Introduction 1.1 La recherche non scientifique et la recherche

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Introduction
1.1 La recherche non scientifique et la recherche scientifique
1.2 Les objectifs et les règles de la recherche scientifique
1.3 L’émergence des sciences humaines
1.4 La recherche en sciences humaines
1.5 Les étapes de la démarche scientifique
1.6 L’approche quantitative et l’approche qualitative
1.7 Les contraintes inhérentes à la recherche
Le chapitre 1 en un clin d’œil
Testez vos connaissances
Objectif
Expliquer les caractéristiques de la démarche scientifique
en sciences humaines
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2 CHAPITRE 1
2
Introduction
La violence, et en particulier les batailles, attire généralement beaucoup de spectateurs [aux parties de la Ligue nationale de hockey] aux États-Unis et au Canada.
Étonnamment, l’assistance aux parties tend à diminuer, toutes choses étant égales
par ailleurs, à mesure qu’augmente le nombre moyen de buts marqués par partie.
R. J. Paul. « Variations in NHL attendance : The impact of violence, scoring, and regional rivalries
(Discrimination and The NHL) », The American Journal of Economics and Sociology, vol. 62, nº 2,
2003, p. 345-365.
Après des décennies d’augmentation constante du taux de criminalité, le Canada et
les États-Unis connaissent maintenant leur première période de décroissance stable
de ce taux.
M. Ouimet. « Explaining the American and Canadian crime “drop” in the 1990s », Canadian
Journal of Criminology, vol. 44, nº 1, 2002, p. 33-51.
Dans l’ensemble, l’impact défavorable d’une augmentation du salaire minimum sur
l’emploi au Québec se répercute surtout sur les travailleurs de moins de 25 ans.
Ministère des Finances du Québec. « Impact du salaire minimum sur l’emploi. Estimations pour
le Québec de 1981 à 2000 », Rapport d’analyse 2001-2002, février 2002, p. 90-98.
Les résultats qu’ont obtenus Page et coll. laissent croire à l’existence d’une relation
« dose-effet », voire d’une relation directe telle que, en Australie, au cours du XX e siècle,
la présence des conservateurs à la tête des deux niveaux de gouvernement est associée
à des taux de suicide plus élevés. ».
M. Shaw, D. Dorling et G. Davey Smith. « Mortality and political climate : how suicide rates have
risen during periods of Conservative goverment, 1901-2000 », Journal of Epidemiology and
Community Health, vol. 56, nº 10, octobre 2002, p. 723-725.
Certains sont en faveur du travail à temps partiel, soutenant qu’il peut permettre aux
jeunes de développer de nouvelles compétences qui favoriseront plus tard leur intégration au marché régulier du travail. D’autres, au contraire, s’y opposent, alléguant que
le travail à temps partiel peut détourner les intérêts des étudiants de leurs études et
éventuellement conduire au décrochage.
Geneviève Fournier et coll.
« Travail à temps partiel chez un échantillon d’étudiant-e-s des niveaux secondaire et collégial
professionnels », Revue canadienne de l’éducation, vol. 22, nº 1, 1997, p. 1-17.
Plus d’un tiers des messages publicitaires [télévisés] montrant des enfants ont un
caractère agressif.
M.S. Larson. « Gender, race, and aggression in television commercials that feature children », Sex
Roles : A Journal of Research, janvier 2003, p. 67-76.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 3
3
Les énoncés ci-contre constituent quelques exemples de résultats de travaux de recherche
en sciences humaines effectués selon diverses méthodes. On entend en effet régulièrement parler des résultats de travaux menés par des chercheurs en sciences humaines qui
œuvrent au sein d’une université, d’un organisme public ou d’une entreprise privée. L’objectif du présent ouvrage vise donc à décrire les méthodes utilisées par les chercheurs en
sciences humaines et à montrer pourquoi ces méthodes sont adéquates lorsqu’il s’agit de
mettre au jour et d’expliquer les faits caractérisant la vie en société.
L’intérêt pour les questions liées à la vie individuelle et collective ne représente qu’une des
nombreuses raisons pour lesquelles il importe de bien comprendre les méthodes de
recherche. S’il est vrai qu’on se pose des questions sur les êtres humains et leur organisation sociale depuis l’Antiquité, les réponses formulées au fil des générations ont trop souvent été fondées sur des superstitions, des intuitions et des conjectures. Au cours des deux
derniers siècles, la situation a grandement évolué avec la mise au point de méthodes de
recherche plus systématiques. Des moyens scientifiques permettant de rassembler des
faits vérifiables se sont graduellement substitués aux intuitions et aux conjectures, ce qui
a donné lieu à un remarquable essor des connaissances au sujet des êtres humains et de
leur univers social.
Sciences humaines
Ensemble de disciplines
dans lesquelles les principes du raisonnement
scientifique sont appliqués à différents aspects
de la vie humaine, dont
l’anthropologie, l’économique, la géographie,
l’histoire, la science
politique, la psychologie
et la sociologie.
L’expansion des méthodes de recherche scientifique a suscité l’émergence de diverses disciplines en sciences humaines qui ont mis l’accent sur les différents aspects de l’être humain.
Ainsi, le champ des sciences humaines englobe non seulement l’anthropologie, l’économique, la science politique, la psychologie, la sociologie, l’histoire et la géographie, mais
également des domaines d’études tels que la démographie, la téorologie (l’étude du tourisme), la théorie des jeux (l’étude des comportements stratégiques) et les communications.
La recherche en sciences humaines se distingue de la simple enquête sur des questions
sociales, laquelle s’appuie surtout sur le sens commun. Les explications fondées sur le sens
commun ne sont certes pas dépourvues de pertinence, mais le recours exclusif à celui-ci ne
permet pas de déterminer si les affirmations qui en découlent sont justes ou non. La
recherche en sciences humaines — et la recherche scientifique en général — est présente
dans la vie quotidienne de tous. Les médias traitent abondamment de rapports et de débats
engendrés par la recherche scientifique. Le taux de criminalité a-t-il augmenté l’année dernière ? Le taux de décrochage scolaire est-il en hausse ? L’écart de revenus entre les
hommes et les femmes s’est-il rétréci depuis 10 ans ? La famille traditionnelle est-elle en
voie de disparition ? Les résultats de recherche concernant de telles questions exercent une
influence beaucoup plus profonde qu’on ne pourrait le croire à première vue.
De fait, la recherche en sciences humaines oriente souvent les opinions et les comportements de chacun. Par exemple, un lecteur ouvre son quotidien du matin et y découvre un
article signalant que le taux de chômage a fortement augmenté depuis un mois. Plus loin,
un autre article traite d’une étude ayant montré que les travailleurs sont plutôt pessimistes
quant à leur avenir et, pire encore, ceux qui travaillent dans le domaine même que vise ce
lecteur sont les plus préoccupés par leur situation future. Ces articles, dont la teneur provient sans doute de travaux de recherche en sciences humaines, auront certainement une
incidence sur l’opinion de ce lecteur en ce qui a trait à l’état de l’économie et à ses propres
perspectives d’emploi. Toutefois, sera-t-il en mesure de faire une évaluation critique des
résultats de recherche rapportés dans les médias ?
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4 CHAPITRE 1
4
Tous les grands journaux et magazines publient régulièrement des articles relatant les
résultats de travaux de recherche en sciences humaines. En outre, les dirigeants qui instaurent les grandes politiques sociales actuelles justifient souvent leurs décisions en invoquant les résultats de certaines études en sciences humaines, lesquelles servent alors de
fondements scientifiques aux politiques adoptées. Mais quels étaient les objectifs visés par
ces études ? Quelles en sont les conclusions et où résident leurs principales faiblesses ?
Les entreprises privées consultent également les résultats de travaux de recherche en
sciences humaines avant de prendre diverses décisions d’affaires et de gestion et avant de
déterminer les meilleurs moyens afin d’inciter les consommateurs à acheter leurs produits.
Des messages publicitaires mentionnent fréquemment que des tests ou des études ont
révélé qu’un produit donné est supérieur à un autre ou que les consommateurs préfèrent
un produit plutôt qu’un autre. Ces tests et ces études sont-ils fiables ?
Compte tenu des innombrables utilisations de la recherche en sciences humaines, il est
essentiel de comprendre les avantages de ce type de recherche et de pouvoir en faire une
évaluation critique. Le présent ouvrage examine certains moyens d’obtenir une information de grande qualité à partir des résultats de travaux en sciences humaines. Grâce à
l’étude des méthodes de recherche employées pour l’obtention de cette information, il
devient possible de procéder à une évaluation critique de la qualité de cette information.
1.1 La recherche non scientifique et
la recherche scientifique
Pourquoi faut-il disposer d’une information de qualité ? Quelles sont les lacunes de l’information non scientifique ? Pour bien répondre à ces questions, il faut d’abord définir
la nature générale de l’information et distinguer la recherche non scientifique de la
recherche scientifique.
L’information factuelle et la recherche non scientifique
Dans le monde moderne, la vie quotidienne fourmille d’informations. Lors d’une activité
sociale par exemple, il importe de connaître et de comprendre le milieu environnant afin
d’agir de manière convenable. On doit savoir ce qui s’y passe, saisir les causes sousjacentes de l’événement et connaître les attentes d’autrui. Tout ce savoir et toute cette
information forment habituellement ce qu’on nomme des convictions, des opinions et des
valeurs personnelles. Au fil des ans, on élargit ce savoir, on acquiert de l’expérience et on
se fie davantage à ses propres intuitions. Il peut alors être tout à fait bouleversant
d’apprendre que tout ce « savoir » est remis en question par la science ! Aux yeux des chercheurs, toutes les façons socialement acceptables d’acquérir des connaissances dans la vie
quotidienne peuvent se révéler erronées.
Autorités morales
Sources d’information
dont l’exactitude est
tenue pour acquise
en raison du respect
ou de la foi qui leur
sont accordées.
Une large partie de cette information susceptible d’être erronée provient de la famille, des
enseignants et d’autres autorités morales. Il s’agit d’une information traditionnelle : elle
indique les façons de faire qui sont appropriées parce qu’elles ont toujours été jugées telles.
Toute remise en question ou critique de ce type d’information est considérée comme blasphématoire ou profondément irrespectueuse. Dans le passé, cette information était
d’ailleurs presque toujours la seule qui existait. Il en est tout autrement aujourd’hui avec
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 5
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l’abondance de chaînes de télévision et de radio, de journaux, de revues et de livres.
Dès l’entrée à l’école, les élèves s’aperçoivent que leurs enseignants ont des idées qui diffèrent de celles de leurs parents et que leurs camarades de classe en expriment d’autres
tout aussi variées. Ils découvrent alors rapidement que différentes personnes ou sources
d’information proposent plusieurs idées au sujet de ce qui est réel, approprié ou juste.
Comment peut-on faire un choix parmi un ensemble d’idées si diverses, voire opposées ?
On apprend généralement à bien déterminer les règles spécifiques qui s’appliquent dans
une situation particulière, et on adapte ensuite son comportement ou son attitude en
conséquence. En d’autres termes, on fait un usage pratique de l’information sociale pour
mieux s’adapter à la vie en société. On ne réfléchit pas très longtemps à la teneur même de
cette information et on se demande rarement si elle est logique et cohérente ou même véritablement exacte.
Foi
Croyance inconditionnelle en certaines idées.
Traditions
Prémisses profondément
enracinées que partage
un groupe humain en
matière d’ordre social.
Quelles sont les caractéristiques de cette information sociale ? Celle-ci repose d’abord et
avant tout sur la foi et les traditions, ou encore sur des méthodes empiriques figées. La foi
renvoie ici au fait qu’une chose est jugée irrévocablement vraie et qu’il est erroné de rejeter,
de critiquer ou même de tenter d’examiner et d’évaluer une croyance ou un acte. Les traditions désignent des prémisses pratiques portant sur des façons de faire et de penser qui
sont fondées sur des habitudes sociales. Ces prémisses consolident l’expérience vécue, la
structurent et lui donnent un sens, peu importe que la réalité leur soit conforme ou non.
Les préjugés représentent une forme extrême de règles stéréotypées, en vertu desquelles
sont formulées des généralisations au sujet d’un organisme ou d’un groupe spécifique
et sont définies les relations qu’une personne ou une collectivité doit établir avec ce
groupe. Lorsqu’une personne ne correspond pas au cliché, elle constitue alors l’exception
qui confirme la règle plutôt que de susciter un réexamen du stéréotype. On se sert chaque
jour d’une grande quantité d’information non critiquée qui oriente les observations faites,
alors que ce sont ces mêmes observations qui devraient orienter l’information en question.
Prenons l’exemple d’un enfant élevé dans un milieu où on lui a toujours dit que les
membres d’un certain groupe ethnique qu’il côtoyait très peu sont paresseux et vivent de
l’aide sociale. À l’âge adulte, remettrait-il en question son opinion s’il rencontrait un individu issu de ce groupe et devenu le dirigeant d’une entreprise prospère ? Il est fort probable
qu’il le considérerait comme une exception plutôt que de remettre en question son opinion. Pourtant, s’il voulait véritablement bien connaître ce groupe, il devrait s’affranchir
de cette opinion stéréotypée et s’efforcer d’en observer et d’en étudier les membres.
Le monde d’aujourd’hui valorise l’information factuelle. On obtient en effet une grande
partie de cette information dans des médias comme la télévision, la radio, les journaux et
les revues ; chacun sait cependant que cette information n’est pas toujours irréprochable.
En outre, les grands médias populaires donnent peu de détails sur chacun des sujets traités,
sous prétexte qu’ils peuvent ainsi en aborder un plus grand nombre et attirer un plus vaste
auditoire. Au lieu d’analyser les événements et d’en expliciter les causes, les bulletins de
nouvelles diffusés à la radio et à la télévision tendent à donner une brève description des
événements, à en présenter les aspects les plus spectaculaires et à mettre l’accent sur
quelques personnes associées à ces événements. On accorde généralement peu de suivi
aux reportages antérieurs, de sorte que, en l’absence de tout contexte, il peut être difficile
de bien comprendre la nature et les causes des événements présentés dans les médias.
Ainsi, les nouvelles sont de plus en plus traitées comme un divertissement : seuls les faits
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6 CHAPITRE 1
6
saillants du moment sont mentionnés et font rapidement place au sujet suivant. Le téléspectateur doit donc déployer beaucoup d’efforts pour obtenir un portrait cohérent et significatif d’un événement à partir d’un tel afflux d’éléments disparates. Rares sont ceux qui
disposent du temps ou des moyens nécessaires à cette fin ou qui possèdent l’information
essentielle pour y parvenir.
