1. Les transformations médiatiques

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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
1. LES TRANSFORMATIONS MEDIATIQUES
Les médias sont des dispositifs de prédilection en sciences de la communication.
Objet important pour les chercheurs, mais le grand public a aussi un avis sur les médias
objet de fascination, avec rapport souvent paradoxal puisqu’objet de répulsion aussi
(exemple de la télévision). Approche exponentielle des médias, qui va de paire avec la
montée en puissance de la société de communication. Plus seulement des médias de
masse émanant d’institutions, un média peut être un individu.
Entreprises qui n’ont rien n’a voir avec les médias s’affranchissent, prennent la
main sur les systèmes de médiatisation en fabriquant leurs propres médias.
Bouleversement majeur, et phénomène en voie d’accélération, avec creuset entre réalité
de l’hyper médiatisation et crise accrue des entreprises médiatiques. Télévision, tout
comme la presse, connaît de grosses difficultés : Envy/Grazia ; concurrence de la TNT…
Déstabilisation, instabilité, logique de crise.
Murddock, à la tête de NewsCorp, a annoncé il y a un an qu’il envisageait de
rendre payant les contenus internet payants. Contenu gratuit suppose en effet pas de
rentabilité, pas de point d’équilibre avec la vente d’espaces publicitaires. Ces contenus
sont devenus payants depuis Juin ; ils ne sont pas vendus chers, mais toujours vente à
perte. Question : combien de visiteurs gratuits vont se transformer en abonnés ? (on
mise sur 10% maximum…).
Autre exemple, le groupe du NY Times, crée en 1896, image excellente,
journalisme d’enquête, 1 million d’exemplaires vendus par jour, puissance mondiale
importante. Et pourtant il a réduit sa masse salariale et les revenus de ces derniers.
Vacillement donc, les lecteurs vont vers les contenus gratuits sur Internet. On peut
constater que le NYT est un des titres les plus innovants qui soit : investit sur le net en
1995, pilote sur les fils Twitter et les applications mobiles, équipe de recherche qui
travaille sur les modèles de la presse… Pourtant toujours pas de modèle économique
trouvé… Le Washington Post a fermé tous ses bureaux locaux : 24 500 emplois de
journalistes perdus aux US.
Pas de solution donc apparemment dont on pourrait s’inspirer, y compris outre
atlantique. Stand up for Journalism : journée européenne où les syndicats ont écrit un
lettre significative à Sarko. 2300 journalistes sur 38 000 au chômage en 2009 (que sur
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journalistes ayant carte de presse, suppose un salaire important…). Moins de
journalistes = moins d’enquêtes, moins d’investigations… Changements aussi pour ceux
qui ont gardé leur emploi : pressurisation des équipes, temps d’enquête raccourcis…
Transformations techniques (numériques…), dans les usages : corrélation. Le
contenu médiatique circule plus, télévision à la carte, pourtant c’est mal vendu : il est
facile de le vendre quand on sait qui est la cible et quand est ce qu’elle consomme.
Incapacité pour les instituts d’identifier l’audience, problèmes donc pour ceux qui
achètent les mesures d’audience (publicité). Transformations à tous les niveaux de
pratique professionnelle.
Dépendance des médias aux annonceurs, mais elle existe aussi quand beaucoup
de revenus émanent de la publicité, incidence sur le contenu médiatique. Pas seulement
un modèle de financement. Il faut réussir à comprendre que la nature de l’information, la
forme d’un magazine, les sites internet consultés, soit la totalité de la production
médiatique accessible est influencé.
Exemples de phénomènes médiatiques récents qui montrent que l’approche
sociologique ne suffit pas lorsque l’on veut comprendre ce qui se passe dans les médias.
Au début des années 2000, US : multiplication des médias ethniques, explosion de
ces derniers (Californie 24 en 1996, plus de 400 en 2002). Au niveau socio : montée en
puissance des communautarismes dans la société observée. Pourtant il faut aussi se
demander comment est financé un média par la pub ? Communautés ont enfin moyens
financiers de faire vivre les médias comme elles le souhaitaient. Marketing de masse 
marketing qui s’intéresse aux communautés. Revenu annuel peut être inférieur, mais
dépenses plus importantes sur certains secteurs en grande surface par exemple
(alimentation, habillement). Budget dédié et segmenté.
Boom des séries télé dans les 90 en France. Tradition depuis les 30 du soap opéra
à la radio puis à la TV mais souffre de son propre modèle économique et publicitaire.
Programmes fournis clés en main adressés aux cibles des lessiviers, toucher des femmes
au foyer qui peuvent regarder ou écouter sans regarder, donc système narratif
spécifique, micro histoire, résumés des épisodes précédents dans la bouche des acteurs
en train de dialoguer… But n’était pas de placer des produits mais passer les pubs avant
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et après les programmes, pendant les coupures selon le modèle de diffusion à
l’américaine. Prolongement et renouveau : telo novella. Perte de vitesse pour soap opéra
car annonceurs qui finançaient sont en grave crise (constructeurs automobiles), modèle
économique qui ne marche plus.
Dans les 90 on subtilise aux programme multi diffusés du prime time (Julie
Lescaut, Navarro…). Nouveau type de programme pour nouveau type de société ? Point
de vue sociologique. Nouveau rapport entre la chaine de TV et le spectateur. RDV donné
au spectateur. Héros de la quotidienneté : métier à risques, mais problèmes de couples,
d’argent… identification possible. Nouveau mode d’écriture scénaristique, le héros ne
peut pas mourir… On connaît l’issue, incidence sur les formes de suspense. Pourquoi ce
type de production est apparu ?
Changement majeur dans chaines TV à la fin des années 80, monopole public 
privatisation. On comprend la nécessité de l’élaboration d’une logique d’audience
(quantifier et identifier public pour satisfaire les annonceurs). Autre élément clé dans
écriture de synopsis : un programme conçu pour le cinéma paraît excluant, par nature il
ne correspond pas nécessairement à public familial du prime time. Plus facile aussi de
préparer coupure publicitaire quand on écrit un scénario de série pour la TV. Il faut
fabriquer de la continuité : le spectateur doit rester et revenir. CF aux US où l’on peut
couper autant qu’on veut avec de la pub (cut noir très fort dans les séries). En France
habitude du format 52 minutes, dont 8 minutes de pub par heure : seulement pas de
coupure possible pour les fictions sur la chaines nationales donc fleurissement des
soirées à deux épisodes (soirées deux polars de France 3 par exemple). Public d’une
série plus conciliant (exemple : scénario plus faible au début est possible ; pour un film
si on aime pas au bout de 10 minutes, on ne regarde pas)
Changement moins lié à transformation sociologique qu’à effort d’investissement
inédit des diffuseurs. On produit mieux, on investit plus, on prend des acteurs du
cinéma, on finance des fresques historiques  retour sur investissement  audience
minimale garantie.
Exemple de la télé réalité aussi : fin des 90 en Europe du Nord (Big Brother en 99
aux Pays Bas et Robinson en 98 en Suède). Love story adapté de BB en France en 2001.
Robinson : Koh Lanta, Survivor… Un concept, plusieurs variantes : mise en scène de
personnes sélectionnées pour participer à une expérience de vie, motivées par
médiatisation et célébrité, période longue, beaucoup de caméras. Aboutissement de la
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logique de passage fiction cinéma  fiction télé. Equivalent de la série. Logique de jeu,
élimination progressive, promesse de gain en général. Spectateurs invités à participer
directement au processus d’élimination. Diffusion construite en épisodes comme pour
feuilleton (période de tournage longue pour période de diffusion longue aussi, plusieurs
semaines voire plusieurs mois  innovation).
