GÉOGRAPHIE DE LA GUINÉE Abdoul Goudoussi Diallo GÉOGRAPHIE DE LA GUINÉE Dédicace Je dédie ce livre de géographie - aux élèves et étudiants de Guinée, notamment aux lycéens des classes de terminales dont le programme de géographie comporte l’étude générale et régionale de la Guinée ; - aux professeurs des établissements d’enseignement secondaire et supérieur avec l’espoir que cet ouvrage leur sera utile ; - à tous les citoyens et citoyennes de Guinée intéressés par la connaissance de leur pays ; - aux acteurs de l’administration et de la décentralisation qui trouveront en annexe le découpage des trente-huit communes urbaines et des trente-trois préfectures du pays avec les 304 sous-préfectures ; - aux opérateurs économiques nationaux et étrangers ; - à tous les amis de la Guinée. Avant-propos Le présent manuel illustré de cartes et de photos est structuré en 18 chapitres répartis comme suit : quatre chapitres de géographie physique, cinq de géographie humaine, cinq de géographie économique et quatre de géographie régionale. Nous tenons à adresser notre sincère gratitude à tous ceux qui, directement ou indirectement, ont aidé à la réalisation de cet ouvrage et nous exprimons l'espoir qu'il sera utile aux élèves, étudiants et enseignants ainsi qu'à tous ceux qui s'intéressent à la Guinée, pays relativementmalconnu. 9 Présentation géographique de la Guinée 10 Introduction Hormis pour ceux qui s'intéressent à la géographie, le terme Guinée, comme nom de pays, prête souvent à confusion. S'agit-il de l'ex-Guinée portugaise, actuellement Guinée-Bissau, de l'ex-Guinée espagnole devenue indépendante sous le nom de Guinée Équatoriale, de l'ex-Guinée française portant l'appellation de république de Guinée ou de GuinéeConakry ? Ces trois États sont localisés en Afrique sur le rivage de l'Océan Atlantique alors que la Nouvelle-Guinée naguère mentionnée sous le nom de Papouasie est une grande île située en Océanie. La Guinée dont il est question dans cet ouvrage est la république de Guinée (capitale : Conakry) normalisée sous le toponyme de Guinée. État côtier et pays - carrefour en Afrique de l'ouest, il est situé à peu près à mi-chemin de l'Équateur et du tropique du Cancer de par ses coordonnées géographiques comprises environ entre 7o30' et 12o30' de latitude nord, 8o et 15o de longitude ouest. Il se caractérise par la variété des formes du relief et des formations végétales, la diversité des roches, des sols et du climat, le dense chevelu hydrographique qui fait de la Guinée un centre de dispersion des eaux en direction des territoires des pays voisins, un "château d'eau" malheureusement menacé par l'ampleur de la sécheresse dans la zone soudano-sahélienne, le phénomène actuel de changement climatique et les conséquences néfastes des actions anthropiques (déboisement, agriculture sur brûlis, feux de brousse). Avec une superficie de 245857 km2 pour une population d'environ 10 millions d'habitants, soit une densité moyenne de 40 habitants/km2, la Guinée se distingue par une forte prédominance de jeunes avec un taux d'accroissement naturel élevé de l'ordre de 2,7% et un solde migratoire négatif : deux millions au moins d'émigrés d'origine guinéenne vivent à l'extérieur. La population se répartit de façon inégale dans les quatre régions naturelles avec une forte concentration dans la capitale en raison surtout de l'exode rural et elle se compose d'une mosaïque de groupes ethniques parlant diverses langues, dont trois principales : pular, maninka, soso. 11 Au dernier découpage administratif, la Guinée est structurée comme suit : - Conakry : capitale politique et administrative, chef-lieu de Gouvernorat composé de 5 communes urbaines : Kaloum, Dixinn, Matam, Ratoma, Matoto. - 7 chefs-lieux de régions administratives correspondant à 7 gouvernorats : Kindia, Labé, Kankan, N’Zérékoré, Boké, Mamou, Faranah. - 33 chefs-lieux de préfectures regroupés au sein des 7 régions administratives. - des quartiers urbains des 38 communes et des districts ruraux dans les 304 sous-préfectures et à la périphérie des communes urbaines. L'objectif de cet ouvrage est modestement de faire connaître la Guinée du point de vue de l'étude générale du pays sur le triple plan de la géographie physique, humaine et économique et de celui de la géographie régionale. 