et al.,
2001).
Les cellules B des centres germinatifs seraient les seules cellules B périphériques non
circulantes, l'expression de récepteurs aux chémokines étant dérégulée sur ces cellules. Le
CD77 est pensé être un régulateur de l'apoptose induite par le BCR, et ce marqueur n'est pas
trouvé sur les cellules B circulantes, suggérant que ce mécanisme de régulation n'est requis
que dans les organes lymphoïdes secondaires.
Un plus grand nombre de cellules B mémoires a subi la commutation de classe (IgM-)
dans le sang périphérique que dans les amygdales, suggérant que les cellules B mémoires
n'ayant pas subi de commutation de classe sont plus enclines à mourir et/ou ont plus de
chance d'être activées pour un nouveau tour de réactions des centres germinatifs. De plus, une
très grande proportion de la sous-population mémoire Bm5 dans le sang périphérique exprime
le marqueur d'apoptose CD95 comparé aux cellules Bm5 des amygdales, suggérant que
l'apoptose serait également important au sein du compartiment de cellules B mémoires
circulantes (Bohnhorst et al., 2001).
Les mécanismes d'induction d'un phénotype de cellules des centres germinatifs sont
restés longtemps peu compris et flous. Les cellules des centres germinatifs sont caractérisées
par l'expression de CD10, ainsi qu'une forte expression du récepteur de mort cellulaire
(CD95) et une expression hétérogène du CD77. Comparé aux autres catégories, les cellules B
des centres germinatifs expriment également moins fortement le récepteur à la cytokine BAFF
(BAFF-R), facteur de survie et de maturation majeur des cellules B, et ont une expression
faible du CD32 (le récepteur FcγRIIb, régulateur négatif de l'activation des cellules B)
comparé aux cellules B naïves et mémoires (Vugmeyster et al., 2004). L'activation des
cellules B des amygdales en utilisant des anticorps anti-CD40 ou anti-IgM induit
normalement seulement l'augmentation de CD38 et CD71 mais n'a pas d'effet sur les
marqueurs typiques des cellules des centres germinatifs. Cependant, il a été montré que la
liaison simultanée de la glycoprotéine CD44 sur de telles cellules B amygdaliennes
augmentent les marqueurs humains typiques des cellules des centres germinatifs (CD10,
303
CD38, CD77 et CD95), dérégulent le CD24 et le CD39 (ectonucléotidase humaine
hydrolysant l'ATP et l'ADP en AMP), et induisent la progression vers l'apoptose, tout ceci
étant des caractéristiques des cellules B des centres germinatifs. Le CD44 jouerait un rôle
dans la formation des cellules B des centres germinatifs (Ingvarsson, 1999).
Cette classification Bm reste ouverte, et de nouvelles sous-populations continuent
d'être découvertes. Ainsi, en 2007, une nouvelle catégorie de cellules B a été découverte dans
les amygdales humaines, partageant des caractéristiques de cellules B naïves et des centres
germinatifs. En effet, elles sont IgD+CD38-CD23+/- comme le sont les cellules naïves, mais
sont distinguées par la présence de CD71 et sont dans le début de la phase G1 du cycle
cellulaire, contrairement aux cellules naïves qui sont en phase G0. De plus, ces cellules sont
plus grosses, expriment l'AID (enzyme essentielle aux mutations somatiques et à la
commutation de classe) et commencent à subir les mutations somatiques. Elles ne remplissent
pas complètement les critères des cellules B des centres germinatifs puisqu'elles n'ont pas tous
les marqueurs de surface caractéristiques des cellules Bm3 et 4 (notamment le CD38). Il
s'agirait donc d'intermédiaires entre les cellules naïves et les cellules fondatrices des centres
germinatifs (Bm2'), et représentent 0.2 % des cellules B chez l'homme (Kolar et al., 2007).
3.3.1.10 Quelques découvertes récentes
Les cluster de différenciation restent un domaine de recherche intense chez l'homme
comme chez la souris. Ainsi ont été très récemment découvertes 18 nouvelles molécules CD,
exprimées à des stades différents de la maturation des cellules B humaines, dont trois sont
spécifiques des cellules B. Ces trois molécules appartiennent à la superfamille des
immunoglobulines et à la famille FCR-like et sont le CD307a, CD307b et CD307d. Le
CD307a (FCRL1) est composé de trois domaines immunoglobulines, une région
transmembranaire avec un acide aminé chargé et une longue queue cytoplasmique portant
deux ITAM. La présence de cet acide aminé suggère que le CD307a peut engager d'autres
protéines transmembranaires. CD307a est exprimé exclusivement sur les cellules B, son
expression débute sur les cellules pré-B et augmente durant la différenciation B. Les cellules
B immatures, matures et mémoires expriment les plus forts niveaux de CD307a, tandis que les
cellules des centres germinatifs et les plasmocytes expriment des niveaux moindres. La liaison
simultanée de CD307a et du BCR augmente la mobilisation calcique et la prolifération
cellulaire, induisant une réduction d'IgD de surface et une augmentation des niveaux de
CD86. D'autre part, la surexpression de CD307a dans les lymphomes B non-Hodgkiniens,
comme le lymphome folliculaire, la leucémie lymphoïde chronique et autres, démontre que le
CD307a pourrait être une cible importante pour l'immunothérapie des cancers à cellules B. Le
CD307b (FCRL2) possède quatre domaines immunoglobuline et une queue cytoplasmique
portant un ITAM et deux ITIM. Il est exprimé de manière prédominante et intense sur les
cellules B matures ainsi que les cellules B mémoires et des centres germinatifs. Les cellules
immatures et les plasmocytes l'expriment de façon moindre. CD307b joue un rôle régulateur
dans le développement normal et néoplasique des cellules B. Il est également surexprimé lors
de lymphomes non-Hodgkiniens, et représente un important facteur pronostic. Le CD307d
(FCRL4) possède également quatre domaines immunoglobulines dans sa région
304
extracellulaire et une queue cytoplasmique avec deux ITIM. Il est exclusivement présent sur
les cellules B, bien qu'il ne soit pas trouvé dans les stades précoces du développement.
Remarquablement, une sous-population de cellules B mémoires exprime de forts niveaux de
cette protéine. De faibles niveaux sont trouvé sur les cellules B matures et des centres
germinatifs. Le CD307d a la capacité d'inhiber la signalisation BCR en se fixant au SHP-1 et
SHP-2. D'autre part, il a également été suggéré que les cellules B CD307d+ pourraient
représenter une sous-population spécialisée de cellules B mémoires. Il serait ainsi intéressant
de déterminer si le CD307d est un bon marqueur pour identifier des catégories de cellules B
mémoires (Matesanz-Isabel et al., 2011).
3.3.2 Connaissances chez le rat
Le rat ayant été l'un des premiers modèle animal utilisé, la majeure partie des
connaissances sur cette espèce est issue de découvertes relativement anciennes. On retrouve
dans cette espèce des cellules B naïves IgD+IgM+, des cellules B mémoires IgD-IgMhigh, des
cellules B folliculaires nouvellement formées IgMhighCD90high, recirculantes précoces
IgMlowCD90high et recirculantes IgMlowCD90-, ainsi que des cellules MZ IgMhighCD90-. Ces
cellules présentent à leur surface les molécules impliquées dans la régulation de la migration
et de la prolifération comme le LFA (lymphocyte function-associated antigen)-1
(CD11a/CD18), la molécule ICAM-1 (CD54), la L-sélectine (CD62L), les intégrines α4
(CD49d), le CD44, le CMH II, ainsi que l'IL2-Rα (CD25) (Milićević et al., 2001). Les rats
expriment également à la surface des cellules B les intégrines α2 (CD49b) et α5 (CD49e), qui
représentent les chaines α2 du VLA-2 et α5 du VLA-5 respectivement, ce dernier n'étant
exprimé que sur les cellules B périphériques (Pastoret, 1998). Elles expriment également
l'antigène CD48 de surface, ancré au GPI. La fixation du CD48 par son AcM provoque sur les
cellules B (mais pas les cellules T bien qu'exprimant également le CD48) l'agrégation des
lymphocytes du rat, comme c'est le cas avec la fixation de Thy-1 pour les cellules T (Garnett
et Williams, 1994).
Comme chez les autres espèces, le BCR est accompagné des molécules CD79a et
CD79b (Igα et Igβ) (Jones et al., 1993). Le rat exprime les molécules de co-stimulation CD80
et CD86 (Maeda et al., 1997) ainsi que l'antigène CD40 à la surface des cellules B. On
retrouve également le CD23 (récepteur de faible affinité à l'IgE, FCεRII), le CD35 (récepteur
CR1 du fragment C3b du complément) ou encore le récepteur de mort cellulaire CD95 (Fas)
(Pastoret, 1998). Les cellules B du rat expriment l'antigène leucocytaire commun (CD45), qui
est nommé dans cette espèce l'antigène HIS24. Il a été montré que presque toutes les cellules
de moelle osseuse HIS24+ exprimaient également l'antigène HIS50, l'homologue chez le rat
du HSA de la souris et du CD24 humain, et dont l'expression est presque exclusivement
observée sur les cellules B (la très grande majorité des cellules T, érythroïdes et myéloïdes
sont HIS50-). Une mineure partie des cellules B de la moelle osseuse (1 à 6 %) n'exprime pas
l'HIS50 et représenteraient des précurseurs précoces des cellules B. Dans le sang, un
cinquième des cellules mononuclées sont HIS50+, et environ 85 % de ces cellules expriment
les chaines μ et/ou κ. Dans la rate, les analyses par cytométrie de flux et l'immunohistologie
démontrent une expression hétérogène du HIS50 : les cellules IgMhigh (trouvées fortement
dans la pulpe rouge et la zone marginale) sont HIS50high tandis que les cellules IgMlow
305
expriment faiblement, voire n'expriment pas, l'HIS50. Les cellules B des centres germinatifs
expriment de forts niveaux de cet antigène. Cet antigène HIS50 est presque exclusivement
exprimé sur les cellules B, comme l'est le CD24 chez l'homme, mais contrairement au HSA
de la souris, est présent également sur la majeure partie des thymocytes et les cellules nonlymphoïdes de la moelle osseuse (Hermans et al., 1997).
L'existence d'une population B CD5+ chez le rat est sujette à controverse. En effet, les
résultats des études varient. MRC OX 19 serait l'AcM supposé reconnaître l'antigène CD5.
Néanmoins, une étude montre que le MRC OX 19 réagit faiblement avec toutes les cellules B,
légèrement plus chez le rat nouveau-né que chez l'adulte par ailleurs. L'une des hypothèses
serait alors que le MRC OX 19 ne soit pas un AcM anti-CD5 du rat (de Boer et al., 1992). Le
gène CD5 du rat a ainsi été séquencé et cloné, montrant qu'il réagit bien avec l'AcM MRC OX
19. L'ARNm du CD5 a également été trouvé dans les cellules B du rat. Mais les analyses par
cytométrie de flux n'ont pas permis de mettre en évidence une population de cellules B
exprimant plus le CD5 que l'ensemble des cellules B, indiquant que soit il n'existe pas de
population B chez le rat analogue à la population B-1 murine, soit le CD5 n'est pas le bon
marqueur pour mettre en évidence cette population B-1 chez le rat. L'existence d'une
population aux fonctions similaires aux cellules B-1 murines reste à investiguer (Vermeer et
al., 1994). Contrairement à la souris néanmoins, le rat présente une très petite quantité de
cellules B dans la cavité péritonéale (de Boer et al., 1992).
Des AcM ont été développés contre les antigènes CD26, CD71 et CD73. L'antigène
CD26 est une ectopeptidase participant à l'activation cellulaire, présente sur tous les
lymphocytes. L'antigène CD71, mentionné dans la partie sur la classification Bm, est un
récepteur à la transferrine, participant à l'activation et au métabolisme du fer. Enfin, le CD73,
présent à la surface de certaines cellules B mémoires, présente une activité ecto-5'nucléotidase et participe à la survie/apoptose cellulaire (Pastoret, 1998).
3.3.3 Connaissances chez le chien
Le chien est une espèce utilisée expérimentalement dans les recherches biomédicales,
et leur distance phylogénique des modèles habituels, l'homme et la souris, en font une espèce
d'intérêt pour l'étude de la diversification de l'immunité adaptative durant l'évolution.
Cependant, comme tous les modèles hors primates et murins, une classification détaillée des
cellules B n'est pas accessible et souffre d'un éventail très limité de réactifs immunologiques
spécifiques des cellules B (Faldyna et al., 2007).