En 2001, détonateur lors de l’arrivée de la TR. Beaucoup de commentaires
portent sur le caractère innovant, mais pour le critiquer. On s’est posé sur un terreau
sociologique : qu’est que cela traduit de l’évolution de la société française ? Dénonciation
de l’exhibitionnisme, du voyeurisme consécutif, du décalage entre la promesse
d’authenticité et de transparence du programme et ce que l’on voyait, soit la plupart du
temps des jeux d’acteurs, enfermement dans un stéréotype, scénarisation grâce à la
construction des épisodes… Manipulation, feintise, fabrication. Présenté comme
expérience sociale au départ ! Instrumentalisation de la science (le psychologue qui
décrypte…) et mise en place de scientifiques pantins.
Point de vue économique : point de non retour dans l’histoire de la TV.
Caractéristiques de la TR ? Un même programme est déclinable sur plusieurs semaines,
horaires différents (deux quotidiennes, une hebdo en prime time). Temps d’antenne
inédit ! Diversification des supports médiatiques : diffusion sur chaine payante, direct
légèrement différé qui permet de regarder 24h/24, site web, magazine… vente d’espaces
publicitaires favorisée par le format de diffusion (pub inséré au moment du suspense…
cf plus haut sur série) pas une fiction ! Captation du public la plus intense, plus forte
audience, au moment où l’on va savoir qui sort du Loft par exemple… prix de vente pub a
pu triplé (de 20 000 à 70 000 euros les 30s). Patron TF1 a décrié arrivée de la télé
poubelle : M6 était encore à ce moment là la chaine musicale pour les jeunes (+séries
américaines). Différentiel alors très avantageux par rapport au cout de production de
TF1, et M6 devient chaine généraliste grâce au Loft : font venir annonceurs qui n’étaient
jamais venu, et même prix voire plus cher que sur TF1.
TR appréciée par les annonceurs car effet de contexte favorable à insertion
publicitaire : personnages oisifs, qui ne connaissent pas, veille du CSA, pas le droit de
boire, de parler politique… conversations limitées : beauté, mode, nourriture (très
limitée au niveau gustatif, ne peuvent pas acheter ce qu’ils aiment, seulement liste de ce
qu’ils voudraient, et challenges pour l’obtenir  conversations orientés). Or annonceurs
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en prime time sur chaine généraliste sont les mêmes. Pub n’est alors plus interruption,
pas de rupture sémiotique, mais construction thématique, idéologique et esthétique.
Télé crochet a aussi lien très fort avec la consommation : pas imaginaire de
l’artiste comme exclu de la société, se sentant en marge… Magnificence du corps, reprise
de chanson… on le construit comme rêvant de la célébrité des stars de la chanson.
Argent, voitures, marques, vont de pair avec cette célébrité, donc idéal type de
consommation est aussi diffusé. De même pour Koh Lanta ou la Ferme Célébrités, mise
en scène de la consommation : ils passent leurs temps à parler du confort de la vie
moderne (on filme des entrecôtes qui ont été gagnées…) et pendant la pub, mise en
avant du même produit !
Permet aussi de vendre produits dérivés : jeux, lignes de vêtements, concours,
places de concerts… aboutissement d’une logique de marque, ils sont construits comme
des marques et les produits dérivés sont des extensions de la marque. Avant moins
d’identité visuelle, pas des productions marchandes destinés à circuler au maximum en
dehors de la télé, seulement identité éditoriale. Chaines s’adressent alors à un
consommateur : que le spectateur aime ou pas, peu importe, ce qui comptent c’est qu’il
consomme. Avant, on veillait à ce que le programme plaise, TF1 avait ce discours
comme quoi l’offre correspondait à la demande. Grande réussite de M6 et de Endemol
d’avoir réussi à adjoindre des publics qui n’étaient pas les leurs (vous êtes parents,
grands parents, vous voulez comprendre comment vivent vos enfants, les comprendre…
venez regardez). Mais le plus étonnant : les critiques se sont adjoints au public. Succès
d’audience tel que les sociologues ont du regarder et essayer de comprendre + ceux qui
ont fini par aller voir par curiosité, pour comprendre le boom. Industrialisation de la
critique : plus les gens critiquaient, plus ils étaient un moteur d’audience pour la chaine,
si bien que les gros annonceurs ont payés de gros spots très chers.
Très fort mais aussi très pervers : regard cynique sur le TV, distance critique qui a
poussé un discours général qui consiste à dire : je regarde mais je n’aime pas.
Consommation massive ! Mais scepticisme : on est manipulé…
Pas nécessairement de continuité possible donc, par exemple pour Loft 2, difficile
de faire plus de bruit et de critique que le premier… le système d’auto critique et de mise
en abime s’essouffle.
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2003 : Star Academy, reprend les invariants de la télé réalité mais grosse
différence : on ne s’adresse qu’à un spectateur satisfait, qui doit acheter la marque Star
Ac (t shirts, concert, cd…). Extension de marque énorme ! Exemple : pas n’importe quelle
période de l’année, trimestre des dépenses les plus importantes (rentrée en
septembre…) avec des produits siglés (partenariats avec Quo Vadis…). En novembre on
vend la tournée Star Ac, singles, albums ; on fait venir sur le plateau les anciens gagnants
et on peut les revendre aussi… Puis Noël avec les jeux, TF1 a racheté toutes les grosses
entreprises (mille bornes…) : vente du tapis de danse, du karaoké… co branding, avec le
logo star ac. Pas la peine de continuer en janvier (comme le mois d’août) : pas de
dépenses.
Evolution récente de la TR ? Le télé coaching : pas de la TR, mais même logique,
même recette. Avantage majeur : ne donne pas mauvaise image de la TV. TR a contribué
à banaliser ce discours critique + plus de gentils ingénus qui veulent venir, on ne croit
pas à la célébrité ; certains revendiquent cette logique exhibitionniste, veulent se mettre
en scène, souvent acteurs donc, mais pas acteurs pro, donc sur jeu, mal fait… beaucoup
de participants déçus par l’image médiatique qu’on leur a donné, procès, accusations de
bidonnage… difficile continuité de la TR. TC est très intéressante du coup car cela redore
le blason, facile de trouver des participants, ingrat de faire un procès ou de se plaindre,
personne ne pourrait l’ accepter. TV est baguette magique, rôle social valorisant, bonne
fée.
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2. LA CONCENTRATION A L’ŒUVRE DANS LES ENTREPRISES DE MEDIAS EN
FRANCE
TC et TR pas la même chose quand même, relation différente au téléspectateur,
pas même valorisation de la TV, mais modèle économique suivant assez logique. On
promet au spectateur ce qu’il n’a jamais vu avec la TR : différence entre ce qui pouvait se
passer dans l’intimité et ce qu’on peut y voir de façon médiatisée à la TV, TR promet
d’atténuer cette différence. Premiers participants bénéficiaient d’une certaine naïveté,
pouvaient croire à célébrité, médiatisation. Filon s’épuise, on manque de participants de
ce type, maintenant sont toujours dans le jeu permanent. Le programme n’a plus de
sens, vu que ce n’est plus la vraie vie mais une fiction. Faut il aller toujours plus loin ? Cf
le jeu de la mort. Mais pour chaines généralistes qui s’adressent à un public large, on ne
peut plus aller plus loin. Par ailleurs, annonceurs bloquent ce passage, personne ne
voudra sponsoriser des émissions trop extrêmes, pas d’intérêt. Genre connexe se
développe donc avec le TC, défini comme tel par M6 et TF1.