12 Première partie GÉOGRAPHIE PHYSIQUE L'étude du cadre naturel, ou géographie physique, fait apparaître les divers éléments du milieu naturel : la structure géologique et les données du relief, le réseau hydrographique, les caractéristiques du climat, les formations végétales, les sols et la faune. Ces éléments ne sont pas figés, mais évoluent sous l'influence des actions anthropiques et des variations climatiques, d'où des modifications plus ou moins poussées de l'environnement naturel malgré les tentatives de protection des écosystèmes. Chapitre I Structure et relief L'Afrique de l'ouest est une des plus vastes régions du continent africain. S'étendant d'ouest en est des îles du Cap-Vert au lac Tchad et limitée au nord et au sud respectivement par le Maghreb et le golfe de Guinée, elle se compose de seize États (douze côtiers, trois continentaux et un insulaire) et englobe diverses zones bioclimatiques qualifiées de guinéenne, soudanienne, sahélienne et désertique. La Guinée, pays côtier en bordure de l'océan Atlantique et au contact des pays forestiers au sud et soudano-sahéliens au nord, possède une longue frontière terrestre avec la Guinée-Bissau au nord-ouest, le Sénégal au nord, le Mali au nord et au nord-est, la Côte-d'Ivoire au sud-est, le Liberia et la SierraLeone au sud. Elle couvre une superficie relativement moyenne avec une variété d’éléments de la structure et du relief. Structure et relief La diversité des formes de relief est en rapport avec la variété des formations géologiques modelées par l'érosion cyclique et différentielle ou le phénomène typique de cuirassement, malgré une histoire géologique relativement simple. Structure géologique Le soubassement est constitué d'un socle cristallin de roches éruptives (granites, rhyolites) et métamorphiques (gneiss, quartzites, micaschistes, schistes). Le socle affleure surtout en Haute Guinée et Guinée forestière et de façon limitée dans certains secteurs du Fouta (granites au centre et au sud-est, rhyolites dans Koundara) et de la Guinée Maritime (granites de Manéah et du Kabitaye, gneiss du Moréah, schistes du bassin de la Kolenté). Ce socle d'âge précambrien est recouvert en Basse et Moyenne-Guinée ainsi que dans les marges septentrionales de la Haute-Guinée par une couverture sédimentaire dont les dépôts se situent dans le temps de l'Infracambrien au Dévonien : grès de l'Ordovicien ou série Pita, schistes du Silurien ou suite Télimélé, grès du Dévonien. 15 Au Carbonifère, la partie occidentale de la Guinée était déjà émergée d'où l'inexistence de gisement de houille, alors qu'au Secondaire on constate l'intrusion de roches éruptives : syénites néphéliniques des îles de Loos en face de Conakry, dunite-gabbro de la presqu'île du Kaloum et du mont Kakoulima, kimberlites de la zone diamantifère autour de Banankoro, dolérites affleurant le long des cours d'eau ou sur les plateaux dans les quatre régions naturelles. Le Tertiaire a été marqué par des mouvements tectoniques, réplique probable du plissement alpin sous forme de failles ou de fractures d'orientation générale nord-ouest à sud-est ou nord-est à sud-ouest. La plus importante de ces failles est celle de la Santa qui part de la frontière avec la Sierra-Leone au niveau du fleuve Kolenté, suit la vallée de la Santa puis de la Mayonkouré dans Kindia, passe à l'ouest de Télimélé, longe approximativement la vallée de la Tominé pour aboutir aux collines du pays Bassari jusqu'à la limite avec le Sénégal oriental. La découverte de la faille, qui est à l'origine du violent séisme de Koumbia le 22 décembre 1983 avec une magnitude de 6,3 sur l'échelle de Richter, a révélé l'ancienneté de l'activité sismique dans la région de Gaoual. La forte intensité de ce tremblement de terre a provoqué des dégâts matériels et humains considérables (destruction des habitations, fissures, morts et blessés) dans un rayon de 15 km autour de l'épicentre situé sur un bowal au nord-est du village de Kamélé (Bowal Kamourapa-Kounsibamba). Enfin, au Quaternaire, à la faveur de l'affaissement de la zone côtière, se sont déposées des alluvions marines soumises à l'influence de la marée, d'où la formation d'une bande marécageuse amphibie dite de "poto-poto". Des alluvions d'origine continentale tapissent aussi les vallées des cours- d'eau. 16 Faille responsable du séisme de Koumbia en 1983. Destructions d’habitations lors du séisme de Koumbia. Relief L'altitude varie de l'Océan au sommet des monts Nimba (1752 m). On dénombre une grande diversité de formes de relief dans les quatre régions naturelles : plaines, plateaux, dépressions intérieures, vallées et montagnes. La côte Le littoral, long de 300 km, s'étend des îles Tristao (ou Katrak) au nordouest à la pointe Sallatouk au sud-est avec deux promontoires rocheux au niveau du cap Verga (ou Koundindé) et de la presqu'île du Kaloum à Conakry. Le tracé sinueux du rivage est renforcé par les nombreuses îles et îlots, les embouchures des cours d'eau, les baies de Sangaréa (Dubréka) et Sobané 17 (Boffa). L'archipel des îles de Loos (Kassa, Tamara, Roume) constitue une protection naturelle contre la houle pour le port de Conakry. Les autres îles principales sont celles de Kakossa, Kaback-Matacong, Tannah (Forécariah), Konébombo (Dubréka), Kito, Marara (Boffa), Binari, Couffin, Katrak (Boké). De nombreuses rias ou embouchures remontées par la marée jalonnent le littoral : Rio Compony ou Kandiafara pour le fleuve Cogon, Rio Nunez pour le Tinguilinta, Rio Kapatchez ou Kataco, Rio Pongo, exutoire de la Fatala, Rio Konkouré, Rio Forécariah et Rio Mellacorée. Les plaines côtières On distingue une bande de plaines côtières submersibles vers l'aval et exondées en direction de l'arrière-pays, s'élargissant vers lenord et le sud et étroites au centre. Les cordons littoraux forment des éminences insubmersibles abritant généralement les villages, notamment au Bagata (pays Baga). La zone marécageuse des plaines inondées dénommée localement pottopotto est difficile d'accès : c'est un milieu mi-continental, mi-marin sur sol vaseux couvert par les palétuviers de la mangrove aux racines et aux branches inextricables. Les plaines exondées se heurtent brusquement vers l'est à un écran montagneux formé d'une falaise quasi verticale au sud et au centre et de bas plateaux au nord ; il s'agit des contreforts occidentaux du Fouta Djallon, autrement dit les prolongements de ce massif ancien en Guinée maritime : le Benna (1124 m) dans la préfecture de Forécariah, mont Kakoulima (1011 m) et mont Dixinn, inselbergs dominant Dubréka, mont Balan au-dessus de Coyah, bas plateaux dans Boffa et Boké. Le massif du Fouta Djallon C'est un vaste massif montagneux localisé au centre- ouest de la Guinée, culminant à 1538 m au mont Loura dans la préfecture de Mali. Son caractère fortement accidenté s'explique par la disposition en plateaux étagés surplombant des vallées encaissées et des dépressions intérieures (ayndé). Selon une coupe ouest-est le Fouta Djallon est divisé morphologiquement en Fouta occidental, central, et oriental. 18 Plaines intérieures des Timbis (Pita). Le Fouta central constitue une région de hauts plateaux de 1200 m d'altitude moyenne traversant du sud aunord les préfectures de Mamou, Dalaba, Pita, Labé et Mali avec comme principaux sommets les monts Loura (1538 m), Diaguissa (1425 m), Tinka (1372 m), Limboko (1255 m) et Kolima (1250 m). 19 Dame de Mali au mont Loura. Ce belvédère domine le Fouta occidental, ensemble de plaines et bas plateaux compris entre 200 et 1100 m d'altitude et localisés essentiellement dans Koundara, Gaoual et Télimélé. Le cuirassement des sols ou bowalisation, typique en Guinée, notamment dans la région qualifiée de Bowé (pluriel de bowal ou plateau cuirassé), située à l'est de la préfecture de Boké (Bowé-Boulléré), à l'ouest de Télimélé (Bowé-Guémé et Bowé-Kompeta) et au sud de Gaoual (Bowé-Ley Mayo), est un processus de latéritisation sur une topographie plane ou légèrement inclinée. Il consiste en une altération superficielle d'une roche éruptive ou sédimentaire contenant surtout des silicates de fer et d'alumine avec élimination plus ou moins complète de la silice et accumulation puis induration des oxydes de fer et d'aluminium au niveau de l'horizon superficiel sous un climat sujet à des alternances de saison humide et sèche. Le Fouta oriental compris entre 500 et 1000 m couvre les préfectures de Tougué, Koubia et en partie celles de Mamou, Dabola et Dinguiraye. 20