Jusqu'en 2007, seules 8 molécules CD étaient acceptées universellement pour le chien
après le 1er CLAW de 1994 : CD4, CD5, CD8, CD11a/18, CDw41, CD44, CD45 et CD45R,
ainsi que les molécules spécifiques canines (WCA, WCH et WCK), ce qui représentait un
nombre fortement limité par rapport aux autres espèces. Ces 8 cluster de différenciation
permettent l'identification des cellules T chez le chien. Ce travail n'a malheureusement pas
mis en évidence de marqueurs définitifs spécifiques des cellules B, exceptés ceux dirigés
directement contre les immunoglobulines. Malgré l'existence d'un candidat potentiel pour le
CD21 canin, les données n'étaient pas assez claires pour le considérer comme anti-CD21, ce
306
qui était également le cas pour deux autres cluster de différenciation semblant spécifiques des
cellules B (Williams, 1997b).
Chez les espèces pour lesquelles un nombre limité de molécules CD est connu, les
AcM générés contre des antigènes dérivés d'autres espèces sont parfois testés pour leur
réactivité croisée. Ceci a été appliqué au chien lors du HLDA8 où un éventail de 380 AcM
dirigés contre les molécules CD humaines ont été testés sur les leucocytes du sang
périphérique canin pour leur réactivité croisée par cytométrie de flux. Ceci a permis la
découverte ou la confirmation de nombreuses molécules CD chez le chien, affichées aussi
bien par les lymphocytes que les érythrocytes et plaquettes. Cette étude a ainsi confirmé
l'existence des molécules CD11b/CD18, CD21, CD62L, ainsi que CD44 et CD45 sur les
cellules B canines. Elle a également mis en évidence de nouveaux cluster de différenciation
pour le chien, comme le CD22. Des anticorps dirigés contre le CD11b sont fabriqués par les
laboratoires LifeSpan BioSciences (monoclonal), Abcam (polyclonal), Acris Antibodies
GmbH (monoclonal), Aviva Systems Biology (polyclonal) entre autres (Novus Biologicals, St
John's Laboratory, AbD Serotec, Biorbyt, GenWay Biotech, Thermo Scientific Pierce
Antibodies, Merck Millipore). Ces mêmes laboratoires fabriquent également des anticorps
dirigés contre les autres antigènes CD cités ci-dessus : CD18 (LifeSpan BioSciences, Aviva
Systems Biology, Acris Antibodies GmbH, Abcam, GeneTex, ces deux derniers laboratoires
synthétisant des anticorps dirigés contre le complexe CD11/CD18 également, etc. ...), CD21
(Abcam, LifeSpan BioSciences, EXBIO Praha, Acris Antibodies GmbH, GeneTex, Biorbyt
etc. ...), CD22 (LifeSpan BioSciences, Bioss Inc., Acris Antibodies GmbH, Biorbyt, OriGene
Technologies), CD44 (eBioscience, Novus Biologicals, LifeSpan BioSciences, Abcam, Acris
Antibodies GmbH, AbD Serotec, R&D Systems, Biorbyt, GeneTex, OriGene Technologies
qui a développé des anticorps contre le CD44 réagissant seulement chez le chien et l'Homme,
etc. ...), CD45 (eBioscience, LifeSpan BioSciences, AbD Serotec, GeneTex, Acris Antibodies
GmdH, ce dernier ayant développé un anticorps spécifique canin, etc. ...), CD62L (AbD
Serotec, Novus Biologicals, Santa Cruz Biotechnology). (BIOCOMPARE. Use Biocompare to
explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
À l'inverse, d'autres molécules comme le CD81 présent chez l'homme et la souris dans
le complexe CD19/CD21/CD81, fortement exprimé dans ces espèces par les cellules B, ne
sont que peu retrouvées chez le chien. C'est le cas également pour le CD75, exprimé chez
l'homme majoritairement sur les cellules B matures et les cellules B des centres germinatifs
des follicules lymphoïdes secondaires, ainsi que sur une petite population de cellules T
périphériques (Schuberth et al., 2007).
L'AcM spécifique du chien dirigé contre CD21 (Aviva Systems Biology, GenWay
Biotech), décrit très tôt (en 1992 par Moore et al.), mais définitivement confirmé plus tard, a
permis de faciliter l'identification des cellules B canines. Presque toutes les cellules du sang
périphérique exprimant le CD21 expriment également le CD79α (ou CD79a, développé par
eBioscience, Novus Biologicals, LifeSpan BioSciences, Acris Antibodies GmdH, Raybiotech,
Abcam, AbD Serotec, Biorbyt, Creative Biomart). Il est l'un des marqueurs pan-B-spécifique
les plus précoces apparaissant durant la différenciation chez l'homme et la souris, le rendant
probablement utile à l'identification des précurseurs engagés dans la lignée B au sein des
organes lymphoïdes primaires dans de nombreuses espèces, et dont l'expression est conservée
307
par les cellules matures sécrétrices d'Ac. Ces cellules CD79a+ ne semblent pas exprimer le
CD86 chez le chien (Faldyna et al., 2007 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore,
learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/]
[Consulté le 25 août 2014]).
Plusieurs études de répartition des populations lymphocytaires dans des sites
anatomiques précis du chien ont été réalisées (German et al., 1999 ; Billen et al., 2006 ;
Peeters et al., 2005). L'étude portant sur le tractus gastro-intestinal n'a pas permis de mettre en
évidence l'existence de cellules B CD5+ chez le chien, alors que ce type cellulaire est trouvé
dans d'autres espèces dans les cavités péritonéale, pleurale, et la lamina propria. Dans cette
étude, le comptage des cellules CD5+, marqueur présent également sur les cellules T, donnait
un nombre moins important que de cellules CD3+, marqueur également présent sur les LT.
Ainsi, ce résultat serait en faveur de l'absence de sous-population B CD5+ chez le chien, mais
il est à analyser avec précaution du fait de la variabilité des tests selon les différents
marqueurs et les différentes méthodes utilisées (German et al., 1999).
Nous avons noté précédemment l'importance de l'étude de certaines pathologies dans
l'apport de connaissances sur les molécules CD. Chez le chien, contrairement à l'homme, les
connaissances sur la molécule de CD49d, composant du VLA-4 et d'importance pronostic
majeure dans la leucémie lymphoïde chronique de l'homme, sont plus restreintes. L'étude
comparative des lymphocytes chez des chiens sains et atteints de lymphome a néanmoins
permis de montrer que contrairement à l'homme, chez qui la majorité des lymphocytes sont
CD49d+, le chien ne possède qu'environ 35 % de lymphocytes exprimant cet antigène à leur
surface. Les chiens atteins de lymphome T ont une proportion de lymphocytes CD49d+
augmentée, de cause inconnue, mais suspectée être due à la différenciation des lymphocytes
vers un phénotype plus mature, proche de cellules mémoires due à la chimiothérapie
(Gauthier et al., 2005).
3.3.4 Connaissances chez le porc
De la même manière que le chien, le porc est une espèce d'intérêt majeur dans les
études expérimentales de par son éloignement des modèles classiques. Mais, de la même
manière que chez le chien, le nombre d'AcM connus chez le porc est très limité. Des AcM
spécifiques d'autres espèces ont donc été testés sur les cellules B porcines. Ainsi, 38 AcM
humains ont été testés lors du 3ème ISCW (International Swine CD Workshop), alors que
seuls les marqueurs CD21 (les laboratoires LifeSpan BioSciences, Acris Antibodies GmbH,
Abcam, SouthernBiotech développant désormais des anticorps anti-CD21 spécifiques du
porc), CD1 (dont un anticorps spécifique porcin est développé par de nombreux laboratoires :
LifeSpan BioSciences, Abcam, SouthernBiotech, Novus Biologicals, GenWay Biotech,
Abnova Corporation, Creative Biomart, Santa Cruz Biotechnology) et le SWC7 (LifeSpan
BioSciences, Acris Antibodies GmbH, GeneTex, AbD Serotec, Abcam, Aviva Systems
Biology, GenWay Biotech), un marqueur à l'origine supposé spécifique des cellules B
activées (mais en fait exprimé par une catégorie de cellules T CD3+ également) étaient connus
chez le porc.
Ce séminaire a confirmé la réactivité croisée de l'AcM humain anti-CD21, et a mis en
évidence la réactivité de l'anti-CD40 humain sur les cellules porcines. La réactivité de deux
308
autres AcM humains, le CD80 et le CD79b (la chaine Igβ associée au BCR), était douteuse,
mais l'AcM anti-CD35 n'a montré aucune réponse à presque toutes les cibles cellulaires du
porc (Boersma et al., 2001). D'autres AcM humains ont continué à être testés sur les cellules
porcines. Ainsi, en 2007, il a été montré que toutes les cellules CD21+ du sang périphérique
sont positives pour le CD79a (chaine Igα associée au BCR), et que ce marqueur pourrait donc
être utilisé dans l'identification des cellules B. Contrairement à l'homme et comme chez le
chien, une partie des cellules CD79a+ porcines sont CD21low. De plus, une partie des cellules
B porcines expriment le CD86. Lors de ce même travail, un AcM anti-CD22 humain a été
testé et n'a pas montré de réactivité importante sur les cellules porcines. De même, la présence
du CD20 à la surface des cellules B porcines n'a pu être prouvée (Faldyna et al., 2007). De
nombreux laboratoires, tous déjà cités précédemment, synthétisent des anticorps dirigés
contre le CD40 et le CD79a. La totalité de ces anticorps, excepté un des anticorps développé
par GeneTex, présente une réactivité croisée sur d'autres espèces que le porc.
L'expression du CD19 sur les cellules B porcines a longtemps été recherchée, sans
résultat. Il s'avère qu'un seul des 17 AcM anti-CD19 humain disponibles en 2008 réagit avec
les cellules B porcines : le gène codant pour le CD19 chez le porc a été cloné, séquencé et
exprimé au sein de bactéries, montrant seulement 60 % de similitudes de la région
extracellulaire avec le CD19 humain, ce qui explique cette observation. Seuls les laboratoires
Biorbyt, Bioss Inc. et Merck Millipore développent un anti-CD19 réagissant sur les cellules
porcines. Comme pour le CD19, le séquençage génétique a permis la découverte d'autres
antigènes CD pour lesquels aucun AcM n'est valide. C'est le cas pour le CD72 (exprimé sur
les cellules B, quelques cellules T, macrophages et cellules dendritiques), dont le domaine
extracellulaire chez le porc est sensiblement différent des autres espèces, ce qui explique
l'absence d'AcM anti-CD72 d'autres espèces réagissant avec le CD72 porcin. Comme pour la
majorité des espèces, on retrouve sur les cellules B porcines l'expression de l'antigène
leucocytaire commun (CD45), sous sa forme CD45RA, dont les anticorps sont développés par
LifeSpan BioSciences, Antigenix America Inc., Acris Antibodies GmbH, GeneTex, Thermo
Scientific Pierce Antibodies, AbD Serotec, Novus Biologicals, GenWay Biotech ou encore
Aviva Systems Biology. Les molécules de co-stimulation CD86 (B7-2) et CD80 (B7-1),
solubles ou transmembranaires ont été caractérisées moléculairement, structurellement et
fonctionnellement, tout comme leur récepteur CTLA-4 (CD152). De rares laboratoires
synthétisent les anticorps correspondant : Biorbyt, Abbiotec, Bioss Inc. pour le CD86 et
eBioscience, OriGene Technologies, Aviva Systems Biology pour le CD80 (Piriou-Guzylack
et Salmon, 2008 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne].
[Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Différentes études ont également montré l'existence des complexes CD11/CD18
(CD11a/CD18, CD11b/CD18, CD11c/CD18) chez le porc. Les LB porcins expriment le
CD11a à faible niveau et le CD11b. Néanmoins, l'expression du CD11c n'est pas rapportée,
contrairement à l'homme chez qui quelques catégories B l'expriment. Les cellules B
expriment également le complexe VLA-4 (CD49d/CD29), molécule d'adhésion aux matrices
extracellulaires, fournissant un stimulus important durant l'interaction B-T, et étant le ligand
majoritaire du VCAM-1. La L-sélectine (CD62L), une autre molécule d'adhésion, a également
été retrouvée sur tous les leucocytes, ainsi que le CD44. Le CD44 est impliqué chez l'homme
et la souris dans la recirculation des lymphocytes par fixation aux veinules endothéliales, ou
309
par interactions cellule-cellule ou cellule-matrice extracellulaire, mais n'est pas directement
impliqué dans de telles liaisons chez le porc. De très nombreux laboratoires synthétisent des
anticorps dirigés contre ces derniers antigènes, excepté le CD62L, pour lequel seuls les
laboratoires Abbiotec, LifeSpan BioSciences, Aviva Systems Biology et Genway Biotech Inc.
fabriquent des réactifs (Piriou-Guzylack et Salmon, 2008 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare
to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
La recherche d'une catégorie de cellules B CD5+ chez le porc, potentiellement
homologue à la population B-1 murine, a permis de montrer que les cellules B porcines ont
une expression hétérogène de ce marqueur. Entre 10 et 30 % des LB du sang de porc
expriment le CD5, avec deux populations distinctes exprimant faiblement ou moyennement le
CD5. Ces cellules CD5+ ressemblent aux cellules B-1 de la souris dans leur fréquence et leur
distribution. Les cellules B porcines CD5+ sont distinguées par une grande densité d'IgM de
surface, et une faible densité de CD5, comme les cellules B-1a chez la souris. Les cellules B1a murines expriment également faiblement l'IgD, qui n'est cependant pas détectée sur ces
cellules B porcines CD5lowIgMhigh. Le CD5, comme dans les autres espèces, assure la
transduction de signaux, conduisant à des changements dans les concentrations calciques
intracellulaires, mais ce signal seul est insuffisant pour permettre la division cellulaire
(Appleyard et Wilkie, 1998).