Quelque chose qui se prétend innovant, et permet aux participants de vivre une
plus belle vie, pas de les mettre dans l’embarras ou dans une situation difficile (grosse
différence à ce niveau avec la TR). Principe du TC : la vie est difficile, c’est une
expérimentation permanente de la douleur, du plaisir inaccessible, du bien être idéal.
Relooking d’individus, de maisons, de vie de famille… TV prend alors en main les maux
du quotidien. Se construit un rôle social, plus uniquement du divertissement. On ne
cherche pas l’expérience inédite, on utilise des récits de vie. Important : pantin
éminemment consentant ! Travail facile, et en prime il a l’assurance qu’il ira mieux
après.
Publicité est dans continuité idéologique, adéquation thématique entre le
programme et la publicité diffusée. Comparaison du avant/après comme dans les
relooking, est empruntée à la publicité, procédé à la base pour les données marchandes,
pas culturelles. Se retrouve donc dans les émissions propres au corps mais aussi dans les
émissions culinaires comme MasterChef : les participants livrent un discours extatique
par rapport à ce qu’a fait la TV dans leur vie, comme quoi leurs vies ne seraient plus
jamais la même.
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MasterChef surfe sur la vague d’un type d’émission popularisée par Un diner
presque parfait et Top Chef. Emissions culinaires proposées comme de la TR et non pas
de la TC. Reprend les éléments de la TR, mais genre plus proche de la TC car plus
acceptable et plus consensuel.
En plus, télé de la télé, on filme le dispositif à l’œuvre : MasterChef se met à table.
Emprunts aux différents modèles de la TR : à la Star Ac puisque on rend des amateurs
célèbres, Koh Lanta (la scène des écrevisses), ou encore Loft Story (un bon cuisiner c’est
celui qui à l’âme d’un cuisinier, qui est un bon chef d’équipe… interprétation permanente
des relations interindividuelles, discours d’experts de par les cuisiniers pro qui
jugent…Construction d’un idéal type !). Emboitement des modes d’écriture + on
s’adresse à un spectateur qui a une culture médiatique, qui connaît/a vu Koh Lanta.
On a trouvé le créneau le plus consensuel de toute la consommation : avec la
cuisine, création d’un écrin publicitaire très efficace, et possibilité d’intéresser un
maximum de spectateurs. Identification possible (pas forcément possible pour la Star Ac
par exemple, ou encore Loft Story, là on peut le faire mais on n’en a pas forcément envie,
logique d’exclusion voire de stigmatisation). Etre cuisinier amateur est un fait partagé
par tous. Sujet le plus concernant qui soit.
Cela permet aussi d’adjoindre un modèle proche du TC puisqu’on donne des
conseils aux participants, et on donne aussi des astuces au spectateur. Promesse de
coaching culinaire, de décryptage psychologique aussi. La TV est encore un moyen
possible d’ascension sociale, morale. A la Star Ac on peut voter, même statut que le jury ;
ici on peut voir le plat, on ne peut le gouter, on ne peut le juger. Donc un des ressorts de
la TR manque, du coup pas d’appels surtaxés pour les votes… Mais extension de
l’émission par d’autres moyens : partenaires, site, magazines, jeu, concours de recettes
avec vote…
Enfin contexte très favorable à la consommation et à la publicité. Jusqu’ici une
assiette filmée, ou un supermarché, c’était de la pub, maintenant c’est au cœur d’un
programme de TV, gage qualité, on repousse encore les limites de la coupure sémiotique
(coupure pub/programme), démarches et tactiques pour gommer cette coupure
naturelle.
On passe son temps à filmer des produits de consommation… !
Société en crise : la valeur « bouffe » (ou cocooning, recentrage sur les choses
essentielles...) est importante. Les dépenses alimentation ne baissent pas.
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 Economie des médias a une incidence très forte sur formes et contenus médiatiques
Angle économique souvent oublié ou mal pris en considération pour trois raisons
principales : quand on travaille sur les médias il est plus facile de travailler sur le
contenu médiatique, matière qui peut même donner lieu à des mémoires, mais pas
étudiés de l’intérieur, seulement en réception. Donc pas accès à infos clés qui permettent
de comprendre le mode de fonctionnement. D’autant que entreprises des médias sont
très secrètes sur leurs dimensions entrepreneuriales. Ne pas oublier aussi que médias se
situent en dehors de la logique économique classique : ca ne coute rien d’allumer la TV,
pas comme le fait d’acheter son pain. Pour nous c’est évident, nous l’avons toujours
connu ainsi. De même redevance payée par le foyer fiscal, on ne le voit pas forcément.
Dimension renforcée par gratuité de certains quotidiens. Au final, pas cher, on n’a même
pas notion du coût de l’information, encore moins du coût de production.
Souvent même noms d’actionnaires. Dans aucun autre pays démocratique,
industriels ne sont pas aussi présents dans les médias. Groupes très puissants en
Europe, mais en France ces groupes sont venus aux médias, mais pas essentiel de
l’activité, pas leur activité de base qui plus est. Bouygues, en 1987 achète TF1, et
s’oppose alors à Lagardère. Bataille du coup de la 5 pour ce dernier.
Pourquoi Bouygues a acheté TF1 ? Nom alors inconnu du grand public, groupe de
BTP essentiellement (+immobilier et distribution eau). Outre question de notoriété,
question de puissance entre en ligne de jeu. Acquérir une place de choix dans le monde
économique et politique (au JT on invite…)
Eau + TV - Réseaux urbains souterrains. Dépendance aux marchés publics +++
Dépendance aux lecteurs et aux annonceurs car à l’origine pas d’actionnaires :
fragilité de la presse française/pas d’autres repreneurs possibles, beaucoup de critiques
mais pas d’autre solution…
Forte présence des industriels = logique de concentration = peut mette à mal
pluralité des médias. Médias à peine rentables voire financés à perte font qu’ils changent
de main très souvent. Ceci dit, tous nourrissent les mêmes intérêts…. Mais aux
arrangements entre grands patrons s’est ajouté des arrangements visibles entre les
grands patrons et le chef de l’état.
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Cf. Historique du groupe Lagardère par exemple : télé et radio, Hachette (premier
éditeur de romans), premier éditeur de presse magazine (200 titres différents avec
toutes les versions d’un média inclus, comme Elle, près de 40 versions, tel Paris Match,
Télé 7 Jours…), les magasins Relais/Relay (premier distributeur au monde), internet
(Doctissimo, News Web tel boursier.com), marketing sportif… sans oublier 20% de
Canal+, (en vente actuellement) proposé si cher que Vivendi ne peut les acheter, mise en
bourse possible + 17% du groupe Le Monde + 25% des éditions Amori (L’Equipe, Le
Parisien, Aujourd’hui en France)
Emission d’un nouveau genre sur M6 : prime time qui va promouvoir l’artisanat français.
Forcément, métiers de la beauté et de la bouche.
A la tête des grands médias français, de grosses fortunes, qui, au final, sont les
seules à pouvoir investir et renflouer des médias, qui même bien gérés, ont besoin d’une
capitalisation permanente (évolutions techniques demandent beaucoup d’argent).
