Modèles de champ de phase de type Cahn-Hilliard: modélisation et conditions aux limites Alain Miranville Université de Poitiers L’équation de Cahn-Hilliard Proposée à la fin des années 1950 (J.W. Cahn et J.E. Hilliard) Très importante en science des matériaux : décrit les processus de séparation de phase dans des alliages métalliques binaires (exemple : Aluminium/Zinc) Nucléation partielle Nucléation totale : décomposition spinodale Coalescence Importants pour les propriétés mécaniques ou le vieillissement Equation de Cahn-Hilliard : ∂u + κα∆2 u − κ∆f (u) = 0 ∂t • u : paramètre d’ordre (densité d’atomes) Composants A et B : u = uA et uB = 1 − uA (uA + uB = 1) • κ : mobilité (constante strictement positive) • α > 0 : liée à la tension surfacique à l’interface Remarques : a) On peut écrire l’équation sous la forme ∂u κ + κ∆2 u − ∆f (u) = 0 ∂t > 0 : liée à l’épaisseur de l’interface b) Modèle à interface diffuse : L’interface est d’épaisseur non nulle Le paramètre d’ordre varie continument entre 0 et 1 Modèles de champ de phase : à comparer aux modèles à interface raide (exemple : modèle de Stefan) c) En géneral, on fait un changement d’échelle : u → u prend ses valeurs entre −1 et 1 −1 et 1 : états purs 2u−1 2 • f : dérivée d’un potentiel à 2 puits F Choix usuel : 1 F(s) = (s2 − 1)2 , f (s) = s3 − s 4 Approximation de potentiels logarithmiques (obtenus à partir d’un modèle de champ moyen) : F(s) = −θ0 s2 + θ1 ((1 + s) ln(1 + s) + (1 − s) ln(1 − s)) s ∈ (−1, 1), 0 < θ1 < θ0 f (s) = −2θ0 s + θ1 ln 1+s 1−s , s ∈ (−1, 1) Termes logarithmiques : liés à l’entropie de mélange θ1 : proportionnelle à la température absolue (supposée constante) θ0 : proportionnelle à une température critique θ1 < θ0 : assure une forme en double puit Approximation polynomiale : pertinente lorsque l’abaissement de température est faible Avantage des potentiels logarithmiques : forcent le paramètre d’ordre à rester entre −1 et 1 Dérivation du modèle Approche phénoménologique Equation de conservation de la masse : ∂u = −divh ∂t h : flux massique Equation constitutive (postulée) : h = −κ∇w (loi de Fick) w : potentiel chimique → ∂u ∂t = κ∆w Remarque : On suppose que κ > 0 est une constante Dans le cas d’un potentiel logarithmique, il est souvent attendu que κ dépende de u et dégénère en −1 et 1 On a l’équation plus générale : ∂u = div(κ(u)∇w) ∂t Typiquement : κ(s) = 1 − s2 Restreint le processus de diffusion à la region interfaciale Observé lorsque le mouvement des atomes est confiné dans cette région Définition usuelle du potentiel chimique : dérivée de l’énergie libre par rapport à u Equation de Cahn-Hilliard : énergie libre de Ginzburg-Landau ψGL = αR2 |∇u|2 + F(u) ΨGL = Ω ( α2 |∇u|2 + F(u)) dx (énergie libre totale) | · | : norme euclidienne usuelle (produit scalaire associé : ·) Ω : domaine occupé par le système → La définition doit être adaptée w est la dérivée variationnelle de ψGL par rapport à u : w = δψGL δu "Petite variation" de l’énergie libre totale : Z δΨGL = (α∇u · ∇δu + f (u)δu) dx Ω On intègre par parties : Z δΨGL = (−α∆u + f (u))δu dx Ω On pose : δψGL = −α∆u + f (u) δu → w = −α∆u + f (u) Système de Cahn-Hilliard : ∂u ∂t = κ∆w w = −α∆u + f (u) → On retrouve l’équation de Cahn-Hilliard : ∂u + κα∆2 u − κ∆f (u) = 0 ∂t Conditions aux limites Equation d’ordre 4 (en espace) : 2 conditions aux limites De manière équivalente : 1 condition pour w et une condition pour u Première condition : pas de flux de masse à travers la frontière h · ν = 0 sur Γ = ∂Ω ν : normale unitaire extérieure Comme h = −κ∇u, on obtient : ∂w (= ∇w · ν) = 0 sur Γ ∂ν Remarque : Plus généralement : κ(u)∇w · ν = 0 sur Γ Deuxième condition : condition aux limites variationnelle naturelle ∂u (= ∇u · ν) = 0 sur Γ ∂ν On a, par exemple : R Ω |∇u| R R ∂u = − RΩ u∆u dx + Γ u ∂ν dΣ = − Ω u∆u dx 2 dx Première conséquence : conservation de la masse Z Z ∂u dx = κ ∆w dx Ω ∂t Ω On en déduit : d dt → d dt R Ω u dx =0 Z Z u dx = κ Ω Ω ∂w dΣ ∂ν On note : 1 < · >= Vol(Ω) Z · dx (moyenne en espace) Ω On a : < u(t) >=< u(0) >, ∀t ≥ 0 Deuxième conséquence (conséquence de la condition variationnelle) : l’interface est orthogonale au bord du domaine Troisième conséquence : l’énergie libre totale décroit le long des trajectoires dΨGL ≤0 dt Conditions aux limites équivalentes : ∂u ∂∆u = = 0 sur Γ ∂ν ∂ν On a : dΨGL dt R = Rdtd Ω ( α2 |∇u|2 + F(u)) dx ∂u = RΩ (α∇u · ∇ ∂u ∂t + f (u) ∂t ) dx = RΩ (−α∆u + f (u)) ∂u ∂t dx ∂u = ΩR w ∂t dx = κ ΩRw∆w dx = −κ Ω |∇w|2 dx ≤0 Question des "bonnes" conditions aux limites : sujette à débat Cas de parois solides (systèmes confinés) Pour de nombreux systèmes binaires : interactions dynamiques du système avec les parois solides C’est le cas lorsque l’interface a une intersection non vide avec la paroi solide via une ligne de contact Condition aux limites variationnelle entre l’interface et la paroi solide ∂u ∂ν = 0 sur Γ : angle de contact de π 2 Condition trop restrictive pour certains systèmes Exemple : fluides binaires Lorsqu’un fluide déplace un second fluide non miscible : la ligne de contact bouge par rapport à la paroi solide → Angle de contact dynamique qui dévie de l’angle de contact statique θ = → La dynamique près de la paroi solide peut être mieux décrite par des conditions aux limites dynamiques (i.e., ∂u ∂t apparaît explicitement) π 2 Cas de l’équation de Cahn-Hilliard (W. Dieterich et al.) : On introduit une énergie libre totale surfacique : Z αΓ ΨΓ = ( |∇Γ u|2 + FΓ (u)) dΣ Γ 2 • αΓ > 0 : constante • ∇Γ : gradient surfacique (∇Γ u = ∇u − ∂u ∂ν ν) • FΓ : potentiel surfacique Typiquement : 1 FΓ (s) = aΓ s2 − bΓ s 2 aΓ > 0 : tient compte d’une modification de l’interaction effective entre les 2 composants sur la paroi bΓ : caractérise l’attraction préférentielle d’un des composants par la paroi Energie libre totale du système : Ψ = RΨGL + ΨΓ R = Ω ( α2 |∇u|2 + F(u)) dx + Γ ( α2Γ |∇Γ u|2 + FΓ (u)) dΣ On a : Z Z (α∇u · ∇δu + f (u)δu) dx + δΨ = Ω (αΓ ∇Γ u · ∇Γ δu + fΓ (u)δu) dΣ Γ fΓ = FΓ0 On intègre par parties (Γ n’a pas de bord) : Z Z (−α∆u + f (u))δu dx + δΨ = Ω ∆Γ : opérateur de Laplace-Beltrami (−αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α Γ ∂u )δu dΣ ∂ν On a toujours, dans Ω : ∂u ∂t = κ∆w w = −α∆u + f (u) On n’a plus ∂u ∂ν = 0 sur Γ On écrit : Z Ψ= Z ψ dx + Ω ψ dΣ Γ Dérivée variationnelle : δψ δu δψ δu →w= δψ δu dans Ω = −α∆u + f (u) dans Ω ∂u = −αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν sur Γ Première condition aux limites : dynamique de relaxation sur Γ (le système tend à minimiser