Internet s’est récemment ajouté aux sources d’information traditionnelles. Il s’agit d’un
moyen de communication qui relève à la fois des grands médias, du divertissement populaire, du centre commercial et de la bibliothèque publique, le tout sous une forme le rendant
facilement accessible à partir de la maison. Le problème le plus notable à propos d’Internet
réside peut-être dans le volume même des choses accessibles. Par ailleurs, Internet n’est pas
à l’abri des problèmes et des partis pris qui caractérisent les autres sources d’information et
de divertissement. Et, bien sûr, les communications faites au sein des groupes de discussion se limitent habituellement à l’expression d’opinions personnelles. De plus, une
grande partie des données obtenues au moyen des moteurs de recherche sont souvent
inutiles, si bien que la recherche d’information peut exiger énormément de temps. Contrairement aux bibliothèques publiques traditionnelles, Internet n’offre pas les services professionnels de spécialistes de l’information, c’est-à-dire des bibliothécaires, pour faciliter les
recherches de l’utilisateur. Néanmoins, s’il est bien utilisé, Internet constitue un moyen
utile d’obtenir de l’information sur les sciences humaines.
Quelques-unes des lacunes propres aux diverses formes de savoir quotidien ont déjà été
relevées. Mais qu’en est-il du savoir factuel tiré des médias dits sérieux, des livres ou des
encyclopédies ? De telles sources approfondissent davantage les sujets traités et offrent
ainsi une information nettement moins superficielle. La plupart des lecteurs présument que
le contenu de ces sources est rédigé par des experts bien documentés et soucieux de présenter les faits conformément à la réalité. Ils tiennent pour acquis que les journalistes et les
rédacteurs ont effectué les recherches appropriées et présentent correctement les faits. Cela
signifie alors qu’ils accordent foi à cette information, sans la remettre en question.
Recherche non
scientifique
Mode d’acquisition
de connaissances
résultant de la foi, des
traditions et du savoir
non scientifique.
Une telle attitude à l’égard de l’information factuelle, c’est-à-dire accepter tel quel le travail
des experts, est également celle qu’on adopte envers les experts qu’on est amené à rencontrer. On croit ce que disent notamment les médecins et les gérants de banque sans
poser trop de questions, sans contre-vérifier leurs affirmations ou obtenir une deuxième
opinion. Cette façon de procéder peut être qualifiée de recherche non scientifique. En
quoi diffère-t-elle de la recherche scientifique ?
La recherche scientifique
C’est par ses objectifs et les moyens qu’elle utilise pour les atteindre que la science se distingue de toutes les autres formes de savoir et de recherche. La foi, les traditions, l’information factuelle quotidienne procurent des lignes directrices sociales et morales favorisant
la résolution de problèmes concrets immédiats. Pour sa part, la science vise l’acquisition d’un savoir objectif, c’est-à-dire un savoir qui n’est pas lié à des problèmes immédiats d’ordre pratique ou personnel, mais qui est démontrable par des faits observables
et mesurables.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 7
7
Pour bien comprendre les moyens utilisés en science, il est essentiel d’en connaître un peu
l’histoire. La recherche scientifique est une entreprise assez récente dans l’histoire de l’humanité. Les principes associés à la science, tels que la réalisation d’expériences et de
mesures précises et l’application des mathématiques à la description et à l’explication des
phénomènes, ont principalement été établis entre 1600 et 1800 en Europe occidentale.
Méthode scientifique
Ensemble de démarches
qui est fondée sur
la logique, qui utilise
les procédés d’une
recherche empirique
systématique et qui doit
aboutir à une communication ouverte et honnête des idées et des
résultats de la recherche.
Recherche empirique
systématique
Recherche effectuée
conformément à la
méthode scientifique.
Lorsque certaines personnes ont commencé à remettre en question des idées anciennes
qui contredisaient leurs propres observations, l’Église et d’autres autorités les ont rapidement condamnées en affirmant que leurs prétentions étaient fausses ou, pire encore, blasphématoires. Les premiers scientifiques disposaient alors de deux solides moyens de
défense. D’abord, ils tentaient de persuader leurs détracteurs d’examiner tant les faits que
la façon utilisée pour les établir. Ainsi, plus les scientifiques expliquaient ouvertement
leurs résultats et les méthodes utilisées pour les obtenir, plus leurs affirmations étaient
susceptibles d’être jugées crédibles. Leur second moyen de défense consistait à présenter
leurs résultats d’une manière claire et logique. En utilisant des arguments logiques dans le
cadre de raisonnements rigoureux pour justifier les interprétations de leurs découvertes,
les scientifiques rendaient plus difficile le maintien des objections morales et religieuses
traditionnelles à leur encontre. Le recours à la logique leur servait tant à étayer les explications de leurs observations qu’à critiquer ceux qui rejetaient leurs raisonnements. Ces
deux moyens de remettre en question des idées reçues ont rapidement constitué un élément fondamental de la méthode scientifique. Un autre élément essentiel de cette
méthode réside dans l’importance accordée à l’observation. En outre, toute recherche
scientifique n’est acceptable que si elle s’appuie sur un raisonnement logique, suit une
procédure explicite et se prête à une vérification effectuée par d’autres personnes, au point
même d’être répétée par d’autres chercheurs.
Par-dessus tout, une démarche ne peut être qualifiée de scientifique que si elle s’accompagne d’une recherche empirique systématique. On entend ici par « systématique » le
fait d’utiliser, de manière précise et rigoureuse, des procédés spécifiquement mis au point
pour réunir l’information pertinente. L’objectif de la recherche empirique systématique
consiste à explorer, décrire, expliquer et prédire certains phénomènes afin d’améliorer la
compréhension globale de la réalité. Par contraste, la recherche non scientifique vise plutôt à rassembler rapidement l’information la plus accessible et la plus pratique, souvent au
hasard, afin de résoudre un problème immédiat. La personne qui adopte une démarche
empirique ne présume pas qu’elle connaît déjà les réponses aux questions posées et
n’oriente pas sa recherche en fonction de ses convictions morales ou de quelconques prémisses culturelles traditionnelles qui influencent d’autres aspects de sa vie. Au contraire,
elle doit les laisser de côté, faire preuve d’ouverture d’esprit et agir conformément aux prémisses spécifiques de la recherche scientifique.
1.2 Les objectifs et les règles de
la recherche scientifique
Il existe plusieurs façons d’exprimer et d’approfondir un intérêt pour une question ou un
problème spécifiques. Par exemple, si on s’intéresse à la question de la pauvreté, on peut
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8 CHAPITRE 1
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rédiger un article de journal à ce sujet, écrire un roman ou réaliser un documentaire décrivant cette problématique au quotidien. Chacune de ces démarches vise des objectifs distincts et comporte ses propres règles. Nous allons examiner ici les objectifs et les règles
propres à la recherche en sciences humaines.
Quiconque a déjà lu un article d’une revue spécialisée en sciences humaines a pu constater qu’il ne s’agit pas toujours d’une lecture facile. Si les sujets traités semblent souvent
intéressants, le style d’écriture et la terminologie employée ont un aspect inhabituel et
abstrait. Un tel type d’écriture s’explique en partie par le fait que chaque discipline des
sciences humaines fait appel à des termes spécialisés pour l’expression des notions qui lui
sont propres. De plus, les chercheurs en sciences humaines ont mis au point certaines
règles pour s’affranchir des limites et des contraintes liées à l’intuition, à l’expérience, au
sens commun, aux traditions et à l’autorité. La terminologie et le caractère abstrait inhérents aux sciences humaines contribuent à rappeler aux chercheurs eux-mêmes la nature
scientifique de leur démarche.
Puisque les articles publiés dans ces revues sont destinés aux collègues de leurs auteurs,
les prémisses fondamentales de toute recherche scientifique n’y sont pas énoncées, de
sorte que ceux qui ne les connaissent pas peuvent avoir de la difficulté à bien saisir la
teneur de ces articles. Nous allons donc définir ces prémisses et expliciter le vocabulaire
qui leur est associé.
Les règles spécifiques de la recherche en sciences humaines s’appuient sur les quatre grands
principes de base que respectent les chercheurs dans toutes les disciplines scientifiques.
Objectivité
Élément essentiel d’une
recherche qui impose au
chercheur de laisser de
côté ses croyances et
ses prémisses habituelles,
de suivre les procédés
d’une recherche empirique et de présenter
honnêtement et ouvertement ses méthodes
utilisées et ses
résultats obtenus.
Vérification
empirique
Opération scientifique
qui consiste à confronter
une théorie (plus précisément une hypothèse
déduite de cette théorie)
à la réalité, c’est-à-dire
aux faits.
1. Les chercheurs doivent faire preuve d’objectivité dans leurs travaux. Ainsi, quelles
que soient leurs opinions personnelles, ils sont tenus d’employer les méthodes appropriées pour la collecte et l’interprétation des données pertinentes ; ils doivent en outre
présenter honnêtement leurs résultats, même si ces derniers sont contraires à leurs
convictions et à leurs valeurs personnelles.
2. Les chercheurs doivent procéder à la vérification empirique de leurs hypothèses.
Puisque les connaissances scientifiques reposent sur l’observation du monde réel, toute
hypothèse scientifique doit être validée par des observations démontrant que les théories des chercheurs correspondent aux faits établis. Les chercheurs ne s’appuient pas
sur l’expérience personnelle, l’intuition, l’autorité ou la tradition pour formuler des
réponses à leurs questions.
3. Par conséquent, la recherche scientifique vise à étoffer les résultats déjà obtenus en
enrichissant les connaissances scientifiques établies. La recherche constitue une
démarche coopérative ou collective, c’est-à-dire qu’elle se fonde sur la recherche antérieure et prépare le terrain pour la recherche future.
4. Enfin, les chercheurs ne peuvent ajouter leurs contributions que s’ils communiquent
leurs résultats d’une manière claire, honnête et suffisamment détaillée pour que
d’autres chercheurs puissent pleinement comprendre le déroulement de la recherche
effectuée et l’interprétation des données. La logique et les méthodes de recherche doivent être transparentes, et non obscures.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 9
9
Scepticisme
Valeur fondamentale
de la science qui amène
les chercheurs à douter
de l’information ou
des idées qui ne peuvent être vérifiées par
une recherche empirique systématique.
Ces principes de base renvoient tous à la notion de scepticisme (voir la rubrique « Inforecherche 1.1 », page 11). Quoiqu’il puisse être perçu comme l’élément critique ou négatif
de la démarche scientifique, le scepticisme est un élément essentiel. Véritable système de
valeurs de la recherche, le scepticisme amène les chercheurs à rejeter toute affirmation qui
ne peut être démontrée ou qui ne s’appuie pas sur des données empiriques ayant été établies
conformément aux méthodes de recherche acceptées. Les chercheurs ont élaboré des règles
qui font en sorte que leurs hypothèses découlent clairement et logiquement des travaux de
recherche antérieurs. Ces hypothèses donnent lieu à des projets de recherche fondés sur la
collecte systématique de données empiriques. Ces données sont attentivement analysées et
interprétées selon les méthodes reconnues, et non en fonction des caprices et des convictions personnelles d’un chercheur. Ces règles feront l’objet d’une section ultérieure consacrée
aux étapes de la démarche scientifique.
La recherche s’appuie également sur des prémisses positives, dont la première pose que
l’Univers est ordonné ou, selon les mots d’Einstein, que « Dieu n’est pas un fou ». S’il
existe des régularités et des récurrences — c’est-à-dire des événements ou des processus
qui se répètent constamment dans la nature et les sociétés humaines —, il doit être possible de les découvrir, comme l’ont affirmé les penseurs grecs de l’Antiquité. C’est
d’ailleurs en cela que les Grecs se distinguaient des peuples voisins, qui croyaient plutôt
que la nature était sous l’empire des caprices et des passions des dieux, des esprits et
des démons. Ces peuples estimaient que l’Univers était un milieu désordonné et régi par des
forces mystérieuses, qu’il était impossible de comprendre les mécanismes et le sens de
l’action de ces forces et que leur propre survie dépendait du recours aux rites religieux et
à la magie.
Raisonnement
déductif
Type de formulation
d’idées à partir d’autres
idées ou de théories, qui
permet au chercheur
de passer logiquement
d’hypothèses ou de principes généraux à des
idées plus spécifiques.
Raisonnement
inductif
Formulation d’idées
qui fait fond sur des
éléments particuliers
d’information factuelle
en vue de l’élaboration
de principes plus larges
et plus généraux.
Les penseurs grecs de l’Antiquité ont compris à juste titre que, si l’Univers est ordonné, la
pensée humaine doit refléter et exprimer un tel ordre. Ils ont élaboré des idées philosophiques et mathématiques en vue d’établir des règles décrivant le caractère ordonné de
l’Univers. Ils ont souligné l’importance du raisonnement déductif, qui consiste à tirer
des conclusions particulières à partir d’hypothèses plus générales. Beaucoup plus tard, lors
de la révolution scientifique en Europe au XVIIe siècle, d’autres penseurs ont mis l’accent
sur l’importance des observations empiriques et du raisonnement inductif, en vertu
duquel des principes généraux sont énoncés à partir d’observations particulières. Selon ces
penseurs, des idées strictement logiques qui ne se fondent sur aucune observation ou qui
ne contribuent pas à orienter des observations n’avaient pas leur place en science. La
recherche scientifique contemporaine s’appuie sur ces deux types de raisonnement (voir
la figure 1.1, page 10).
On utilise le raisonnement déductif, c’est-à-dire une pensée s’appuyant sur les relations
entre des idées, pour passer des idées générales d’une théorie à des idées plus spécifiques ;
et puis, pour préciser davantage la théorie afin de formuler une hypothèse. Par contraste, le
raisonnement inductif renvoie à une pensée qui organise, synthétise et interprète des faits
et tente d’en tirer des conclusions. Ce type de raisonnement est mis à contribution lors de la
recherche de récurrences dans les données rassemblées. Les deux types de raisonnement,
déductif et inductif, jouent ainsi un rôle essentiel dans une recherche scientifique.
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10 CHAPITRE 1
10
Théories
Raisonnement
déductif
Hypothèses
Faits
Raisonnement
inductif
Vérification
empirique
Figure 1.1
L’évolution d’une théorie scientifique.
Théorie
Ensemble d’idées
logique et cohérent
qui explique les
récurrences empiriques
mises au jour par la
recherche empirique.
Prédiction
En science, déclaration
vérifiable au sujet
d’événements futurs
qui se fonde sur une
explication causale
et empiriquement
vérifiable des relations
entre les variables.