Phénomène de concentration bien connu commenté, mais lecture critique : cela conduit
à scepticisme énorme, « il n’y a pas d’informations libres en France ». Médias soumis à la
pensée libre de leurs propriétaires ? Pensée unique ? Cf. critiques du Monde
Diplomatique. Journalistes peuvent être amenés à moduler le contenu de leurs articles,
en fonction des intérêts économiques de ceux qui les salarient. Argumentaire du PCF, du
néo marxisme : prise de parole idéologique qui nourrit les contres arguments de ceux
qui ne se reconnaissent pas dans ces modes de pensées (aliénation des masses…)
Risques de la participation des industriels français ? Leur but est de faire pression
sur les politiques français… Lorsque Bouygues achète TF1 dans les 90’s. Mécanisme si
connu que cela a donné lieu à la tentative du gouvernement Jospin de mettre en place la
loi Trotman (?). Autre risque : pression sur les journalistes, qui informent de la vie des
entreprises et bien souvent leur patron est le même que celui dont ils sont amenés à
parler. Risques de confusion des genres et de manipulation de l’information. Soumission
à un impératif de rentabilité, réducteur par rapport à la nécessité d’enquêter. Plus de
journalistes de deck que de terrain. Et pourtant on n’a jamais été autant informé et
jamais il n’y a eu autant de contenu médiatique.
Interdiction du pluralisme ? Pluralité inédite de médias sans pour autant respect
du pluralisme.
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Danger d’une critique aussi radicale ! Scepticisme en ressort, pour autant on n’a
pas de solutions alternatives. Culture médiatique en France apprend à jouer de son
image, et surtout elle ne prône pas l’interventionnisme, pas une culture à la Murdock.
Décrédibilisation par les autres médias, du coup aucun intérêt à les manipuler, les filons
sont apparents ! Paradoxalement, on a peut être des médias plus libres lorsqu’ils
appartiennent à des grands patrons, puisqu’ils n’ont pas à démarcher les annonceurs…
et donc à adapter le contenu éditoriale à ces derniers.
Pas de transformations de l’information de toute façon, juste effet de focal. Mésinformation mais pas désinformation. Pas d’interventionnisme directe et des
mécanismes d’influence bien plus compliqués à découvrir aujourd’hui. De même les
journalistes peuvent être inconscients de ces mécanismes dans lesquels ils sont intégrés.
Concentration permet par ailleurs de faire durer des magazines qui ne seraient
pas rentables autrement. Le Figaro maintenait ainsi la tête hors de l’eau de plusieurs
magazines régionaux. Souvent les médias vont chercher eux mêmes les patrons… Pas de
mise à mort de la liberté de la presse, et faits les plus graves ne sont pas actions des
grands patrons dans leurs médias, partie émergée de l’iceberg qui attire tous les regards
(d’autant que Sarko affiche ouvertement des liens d’amitié avec ces grands patrons)… or
les mécanismes d’influence les plus importants se jouent avec la publicité (en tout cas il
sont plus invisibles donc plus intéressants à analyser, pas de gardes fous)
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3. LA QUESTION DES LIENS ENTRE MEDIAS ET PUBLICITE
Impression que la presse écrite est à l’écart des logiques publicitaires puisqu’on
la paye. Illusion que le prix de vente affiché suffit à financer la chaine de production, et
que la pub n’est qu’un bonus financier. Presse écrite est vue en dehors des logiques
économiques médiatiques car antériorité, naissance avant la généralisation de la
publicité, modèle économique construit sans dépendance à la pub, plus sain, pas de
logiques d’audience + subventions + en terme de représentation c’est celui que l’on voit
le plus comme le média de l’information, donc dimension de mission de service public.
Pourtant presse révélatrice de mode de fonctionnements médiatiques généraux.
Revenus publicitaires de la presse française sont de l’ordre de 44% (cf. InfoMédias, enquête annuelle sur les ressources de la presse écrite publié par la DDM). En
2000, plus de 50%. Part qui ne cesse de baisser, voire au mieux stagner. Nous étions
donc avant dans un modèle économique ou l’annonceur comptait plus que le lecteur.
Baisse de la dépendance à la pub ? Non car il faut attirer les annonceurs quoi qu’il
se passe. Et paradoxalement, plus on est financé par la pub, plus on peut refuser les
annonceurs qui voudraient imposer un contenu éditorial par exemple, donc plus on est
libre. Chaque année, la presse perd de l’argent, car la baisse de la pub n’est pas
compensé par les lecteurs.
Mais pourquoi est ce que le chiffre global de la presse écrite reste à peu près
stable malgré baisse de la pub ? Nouvelles stratégies marketing, on a compris que presse
doit se vendre comme un bien culturel, et on a décidé de compenser les pertes par
rapport à la vente en kiosque avec les abonnements et la vente par tiers (Air France,
hôtels… là où on trouve des CSP+, il faut toucher des cibles de consommateur précises,
plus de visibilité pour l’annonceur).
Pub est une source de revenus indispensable, pas seulement annexe. « Sans
publicité les journaux seraient plus simples à lire puisqu’il n’y en aurait pas ».
Comment expliquer cette dépendance de la publicité ? Caractéristique de la
presse moderne : le titre est vendu à un prix non économique, sous tarification par
rapport au cout de production, notamment pour un quotidien. Donc on compense par la
pub… Double marché : vente au détail au consommateur et vente en masse aux
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annonceurs. Double financement : prix de vente ne résulte pas de la corrélation entre
une offre et une demande, mais d’un offre et de deux demandes. Souvent les titres avec
peu de pub ne l’ont pas choisi… En fait c’est l’annonceur qui fait le cadeau au titre de
l’intégrer à sa stratégie média.
Cf. JF Kahn, l’événement du Jeudi : Nouvel Obs, Marianne, L’Express, Le Point,
annonceurs se sont mis d’accord pour ne pas lui offrir de pub, JFK étant anti libéral.
Droit de vie et de mort sur un média… Même si Marianne a marché, doublement du prix
de vente ! Et pourtant continue à gagner des lecteurs… premier bénéfice en 2002 ! Idem
moins de pages de pub dans l’Huma que dans le Figaro… parce que les annonceurs
n’achètent pas dans l’Huma.
Exemple cependant de média qui fonctionne seul et sans publicité : le Canard
Enchainé. Déjà c’est un hebdomadaire : ne pas oublier que pour un titre le papier est une
dépense énorme. Il fait seulement 8 pages… et le papier n’est pas génial. Cout de
fabrication n’est donc pas énorme ! Prix de vente pas donné. Il fait tout repose sur le
lecteur… En plus, il ne couvre pas l’international, essentiel du contenu éditorial sont des
brèves (gros travail de réseau et de réécriture) : récupérer du OFF en marge des
conférences de presse, des rencontres politiques… donné par des journalistes pigistes,
voire même plutôt vendu, donc logique économique, voire intérêts personnels. Scoop
sont achetés ou le résultat d’une investigation. Média de complément, pas d’information
en soi. Se vend très très bien.
Presse française a réputation de se vendre chère : pas assez de pub. Sous
investissement publicitaire chronique, depuis fin de la WW2. US et nations avec culture
de commerce ont très vite intégré l’acte marchant et la communication commerciale,
face à réticences très fortes en France. Idée que marchands qui ont besoin de payer pour
vendre leurs produits : c’est de la camelote. Un bon produit se vend tout seul ! La pub
arrive à la TV en France près de 10 ans après les pays proches européens, donc en 1968,
2 minutes par jour sur une seule chaine. (1947 aux USA). Plus de 2h de pub sur TF1 en
2008. Argument de Pompidou : dans les 60’s les français se sont équipés d’un
téléviseur, et avec redevance sur l’achat, argent est allé dans les caisses de l’état. Tout le
monde est alors équipé et on a peur de stagner… comment faire pour produire des
programmes nouveaux si pas d’argent pour le faire ?
