1 Résolution pour un «petit» nombre de points 2 Le cas général

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©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2016-2017
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CORRIGÉ du DM n°2 pour le lundi 03/10/2016
Cercles et quadrillages
Introduction
Ce texte est inspiré d’un exercice posé par Roger Mansuy à ses élèves.
Nous disposons d’un cahier avec un quadrillage. On se demande si l’on peut tracer un cercle passant par
au moins n sommets du quadrillage, où n est un entier arbitrairement grand. On munit le plan d’un repère
orthonormé direct ayant pour origine le point O, on modélise ainsi le quadrillage comme l’ensemble des points
du plan à coordonnées entières.
Un point à coordonnées entières a une affixe z de la forme z = a + ib avec a et b des entiers. On dit que c’est
un entier de Gauss. On note Z[i] = {a + ib | a, b ∈ Z} l’ensemble des entiers de Gauss.
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Résolution pour un «petit» nombre de points
1. Démontrer que lorsque n ∈ {2, 3, 4}, il est possible de contruire un cercle passant par exactement n points
du quadrillage.
Pour n = 2, il suffit de choisir deux points A et B du quadrillage et de prendre un point Ω sur la médiatrice
de [AB]. Les points A et B étant équidistants de Ω, le cercle de centre Ω passant par A passe aussi par B.
Pour n = 3, il suffit de choisir trois points du quadrillage, et de tracer le cercle circonscrit au triangle
formé par ces 3 points.
Pour n = 4, il suffit de considérer un carré formé par quatre points du quadrillage (ce qui est possible,
par exemple les points de coordonnées (0, 1); (1, 0); (0, −1); (−1, 0) qui sont équidistants de O) et de tracer
son cercle circonscrit.
Pour n = 5, on pourrait se dire, qu’il suffit de tracer un pentagone régulier et de considérer son cercle
circonscrit. Mais comment tracer un pentagone régulier dont les sommets sont sur le quadrillage ? C’est
en fait impossible ! Nous le prouverons dans la dernière section. On peut démontrer que le seul polygone
régulier du plan dont les sommets sont à coordonnées entières est le carré (on pourra consulter l’article
[www]). Il faut donc trouver une autre piste.
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Le cas général
Nous allons traiter le cas général avec n ∈ N∗ .
Nous allons utiliser les nombres complexes avec profit. Un point à coordonnées entières a une affixe z de la
forme z = x + iy avec x et y dans Z. On dit que c’est un entier de Gauss. On note Z[i] = {a + ib | a, b ∈ Z}
l’ensemble des entiers de Gauss. On remarque alors que le produit de deux entiers de Gauss est encore un entier
de Gauss, puisque si z = a + ib et z ′ = c + id sont dans Z[i], alors zz ′ est dans Z[i] puisque
(a + ib)(c + id) = (ac − bd) + i(ad + bc).
On a donc trouver un moyen de fabriquer de nouveaux points du quadrillage : les points d’affixe z, z 2 , z 3 , . . . , z n
sont sur le quadrillage. Mais sont-ils sur un même cercle ? L’opération «multiplier par un nombre complexe z»
revient à effectuer une rotation de centre O et d’angle arg z puis une homothétie de rapport |z|. Nos points
tournent donc autour de O mais n’en sont pas à la même distance. On peut «ajuster» cette distance en considérant les nombres complexes z|z|n−1 , z 2 |z|n−2 , . . . , z n |z|n−n . Ces nombres complexes ont tous le même module
qui vaut |z|n , et sont donc l’affixe de points qui sont tous sur le cercle de centre O et de rayon |z|. C’est gagné ?
Pas tout à fait, est-ce que nos nouveaux points points sont bien sur le quadrillage ? C’est à dire est-ce-que par
exemple z|z|n−1 est encore un entier de Gauss ? Et bien si |z| est un entier la réponse est oui. Nous devons donc
trouver un entier de Gauss dont le module est un entier ... Cela revient à trouver un triangle rectangle dont les
trois longueurs sont des entiers. Grâce au fameux 32 + 42 = 52 et à Pythagore, le nombre complexe z = 3 + 4i
convient avec |z| = 5.