l’énergie libre surfacique) : δψ 1 ∂u =− sur Γ k ∂t δu k > 0 : paramètre de relaxation → 1 ∂u k ∂t ∂u − αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν = 0 sur Γ Deuxième condition aux limites : ∂w ∂ν = 0 sur Γ On obtient le système suivant : ∂u ∂t = κ∆w w = −α∆u + f (u) ∂w ∂ν = 0 sur Γ 1 ∂u ∂u k ∂t − αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν = 0 sur Γ Remarques : a) On a toujours la conservation de la masse : < u(t) >=< u(0) >, ∀t ≥ 0 b) L’énergie libre totale décroit le long des trajectoires : dΨ ≤0 dt On a : dΨ dt R R ∂u ∂u = RΩ (α∇u · ∇ ∂u + Γ (αΓ ∇Γ u · ∇Γ ∂u ∂t + f (u) ∂t ) dx ∂t + fΓ (u) ∂t ) dΣ R ∂u ∂u ∂u = ΩR(−α∆u + f (u))R∂t dx + Γ (−αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν ) ∂t dΣ 2 = κ ΩRw∆w dx − 1k Γ R| ∂u ∂t | dΣ 1 ∂u 2 2 = −κ Ω |∇w| dx − k Γ | ∂t | dΣ ≤0 c) Deuxième possibilité (G.R. Goldstein et al.) : on écrit que l’on a la conservation de la masse totale Z Z d ( u dx + u dΣ) = 0 dt Ω Γ On suppose que w= δψ dans Ω et sur Γ δu → w = −α∆u + f (u) dans Ω ∂u → w = −αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν sur Γ On a : d dt ( Ω R u dx R R R + Γ uRdΣ) = Ω ∂u =κ R Ω∂u∆w dx∂w+ Γ ∂t dΣ = Γ ( ∂t + κ ∂ν ) dΣ → ∂u ∂t ∂u ∂t dx + ∂u Γ ∂t R = −κ ∂w ∂ν sur Γ Système d’équations : ∂u ∂t ∂u ∂t = κ∆w dans Ω = −κ ∂w ∂ν sur Γ w = −α∆u + f (u) dans Ω ∂u w = −αΓ ∆Γ u + fΓ (u) + α ∂ν sur Γ dΣ Conditions aux limites usuelles Potentiels réguliers : • Existence, unicité, régularité : C.M. Elliott-S. Zheng, B. Nicolaenko-B. Scheurer, D. Li-C. Zhong, ... • Existence d’attracteurs de dimension finie : B. Nicolaenko-B. Scheurer-R. Temam, D. Li-C. Zhong, ... • Convergence vers des états stationnaires : S. Zheng, P. Rybka-K.-H. Hoffmann Potentiels logarithmiques : Difficulté principale : montrer que u reste dans (−1, 1) Remarque : Faux pour les potentiels réguliers On montre que |u(x, t)| < 1 p.p. (x, t) En dimensions 1 et 2 d’espace : ku(t)kL∞ (Ω) ≤ 1 − δ, t > 0, δ ∈ (0, 1) • Existence, unicité, régularité : C.M. Elliott-S. Luckhaus, C.M. Elliott-H. Garcke, A. Debussche-L. Dettori, A. Miranville-S. Zelik • Existence d’attracteurs de dimension finie : A. Debussche-L. Dettori, A. Miranville-S. Zelik • Convergence vers des états stationnaires : H. Abels-M. Wilke Conditions aux limites dynamiques Potentiels réguliers : • Existence, unicité, régularité : J. Prüss-R. Racke-S. Zheng, A. Miranville-S. Zelik, G.R Goldstein-A. Miranville-G. Schimperna • Existence d’attracteurs de dimension finie : A. Miranville-S. Zelik, G.R Goldstein-A. Miranville-G. Schimperna • Convergence vers des états stationnaires : H. Wu-S. Zheng, R. Chill-E. Fašangová-J. Prüss, G.R Goldstein-A. Miranville-G. Schimperna Potentiels logarithmiques : On peut avoir non existence de solutions classiques On peut avoir un état pur sur une partie de mesure non nulle de la paroi On a existence de solutions classiques lorsque ±fΓ (±1) > 0 Notions de solutions généralisées : • Par des techniques de dualité : G.R. Goldstein-A. Miranville-G. Schimperna • Par des inégalités variationnelles : A. Miranville-S. Zelik, L. Cherfils-S. Gatti-A. Miranville Couplage avec les équations de Navier-Stokes Mélange de deux fluides incompressibles non miscibles Approche de type champ de phase : → L’interface fluide