Hypothèse
Déclaration qui est axée
sur les relations possibles entre des variables
et qui est formulée
de façon à faciliter sa
vérification par l’observation systématique.
Conséquemment à l’hypothèse posée par les Grecs que la nature est ordonnée et que la pensée doit être logique, une seconde hypothèse a été formulée : l’ordre régissant la nature est
intelligible. Si on peut clairement décrire comment les phénomènes se produisent, on devrait
être en mesure d’expliquer pourquoi ils se produisent ainsi. L’objectif fondamental de toute
recherche est de formuler des explications ; et l’ensemble des idées systématiques et logiquement interreliées qui expliquent un fait établi porte le nom de théorie. Une théorie élucide le
déroulement des phénomènes au moyen d’un lien de causalité. Elle décrit les circonstances
ou les conditions qui président à l’apparition de ces phénomènes. Grâce aux théories énoncées, la prédiction de certains événements s’avère possible, car on peut ainsi repérer les circonstances ou les conditions qui précèdent les résultats annoncés par ces théories.
Les théories rassemblent des idées offrant une synthèse systématique et cohérente de la
façon dont on comprend des aspects particuliers de la réalité. Les théories scientifiques se
distinguent de la foi par leur souplesse, puisqu’elles sont ouvertes aux modifications et
aux développements résultant des nouvelles données empiriques issues de travaux de
recherche plus récents. C’est pourquoi il est possible de formuler des hypothèses découlant logiquement de théories. Une hypothèse1 est un énoncé exprimant une relation
causale en des termes particuliers qui indiquent qu’elle n’est pas étayée par des données,
contrairement à une théorie. La vérification d’une hypothèse par des travaux de
recherche étend le champ d’application d’une théorie à un plus grand nombre de circonstances, de conditions et de phénomènes. Sans un tel processus de formulation et de vérification des hypothèses, les théories scientifiques acquerraient un caractère fermé et
dogmatique et ne bénéficieraient plus de l’apport des nouveaux travaux de recherche.
Nous reviendrons sur l’importance de l’hypothèse au chapitre 2 lorsque nous traiterons
du processus d’opérationnalisation.
1. En général, il est important d’établir la distinction entre hypothèse de type explicatif ou directionnel
(qui, comme son nom l’indique, prédit une relation de cause à effet) et hypothèse de type relationnel ou
non directionnel (qui ne fait que prédire une relation d’association). Bien que la différence entre ces
deux types d’hypothèse soit importante sur le plan théorique, en pratique, les hypothèses explicatives
sont plus largement adoptées parce qu’elles ont l’avantage d’être plus précises et donc plus constructives pour l’avancement de la science.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 11
11
1.1
Êtes-vous sceptique ?
Un médium peut-il vraiment parler avec les morts ? Un guérisseur par la foi peut-il améliorer la santé d’autrui ?
Est-ce vrai que certaines personnes peuvent communiquer par télépathie ? Un horoscope peut-il prédire correctement certains événements ?
L’Américain John Edwards prétend, comme bien d’autres,
communiquer avec les morts, et nombreux sont ceux qui
croient en ses pouvoirs de médium. Son émission de télévision et ses livres connaissent d’ailleurs un succès retentissant
et il est régulièrement invité aux grands réseaux télévisuels.
Toujours aux Etats-Unis, Sonya Fitzpatrick déclare
qu’elle peut « entendre les pensées » des animaux. Pendant
son émission de télévision, intitulée Pet Psychic, elle lit les
pensées d’animaux de compagnie et les transmet à leurs
propriétaires. Elle prétend même communiquer avec des
animaux domestiques morts.
Beaucoup de guérisseurs par la foi affirment qu’ils peuvent amener Dieu à faire des miracles. C’est le cas du télévangéliste américain Benny Hinn, dont les offices religieux
(Miracle Crusade) attirent des milliers de personnes espérant leur guérison. Un grand nombre des participants à ces
offices sont d’ailleurs convaincus, en rentrant à la maison,
qu’ils ont effectivement été guéris, parfois même d’une
maladie aussi grave que le cancer.
D’autres encore prétendent « voir », que ce soit dans
les lignes de la main, les cartes de tarot, une boule de cristal ou autrement, la personnalité d’un individu et prédire
son avenir. Aujourd’hui, comme dans le passé, nombre de
personnes croient à l’astrologie, ce qui explique sans doute
la publication quotidienne d’horoscopes dans la plupart
des grands journaux.
John Edwards peut-il vraiment communiquer avec les
morts ? Sonya Fitzpatrick communique-t-elle véritablement
avec les animaux domestiques ? Benny Hinn peut-il vraiment
guérir par la foi ? Les médiums et les astrologues peuvent-ils
prédire l’avenir ? Plutôt que d’accepter inconditionnellement leurs affirmations ou celles des personnes qui les
croient, on doit exiger des preuves. Plus particulièrement,
on doit déterminer s’il existe des données scientifiques vérifiables à l’appui de ces prétentions. En d’autres termes, le
scepticisme est de mise.
Le scepticisme ne doit pas être confondu avec le cynisme.
Alors qu’un cynique est simplement méfiant, le sceptique
exige des preuves. Comme le signalait le Skeptic Magazine
en page 5 de son numéro de l’été 2003 : « Les sceptiques
ne refusent pas d’envisager la possibilité qu’un phénomène
se produise réellement ou qu’une affirmation soit fondée.
Nous nous qualifions de sceptiques parce que nous exigeons des preuves solides avant de croire. »
Un sceptique est ainsi disposé à changer d’idée, mais
uniquement à la lumière de faits vérifiables. Les faits en
question peuvent être vérifiés grâce à la méthode scientifique. Le scepticisme demeure donc très présent dans toute
recherche scientifique. Quel que soit l’objet de la recherche,
une démarche est dite scientifique lorsqu’elle se traduit par
des efforts objectifs, rigoureux et raisonnés pour établir des
faits vérifiables.
Quant aux prétentions d’Edwards, de Fitzpatrick,
d’Hinn, des médiums et des astrologues, elles ne peuvent
que susciter un grand scepticisme en raison de l’absence
de preuves scientifiques en leur faveur.
Ouvrages consultés :
B. Farha. « Stupid “Pet Psychic” Tricks : Crossing over with Fifi and Fido on the Animal Planet network », Skeptic Magazine, vol. 10 (1),
nº 20 (3), 2003.
E. Goode. « Education, scientific knowledge, and belief in the paranormal », Skeptical Inquirer, vol. 26 (1), nº 24 (4), 2002.
J. Randi. « How to talk to the dead (I was Brillig) », Skeptic Magazine, vol. 9 (3), nº 9 (2), 2002.
M. Shermer. « Skepticism as a virtue : An inquiry into the original meaning of the word “skeptic” », Scientific American, vol. 286 (4),
nº 37(1).
M. Shermer. « Psychic for a day : Or how I learned Tarot cards, palm reading, astrology and mediumship in 24 hours », Skeptic Magazine,
vol. 10 (1), nº 48 (9), 2003.
1.3 L’émergence des sciences humaines
L’émergence des sciences humaines a été favorisée par les changements spectaculaires
ayant marqué les sociétés européennes à partir de la Renaissance. Au nombre de ces
changements, retenons la découverte des voies maritimes vers l’Asie et les Amériques, la
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12 CHAPITRE 1
12
Réforme protestante et les révolutions scientifique, commerciale et industrielle. Les sciences
humaines ont d’abord formé un simple ensemble d’idées philosophiques et n’ont donné
lieu qu’ultérieurement à une recherche empirique systématique.
Méthode de
recherche
Façon particulière
d’entreprendre une
recherche scientifique.
Le choix d’une
méthode varie selon
qu’il s’agit d’explorer,
de décrire ou d’expliquer un phénomène.
La transformation graduelle des sciences humaines en disciplines empiriques, fondées sur la
recherche, s’est faite en plusieurs étapes. Dans la tradition anglo-saxonne, la première
consiste en la formation d’une discipline distincte soit de celles qui l’ont précédée, comme la
philosophie, soit de champs d’étude non universitaires, comme l’art et le journalisme.
La deuxième étape réside dans l’élaboration d’une discipline essentiellement autonome,
dotée d’un objet d’étude et d’une démarche qui diffèrent de ceux des autres disciplines.
S’ajoute à ces deux étapes la naissance d’associations professionnelles, de revues spécialisées dans la publication des travaux de recherche et d’universités qui forment et
accueillent des chercheurs. Elles permettent de consolider la recherche en tant que processus
ouvert et partagé, fondé sur des normes et des intérêts communs.
Tout comme il n’y a pas qu’une science de la nature mais bien plusieurs sciences naturelles axées sur l’étude des diverses facettes de la nature (telles la physique, l’astronomie,
la chimie ou la botanique), il existe également plusieurs disciplines en sciences humaines.
Chacune d’entre elles met l’accent sur des aspects particuliers de la vie humaine, élabore
et formule ses propres théories et ses termes, et privilégie souvent une méthode de
recherche, c’est-à-dire une façon particulière d’entreprendre une recherche scientifique.
Les perspective en sciences humaines: quelques exemples de démarches
de recherche sur la planification familiale
Discipline
Perspective
Recherche sur la planification familiale
Anthropologie
Les systèmes culturels,
y compris les artéfacts.
Les différents modes de contrôle des naissances dans les sociétés tribales
et rurales.
Économique
Les choix rationnels
dans un contexte de
ressources limitées.
L’accroissement de la planification familiale par suite de l’augmentation
des coûts inhérents à l’éducation des enfants, dans le cadre de l’industrialisation croissante des sociétés agricoles.
Géographie
La répartition spatiale.
Les modes d’expansion de la contraception et l’évolution de la taille
des familles en milieux rural et urbain.
Histoire
L’évolution temporelle.
La multiplication des mouvements réformistes au sein des classes
moyennes dans les villes industrielles, et les figures de proue de
ces mouvements.
Science politique
Les structures politique,
juridique et étatique.
Les variations de la puissance des mouvements réformistes, selon leurs
origines de classe et des facteurs idéologiques et politiques.
Psychologie
Les idées et les
sentiments personnels
et les relations
interpersonnelles.
Les modes d’établissement de liens de confiance, de communication
et d’affection au sein des couples en matière de planification familiale.
Sociologie
Les normes et les pressions
relatives à la vie en groupe.
Les facteurs liés à la classe sociale, à l’origine ethnique et à la religion
et d’autres facteurs collectifs en ce qui concerne la contraception.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 13
13
La rubrique « Pour en savoir plus », page 12, illustre bien en quoi les diverses façons
d’entreprendre une recherche reflètent les différentes perspectives adoptées par les disciplines en sciences humaines. Il est clair que chacune contribue à une meilleure compréhension du phénomène étudié en l’occurrence, la planification familiale.
L’anthropologie
Anthropologie
Discipline des sciences
humaines qui porte sur
l’évolution et la variation
physiques des êtres
humains, ainsi que sur
la teneur et la variété
des cultures humaines.
L’anthropologie traite des origines et de la diversité des êtres humains et des sociétés
qu’ils ont constituées. L’anthropologie physique met l’accent sur l’évolution et la variation
de l’espèce humaine et est étroitement liée à la génétique et à d’autres sciences de la vie,
tandis que l’anthropologie culturelle se concentre sur les modes de vie et l’ensemble des
croyances, des coutumes, des langages et des artéfacts. Parmi les principales méthodes
employées en anthropologie culturelle figure la recherche sur le terrain, où le scientifique
est alors amené à partager et à participer à la vie de la population étudiée.
Au Canada, les pionniers de l’anthropologie sont sans conteste les missionnaires, les explorateurs et les voyageurs des siècles passés. En 1910, le gouvernement fédéral met sur pied
un département d’anthropologie et en confie la direction à Edward Sapir, le grand spécialiste
américain de l’anthropologie linguistique. Ce dernier recrute plusieurs Canadiens, dont
Marius Barbeau, l’instigateur des études professionnelles sur le folklore au Canada. Le premier département universitaire d’anthropologie voit le jour en 1925 à l’université de Toronto.
L’économique
Économique
Discipline des sciences
humaines qui étudie la
façon dont les individus
et les sociétés effectuent
des choix d’affectation
de ressources rares à
la satisfaction de
leurs besoins.
L’économique naît de l’inadéquation entre la rareté des ressources et les besoins illimités
des agents économiques. Elle scrute donc les façons dont les individus et les sociétés
répartissent des ressources rares pour produire des biens et services, ainsi que les façons
dont ces biens et services sont distribués en vue de leur consommation. Les sciences économiques comprennent deux principaux champs d’application : la macroéconomie, qui porte
sur les comportements globaux d’un pays ou d’une région, et la microéconomie, qui s’intéresse aux comportements individuels des consommateurs et des entreprises.
Si une partie importante de la recherche effectuée dans ce domaine se fonde sur les données
économiques et démographiques colligées par des sources étatiques comme Statistique
Canada, notons aussi que, dans ces activités, l’économique a abondamment recours aux
modèles théoriques (comme le modèle de l’offre et de la demande) dans la compréhension
des phénomènes, et aux modèles empiriques (comme le modèle de projection de la Banque
du Canada) dans l’élaboration des projections et l’analyse des politiques économiques.
Au Canada, la science économique, initialement nommée économie politique, est d’abord
étroitement associée à la publication de textes sur les politiques publiques rédigés par des
dirigeants gouvernementaux et des gens d’affaires. Puis, dès sa création en 1918, le Bureau
fédéral de la statistique (le prédécesseur de Statistique Canada) établit des statistiques nationales et provinciales normalisées à des fins d’analyse économique. Des départements universitaires apparaissent peu après. En 1929, l’Association canadienne de science politique
voit le jour ; un bon nombre de ses membres sont des économistes. De 1935 à 1967, cette
association publie la Revue canadienne d’économie et de science politique. Après quoi,
des économistes créent l’Association canadienne d’économique qui, depuis 1968, publie
la Revue canadienne d’économique. Quant à la recherche économique réalisée par les
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14 CHAPITRE 1
14
universitaires francophones, elle a longtemps pour foyer l’École des hautes études commerciales de Montréal (HEC-Montréal), qui ouvre ses portes en 1907 et publie L’actualité
économique depuis 1925.
La géographie
Géographie
Discipline des sciences
humaines qui relève
à la fois des sciences
physiques et des
sciences naturelles.
Étude de la Terre, en
tant que lieu de vie
des êtres humains, des
relations entre le milieu
physique et matériel, des
effets et des contraintes
de ce milieu sur la vie
humaine et des effets
des activités humaines
sur ce milieu.