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Idem en presse écrite, on n’accepte mal la pub : cahier publicitaire à part, « le
mur ». Mélanges des genres initié par Jean Provos : fin des années 30, dans Match et
Marie Claire on insère des pages de pub DANS le magazine. Pub pas très esthétique, et
réclames… élixir miracle, sage femmes (faiseuses d’anges)
 Sans publicité la presse moderne n’existerait pas
Jamais eu en France une presse moderne sans revenus publicitaires, ce sont
mêmes les publicitaires qui ont rendu la liberté de la presse possible.
Idée du média de masse, accessible à tous : gros tirage donc, et bonne distribution, donc
réseaux ferrés, routiers… + un prix bas. Or presse coute cher donc pas de bas prix
possible ! Manque à gagner à compenser pour ne pas vendre à perte. Pour se vendre
moins cher : soit un donateur (pouvoir en place dans régime autoritaire par exemple),
soit un parti politique, soit une multiplicité de marchands qui savent que vous êtres
intercesseur avec une visibilité grand public. Les marchands achètent une vitrine.
Intérêts quantitatifs seulement, donc journal a liberté éditoriale cette fois ci, moyen de
se libérer de la dépendance au pouvoir !
* Actualité médiatique
Couverture de Paris Match sur Betancourt, très critiquée. 18 pages de photos, 8
pages d’un article exclusif. Contrat de lecture habituel de PM : people. Pourtant dossier
politique : affaire entre Françoise et Liliane Betancourt, qui devient une affaire d’état,
puisque Liliane reçoit du personnel politique tel que Sarkozy, Woerth… dans ce contexte,
18 pages people sur Liliane appelle une lecture politique. Or PM appartient à Lagardère,
qui a eu des affaires avec Sarkozy… ce dossier devient alors extrêmement grossier dans le
sens où il revient sur les débuts de l’affaire : on veut nous montrer que l’affaire
Woerth/Sarkozy n’est en fait qu’une affaire entre la mère et la fille… on nous montre aussi
que Liliane Betancourt est en grande forme, donc au final l’origine même de l’affaire n’a
pas lieu d’être, et encore moins l’affaire Woerth…
 Les destinataires des médias sont de moins en moins convaincus d’être
correctement informés. Radicalisation du phénomène.
Un journaliste du Figaro, Malbruno (?) a écrit « Le business secret d’Israë au MO »
sur son blog en Juin dernier. Grâce à la veille médiatique opéré au niveau international, le
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
prince d’Abu Dhabi, en négociation pour acheter des Rafales, croit que Dassault lui a planté
un couteau dans le dos en autorisant Malbruno à écrire cet article dans le Figaro qui lui
appartient (pour le cheikh, il est évident que le patron a un contrôle sur ce que font ses
journalistes), et interrompt toute relation commerciale…
Le point : faux témoignage dans dossier sur les Roms. A propos des femmes
polygames en France, sur absence du père et conséquences sur les enfants : le journaliste
ne connaît pas de familles polygames, pas un papier facile à faire, donc on passe par des
intermédiaires dans ces cas là. Il passe par un rapport fait par une femme sur la polygamie.
Elle même le renvoie vers un journaliste, Abdel, qui pourra le mettre en contact avec des
familles polygames. Ce dernier, « fixeur » ( !!! ), en a marre des stéréotypes sur les banlieues
et décide de faire croire au journaliste qu’il est une femme polygame. Le journaliste publie
l’info, sans mauvaise volonté, et Abdel dévoile le tout… Pas de mauvaise volonté du
journaliste certes, mais il publie un dossier sans vérifier ses sources, fait une description
physique de la femme, alors qu’il ne l’a même pas vu…
 Mise en doute des pratiques professionnelles de la profession journalistique.
A mettre en corrélation avec un documentaire : la Cité du Mâle, sur le machisme en
banlieue, qui devait être diffusé sur Arte fin août… déprogrammé jusqu’en Septembre parce
qu’une journaliste « fixeuse » aussi avait été approché par la société de production pour
faciliter les témoignages des soi disant amis de l’homme qui avait brûlé Souad. La fixeuse
est écarté lors du montage, mais elle voit néanmoins le documentaire et est scandalisée : un
des hommes devait être flouté, il ne l’est pas, et seulement quelques témoignages sont
utilisés alors que près d’une 40 d’hommes on été entendus, sans même savoir que le
documentaire portant sur les relations entre les hommes et les femmes + légendage posant
problème (comme « Ryan, fils de polygame »). Cf rôle de Daniel Lecomte.
 Question des inclinaisons politiques se posent à nouveau
Le modèle économique de la presse a beaucoup à voir avec un manque à gagner
originel : c’est elle qui fait appel à des marchands pour qu’ils passent des réclames dans
ses pages. On date souvent la naissance de la presse en France en 1631 avec l’apparition
du journal La Gazette de Renaudot, soumis à la censure de Richelieu. Ce même homme
crée le premier journal de petites annonces. En 1633, la Feuille du Bureau des adresses
voit le jour. D’emblée ces deux activités semblent liées.
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
Emile de Girardin, père de la presse moderne avec Le Presse en 1836,
« indépendant » dans une certaine mesure du pouvoir politique, publie un édito
explicitant qu’il va devenir le modèle économique de la presse moderne, en cassant les
prix, en proposant un abonnement annuel à 40 Francs (au lieu de 80 pour les
concurrents à ce moment là). Il va faire du « dumping » en intégrant de la publicité. Il
l’explique alors aux journalistes mais aussi aux lecteurs. Système qui fonctionne bien 
démocratisation de la presse  plus de médias  plus de pub  plus d’argent  des
salaires pour les journalistes  création de la profession de journaliste (corolaire à
l’apparition de celle de publicitaire, ou courtier d’espace). Au départ ce n’est pas un
métier, on rend juste public son point de vue. Les agences de publicité voient le jour à
proprement parler bien après, au début on parle de « régies ». Démocratisation de la
publicité.
Charles Louis Havas, contemporain de Girardin, crée Havas, dont le métier
originel est de récolter de l’information (devient l’AFP en 1945). Crée en 1832. Pigeons
voyageurs entre Paris et Londres… au début pour des donnés boursières. Les journaux
se développant alors, il se trouve que des journaux de province ne peuvent payer
l’information dont ils ont besoin : Havas s’associe à Duveyrier en 1857, mise en place d’u
système de troc avec les journaux qui ont besoin de l’information, et Havas se fait un
pourcentage sur la vente d’espaces publicitaires…
Marcel Blanchet, fondateur du groupe Publicis, de Radio Cité, est à l’origine
d’innovations importantes dans l’identité du média radio : diffusion d’infos 24/24,
journal à heures précises et jeux radios.
Le terme « publiciste » à l’origine, jusqu’aux années 1840, voulait dire
« journaliste » : c’est celui qui peut rendre public son point de vue. C’est avec l’activité de
Girardin que le démarquage doit s’établir dans le champ commercial.
Les termes annonce et annonceur se rapprochent aujourd’hui d’un rôle
publicitaire et commercial, qui renvoient pourtant à la publication.
La réclame, terme utilisé par les imprimeurs, recouvre un type de typographie
pour les articles de type élogieux, d’où un lien logique, plus tardif, avec le champ
publicitaire.