raide remplacée par une interface diffuse reliant les 2 fluides Système bi-phasique : décrit par un paramètre d’ordre φ (varie continument à travers l’interface diffuse) On considère 2 fluides de densités ρ1 et ρ2 et de viscosités dynamiques µ1 et µ2 Densité du mélange : ρ(φ) = ρ1 −ρ2 2 φ 2 µ(φ) = µ1 +µ 2 ρ1 +ρ2 2 Viscosité dynamique du mélange : + + µ1 −µ2 2 φ Equations pour la vitesse u, la pression p et φ : t ρ( ∂u ∂t + u · ∇u) + div(µ(∇u + ∇u)) + ∇p = −αdiv(∇φ ⊗ ∇φ) + g divu = 0 ∂φ 2 ∂t + u · ∇φ + ακ∆ φ − κ∆f (φ) = 0 • t : transposée P ∂u • (u · ∇u)j = 3i=1 ui ∂xij , u = (u1 , u2 , u3 ) • ⊗ : produit tensoriel de 2 vecteurs : A ⊗ B = At B • αdiv(∇φ ⊗ ∇φ) : effets de la tension surfacique • g = g(x, t) : forces extérieures • f (s) = s3 − s Conditions aux limites Equations de Navier-Stokes : u = 0 sur Γ Conditions aux limites usuelles pour l’équation de Cahn-Hilliard : ∂φ ∂∆φ ∂ν = ∂ν = 0 sur Γ (Equivaut à ∂φ ∂ν ∂φ ∂ν = ∂w ∂ν = 0 sur Γ, w = −α∆φ + f (φ)) = 0 sur Γ : angle de contact de π 2 Pas réaliste : dans la pratique, formation d’une ligne de contact dynamique lorsque l’interface fluide rencontre la paroi solide Approche de type champ de phase : la ligne de contact bouge naturellement du fait d’un flux diffusif à travers l’interface dû au gradient du potentiel chimique (plus de singularité) → Energie libre surfacique : une condition aux limites d’angle de contact provient d’une telle énergie libre tenant compte des effets de tension fluide/solide Energie libre totale : Z Ψ= α ( |∇φ|2 + F(φ)) dx + Ω 2 Z FΓ (φ) dΣ Γ Pas de diffusion sur la paroi (αΓ = 0) Mélange de 2 fluides non miscibles : • FΓ (1) = σ1 , FΓ (−1) = σ2 σ1 : tension interfaciale fluide 1/paroi σ2 : tension interfaciale fluide 2/paroi • FΓ prend la valeur moyenne de σ1 et σ2 à l’interface fluide : FΓ (0) = • fΓ (±1) = 0 (fΓ = FΓ0 ) σ1 +σ2 2 • L’équation de Young est vérifiée à l’angle de contact avec la paroi : σ2 − σ1 = σ cos θs σ : tension surfacique fluide 1/fluide 2 θs : angle de contact statique entre l’interface fluide et la paroi (mesurée du coté du fluide 1) → Forme polynomiale la plus simple (D. Jacqmin) : FΓ (s) = σ cos θs s(s2 − 3) 1 + (σ1 + σ2 ) 4 2 On a : Z Z δΨ = (−α∆φ + f (φ))δφ dx + Ω (fΓ (φ) + α Γ ∂φ )δφ dΣ ∂ν Condition aux limites à l’équilibre : ∂φ 1 = − fΓ (φ) sur Γ ∂ν α Condition aux limites dynamique (D. Jacqmin) : ∂φ ∂φ 1 + u · ∇φ) = + fΓ (φ) sur Γ ∂t ∂ν α D : paramètre phénoménologique (mobilité dynamique à la paroi) −D( Deuxième condition aux limites : ∂w ∂ (= (−α∆φ + f (φ)) = 0 sur Γ ∂ν ∂ν Simulations numériques : utilisent pour la plupart la condition aux limites statique : 1 ∂φ = − fΓ (φ) sur Γ ∂ν α → Pas de relaxation de l’angle de contact dynamique par rapport à l’angle à l’équilibre Utilisation de la condition dynamique : très récente • A. Carlson et al. (J. Fluid Mech. 2011 et Phys. Fluids 2011) : négligent le terme de convection u.∇φ • S. Dong (Comput. Methods Appl. Mech. Engrg. 2012) : condition aux limites dynamique complète Equation de Cahn-Hilliard semi-discrétisée en temps : transformée en 2 équations de type Helmholtz découplées Condition aux limites dynamique : traitée de telle sorte que les 2 équations de Helmholtz sont réellement découplées Remarque : Etude mathématique à faire