La géographie est l’étude des phénomènes propres au milieu physique et de leurs interrelations ; elle y inclut les populations humaines en tant que facteurs de modifications des
climats et des reliefs. La géographie humaine est axée sur l’emplacement et la répartition
des populations et de leurs activités, et notamment sur les effets mutuels qui s’exercent,
d’une part, entre l’emplacement et la répartition et, d’autre part, le milieu. À la fin du
XXe siècle, la convergence de diverses sciences physiques et humaines fait de la géographie une discipline hybride, davantage centrée sur les modes d’occupation de l’espace et
les facteurs environnants qui orientent l’histoire et la culture humaines.
Avant la Seconde Guerre mondiale, les géographes canadiens sont avant tout des cartographes ayant reçu une formation en génie civil, en géologie ou en dessin. Si l’université
de la Colombie-Britannique fonde dès 1922 un département de géographie et de géologie,
il faut attendre 1935 pour qu’apparaisse le premier véritable département de géographie, à
l’université de Toronto. Par la suite, les gouvernements font de plus en plus appel à l’expertise de géographes pour résoudre des problèmes concernant les ressources stratégiques et
le développement économique. En 1943, le gouvernement fédéral embauche ainsi son
premier géographe professionnel à temps plein ; la plupart des provinces font de même
dans les années 1950. Bien que la Société géographique de Québec (à caractère non professionnel) existe depuis 1877, ce n’est toutefois qu’en 1951 que des géographes universitaires et professionnels créent l’Association canadienne des géographes, qui publie
Le Géographe canadien.
L’histoire
Histoire
Discipline des sciences
humaines qui comporte
l’étude du passé humain
grâce à l’analyse de
documents écrits
primaires et d’autres
artéfacts humains issus
du passé.
L’histoire est l’étude du passé humain et constitue la plus ancienne des sciences humaines.
L’histoire sociale moderne à caractère scientifique ne prend toutefois forme qu’aux XVIIIe et
XIXe siècles. C’est à cette époque en effet que le recours aux publications, aux lettres et aux
documents originaux ainsi que le recoupement mutuel de ces sources deviennent pratique
courante. Le but de cette pratique vise à établir l’exactitude des faits, des événements et des
dates. Les historiens aiment rappeler que la mise au jour des faits documentés autant que
leurs interprétations forment leur principale méthode de recherche.
Au XIXe siècle, la plupart des textes d’histoire rédigés au Canada prennent la forme d’une
narration moralisatrice ou romantique et comportent une bonne dose de fiction. La mise
sur pied des Archives publiques du Canada, en 1872, donne toutefois une impulsion à la
conservation et à la compilation de documents objectifs et de sources courantes à des
fins d’analyse historique. Puis des chaires d’histoire sont fondées dans certaines universités au XXe siècle. En 1922, la Société historique du Canada amorce alors la publication
de la Canadian Historical Review. Si, dans les universités francophones, les premiers départements d’histoire n’apparaissent qu’après la Seconde Guerre mondiale, il faut néanmoins
souligner que, dès 1915, l’influent et controversé chanoine Lionel Groulx a déjà établi une
chaire d’histoire du Canada sur le campus montréalais (l’actuelle Université de Montréal)
de l’Université Laval.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 15
15
La science politique
Science politique
Discipline des sciences
humaines qui comporte
l’étude du pouvoir,
particulièrement le
pouvoir politique. Elle
s’intéresse à l’organisation des institutions
gouvernementales ainsi
qu’aux groupes qui
participent à la vie
politique nationale
et internationale.
La science politique a pour objet l’étude du pouvoir, plus particulièrement du pouvoir
politique. Elle s’intéresse à l’organisation des institutions gouvernementales ainsi qu’aux
groupes qui participent à la vie politique nationale et internationale. Elle analyse les processus décisionnels de même que les activités des gouvernements. Elle devient une
discipline autonome au cours des XVIIIe et XIXe siècles, et est reconnue comme discipline
scientifique au XXe siècle. Les premiers travaux de recherche portent sur la classification
des divers types de gouvernement et sur les raisons expliquant la naissance de l’État.
L’expansion des régimes démocratiques a ensuite pour effet d’élargir le champ de la
science politique à l’analyse de problématiques plus concrètes, par exemple les élections
et les tendances caractérisant le vote. Aujourd’hui, la recherche en science politique fait
fréquemment appel à la méthode d’enquête, surtout aux sondages d’opinion publique, et
à l’étude de cas.
Dans les universités anglophones canadiennes, la science politique est dominée par la
science économique, alors appelée économie politique, et ce, jusqu’à la fin de la Seconde
Guerre mondiale. L’Association canadienne de science politique, ainsi que la Revue canadienne d’économie et de science politique qu’elle publie, se consacre alors surtout à l’analyse économique et ne lance la Revue canadienne de science politique qu’après que des
économistes décident de former leur propre association et de publier leur propre revue.
Quant aux universités francophones, le développement de la science politique coïncide
fortement avec les rapides transformations sociales et politiques qui marquent le Québec
dans les années 1950 et 1960. L’expansion de la science politique se produit parallèlement à celle des universités francophones et débouche sur la constitution, au début des
années 1960, d’une association francophone de politologues, la Société québécoise de
sciences politiques, qui publie la revue Politique et sociétés.
La psychologie
Psychologie
Discipline des sciences
humaines qui met
l’accent sur le comportement et les processus
cognitifs humains.
La psychologie se consacre à l’étude des comportements et des processus de la pensée.
Les psychologues effectuent des travaux de recherche sur les perceptions, la mémoire, la
résolution de problèmes, l’apprentissage et l’utilisation du langage, l’adaptation au milieu
physique et social, et le développement normal et anormal de ces processus de l’enfance à
la vieillesse. L’observation du comportement des êtres humains et des animaux de même
que la réalisation d’études expérimentales concernant les effets des modifications du
milieu sur le comportement représentent les deux méthodes les plus souvent employées
pour l’étude des comportements.
Avant le XXe siècle, la psychologie est considérée au Canada comme un sous-domaine de la
philosophie. C’est ainsi qu’en 1889, un professeur du département de philosophie de l’université de Toronto, James Mark Baldwin, établit le premier laboratoire expérimental. Les
premiers départements de psychologie apparaissent dans les universités canadiennes au
cours des années 1920. En 1939, la Société canadienne de psychologie est créée et
entame la publication de la Revue canadienne de psychologie. Fondés au début des
années 1940, les premiers départements de psychologie des universités francophones
adoptent d’abord une philosophie d’inspiration catholique romaine, avant de s’orienter
davantage vers la recherche fondamentale à la fin des années 1950.
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16 CHAPITRE 1
16
La sociologie
Sociologie
Discipline des sciences
humaines dans laquelle
sont étudiés les groupes
humains ainsi que les
processus et les changements sociaux.
La sociologie prend forme à la fin du XIXe siècle en tant qu’étude de tous les aspects de la vie
sociale dans les sociétés industrialisées ou modernes. Aujourd’hui, elle se définit davantage
comme l’étude des rapports sociaux humains, des règles et des principes qui orientent ces
rapports ainsi que du développement des organismes et des mouvements qui préservent et
transforment la société. La sociologie est une vaste discipline comportant de nombreux
sous-domaines et chevauchant fréquemment les autres sciences humaines. En raison même
de son étendue et de sa diversité, elle ne privilégie aucune méthode de recherche particulière.
La sociologie ne prend de l’ampleur au Canada qu’assez récemment, bien que la mise sur
pied d’un département de sociologie à l’université McGill et à l’université de Toronto
remonte aux années 1920 et 1930 respectivement. En 1941, un économiste réputé,
Harold Innis, l’a même qualifiée de « Cendrillon des sciences humaines ». Si, dans les universités canadiennes, la sociologie acquiert le caractère d’une discipline autonome dès les
années 1940, la plupart des sociologues deviennent tout de même membres de l’Association canadienne de science politique jusque dans les années 1960. Puis, en 1966, des
sociologues et des anthropologues fondent la Société canadienne de sociologie et d’anthropologie, qui publie la Revue canadienne de sociologie et d’anthropologie. Au sein des universités francophones, la sociologie est à l’origine très influencée par l’Église catholique
romaine, mais cette influence ne tarde pas à s’étioler. La sociologie élargit alors sa portée et
suscite la publication de nouvelles revues, dont Sociologie et sociétés, apparue en 1968.
1.4 La recherche en sciences humaines
Sciences naturelles
Ensemble de disciplines qui étudient
les objets inanimés
(éléments chimiques,
forces physiques,
corps célestes, etc.)
et l’ensemble des
espèces animales.
S’il est vrai que les différentes disciplines des sciences humaines reposent sur la recherche
et partagent la perspective et la démarche des sciences naturelles, il n’en demeure pas
moins qu’elles présentent certains traits qui leur sont propres. Alors que les spécialistes
des sciences naturelles étudient les objets inanimés (éléments chimiques, forces physiques, corps célestes, etc.) et l’ensemble des espèces animales, les spécialistes en sciences
humaines concentrent toute leur attention sur les êtres humains avec lesquels ils peuvent
communiquer. La communication offre certes des avantages, pour l’élaboration de leurs
méthodes de recherche par exemple, mais elle pose en revanche plusieurs défis comme on
le verra plus loin. Les chercheurs en sciences naturelles peuvent soigneusement et systématiquement procéder à des observations et à des expériences, mais ils ne peuvent, sauf en
de rares exceptions, communiquer avec l’objet de leur étude. Pour leur part, les chercheurs
en sciences humaines ont la possibilité de mener des entrevues, des expériences et des
études, de consulter des documents et des lettres rédigées par des personnes décédées
depuis longtemps et de mieux connaître les cultures en participant à la vie des peuples. Ils
disposent ainsi d’un plus large éventail de méthodes de recherche et de techniques de collecte de données que celui de leurs homologues des sciences naturelles.
Toutefois, puisqu’une grande partie de la recherche en sciences humaines repose sur
l’étude directe des êtres humains avec lesquels les chercheurs peuvent communiquer, il
s’ensuit que cette recherche n’est pas à l’abri des émotions, des motivations politiques et
de diverses sources de partis pris. Par rapport à d’autres objets d’étude, il semble beaucoup
plus difficile d’examiner la réalité sociale et de formuler à son sujet des explications et des
conclusions solides et fermes. Comme toute expérimentation sur la vie sociale se révèle
plus ardue, un chercheur ne parvient pas toujours à cerner dans quelle mesure exacte un
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 17
17
facteur en influence un autre. De même, il est nettement plus complexe de repérer des éléments et des traits clairement mesurables dans la vie sociale que dans le monde naturel.
Les phénomènes humains ont souvent un caractère qualitatif, c’est-à-dire qu’on peut les
décrire avec des mots, mais pas les représenter simplement avec des nombres.
Il est également difficile d’isoler précisément le début et la fin d’un aspect de la vie
humaine. Quand la Révolution tranquille au Québec a-t-elle commencé ? Quand a-t-elle
pris fin ? On ne peut donner de réponses très précises à ces questions. Par ailleurs, la vie
sociale évolue constamment et rapidement. La vitesse à laquelle se succèdent les changements sociaux rend difficile la tâche des chercheurs qui s’efforcent de les observer et de les
décrire, et plus difficile encore s’ils souhaitent les expliquer et les interpréter. C’est pourquoi ces chercheurs sont moins susceptibles de produire un petit nombre de théories générales ou de solides explications qui s’appliquent à un grand nombre de phénomènes. En
fait, les généralisations et les explications formulées en sciences humaines valent pour un
petit ensemble d’époques et de lieux, s’accompagnent de maintes exceptions et sont souvent vivement contestées. Ce sont de telles caractéristiques qui expliquent tant les multiples
débats sur la nature, l’évolution et l’utilité des sciences humaines que les comparaisons
établies avec les sciences naturelles (voir la rubrique « Info-recherche 1.2 », page 18).
1.5 Les étapes de la démarche scientifique
Démarche scientifique
Série d’étapes permettant au chercheur de
réaliser une recherche
scientifique.
La recherche en sciences humaines impose l’utilisation d’une démarche scientifique à
suivre jugée acceptable par d’autres chercheurs scientifiques. Pour être telle, une recherche
doit être accomplie selon une série d’étapes. Nous proposons ici un modèle en cinq
grandes étapes (voir la figure 1.2).
Premièrement, on définit un problème ou une question de recherche qui soit utile et important, et qui puisse être approfondi. Deuxièmement, on décide de la méthode qu’on entend
utiliser pour effectuer la recherche et on élabore une technique de collecte de données.
Troisièmement, on procède à la collecte de données auprès de la population ou de l’échantillon conformément à la méthode et à la technique retenues. Quatrièmement, on analyse
les données recueillies. Cinquièmement, on communique tous les résultats de la recherche.
La présente section donne un aperçu (pas toujours linéaire) des étapes successives d’une
telle démarche. Il faut rappeler que la recherche scientifique n’est jamais exempte d’obstacles et de problèmes, car, après tout, les chercheurs sont des êtres humains et ils peuvent
donc faire des erreurs et interpréter incorrectement leurs résultats. De plus, le déroulement
d’une recherche peut prendre une tournure imprévue ou être entravé par différentes
1re étape
2e étape
3e étape
4e étape
5e étape
Le problème
de recherche
Les méthodes
et les techniques
de collecte
de données
La collecte
de données
L’analyse des
données et
l’interprétation
des résultats
La rédaction
du rapport
de recherche
Figure 1.2
Les cinq grandes étapes de la démarche scientifique.
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18 CHAPITRE 1
18
1.2
Les sciences humaines et la recherche en sciences humaines ont-elles
encore un avenir ?
Les sciences humaines se sont surtout formées au début du
XXe siècle à la suite des efforts déployés par certains chercheurs pour comprendre les sociétés et les comportements
dans l’espoir d’améliorer la condition humaine. Depuis
quelques dizaines d’années, toutefois, des doutes se sont
exprimés au sujet de l’utilité des sciences humaines et de
leurs recherches. Malgré ces doutes, les sciences humaines
demeurent valables et, comme le montre le présent
ouvrage, la recherche doit y être menée avec rigueur, afin
qu’elle puisse aider les êtres humains à mieux comprendre
la société et eux-mêmes et qu’elle parvienne à indiquer des
façons d’améliorer le monde et de régler des problèmes
tels que les conflits ethniques, le suicide, le chômage et le
réchauffement planétaire. Par ailleurs, les critiques soulèvent généralement des questions concernant, d’une part,
l’avenir de ces sciences et, d’autre part, les possibilités
d’emploi et de rémunération qui attendent les diplômés en
sciences humaines.
