AOP_2008_V3:AOP_2005_1coul_9-96 9/12/08 15:51 Page 28 V17 Une heure pour le myope fort. La chirurgie réfractive Didier Chong-Sit La chirurgie des fortes myopies est passionnante pour différentes raisons, qui justifient son traitement particulier, au sein de la chirurgie réfractive : - variété des techniques disponibles, - indications au cas par cas en fonction de l’amétropie et de l’âge du patient, - évolution de ces indications en fonction des progrès technologiques constants, - consensus partiel sur les stratégies thérapeutiques, - chirurgie parfois à la limite du thérapeutique, puisque permettant régulièrement un gain de meilleure acuité visuelle corrigée. La définition chirurgicale d’une forte myopie dans le cadre de la chirurgie réfractive est différente de celle de la myopie forte « médicale ». Si les résultats du traitement des myopies faibles et moyennes concernent souvent les amétropies jusqu’à - 6 D, on peut plus certainement individualiser une prise en charge spécifique des myopies fortes à partir de - 8 D. Les deux grand types de techniques disponibles sont repris ici : - la chirurgie soustractive type lasik, - les chirurgies additives par implantation phake ou extraction du cristallin clair Le lasik La chirurgie photoablative au laser est ici quasi exclusivement le domaine réservé du lasik ; en effet, mises à part quelques expériences controversées de photoablation de surface (parfois avec usage d’antimitotique), ce sont sans doute la chirurgie lamellaire qui assure les meilleurs résultats postopératoires. En 2008, dans ces indications, les volets fins font l’unanimité, qu’ils soient le plus souvent réalisés au laser femtoseconde ou avec les dernières générations de microkératome ; ils permettent de conserver un « mur postérieur » réel d’au moins 250 μm (et au mieux de 300 μm). Clinique de la Vision, Paris 28 Les Cahiers Le facteur limitant des traitements photoablatifs est classiquement plus qualitatif que quantitatif, faisant plus craindre un risque de perte de qualité de vision qu’une efficacité imparfaite. Mais les dernières générations de laser excimer proposent maintenant des profils d’ablation dits « asphériques » et réalisent de larges zones de traitement respectant ainsi mieux la qualité de vision. Néanmoins, la limite maximale de traitement par lasik des fortes amétropies ne fait pas l’unanimité ; traditionnellement de - 12 D, elle se situe vers - 10 D pour de nombreux chirurgiens. Pourtant, si la pachymétrie le permet et en tenant compte de la taille de la pupille (en particulier en condition mésopique), une approche pragmatique et sans concession à la sécurité permet de réaliser sans risque spécifique le traitement des fortes amétropies (jusqu’à -12 D) pour peu que la chirurgie lasik soit réalisée avec les technologies les plus récentes. Les implants phakes Les chirurgies additives par implant phake ont récemment été bouleversées par les mises en gardes de l’AFSSAPS concernant les implants de chambre antérieure à appui angulaire, nous rappelant ainsi notre devoir de strict suivi des patients ayant bénéficié de ce type d’implant. Des contrôles tous les six mois sont maintenant obligatoires après toute implantation en chambre antérieure, ce qui alourdit considérablement la prise en charge de patients qui, même bien informés, ne sont pas toujours d’une remarquable observance dans leur suivi. Les implants phakes de chambre postérieur (CL et PRL) ne sont pas concernés par ces mises en garde et peuvent certainement « profiter » de cette situation puisque leurs complications cristalliniennes spécifiques sont moins « inquiétantes » que le spectre d’un grave problème cornéen. Les résultats optiques remarquables de tous les types d’implant ne sont pourtant pas remise en cause, avec un indice d’efficacité, rapport de la l’AVSC postop/ préop, souvent égale à 1. AOP_2008_V3:AOP_2005_1coul_9-96 9/12/08 15:51 Page 29 Leur indice de sécurité, rapport de la MAVC postop/ préop, est lui largement positif (> 1,2 dans une série personnelle de 41 implants PRL présenté en 2005 à l’ESCRS de Lisbonne), traduisant des gains de 2 lignes et plus d’acuité dans près de 50 % des cas. Si leur indication dans le cas des myopies les plus fortes, en particulier en cas d’amblyopie partielle, est incontestable, leur développement dans les myopies fortes entre 8 et 12 dioptries est freiné par les progrès des lasers excimer, le développement des lasers femtoseconde (lasik 100 % laser), leurs coûts plus élevés et les complications évoquées ci-dessus. La chirurgie du « cristallin clair » Malgré les progrès de la chirurgie de la cataracte (qui devient par elle-même phaco-réfractive), sa place dans la chirurgie réfractive de la myopie forte a régressé au cours de la dernière décennie du fait du développement constant des techniques décrites précédemment. Essentiellement limitée au plus fortes amétropies, en particulier après 50 ans, l’extraction du cristallin clair ne se justifie que si le cristallin ne semble plus « transparent » ou en cas de myopie plus ou moins évolutive (situation relativement fréquente vers 50 ans). Un développement pour des myopies proche de 8-10 D (ou moins) n’est pas inenvisageable compte tenu des progrès réalisé par l’implantation multifocale permettant ainsi la compensation de la presbytie en un seul temps (ou deux si un ajustement par lasik est nécessaire). Ce type de technique se heurte par ailleurs toujours à son positionnement en termes de prise en charge et, surtout, à la crainte d’un risque rétinien accru de décollement de rétine (en particulier après capsulotomie au laser Yag). Conclusion En tout état de cause, et quels que soient les choix thérapeutiques, la chirurgie réfractive des fortes amétropies myopiques est remarquablement efficace. Elle apporte au patient un bénéfice fonctionnelle oculaire majeur, mais plus généralement une extraordinaire amélioration de la qualité de vie. Elle est particulièrement indiquée chez des patients ayant une amblyopie relative et elle frise alors l’indication thérapeutique ; elle doit dans ce cas justifier d’une information spontanée de la part de l’ophtalmologiste traitant, en particulier concernant les techniques additives. Dans ce domaine, encore plus que dans bien d’autres, l’analyse préopératoire au cas par cas devra permettre le choix d’une stratégie, en pesant les avantages et les inconvénients de chaque technique. L’association de deux techniques chirurgicales est parfois nécessaire dès la première prise en charge (exemple du Bioptics : implant phake + lasik), mais également dans le temps (ce dont les patients doivent être bien informés). Dans cet esprit, la remise au patient des données préopératoires le concernant devrait se généraliser afin de faciliter une prise en charge ultérieure. Les Cahiers 29