Déformation médiatique des propos liés à la culture « arabo

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Des questions sur une terminologie dérogatoire
Déformation médiatique des propos liés à la culture
« arabo-musulmane »
Présentation de l’auteur :
Hicham Rouibah, étudiant en année de préparation de doctorat à l’Ecole des Hautes Etudes en
Sciences Sociales (EHESS), parcours socio-économie en Etudes Comparatives de
Développement (ECD), sous la direction de Mme Monique Selim 1. Titulaire d’un master 2
professionnel en Ingénierie de l’enquête à l’université de Lille1 (2014), après validation d’une
maitrise (M1) en sociologie-anthropologie sous la direction de M. Laurent Bazin 2 et d’une
licence en Ressources humaines, Organisation et Travail à l’université de Bejaïa (2011) sous
la direction de M. Mohand A. Faradji3.
Les thèmes de recherche : la Chine-Afrique, la politique économique en Algérie, la
formation universitaire en Algérie, la production statistique des organismes de sécurité sociale
en France, le fanatisme en Islam.
Adresse mail : [email protected]
Introduction :
« Islamiste », « jihadiste », « salafiste », « antisémite », « monde arabe », « monde
musulman », « musulman modéré »,… des propos et des expressions qui hantent au quotidien
notre actualité. Pourtant, très peu d’intellectuels connaissent le vrai sens de ces termes, dans la
plupart des cas, à connotation islamique.
Cette contribution propose un éclaircissement et un questionnement sur la terminologie d’un
sujet brûlant qui dissimule continuellement les valeurs de la religion musulmane et augmente
le malaise des musulmans, notamment d’occident et de France. Un malaise causé
principalement par une médiatisation massive et diffamatoire qui pointe du doigt le
radicalisme et l’extrémisme qui découle de l’islam, et place donc les musulmans sur le
podium des infréquentables.
Sans prétendre être un connaisseur de la religion musulmane ou de la théologie, je sollicite
simplement la logique et le bon sens pour mettre évidence certains faits qui sont
commodément vérifiables sur les bibliographies des sciences de religion, de langue et
d’histoire.
L’une des aberrations monumentales des médias et de nombreux intellectuels ; l’incapacité
d’établir une différence entre certains termes du même champ lexical tels qu’islamiste et
islamique, « jihadiste » et moujahid, arabe et musulman, alors que les règles grammaticales et
le vocabulaire de la langue française nous enseignent que la terminaison des mots -parfois de
la même racine- peut modifier entièrement le sens des termes.
1
Directrice de recherche à l’IRD (axe Travail, Finance, Globalisation). L’INALCO/CESSMA, et associée à l’EHESS.
Anthropologue attaché à l’IRD, l’INALCO, CESSMA et associé au CNRS.
3
Sociologue et économiste, maitre de conférences à l’université de Bejaïa.
2
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
Islamiste / islamique, quelle différence et quel lien avec le terrorisme ?
Tout commence lors d’un débat sur l’Islam et le « monde arabe » dans un établissement
parisien d’études supérieures en décembre 2014. J’ai posé des questions à des chercheurs et à
des étudiants : quelle est la différence entre musulman, islamiste, islamique ? Entre
« jihadiste » et « moujahid » ? Dans une salle d’une cinquantaine de personnes on n’arrive pas
à m’apporter une seule réponse valable et argumentée par rapport à mes questions. Ceci
reflète bien la méconnaissance du public, intellectuel ou pas, des mots qu’ils utilisent dans
leurs discours d’une manière régulière et monotone.
Littéralement le mot islamique désigne ce qui appartient à l’islam, et islamiste ce qui en
rapport à l’islamisme, sachant que ce dernier (islamisme) englobe de différentes formes de
fondamentalisme et d’extrémisme en islam. Par ailleurs, les dictionnaires de la langue
française n’en donnent pas la même définition de l’islamisme, certains comme les 38 DRC4
le définissent par : « Ensemble des pays soumis à la loi du prophète Mohammed. Religion
musulmane ».
Tandis que le dictionnaire de Larousse le présente comme : « mouvement regroupant les
courants les plus radicaux de l'islam, qui veulent faire de celui-ci une véritable idéologie
politique par l'application rigoureuse de la charia…vieilli de l’islam ».
Les deux définitions proposées par ces dictionnaires produisent une forme d’hybridation
sémantique qui ne fait qu’accroitre l’amalgame autour de l’islam. On comprend par là la
nature de la problématique qui caractérise les discours qui ne distinguent pas « islam » et
« islamisme ».
Concrètement, selon les médias, un terroriste « musulman » se traduit inévitablement par
l’islamiste en référence à son islamisme et à son radicalisme. Toutefois, et à titre de
comparaison, les partis politiques dans certains pays musulmans (les frères musulmans en
Egypte, Al-Nahdha en Tunisie…) sont présentés par les médias comme des partis islamistes
et non pas islamiques. Ainsi, en suivant la logique de ces présentations, les partis politiques
islamistes seraient donc des partis potentiellement terroristes ? Pourtant, le lien que l’on veut
accorder ici, et dans la plupart des cas, est l’attachement de ces partis politiques à l’islam et
non pas à l’islamisme.
