COURS 10 Version du 11 octobre 2016. 2.6. Localisation. Soit S un

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COURS 10
Version du 11 octobre 2016.
2.6. Localisation. Soit S un ensemble multiplicativement stable qui
contient 1. (C’est juste pour la commodité que l’on demande que 1 P S.)
Soit A un anneau intègre. On peut inverser les éléments de S. On le fait
comme on définit les rationnels formellement commes des paires d’entiers, avec une relation d’équivalence. C’est-à-dire que l’on considère
les paires dans A ˆ S, et on met pa, sq „ pb, tq ssi at “ sb, pour s et t
dans S. On définit a{s comme notation pour la classe d’équivalence de
pa, sq. On définit addition et multiplication exactement comme pour les
fractions. (Je serai un peu plus précis dans un instant.) Il faut vérifier
que le résultat est bien-défini (à équivalence près). L’anneau qui en
résulte est appelé S ´1 A.
Comme cela, par exemple, on peut inverser x dans krxs, et produire l’anneau de polynômes de Laurent, krx, x´1 s. Formellement, x
est représenté par px, 1q, tandis que x´1 est représenté par p1, xq (ou
px, x2 q, etc.). On peut inverser les puissances de 6 dans Z ; il en résulte
les nombres rationels ayant seulement des puissances de 2 et 3 dans le
dénominateur. Il est à souligner que l’on n’a pas besoin d’avoir dans la
tête un anneau dans lequel l’inversement aurait du sens – le processus
produit lui-même l’anneau avec les éléments inversés, que l’on appelle
un anneau localisé.
On veut être un peu plus général, en se permettant d’inverser des
éléments qui sont des diviseurs de zéro. Encore, on demande que S soit
multiplicativement clos et que S contient 1.
On définit une relation d’équivalence sur AˆS en disant que pa, sq „
pb, tq ssi il existe u P S avec pat ´ sbqu “ 0. Il faut vérifier qu’il s’agit
bien d’une relation d’équivalence. La chose qui n’est pas évidente, c’est
que la relation soit transitive, c’est-à-dire que si pa, sq „ pb, tq et pb, tq „
pc, uq, alors pa, sq „ pc, uq. Du fait que pa, sq „ pb, tq, on sait qu’il existe
un p P S tel que ppat ´ bsq “ 0. De la même manière, il existe r P S tel
que rpbu ´ ctq “ 0. Or
0 “ urppat ´ bsq ` sprpbu ´ ctq “ urpat ´ sprct “ rptpau ´ csq,
et du fait que S est multiplicativement stable, on obtient que rpt P S,
ce qui implique que pa, sq „ pc, uq.
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On fait exactement les définitions normales :
pa, sq ¨ pb, tq “ pab, stq
pa, sq ` pb, tq “ pat ` sb, stq
Il faut vérifier que ces opérations sont bien-définies. Par exemple,
supposons que pa1 , s1 q „ pa, sq. On veut vérifier que pa, sq ` pb, tq „
pa1 , s1 q ` pb, tq et pa, sqpb, tq „ pa1 , s1 qpb, tq. (Il suffit de démontrer que
changer un de pa, sq et pb, tq à la fois, ne change pas le résultat.)
Supposons que u P S témoigne que pa1 , s1 q „ pa, sq (c’est-à-dire que,
upa1 s ´ s1 aq “ 0. Alors pa1 , s1 qpb, tq “ pa1 b, s1 tq, tandis que pa, sqpb, tq “
pab, stq. Pour vérifier qu’ils sont égaux, il faut faire les !produits en
croix" : pa1 bst ´ abs1 tq et se demander s’il y a un élément de S qui
l’annule. Évidemment, u l’annule.
Il y a un morphisme de A vers S ´1 A, qui envoie a sur pa{1q. Soulignons que ce morphisme n’est pas forcément injectif !
Par exemple, qu’est-ce qui se passe si on commence avec A “ Z{x6y
et on met S “ t1, 3u. Alors 3 témoigne que
p2, 1q „ p4, 1q „ p0, 1q „ p2, 3q „ p4, 3q „ p0, 3q,
tandis que et
p3, 1q „ p5, 1q „ p1, 1q „ p3, 3q „ p5, 3q „ p1, 3q.
Le résultat est donc isomorphe à Z{x2y.
Exemples : Si A a un idéal premier P , l’ensemble AzP est multiplicativement stable. (C’est une reformulation du fait même que P est
premier). On écrit AP pour la localisation aux éléments de AzP .
Si f est un élément de A, on écrit Af pour la localisation par S “
t1, f, f 2 , . . .u.
Soulignons que ces deux notations, tous les deux standardes, ne s’accordent pas tellement : dans le premier cas, on inverse les éléments qui
ne sont pas dans P , tandis que dans le deuxième, on inverse f (et ses
puissances).
Proposition 2.6.1. Soit i : A Ñ S ´1 le morphisme correspondant à
une localisation de A. Soit f un morphisme de A vers un anneau B,
tel que tous les éléments de S sont envoyés sur des éléments inversibles
de B. Alors il existe un morphisme unique f˜ de S ´1 A vers B tel que
f “ f˜i.
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On veut compléter le diagramme :
f
A
i
S ´1 A
B
f˜
Démonstration. Unicité. f˜pa{1q doit être égal à f paq. Ensuite, le fait
que s est inversible dans S ´1 , nous dit que sp1{sq “ 1, ce qui doit
aussi être vrai après appliquer f˜. Ceci nous dit comment définir f˜p1{sq.
Ensuite f˜pa{sq doit être égal à f paq{f psq.
Existence. Définissez f˜ par f pa{sq “ f paqf psq´1 . Il faut vérifier que
c’est bien-défini, mais le fait que le diagramme commute est évident.
On peut également localiser un module. Encore, on commence avec S
multiplicativement stable dans A. On définit une relation d’équivalence
sur les éléments de M ˆ S, disant que pm, sq „ pn, tq si et seulement
si il existe u P S tel que upmt ´ nsq “ 0. On écrit m{s pour la classe
d’équivalence de pm, sq, et on note par S ´1 M l’ensemble des classes
d’équivalence. On constate que S ´1 M admet une structure de S ´1 Amodule, avec les opérations évidentes.
Un morphisme φ de modules de M vers N induit un morphisme
φ̃ de S ´1 M vers S ´1 N . On le définit par φ̃pm{sq “ φpmq{s. Il faut
vérifier que ce soit bien-défini et que ce soit un morphisme de modules.
(Exercice.)
Proposition 2.6.2. Localisation est exacte, c’est-à-dire que, si j’ai une
suite de A-modules :
f
L
M
g
N
qui est exacte à M , alors
S
´1
f˜
L
S ´1 M
g̃
S ´1 N
le sera à S ´1 M .
Démonstration. Du fait que le morphisme composé de L vers N est
zéro, il s’ensuit que le morphisme de S ´1 L vers S ´1 N est zéro.
Maintenant, supposons que nous avons x{s P noypg̃q, c’est-à-dire que
g̃px{sq „ p0, tq pour (n’importe quel) t P S. Remarquons que g̃px{sq “
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gpxq{s, donc cela veut dire exactement qu’il existe u P S tel que ugpxq “
0.
Donc, gpuxq “ 0. Par l’exactitude, il existe y P L tel que f pyq “ ux.
Maintenant f˜py{uq “ ux{u “ x{1, et f˜py{suq “ x{s, donc x{s est dans
l’image de f˜, tel que voulu.
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