Chez le porc, il n'y a donc pour l'instant aucun autre marqueur pan-B que le CD79α,
qui doit être détecté de manière intracellulaire par un AcM humain. À cause de cette limite,
les cellules B sont détectées par l'utilisation d'anti-IgM, ce qui empêche l'identification de la
majorité des plasmocytes et des précurseurs B. Les cellules B IgM+ chez le porc sont CMHII+,
CD25low et CD45RC+ alors que presque toutes les cellules B IgM+ sont également CD21+ et
CD2low. Ces deux derniers antigènes sont considérés comme des marqueurs de différenciation
B chez le porc. La fonction du CD2 à la surface des cellules B n'est pas connue, mais elle est
une adhésine qui agit durant les interactions intercellulaires pouvant être dérégulée lors de
contacts cellule à cellule. Une fois que la cellule B est libérée de telles interactions,
l'expression de CD2 est rétablie. De très nombreux anticorps réagissant contre le CD2 porcin
sont fabriqués par les laboratoires, Acris Antibodies GmbH étant le seul à développer un
anticorps spécifique. L'expression des molécules CD25, CD79α et SWC3 peut être utilisée
pour l'identification des précurseurs B dans les organes lymphoïdes primaires. Les molécules
CD20 et CD86 ont également été montrées utiles dans le phénotypage des cellules B porcines.
Cependant, des catégories B-1 et B-2 ne peuvent être discriminées selon l'expression du CD5
chez le porc, car l'expression du CD5 peut être faible ou forte, et que les profils des autres CD
utilisés pour identifier les cellules B-1 et B-2 chez la souris ne correspondent pas chez le porc.
S'il existe une distinction réelle entre cellules B-1 et B-2 chez le porc, elle doit être faite au
niveau moléculaire.
Certains marqueurs des cellules B porcines manquent encore d'AcM spécifiques,
comme le CD19, le CD43, VpreB, Fcγ RII, mais un AcM spécifique du CD34 a été
récemment décrit par Layton et al. (2007) (Butler et al., 2009 ; BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
310
3.3.5 Connaissances chez le macaque
Le singe cynomolgus (Macaca fascicularis) est largement utilisé en tant que modèle
animal dans de nombreux domaines de recherche de part sa proximité phylogénétique avec
l'homme. Les analyses par cytométrie de flux des catégories majeures de leucocytes issus du
sang périphérique et des organes lymphoïdes sont devenues une approche importante pour
l'étude d'une variété d'agents thérapeutiques. La capacité d'extrapoler les résultats du
cynomolgus à l'homme est cependant partiellement entravée par le manque d'analyses
détaillées des similarités et différences entre les leucocytes de l'homme et du singe
cynomolgus. Des études récentes ont néanmoins démontré des différences phénotypiques
importantes entre les catégories de cellules B, T et NK de l'homme et du singe.
Par exemple, les échantillons sanguins du cynomolgus ont montré l'existence d'une
population de cellules B distinctes n'exprimant pas le CD21. Ces cellules B ont un phénotype
CD21-CD20+CD40lowFSChi. L'absence d'expression de CD21 et la forte expression de CD20
sont des caractéristiques phénotypiques des cellules B des centres germinatifs humaines ; des
analyses supplémentaires ont donc été réalisées pour approfondir ces similitudes. Ces cellules
B CD21- s'avèrent également être CD27+CD80+IgM+/-, appuyant l'hypothèse que ces cellules
B soient dérivées des centres germinatifs. Tout comme les cellules B des centres germinatifs
de l'homme exprimant moins fortement BAFF-R que les autres catégories, ces cellules B
CD21- expriment beaucoup moins fortement le BAFF-R (le récepteur de la cytokine BAFF,
un facteur de survie et de maturation important des cellules B) que les cellules B CD21+. Une
population B CD27+CD32- a été détectée dans le sang périphérique du cynomolgus, appuyant
à nouveau l'hypothèse que ces cellules circulantes dérivent des cellules des centres
germinatifs, puisque les cellules des centres germinatifs humaines expriment beaucoup moins
le CD32 que les autres catégories. Néanmoins, toutes les cellules supposées dériver des
centres germinatifs ne sont pas CD32-. Des études portées sur la détection de la fréquence des
mutations somatiques et de la commutation de classe fourniraient des preuves à l'hypothèse
que les cellules CD21- du cynomolgus dérivent des centres germinatifs. De manière
intéressante, toutes les cellules CD21- réagissent également au CD19 humain (qui est utilisé
pour détecter les cellules B des cynomolgus), tandis que 75 % seulement des cellules CD21+
répondent au CD19. Les cellules B CD21-CD20++CD80+ ont également été détectées chez les
macaques rhésus (Macaca mulatta). Bien que l'expression de CD27 et celle de l'IgM n'aient
pas été examinées dans cette catégorie de cellules B chez le macaque rhésus, il semble
plausible que ces cellules B du singe rhésus soient comparables aux cellules B possiblement
dérivées des centres germinatifs découvertes chez le singe cynomolgus. Cette population étant
très étudiée, de nombreux laboratoires interviennent dans la fabrication d'anticorps dirigés
contre une ou plusieurs de ces molécules CD : Biorbyt, LifeSpan BioSciences, Abcam,
BioLegend, STEMCELL Technologies, Merck Millipore, Thermo Scientific Pierce
Antibodies, Cell Sciences, Abnoca Corporation, BioVision, MBL International, Raybiotech,
ProSci, Fitzgerald Industries International, eBioscience, EXBIO Praha, AbD Serotec, BD
Biosciences, Acris Antibodies GmbH, GeneTex, Novus Biologicals, OriGene Technologies,
GenWay Biotech. À l'inverse, très peu de laboratoires développent des anticorps réagissant
contre le CD21 des singes cynomolgus ou rhésus : BD Biosciences et LifeSpan BioSciences
seulement (Vugmeyster et al., 2004 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
311
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
La fraction de cellules B exhibant un phénotype semblable aux cellules B mémoires
+
(CD21 CD27+CD80+CD40+CD20+) dans les échantillons sanguins du singe cynomolgus
(31 % en moyenne) est similaire à celle observée chez l'homme (30 % environ). Cependant,
les cellules B sanguines du cynomolgus ont une fraction plus faible de cellules naïves CD27-,
mais il existe un débat concernant l'utilisation de ce marqueur CD27 pour l'identification des
cellules B mémoires. Comme chez l'homme également, le marqueur précoce
d'activation/maturation CD23 (FCεR) est plus exprimé sur les cellules CD27-. Cependant, il
existe une catégorie CD23+CD27+ transitionnelle assez importante (10 % des cellules B en
moyenne). Environ 40 % des cellules B totales expriment le CD23 chez le singe (65 % des
cellules B CD27- et 18 % des cellules B CD27+), donnée difficile à comparer avec l'homme
chez qui une forte différence d'expression du CD23 en fonction de l'âge a été démontrée, et
seul le laboratoire LifeSpan BioSciences développe un anticorps dirigé contre le CD23
simien, réagissant également avec le CD23 humain. Par ailleurs, les cellules B mémoires du
cynomolgus ont une légère, mais significative, augmentation de l'expression du BAFF-R (13
%) comparativement aux cellules B naïves, résultat ne pouvant être expliqué par la simple
augmentation de taille des cellules (Vugmeyster et al., 2004 ; BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Une catégorie de cellules B spléniques phénotypiquement similaires aux cellules MZ
de l'homme est présente chez le singe cynomolgus. Cette catégorie est de phénotype
CD21++CD80lowCD23lowlowCD27+/-FSC++ et représente une fraction faible des cellules B
spléniques (8 %). La même population est présente dans une moindre mesure dans les nds
lymphatiques, comme c'est le cas chez l'homme et la souris.
Les différences et similitudes entre le singe et l'homme sont importantes dans les
études sur les agents thérapeutiques où le nombre de cellules B est utilisé en tant que
marqueur pharmacodynamique. Malheureusement, la relative pauvreté des informations
quantitatives concernant les catégories B dans les organes d'humains sains rend les
comparaisons entre le singe et l'homme difficiles. L'expression des marqueurs CD27 et CD23
semble être similaire dans les organes lymphoïdes secondaires du singe cynomolgus et de
l'homme. La fraction de cellules B CD80+ apparait être plus forte dans la rate du singe
comparée à la rate humaine. De plus, comme chez le singe rhésus, le pourcentage moyen de
cellules B exprimant le CD80 est plus haut dans le sang que dans les nœuds lymphatiques,
tandis que le pourcentage moyen de cellules B exprimant CD21 est plus faible dans le sang
que dans les nœuds lymphatiques. Ces différences sont néanmoins moins marquée chez le
singe cynomolgus que le singe rhésus (Vugmeyster et al., 2004).
Le singe rhésus représente une autre espèce largement utilisée dans les recherches
biomédicales, et exhibe certaines différences avec le singe cynomolgus. Dans le but d'étudier
la composition phénotypique des lymphocytes des macaques rhésus au sein des organes
lymphoïdes et du compartiment sanguin, plus de 100 AcM humains ont été testés chez cette
espèce. Aucun anticorps dirigé contre le CD19 et présentant une réactivité suffisante n'a été
trouvé chez le macaque rhésus. La définition des cellules B se fait donc chez cette espèce par
312
l'expression du marqueur CD20. Les cellules B des nœuds lymphatiques montrent un
phénotype différent des cellules B sanguines. Ainsi, la proportion de cellules CD21+ et CD35+
est plus haute dans les nœuds lymphatiques, tandis que le pourcentage de cellules exprimant
CD80 et CD86 est plus faible que dans le sang. L'expression modifiée des marqueurs CD21 et
CD80 traduirait des différences fonctionnelles des cellules B des nœuds lymphatiques et du
sang. Ceci est soutenu par le fait que l'intensité de la réactivité au CD20 et au CD29 est plus
faible dans les nœuds lymphatiques, ce qui a déjà été décrit chez l'homme concernant le
CD29. Ces différences font penser à un phénotype B moins mature dans les nœuds
lymphatiques que dans le sang.
Toutes les cellules B du macaque rhésus sont positives pour le CD38, le CD40 et le
CMH II. Les récepteurs au complément CD21 et CD35 sont exprimés sur environ un quart et
deux tiers des cellules B respectivement. Les cellules B du macaque rhésus expriment
également le CD28, le CD80 et le CD86, des molécules de co-stimulation nécessaires pour la
stimulation correcte des cellules T. Le CD80 est trouvé sur deux tiers des cellules B, la
proportion de cellules B exprimant CD86 étant légèrement plus faible. Le niveau d'expression
du CD20 sur les cellules B CD80+ est plus haut que sur les cellules B CD21+ indiquant que
ces antigènes sont exprimés sur différentes catégories de cellules B sanguines du macaque
rhésus. À nouveau, pour les molécules CD29, CD35, CD38 et CD86, de nombreux
laboratoires (les mêmes que cités précédemment) synthétisent des réactifs, spécifiques des
primates (Homme et singe) ou polyspécifique (porc, lapin, etc. ...)