D’autre part, paradoxalement les groupes de DAESH sont présentés comme un « Etat
islamique » et non pas un « Etat islamiste », bien que les membres de DAESH, selon les
médias, sont bel et bien des islamistes-terroristes. Alors, pourquoi ne pas les qualifier d’« Etat
islamiste » ? Ou bien islamiste rime seulement avec une personne physique et islamique
uniquement avec une personne morale ? Si c’est le cas, pourquoi parle-t-on de partis
politiques islamistes (qui sont bien des organisations et non pas des individus) ? Je rappelle
tout de même que le dictionnaire nous apprend clairement : l’islamique est renvoyé à l’islam
et non pas à l’islamisme.
Ainsi, est-on conscients des enjeux suscités par ces termes significatifs sur l’image de l’islam
et des musulmans ? Ou bien veut-on effectivement déformer la figure de l’islam et mener des
attaques frontales contre ce dernier ? On peut poser de nombreuses questions autour de ces
propos choisis arbitrairement par d’innombrables intellectuels : journalistes, chroniqueurs,
4
38 Dictionnaires et Recueils de Correspondance. Un dictionnaire électronique sous forme de logiciel utilisé
par de nombreux journalistes et étudiants.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
présentateurs… qui ne donnent jamais d’explications justifiées, seuls de rares penseurs
manifestent leur position, tel qu’Edgar Morin qui dit : «(…) le mot islamique est un mot valise
qui recouvre beaucoup de réalités(…) et qu’il est dommage, à mon avis, de réduire le mot
islamique comme on le fait actuellement (…) » (L’invité de Patrick Simon, TV5 Monde,
2013).
Des « islamistes » mais pas de « christianistes » ou de « judaïstes » !
On ne peut absolument pas garder le silence à propos de la malhonnêteté appliquée sur la
finalité des mots choisis dans le langage de la communication et de l’information.
Si on procède à un sondage 5 pour interroger les gens sur la définition des
mots « christianiste » ou « judaïste 6 », la réponse sera incontestablement manifestée par la
méconnaissance ou la relativité, puisque, tout simplement, ces mots n’existent pas dans notre
vocabulaire, il n’y a que le mot « islamiste » qui s’est fait une renommée internationale avec
l’image du terroriste ou du musulman fondamentaliste.
Cependant, dans la langue française, le suffixe substantif « iste », -étouffant parfois les
racines des termes- servant à former un qualificatif, d’une manière générale, occupe trois
finalités : l’une définie le métier et/ou la spécialisation tel qu’économiste, biologiste, linguiste,
etc. L’autre désigne l’adepte d’une idéologie, ou d’une théorie comme communiste, socialiste,
marxiste etc. La dernière indique l’extrémisme, l’excessif 7 et l’abusif 8 par exemple
fondamentaliste, esclavagiste, fasciste etc.
Dans le champ sémantique et étymologique, le mot « islamiste » peut donc être renvoyer à
une personne spécialiste de l’islam. Par contre, dans le discours médiatique, politique et
collectif, tout mot lié au champ lexical de la religion musulmane terminant avec le suffixe
« iste » définit systématiquement extrémiste/excessif, mais jamais connaisseur/spécialiste.
Dans une perspective comparative, je m’interrogeais intrinsèquement sur la fabrication
linguistique et la construction symbolique autour des termes qui expriment manifestement
l’extrémisme dans la religion musulmane, en se mesurant à la représentation de l’extrémisme
dans les autres religions monothéistes (christianisme, judaïsme). On se permet de qualifier un
musulman terroriste spontanément d’ « islamiste » mais jamais un terroriste chrétien de
« christianiste » ou bien un terroriste juif de « judaïste ». Dans la dénomination la plus
critique on parle de fanatiques religieux chrétiens ou juifs. Les medias et intellectuels
craignent-ils d'employer ce terme « christianiste » ou « judaïste » au risque de voir une masse
de personnes s'excommunier lorsqu'ils entendent christianisme ou judaïsme ? En définitive,
l’islam est « suffixable » mais pas les autres religions.
Pourtant les exemples n’en manquent pas : dois-je évoquer les milices chrétiennes centresafricaines qui se lancent dans des « pogromes » anti musulmans, ou bien la secte Heaven’s
Gate qui a organisé un suicide collectif au passage de la comète Hale-Bopp en 1997 dans le
but de faire joindre leur âme jusqu’au « vaisseau » censé transporter jésus. Devrais-je parler
des évangéliques en Afrique durant le colonialisme qui « enseignaient » aux africains que les
5
J’ai posé cette question en 2010 sur un blog de dialogues interreligieux, les échanges étaient trop vifs entre
les internautes musulmans et chrétiens.
6
Bien que le mot « judaïste » était évoqué auparavant par certains intellectuels juifs.
7 9
- Peuvent aussi dérobés d’excès et d’abus idéologique (croyance, foi, …) qui se transforment ou non à un
acte.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
noirs sont faits pour servir les blancs et c’est ainsi qu’ils gagneront le contentement de Dieu.
Cependant, en aucun cas la création du mot « christianiste » n’a été mise sur pied pour
qualifier les actes extrémistes et/ou terroristes de tous ces chrétiens.
