Le changement climatique et la mobilité du littoral A l’époque romaine, le niveau de la mer est a priori supérieur à ce qu’il est aujourd’hui. L’inlandsis de l’hémisphère Nord continue de fondre et la hausse est amplifiée par les mouvements verticaux de croute terrestre que cela engendre. Naturellement, les villages gaulois du littoral se développent sur les hauteurs. Ainsi, lorsque la Gaule est sous occupation romaine vers le IIIème siècle avant JC, l’aménagement du littoral est bien différent de celui que nous connaissons aujourd’hui : SaintCôme-du-Mont (50) ou Ifs (14) auraient été des ports, et les collines de Montchaton (50) et de Sainte-Marguerite-sur-Mer (76) accueillent des constructions romaines. Une mobilité naturelle du littoral… Grâce aux carottages glaciaires, nous savons que le climat de la planète obéit depuis des centaines de milliers d’années à des cycles liés au fonctionnement de la Terre, avec des variations de température importantes qui sont liées aux émissions naturelles de gaz à effets de serre. La température baisse fortement durant les « périodes glaciaires » et augmente durant les « périodes interglaciaires ». Illustrations compilées par le Conservatoire du littoral, projet LiCCo © Petit et al.1999 Pendant des milliers d’années, les sociétés ont appris à vivre sur le littoral et à composer avec sa mobilité naturelle. Les villages ont parfois été déplacés sur les hauteurs, des activités sont apparues, d’autres ont disparu. Bulles d’air dans la glace © DREAL BN ►Des variations de température 50 100 140 000 ans 60 000 ans En lien avec ces variations thermiques, l’inlandsis, nappe de glace recouvrant la terre ferme, fond ou se reconstitue : donc, la mer de la Manche se vidange ou se remplit. La dernière « période interglaciaire » (l’holocène) qui a débuté il y a environ – 15 000 ans devrait se terminer actuellement. Niveau de la mer (m) +10 0 -10 0 Depuis l’Ancien Régime et jusqu’au XIXème siècle, les modes de valorisation du littoral ont évolué. Ces mutations paysagères, économiques et agraires, qui ont rendu nécessaire la politique du tout endiguement, ont accru progressivement la vulnérabilité des sociétés face à l’aléa de submersion. © Modification du schéma original de Ph. CAMOIN et D. NICOLAS – IRSTEA, Conservatoire du littoral 2014 © SOCRATES, 2011 schéma modifié - Histoire du niveau de la mer au quaternaire récent (nooa paleoclimatology) ►Des variations du niveau marin ►Un système qui dysfonctionne ►Des sociétés littorales qui se sont adaptées … influencée par les effets du changement climatique. Et en Normandie ? La température globale de la terre devrait continuer à diminuer, mais ce n’est pas le cas. En effet, depuis l’industrialisation de l’Europe en 1800-1850, l’augmentation rapide des émissions de gaz à effet de serre, CO2, CH4, N2O a provoqué une élévation de la température de près d’un degré en Normandie, ainsi que divers autres effets au niveau global : L’augmentation de la température de l’eau de mer ; L’élévation du niveau marin ; L’augmentation de la fréquence des vents modérés d’intersaison ; La modification possible des régimes de pluviométrie ; L’augmentation de la fréquence et de la durée des inondations sur le continent ; La salinisation des aquifères côtiers ; L’augmentation de l’érosion régressive. La modification possible des habitats et écosystèmes La mobilité naturelle du littoral de la Manche est donc globalement impactée par les effets du changement climatique, notamment par l’élévation du niveau marin. © DREAL BN, 2014 Comment le littoral des sites ateliers LiCCo en France se comporte-t-il face aux effets du changement climatique ? Les effets du changement climatique sur le littoral au niveau local sont généralement estimés par le transfert des connaissances et modèles du global vers le local. Ils demeurent encore actuellement peu connus. Néanmoins, l’Etat a acquis et acquiert actuellement d’autres données au niveau local. Sur les sites ateliers LiCCo en France, il y a désormais : Une couverture totale