La majorité des marqueurs de surface du singe rhésus est exprimée de manière
similaire chez l'homme, montrant que ce modèle animal peut s'avérer très utile dans l'étude
des relations des catégories de lymphocytes au sein de différents compartiments et peut aider
à comprendre les changements de composition des lymphocytes induits par des événements
pathologiques qui chez l'homme ne peuvent être suivis que dans le sang (Sopper et al., 1997 ;
BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août
2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
L'existence d'une population B-1, comme chez la souris, est une question récurrente
pour les autres espèces animales. Les réponses humorales contre les antigènes TI-2, comme
les polysaccharides capsulaires bactériens, sont critiques pour la défense de l'hôte et médiées
notamment par les cellules B-1b chez la souris, exprimant un phénotype
CD11b+FSChighCD21low/-CD19high. Chez les primates, une population B « mémoire »
IgM+CD27+ est supposée générer les réponses TI-2. Bien qu'exprimant des récepteurs
antigéniques mutés, ces cellules ne seraient pas de réelles cellules mémoires mais auraient
plutôt subi des hypermutations somatiques indépendantes de l'antigène durant la
diversification du répertoire lors du développement. Il a été découvert que les primates non
humains possèdent des cellules B dans les séreuses affichant un phénotype
CD11b+FSChighCD21low/-CD80+/-CD19high, exprimant STAT3 de manière constitutive, et
présentant une réactivité augmentée à la phosphorylcholine, de façon similaire aux cellules B1a et B-1b murines. De plus, les niveaux d'expression de CD21 et de CD80 hétérogènes parmi
ces cellules sont comparables aux observations sur les cellules B-1 murines. Comme ce qui
est observé pour les cellules B-1b murines, les cellules B des primates non-humains
CD11b+FSChighCD21low/-CD19high dominent la réponse B-spécifique aux antigènes TI-2. Bien
313
que des cellules B IgM+ spécifiques de l'antigène exprimant CD27 ne soient pas détectées
antérieurement à l'immunisation, des cellules B CD11b+CD19high spécifiques de l'antigène
expriment et maintiennent un phénotype IgM+IgDlowCD27+CD80+ suivant l'immunisation.
Ainsi, les populations B murines et des primates non-humains répondant aux antigènes
TI-2 sont hautement similaires, à l'exception près que les cellules B spécifiques des primates
non-humains semblables aux cellules B-1 expriment CD27 après la rencontre avec un
antigène TI-2. Les cellules B-1b murines et les cellules B « mémoires » IgM+CD27+ des
primates sont ainsi probablement fortement liées, si ce n'est identiques. Ces données, en plus
d'appuyer l'hypothèse de l'existence de cellules B-1-like chez les primates non-humains,
fournissent également une preuve que ces cellules jouent le même rôle que les cellules B-1b
murines. Ainsi, les catégories B-1a et B-1b seraient conservées chez les primates.
Malheureusement, le CD5 ne permet pas de distinguer les cellules B-1a des autres populations
B chez les primates, car les cellules B-1b activées par le BCR, les cellules B-2 et les cellules
B conventionnelles anergiques ainsi que les cellules B régulatrices peuvent toutes exprimer le
CD5.
Le CD43, un marqueur exprimé par 60 à 80 % des cellules B-1 murines et utilisé pour
identifier d'éventuelles cellules B-1 chez l'homme, n'est pas retrouvé sur les cellules des
primates non-humains. Pour cette raison, le CD11b est utilisé comme marqueur pour détecter
les cellules B-1 primates. Bien qu'il soit un marqueur idéal pour détecter les cellules B-1 des
séreuses et les cellules B-1 circulantes activées et spléniques spécifiques de l'antigène chez la
souris et les primates suivant une immunisation TI-2, son expression diminuée sur les cellules
B-1 « au repos » en dehors des séreuses à la fois chez la souris et les primates entrave
l'identification des cellules B-1. Dix-neuf anticorps réagissant contre le CD11b simien sont
disponibles, synthétisés par une quinzaine de laboratoires différents, tous intervenant dans la
synthèse d'autres anticorps cités ci-dessus (Yammani et Haas, 2013 ; BIOCOMPARE. Use
Biocompare to explore, learn, decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014].
[http://www.biocompare.com/] [Consulté le 25 août 2014]).
Les études sur les dynamiques de populations B chez les macaques lors de certaines
maladies, notamment les réponses des cellules mémoires et des plasmocytes à l'infection au
SIV (virus d'immunodéficience simienne), ont permis d'identifier un fort contingent de
plasmocytes/plasmoblastes CD27-, alors que les plasmocytes humains sont rapportés CD27+
essentiellement. Ces cellules B CD21-CD27- sécrètent spontanément des IgA et des IgG,
confirmant qu'il s'agit de plasmocytes ou plasmoblastes. Néanmoins, il est impossible de
savoir si cette population de plasmocytes CD27- est naturelle chez le macaque ou bien induite
par l'infection au SIV, qui, comme le HIV chez l'homme, peut modifier l'expression des
antigènes CD à la surface cellulaire. Les plasmocytes du macaque sont donc définis non pas
par l'expression du CD27, mais comme étant des cellules CD19+CD38highCD138+. Le CD138,
marqueur très utile à l'identification des plasmocytes humains, ne peut être utilisé seul à cause
de son expression sur les cellules pré-B également, et devrait ainsi être associé à d'autres
marqueurs comme le Ki67 ou l'IgD pour l'identification des plasmocytes/plasmoblastes des
macaques (Demberg et al., 2012).
Il a également été montré que les cellules B mémoires expriment un fort degré le
CD95, 70 % des cellules B CD20+CD27+ des macaques sains exprimant ce récepteur de mort
314
cellulaire. Pour ce marqueur encore, de nombreux anticorps existent, dont un anticorps
spécifique des macaques développé par GenWay Biotech. La rapide diminution des cellules B
mémoires lors d'infection au SIV chez le macaque rhésus ne pouvant être expliquée
intégralement par l'augmentation du CD95, le rôle du PD-1 a été étudié et il s'avère être
important dans cette perte rapide de cellules mémoires (Demberg et al., 2012 ; Titanji et al.,
2010). Les cellules mémoires et les plasmocytes expriment également le régulateur négatif
CD22 (contre lequel des anticorps sont à nouveau facilement disponibles car fabriqués par un
large éventail de laboratoires), qui favorise l'apoptose lorsqu'il est fixé en même temps que le
BCR est activé (Demberg et al., 2012 ; BIOCOMPARE. Use Biocompare to explore, learn,
decide. [en ligne]. [Mise à jour le 23 août 2014]. [http://www.biocompare.com/] [Consulté le
25 août 2014]).
La majorité des cellules B mémoires circulantes chez le macaque rhésus est CD21-, et
la proportion de cellules mémoires activées CD20highCD21-CD27+ chez le macaque rhésus est
bien plus grande que chez l'homme. Ceci suggère que les macaques rhésus ont un degré plus
élevé d'activation immunitaire basale comparé à l'homme. Les raisons pour de telles
différences restent à élucider, mais pourraient être dues à des facteurs relatifs à l'hôte et à son
environnement, incluant l'habitat et le comportement intrinsèque des animaux. Néanmoins, de
telles différences ne sont pas retrouvées entre l'homme et le singe Sooty Mangabey
(Cercocebus atys), pourtant très proche des singes rhésus en terme d'habitat et de
comportement. Les modèles d'infection au virus SIV ont également permis de mettre en
évidence une population de cellules B mémoires CD21-CD27- pour la première fois en 2010
chez le macaque rhésus. Cette population est à relier à la population B mémoire « tissu-like »
découverte chez les individus atteints du HIV. Ces cellules B mémoires non-conventionnelles
humaines font l'objet d'une attention particulière à cause de leur expansion et accumulation
chez les individus HIV-positifs ainsi que dans d'autres maladies comme la malaria. La
découverte de cette population chez les macaques rhésus SIV-positifs représente une
opportunité unique de mieux comprendre la biologie et la fonction de cette population (Titanji
et al., 2010).
315
IV. Exemples d'utilisation
4.1 Exemple pharmaceutique: le TGN1412
4.1.1 L’origine du TGN1412
4.1.1.1 Le rôle de CD28 au sein du concept d’activation à deux signaux
des lymphocytes
Le concept d’activation à deux signaux des lymphocytes, illustré par la figure 62, a été
proposé pour expliquer la discrimination entre le soi et le non-soi, et a fourni un modèle utile
d’activation des cellules T et de la tolérance. Selon le modèle d’activation à deux signaux, une
activation optimale des lymphocytes spécifiques d’un antigène nécessite la reconnaissance par
les lymphocytes (appelé « signal 1 ») et des signaux additionnels (appelés « signal 2 » ou
signaux co-stimulateurs). En l’absence du signal 2, les lymphocytes ne réussissent pas à
répondre efficacement et sont rendus anergiques. Le signal 1 est transmis par l’interaction du
complexe CMH-antigène avec le TCR. Le signal 2 est délivré aux cellules T par des
molécules de surface co-stimulatrices exprimées sur les CPA. Le modèle d’activation à deux
signaux simplifie la contribution de chaque signal parce que la force de signal du TCR a une
influence quantitative sur l’activation et la différenciation des cellules T. L’activation des
cellules T pourrait se produire en l’absence du signal 2 si le signal TCR est très puissant. De
plus, à la fois les signaux secondaires positifs et négatifs peuvent être délivrés aux cellules T.
La balance des signaux stimulateurs et inhibiteurs est cruciale pour maximiser les réponses
immunes protectives tout en maintenant la tolérance immune et en prévenant l’auto-immunité.
Les signaux secondaires négatifs semblent être nécessaires pour induire une tolérance des
cellules T, alors que les signaux secondaires positifs favorisent l’activation des cellules T.
Bien que le modèle d’activation à deux signaux ait été développé pour les lymphocytes naïfs,
la réponse immune est un processus dynamique et les signaux co-stimulateurs peuvent aussi
être délivrés à des cellules T ayant déjà rencontré un antigène (Bretscher et Cohn, 1970 ;
Bretscher, 1999 ; Jenkins et Schwartz, 1987 ; Sloan-Lancaster et al., 1993 ; Viola et
Lanzavecchia, 1996).
La voie B7-1/B7-2 – CD28/CTLA-4 est la voie co-stimulatrice des cellules T la mieux
caractérisée et est cruciale dans l’activation des cellules T et la tolérance. Cette voie comprend
deux membres de la famille B7, B7-1 (CD80) et B7-2 (CD86) qui ont une spécificité double,
et le récepteur inhibiteur CTLA-4 (CD152). CTLA-4 est le récepteur de plus haute affinité
pour B7-1 et B7-2. Le CD28 est constitutivement exprimé sur la surface des cellules T, alors
que l’expression de CTLA-4 est rapidement sur-régulée suite à l’activation des cellules T. Sur
la plupart des populations de CPA, B7-2 est exprimé constitutivement à de faibles niveaux et
est rapidement sur-régulé, alors que B7-1 est exprimé après activation. L’expression plus
précoce de B7-2 indique que cette molécule de co-stimulation est la plus importante pour
l’initiation des réponses immunes. B7-1 et B7-2 ont cependant des fonctions se recouvrant
largement, et leurs différences semblent refléter leur expression distincte sur les différents
types de cellules à des temps différents de la réponse immune (Sharpe et Freeman, 2002).
316
Figure 62 : Concept d’activation à deux signaux des lymphocytes. Adapté d’après (Guinan
et al., 1994).
Les signaux de co-stimulation que ces deux molécules fournissent pour augmenter et
soutenir la réponse des cellules T se fait via leur interaction avec le CD28. Le CD28 transmet
un signal de façon synergique avec le signal du TCR et promeut l’activation des cellules T.
L’engagement du CD28 n’a habituellement pas d’effet physiologique en l’absence du signal
du TCR. Le signal du CD28 régule le seuil d’activation des cellules T et diminue
significativement le nombre de liaison du TCR nécessaires pour leur activation efficace. Les
effets principaux de la co-stimulation du CD28 sont d’augmenter et de soutenir les réponses
des cellules T initiées par les signaux du TCR, en soutenant la survie des cellules T et rendant
ainsi possible aux cytokines d’initier l’expansion clonale et la différenciation des cellules T.
Le CD28 optimise aussi les réponses des cellules T déjà activées, eu soutenant la production
d’IL-2 et leur survie. Au contraire, la liaison de CTLA-4 délivre un signal négatif, inhibant les
signaux de transduction médiés par le TCR et le CD28. L’issue d’une réponse immune
317
implique une balance entre l’activation des cellules T médiée par le CD28 et leur inhibition
médiée par CTLA-4 (Sharpe et Freeman, 2002).