Le cas exceptionnel reste celui de l’assassin norvégien Andres Behring Breivik, auteur des
attentas de juillet 2012 (explosion à Oslo et massacres d’Utøya) avec un bilan lourd de 77
morts et 151 blessés. Breivik affirme que le motif de ces crimes était de mettre fin au
multiculturalisme (présence de musulmans et de juifs au Norvège) pour préserver la chrétienté.
Cependant, Breivik est présenté comme terroriste norvégien d’extrême droite (pour ne pas
évoquer son endoctrinement à la religion chrétienne) ayant des troubles psychiatriques, mais
en aucun cas le mot « christianiste » ne fait surface comme c’est le cas avec tous les
terroristes musulmans. D’ailleurs, ces derniers font rarement preuve d’examens psychiatriques
ou psychologiques9, puisqu’ils sont en définitif des « islamistes » qui font leur Jihad. Le cas
de Mohamed Merah illustre bien la situation, le responsable de la fusillade de mars 2012 à
Toulouse causant 7 victimes et 6 blessés, il est présenté par les médias et les sites internet
comme un terroriste-islamiste tout court, sans évoquer ses problèmes psychologiques, bien
que son profil soit connu avant l’attentat commis : «( …) personne fragile, introvertie,
anxieuse, manifestant des troubles comportementaux (…) » a déclare le psychologue clinicien
qui a examiné Merah en 2011.
Prenons un autre exemple, le carnage de l’Etat israélien sur la bande de Gaza en juillet et aout
2014. Les roquettes lancées par le Hamas sont qualifiées d’actes terroristes à vocation
« islamiste » et/ou « jihadiste ». Par contre, le sous-marin israélien -et sans compter toutes les
attaques aériennes sur des milliers de civils- qui a bombardé volontairement quatre
enfants palestiniens 10 en train de jouer au football sur l’une des plages de Gaza n'est
nullement qualifié d'acte terroriste ou « judaïste ».
A vrai dire, actuellement, dans la conscience et l’imaginaire collectif de la plupart des
occidentaux il y a une sorte d’instrumentalisation du religieux par le politique. Une attaque
accompagnée d’un cri « Allah Akbar » (qui signifie Dieu est grand) est considérée par
induction comme un acte terroriste, mais une attaque vide de cette même expression au
moment de l'action n'est pas forcément considérée comme un acte terroriste, mais plutôt
comme un attentat criminel ou de délinquance, ou bien de riposte comme fût le cas pour
l’armée israélienne. En d’autres termes, on a visiblement oublié que « terreur » est la racine
du mot terrorisme. Soit le terrorisme est blâmable partout, soit il ne l'est nul part. Mais l'on ne
peut fermer les yeux sur l'un tout en condamnant l'autre. Car c'est bel et bien celui que l'on
cache qui nourrit l'autre.
Du Jihad au « Jihadisme », du Salafiya au « Salafisme » !
Comme il l’explique si bien le sociologue Pierre Bourdieu, la raison scientifique nous
démontre qu’une information édifiée par la comparaison peut nous faire sortir du carcan
maintenu par le système médiatique.
9
Dounia Bouzar, spécialiste de la question du Jihadisme explique qu’il faut faire davantage un travail sur la
psychologie des jeunes jihadistes qui souffrent généralement de troubles et de déséquilibres.
10
Les palestiniens ne sont pas tous musulmans, il y a une forte communauté chrétienne orthodoxe.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
Il ne nous échappe pas que parmi les termes connus par les auditeurs de toute confession
figurent « jihadiste » et « salafiste ». Ces descriptions du jihad et de la salafiya sont très
schématiques, (faute d’équivalent vocable en langue française) et ne répondront pas aux
attentes d’un acteur éclairé mais elles ont le mérite de s’efforcer de rester “scientifique” en
revenant aux sources du phénomène pour le décrire. Depuis des années, on nous conditionne
avec un vocabulaire choisi, bien que les médias nous les présentent (« jihadiste », « salafiste »)
comme des expressions qui signifient littéralement un extrémiste et/ou terroriste musulman,
sans montrer la segmentation linguistique et compréhensive du jihad et du salafiya. Il suffit de
feuilleter les grands ouvrages d’interprétation du coran et des hadiths (paroles de prophète)
pour appréhender les conformes énonciations de ces deux concepts.
Brièvement, Jihad en langue arabe peut prendre le sens de lutte ou d’effort sur soi, qui n’a rien
à voir avec la guerre ou la guérilla. Afin de proposer une grille de lecture contextualisée, il
n’est pas inutile de rappeler que le Jihad a trois formes en islam (certains savants les
catégorisent en quatre) : de la lutte contre les mauvaises inspirations de son âme, la lutte
contre les difficultés de la vie, à la lutte physique pour se libérer de l’oppression d’un ennemi.
De plus, le coran n’incite pas à tuer délibérément comme beaucoup de personnes
« zemmourisés »11 le pensent. Il faut vérifier les textes pour comprendre que le coran, bien au
contraire, interdit et condamne à plusieurs reprises l’assassinat d’innocents. (Voir Al-Baqara
[la Vache] : versets 84-85. An-Nisâ' [les femmes] : versets 29-30, 92-93,97. Al-Mâ'ida [la
table] : versets 27-32. Al-'An`âm [les animaux] : versets 137, 140, 151).