 Avoir de la publicité ou mourir
Ce n’est pas cette corrélation économique entre publicité et médias qui posent
problème, s’il s’agissait juste d’un mode de financement, mais le risque se situe en fait au
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
niveau du contenu éditorial. Au cours des années, on a vu apparaître un échange des
rôles ; ce n’est plus le lecteur qui est visé comme public mais l’annonceur.
David Shaw a publié aux US un long papier dans lequel il raconte la vie de sa
rédaction. Or il existe selon le modèle américain u mur étanche entre la rédaction et les
services commerciaux. Il révèle ainsi que la rédaction en chef demande des comptes
mensuels à tous les services, à savoir combien chacun rapportait. La valeur de
l’information était donc indexée à sa valeur économique. Ce type de pratiques n’est pas
systématisé en France mais il existe sans aucun doute…
En terme de rubriquage, tous ont développé les pages « société » : on conseille ici
un certain type de pratique de consommation. En creux, on s’adresse au lecteur
explicitement en tant que consommateur, non plus en tant que citoyen. Nouvelle donne
donc, depuis le début des années 90. Tout cela est aussi liée à des évolutions socio
culturelles : on est demandeur de conseils de consommation. Ca devient de l’info service
et non plus du journalisme.
 Publicitarisation des médias
Ils se sont adaptés à la nécessité d’accueillir la publicité, ce sont de vrais écrins
publicitaires. Et en même temps, l’espace acheté par les annonceurs ressemble de moins
en moins aux formes canoniques de la publicité. Cette dernière tente de son côté de
ressembler de plus en plus à l’espace médiatique, pour se faire mieux accepter. La
logique d’hybridation se fait donc à l’intersection de deux dynamiques « caméléons ».
« La publicité est un mal nécessaire » (Blanchet). Elle porte une contraction : les
médias français ne pouvaient se développer sans elle, et pourtant elle a été perçue dès le
départ comme une sorte d’avarie. Dépendance qui énerve et dont il ne faut pas parler.
Parler de la pub, c’est reconnaître qu’on est pas complètement indépendant. Or
l’indépendance est un mythe fondateur du journalisme. Plus qu’un idéal, c’est une
utopie. Pas de définition positive du journalisme : il s’oppose à la publicité. Ce n’est pas
un communiquant marchand.
La publicité est donc le symbole de toutes les avaries contre lesquelles le
journalisme a essayé de se construire. Mise à distance, avec mise à distance
géographique des régies par exemple. Mais mise à tutelle aussi, avec minimisation des
rôles possibles des journalistes et augmentation du pouvoir des régies publicitaires, qui
ont le savoir, la connaissance de la relation au lecteur. Toutes les activités commerciales
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
ont été éloignées : le journaliste n’est donc pas capable de gérer sa rédaction ni de
comprendre les ressorts économiques de son journal  Mise sous tutelle. Aujourd’hui,
ce sont les régies qui conseillent les directeurs de rédaction sur les choix des
éditorialistes, sur le contenu éditorial… parce qu’elles savent ce que veulent le lecteur.
Les journalistes finissent par se convaincre que ces données sont objectives. Cf. la
tendance aux raccourcissement des articles : cette directive est venue des régies.
L’argument « le lecteur est zappeur il faut des articles courts » du journaliste rend en fait
service aux régies : la publicité se voit mieux si le contre texte est court ! Sur un gros
dossier par exemple, bloc de textes + page de pub, le lecteur le sait, il tourne directement
la page de pub, pas de contact. Donc textes courts + pub partout : plus efficace.
Les suppléments : innovation majeure ! En 1995 Scandale quand le Monde publie
un supplément. Aujourd’hui c’est monnaie courante. Cela peut être un prolongement
éditorialiste du média : Madame Figaro, années 80 (mais là on paye le média plus cher)
Intérêt alors que le papier et le transport coute cher ? Pièges à pub. Le supplément de la
presse quotidienne est en fait un moyen pour développer des rubriques qui n’ont pas
leur places dans le quotidien. De plus, pas de qualité matérielle identique à celle d’un
magazine dans le quotidien : le supplément le permet.
Entre 90 et 95, difficultés économiques, mais gros investissements en terme
d’imprimerie et développement de la quadrichromie. Amélioration du confort de
lecture ? Certes mais grosse pression des annonceurs surtout, et on est en période de
baisse notable des investissements publicitaires ! On a donc investi pour satisfaire les
annonceurs.
Autre problème : le sommaire d’un quotidien n’est pas prévisible. Or l’annonceur
veut connaître le contexte : pas de pub Boeing en pleine catastrophe aérienne ! On
comprend
donc
mieux
l’apparition
des
suppléments,
avec
des
sommaires
communicables par avance.
Au niveau des investissements, traditionnellement : services, banques et
assurances. Petites annonces immobilières aussi, mais le marché s’est effondré. Il f ut
faire venir d’autres annonceurs, qui n’ont pas leur place directe dans le quotidien 
encore une fois on comprend utilité du supplément.
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
Importance du visuel, beaucoup de photos et de belles photos. Articles très
courts. Conso +++, conso culturelle notamment. Logique de consommation quoi qu’il en
soit. Donc glissement vers la publicité est plus facile.
Tous les suppléments se ressemblent  ils ont tous le même public. Avec
incitation à la conso culturelle, on a un public de CSP+, qui peut se payer cette culture,
non pas qu’ils en soient les seuls consommateurs.
 Distorsion de la relation au lecteur avec le filtre publicitaire
 Image des médias d’information pour les CSP+, corolaire à celle des médias
gratuits, dans une logique de masse et de démocratisation
Fait que la publicité permet de faire baisser le prix de vente – modèle théorique.
La publicité permet d’augmenter la pagination : on n’occupe pas la place des articles,
mais augmentation de la pagination consécutive. Autre phénomène important : les
articles n’occupent pas les espaces les plus lus et les plus vus. Le client qui choisit les
espaces c’est l’annonceur. Dans un magazine, il y a systématiquement une publicité en
4ème de couv. Habitude, donc on ne se rend pas compte. De même, quand on ouvre un
magazine, la circulation du regard dans une écriture cursive comme la notre fait qu’il se
pose d’abord en haut à droite : l’annonceur se met à l’endroit où l’on regardera en
premier. Ainsi, la page recto se vend plus cher que la page verso. Autrement dit, l’article
est relégué à l’espace de la moins forte visibilité. Dans l’organisation du support page
par page, la rédaction n’a pas la main mise, les articles sont perçus comme des contre
textes.
Exemples de suppléments : « Ski 2010, des montagnes de plaisir », dans l’Express,
vendu début décembre 2009. Pourquoi faire un tel supplément ? Annonceurs : tous les
professionnels du tourisme, la station elle même, la SNCF… Rendre aussi service au
lecteur : profil assez compatible entre le supplément et son public, CSP+ plutôt quadra.
Distribué gratuitement : un supplément ne peut pas couter cher. Le média a du mal à
financer son support prémium, donc pas de sous pour faire un supplément
normalement. Or faire un palmarès des stations de ski, tableau comparatif : gros
investissements, tout tester… En fait on récupère l’information gratuite de
communicants qui veulent faire parler d’eux. Problème ici : on ne peut pas avoir une
source unique. Donc solution : commandité une étude à une école… ici l’ESC Chambéry…
plutôt en peloton du classement des écoles de commerce ! Subventions des régions…
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
donc notes catastrophiques pour les Vosges et le Jura ! Palmarès qui n’a en fait aucune
valeur… En plus, là on nous annonce un contenu éditorial, il y a moins d’infos que sur le
site même de la station !