4.1.1.2 Création du TGN1412
La liaison du récepteur de surface CD28 des cellules T est la façon la plus puissante de
co-stimuler les cellules T au repos. Elle est en effet capable de transformer des signaux non
productifs ou même anergiques résultant de la stimulation du TCR, en signaux activateurs
(Schwartz, 1990 ; Sharpe et Freeman, 2002). Dans des systèmes expérimentaux, les ligands
naturels du TCR (les complexes CMH-peptide) et du CD28 (CD80 et CD86), peuvent être
remplacés par des AcM qui se lient au TCR et au CD28. Basé sur des expériences utilisant
des AcM dirigés contre le CD28, un mécanisme de co-stimulation à deux étapes à été
proposé. Il a été montré en particulier que les AcM de rat spécifiques du CD28 peuvent être
distingués en deux catégories fonctionnelles différentes : les AcM « conventionnels » qui sont
agonistes seulement en parallèle d’une liaison TCR, et les « superagonistes » qui sont
capables d’activer complètement des cellules au repos in vitro et in vivo sans le signal 1
(Tacke et al., 1997). La différence fonctionnelle entre les AcM conventionnels et
superagonistes spécifiques du CD28 semble être le reflet de changements dynamiques dans la
réorganisation supramoléculaire du TCR lors de l’activation des cellules T (Bischof et al.,
2000). L’utilisation de JJ316 chez le rat, un superagoniste du CD28, est bien toléré et n’est
pas accompagné d’une tempête toxique de cytokines pro-inflammatoires, une observation qui
a été attribuée à l’induction de cytokines anti-inflammatoires telle que l’IL-10 (RodríguezPalmero et al., 1999). Ceci a motivé la définition précise des sites de liaison des AcM
conventionnels et superagonistes sur la molécule CD28 de rat et de l’homme, qui a montré
que ces deux types d’AcM se liaient sur des sites différents, ouvrant la voie à l’exploitation
thérapeutique des signaux mitogéniques et anti-apoptotiques transmis par CD28 dans les
pathologies caractérisées par des déficiences en cellules T (Lühder et al., 2003). De plus, il a
été démontré ensuite que les AcM superagonistes de CD28 sont capables d’induire une
expansion des cellules Treg CD4+CD25+, offrant une nouvelle possibilité de thérapie par les
superagonistes de CD28 dans le traitement de maladies inflammatoires et auto-immunes
(Beyersdorf et al., 2005 ; Lin et Hünig, 2003). L’utilisation de l’AcM superagoniste JJ316
s’est en effet montré très efficace dans le traitement de l’EAE chez le rat Lewis, grâce à
l’activation des cellules Treg CD4+CD25+ (Beyersdorf et al., 2005).
Ces résultats ont donc supporté l'idée d’une molécule superagoniste du CD28 humain,
le TGN1412. Le TGN1412 est un AcM humanisé dirigé contre l’antigène humain CD28.
Cette molécule a été génétiquement construite par transfert des régions déterminantes
complémentaires (CDR) des séquences des régions variables des chaines lourde et légère de
l’AcM de souris anti-CD28 humain 5.11A1 décrit dans le rapport de Lühder et al., (2003),
dans le cadre des régions variables des chaines lourde et légère humaines. Les régions
variables humanisées ont ensuite été recombinées avec un gène humain codant pour la chaine
lourde γ de l’IgG4 et avec un gène humain codant pour la chaine légère κ respectivement. La
propriété fonctionnelle clé du TGN1412 est sa capacité à activer les cellules T
indépendamment du TCR et d’induire la prolifération des cellules T lorsqu’il est ajouté à une
solution de cellules mononuclées de sang périphérique humain. Tout comme l’anticorps
318
5.11A1 duquel il est dérivé, le TGN1412 se lie à un épitope particulier du CD28 différent des
sites de liaison de CD80 et CD86, la boucle C"D. Une liaison spécifique à un épitope
homologue a également été démontrée pour JJ316, l’anticorps fonctionnellement équivalent
dirigé contre le CD28 du rat. Le rôle des différents AcM dans le développement du TGN1412
est indiqué dans la figure 63 ci-dessous.
Figure 63 : Création d’un anticorps monoclonal superagoniste anti-CD28 humain.
Adapté d’après TeGenero. Invastigator’s brochure TGN1412. [en ligne].
[http://www.circare.org/foia5/tgn1412investigatorbrochure.pdf] (Consulté le 28/05/2014).
4.1.2 Développement du TGN1412 chez des modèles animaux
4.1.2.1 Découvertes prometteuses des superagonistes du CD28 chez les
rongeurs
Le rôle clé du système CD28/B7 dans l’activation des cellules T et leur différenciation
fonctionnelle en fait une cible intéressante pour l’immunosuppression et l’immunomodulation
(Salomon et Bluestone, 2001). Chez la souris, les AcM conventionnels spécifiques du CD28
suppriment plutôt que co-stimulent l’expansion des cellules T conduite par un superantigène
(Krummel et al., 1996). De même, le traitement avec des AcM conventionnels spécifiques du
CD28 chez le rat retarde le rejet de cœur allogénique vascularisé, vraisemblablement via la
modulation du CD28 (Dengler et al., 1999). De plus, en bloquant les ligands du CD28 (CD80
et CD86) par une protéine de fusion recombinante CTLA-4-Ig, on prolonge effectivement la
survie de l’allogreffe dans différents modèles (Hale et al., 1996 ; Tarumi et al., 1998).
Bloquer les interactions CD28/B7 a aussi été utilisé pour moduler l’auto-immunité spécifique
d’organe. Chez des souris atteintes d’EAE, un modèle animal de la sclérose en plaques,
l’application d’un anti-CD28 conduit à l’amélioration du cours de la maladie (Perrin et al.,
1999). Cependant, différents résultats ont été observés en bloquant les molécules B7. Ainsi,
des anti-B7-1 amélioraient alors que des anti-B7-2 exacerbaient la maladie, et un anti-B7-1 en
combinaison avec un anti-B7-2 pouvait agir dans l’un ou l’autre sens selon le mode
d’induction de l’EAE (Kuchroo et al., 1995 ; Miller et al., 1995 ; Perrin et al., 1996 ; Racke et
319
al., 1995). De plus, en bloquant B7 avec CTLA-4-Ig on peut soit supprimer ou exacerber
l’EAE (Racke et al., 1995). Ces résultats reflètent la complexité et l’imprédictibilité de ce
système à plusieurs niveaux : l’importance mais non la nécessité absolue de la co-stimulation
médiée par le CD28 dans l’activation initiale des cellules T, l’influence des signaux médiés
par le CD28 sur les développement Th1/Th2, les profils d’expression cellulaires distincts de
B7-1 et B7-2, et l’importance de CTLA-4, le régulateur négatif de l’activation des cellules T
utilisant aussi les ligands B7 pour sous-réguler la réponse auto-immune (Salomon et
Bluestone, 2001).
Dans le système du rat, il a été décrit deux AcM spécifiques du CD28 ayant des effets
stimulateurs très différents : JJ319 est défini comme un AcM “conventionnel” car il costimule efficacement l’activation des cellules T mais n’a aucun effet détectable en l’absence
de l’engagement du TCR (Tacke et al., 1995). Au contraire, JJ316 active toutes les cellules T
au repos pour qu’elle prolifèrent sans le signal du TCR in vitro et in vivo (Tacke et al., 1997).
JJ316 est donc un AcM superagoniste du CD28 et est l’hétérologue du TGN1412 chez le rat.
En considérant l’effet promoteur Th2 des signaux de co-stimulation médiés CD28, il a été
montré que l’activation des cellules T avec JJ316 induisaient la différenciation Th2 des
cellules T CD4+ in vitro, et induisait l’expression d’IL-4 et d’IL-10 in vivo (RodríguezPalmero et al., 1999). Il a été montré que l’AcM superagoniste JJ316 est très efficace pour
prévenir et traiter la névrite auto-immune expérimentale chez des rats Lewis, un modèle du
syndrome de Guillain-Barré de l’homme (Schmidt et al., 2003). Dans leur étude, la thérapie
préventive conduisit à une suppression presque complète de la maladie, et la prophylaxie avait
des effets bénéfiques. La baisse de la sévérité de la maladie était accompagnée par une
amélioration de la fonction nerveuse, et par une réduction de l’infiltration des cellules T et de
la démyélinisation. Le traitement après le début des symptômes cliniques était capable
d’arrêter la progression de la maladie. Leurs résultats indiquaient donc que le traitement avec
l’AcM superagoniste spécifique du CD28 ne prévient pas simplement la reconnaissance
initiale de l’antigène par les clones de cellules T réactives contre le soi, mais module plutôt la
réponse immune à un stade plus avancé. Ces stades plus avancés pourraient être la migration,
l’expansion clonale, et l’expression de fonctions effectrices in situ. In vivo, JJ316 induit chez
le rat l’expansion préférentielle des cellules Treg CD4+CD25+ fonctionnelles plutôt que des
autres sous-populations de cellules T, conduisant à une augmentation de 20 fois leur
concentration en 3 jours en réponse à une simple dose. Cet effet pourrait donc expliquer son
intérêt dans le traitement des maladies auto-immunes (Lin et Hünig, 2003). Plus tard, une
autre étude a confirmé l’activation et l’expansion des cellules Treg, comme mécanisme sousjacent de l’effet protecteur de JJ316, comme représenté sur la figure 64. Ce mécanisme
protecteur a également été montré chez des rats Lewis et Dark Agouti dans un autre modèle
d’EAE (Beyersdorf et al., 2005), et dans un modèle d’arthrite adjuvante chez des rats Lewis
ressemblant à l’arthrite rhumatoïde rencontré chez l’homme (Beyersdorf et al., 2006). Dans
un modèle de rat expérimental de lymphopénie T, JJ316 est aussi capable d’accélérer la
repopulation des cellules T CD4+ et dans une moindre mesure des cellules T CD8+, tout en
maintenant la diversité de leur répertoire et leur fonction à la fois in vitro et in vivo (Elflein et
al., 2003).
320
Les cellules T régulatrices avec un phénotype CD4+CD25high et des propriétés
régulatrices similaires in vitro à leurs homologues Treg de rongeurs ont aussi été isolées et
caractérisées chez l’homme (Dieckmann et al., 2002 ; Jonuleit et al., 2001). De plus, les
déficiences quantitatives ou qualitatives en cellules Treg ont été trouvées dans des conditions
similaires telles que l’arthrite rhumatoïde (Ehrenstein et al., 2004), la sclérose en plaque
(Viglietta et al., 2004) ou le diabète de type I (Lindley et al., 2005). Ces observations
suggèrent que les Treg jouent aussi un rôle dans le contrôle des maladies auto-immunes chez
l’homme. Puisque l’homme et les rongeurs partagent la population effectrice de la thérapie
par des superagonistes du CD28 (les nTreg CD4+CD25+), on a pensé qu’il était très probable
que les superagonistes CD28 soient aussi capables d’activer les Treg et d’augmenter leur
nombre chez des patients souffrant de maladie auto-immune.
Figure 64 : Mécanisme protecteur du JJ316 dans les maladies auto-immunes chez le rat.
Adapté d’après Beyersdorf et al. (2006).
Abréviations : SA-CD28 = superagoniste du CD28 ; Tpath = cellule T pathologique, Treg = cellule T régulatrice
4.1.2.2 Études pré-cliniques du TGN1412 rassurantes
TeGenero AG, une entreprise au capital à risque de l’École Médicale de l’Université
de Würzburg, a reconnu le potentiel des superagonistes du CD28 et a développé le TGN1412
pour le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires, et même de cancers
hématologiques (Beyersdorf et al., 2006 ; Elflein et al., 2003).
Pour développer un médicament, des études précliniques sur des animaux doivent
d’abord garantir la sécurité du médicament avant de pouvoir lancer des études cliniques sur
l’homme, comme détaillé dans la figure 65. Les études cliniques sur l’homme se développent
321
ensuite en trois phases : la phase I cherche d’abord à évaluer la tolérance et l’absence d’effet
indésirable sur un petit nombre d’individus sains ; la phase II consiste à déterminer la dose
optimale du médicament et ses éventuels effets indésirables sur une population d’individus
malades ; et la phase III compare le traitement soit à un placebo, soit à un traitement de
référence sur un groupe de taille importante.
Figure 65 : Étapes du développement d’un médicament. Adapté d’après Drugs.com. Food
& Drug administration. Approvals. [En ligne]. (Mise à jour le 28/05/2014).
[http://www.drugs.com/fda-approval-process.html] (Consulté le 28/05/2014).
Étant donné leur génétique proche et leur forte similarité pharmacologique avec
l’homme, les primates non-humains sont souvent utilisés pour les études de sécurité
précliniques en biologie humaine. Les macaques rhésus et cynomolgus sont les espèces de
primates non-humains les plus fréquemment utilisées, puisque de nombreux récepteurs et
épitopes de ces espèces sont bien conservés et présentent une réaction croisée avec les
anticorps spécifiques des cellules humaines (Stebbings et al., 2009).
La séquence du CD28 du macaque cynomolgus a été déterminée par TeGenero avant
l’épreuve clinique (numéros d’accès Genbank DQ846738 et DQ846739) et indépendamment
confirmée (DQ872188). De possibles différences dans l’affinité du TGN1412 pour les CD28
322
de l’homme et du macaque cynomolgus ont aussi été recherchées pendant le développement
préclinique. Il a été trouvé que le TGN1412 se liait aux CD28 du macaque cynomolgus et de
l’homme sur une population de cellules cibles équivalente et avec des affinités similaires.
L’activité biologique d’un anticorps est non seulement déterminée par la force et le mode de
reconnaissance de la cible, mais aussi par l’interaction de l’anticorps avec les récepteurs Fc.