De plus, il faut que les intellectuels occidentaux et orientaux, musulmans et non-musulmans
révisent les règles de guerre en islam tels que les traditions prophétiques l’expliquent.
Plusieurs textes authentiques de différentes versions définissent ce que le prophète avait
recommandé à ses compagnons avant d’entamer une bataille (et je cite ici des sources
combinées avec une traduction approximative, voir Sahih Muslim) : « (…) Epargnez les civils,
femmes, enfants et vieillards, malades …ne coupez pas un arbre, (…) ne tuez pas d’animaux
sans nécessité, (…) ne détruisez pas une habitation … ». Je rappelle aussi qu’en islam le
suicide n’est pas autorisé y compris les attentas kamikaze comme l’approuvent plusieurs
savants sunnites.
D’autres haddiths l’expliquent clairement. Il est rapporté dans un récit authentique : « Celui
qui tue un pactisé12 hormis son temps, Allah lui aura interdit le paradis » [Abou-Dâoud 2760].
Dans un autre texte prophétique aussi : « celui qui tue quelqu’un parmi les gens de la ‘dimma’
(gens ayants la garantie de protection des musulmans) ne sentira pas l’odeur du paradis »
[Abou-Dâoud 2760, El-Nassâi 4747].
D’autres haddiths l’expliquent clairement. Il est rapporté dans un récit authentique : « Celui
qui tue un pactisé hormis son temps, Allah lui aura interdit le paradis » [Abou-Dâoud 2760].
Dans un autre texte prophétique aussi : « celui qui tue quelqu’un parmi les gens de la ‘dimma’
(gens ayants la garantie de protection des musulmans) ne sentira pas l’odeur du paradis »
[Abou-Dâoud 2760, El-Nassâi 4747].
Certes, l’interprétation individuelle des textes coraniques et prophétiques est au cœur de la
controverse, c’est la cause principale de la multiplication des dérives sectaires en islam. A
11
12
En référence à l’influence d’Eric Zemmour et son influence sur les auditeurs français.
Celui qui a un contrat de vie sociale et de paix avec les musulmans comme les juifs et les chrétiens.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
l’image des histoires conflictuelles juste après la mort du prophète Mohammed pour bien
illustrer la prise de position de l’islam et des compagnons proches du messager qui se sont
opposés fermement à la radicalisation des « khawarij ».
D’autre part, c’est quasiment le même souci de positionnement linguistique avec le mot
« jihadiste » qui se répète avec le mot « salafiste ». En langue arabe salafiya dont la racine est
« salaf » qui signifie ce qui est passé ou précédant. En aucun cas le terme salafiya exprime un
engagement idéologique, politique ou militaire (s’oppose même aux principes de la
démocratie politique). Il ne désigne ni un groupe, ni un parti, ni une secte, ni une théorie. Il
s’agit d’un « minhaj », c'est-à-dire un paradigme méthodologique basé sur le Coran et la
tradition prophétique comme l’a interprété le prophète Mohammed et ses compagnons les
plus proches et ceux qui les ont suivi d’une manière rigoureuse et cohérente, entre autres, les
trois premières générations après le prophète.
Après ce bref rappel sur la position de l’islam par rapport au jihad et au terrorisme, je me
demande si les « professionnels » des médias audiovisuels et écrits, du chef de la rédaction au
présentateur, sont (in)capables d’avoir une réflexion distanciée/critique sur la terminologie
pour différencier entre le jihad et la salafiya en islam et faire la part du terrorisme ? Peut-on
attribuer le mot « jihadiste » ou « salafiste » à un terroriste, tout en sachant que ça n’a
nullement un lien avec le jihad ? Ou bien, puisque des terroristes, comme ceux de DAESH,
s’autoproclament « jihadistes » qu’on doit à notre tour valider cette appellation en la reprenant
sans distanciation ?
Bien au contraire, en attribuant les titres de « jihadistes » à des terroristes, on leur accorde
inconsciemment un statut et une crédibilité qu’ils souhaitent obtenir, puisqu’on a
indirectement approuvé que leurs actes sont inscrits dans un principe islamique valable. Or,
on ne peut que désapprouver leurs actes vis-à-vis de l’islam et de l’humanité tout court. En fin
de compte, il est complètement mystificateur et incohérent de rajouter, encore une fois, des
suffixes pour les mots jihad et salaf afin d’exprimer l’extrémisme avec les termes
« jihadisme » et « jihadiste », « salafisme » et « salafiste », étant donné que l’islam lui-même
déplore tout acte terroriste. La conséquence est plus ample que ce qu’on peut imaginer. Un
musulman peut être un « salafi » parfaitement intégré dans la société occidentale, se sentira
dans un double registre intimidé et déstabilisé à entendre parler du « salafisme » et des
« salafistes » comme un courant extrémiste et terroriste.
Sémite : un terme improprement attribué aux juifs !
Parmi les mots qui reviennent sur les premières pages de la presse et qui font la une des
journaux télévisés : l’ « antisémite », notamment lors de cette dernière année avec l’affaire
Dieudonné qui a fait un bruit sans précédent.
Pour essayer de comprendre le sens de ce célèbre mot généralement requiert par la LICRA et
le CRIF, j’ai fait quelques lectures sur les manuels d’histoire et les dictionnaires de langue.
