Peut-on piloter la pérennité organisationnelle d`une filière sans

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Mignon S. (coord), 2013, Pilotage de la pérennité organisationnelle : Normes, représentations et contrôle, ed. EMS.
LAGARDE V., MACOMBE C., PEUT-ON PILOTER LA
PERENNITE ORGANISATIONNELLE D’UNE FILIERE SANS
INDICATEURS FORMELS ?
in Mignon S. (coord.), Pilotage de la pérennité
organisationnelle : Normes, représentations et contrôle, ed.
EMS, 230p, p189-210, ISBN13 : 978-2-84769-485-7
Résume chapitre
Parfois, les petites entreprises pilotent avec succès leur pérennité sans mettre en place
des systèmes de contrôle formalisés, ni en interne, ni en externe. La pérennité de
l’entreprise passe par celle de la filière dans laquelle elle s’insère. Dans les cas que nous
exposons ici, les acteurs de la filière respectent les normes usuelles (par exemple
sanitaires) à leur profession, et peuvent même créer des normes (par exemple un label
signe de qualité) ou s’y soumettre pour communiquer vers l’extérieur. Mais la pérennité
organisationnelle de chacun se prépare à long terme et s’organise au jour le jour grâce aux
injonctions d’un acteur proactif, qui peut se situer à n’importe quel stade de la filière, en
amont du consommateur. Nous avons constaté que le système de pilotage de la pérennité
fonctionne correctement à la condition que l’acteur proactif soit situé au même stade de
la filière que celui où s’élabore l’avantage concurrentiel principal (perçu par le
consommateur). Quand cet avantage concurrentiel est positionné à un autre maillon de la
filière que celui de l’acteur proactif, la filière ne semble pas pérenne. Soit elle n’arrive pas
à prendre forme, soit elle végète tandis que sa durée de vie est au mieux de quelques
années.
Plan du chapitre
1. Les conditions de pérennité d’une filière agricole
2. Le rôle des acteurs pivots dans le processus de pérennisation
3. Une mise en perspective empirique
3.1. Des micro-filières alimentaires du secteur laitier
3.2. Résultats : les stratégies pérennes
3.3. Analyse des résultats : les règles d’organisation concourant à la pérennité
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Mignon S. (coord), 2013, Pilotage de la pérennité organisationnelle : Normes, représentations et contrôle, ed. EMS.
Sophie MIGNON (dir.) : PRESENTATION de l’OUVRAGE
SOMMAIRE
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Préface
o La pérennité organisationnelle : un enjeu essentiel
A la recherche d'un équilibre entre créativité, adaptabilité et conformité
o Les normes de systèmes de management dans l'organisation : un levier immatériel de
pérennité ?
o Aux sources de la pérennité des organisations du spectacle vivant : le budget ?
o Mimétisme et pérennité : le cas de la LOLF
Une nécessaire congruence entre interaction, formalisation et structuration
o La réduction de l'équivocité organisationnelle comme facteur de pérennité ?
o L'hybridation du système de gestion du dirigeant dans la PME pérenne
o Contrôle de gestion et pérennité organisationnelle : Les apports du Balanced Scorecard comme
levier de contrôle interactif
Conclusion
o Peut-on piloter la pérennité organisationnelle d'une filière sans indicateurs formels ?
L'ambition de cet ouvrage est d'éclairer le lecteur sur les multiples facettes du pilotage permettant à une
organisation de perdurer. La pérennité organisationnelle est préservée lorsqu'une entreprise a su, au cours de son
histoire, initier ou faire face à des bouleversements - d'origine interne ou externe - et préserver l'essentiel de son
identité. L'équilibre entre changement et continuité apparaît ainsi au coeur de processus de pérennité.
L'hypothèse centrale de l'ouvrage est que le système de représentation d'une organisation doit se trouver en
adéquation avec l'objectif de pérennité. En choisissant d'éclairer un aspect spécifique du système de
représentation de l'entreprise à travers les outils de gestion, nous montrons comment le pilotage par ces outils
s'articule au processus constitutif de la pérennité.
Ces outils de gestion - procédures de certification, systèmes d'information comptable, systèmes de codification
des connaissances, budgets, tableaux de bord - déployés dans des organisations diversifiées - PME vs. GE,
entreprises privées vs. publiques - conduisent à une légitimation externe et produisent en interne un langage
commun, une structuration dans laquelle s'enracinent des processus d'apprentissage, de changement, de créativité
et d'innovations, sources de pérennité des organisations concernées.
Ce livre s'adresse aux enseignants-chercheurs, aux étudiants en management/gestion et à tous ceux - dirigeants,
consultants, responsables publics - qui s'intéressent à la problématique du maintien des organisations dans le
temps et, a contrario, aux conséquences sociales, économiques, territoriales de leur disparition.