Une nouvelle étude conclut que les études en sciences humaines
et sociales répondent bien aux besoins de l’économie.
Un économiste de l’U.B.C. dissipe le mythe de la supériorité de la formation technique.
Dans l’économie fondée sur les connaissances, l’esprit d’analyse acquis au cours d’études en sciences
humaines et en sciences sociales a autant, et peut-être plus de valeur, que les études centrées sur la production et le maniement des nouvelles technologies, conclut une étude commandée par le Conseil de recherches
en sciences humaines et publiée le 6 décembre 1999.
« Les études en sciences humaines et en sciences sociales répondent aux besoins de l’économie canadienne
parce que l’utilisation très répandue des ordinateurs et de la technologie de l’information a révolutionné l’organisation bureaucratique des gouvernements et des entreprises », soutient M. Robert C. Allen, professeur
d’économie à U.B.C.2 et professeur invité à l’université Harvard, dans un rapport intitulé Education and Technological Revolutions : The Role of the Social Sciences and the Humanities in the Knowledge-Based Economy.
Les changements apportés à l’économie par la technologie de l’information accroissent la demande pour des
« aptitudes intellectuelles générales » qui sont celles développées par des études en sciences humaines et
sociales. Par exemple, la capacité de « comprendre l’information produite par les systèmes informatiques, de
l’analyser, de l’appliquer au contexte et de prendre des décisions en se fondant sur elle ».
Dans les secteurs transformés par les technologies de l’information comme la fabrication, le commerce de gros
et de détail, les finances, les services aux entreprises et les gouvernements, les compétences exigées des travailleurs ont « profondément » changé.
M. Allen ajoute que « L’important n’est pas tant qu’un employé sache se servir d’Excel, mais qu’il soit en
mesure d’appliquer un modèle à un problème, de traiter efficacement avec la clientèle et les membres d’une
équipe de gestion, d’écrire et de s’exprimer clairement et de former des jugements éclairés et impartiaux. Ces
aptitudes sont en forte demande parce que l’organisation des entreprises a connu une transformation radicale
pour être en mesure de tirer parti de l’abondance de l’information. Cette révolution augmente la demande de
diplômés en sciences humaines et en sciences sociales. »
Dissiper les mythes
Pour réfuter les arguments dits « techniques » voulant que l’économie ait davantage besoin de personnes
dotées d’une formation technique — ingénieurs, scientifiques et diplômés de programmes collégiaux d’études
professionnelles d’une durée d’un ou deux ans — que de diplômés en arts, M. Allen soutient que la conception actuelle de la valeur des programmes d’études ne coïncide peut-être plus aux besoins de l’économie
moderne fondée sur les connaissances.
« Même si les défenseurs des programmes techniques ont raison de dire que la demande de travailleurs et de
travailleuses possédant une formation technique augmente, il en va de même pour les diplômés en éducation,
en sciences humaines et en sciences sociales », précise l’étude.
2. University of British Columbia.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 19
19
« Contrairement à ce que disent les gens, il y a de la place pour les sciences humaines et les sciences sociales »,
ajoute M. Marc Renaud, président du CRSH3.
De son côté, Mme Louise Forsyth, présidente de la Fédération canadienne des sciences humaines et sociales, souligne que les conclusions de l’étude constituent un témoignage encourageant sur la valeur des études en
sciences humaines et en sciences sociales.
Selon Mme Forsyth, « les études et la recherche en sciences humaines et en sciences sociales constituent une
bonne manière d’obtenir un emploi et de contribuer efficacement à la vie de la société ».
Les chiffres
Partant du principe que la valeur des programmes d’études doit être mesurée par leur contribution au développement économique déterminé par l’apport de chaque travailleur et travailleuse à l’économie, M. Allen conclut
que le taux de rendement du capital investi dans les études en sciences humaines et en sciences sociales est
aussi élevé que celui des études en sciences et en génie.
S’appuyant sur les données des recensements de 1991 et de 1996, l’étude de M. Allen précise que tous les
diplômés d’université connaissent un taux de chômage inférieur et reçoivent un salaire plus élevé que les personnes pourvues d’un certificat d’aptitudes professionnelles ou d’un diplôme d’études collégiales. Cet état de
choses persiste à mesure que le niveau d’études s’élève : les détenteurs d’un doctorat trouvent en effet plus facilement un emploi et sont mieux rémunérés.
Même si les diplômés en sciences infirmières, en sciences de la santé, en éducation, en génie, en sciences physiques âgés de 25 à 29 ans ont plus de chance d’occuper un poste spécialisé ou de direction (plus de 80 % dans
tous ces domaines), les diplômés en sciences humaines et en sciences sociales ont autant de chance de détenir de
tels postes que les diplômés en commerce ou en biologie (environ 70 %). À mesure qu’ils avancent en âge, « les
diplômés en arts rattrapent souvent et même dépassent les personnes œuvrant dans d’autres domaines ».
L’étude de M. Allen indique aussi que le revenu moyen des hommes et des femmes possédant un diplôme universitaire est supérieur à celui des personnes pourvues d’un diplôme collégial.
On continue toutefois à constater une énorme différence entre le revenu des hommes et des femmes possédant
la même formation universitaire. En génie par exemple, les femmes détenant un diplôme de 1er cycle gagnent
environ 20 300 $ de moins que leurs collègues masculins. L’écart est d’environ 17 800 $ pour les diplômées en
commerce, et d’environ 11 500 $ en sciences sociales.
Cette inégalité persistante entre les sexes est « extrêmement inquiétante », souligne M. Renaud : « J’aurais cru
que cette situation se réglait lentement. »
Source : Fédération canadienne des sciences humaines. « Une nouvelle étude conclut que les études en sciences humaines et sociales
répondent aux besoins économiques », Perspectives, vol. 3, nº 6, le 17 janvier 2000 [En ligne], [www.fedcan.ca/francais/fromold/
persp2000-vol3no6.cfm] (12 juin 2006).
sources de confusion. C’est pourquoi la description de chacune des étapes est assortie de la
présentation de quelques problèmes et erreurs susceptibles de se produire.
1re étape : le problème de recherche
Un travail de recherche en sciences humaines nécessite une préparation attentive. La
démarche scientifique débute par le choix d’un sujet ou d’un problème de recherche. Prenons
l’exemple d’un étudiant qui décide d’effectuer une étude sur la pauvreté chez les jeunes. Son
intérêt pour la question découle du fait que, depuis quelques années, les médias ont périodiquement évoqué le fort taux de chômage chez les jeunes âgés de15 à 24 ans. Mais il se pose
maintenant des questions auxquelles les médias n’ont pas répondu: quelle est l’ampleur de ce
problème? S’est-il aggravé depuis quelques années? Y a-t-il des groupes sociaux comprenant
une proportion anormalement élevée d’adolescents pauvres? Quelles en sont les causes?
3. Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
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20 CHAPITRE 1
20
Pour essayer de répondre à toutes ces questions, l’étudiant doit ensuite préciser davantage la question à examiner. À cette fin, il se tourne d’abord vers des sources d’information pertinentes, y compris les études universitaires. En d’autres termes, il passe en revue
les publications en la matière. Ce faisant, il prend connaissance des questions spécifiques
analysées par d’autres chercheurs, des techniques qu’ils ont utilisées pour réunir les faits,
de la définition qu’ils ont retenue pour certains, etc. Après avoir dépouillé les études et les débats existants sur la question, il pourra plus précisément formuler la question qu’il entend
examiner. Cette question doit prendre la forme d’un énoncé clair et concis qui orientera sa
recherche des faits. Il formule alors l’hypothèse de recherche. La vérification de celle-ci
devient alors la tâche à accomplir pour mener à bien sa recherche. Le processus d’élaboration du problème de recherche est décrit en détail dans le chapitre 2.
2e étape : les méthodes et les techniques de collecte
de données
Il se peut que l’étudiant obtienne de Statistique Canada des données l’amenant à penser
que le problème de la pauvreté chez les jeunes prend une ampleur croissante. S’il existe
déjà beaucoup de documents traitant de la pauvreté en général, très peu ont toutefois été
consacrés à la pauvreté chez les jeunes en particulier. Le type de recherche qu’entreprendra
l’étudiant dépend de la nature des questions qu’il souhaite approfondir et détermine les
méthodes de recherche ainsi que les diverses techniques de collecte de données à employer.
Recherche
exploratoire
Type de recherche
qui vise à mettre
au jour de l’information sur un sujet
pour lequel un chercheur ne peut
s’appuyer que sur
un très petit nombre
de travaux de
recherche existants.
L’étudiant doit d’abord choisir une démarche générale : sa recherche sera-t-elle exploratoire, descriptive ou explicative ?
La recherche exploratoire
Après avoir pris connaissance des travaux disponibles sur la pauvreté chez les jeunes, il peut
en conclure que les données sont si peu nombreuses ou incomplètes qu’il est nécessaire d’établir un portrait général de la situation. Il s’agit donc d’une recherche exploratoire. Une telle
recherche vise à découvrir un phénomène en réunissant le plus de données possible sur le
sujet. S’il existe plusieurs méthodes de recherche en sciences humaines découlant d’une description exploratoire, nous retiendrons particulièrement dans cet ouvrage l’étude sur le terrain.
La recherche descriptive
Recherche descriptive
Type de recherche
comportant l’observation systématique et la
description précise d’un
phénomène humain.
Après la découverte d’un phénomène comme la pauvreté chez les jeunes, la démarche
suivante consisterait à le décrire clairement dans toutes ses variantes. Il est ainsi possible
que l’élaboration d’une description précise et exhaustive suive de près la recherche exploratoire initiale. Dans ce cas-ci, après avoir démontré l’existence de la pauvreté chez les
jeunes, l’étudiant pourrait entreprendre un examen détaillé de la situation des jeunes
hommes par rapport à celle des jeunes femmes, des différences entre les fugueurs et les
décrocheurs habitant chez leurs parents, des différents types et degrés de pauvreté dans
certaines régions spécifiques, etc. Un tel examen ferait davantage l’objet d’une
recherche descriptive.
Recherche explicative
Type de recherche qui
vise à expliquer les
causes d’un événement
ou d’un phénomène
récurrent observé.
La recherche explicative
La recherche explicative dépasse la simple description d’une situation et réunit des
données visant à révéler les causes de cette situation. Dans le cas présent, elle aurait
pour objectif d’établir pourquoi la pauvreté chez les jeunes s’est accrue au cours d’une
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 21
21
période donnée ou dans certaines régions plutôt que dans d’autres, ou pourquoi les
jeunes ayant des antécédents particuliers sont plus vulnérables que les autres. La
recherche explicative repose généralement sur une démarche plus précise, sur l’emploi
de techniques spécifiques pour le choix des sources d’information et sur le recours à des
entrevues ou à des sondages systématiques fondés sur des questionnaires et, parfois, à
des procédés expérimentaux.
L’étude sur le terrain
Étude sur le terrain
Méthode de recherche
de type exploratoire
comportant l’étude
de phénomènes
humains pendant
leur déroulement
naturel en milieu réel,
assortie d’un minimum
de contrôle, de
manipulation et
de leurres.
L’étude sur le terrain (voir le chapitre 6) est une méthode de recherche de type
exploratoire (donc de nature qualitative) comportant l’étude de phénomènes
humains pendant leur déroulement naturel en milieu réel. Dans l’exemple précédent, l’étudiant, pour amorcer des contacts avec les jeunes de la rue, offrirait
bénévolement ses services à un centre d’aide destiné aux jeunes, à une clinique
communautaire ou à un autre organisme d’aide aux démunis et aux sans-abri.
Après avoir établi ses premiers contacts et gagné la confiance des jeunes, il en saurait davantage sur leur vie actuelle et sur les événements ayant abouti à leur situation présente, et il pourrait ensuite faire la connaissance d’autres jeunes menant
une vie similaire. En outre, il aurait la possibilité d’interroger d’autres bénévoles et
des spécialistes en travail communautaire sur le problème de la pauvreté chez les
jeunes, et ces bénévoles pourraient par la suite le diriger vers d’autres spécialistes
de la question, des travailleurs sociaux et des enseignants par exemple. À partir de
toutes ces sources d’information, l’étudiant pourrait brosser un portrait de la pauvreté chez les jeunes, dans lequel figureraient tant des données sur la vie des jeunes
eux-mêmes que les divers points de vue des personnes qui les côtoient quotidiennement et qui connaissent bien leur situation.
La méthode d’enquête
Méthode d’enquête
Méthode de recherche
de type descriptif
qui vise à obtenir
des informations
sur les pensées, les
comportements ou
les conditions de vie
d’une population en
l’interrogeant.
Un chercheur procédant à une recherche descriptive fera souvent appel à la
méthode d’enquête (voir le chapitre 4) et remettrait donc des questionnaires aux
bénévoles et aux professionnels concernés qui, après les avoir distribués aux personnes faisant l’objet de l’étude, seraient ensuite interrogés par le chercheur au
sujet des réponses qu’ils ont obtenues. L’enquête pourrait être étendue à une
plus longue période de temps ou acquérir une portée plus large, auquel cas le
chercheur irait consulter non seulement les statistiques du gouvernement fédéral, mais aussi celles des gouvernements provinciaux. Souvent utilisée en sciences
humaines, la méthode d’enquête s’avère très utile pour obtenir des informations sur les intentions de vote, sur l’opinion des gens ou encore sur des comportements de nature privée comme sur l’âge de la première expérience sexuelle
des jeunes.
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22 CHAPITRE 1
22
La méthode expérimentale
La méthode expérimentale (voir le chapitre 5) est une méthode de recherche de
type explicatif qui vient des sciences de la nature, mais elle est aussi utilisée en
sciences humaines, particulièrement en psychologie. Elle consiste à isoler, contrôler
et manipuler les principales variables d’une hypothèse. On peut par exemple, à
l’aide d’expériences sur le terrain, essayer d’établir les conditions et les circonstances spécifiques qui caractérisent les jeunes démunis.
Méthode
expérimentale
Méthode de recherche
de type explicatif
visant à isoler, contrôler
et manipuler les principales variables
d’une hypothèse.
Par conséquent, le type de recherche adoptée (exploratoire, descriptif ou explicatif)
détermine des méthodes de recherche et des techniques de collecte de données qui sont
bien distinctes les unes des autres et influe considérablement sur la part relative des
analyses qualitatives et des analyses quantitatives effectuées pour la recherche. Le
tableau 1.1 résume les principales particularités des trois méthodes de recherche directes
retenues dans cet ouvrage.
Il existe plusieurs façons de classifier les méthodes de recherche. Nous venons de présenter
une de ces façons selon qu’il s’agit d’une recherche exploratoire, descriptive ou explicative.