Une grande homologie entre les récepteurs Fc humain et de macaque cynomolgus avait donc
par ailleurs déjà été démontrée auparavant. Tous les motifs critiques pour la transduction du
signal sont totalement conservés parmi les récepteurs Fc humain et de macaque cynomolgus,
suggérant qu’à la fois le CD28 et les récepteurs Fc sont reconnus de manière identique par le
TGN1412 chez l’homme et chez les macaques cynomolgus. Fort de cette évidence, TeGenero
a conclu que les macaques cynomolgus représentaient une espèce adéquate pour les études
toxicologiques du TGN1412. L’activité pharmacologique du TGN1412 dans cette espèce est
bien tolérée et augmente transitoirement les cellules T dans le sang périphérique et dans une
moindre mesure la concentration en IL-2, IL-5, IL-6 mais pas en IL-4, TNF-α et IFN-γ.
Aucune manifestation clinique d’un syndrome de libération de cytokine ou d'autre réaction
adverse n’a été rapportée dans les études toxicologiques chez le macaque cynomolgus
(Hanke, 2006).
4.1.3 Essais cliniques du TGN1412 chez l’homme
4.1.3.1 La catastrophe du TGN1412
Le TGN1412 ayant réussi les tests usuels de sécurité préclinique, dont les études
précliniques sur des primates non-humains et des tests sur des cellules mononuclées humaines
in vitro, il gagna à la fois l’approbation de l’Allemagne et de l’Angleterre pour procéder à un
essai clinique de phase I (Schneider et al., 2006). En mars 2006, les rapports d’un essai
clinique de phase I désastreux à Londres par Parexel International frappent les gros titres des
journaux. Les six volontaires sains du TGN1412 ont souffert d’une réponse inflammatoire
systémique caractérisée par une libération massive et rapide de cytokines pro-inflammatoires,
nommées plus tard « tempête de cytokine », et d’un choc cardiovasculaire (Suntharalingam et
al., 2006).
Une série d’effets secondaires a commencé après l’infusion, en commençant par des
maux de tête sévères chez cinq patients après environ une heure, accompagnés d’une myalgie
lombaire chez les six patients. Pendant cette phase précoce, les patients avaient des degrés
variés de nausée, vomissement, ou de diarrhée. Cinq sujets ont eu de courts épisodes
d’amnésie associés à de l’hyperthermie sévère. Tous les patients ont eu une réponse
inflammatoire systémique comprenant de l’érythème et une vasodilatation périphérique avec
une rigidité musculaire chez quatre patients. Une hypotension s’était développée chez tous les
patients après 4h, accompagnée d’une tachycardie. Les patients ont ensuite tous été transférés
aux soins intensifs du Northwick Park hospital où ils ont pu recevoir les soins appropriés.
Entre 16h et 20h après l’infusion du TGN1412, les patients ont eu des signes de détérioration
respiratoire, avec de la tachypnée voire de la dyspnée, et une infiltration pulmonaire
bilatérale. Ils avaient également des signes d’insuffisance rénale et de coagulation
intravasculaire disséminée. Ils avaient tous une lymphopénie et une monocytopénie sévère, les
323
neutrophiles étant épargnés. Les différentes manifestations des effets secondaires du
TGN1412 chez ces patients sont indiquées dans le tableau 18 (Suntharalingam et al., 2006).
Tableau 18 : Manifestations cliniques partagées par les volontaires ayant reçu du
TGN1412. Adapté d’après Suntharalingam et al. (2006).
Système
Cardiovasculaire
Propriété
Fuite capillaire
Instabilité hémodynamique
Acidémie lactique
Rénal
Déficience rénale aigüe
Sédiment urinaire
10-100 leucocytes
<10 érythrocytes
Cylindres granuleux (deux patients)
Pulmonaire
Changements
pulmonaires
aigus
(six
patients)
Critères d'atteinte pulmonaire aigüe (deux patients)
Critères de syndrome de détresse respiratoire aigüe (un
patient)
Hématologique
Immunologique
et Tempête de cytokine (TNF-α, IFN-γ, IL-10, IL-6, IL-2)
Niveau de protéine C-réactive et vitesse de sédimentation des
érythrocytes augmentés
Lymphopénie
Monocytopénie
Thrombocythopénie
Coagulation intravasculaire disséminée
Neutrophiles dysplasique avec nombres préservés
Hépatique
Niveaux d'alanine aminotransférase et de phosphatase alcaline
augmentés
Cutané
Érythème diffus
Désquamation tardive
Neurologique
Délire
Amnésie partielle
Paresthésie ou engourdissement local
Difficulté à se concentrer (tardif)
Maux de tête (précoce et tardif)
Autonomique,
gastro-intestinal
ou les deux
Urgence intestinale ou diarrhée
Nausée ou vomissement
Musculosquelettique Myalgie dans le bas du dos (précoce) et des mollets (tardif)
L’infusion intraveineuse du TGN1412 chez des personnes en bonne santé a ainsi
produit une soudaine et rapide libération de cytokines pro-inflammatoires. Ce type de
libération de cytokine n’avait pas été observée dans les études précliniques, et il n’est pas clair
si les effets sévères de ce type de libération de cytokines in vivo chez l’homme sont causés par
une liaison directe du CD28 sur les cellules T ou par une liaison et activation d’autres types
cellulaires, conduisant à une libération de TNF-α préformé, pouvant alors déclencher la suite
de la cascade. Le phénomène le plus frappant cliniquement dans la cohorte était la réponse
stéréotypique au TGN1412 chez tous les patients et dans tous les organes affectés. Les six
patients avaient initialement des signes cliniques remplissant les critères d’un syndrome de
réponse inflammatoire systémique. Ensuite, la manifestation clinique la plus proéminente était
324
l’apparition précoce d’une détresse respiratoire et d’une infiltration pulmonaire,
accompagnées d’une insuffisance rénale et d’une coagulation intravasculaire disséminée. Ce
profil de défaillance organique pourrait correspondre à une réponse multi-organique
généralisée à l’inflammation ou à un état critique. L’atteinte pulmonaire rapide et la présence
de hauts niveaux de cytokines (en particulier de l’IFN-γ et du TNF-α) pourraient indiquer une
atteinte à médiation immune spécifique du poumon. Le profil d’atteinte immunologique et sa
récupération chez les six patients est tout aussi étonnant. Alors qu’une lymphocytose
temporaire avait été observée dans les études précliniques chez les animaux, une lymphopénie
sévère n’était pas attendue. Cette lymphopénie pourrait refléter la mort cellulaire ou la
migration des cellules dans d’autres tissus tels que les nœuds lymphatiques. Des
lymphopénies avaient déjà été observées suite à des tempêtes de cytokines par d’autres AcM,
mais avaient pu être anticipées. Au contraire, l’apparition très rapide de cette lymphopénie
associée à une monocytopénie pourrait suggérer que la déplétion de ces cellules était une
réponse à la molécule agoniste des cellules T plutôt qu’à la tempête de cytokines
(Suntharalingam et al., 2006) .
Il a finalement été conclu que les sérieux événements secondaires étaient causés par
des effets biologiques imprévus chez l’homme, non prédits par les études de sécurité
précliniques, et que ces événements nécessitaient des changements immédiats dans la
conception des futurs essais cliniques (Mayor, 2006). Suivant la publication de ses
recommandations, le comité pour les produits médicinaux à usage humain (CHMP) à
l’Agence de la Médecine Européenne a développé un guide sur les stratégies pour identifier
les risques dans les essais cliniques humains applicables pour les AcM et à d’autres domaines
de la biologie (Australian Government Department of Health. [En ligne]. Mise à jour le
28/05/2014).
[https://www.tga.gov.au/pdf/euguide/swp2836707en.pdf]
(Consulté
le
28/05/2014)).
4.1.3.2 Recherche des explications de la catastrophe du TGN1412
Il n’est pas encore bien compris pourquoi les essais précliniques du TGN1412 chez les
macaques cynomolgus n’ont pas donné d’indication de ses propriétés potentiellement létales
chez l’homme (St. Clair, 2008). Ceci est particulièrement surprenant considérant que les
domaines extracellulaires des CD28 de macaque cynomolgus et humain sont complètement
conservés. De plus, l’affinité du TGN1412 envers le CD28 humain et de macaque est
comparable, et le nombre de molécules CD28 exprimées par les cellules T des macaques
cynomolgus semble être similaire voire identique aux cellules T humaines (Hanke, 2006 ;
Waibler et al., 2008).
Le but de l’étude menée par Stebbings et al. (2007) était d’apporter des réponses à ces
effets inattendus chez l’homme. Ils ont montré que les protocoles in vitro utilisés avant n’ont
pas réussi à prédire la toxicité in vivo parce qu’ils ne présentaient pas l’anticorps aux
leucocytes de manière à mimer sa présentation in vivo. Dans les études in vitro précédant
l’essai clinique, le TGN1412 était simplement ajouté aux leucocytes ou recoupé via sa région
Fc en solution aqueuse (Hanke, 2006), des protocoles n’ayant pas permis de stimuler la
libération de cytokines et la prolifération cellulaire dans les tests précliniques ainsi que dans
325
l’étude de Stebbings et al. (2007). Leur étude a aussi montré que le TGN1412 entraîne la
libération de cytokine et la prolifération des lymphocytes in vitro seulement lorsqu’il est
présenté aux cellules mononuclées de sang périphérique de manière appropriée. Enfin, ils ont
montré que les leucocytes issus de macaque cynomolgus ne répondent pas au TGN1412 de la
même manière que les leucocytes humains, que les cellules soient stimulées in vitro en
utilisant du TGN1412 immobilisé, ou in vivo. Le TGN1412 serait ainsi un superagoniste chez
l’homme mais pas chez le macaque cynomolgus. Ceci explique pourquoi les tests de sécurité
précliniques du TGN1412 n’ont pas causé de réponses indésirables chez les macaques,
laissant les chercheurs et les régulateurs dans un faux sentiment de sécurité. D’autres équipes
ont ensuite confirmé ces résultats, en observant que le TGN1412 induit des flux de calcium
conduisant à une libération prolongée de cytokines par les cellules T humaines mais pas par
les cellules T de macaque cynomolgus (Waibler et al., 2008). Ceci montre à quel point il est
crucial de réaliser des études fonctionnelles in vitro sur les cellules à la fois humaines et des
espèces précliniques, pour établir l’équivalence entre les espèces.
Cette différence dans la réponse des leucocytes de macaque cynomolgus et humains
pourrait s’expliquer par la différence de 3 acides aminés dans la région transmembranaire de
la séquence de leur CD28, pouvant altérer son signal de transduction (Bhogal et Combes,
2007 ; Nguyen et al., 2006 ; Waibler et al., 2008). Une suggestion alternative pour expliquer
les réponses différentielles des macaques cynomolgus et de l’homme au TGN1412 est
l’hyper-réactivité des cellules T humaines pour l’activation polyclonale comparé aux primates
non-humains, lié à l’absence de Siglec (Sialic acid-binding immunoglobulin-type lectins), des
inhibiteurs apparentés au CD33 chez l’homme. En effet, les Siglec apparentés au CD33 sont
des molécules de signaux inhibiteurs exprimées sur la plupart des cellules immunitaires et
sous-régulent les voies de l’activation cellulaire. Parmi les cellules immunitaires humaines,
les LT sont une exception frappante, exprimant peu de ces molécules voire pas du tout. Au
contraire, les LT des grands singes expriment plusieurs Siglec apparentés au CD33 sur leur
surface, suggérant que la perte de ces molécules par les cellules T spécifiques humaines s’est
produite après notre ancêtre commun avec les grands singes, et résultant potentiellement en
une différence évolutionnaire dans les signaux inhibiteurs (Nguyen et al., 2006). Il a été
proposé également que le TGN1412 soit davantage capable d’interagir avec des cibles non
spécifiques chez l’homme que chez le macaque (Bhogal et Combes, 2007).
De plus, des effets secondaires aux AcM thérapeutiques peuvent être causés par
l’interaction de la région Fc humanisée des AcM qui se lie aux cellules effectrices portant le
récepteur Fc, et les composants du complément induisant une cytotoxicité cellulaire
dépendante de l’anticorps et une cytotoxicité dépendante du complément respectivement.