Au premier abord, je m’aperçois que le mot sémite désigne ce qui appartient aux peuples du
Proche-Orient parlant ou ayant parlé une langue sémitique : arabes, hébreux, phéniciens,
éthiopiens (amharique), araméen13, babyloniens et secondairement les berbères du nord-est.
13
Habitants de l’Aram (Syrie et haute Mésopotamie)
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
On comprend par là que le « sémite » n’est pas uniquement le juif, tel que les médias le
présentent. Il est donc préférable de remettre le sens de ces définitions à jour. C’est hautement
illogique de considérer d’une manière scientifique et confirmée que le mot « sémite » est
relatif à tous ces peuples (cités au-dessus) et qu’en parallèle le mot « antisémite » désigne
exclusivement les attitudes hostiles envers les juifs.
Ceci dit, on doit reconnaitre que les mots « sémite » et « antisémite » signifient improprement
et déraisonnablement juif et anti-juif. Ainsi, les arabes -musulmans ou pas- doivent vitupérer
la définition du mot « sémite ». Tout simplement, ils ne peuvent être antisémites puisque euxmêmes sont justement des sémites.
Contester ces définitions est une déconstruction du choix de ce vocabulaire qui engendre un
effet pavlovien. De plus, c’est une manière de protéger et de veiller sur l’histoire de tous ces
peuples qui partagent le sémitisme. Ce dernier porte l’honneur d’avoir créé l’alphabet, et les
mémoires doivent savoir qu’il ne s’agit pas uniquement de l’hébreu et des juifs mais plusieurs
langues et peuples y font partie.
De la même sorte, lorsqu’on évoque le révisionnisme on pense instantanément au rejet de
l’histoire de la Shoah 14 ; tandis que le révisionnisme signifie toute attitude qui consiste à
critiquer et/ou à remettre en cause la valeur d’une théorie, d’une croyance, d’une idéologie,
d’un système politique, d’un jugement, etc.
A ce titre, je rappelle pour les amateurs de l’économie et de la sociologie que ce terme fut
notamment employé par Lénine pour qualifier les critiqueurs des principes de base du
marxisme. Et pourtant, le révisionnisme est surtout utilisé aujourd’hui, en France, pour
désigner ceux qui tendent à nier le génocide des juifs durant la seconde guerre mondiale.
Ainsi, le mot révisionnisme est tendanciellement réduit à cette dernière définition. Or, dans la
démarche scientifique et en l’occurrence dans les sciences sociales, les chercheurs et les
universitaires sont majoritairement réformistes et révisionnistes des théories économiques,
sociologiques, philosophiques, politiques et d’histoire… grâce à un travail de réflexion
critique et de la déconstruction méthodologique de certaines théories, néanmoins, on ne peut
les considérés comme étant des anti-juifs parce qu’ils contestent des tendances historiques de
toutes origines géographiques et croyances religieuses.
D’ailleurs, antijuif ou antisioniste ?
Un autre amalgame plus conséquent, celui de l’interprétation de la définition de
l’antisionisme. Il est évident que ce dernier est un terme orienté d’une manière obstinée
pour exprimer l’antijudaïsme. Contrairement aux idées reçues, le juif peut prendre une
position rivale au sionisme. Entre le judaïsme comme croyance religieuse et le sionisme
comme mouvement culminé en 1948 pour la création de l’Etat israélien, on constate
l’immense distance compréhensive entre ces deux mots. C’est d’ailleurs pourquoi
figurent parmi les nombreux opposants au sionisme des juifs vivant à Israël, et qui
souhaitent voir un Etat uni avec les palestiniens, et contestent fortement la démarche
colonialiste sur les terres palestiniennes.
Il faut regarder les manifestations un peu partout dans le monde contre l’Etat israélien qui
comptent dans leurs rangs des citoyens de toute ethnie et croyance dont de nombreux
14
Terme hébreu signifiant « catastrophe » et désignant notamment l’extermination des Juifs par les Nazis.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
juifs. Malheureusement, par tous les moyens on essaye de masquer la différence entre juif
et sioniste.
Un musulman « modéré » avec un islam « moderne » dans une totale « laïcité »
Sans vouloir être cynique, il convient d’essayer de comprendre l’expression du « musulman
modéré ». Est-il celui qui mange du porc et qui boit de l’alcool ? À entendre certains
politiciens, c’est peut être le cas. Nadine Morano (député UMP) a livré sa définition du « vrai
musulman » sur les plateaux d’I-télé. En s’appuyant sur un échange (qu’elle a apprécié) avec
un taxieur musulman, elle a laissé entendre que le bon musulman n’interdit pas à son fils de
manger du proc dans les cantines des écoles.