Toutefois, il convient aussi de distinguer les méthodes directe et indirecte.
• Méthode directe : elle fait appel à des techniques de collecte de données qui comprennent
une interaction directe avec les individus étudiés (questionnaire, entrevue, expérimentation) ou une observation directe de leur comportement (prise de notes).
• Méthode indirecte : elle implique que les données recueillies sont les résultats des activités
humaines (œuvres d’art, traces, vestiges, débris, changements dans l’environnement
physique, etc.).
Les chapitres 4, 5 et 6 sont consacrés à la construction et à l’application des méthodes
directes. Plus précisément, le chapitre 4 traite de la méthode d’enquête ; le chapitre 5, de la
méthode expérimentale, et le chapitre 6, de l’étude sur le terrain. Quant au chapitre 7, il
présente les particularités des méthodes et techniques indirectes (l’analyse de traces,
l’analyse de contenu et l’analyse de statistiques).
Ainsi, nous pensons qu’il est plus pertinent pour la personne qui s’initie aux méthodes en
sciences humaines de s’attarder davantage aux méthodes directes (c’est pourquoi nous y
Tableau 1.1
Les principales méthodes de recherche directes.
Type de recherche
Méthode de recherche
But
Exploratoire
Étude sur le terrain
Mettre à jour de l’information sur un phénomène pendant
son déroulement en milieu réel.
Descriptif
Méthode d’enquête
Obtenir de l’information en interrogeant des individus à l’aide
d’un questionnaire ou d’une entrevue.
Explicatif
Méthode expérimentale
Isoler, contrôler et manipuler, à l’aide d’une expérience, un
phénomène pour en mesurer l’effet sur un autre.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 23
23
consacrons trois chapitres). En effet, celles-ci sont, à notre humble avis, plus pratiques dans
leur application, alors que les méthodes (et les techniques) indirectes requièrent plus d’expérience et de connaissances en recherche pour déterminer la valeur et la signification des données trouvées. Le chercheur débutant aura donc avantage à demander l’aide d’un chercheur
d’expérience s’il veut les employer.
3e étape : La collecte de données
Après avoir défini tant le type de recherche (exploratoire, descriptif ou explicatif) que les
moyens à utiliser pour obtenir les données, l’étape suivante consiste à entrer véritablement en
contact avec la réalité afin de recueillir des données. Comme les chapitres 4 à 7 décrivent en
détail l’ensemble de ces moyens, il sera seulement question ici de deux problèmes importants
associés à la collecte de données: l’échantillonnage et les erreurs liées à la collecte de données.
La plupart des travaux de recherche comportent un échantillonnage, c’est-à-dire que seule
une petite partie de la population peut être étudiée. Dans le cas présent, l’étudiant ne pourra
trouver et rencontrer tous les jeunes démunis et il n’aura pas non plus le temps de se rendre
à tous les centres d’aide ou de discuter avec tous les spécialistes de la question, il est également possible que les statistiques disponibles à ce sujet ne remontent pas au-delà de 1971.
Erreurs
Informations ou
données inexactes qui
apparaissent au cours
d’une recherche. Une
erreur peut, entre
autres, résulter d’une
lacune ou d’un parti
pris dans les sources primaires, d’une mésentente ou d’un préjugé
culturels, d’un plan
d’expérience imparfait, d’un questionnaire
erroné, d’un problème
d’échantillonnage.
Analyse des données
Travail d’interprétation
des récurrences propres
à des données. En
recherche quantitative,
ce travail constitue souvent une étape distincte
qui suit la collecte et
l’organisation des données, alors que, en
recherche qualitative,
il a généralement lieu
en même temps que
celles-ci.
Ainsi, pour diverses raisons, toute étude factuelle ne peut porter que sur un échantillon, soit
une partie de l’objet de la recherche. La façon dont un échantillon est défini ou constitué
aux fins d’une étude s’avère fort importante (voir le chapitre 3). Il est essentiel de s’assurer
que l’échantillon étudié soit représentatif de l’ensemble dont il a été tiré, sans quoi l’étude
risque d’être subjective et de donner une image déformée et tendancieuse de la réalité.
Le deuxième problème réside dans le fait que tous les moyens employés lors d’une
recherche sont susceptibles d’engendrer des erreurs. Ainsi, lorsqu’un chercheur distribue
un questionnaire, il est toujours possible que des répondants cochent accidentellement une
case ne correspondant pas à la réponse désirée, qu’ils omettent une question ou qu’ils
donnent volontairement une fausse réponse. Un chercheur ne peut guère empêcher des
répondants de tenter de deviner l’objectif de sa recherche et de modifier leur comportement
afin de favoriser ou d’entraver l’atteinte de cet objectif. Les chercheurs expérimentés peuvent même susciter une légère modification du comportement des personnes observées.
Tous ces moyens de recherche sont nécessaires pour la collecte de données, mais tous
peuvent engendrer des données erronées.
4e étape : l’analyse des données et l’interprétation
des résultats
Les faits ou les données réunis au cours d’une recherche doivent être organisés et analysés
afin que leur portée soit bien comprise. Un chercheur doit lire et relire ses notes prises sur le
terrain s’il veut cerner les valeurs, les intérêts et les perceptions que les individus partagent.
Il doit coder et comptabiliser les réponses données dans des dizaines ou des centaines de
questionnaires s’il tient à repérer des courants d’opinion et à les associer aux caractéristiques des différents groupes de répondants. Il doit éplucher et réorganiser les statistiques
gouvernementales s’il souhaite y découvrir des tendances ou des récurrences. Enfin, le
chercheur doit se prononcer sur l’atteinte des objectifs ou la confirmation des hypothèses de
départ. Ce travail de tri, de réorganisation, d’analyse et d’interprétation s’effectue à l’étape
de l’analyse des données, lors de laquelle les données sont répertoriées et interprétées.
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24 CHAPITRE 1
24
L’analyse des données revêt différentes formes, selon que la recherche possède un caractère quantitatif ou qualitatif (voir le chapitre 8).
Une mauvaise organisation des données peut, quant à elle, susciter des impressions floues
ou trompeuses. Deux importants problèmes peuvent surgir à cette étape : tirer des conclusions inadéquates et oublier des éléments surprenants ou imprévus. Dans le premier cas,
on peut procéder à des généralisations abusives et formuler des affirmations fortes qui
reposent sur des cas trop peu nombreux ou trop peu convaincants. La tendance à inscrire
des observations dans des modèles nets et précis peut effectivement entraîner des simplifications exagérées de même que la constitution artificielle de regroupements logiques afin
d’en tirer des conclusions claires. Quant au second problème, des éléments imprévus peuvent échapper aux regroupements logiques exprimés dans les hypothèses et les questions
de recherche initiales, ce qui rend leur apparition particulièrement difficile à expliquer.
Dans sa volonté de donner un sens à toutes les données, un chercheur peut alors improviser de nouvelles explications qui rendent compte des faits observés, mais qui ne concordent peut-être plus avec les hypothèses initiales.
5e étape : la rédaction du rapport de recherche
Toute recherche est sans intérêt si son auteur demeure le seul à en connaître les résultats.
La raison d’être de la recherche réside dans l’élargissement du savoir et, en ce qui concerne la
recherche appliquée, dans l’amélioration du savoir-faire par exemple, guérir les maladies
mentales ou lutter contre la pauvreté. Si personne n’était informé des découvertes des chercheurs, les erreurs du passé se répéteraient, les nouvelles situations ne seraient pas bien
comprises et les efforts visant à régler les problèmes sociaux seraient moins fructueux.
L’étape finale de la démarche scientifique consiste à rédiger et à diffuser un rapport de
recherche. Quels que soient les lecteurs auxquels le rapport est destiné (professeur, chercheur, client ou organisme), son auteur doit clairement indiquer les raisons pour lesquelles
il a choisi le problème, la méthode et la technique de collecte de données, les moyens utilisés pour mener à bien cette recherche, les résultats obtenus et l’interprétation qu’il en fait.
Chacun de ces éléments doit être présenté d’une façon suffisamment claire et détaillée pour
que d’autres chercheurs puissent reproduire la recherche s’ils le souhaitent. En d’autres
termes, des chercheurs qui ne seraient pas entièrement persuadés de l’exactitude des résultats obtenus doivent avoir la possibilité de procéder à une recherche du même type. Si
d’autres chercheurs obtiennent des résultats analogues, la recherche initiale sera alors validée
Tableau 1.2
Les cinq grandes étapes de la démarche scientifique.
Étapes de la démarche scientifique
Chapitres associés
1. Le problème de recherche
Chapitre 2 — Choix d’un sujet et état de la problématique
2. Les méthodes et les techniques de collecte de données
Chapitre 4 — Méthode d’enquête
Chapitre 5 — Méthode expérimentale
Chapitre 6 — Étude sur le terrain
Chapitre 7 — Méthodes et techniques indirectes
3. La collecte de données
Chapitre 3 — Choix d’un échantillon
4. L’analyse des données et l’interprétation des résultats
Chapitre 8 — Quels sont les résultats ?
5. La rédaction du rapport de recherche
Chapitre 9 — Rapport de recherche
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 25
25
et servira de point de départ à de nouveaux travaux de recherche. Il est évidemment possible aussi que la recherche initiale soit tellement convaincante que personne ne jugera
nécessaire de la reproduire. Dans les deux cas, la recherche initiale n’appartient plus à son
auteur, mais bien à tous les chercheurs. Elle fait désormais partie du savoir commun.
Comme on le voit, la recherche en sciences humaines favorise l’accumulation des connaissances sur une question donnée et indique d’autres voies à explorer, si bien qu’on peut
considérer qu’elle ne cesse jamais : lorsqu’une étude prend fin, une autre commence et
poursuit l’approfondissement du savoir sur les êtres humains et leur univers social.
Le tableau 1.2 énumère les chapitres du présent ouvrage se rapportant à chacune des cinq
grandes étapes de la démarche scientifique. Les étapes sont présentées d’une façon relativement simple afin que le lecteur puisse procéder à sa propre recherche ou évaluer les travaux d’autres chercheurs.
1.6 L’approche quantitative et
l’approche qualitative
Approche
quantitative
Démarche numérique
en matière de collecte et
d’analyse des données
en vue de la description
et de l’explication de
certains phénomènes.
Cette démarche est
surtout associée à la méthode d’enquête et la
méthode expérimentale.
Approche qualitative
Démarche non numérique en matière de
collecte et d’analyse
des données, qui vise
la mise au jour des significations et des récurrences sous-jacentes.
Cette démarche est
particulièrement utilisée
en recherche exploratoire (étude sur le
terrain par exemple).
Les différences entre l’approche (ou la recherche) quantitative et l’approche (ou la
recherche) qualitative ont déjà été évoquées à quelques reprises dans ce chapitre, étant
donné leur importance dans chacune des disciplines des sciences humaines. Ces deux
approches de recherche se sont développées parallèlement à la mise en relief croissante du
caractère scientifique de ces disciplines. Décrites brièvement dans le tableau 1.3, elles sont
toutes deux utilisées dans de nombreuses études. Bien que leurs méthodes et leurs techniques respectives diffèrent quelque peu, l’approche quantitative et l’approche qualitative
comportent les mêmes grandes étapes. Elles se caractérisent toutes deux par les liens systématiques établis avec les travaux de recherche antérieurs et par un mode de présentation des résultats permettant aux chercheurs d’approfondir ultérieurement les études
faites. L’une ou l’autre approche est retenue en fonction de l’objectif visé et donc du type
de recherche (exploratoire, descriptif ou explicatif), des questions examinées, de la faisabilité de l’étude envisagée ainsi que des préférences et des compétences du chercheur.
L’approche quantitative sera privilégiée si le but de la recherche est de décrire de façon
détaillée un phénomène ou de l’expliquer en établissant des liens entre différents éléments.
Elle met l’accent sur des mesures précises, sur le recours à des données numériques et,
lorsque c’est possible, sur l’utilisation de techniques d’échantillonnage favorisant des généralisations plus fiables (voir le chapitre 3 au sujet de l’échantillonnage). Elle se distingue
surtout par la réalisation d’enquêtes, d’expériences ou d’analyses de statistiques en vue
de la collecte ou de la production d’autres données (voir les chapitres 4, 5 et 7), soit autant de
moyens permettant aux chercheurs de formuler une description mathématique des relations à l’aide de tableaux et de graphiques, d’utiliser des statistiques descriptives et de vérifier des hypothèses grâce à l’analyse inférentielle (voir le chapitre 8).
L’approche qualitative met l’accent sur des descriptions détaillées des actions, des affirmations et des modes de vie des individus, ce qui englobe généralement leurs biens, leurs
objets culturels et leurs milieux de vie. Cette approche s’appuie fréquemment sur des études
de cas ou sur l’examen de situations inusitées ou « marginales » afin de mieux mettre en
lumière les cas généraux ou « normaux ». Elle fait appel à des méthodes telles que l’étude
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26 CHAPITRE 1
26
Tableau 1.3 L’approche quantitative et l’approche qualitative.
Étapes de la démarche scientifique
re
1 étape : Le problème de recherche
Choix du sujet et formulation d’une hypothèse ou d’une question
de recherche (voir le chapitre 2).
Approche quantitative
Approche qualitative
e
2 étape : Les méthodes et les techniques de collecte de données
But
Décrire ou expliquer.
Explorer.
Accent
Variables-clés.
Facteurs généraux interreliés.
Méthodes
Enquête (voir le chapitre 4).
Expérimentation (voir le chapitre 5).
Étude sur le terrain (voir le chapitre 6).
Analyse de traces (voir le chapitre 7).
Techniques
Questionnaire.
Entrevue.
Test.
Analyse de contenu.
Analyse de statistiques.
(voir les chapitres 4, 5 et 7).
Prise de notes.
Intervention du chercheur
Importante.
Minimale.
Échantillonnage
Échantillonnage aléatoire visé
(voir le chapitre 3).
Échantillons non aléatoires souvent
utilisés (voir le chapitre 3).
Point de départ
Déductive.
Inductive.
Analyse
Analyse univariée et/ou bivariée
des données (voir le chapitre 8).
Interprétation qualitative
du chercheur (voir le chapitre 8).
5e étape : La rédaction du rapport
de recherche
(voir le chapitre 9).
(voir le chapitre 9).
Entrevue de fond.
Analyse de contenu qualitative.
Recherche documentaire.
(voir les chapitres 6 et 7).