Dans le cas du TGN1412, la partie constante était exprimée par une IgG4, et des trois
principaux types de récepteurs Fc, seul les récepteurs Fcγ affichent une affinité significative
pour les anticorps IgG4. Ces récepteurs sont trouvés principalement sur les monocytes, les
macrophages et neutrophiles mais aussi sur les précurseurs myéloïdes et les cellules
dendritiques qui ne sont pas présents dans le sang périphérique (Bhogal et Combes, 2007). Il a
été montré que la production de cytokine in vitro de cytokines par les cellules mononuclées de
sang périphérique peut être induite par le TGN1412 en présence de cellules endothéliales
humaines (Stebbings et al., 2007). Cependant, l’analyse de la séquence des récepteurs Fcγ
d’homme et de primate non-humain suggère qu’ils partagent un fort degré de similarité, et on
326
s’attendrait à ce que la liaison du TGN1412 au récepteur Fcγ soit comparable chez les deux
espèces (Schraven et Kalinke, 2008). Malgré tout, des tests in vitro avec des TGN1412
immobilisés par leur Fc, ce qui imite la liaison Fc, n’ont pas réussi à mettre en évidence une
réponse des cellules de macaque (Stebbings et al., 2007), ce qui montre que d’autres études
sont nécessaires pour mieux comprendre ce qui se passe.
Dans leur rapport, Bhogal et Combes (2007) déplorent que des études de
pharmacocinétique du TGN1412 n’aient été réalisées, puisqu’il avait été présumé que le
TGN1412 serait dégradé selon les mêmes voies. Cependant ils font remarquer que le
TGN1412 est humanisé et qu’il est donc probablement plus immunogène chez les macaques
que chez les humains de sorte que son élimination plasmatique est probablement plus forte. Ils
rapportent aussi qu’une étude pilote chez les macaques rhésus avait indiqué que le TGN1412
était détectable dans les échantillons de sérum jusqu’à 20 jours après administration. Il n’y
avait aucun signe de toxicité ni de changement significatif dans les niveaux des cytokines
circulantes (IFN-γ, IL-5, IL-6 et IL-10). Il semblait que les études in vitro avaient surestimé
les effets du TGN1412 chez les macaques rhésus, et des études plus approfondies furent
conduites par la suite sur les macaques cynomolgus. Ils regrettent une fois de plus qu’il n’ait
pas été recherché à expliquer la différence entre les effets du TGN1412 sur ces deux espèces
de macaques très proches, alors que les séquences des CD28 de ces deux espèces sont
pourtant identiques.
Müller et al. (2008) ont finalement essayé d’apporter des explications sur la
lymphopénie et la tempête de cytokine induites par le TGN1412 chez l’homme, en retournant
au modèle du rat. L’infusion intraveineuse de JJ316 chez des rats entraine une rapide
redistribution de toutes les cellules T CD4+ de la périphérie vers la rate et les nœuds
lymphatiques, simulant ainsi la lymphopénie observée chez l’homme après l’administration
de TGN1412. Ils ont aussi réussi à montrer que la motilité des cellules T était dramatiquement
réduite immédiatement après l’administration de TGN1412, suggérant que la redistribution
des cellules T observée soit la conséquence des cellules T piégées dans les organes
lymphoïdes secondaires. Des facteurs additionnels contribuant à la recirculation compromise
des cellules T comprennent aussi l’augmentation de leur taille, des changements dans leur
cytosquelette, et leur adhésion accrue à la fibronectine. Ces auteurs ont aussi montré que
l’infusion de JJ3116 induit deux vagues distinctes d’activation des cellules T. La première
vague d’activation et de redistribution des cellules T est caractérisée par des niveaux élevés en
cytokines pro-inflammatoires, dont l’IL-17 et l’IFN-γ tout comme l’expression augmentée des
marqueurs de surface CD25, CD69 et CD134. L’administration de JJ316 chez les rats mime
seulement partiellement les effets du TGN112 chez l’homme. Müller et al., (2008) suggèrent
par conséquent que c’est la sécrétion plutôt que la synthèse de ces médiateurs proinflammatoires qui pourrait expliquer pourquoi la tempête de cytokine observée chez les
humains recevant du TGN1412 ne pouvait être prédit basé sur le travail préclinique des
rongeurs recevant du JJ316. La première vague d’activation des cellules T disparait après 48h
et est suivie par une seconde vague d’expansion des cellules Treg CD4+CD25+Foxp3+,
impliquant une croissance, une polarisation et une motilité augmentées des Treg. Les auteurs
suggèrent que la tempête de cytokine observée chez les individus traités au TGN1412 était
probablement la conséquence de la première vague d’activation des cellules T et que les effets
bénéfiques de la thérapie superagonistique anti-CD28 qui avait été observée chez les modèles
327
rongeurs de maladies auto-immunes résultaient probablement de la seconde vague
d’activation qui affecte sélectivement les Treg.
Ainsi, les superagonistes du CD28 semblaient une idée élégante pour activer les Treg
et augmenter leur nombre, afin d’apporter un traitement aux patients souffrant de maladies
auto-immunes. Leur utilisation chez les rats était prometteuse et le groupe TeGenero a alors
vu l’opportunité de développer ces superagonistes du CD28 chez l’homme en créant le
TGN1412. Alors que les études précliniques chez les macaques cynomolgus s’étaient bien
déroulées et n'avaient pas mis en évidence d’effets secondaires, un essai clinique de phase I
fut entrepris. Ce fut un véritable fiasco, puisque les six volontaires ayant reçu le TGN1412 par
voie intraveineuse ont souffert d’une tempête de cytokines et d’un choc cardiovasculaire. De
nombreux rapports ont ensuite cherché à comprendre pourquoi les essais précliniques sur les
macaques cynomolgus n’ont pas permis de prédire une telle catastrophe, qui aujourd’hui
encore marque les esprits dans le monde de la pharmaceutique.
4.2 Exemple médical : la dermatite atopique
4.2.1 La dermatite atopique chez l’homme
4.2.1.1 Épidémiologie et manifestation clinique de la dermatite
atopique
La dermatite atopique touche entre 5 et 20 % des enfants du monde entier, âgés entre 6
et 7 ans, et entre 13 et 14 ans (Williams et al., 1999). Certaines études montrent que la
prévalence de la dermatite atopique est en augmentation (Shaw et al., 2011 ; Trepka et al.,
1996), mais cette tendance semble peu claire à l’échelle mondiale. Une étude récente a montré
qu’en réalité la prévalence de la dermatite atopique semble diminuer dans certains pays
développés ayant déjà une forte prévalence alors qu’elle semble augmenter dans certains pays
en développement qui avaient une faible prévalence auparavant (Williams et al., 2008). La
dermatite atopique démarre dès l’enfance précoce avec plus de 65 % des enfants atteints avant
leurs 18 mois (Spergel, 2010) et plus de 85 % des individus sont affectés avant l’âge de 5 ans
(Kay et al., 1994). La prévalence de la dermatite atopique dans les zones rurales est
significativement plus faible, montrant l’importance du style de vie et de l’environnement
dans les mécanismes du développement de la maladie (Shaw et al., 2011)
La dermatite atopique et la dermatite non atopique ne sont pas cliniquement
différentes. Ces deux types de dermatite se développent sur de la peau sèche, ce qui peut
parfois ressembler à une forme d’ichthyose peu sévère. Un prurit intense est aussi une
propriété commune des deux formes de dermatite. Le spectre clinique est très large, allant de
la forme légère tel que le pityriasis alba, à des formes majeures avec des variants
érythrodermiques. La dermatite est polymorphe, avec des formes aigües (suintement, croûte,
vésicules, ou papules), subaigües (plaques excoriées principalement), et chroniques (plaques
excoriées et lychénifiées). Bien que le prurit puisse apparaître au cours de la journée, il
s’empire généralement la nuit et peut profondément affecter la qualité de vie. Les profils
328
cliniques varient généralement avec l’âge. Les premiers signes d’inflammation surviennent
typiquement pendant le troisième mois de vie et les enfants présentent des dermatites faciales
et en nappes ou généralisées. Les lésions apparaissent généralement sur les joues et sont
caractérisées par une peau sèche et érythémateuse avec des lésions papulo-vésiculeuses. Le
terme « croûte de lait » se réfère à l’apparition de croûtes jaunâtres sur le cuir chevelu qui sont
similaires au lait caillé. À un âge plus avancé, les parties internes et externes des bras et des
jambes peuvent aussi être affectées. La zone recouverte par les couches hygiéniques est
généralement épargnée. Les démangeaisons sont intenses et favorisent la tendance à la
surinfection bactérienne, principalement par Staphylococcus aureus. Chez l’enfant, les sites
de prédilection de la dermatite sont les zones de flexion et le dos des pieds et des mains. Ils
peuvent soit se développer à partir de la phase néonatale précédente soit apparaître de novo.
Les éruptions cutanées commencent habituellement avec des papules qui se lichénifient
ensuite. La peau autour des lèvres peut être inflammée et un léchage constant de cette zone
peut conduire à de petites craquelures douloureuses de la peau péri-orale. Pour des raisons
inconnues, dans plus de 60 % des cas la dermatite atopique peut entrer en complète rémission
pendant la puberté. Comme chez l’enfant, une inflammation localisée avec de la
lichénification des zones de flexion est le profil le plus fréquent chez l’adulte. Les sites de
prédilection sont le cou, le haut de la poitrine, les zones de flexion des articulations, et le dos
des mains. Si le visage est affecté, c’est généralement sur le front, les paupières et la région
péri-orale. Le cuir chevelu peut être touché et peut même se manifester par une perte diffuse
des cheveux. Chez l’adulte, même si l’inflammation s’est résolue, la peau sèche persiste, en
particulier l’hiver. Quelques minimes variants peuvent se produire chez l’adulte telles que la
dermatite des mains, la dermatite nummulaire, l’inflammation péri-oculaire, la lichénification
des zones ano-génitales, la chéilite sèche, la dermatite des mamelons, et le pityriasis alba
(Rich, 2008).
4.2.1.2 Pathogénèse de la dermatite atopique
4.2.1.2.1 Facteurs génétiques
La dermatite atopique parentale est significativement associée avec la manifestation et
la sévérité des dermatites atopiques précoces de l’enfant. Contre toute attente, d’autres
maladies atopiques parentales telles que l’asthme allergique ou la rhinite allergique semblent
être des facteurs mineurs dans le développement de la dermatite atopique, suggérant
l’existence de gènes spécifiques pour la dermatite atopique (Morar et al., 2006). Jusqu’ici,
quatre études du criblage du génome entier ont eu pour but d’identifier les régions
chromosomiques où ces gènes pourraient être localisés : plusieurs loci possibles associés au
phénotype clinique de la dermatite atopique ont été déterminés alors que l’identification de
ces gènes responsables est encore en attente. Les régions ayant le plus grand lien avec la
dermatite atopique ont été trouvées sur les chromosomes 1q21 et 17q25, bien que des résultats
contradictoires ont été trouvés pour ce dernier (Cookson, 2004 ; Morar et al., 2006). Deux
aspects paradoxaux restent à être clarifier : ces régions correspondent à des loci trouvés chez
des patients atteints de psoriasis, même si la dermatite atopique et le psoriasis sont
cliniquement presque exclusives mutuellement ; et les régions chromosomiques ne
329
correspondent pas à celles déjà rapportées pour d’autres maladies atopiques telles que
l’asthme allergique (Bowcock et Cookson, 2004). L’autre approche génétique est de cribler
des variants SNP (Single Nucleotide Polymorphism) de gènes candidats pour une possible
association avec le phénotype clinique de la dermatite atopique (Morar et al., 2006). Plusieurs
gène candidats ont été identifiés, et notamment sur le chromosome 5q31-33, qui contient des
gènes pour les cytokines Th2 telles que l’IL-3, IL-4, IL-5, IL-13 et le GM-CSF. D’autres
études ont identifié des variants de la région codant pour l’IL-13, des mutations fonctionnelles
de la région du promoteur de la chémokine RANTES (17q11) et un polymorphisme gain-defonction dans la sous-unité α du récepteur de l’IL-4 (16q12). Des polymorphismes de la sousunité de l’IL-4 pourraient avoir une influence sur la synthèse des IgE médiée par le récepteur
de l’IL-4. Ceci pourrait être relié à l’incidence de la dermatite non atopique, qui se produit
sans sensibilisation médiée par l’IgE. De façon similaire, un mauvais équilibre entre les
réponses immunes Th1 et Th2 dans la dermatite atopique pourrait être expliqué par des
polymorphismes du gène de l’IL-18, entrainant une prédominance Th2. À un niveau
fonctionnel, suite à la stimulation par des superantigènes, les cellules mononuclées de sang
périphérique issues d’individus ayant ces polymorphismes répondent avec une sur-régulation
de l’IL-18 et une sous-régulation de l’IL-12 et par voie de conséquence montrent une
prédominance Th2. Enfin, une issue particulièrement sévère de la dermatite atopique avec la
colonisation de Staphylococcus aureus pourrait être associée avec un SNP du gène du TLR-2
(Morar et al., 2006).