En vrai cette expression « musulman modéré » est une classification créée pour positionner
les musulmans capables de se désolidarisent de l’extrémisme et du radicalisme, mais
également, pour qualifier le musulman ayant des tendances libérales, proche des valeurs
républicaines. Ces dernières conduites par les discours médiatiques et politiques imposent une
révision de la religion musulmane et proposent ce qu’on surnomme couramment l’islam
« moderne ». Une figure plus laxiste, censée fonctionner dans une société et un
gouvernement laïc. Une laïcité manifestée davantage non pas par des laïques mais plutôt par
des laïcards exhalant des positions antireligieuses en l’occurrence anti-islam. Une laïcité
positionnée comme nouvelle religion en France. De nombreux citoyens français déclarent
croire à la laïcité et non pas à autre chose (le sociologue Jean Baubérot et le directeur de Clés
Jean-Louis Servan-Schreiber expliquent bien ce phénomène). Alors que toute religion est
justement une croyance, au-delà du rapport au divin, il s’agit d’un attachement à une
idéologie à l’image des autres religions non monothéistes (confusionnismes, bouddhisme,
hindouisme, animisme,...).
Récemment on a vu sur les plateaux de Canal+, l’émission J+1, le journaliste Stéphane Guy
recevoir le footballeur sénégalais et musulman Demba Ba. Ce joueur a la particularité de
célébrer ses buts avec une prière accompagnée d’une prosternation. Le journaliste lui posa
ainsi la question « …est-ce que c’est le rôle d’un footballeur ? Est-ce que la croyance ne
devrait pas rester dans la sphère privée ? ». Le journaliste semble oublier tous les joueurs
qui rentrent au stade en faisant le signe distinctif de la croix catholique ? Les joueurs de
l’équipe nationale brésilienne majoritairement chrétiens prient (parfois) collectivement après
chaque match ? L’attaquant international Ghanéen qui exhibait une étoile de David pour
célébrer ses buts ? Non, il n’y a que le musulman qui dérange avec sa croyance sur les terrains
de football.
« Monde arabe » et « monde musulman » ne sont-ils pas indéfiniment un « monde
arabo-musulman » ?
Dans un contexte de globalisation et en suivant une démarche anthropologique je m’interroge
sur les expressions « monde arabe » et « monde musulman ». Pourquoi parle-t-on d’un
« monde arabe » ? Que vise-t-on à travers cette appellation ? Sont-elles les populations qui
parlent la langue arabe ? Si oui, pourquoi on parle d’un « monde arabe » et non pas d’un
«monde arabophone» ? D’ailleurs, pourquoi n’existe-t-il pas une expression « monde
français » pour les pays qui parlent la langue française, « monde anglais » pour ceux qui
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
parlent anglais [on dit fréquemment en français « anglo-saxon » terme qui est lui-même très
contestable], « monde espagnol »… Et puis, l’expression « monde arabe » laisse entendre
qu’il y a un autre monde quelque part qui est complètement différent de ce dernier, à croire
qu’il y a une seconde planète sur laquelle on peut trouver d’autres populations. En vrai, c’est
une expression ségrégationniste qui met instinctivement les « arabes » de côté et tous les
autres peuples de l’autre côté, puisque souvent on évoque un « monde occidental » et à son
opposé le « monde arabe ».
Je tiens à souligner que les géographes et les historiens (je cite ici l’historien Pascal Blanchard)
affirment que l’arabe est celui qui est originaire de l’Arabie Saoudite et de ces pays voisins 15
du Moyen-Orient comme le Yémen, Oman, Emirats Arabes.
Dans un second lieu, le « monde arabe » englobe le Maghreb, bien que les populations de
l’Algérie, Maroc, Tunisie, Lybie sont berbères parlant la langue arabe (dialectale-maternelle
et littéraire académique) et d’autres langues dérivées de Tamazight (langue originaire du
peuple berbère). Considérer les maghrébins comme des arabes est inéluctablement une forme
d’atteinte à leur identité nord-africaine et à leur origine berbère, même si que leur bien-aimée
arabité fait partie de leur culture musulmane héritée tout comme la culture française. De plus,
on a tendance à séparer le Maghreb de l’Afrique, ce qui est absolument impertinent et
équivoque. Lorsqu’on parle de l’Afrique on pense aux populations noires subsahariennes en
oubliant que les peuples des régions du sud de la Lybie, Algérie, Maroc et Mauritanie sont
noirs « maghrébins ». Le Maghreb n’est rien d’autre que l’Afrique du nord dont le sud de
l’Algérie, du Maroc et de la Lybie n’est que l’extension (géographique et ethnique) du nord
du Mali, du Tchad et du Niger. On peut facilement le repérer à travers la proximité ethnique et
culturelle des populations qui vivent dans ces pays.
Un autre point important, par définition la confusion entre l’arabe et le musulman est patente,
plusieurs personnes en l’occurrence occidentales ne distinguent guère entre l’arabe et le
musulman. A titre d’exemple, les 38 DRC nous informent que l’arabe est une personne
originaire d’un pays ou d’une communauté musulmane. Cette logique nous pousse à
comprendre que les populations musulmanes des pays non-arabes tels que l’Iran, Turquie,
Pakistan, Afghanistan, Ouzbékistan, Indonésie, Malaisie, Mali, Sénégal, Iles Comores etc.
sont bien des « arabes ». Malencontreusement, le terrain nous confirme réellement l’existence
de cette assimilation ethnique arabes-musulmans dans la perception des sociétés occidentales,
à l’image de l’expression combinée du « monde arabo-musulman » qui met l’arabe et le
musulman systématiquement dans le même contexte identitaire et culturel.