3e étape : La collecte de données
4e étape : L’analyse des données
sur le terrain (voir le chapitre 6) ainsi qu’à des techniques de collecte de données comme
l’entrevue à questions ouvertes et l’interprétation de document. Elle se conclut habituellement par une présentation orale ou écrite des données qui comporte peu de quantification.
En ce qui concerne les questions formulées, l’approche quantitative vise à déterminer,
d’une part, l’intensité des relations entre les variables et, d’autre part, la représentation
quantitative des régularités et des tendances sociales. Dans le premier cas, on pourrait par
exemple penser à une enquête portant sur les types de variables sociales et psychologiques qui influent sur les différentes situations en matière de santé et de maladie. Dans
le second, il pourrait s’agir d’une analyse de la croissance du nombre d’adeptes du télétravail, c’est-à-dire des personnes qui travaillent à la maison tout en étant reliées au lieu
de travail de leur employeur par le modem de leur ordinateur. Combien de personnes pratiquent le télétravail ? Quel en est le taux de croissance ? Quels types d’entreprises favorisent le télétravail ? Quels types de travail ces personnes effectuent-elles ?
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 27
27
L’auteur d’une recherche qualitative formule généralement des questions sur les expériences et les significations subjectives propres aux situations sociales. Il s’intéresse également aux sous-cultures (par exemple les normes informelles qu’appliquent des groupes
d’amis à l’école ou les relations amicales entre des collègues de travail), ainsi qu’à leurs
rapports avec la culture institutionnelle plus générale mise en valeur par les enseignants
et les gestionnaires. À une échelle historique plus large, il étudie souvent les mouvements et
les conflits sociaux qui découlent de phénomènes comme les changements apportés à la
caractérisation et au contrôle de diverses substances (comme les drogues), les modifications touchant la compréhension et le traitement des maladies mentales ou d’autres changements institutionnels et culturels analogues à grande échelle.
Certains travaux se prêtent mieux à un type d’approche qu’à un autre. Par exemple, il est
souvent difficile, dans le cadre d’une étude quantitative, d’obtenir un vaste échantillon des
membres d’une secte ou des sans-abri. Des données de recensement fiables ne sont disponibles, dans la plupart des sociétés industrialisées, que pour les 150 dernières années, si
bien que l’auteur d’une étude historique doit se contenter de statistiques fragmentaires et
les associer à des données qualitatives, même pour l’examen de questions démographiques ou économiques. Les études comparatives, qui portent sur des époques ou des
sociétés éloignées les unes des autres, s’appuient souvent sur des données rassemblées de
différentes manières de sorte que toute comparaison nécessite une interprétation qualitative attentive, même dans le cas de données quantitatives.
Enfin, la qualité de toute recherche dépend également des compétences, de la créativité et
des préférences de son auteur. Certains chercheurs adoptent un type d’approche plutôt
qu’un autre et y acquièrent ainsi une compétence accrue. Rares sont ceux qui préfèrent
tant l’approche quantitative que l’approche qualitative.
1.7 Les contraintes inhérentes à la recherche
Jusqu’à maintenant, la recherche en sciences humaines a été présentée comme un processus à caractère presque uniquement intellectuel, mais il est certain qu’elle exige aussi la
mobilisation de ressources de tout type. C’est pourquoi un chercheur doit consacrer une
partie de son temps, de son énergie et de son talent à l’obtention et à la gestion des ressources qui lui sont nécessaires. De plus, la recherche est une activité humaine, à laquelle
le chercheur apporte une gamme de prémisses et de perspectives sociales et personnelles.
Par ailleurs, ceux qui font l’objet d’une recherche ne sont pas toujours de simples sujets
passifs qui acceptent d’exposer leur vie à une étude scientifique. Diverses circonstances
sociales font en outre varier le degré d’importance d’une question ainsi que la façon dont
elle est envisagée et étudiée.
Les ressources
Effectuer des recherches exige du temps, de l’argent et diverses autres ressources, qui sont
autant d’éléments disponibles en quantités limitées. Le rapport de recherche peut-il être
rédigé d’ici l’échéance prévue ? Est-il trop coûteux de poster des questionnaires à un
échantillon suffisamment large ? Sera-t-il possible d’interroger les résidants d’un établissement ? Les personnes amorçant leur premier travail de recherche sont souvent stupéfaites
de découvrir qu’elles doivent consacrer une si grande partie de leur temps et de leur énergie
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28 CHAPITRE 1
28
à l’organisation et à la gestion de ces ressources afin de mener à bien leur recherche.
Avant même d’entreprendre la recherche, il faut évaluer le temps et les ressources qui
seront nécessaires. Une telle évaluation doit être effectuée dans le cadre du choix des
méthodes et de la construction des techniques de collecte de données, soit dès la deuxième
étape du travail de recherche. Pour qu’une question puisse faire l’objet d’une recherche, il
faut s’assurer non seulement de sa pertinence, en ce qui concerne sa signification et son
importance par rapport à d’autres travaux, mais aussi de son caractère pratique, en ce qui
a trait aux ressources accessibles au chercheur.
L’éthique
Éthique
Ensemble de questions
morales, incontournables en sciences
humaines, qui consistent
à assurer l’honnêteté
du chercheur en matière
de reconnaissance des
sources de ses idées et
de publication de ses
résultats, le traitement
juste et humain des
participants d’une
expérience ainsi que
la confidentialité et
l’anonymat des répondants d’une enquête
et des sources d’information d’un travail sur
le terrain.
Les chercheurs en sciences humaines sont également soumis à diverses contraintes associées à l’objet de leur recherche, les êtres humains. La plus importante de ces contraintes
est liée à l’éthique : quelles sont les responsabilités d’un chercheur envers les personnes
qu’il rencontre au cours de sa recherche ? Les expériences effectuées avec des sujets
humains doivent clairement satisfaire à l’obligation fondamentale de les traiter avec respect
et dignité. Presque toutes les méthodes de recherche en sciences humaines soulèvent des
questions éthiques relatives à l’ampleur du stress que peut imposer la recherche, à la quantité
d’information qui peut être obtenue et à la protection qui doit être accordée à la vie privée des
individus. Toutes les associations professionnelles en sciences humaines ont mis au point,
à l’intention de leurs membres, certains principes directeurs en matière d’éthique (voir la
rubrique « Pour en savoir plus », page 29). Les corps constitués qui financent la recherche,
tels les États et les universités, s’assurent continuellement que les études sont réalisées
conformément à ces principes directeurs. Les questions éthiques seront examinées lors de
la présentation des principales méthodes de recherche dans les chapitres ultérieurs.
Les problèmes liés aux phénomènes humains
Les chercheurs éprouvent diverses difficultés lorsqu’ils étudient le comportement humain.
Ainsi, les individus peuvent être réticents à accorder des entrevues ou à laisser quelqu’un
les observer. Seules quelques personnes acceptent par exemple de renvoyer par la poste
le questionnaire qu’elles ont rempli ; les gens qui exercent un certain pouvoir — aussi bien
que certains marginaux — préfèrent garder secrètes leurs activités et leur vie ; d’autres
encore sont incapables d’exprimer clairement leurs sentiments et leurs opinions ; et il est
souvent difficile, pour les historiens notamment, d’étudier la vie des simples citoyens qui
laissent rarement derrière eux documents et monuments pouvant témoigner de leurs activités. Les chercheurs doivent donc demeurer très vigilants en ce qui concerne les nombreuses façons par lesquelles les êtres humains parviennent à se masquer, à tromper
autrui ou à restreindre l’accès à leur existence et à leurs pensées.
Le contexte social et les inclinations personnelles
D’autres contraintes ou pressions découlent du contexte social ou personnel dans lequel
s’inscrit la recherche. Les sciences humaines étudient une part de la réalité qui change
rapidement et soulève la controverse : la société, les relations humaines et les traits psychologiques humains. C’est ce qui explique que la question de la violence familiale n’est
devenue un objet de recherche que tout récemment. Par ailleurs, si des chercheurs canadiens ont commencé, dès les années 1970, à s’intéresser à la question de la domination
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 29
29
Les questions d’éthique
Est-il acceptable ou non d’observer des personnes, aux fins d’une
recherche, sans qu’elles le sachent ? Est-il acceptable ou non de
demander l’origine ethnique des personnes répondant à un questionnaire ? Est-il acceptable ou non d’obliger des étudiants à participer au projet de recherche d’un professeur ? Est-il acceptable ou non
qu’un membre d’une équipe de chercheurs révèle les résultats partiels d’une étude sans avoir obtenu le consentement préalable des
autres membres de l’équipe ? Voici quelques éléments de réflexion.
• On demande à une personne collaborant à un projet de
recherche de prendre part à un débat sur l’immigration. Au cours
de celui-ci, tous les autres participants expriment leur vive opposition à l’immigration et tiennent des propos racistes sur différents
groupes ethniques. À la fin, tous doivent remplir un questionnaire
portant sur leur opinion au sujet des groupes ethniques évoqués
pendant le débat. Lorsque la personne remet son questionnaire,
le chercheur l’informe que tous les autres participants étaient des
comédiens et qu’il leur avait demandé d’exprimer leur opposition à l’immigration et de tenir des propos racistes sur divers
groupes ethniques. Une telle étude comporte-t-elle des problèmes éthiques ? Qu’est-ce que le chercheur devrait dire ou ne
pas dire à la personne avant, pendant et après le débat? Y a-t-il
autre chose que le chercheur devrait faire ou ne pas faire?
• Un chercheur procède à une étude sur les bandes de jeunes.
Au cours de l’étude, il côtoie ces bandes pendant un certain
temps et constate qu’elles déploient certaines activités illégales.
Mise au courant de la recherche, la police municipale demande
au chercheur de lui donner les noms des membres de ces
bandes. Que devrait faire ou ne pas faire ce chercheur ?
• Des chercheurs effectuent une enquête sur le comportement
sexuel des étudiants. Dans l’introduction de leur questionnaire, ils
mentionnent clairement que les réponses des étudiants demeureront confidentielles. Ils ne demandent pas le nom des répondants
ou de renseignements susceptibles de révéler leur identité.
Toutefois, au moment de la compilation des données tirées des
questionnaires, les chercheurs s’aperçoivent que les réponses
indiquées à propos de l’âge leur permettent d’identifier certains
répondants. Que devraient faire ou ne pas faire les chercheurs?
• Un chercheur souhaite étudier le comportement des enfants
lorsqu’ils participent à certaines activités artistiques. Un ami de
ce chercheur, propriétaire d’un camp de vacances estivales,
accepte qu’il réalise son étude. Durant ses préparatifs, le chercheur découvre que les parents n’ont pas été invités à donner
leur approbation concernant l’étude. Selon son ami, il serait trop
problématique de la leur demander, puisqu’il lui faudrait un certain temps pour l’obtenir et que les activités artistiques doivent
être terminées avant la fermeture du camp. Le propriétaire du
camp insiste pour que le chercheur procède tout simplement à
son étude. Que devrait faire ou ne pas faire le chercheur ?
Il est clair que les questions d’éthique possèdent une importance primordiale tout au long du processus de recherche. C’est
précisément pour cette raison qu’une section portant sur l’aspect
éthique accompagne chacun des chapitres consacrés aux principales méthodes de recherche. L’éthique doit être prise en compte
dès le début du processus et intégrée au plan de la recherche. En
d’autres termes, d’éventuels problèmes éthiques et leur traitement
doivent être envisagés avant toute autre démarche. Il est suggéré à
tout chercheur de considérer la situation comme s’il était lui-même
un participant de sa propre étude.
Il est cependant possible qu’aucune règle existante ne permette de déterminer si une situation doit faire l’objet d’une
réflexion éthique. Dans un tel cas, les principes directeurs en
matière d’éthique formulés par les associations professionnelles du
Canada (voir la section « Sites Internet » à la fin du chapitre) peuvent s’avérer utiles.
des États-Unis sur l’économie canadienne, bon nombre de ces mêmes chercheurs consacrent aujourd’hui leurs travaux à l’incidence de l’économie mondiale sur le Canada. De
tels changements résultent de l’évolution des conditions sociales et donc des perceptions
de ce qui constitue des questions, des idées et des phénomènes importants dans la société.
Puis, ces mêmes changements amènent les chercheurs à diriger leur attention vers de
nouveaux domaines et à en délaisser d’autres.
En outre, la recherche en sciences humaines recourt à une large gamme de conceptions et
de méthodes : les expériences en laboratoire, les enquêtes, le travail sur le terrain, etc. Elle
se caractérise aussi par les nombreux modèles adoptés, qui vont du modèle scientifique
des expériences et de l’analyse statistique au modèle humaniste de l’histoire orale et de
maintes études sur le terrain. Chaque chercheur manifeste un intérêt pour des questions
spécifiques et pour un certain modèle de recherche, parce que chacun a des priorités, des
perceptions et des habiletés qui lui sont propres.
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30 CHAPITRE 1
30
Après avoir pris connaissance des différentes démarches de recherche, vous serez donc à
même d’identifier celles qui vous paraissent les plus intéressantes et que vous serez plus
apte à maîtriser. Il faut toutefois demeurer conscient des limites inhérentes à toutes les
méthodes de recherche et se rappeler que la méthode choisie n’est pas la seule qui peut
être utilisée en recherche. Chaque méthode comporte ses avantages et ses contraintes, et
il arrive souvent que les forces d’une méthode contrebalancent les faiblesses des autres. Il
arrive parfois qu’il faille recourir à différentes méthodes dans un même plan de recherche.
Lorsque cela est nécessaire, il faut demeurer disposé à utiliser l’une ou l’autre des
méthodes existantes pour obtenir des données empiriques.
• Il existe d’importantes différences entre la foi, les traditions et le savoir non scientifique, d’une part, et le savoir
scientifique, d’autre part.
• La science repose sur des observations empiriques systématiques et l’analyse rigoureuse de ces observations
en vue d’en permettre la compréhension et l’interprétation.
• Toute recherche doit être conforme aux principes directeurs que sont l’objectivité, la vérification empirique et
l’ouverture à la réflexion et à l’analyse d’autres chercheurs.
• Ces principes directeurs s’appuient sur des prémisses mettant en relief le caractère ordonné de la réalité et la
nécessité d’une pensée logique.
• Une grande partie de la recherche en sciences humaines se fonde sur la vérification d’hypothèses, qui élargissent les théories grâce à l’examen de certains phénomènes entre lesquels on présume qu’il existe un lien
de causalité.
• Les diverses disciplines des sciences humaines ont recours à un large éventail de méthodes de recherche
empirique pour l’étude des différentes facettes de la vie humaine.