Le portrait : Libé, 7 à 8… comment interpréter cette généralisation du portrait
dans les médias ? Personnes qui ont intérêt à être médiatisées et ca ne coute rien, si ce
n’est la rémunération du journaliste qui le fait. Célébrité ou anonyme, la personne qui
s’exprime à intérêt à le faire – économique, narcissique, personnel… Source unique
possible ici : pas de risques juridiques majeures, le portrait n’est ni vrai ni faux. Risque
de diffamation ou d’erreur dans un article (histoire du faux polygame dans le Point par
exemple, pas de croisement des sources), ici pas ce problème. Pas de risques donc pour
le journaliste, d’un point de vue physique non plus (pas de mise en péril de la vie…) En
prime, le portrait peut rapporter gros symboliquement. Rappel sur la TR : le lofteur
ressemble à l’acteur de la publicité à côté. Le people est ancré dans la consommation,
c’est différent de la star justement. On sait tout de lui en tant que consommateur : on
peut le catégoriser, mieux le connaître (l’écrivain qui parle de ses rituels beauté dans un
magazine
féminin),
citer
les
marques,
et
gommage
des
ruptures
éditorial/publicitaire/consommateur.
Télérama d’hier : Spécial design « quand la France boude des designers, des
avions et des aéroports plus beaux, la fabuleuse histoire des chaises ». Intro du dossier :
« l’utile et l’agréable » : nouvel typo. Pub sur le design de la maison. Portrait : Constance
Rubini. Photo en face : elle ressemble comme deux gouttes d’eau à la fille de la pub, page
précédente, en face de l’édito. Organisation de la Biennale de St Et. Elle cite des
marques… Du JAMAIS VU dans Télérama… ! Photo de Rubini : même type de visuel que
la pub suivante, Air France (classes affaires, design du siège…)
Nos pratiques médiatiques nous habituent à des formes d’hybridation croissante
qui font qu’il y a des avancées permanentes… avancées qu’il faut interroger, parce que
cela a une incidence même sur la valeur du média. On voit ainsi comment les annonceurs
entrent dans le média a cause de la valeur du média, de l’espace de crédibilité… Ou
comment à force de soutirer la valeur de l’information nous sommes en train la vider de
sa substance. Carrefour : les repères de l’information journaliste sont de plus en plus
brouillés. Pour Télérama : ce grand changement va t-il choquer les lecteurs (public
plutôt fidèle) ? Comment vont ils le prendre ?
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
Toujours resituer le macro dans le micro pour déceler les mécanismes
d’hybridation. Avec Télérama, contamination globale d’une certaine forme médiatique ?
Faire attention à la circulation intermédiatique, le moindre impair peut être
contaminant.
* Les liens entre éditorial et publicité
Ménagement des annonceurs par l’éditorial. A force de coup de censures répétés,
les journalistes ont compris comment faire pour ne pas se faire retirer leur budget…les
annonceurs ont moins de raisons de se plaindre. Changement donc, du côté des
journalistes, dans une sorte d’acceptation du système des annonceurs.
Cf Hélène Rissere, L'audimat à mort , entretiens auprès de journalistes,
d'auditeurs pour savoir comment la publicité pouvait les influer dans leur vie. Elle
raconte à propos des questions de la censure des publicitaires.
Les médias ont le moins en moins le choix.
La publicité "The est job of the world". C'est un pastiche de pub. C'est bien de la
pub car c'est sur le modèle économique de la pub (acheter un espace publicitaire via la
régie) mais c'est un emprunt à une forme publicitaire qui nous amène à nous interroger
sur son réel statut : il n'y a pas de marque, pas de produits. Ici on a un discours politique,
en plus cette fausse pub est en rapport avec l'actualité (le port de Marseille est bloqué
depuis un moment). De plus ce collectif port est un collectif MEDEF, lien entre Les Echos,
le blocage et le MEDEF. On joue avec la forme publicitaire, de plus on essaie de favoriser
le commentaire (une campagne diffusée une seul fois, dans un titre national, parler de
Marseille, il va y avoir beaucoup de réactions, beaucoup de dépêches AFP et Reuters =>
retombées importantes). Cette pub est faite pour provoquer. Juridiquement ils ne sont
pas complètement indéfendable. Quand le MEDEF fait ca il y a une médiation de
journalistes, il fabrique un événement pour s'assurer du commentaire. Et plus il a de
commentaires mieux c'est. Si le MEDEF a des revendications à faire sur les conditions de
travail des grutiers, il va utiliser ces relations presses ou faire une conférence de presse.
Or, là on les laisse pour compte. Il va utiliser la pub directement. Le média n'est plus
qu'un support. Plus besoin de s'embêter avec les journalistes. On instrumentalise le
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
support. Cette publicité se met en rapport avec pleins d'autres pub qui se mettent en
forme de tracts (car elles répudient les journalistes). On revient à la profession de basse
du publiciste.
Sous prétexte de pub on ne vérifie pas l'information. Les Echos prennent une
responsabilité car c'est le média de l'information économique. En plus, les pubs des
Echos sont en général sérieuses.
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Valérie Patrin Leclère
4. LA DEPUBLICITARISATION
Mécanisme de dépublicitarisation de la pub: Elle consiste pour les annonceurs à
essayer de ressembler plus aux formes canoniques de l'article. Au XIXème on appelait ca
le "fait paris payer" publicité qui n'était pas donnée à voir comme telle. Aux théâtres
souvent. Les critiques théâtres pouvaient signer des critiques qui avaient té produites
par le théâtre lui-même.
Idée de la pub caméléon. On ne donne pas l'impression de communiquer.
Démultiplication des marquages distinctifs de la pub. Ici on cherche à enlever le plus
possibles ces marqueurs. Exemple des faux blogs. Marketing viral, Undercover
marketing. Une stratégie est d'autant plus efficace lorsqu'elle cache ses rouages.
Publirédactional, fausses couvertures. On fabrique une fausse pub car elle va être lue
puisqu'elle ne ressemble pas à une pub. Métro joue avec un contrat de lecture. Pub de La
Tribune dans L'Equipe. Cette pub dit la relation entre la pub et la rédaction.
La pub dans sa charte professionnelle s'engage à ce qu'il n'y a pas de pub
déguisées or c'est le cas. Par exemple, lorsque FT a enlevé la pub après 20h, on voit
qu'en fait il y a maintenant du parrainage et du placement de produits. Une pub dans un
champs de neige se voit plus qu'à Las Vegas. C'est peut être mieux après tout de voir une
vrai pub qu'avoir une invisibilité de la pub qui va d'ailleurs s'accompagner d'une
survisibilité. Si on en vient à ce mécanisme d'invisibilité de la pub, c'est parce qu'avant il
y avait un sentiment de publiphobie (trop de logos, pub comme une idéologie). On tolère
la pub au mieux. et donc dans ce contexte, les agences de pub vont trouver de nouveaux
modèles publicitaires. De plus il y a une saturation des espaces publicitaires. Cette
saturation de l'espace de communication publicitaire a fait qu'on est allé chercher
ailleurs pour être plus efficace. Internet est apparue comme un Eldorado comme un
champs expérimental pour tester d'autres phénomènes de pub (brand containt). La pub
va nous donner par exemple du divertissement sur Internet. A partir du moment où les
investissements publicitaires ne sont plus en croissance, il fallait trouver un nouvel
élément de croissance. La communication commerciale ne passe plus par la pub.
