Réaliser notre vision des soins de santé : Principales orientations adressées aux premiers ministres Contexte et objectif : La Fédération canadienne des syndicats d’infirmières/infirmiers (FCSII), représentant plus de 158 000 infirmières et infirmiers, et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), représentant plus de 57 000 professionnelles en soins infirmiers et cardiorespiratoires, ont organisé conjointement une journée de réflexion le 16 juillet 2008 à Québec. Sur invitation, 75 experts de différentes régions du pays -- chercheurs, avocats, économistes, représentants des organisations d’infirmières, médecins, pharmaciens et autres travailleuses et travailleurs de la santé – préoccupés par le système de santé public, ont participé à cette journée de réflexion. L’objectif était de d’établir les principales orientations à soumettre aux premiers ministres, réunis la même semaine à Québec dans le cadre du Conseil de la fédération afin de leur rappeler que les soins de santé demeurent une priorité pour les Canadiennes et les Canadiens. Le Conseil de la fédération a été créé en 2003 dans le but d’encourager la collaboration entre les provinces et les territoires sur des enjeux d’importance pour la population canadienne. Une des deux priorités du Conseil était d’améliorer les soins de santé en se penchant sur la question de la réforme et de la viabilité du système. Bien que les soins de santé demeurent une préoccupation majeure pour la population canadienne, le Conseil ne s’y est toujours pas attardé. Les premiers ministres ne doivent pas oublier que le système de santé demeure la principale priorité pour la population et qu’il est urgent d’y porter attention afin de maintenir en place ce système, si important aux yeux des Canadiennes et des Canadiens, d’un océan à l’autre. Ce document présente les principales orientations soumises pour examen par les membres du Conseil de la fédération, soit les 13 premiers ministres canadiens. Principales orientations : • La privatisation, y compris les PPP, n’est pas la solution. • L’importance de la rétention et de l’attraction de la main-d’œuvre canadienne dans le domaine de la santé a atteint un seuil critique dans plusieurs régions du pays. C’est pourquoi il faut adopter une approche concertée, pancanadienne, qui met à contribution tous les gouvernements et comprend les mesures suivantes : 1 o Mise sur pied des programmes de financement – assortis d’une garantie de service – pour couvrir les frais de scolarité des professionnels de la santé, en grande demande. o Réorganisation du programme de stage de formation de l’assuranceemploi afin qu’il soit offert aux professionnels de la santé, leur permettant ainsi de maintenir ou d’améliorer leurs compétences. o Instaurer une culture de sécurité au travail par l’entremise de projets de santé et sécurité du travail dans les milieux. • Un régime national d’assurance-médicaments est essentiel pour assurer le contrôle des coûts du système de santé. À cette fin, les provinces doivent collaborer ensemble et avec le gouvernement fédéral. • Les Canadiennes et les Canadiens s’attendent à ce que les fonds publics soient dépensés de façon intelligente, prudente et raisonnable. Une plus grande transparence et des débats publics éclairés sont essentiels afin de savoir où va l’argent investi en santé. Discussion : Les fonds publics doivent être investis intelligemment… Alors que les Canadiennes et Canadiens sont toujours disposés à financer l’amélioration du système de santé par leurs impôts, ils tiennent à ce que les fonds publics soient utilisés de la façon la plus judicieuse possible. Ainsi, trois messages semblent clairs : • si nous voulons que davantage d’argent soit investi en santé, nous ne pouvons nous permettre d’autres réductions d’impôts; • si nous voulons investir le plus intelligemment possible, nous ne devons pas avoir à payer un montant supplémentaire pour assurer une marge de profit au secteur privé à but lucratif; • pour que les gouvernements soient redevables aux citoyennes et citoyens, la façon dont l’argent du système de santé public est dépensé doit faire l’objet de divulgation complète, d’un processus transparent et de débats publics. La main-d’œuvre en santé a besoin de soins et d’attention… Au Canada, le système de santé est conçu par et pour la population. La santé des patients -- les personnes recevant les soins -- est directement liée à la santé des soignants -- les personnes dispensant les soins. Or les milieux de travail présentent les réalités suivantes : • Les travailleuses et travailleurs de la santé sont plus stressés, insatisfaits et plus à risque d’être malades que les autres travailleurs canadiens. • 46 % des médecins sont à un stade avancé d’épuisement professionnel et 66 % des nouvelles infirmières à l’emploi depuis moins de deux ans présentent des symptômes d’épuisement professionnel. • Le taux d’absence, en raison de maladies ou de blessures, du personnel infirmier à temps complet est 58 % plus élevé que celui de l’ensemble des travailleurs à temps complet. 