PRESENTATION des CHAPITRES : un apport théorique et managérial
Le fil conducteur des articles de cet ouvrage s’est construit autour d’une question commune : quel est l’impact de
la formalisation/ structuration organisationnelle sur les capacités d’adaptation et d’innovation nécessaires au
maintien d’une organisation dans la durée ?
Figure 2 : Pilotage et Pérennité : une relation récursive
Nous souhaitons mettre en évidence que les processus organisationnels de formalisation et de structuration tels
que la certification, les systèmes de contrôle de gestion, les systèmes d’informations comptables ou la
codification des processus permettent une légitimation externe, mais aussi une structuration en interne, laquelle
in fine favorise l’adaptation, l’innovation, la créativité, voire une résilience source de pérennité.
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Mignon S. (coord), 2013, Pilotage de la pérennité organisationnelle : Normes, représentations et contrôle, ed. EMS.
La difficulté est de trouver le bon dosage. La bonne dose de structuration permet d’une part de s’assurer que
l’organisation réponde aux attentes externes. D’autre part, cette structuration est source d’une stabilisation
organisationnelle, laquelle, paradoxalement, n’est pas incompatible avec les dynamiques sources de pérennité.
Anne Maurand-Valet (chapitre 1) s’interroge sur le rôle des normes de systèmes de management (NSM)
comme levier immatériel de pérennité. Les questions posées sont les suivantes : peut-on standardiser/normaliser
les systèmes de management ? Une marge de manoeuvre, un slack, une dose d’informel sont-ils nécessaires à la
créativité, à la différenciation compétitive ? Sans norme, cela marcherait-il aussi bien ? Doit-on tout normaliser ?
En même temps, historiquement, les normes techniques se sont avérées indispensables. Les normes des systèmes
de management sont, en externe, un facteur de légitimation sociale, et en interne, un vecteur de cohésion, de
visibilité, d’une dynamique source d’adaptation et d’innovation.
Pascale Amans, Agnès Mazars-Chapelon et Fabienne Villesèque-Dubus (chapitre 2) montrent que les
budgets, à l’instar du processus de certification mis en évidence par Anne Maurand-Valet, donnent un signal
externe (isomorphisme/environnement) et répondent ainsi aux attentes de l’environnement (signal de qualité
pour la certification, signal de gestion rigoureuse et de légitimité pour les budgets). En effet, le budget constitue
le moyen pour ces théâtres de gagner les ressources nécessaires à leur survie (rôle symbolique, voire cérémoniel,
de l’outil). En ce sens, il constitue un ressort externe de la pérennité des organisations (outil de communication
avec les parties prenantes). En interne, le budget est également source de structuration (à l’instar du processus de
certification) et constitue un garde-fou suffisamment souple (possibilités de révision budgétaire) pour ne pas
brider la créativité. Le budget constitue ainsi un outil rationalisateur qui encadre la créativité. Il s’avère être un
instrument de pilotage et dépasse donc le simple rôle cérémoniel en vue d’obtention de fonds publics. Au-delà
d’une rigidité apparente, le budget offre une liberté. En ce sens, le budget constitue un ressort interne de
pérennité organisationnelle. Enfin, il constitue également le fil d’Ariane permettant, en quelque sorte, d’établir
un pont entre le caractère éphémère des créations artistiques et la recherche d’une continuité/pérennité de
l’organisation.
Ariel Eggrickx interroge (chapitre 3) le lien entre les outils de contrôle (à travers la LOLF) et la pérennité des
organisations publiques. La question posée est la suivante : les outils de contrôle transposés du « privé » au «
public » permettent-ils de renforcer la cohérence et la cohésion de ces institutions, ou est-ce qu’au contraire le
mimétisme des systèmes de contrôle (du « privé » au « public ») conduit-il à des restructurations remettant en
cause l’essence même de ces organisations ? L’auteur interroge ainsi le lien entre système de contrôle, identité,
et pérennité des organisations publiques et montre que, si en théorie la LOLF aurait dû contribuer à un débat
d’idées, une meilleure coordination, une cohérence et une transparence des stratégies mises en œuvre, il n’en est
rien en pratique. En effet, un mimétisme privé/public s’est opéré entre deux types organisations non-isomorphes,
ce qui crée des faux-semblants peu propices à préserver dans le temps l’identité, les valeurs essentielles qui sont
pourtant le fil conducteur de la pérennité d’une organisation. Alors que le pilotage d’une organisation pérenne
s’appuie sur une simplicité, une communicabilité des indicateurs, la LOLF, par sa complexité et son
incommunicabilité, participe à une pseudo-représentation de la performance.