Nouvelles formes de dépublicitarisation.
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
Les annonceurs plutôt que de faire pression sur les rédactions, se sont mis à faire
leurs
propres
magasines.
c'est
une
forme
qu'on
pourrait
rebaptiser
le
"publirédactionnel". Création d'un dispositif médiatique à part entière. Consumer
magazines. Nouvelle génération de titres substitutifs de la presse. Ils imitent bien les
magasines de la presse. Ils vont même faire appel aux mêmes éditeurs que la PE (
Lagardère...). Pour que le consumer magasine ressemble encore plus, ils vont jusqu'à
mettre de la pub en leur sein. Démarches très imitatives. Modèle intéressant : le Roi
Merlin, Du coté de chez vous. Avant Maison en vie (en 1989). On le trouve en kiosque.
C'est un des titres les plus vendus de sa catégorie en premier. On est au coeur une
nouvelle fois de l'hybridation. La différence sémiotique entre un magasine qui informe,
et un consumer magasine, est très faible. Ca généralise une confusion des genres. De plus
la concurrence entre les deux va se jouer sur le temps de lecture du lecteur, sur les
annonceurs...
* Actualité médiatique
Edito sur France Inter pendant la chronique économique (sur la retraite) de
Dominique Seux, aussi journaliste aux Echos (cf son blog) : pose la question des chartes
déontologiques et de la suspicion que l’on peut avoir concernant l’intérêt d’un journaliste à
diffuser l’information qu’il nous donne. Discours qui ici abonde dans le sens de la publicité
parodique pour le Medef. Changement de nature des relations avec l’auditeur et le
lectorat : pas de décence, pas de retenue. Pub qui crache sur les grutiers, donc on peut se
retenir d’avoir des propos crus et dénonciateurs, en faveur de l’annonceur qui nous
finance… propos anormalement virulent.
L’hybridation devrait inciter à donner des
marques renforcées de la frontière entre modèle économique et contenu de la production
de l’information, or ici le journaliste admet la connivence renforcée avec la source
communicante, alliée, mais qui se trouve être aussi le financeur du journal.
CF La crise des médias, la tentation de la confusion, un petit suicide entre amis ? :
discours critique sur l’évolution de la communication et analyses des différentes crises qui
résultent des transformations de la communication.
En dévalorisant symboliquement le média, on le dévalorise économiquement, contre
sens stratégique alors qu’on veut obtenir mieux pour moins cher.
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
BD de Denis Robert ?
Ils ont comme pendant ce que l’on appelle le « programming » en TV : Du côté de
chez vous. Existe depuis plus de dix ans, pas de la publicité puisque pas d’achat d’espace
publicitaire par l’annonceur. Intérêt ? Grands moments d’audience, au moment du JT,
permet de faire une pause entre deux pubs. Saturation de l’espace publicitaire, plus
d’efficacité quand on sait à quelle heure la pub commence et à quelle heure elle se
termine. Le diffuseur et l’annonceur ont tout intérêt à faire varier les plaisirs, spectacle.
Le programming propose un format divertissant et informatif, permet aux annonceurs
d’être présent en prime time (grandes enseignes n’avaient pas le droit de le faire,
comme la presse, jusqu’en 2007, concurrence déloyale vu le prix des espaces
publicitaires). Leroy Merlin : produits industrialisés, uniformes, de moyenne gamme. Or
avec leur programming ils se construisent l’image d’une marque qui permet d’avoir une
maison unique et surtout de rêve. Financement ? Avec ce que l’on appelle le partenariat
de production : la marque paye pour un programme sur lequel elle n’a aucun droit de
regard et peut juste apposer son non (billboard). Normalement, une chaine accepte
d’une boite de production une idée de mini programme, mais à condition que la chaine
propose aussi un sponsor ; le sponsor n’arrive pas tout de suite. Revenus
supplémentaires pour la chaine, avec un contournement des lois de financements,
d’autant que ces revenus ne sont pas anodins : on est théoriquement plus dans de la
publicité. Cela permet à la chaine de satisfaire son quota de production exclusif, puisque
les
chaines
ont
l’obligation
de
produire
de
tels
programmes.
Premier programming diffusé par TF1 dès 1992, parrainé par Danone : Du côté des
enfants. Les annonceurs sont à la recherche de nouvelles méthodes d’immersion dans
les programmes. Leroy Merlin a eu alors l’idée de créer une programme long, diffusé par
France 5, Questions Maison. Une des plus grosses réussites d’audience de France 5.
Partenariat de production, or LM n’apparaît pas. Intérêt ? Politique de leader sur un
marché : du moment que vous êtres assez incitatif, on peut être sur que les clients
entreront dans votre enseigne.
On fait de la communication sans en avoir l’air, mais une fois les rouages
découverts, il faut de nouveau innover. Politique de la terre brûlée ? La publicité ne doit
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
pas être masquée : exemple du clip Water Boy avec Evian. Même chanson que dans les
pubs, mais aucune référence à Evian ! Une des meilleurs ventes de singles de l’année !
Toutes ces stratégies sont à mettre en rapport avec les évolutions de fond du
marketing : undercover marketing, voire no marketing. Aboutissement avéré des
logiques du non masquage. Stratégies donc qui consistent à diffuser des messages en
faveur d’une marque sans jamais montrer que ce message émane de la marque. La
communication n’apparaît plus comme telle. Le buzz marketing est aussi une des
méthodes choisies : application en terme de communication numérique qui consiste à
utiliser le bloggeur ou l’internaute, consentant, comme média. Le mieux est même de
faire de l’internaute un fan de la marque, il fait lui même la promotion de la marque.
Concernant les croisements entre marketing et divertissement : apogée de
l’advertainment, la publicité divertissante, en ce sens qu’elle deevient un loisir, mais
aussi qu’elle détourne de la visée originelle marchande. Cf aussi les chaines de marque
(Coca Cola TV) ou les web series (Les Colocs, Kaïra shopping).
Placement de produits aussi dans les films : James Bond et l’Aston Martin déjà
dans les années 60. Gap dans Minority Report, collectivités locales dans les films français
(passage un peu long sur la belle architecture de telle ville dans le film…) Films crées par
les entreprises : Audi a même sorti un film en salle (l’Immortel). Clips : Lady Gaga et
Circus avec Bulgari. BD d’entreprise, jeux vidéos… même la table de brasserie parisienne
est devenue un média de communication publicitaire, le ticket de parking souterrain…
voire aussi ce que l’on appelle les médias permanents : carnets ou stylos d’entreprises,
magasins (tout l’univers est pensé : odeur, son…)  les médias tactiques.
CONCLUSION
Quand on a parlé de média tactique, de stratégie d’hyper publicitarisation, il faut
s’interroger sur la vision réductrice d’un média, au sens d’entreprise de média. Cela
masque mal une instrumentalisation du média par les marques. Cf P.Le Lay. On peut
aussi s’interroger sur la propension actuelle à tout transformer en média de
publicitarisation, ou encore sur la logique de substitution : la marque prétend faire
plaisir qui à oublier son univers de marque et ses produits, incohérences. On ne sait plus
qui s’exprime dans cette espace d’hyper circulation saturé où on ne sait plus qui
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Approche socio historique des systèmes médiatiques
Valérie Patrin Leclère
représente quoi. Rien n’est explicitement monnayé mais tout donne l’impression d’être
vendu. Paradoxalement, ce n’est pas en masquant les logiques marchandes qu’on
démarchandise la communication.
 Laurent Habib, la communication transformative
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