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©Arnaud de Saint Julien - MPSI Lycée La Merci 2016-2017
Résumons la preuve : pour k ∈ {1, . . . , n}, on pose zk = (3 + 4i)k 5n−k . On a zk ∈ Z[i] et |zk | = 5n . Les
points M1 , . . . , Mn d’affixe z1 , . . . , zn sont donc des points du quadrillage sur le cercle de centre O et de rayon
5n . Et bien ce n’est pas tout à fait terminé... Il faut s’assurer que les points M1 , . . . , Mn sont bien deux à deux
distincts, pour avoir exactement n points. Supposons qu’il existe k et k ′ dans {1, . . . , n} avec k > k ′ tel que
zk = zk′ . Alors on aurait
′
′
(3 + 4i)k−k = 5k−k et k − k ′ ∈ N∗ .
′
En particulier le nombre complexe (3 + 4i)k−k serait un entier de Gauss dont la partie réelle serait divisible par
5. Ceci n’est pas possible car pour tout entier p ∈ N∗ , la partie réelle de (3 + 4i)p est congrue à 3 modulo 10.
En effet, notons xp et yp les parties réelles et imaginaires de (3 + 4i)p et montrons par récurrence que «xp = 3
mod 10 et yp = 4 mod 10». C’est vrai pour p = 1. Supposons maintenant la propriété vraie au rang p. On a
(3 + 4i)p+1 = (3 + 4i)(3 + 4i)p = (3 + 4i)(xp + iyp ) = (3xp − 4yp ) +i (4xp + 3yp ) .
|
{z
} |
{z
}
xp+1
yp+1
Ainsi xp+1 = 3 × 3 − 4 × 4 mod 10 = −7 mod 10 = 3 mod 10 et yp+1 = 4 × 3 + 3 × 4 mod 10 = 24
mod 10 = 4 mod 10. D’où l’hérédité, ce qui achève la preuve. Cette fois-ci c’est gagné !
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Une tentative infructueuse pour n = 5
9. Soient z et z ′ dans Q(i) avec z ′ non nul. On écrit z = a + ib et z ′ = c + id avec a, b, c, d des rationnels. On
a
a + ib
c + id
=
=
=
(a + ib)(c − id)
c2 + d2
(ac + bd) + i(bc − ad)
c2 + d2
bc − ad
ac + bd
+i 2
2
2
c +d
c + d2
Comme a, b, c, d sont des rationnels et qu’une somme et un produit de rationnels est encore un rationnel,
bc−ad
z
les nombres ac+bd
c2 +d2 et c2 +d2 sont des rationnels, ce qui montre que z ′ ∈ Q(i).
2iπ
10. Si e 5 peut s’écrire comme le quotient de deux éléments de Q(i), alors d’après la question
précédente,
√
2iπ
2π
−1+ 5
∈
Q.
Mais
d’après
la
section
1,
cos
=
,
on
aurait
donc
on aurait e 5 ∈ Q(i) et donc cos 2π
5
5
4
√
√
−1+ 5
5 ∈ Q puis
q =
4 √ rationnel ce qui est faux. En effet, si c’était le cas, on aurait 4q = −1 +
4q + 1 = 5 ∈ Q, ce qui est faux.
On raisonne par l’absurde et l’on suppose qu’il existe un pentagone régulier A1 . . . A5 de centre Ω dont les
sommets ont des coordonnées entières.
11. L’idée est que le point A2 est l’image du point A1 par une rotation de centre Ω et d’angle ± 2π
5 . Quitte à
rebaptiser les sommets, on peut supposer que l’angle est + 2π
.
Il
suffit
alors
de
traduire
avec
les
affixes, et
5
on a :
i2π
z2 − ω = e 5 (z1 − ω).
12. Le centre Ω est l’isobarycentre des points A1 , . . . , A5 . Son affixe ω est donc la moyenne des affixes des
sommets :
z1 + · · · + z5
.
ω=
5
Comme z1 , . . . , z5 sont dans Q(i), leur somme l’est aussi et en divisant par 5, aussi. Ceci prouve que
ω ∈ Q(i).
13. On a
z2 −ω
z1 −ω
=e
Mais alors e
i2π
5
i2π
5
. Or z1 , z2 , ω sont dans Q(i), donc z2 − ω et z1 − ω aussi et donc leur quotient aussi.
∈ Q(i), contradiction. Il n’existe donc pas de pentagone régulier à coordonnées entières.
Pour la culture : on peut démontrer que le carré est le seul polygône régulier du plan dont les sommets sont
à coordonnées entières.
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