4.2.1.2.2 Facteurs environnementaux et de l’hôte
L’impact de la réduction de l’infection sur l’augmentation du taux de maladies
allergiques dans le monde industrialisé reste controversé. Certains pensent que la stimulation
précoce de l’immunité Th1 par des infections aide à supprimer ou inhibe l’immunité Th2,
diminuant ainsi le développement des cytokines de type Th2 et la dermatite atopique. Bien
que l’hypothèse de l’hygiène ait gagné une crédibilité significative, la relation de cause à effet
n’a pas encore été prouvée. Quelques données prospectives soutiennent la relation inverse
entre la dermatite atopique et l’exposition à des endotoxines, à la garderie précoce, et à
l’exposition aux animaux alors que d’autres données suggèrent une association positive entre
la dermatite atopique et les infections dans le début de la vie (Elston, 2006). Des études
récentes n’ont pas pu démontrer la relation entre l’exposition aux aéroallergènes d’intérieur
dans le début de la vie et le développement de dermatite atopique (Harris et al., 2007).
La majorité des sérums issus de patients atteints de dermatite atopique sévère
contiennent des IgE dirigés contre des protéines humaines. L’un de ces auto-antigènes réactifs
aux IgE est une protéine cytoplasmique de 55 kDa issue des kératinocytes, qui a été clonée à
partir d’une bibliothèque d’expression de l’ADNc épithélial humain et désignée Hom s 1
(Aichberger et al., 2005 ; Mittermann et al., 2004). Bien que les auto-antigènes caractérisés
soient principalement des protéines intracellulaires, quelques-uns ont été détectés dans des
complexes immuns IgE dans le sérum de patients sensibilisés, suggérant que la libération de
ces auto-allergènes à partir des kératinocytes endommagés à cause des grattages pourrait
déclencher des réponses médiées par les cellules T ou les IgE. Une étude plus récente a
montré que l’émergence d’IgE contre des protéines du soi peut être détectée dès l’âge d’un an.
330
Cette observation suggère qu’alors que les réponses immunitaires médiées par l’IgE sont
initiées par des allergènes environnementaux en combinaison avec l’inflammation cutanée,
l’inflammation allergique peut être maintenue par des antigènes humains endogènes chez les
patients atteints de dermatite atopique sévère. Ainsi, si le rôle pathologique de ces anticorps
est confirmé, la dermatite atopique devrait être considérée comme une maladie à la frontière
entre l’allergie et l’auto-immunité (Mothes et al., 2005).
4.2.1.2.3 Dysfonctionnement de la barrière cutanée
La barrière cutanée joue un rôle critique dans la défense de l’hôte contre l’invasion
microbienne et la pénétration d’allergènes. La couche cornée représente le point culminant
d’un processus de différenciation épithéliale complexe dans lequel les kératinocytes
produisent une puissante et résistante barrière physique de matrice contenant des lipides et des
protéines qui minimisent la perte d’eau et protège le corps de la pénétration de microbes et
d’antigènes. Des études récentes indiquent que des défauts dans la fonction de barrière de
l’épiderme contribuent à déclencher et à maintenir l’inflammation cutanée dans la dermatite
atopique (Kuo et al., 2013 ; McAleer et Irvine, 2013). La peau dans la dermatite atopique est
caractérisée par une augmentation de la perte trans-épithéliale d’eau, et un défaut dans la
différenciation terminale des kératinocytes conduisant à des niveaux réduits de céramides, de
filaggrine et de peptides antimicrobiens (Cork et al., 2009). De façon concomitante, la
barrière cutanée s’effondre suite à la libération des protéases endogènes et des cytokines proinflammatoires des kératinocytes et des mastocytes ainsi que des protéases exogènes des
allergènes environnementaux tels que les mites ou Staphylococcus aureus (Morizane et al.,
2012 ; Zhang et al., 2011). La filaggrine est essentielle à l’hydratation des cornéocytes et la
déficience en filaggrine dans la dermatite atopique contribue à la baisse de l’hydratation de la
couche cornée et à une perte d’eau trans-épithéliale accrue (Irvine et al., 2011). La chute des
métabolites de la filaggrine provoque la destruction de la barrière cutanée en augmentant le
pH de la couche cornée, et facilitant par ailleurs la croissance de Staphylococcus aureus. Le
rôle critique du dysfonctionnement de la barrière cutanée comme facteur causal de la
dermatite atopique est d’ailleurs soutenu par des rapports démontrant que les mutations pertede-fonction du gène de la filaggrine sont les facteurs de risque les plus significatifs pour le
développement de la dermatite atopique (Leung, 2013a). Une grande variété de cytokines
réduisent l’expression de la filaggrine telles que l’IL-4, IL-13, IL-25 et TNF-α (Deleuran et
al., 2012 ; Howell et al., 2009 ; Kim et al., 2011). Il a aussi été montré qu’un grand nombre
d’autres protéines liées à la fonction de barrière cutanée et à l'établissement de facteurs
naturels d’humidification sont exprimés à des niveaux significativement plus bas dans les
sites lésionnels comparés aux sites non lésionnels des patients atteints de la dermatite atopique
(Broccardo et al., 2011). Ces études sont soutenues par des profils génomiques et
histologiques de peau de dermatite atopique révélant de grands défauts dans la différenciation
épidermique (Suárez-Fariñas et al., 2011). Ainsi, la combinaison de facteurs génétiques et
acquis contribue à réduire la différenciation épidermique et la fonction de barrière cutanée.
Un second défaut dans la barrière physique des patients atteints de dermatite atopique
est la plus faible expression des protéines des jonctions serrées claudine-1 et claudine-23. Les
jonctions serrées sont trouvées sur les membranes à l’opposé de la couche granuleuse des
331
kératinocytes directement sous la couche cornée et forment ainsi une seconde barrière
physique de l’épiderme. Elles sont faites d’un complexe de protéines adhésives qui contrôle le
passage des fluides et solutés à travers la voie paracellulaire (De Benedetto et al., 2011). De
plus, une corrélation inverse a été trouvée lors de dermatite atopique, entre l’expression de
claudine-1 et les marqueurs de la polarité Th2 (nombre d’éosinophiles et concentration
sérique en IgE) (Leung, 2013b).
4.2.1.2.4 Dérégulation de la réponse immunitaire
Une fois les deux barrières physiques (filaggrine et jonctions serrées) passées, une
réponse immunitaire innée doit rapidement être initiée pour prévenir une future invasion et
réplication microbienne. Les kératinocytes et les CPA de la peau expriment un certain nombre
de récepteurs de l’immunité innée aussi appelés récepteurs de reconnaissance des profils dont
les récepteurs TLR d’abord décrits chez la drosophile sont les mieux connus (Kuo et al.,
2013 ; Novak, 2012). La stimulation des TLR par les microbes ou le tissu endommagé conduit
à la libération de peptides antimicrobiens, de cytokines et de chémokines. Des études chez des
patients atteints de dermatite atopique ont montré que les fonctions de leurs TLR sont
réduites, et qu’ils sont déficients en peptides antimicrobiens dérivés des kératinocytes,
nécessaires au contrôle de Staphylococcus aureus et de la réplication virale. Ceci pourrait
donc prédisposer à la colonisation microbienne et à l’inflammation cutanée chromique (Kuo
et al., 2013).
L’initiation des lésions de la phase aigüe de dermatite atopique est liée à une
augmentation de l’infiltration cutanée par les cellules T et les cellules dendritiques, avec une
augmentation significative des cytokines définissant l’activation des sous-populations Th2
(IL-4, IL-13 et IL-31), Th22 (IL-22), Th17 (IL-17), et dans une moindre mesure de la
cytokine Th1, l’IFN-γ (Gittler et al., 2012). Il a été proposé que ces cytokines réduisent la
différenciation épidermique et contribuent ainsi à l’expression réduite de filaggrine et des
peptides antimicrobiens (Cornelissen et al., 2012 ; Howell et al., 2009), mais toutes les études
ne sont pas en accord (Gittler et al., 2012). L’IL-31 induit un prurit sévère en plus de ses
effets inhibiteurs sur la différenciation épidermique (Cornelissen et al., 2012), et sa libération
est dramatiquement augmentée dans les lésions de phase aigüe. L’induction de l’hyperplasie
épidermique lors de l’initiation de la phase aigüe de la dermatite atopique pourrait résulter
d’une réponse directe des kératinocytes à l’IL-22 (Nograles et al., 2008). Une nouvelle
hypothèse suggère que l’initiation des lésions aigües de la dermatite atopique serait lié à
l’activation d’un sous-groupe de gènes de la différenciation épidermique au lieu de la
suppression de la différenciation terminale (Gittler et al., 2012).
Les lésions chroniques de dermatite atopique sont caractérisées par une augmentation
plus profonde de la prolifération épidermique et de l’infiltration cutanée par les cellules T et
les cellules dendritiques. Le profil de cytokines qui évolue après la formation des lésions
aigües de dermatite atopique comprend une augmentation significative de l’IFN-γ, qui induit
l’apoptose des kératinocytes, alors que cette augmentation était faible dans la phase aigüe
(Rebane et al., 2012). L’augmentation des produits Th1 dans les lésions chroniques pourrait
représenter soit un stimulus pro-inflammatoire pour l’activation des cellules Th17/Th22
(Kryczek et al., 2008) ou un signal contre-régulateur de l’activation Th2 (Bonder et al., 2002)
332
ou Th17 (Kalinke et Prinz, 2012). La progression vers la phase chronique est associée à une
intensification des axes immunitaires déjà sur-régulés dans les lésions aigües, en particulier
les axes Th2 et Th22, ainsi qu’une augmentation significative des niveaux de produits Th1.
L’augmentation de l’expression de l’IL-17 est aussi détectée dans les phases aigües et
chroniques, bien qu’elle soit moins significative. On observe également une augmentation des
cytokines Th2 à l’exception de l’IL-4 qui diminue après la phase aigüe (Gittler et al., 2012).
Les effets de ces cytokines peuvent cependant être contrebalancées par l’IL-10 qui contrôle la
réactivité des cellules T induites par les cellules dendritique dans la peau (Girard-Madoux et
al., 2012). Il a récemment été montré que la CRH (Corticotrophin Releasing Hormone) sousrégule la production d’IL-10 des Treg dans la dermatite atopique, ce qui pourrait expliquer
l’exacerbation des symptômes lors de stress (Oh et al., 2012 ; Vasiadi et al., 2012).
L’évolution de la réponse immunitaire des lésions aigües vers des lésions chroniques de
dermatite atopique est représentée sur la figure 66.
Figure 66 : Activation progressive des cytokines Th2/Th22 et des protéines épidermiques
sélectives caractérisant les phases aigüe et chronique de la dermatite atopique. Adapté
d'après Leung (2013b).
333
Ce modèle est issu des observations réalisées dans une étude comparative moléculaire
et génomique entre les lésions des phases aigüe et chronique chez une même personne. Il
rentre en contraste avec le modèle biphasique, dans lequel l’initiation de l’inflammation est
associée à l’activation Th2 et la maladie chronique associée à un changement Th1 (Grewe et
al., 1995; Thepen et al., 1996), comme représenté dans la figure 67. Dans ce modèle, l’IL-4 et
l’IL-13 initient l’inflammation tissulaire en sur-régulant l’expression des molécules
d’adhésion sur les cellules endothéliales, et en augmentant la survie des éosinophiles, l’IL-5
favorise l’éosinophilie systémique caractéristique de la phase aigüe. Dans l’évolution
chronique des lésions, une dominance Th1/Th0 prendrait place avec une augmentation de
l’IFN-γ, de l’IL-12, de l’IL-5, du GM-CSF et une baisse des cytokines Th2. Le maintien de la
dermatite atopique serait permis par les cytokines de type 1 telles que l’IL-12 et l’IL-18, mais
aussi par l’IL-11 et le TFG-β. Ce profil biphasique est démontré dans des études utilisant des
patchs cutanés allergènes permettant de déclencher une phase aigüe. Une augmentation de
l’IL-4 est en effet observée 24h après l’application de tels patchs, avant que son expression ne
retourne à un niveau basal. Au contraire, l’expression de l’IFN-γ n’est pas détectée pendant
cette période de temps, mais elle est fortement augmentée après 48h à 72h. Cette
augmentation de l’expression de l’IFN-γ est par ailleurs précédée d'un pic d’IL-12 qui
coïncide avec l’infiltration des macrophages et éosinophiles (Grewe et al., 1995).
Enfin, les cellules dendritiques sont aussi reconnues pour être l’une des cellules clés
impliquée dans l’initiation des réponses des cellules T dans de nombreuses maladies cutanées
(Fujita et al., 2011). Dans la dermatite atopique, les cellules dendritiques telles que les
cellules de Langerhans expriment des niveaux augmentés en FceRI tout comme des réponses
réduites en IFN-γ (Gros et al., 2011). En bloquant le récepteur à l’histamine H1 des cellules
dendritiques, il a été montré que l’on diminuait les réponses immunitaires cutanées ini
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