En partant d’une étude de cas emblématique de pérennité : le cas d’IBM Montpellier, une entreprise ayant su
perdurer dans un contexte de concurrence et de délocalisation particulièrement lourd, Céline Averseng (chapitre
4) s’interroge sur les dispositifs de management ayant abouti à cette longévité exceptionnelle. Cette organisation
s’est engagée dans une démarche originale de management des processus, laquelle semble permettre aux acteurs
: a) de piloter leur activité, b) de transmettre des connaissances sur les activités en question, c) surtout de
concilier les contraintes internes (en termes de fonctionnement, de performance) et externes (référentiels,
normes) de l’organisation. L’auteur questionne comment une démarche particulièrement formelle, standardisée,
voire « rigide » de prime abord… donne à l’organisation une grande flexibilité… source de maintien sur la
durée. L’auteur montre que la codification et la restructuration des processus apportent le cadre dans lequel vont
se nouer les interactions porteuses de sens. Or la création de sens est au coeur du paradoxe de la pérennité, car
elle s’appuie comme elle sur une articulation entre la structure porteuse de stabilisation et l’émergence de
configurations innovantes.
Philippe Chapellier et Yves Dupuy montrent, dans le chapitre 5, que la tension inhérente à la pérennité, entre
stabilité et adaptabilité, se retrouve dans les PME sous la forme d’hybridation du système de gestion du
dirigeant, que ce soit au niveau du SIC ou du système de décision accompagné par l’expert. En adéquation avec
l’hypothèse du livre selon laquelle la pérennité tient aux connaissances de ses dirigeants, il est illustré ici
comment ces connaissances peuvent provenir de l’information comptable. D’une part, la simplicité mais aussi la
richesse du système d’information comptable (SIC) du dirigeant de PME/TPE constituent un support pour saisir
les signaux importants utiles au maintien d’une organisation et contribuent à une plus grande réactivité. D’autre
part, le choix et l’utilisation des outils adaptés nécessitent une hybridation avec des compétences externes
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souvent apportées par l’expert-comptable. Ce dernier est au coeur de l’hybridation du système de décision car il
contribue au processus d’appropriation par le dirigeant de l’information comptable. Une fois décodées puis
intériorisées, ces connaissances peuvent devenir actionnables pour le pilotage de l’entreprise.
La réflexion de Gérald Naro et Denis Travaillé (chapitre 6) porte sur la contribution du BSC (Balanced
Scorecard) à la capacité d’une firme à gérer la tension paradoxale entre changement et continuité, exploration et
exploitation conduisant à sa pérennité. Le BSC est envisagé comme un levier de contrôle interactif favorisant
l’apprentissage en double boucle sur des activités d’exploration. Les auteurs montrent aussi que sa mise en place
suscite un dialogue, un débat propice à l’émergence d’une représentation collective et partagée d’une stratégie.
Pour capitaliser en même temps sur des compétences existantes, il convient d’utiliser en parallèle d’autres
dispositifs de contrôle (budgets, reporting, tableaux de bord opérationnels…) affectés au contrôle diagnostique,
qui seraient plus à même de piloter les activités d’exploitation. Cette capacité à combiner de manière
complémentaire les deux systèmes interactifs et diagnostiques constitue, selon les auteurs, une capacité
dynamique source de pérennité.
Vincent LAGARDE et Catherine MACOMBE s’interrogent en conclusion sur la pérennité non d’une seule
organisation mais d’une filière et poussent à l’extrême l’idée selon laquelle on peut promouvoir la pérennité sans
pilotage formel. Il est mis en évidence que la filière se pérennise sans que l’acteur proactif ne recoure à un
système de contrôle formalisé des partenaires. Il s’agit plutôt d’un type de management où les acteurs de terrain
produisent des règles autonomes afin de pallier les insuffisances du système. Le contrôle passe d’abord par la
confiance. Ce détour par un secteur spécifique (agriculture) vient opportunément rappeler que l’importance des
relations personnalisées, informelles, vecteur de transmission de connaissances tacites….sont au cœur des
processus d’innovation et de capitalisation conduisant in fine à la pérennité.
Références bibliographiques
Agarwal R, Helfat CE (2009). Strategic Renewal of Organizations. Organization Science, vol 20 n° 2 : 281-293.
Andriopoulos C, Lewis MW (2009). Exploitation-Exploration Tensions and Organizational Ambidexterity:
Managing Paradoxes of Innovation. Organization Science, vol 20 n°4 : 696-717.
Benghozi P-J (2009). La pérennité : un lest ou un gyroscope pour l’entreprise ? Revue Française de Gestion, vol
35 n°192 : 177-181.
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