en données LIDAR (Light Detection And Ranging), technologie laser permettant de connaitre précisément le relief avec une précision indiquée par les bureaux d’étude de 20cm ; Des cartes à l’échelle communale montrant les zones situées sous le niveau marin, et des PPRL (Plan de Prévention des Risques Littoraux) pour les zones où les enjeux humains et économiques sont forts ; Une cartographie de la piézométrie montrant les écoulements d’eau souterraine et prenant en compte les niveaux de basse et haute mer, ainsi qu’une réflexion en cours sur le biseau salé. ►Quelles connaissances au niveau local ? ►Une élévation de la température et d’autres effets au niveau global Parce qu’elle permet la mise en place d’un suivi sur plusieurs années, la position du trait de côte a été choisie comme indicateur de la mobilité du littoral. Dans le cadre d’un projet national, le travail complémentaire pour l’ensemble des côtes de la Basse-Normandie est mené actuellement par les services de l’Etat et le Réseau d’Observation du Littoral Normand et Picard (ROLNP). La caractérisation précise de la position du trait de côte pour les sites ateliers LiCCo en France, a quant à elle, été réalisée à partir d’une série de photographies aériennes anciennes étalée sur les 60 dernières années. Les traits de côte ont été dessinés à partir d’un logiciel SIG (Systèmes d’Information Géographique), et leur évolution moyenne a été calculée tous les 10 mètres dans le logiciel MobiTC, du CEREMA (Centre d’Etudes et d’expertise sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement). Le littoral, d’une tendance évolutive… Afin de mieux comprendre la manière dont le littoral des sites ateliers pouvait évoluer à l’avenir, nous avons travaillé avec les acteurs locaux, en utilisant le passé comme témoin et en traçant des tendances évolutives. Le fait d’observer ensemble les faits historiques a permis de poser le consensus de la mobilité du littoral. La méthode choisie a donc sollicité les acteurs locaux depuis le commencement par : Le recueil d’iconographies auprès des acteurs locaux : cartes postales anciennes, cartographies anciennes, documents écrits ; Des compléments obtenus par des recherches en archives nationales ; Des présentations et échanges sur les résultats en atelier : planches illustrées, petits films, et frises chronologiques. La mise à disposition aux acteurs locaux de l’ensemble des données et résultats sur le site Internet LiCCo, en libre téléchargement. ►LiCCo : utiliser le passé comme témoin ►Calculer des tendances évolutives Ign © Bd Ortho 2010 Manche, conception Conservatoire du littoral, 2014 © Compilation de documents – BnF, archives 50, Géoportail … à la définition de secteurs pour l’aide à la décision. L’ensemble des méthodes et résultats du projet LiCCo en France ont été pensés et produits de façon à être transférables et reproductibles pour d’autres organismes, c’est pourquoi ils ont été publiés au fur et à mesure sur le site Internet www.licco.eu Les résultats ont permis de différencier globalement des secteurs à enjeux sur les sites. Couplée aux expertises liées à la biodiversité, à la sociologie, au « porter à connaissance » de l’Etat, ainsi qu’aux connaissances locales, leur interprétation fine peut fournir aux élus en France une véritable aide à la décision. = La connaissance de la topographie fine des secteurs, par l’utilisation des données LIDAR, permet de compléter l’interprétation des résultats. Support : Ign © Bd Ortho 2010 Manche, conception Conservatoire du littoral, 2014 Support LIDAR © CLAREC, statistiques et conception Conservatoire du littoral, 2014 ►Définir des secteurs à enjeux ►Interpréter pour une aide à la décision Poster réalisé le 05-09-2014 © Conservatoire du littoral, projet LiCCo. Une des plus-values du projet LiCCo en France est le lien direct qui a été instauré avec les acteurs locaux. Ainsi, tout au long du projet, les usagers des sites mais aussi les autres acteurs clés du territoire ont fait leur retour sur les données mises à disposition.