• Il est toujours possible que la réalisation d’un travail de recherche en sciences humaines soit orientée par les
émotions, les motivations politiques ou d’autres partis pris des chercheurs, ce qui est à éviter.
• La recherche se déroule généralement selon cinq grandes étapes : problème de recherche, méthodes et techniques de collecte de données, collecte de données, analyse des données et interprétation des résultats, et
rapport de recherche.
• La recherche est perméable à l’influence de certains facteurs non scientifiques, tels que la rareté des
ressources, les considérations éthiques, le contexte social et la personnalité des chercheurs.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 31
31
Formes d'acquisition
de connaissances
Recherche scientifique
Recherche s'appuyant sur des
observations empiriques systématiques
et l'analyse logique de ces observations.
Recherche non scientifique
Recherche s'appuyant
sur la foi et les traditions.
Recherche en
sciences humaines
Objectifs
Explorer, décrire, expliquer
et prédire, à l'aide de théories,
certains phénomènes afin
d'améliorer la compréhension
globale de la réalité.
•
•
•
•
Principes de base
Objectivité.
Vérification empirique.
Ouverture à la réflexion.
Analyse d'autres
chercheurs.
Contraintes inhérentes
• Temps et ressources.
• Éthique.
• Problèmes liés aux
phénomènes humains.
• Contexte social et
inclinations personnelles.
Types de raisonnement
Raisonnement déductif
Type de raisonnement qui consiste à tirer
des conclusions particulières à partir
d’hypothèses plus générales.
Raisonnement inductif
Type de raisonnement en vertu duquel
des principes généraux sont énoncés
à partir d’observations particulières.
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32 CHAPITRE 1
32
Sciences
de la nature
Sciences axées sur
l’étude des diverses
facettes de la nature
(objets inanimés
et êtres vivants
non humains).
Biologie
Chimie
Physique
Anthropologie
Étude des origines et de la diversité des êtres humains
et des sociétés.
Disciplines scientifiques
Économique
Étude de la façon dont les individus et les sociétés
effectuent des choix d’affectation de ressources rares
à la satisfaction de leurs besoins.
Géographie
Étude des phénomènes propres au milieu physique.
Sciences
humaines
Sciences axées
sur l’étude des
divers aspects
de la vie humaine.
Histoire
Étude du passé humain.
Science politique
Étude des phénomènes de pouvoir, particulièrement
le pouvoir politique.
Psychologie
Étude des comportements et des processus de la pensée.
Sociologie
Étude des rapports sociaux humains.
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 33
33
Étapes de la démarche scientifique
Problème de recherche
Méthodes et techniques de collecte de données
Collecte de données
Analyse des données et interprétation des résultats
Rédaction du rapport de recherche
Recherche scientifique
Approche qualitative
Approche ayant pour but de décrire
des actions, des affirmations et des
modes de vie des individus.
Approche quantitative
Approche ayant pour but de décrire
de façon détaillée un phénomène ou de
l’expliquer en établissant des liens entre
différents éléments.
Recherche exploratoire
Type de recherche qui vise à découvrir
un phénomène.
Recherche descriptive
Type de recherche qui vise à décrire
de façon détaillée un phénomène.
Recherche explicative
Type de recherche qui vise à établir
une relation causale entre deux
phénomènes.
Étude sur le terrain
Méthode de recherche de type
exploratoire comportant l’étude de
phénomènes humains pendant leur
déroulement naturel en milieu réel.
Méthode d’enquête
Méthode de recherche de type
descriptif qui vise à obtenir
de l’information en interrogeant
des personnes.
Méthode expérimentale
Méthode de recherche de type
explicatif qui vise à isoler, contrôler
et manipuler un phénomène pour
en mesurer l’effet sur un autre.
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34 CHAPITRE 1
34
Questions à court développement
1
Quelles sont les lacunes propres à l’information que diffusent les médias ?
2
Qu’est-ce qui distingue la recherche scientifique de la recherche non scientifique ?
3
Quelles sont les quatre prémisses fondamentales (règles de base) de la démarche scientifique ?
4
Qu’est-ce que le scepticisme scientifique ?
5
Quels sont les deux types de raisonnement sur lesquels s’appuie la science contemporaine ?
6
En quoi les sciences humaines se sont-elles transformées au fur et à mesure qu’elles ont constitué des disciplines distinctes fondées sur la recherche ?
7
Quelles sont les cinq grandes étapes de la démarche scientifique ?
8
Quels sont les trois types de recherche ? Associez à chacune de ces recherches les méthodes suivantes : étude
sur le terrain, méthode d’enquête et méthode expérimentale.
9
Quels facteurs entravent ou rendent difficile la recherche en sciences humaines ?
10 Quelles questions éthiques doit-on prendre en considération dans le cadre d’une recherche ? À quel moment
les chercheurs doivent-ils s’attarder aux questions éthiques au cours d’un travail de recherche ?
Problèmes
1
Suivez pendant deux semaines la couverture que la radio, la télévision et un quotidien accordent à un événement important. Expliquez ce qui vous permet de dire qu’il s’agit d’un événement important. En quoi sa
présentation se modifie-t-elle au cours des deux semaines étudiées ?
2
Choisissez une question sociale au sujet de laquelle vous possédez certaines connaissances ou avez une opinion ferme. Par exemple, « Pourquoi certains élèves décrochent-ils de l’école secondaire ? » ou « Quelles sont les
caractéristiques des toxicomanes ? ». À l’aide d’une recherche à la bibliothèque ou dans Internet, tentez de
trouver des travaux de recherche en sciences humaines qui traitent de cette question, puis comparez les hypothèses et les conclusions des chercheurs avec vos propres connaissances ou votre propre opinion à ce sujet.
Que vous a révélé cette démarche ?
3
Lisez l’article qui suit, puis répondez aux questions.
Le QI croît avec l’usage de la musique
Une étude effectuée auprès d’enfants montre que les leçons de musique rendent plus intelligent.
Elle a fasciné les mathématiciens et les philosophes de l’Antiquité, qui l’ont érigée en art suprême. La
musique, cette nourriture de l’âme, n’a pas manqué de leur donner raison en multipliant les génies au
cours de l’histoire. Or voilà qu’une étude montre clairement que son apprentissage rend plus intelligent.
À vos archets !
Après l’« effet Mozart », l’« effet Léopold » ? Le premier, ainsi baptisé par les scientifiques, décrit le lien
existant entre l’écoute passive de la musique et le développement de certaines facultés intellectuelles. Le
second pourrait bien découler d’une récente étude, parue dans le Psychological Science du mois dernier,
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L’importance et la nature de la recherche en sciences humaines 35
35
qui attribue à l’apprentissage de la musique un accroissement significatif du quotient intellectuel. Or
Léopold, faut-il le rappeler, était le père et professeur du petit Wolfgang Amadeus Mozart...
Selon les expériences menées par un professeur de l’université de Toronto, les petits qui suivent des leçons
de musique affichent par la suite un QI supérieur qu’auparavant (sic). Bien sûr, le simple fait d’aller à
l’école stimule déjà l’intellect, et l’étude vient aussi renforcer cette thèse. Mais l’accroissement serait plus
marqué chez les petits Mozart en herbe que chez ceux qui reviennent à la maison après les classes ou qui
suivent des cours de théâtre.
Pour arriver à ces conclusions, Glenn Schellenberg a recruté 144 enfants juste avant qu’ils n’entrent en
première année du primaire. « On a publié une petite annonce dans le journal pour offrir des cours
d’art gratuitement à des jeunes de six ans, raconte le professeur du département de psychologie. On a eu
énormément d’appels... Ils pouvaient suivre des leçons de clavier, de voix, d’art dramatique, ou pas de
leçons du tout — avec promesse de cours pour l’année suivante.» Les quatre groupes ainsi formés ont fait
un test de QI standard (le Wechsler Intelligence Scale for Children) avant et après leurs 36 semaines de
cours (ou d’absence de cours). « Ils ont passé trois heures au labo durant l’été avant leur première année,
puis à nouveau entre leur première et leur seconde année », décrit-il. Les parents ont aussi rempli un questionnaire portant sur leurs habiletés sociales.
Or les groupes de musique ont vu grimper leur QI de sept points tandis que celui des jeunes sans leçons
ou issus des classes d’art dramatique a connu une hausse moyenne de seulement quatre points. L’augmentation peut sembler légère ; elle se mesure à l’aune d’une seule année de cours. Mais « l’écart entre
les deux groupes de référence est statistiquement significatif », juge M. Schellenberg. Rappelons que
l’intelligence moyenne de la population en général se situe à 100, selon une courbe statistique normative. À moins de 70, on souffre d’un retard mental ; pour être dans le groupe Mensa, cette société particulière de gens brillants, il faut avoir un QI de plus de 130.
La communauté scientifique avait déjà établi un lien entre les aptitudes musicales et d’autres aptitudes
spécifiques connexes, comme la mémoire verbale, les aptitudes à lire et à visualiser mentalement le mouvement dans l’espace, etc. Cette étude-ci a le mérite de prouver que l’apprentissage — ou la pratique —
de la musique a un impact bénéfique sur l’intellect de manière globale, tel que représenté par le QI.
[…]
Source : Frédérique Doyon. « Le QI croît avec l’usage de la musique », Le Devoir, mardi 7 septembre 2004, p. A1.
a) Quelle méthode le chercheur a-t-il employée lors de son étude ? De quel type de recherche s’agit-il ?
b) Quel est le but de sa recherche ?
c) De quelle approche (quantitative ou qualitative) relève cette recherche ? Justifiez votre réponse.
4
Analysez les diverses questions d’éthique évoquées dans la rubrique « Pour en savoir plus » à la page 29.
Passez en revue et analysez le code d’éthique d’une des associations professionnelles dont le site Internet est
indiqué ci-dessous (voir la section « Sites Internet »). Y a-t-il des questions éthiques qui concernent uniquement les membres de cette profession ?
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36 CHAPITRE 1
36
Internet est devenu un outil d’une valeur inestimable pour les chercheurs en sciences humaines. Pour de nombreux
organismes de recherche universitaires, gouvernementaux et internationaux, Internet constitue leur principal
moyen de diffuser l’information. Mais, en raison de l’abondance des sites Internet et de l’énorme volume d’information disponible, trouver les données pertinentes devient souvent une tâche difficile ou interminable. Les sites
Internet énumérés ci-dessous et à la fin des autres chapitres devraient rendre cette tâche plus facile.
■ RESSOURCES À DES FINS DE RECHERCHE EN SCIENCES HUMAINES
http ://www.socsciresearch.com/index.html
Ce site est structuré selon les diverses disciplines des sciences humaines et contient une liste exhaustive de
liens utiles pour chacune d’elles.
■ MAGAZINE DES SCIENCES HUMAINES
www.scienceshumaines.com
Ce magazine mensuel français, écrit par des journalistes scientifiques, propose des synthèses pédagogiques sur les découvertes récentes en sciences humaines. Il propose aussi des numéros spéciaux et des
numéros hors-série intitulé « Les Grands Dossiers ».
■ CONSEIL DE RECHERCHES EN SCIENCES HUMAINES DU CANADA
http ://www.crsh.ca
Le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada est un organisme fédéral qui favorise et appuie
la recherche en sciences humaines. Le site donne de l’information sur le financement de la recherche et
sur les lignes directrices en matière de recherche.
■ BIBLIOTHÈQUE
Bibliothèque virtuelle des sciences humaines
http ://www.biblio.ntic.org/bouquinage.php ?ct=1
Ce site, qui fait partie du Portail des TIC, présente certaines caractéristiques d’une bibliothèque. On y
répertorie environ 650 revues et magazines électroniques répartis selon les disciplines.
Bibliothèque électronique de l’Université de Montréal
http ://www.bib.umontreal.ca/SS
Ces sites sont structurés selon les diverses disciplines des sciences humaines et contiennent une vaste
gamme de ressources telles que des bases de données, des périodiques, etc.
Bibliothèque électronique de l’UQÀM
http ://www.bibliotheques.uqam.ca/recherche/thematiques/index.html
■ ASSOCIATIONS PROFESSIONNELLES
Voici les adresses URL de diverses associations professionnelles canadiennes et québécoises. La plupart
offrent un aperçu de l’association concernée, y compris la principale revue publiée, une description de la
discipline et une liste de liens vers d’autres sites utiles.
Association canadienne des géographes
http ://www.cag-acg.ca
Société canadienne de science économique (SCSE)
http ://www.scse.ca
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37
Association des économistes québécois (ASDEQ)
http ://www.asdeq.org/
Société historique du Canada
http ://www.cha-shc.ca
Fédération des sociétés d’histoire du Québec (FSHQ)
http ://www.histoirequebec.qc.ca
Association canadienne de science politique
http ://www.cpsa-acsp.ca
Société québécoise de science politique
http ://www.unites.uqam.ca/sqsp/
Société canadienne de psychologie
http ://www.cpa.ca
Ordre des psychologues du Québec
http ://www.ordrepsy.qc.ca
Société canadienne de sociologie et d’anthropologie
http ://www.csaa.ca/Menu.htm
Association des anthropologues du Québec (AAQ)
http ://www.aanthq.qc.ca/Francais/Accueil.html
Association des professeures et des professeurs de sociologie des collèges (APPSC)
http ://www.appsc.qc.ca
Association des professeures et des professeurs d’histoire des collèges du Québec (APHCQ)
http ://www.cgi.cvm.qc.ca/APHCQ
■ FÉDÉRATION CANADIENNE DES SCIENCES HUMAINES
http ://www.fedcan.ca/francais
La Fédération canadienne des sciences humaines représente des sociétés savantes, des universités, des collèges et des milliers de chercheurs et de diplômés en sciences humaines. Elle organise également un
congrès annuel des sciences humaines qui réunit un grand nombre de représentants d’associations professionnelles et des milliers de chercheurs. Sous l’onglet « Liens » sont répertoriées les associations et les universités membres.
■ ÉTHIQUE
Code d’éthique des psychologues
http ://www.cpa.ca/publicationsfr
Ce site comprend le texte du Code canadien de déontologie professionnel des psychologues publié par
la Société canadienne de psychologie.
Éthique en sociologie et en anthropologie
http ://www.csaa.ca/structure/Code.htm
Ce site comprend le code d’éthique professionnelle de la Société canadienne de sociologie et d’anthropologie.
Éthique sur Internet
http ://www.ethicsweb.ca
Ce site regroupe plusieurs sites Internet canadiens traitant d’éthique. Particulièrement intéressants sont les
sites énumérés dans la liste Applied Ethics Resources, qui comprend des liens menant à des sites qui ont
pour sujets l’éthique en recherche et l’éthique professionnelle.
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