De la même sorte, l’expression « monde musulman » subsiste avec islam et non pas avec le
reste des religions, puisqu’on ne parle pas d’un « monde chrétien », « monde juif », « monde
bouddhiste ». Dès lors, « monde musulman » sous entend l’existence d’une forme de masse
identitaire partagée par tous les pays musulmans. Quoique, irrationnellement, cette locution
« monde musulman » s’exprime à la défaveur des populations minoritaires non-musulmanes
vivant dans les sociétés majoritairement musulmanes : les chrétiens de Liban, de Turquie, de
Syrie, d’Irak, d’Egypte, d’Algérie,… sans parler de nombre d’athées qui se démarquent de
toute croyance. La question qui s’impose ici ; respectivement aux droits de l’homme et la
démocratie qu’on prône en occident, n’est-il pas leur (les minorités non-musulmanes) droit le
plus strict d’avoir leur propre appartenance religieuse au nom de la liberté de culte et de la
15
A exclure les pays du levant.
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
représentation de se démarquer de leurs concitoyens musulmans ? La réponse est évidente
c’est Oui. Alors, pourquoi les positionnent-ils dans une consubstantielle juxtaposée sous
forme de subordination singulière avec cette expression « monde musulman » ? Peut-être
qu’il est temps de s’intéresser à la déconstruction des définitions imaginaires qui assimilent
inconditionnellement arabes et musulmans, à l’exemple de l’appellation « printemps arabe »
qui est toute fois confuse que généraliste. A entendre cette expression, on a l’impression que
toutes les sociétés arabes sont touchées par ce phénomène, alors qu’il ne s’agit que de quatre
pays sur 22 Etats membres de la ligue arabe (sans compter le Tchad et la République Sahraoui
pays ayant l’arabe pour langue officielle. Selon l’expression « monde arabe », logiquement,
ces deux pays doivent appartenir à ce « monde », or, ils ne sont pas reconnus comme tels).
En outre, le mot « printemps », ici, est tiré du printemps des peuples que l’Europe (huit pays)
a connu en 1848. On veut absolument accorder la même appellation aux mouvements et
révolutions de certaines sociétés « arabes » négligeant que les contextes chronologiques,
politiques, socioéconomiques et culturels sont complètement différents de ceux de l’Europe.
Conclusion :
Dans une époque où le milieu universitaire insiste sur l’importance du choix des termes
empruntés dans les différentes sciences afin d’apprendre à respecter les principes de la
démarche scientifique (la clarté, la précision et la simplicité) est vivement recommandée voir
indispensable dans les discours ou les récits d’un étudiant ou d’un chercheur.
A ce titre, parlons des éléments méthodologiques et scientifiques ; on ne peut pas nier que le
travail de tout intellectuel est de rétablir la vérité. A propos de la terminologie autour de
l’islam, il est totalement inepte de croire qu’à défaut d’une stricte synonymie et de
mésomorphes que la construction des mots génériques (avec une racine de la langue arabe et
un suffixe de la langue française) est une absolue résolution sémantique. Cette pseudo
résolution participe à l’extraction de la bijection des vocables liés à la religion musulmane.
C’est pourquoi il était essentiel dans ce document critique de remettre la terminologie en
perspective par une désacralisation de la concurrence interculturelle (chrétiens, juifs,
musulmans, athées…) et interethnique (arabes, africains, européens…) afin de mesurer
l’importance et le poids des mots que l’on « consomme ».
Par ailleurs, il faut bien reconnaitre que le texte manque d’alternatives aux critiques mises à
pied dans cet article. Beaucoup d’interrogations sont posées dans le but de déconstruire
plusieurs termes et expressions sans apporter nécessairement des réponses. Par contre, ces
questions occultes restées en suspens laissent place à une ouverture réflexive qui nous incite à
faire appel aux compétences des spécialistes et des interprètes pour mettre en place des
définitions appropriées aux termes et expressions relatifs à la religion musulmane.
Les événements de décembre 2014 survenus un peu partout en France illustrent parfaitement
le dérapage des médias. Une confusion a été faite entre l’auteur de l’agression à Joué-lésTours (un jeune noir musulman attaque trois policiers dans un commissariat) avec l’humoriste
amateur Rafik Mhamadi (musulman d’origine africaine) : en récupérant une vidéo qui
circulait sur facebook. Cette confusion s’est faite notamment sur la ressemblance physique
entre Rafik et le présumé coupable de l’agression. Les médias ont repris les photos de Rafik
sans vérifier la fiabilité de la source de l’information. De plus, les médias qui ont abusé de
l’utilisation des photos de cet artiste n’ont pas présenté d’excuses publiques pour lui et sa
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
famille, d’ailleurs choquée de voir les photos de leur proche à la télévision sur une affaire
terroriste. Dans le même registre, des faux 16 témoignages ont été diffuser à la télévision qui
affirmaient les cris « allah akbar » au moment des actes à Nantes (un conducteur de camion a
fauché 11 personnes sur le marché de Noel de la ville) et à Joué-lés-Tours. Il n’y a pas de
qualificatif autre que la diffamation pour définir cette situation.
Après tout, ce n’est pas si impressionnant de la part des médias vu les agissements de
« mauvaise foi » et/ou le manque de professionnalisme symbolisés à travers des
méthodes manichéennes orientées systématiquement vers le mal. Ceci pour détourner les
discours de fond sur les crises économiques et politiques par le « problème » de l’islam, en
faisant de ce dernier un bouc émissaire17 avec une mobilisation d’interprétations erronées par
l’insertion des concepts réducteurs voir faussaires. Les termes d’origine arabe sont introduits
dans les langues occidentales pour leur accorder par la suite un sens parfois complètement
opposé au sens initial en langue arabe et dans la tradition musulmane.
On se demande pourquoi on ne met pas en lumière la majorité éclipsée qui se pense
minoritaire parce que justement on ne parle pas d’elle, et je veux dire par là, les millions de
musulmans qui font un formidable travail professionnel et social. Car depuis près de trente
ans l’islam est devenu l’otage d’une stigmatisation provoquée par une poignée d’extrémistes,
et les médias accroissent l’islamophobie à partir de présentations exocentriques et
disproportionnées. Une « guerre » des mots contraint les musulmans de se recroqueviller
constamment.
Outre cela, il y a deux poids de mesures dans la diffusion de l’information entre islamophobie
et judéophobie, anti-islam et antijudaïsme, antimusulmans et antijuifs. Les actes à caractère
antijuifs 18 à Créteil en décembre 2014 ont été immédiatement médiatisés sur les JT et la
presse, suivis d’un discours du ministre de l’intérieur et du premier ministre. Par contre,
quelques jours après, les actes à caractère antimusulman 19 à l’égard d’une femme voilée à
Choisy-le-Roi n’ont été évoqués sur aucun média officiel. Cette médiatisation variante et
sélective des événements de la même nature (ou presque) produit un contre-effet qui ne fait
qu’augmenter le sentiment de marginalisation auprès des musulmans.
Il est aussi du devoir des intellectuels de dénoncer les assimilations qui atteignent toutes les
origines et cultures. Loin de l’extravagance autour de l’islam, je refuse catégoriquement
d’entendre dire que tous les juifs sont sionistes, ou tous les évangélistes sont manipulateurs,
tous les prêtres chrétiens sont des pédophiles. Car de nombreux religieux trouvent un certain
cheminement spirituel qui les aide à maintenir un équilibre dans leur vie sociale.
La communauté musulmane est invitée à lire et à s’ouvrir intellectuellement…
Il ne faut pas se voiler la face, un retour à l’autocritique s’impose. L’un des problèmes
majeurs réside au niveau de l’instruction religieuse de la communauté musulmane en
elle-même. Reconnaissons que nous les musulmans, d’une manière générale, nous lisons
très peu, nous connaissons la religion qu'à travers les prêches de la grande prière du
16
Des témoignages démentis par la majorité des témoins sur les lieux des actes.
Expression d’Edwy Plenel
18
Les auteurs pensaient que leurs victimes ont de l’argent puisqu’ils sont juifs.
19
L’auteur a frappé la femme à coups de points en la traitant de sale musulmane.
17
Hicham ROUIBAH
ECD, EHESS
vendredi (si nous n’arrivions pas en retard pour écouter, et encore, il reste à savoir quel
est l’imam qui nous parle dans la mosquée). Combien d’entre-nous lisent l'interprétation
du Coran des grands penseurs et linguistes : Ibn Kathir, Kortobi,... combien lisent Ibn
Kayim, Ibn Taymiyah,... qui éclaircissent les traditions prophétiques. Ces dernières nous
apprennent le vivre ensemble avec nos différences, à commencer par accepter l’autre
musulman avec son origine ethnique, son courant de penser etc., et puis accepter le non
musulman pour veiller à l’harmonie de la concitoyenneté tout en préservant ses principes
de musulman.
On peut transcender nos conditions avec plus de savoir pour éveiller les consciences et
éviter le radicalisme et les dérives sectaires manipulés par des musulmans ignorants et
égarés ou par des antagonistes de l'Islam qui veulent le détruire avec tous les moyens
possibles comme G.W. Bush l'a annoncé un jour de septembre 2011. En toute simplicité,
plus on est informé mieux on comprend, plus on est capable de riposter, de résister,
d'avancer, de convaincre et faire face à des inepties prononcées par des « intellectuels »
énergumènes et hystériques du genre Zemmour et Finkielkraut, …
Eu égard aux références bibliographiques des grands savants en islam, il est rudimentaire
de lire les intellectuels contemporains et occidentaux qui vivent avec nous les polémiques
et les transformations de la perception des idéologies (symboliques et imaginaires) et des
représentations sociales en connexion avec l’islam. Je cite par cette occasion les travaux
de Dounia Bouzar, Olivier Roy, Roland Jacquard, Tarik Ramadan, Gilles Kipel, Alain
Gresch, Saïd Bouâmama, Edwy Plenel, Ghaleb Bencheikh, Thomas Deltombe, Pascale
Boniface, Emmanuel Todd, Dominique Vidal, Frédéric Encel et d’autres auteurs
mentionnés dans le corps de cet article.
Une lecture n’est jamais vide de recul et de regard critique. Se sont les variables
d’ajustement de nos compréhensions afin d’éviter l’engrenage des théories excessives de
complot ou du communautarisme démesuré.
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