2 Plus les milieux de travail deviennent malsains, plus les effets se font sentir sur la qualité des soins et la sécurité des patients. Les probabilités de mortalité augmentent de 7 % avec chaque nouveau patient qui s’ajoute à la charge de travail moyenne de l’infirmière ou de l’infirmier. Les établissements de santé ont désespérément besoin d’une culture de sécurité au travail. Il est nécessaire de financer et d’élaborer des projets de promotion de la santé dans les milieux de travail et d’en assurer l’accès. Nous avons aussi besoin de planification générale en cas de pandémie et d’assurer à tous les travailleurs de la santé l’accès à des équipements de protection individuelle adéquats tout en octroyant le financement nécessaire. Il est impératif d’améliorer les conditions de travail dans les établissements de santé si nous voulons que la population canadienne continue à avoir confiance en la qualité et la crédibilité d’un système dont elle dépend. Mettre l’accent sur la rétention et l’attraction de la main-d’oeuvre en santé… Comme les autres pays du monde, le Canada fait face à une pénurie criante de ressources humaines en santé. Ceci est un problème complexe avec des effets à long terme qu’aucun gouvernement ne peut résoudre seul. La pénurie a pris l’ampleur d’une crise et les solutions à la pièce, sans vision à long terme, n’ont rien donné. Nous avons besoin d’une approche pancanadienne en matière de rétention et d’attraction de la main-d’oeuvre en santé qui met à contribution tous les gouvernements. Nous devons former davantage de soignants afin de répondre aux besoins croissants et permettre à la main-d’œuvre actuelle de maintenir et d’améliorer plus facilement ses compétences. Ainsi, ces personnes se sentiront plus sûres d’elles-mêmes et seront ainsi en mesure de mieux répondre aux nouvelles exigences du travail. Ces initiatives doivent faire l’objet d’un financement adéquat. Tout comme les plombiers et autres corps de métier, les travailleuses et les travailleurs de la santé devraient avoir accès au soutien offert par l’assurance-emploi pour améliorer leurs compétences. De plus, il faudrait affecter des fonds spéciaux, assortis d’une garantie de service, pour couvrir les frais de scolarité des professionnels de la santé en si grande demande. Les Canadiennes et les Canadiens accordent de l’importance au financement public et à la prestation publique des soins de santé… Les Canadiennes et les Canadiens ont maintes fois exprimé leur appui au système de santé public, assujetti aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. L’esprit de cette loi est bien compris par la population canadienne. Les politiques et les lois provinciales et territoriales doivent respecter et appliquer ces principes qui reflètent les valeurs qui caractérisent les Canadiennes et les Canadiens. Le système de santé, si important aux yeux des Canadiennes et des Canadiens, couvre tout le continuum des soins : la prévention et la promotion de la santé, la santé publique, les soins de santé primaires, les soins actifs, la santé mentale, les soins communautaires et à domicile, les soins de longue durée, la réadaptation, les soins palliatifs, l’assurancemédicaments, l’accès aux soins au sein des populations autochtones et autres collectivités mal desservies. 3 L’ultime responsabilité des résultats d’un système de soins de santé complet et intégré repose entre les mains des gouvernements qui ont été élus pour représenter les citoyennes et les citoyens. Le système est aussi viable que nous voulons qu’il le soit… Selon les prévisions du ministère des Finances, les dépenses en santé sont aussi viables que nous voulons qu’elles le soient. La tendance relative aux dépenses en santé est presque la même dans tous les pays développés. Par rapport à plusieurs paramètres clés liés aux dépenses en santé, le Canada demeure au milieu du peloton des pays membres de l’OCDE. Les produits pharmaceutiques représentent la seule exception à la règle sur la gestion des dépenses. • Les dépenses en médicaments au Canada sont passées de 3,8 milliards de dollars en 1985 à 26,9 milliards en 2007. • Les médicaments se classent maintenant au deuxième rang, après les hôpitaux, sur le total des dépenses en santé. • La plupart des pays industrialisés ont une forme de régime national d’assurancemédicaments et on estime que les Canadiennes et les Canadiens pourraient économiser deux milliards de dollars par année grâce à un régime national d’assurance-médicaments. • Un système à payeur unique permettrait d’avoir plus de pouvoir lorsque vient le temps de négocier avec les compagnies pharmaceutiques. De plus, les frais d’administration seraient moindres sous une administration publique. Depuis longtemps, un régime national d’assurance-médicaments fait l’objet de discussion au sein des gouvernements et le temps est venu de prendre, collectivement, des mesures qui assureront la viabilité d’un système de santé public. Les PPP ne sont pas une solution… Les infrastructures de santé ont grandement besoin d’investissements nouveaux pour entretenir les infrastructures actuelles, telles que les bâtiments et équipements vétustes, et en développer de nouvelles pour répondre aux besoins croissants. Les premiers ministres ne devraient pas hésiter à faire appel au gouvernement fédéral pour obtenir de l’aide pour le financement des immobilisations, comme cela s’est fait par le passé. Toutefois, comme tout autre investissement prudent d’argent public, les dépenses en immobilisations doivent être justifiées. Bien que les partenariats publics privés (PPP) financent de plus en plus la construction d’établissements de soins de santé, et en assurent même la gestion, un nombre croissant d’études démontrent que ces établissements ne sont pas meilleurs que ceux financés et gérés par l’État. En fait, selon l’ensemble des études actuelles, les PPP se révèlent plus coûteux à long terme. • • • Il en coûte plus cher au secteur privé pour emprunter de l’argent. Les ententes de PPP sont extrêmement complexes et difficiles à gérer. Le transfert des risques se matérialise rarement tel que promis, car les gouvernements portent l’ultime responsabilité de la qualité et de la viabilité. 4 Il est essentiel que l’information au sujet du coût véritable des PPP soit communiquée au public, s’il y a lieu, par une législation qui exige la divulgation obligatoire afin de vraiment évaluer les prétendus avantages. Les professionnels de la santé, dont les infirmières et les infirmiers, doivent participer aux prises de décisions… Les personnes qui dispensent des soins, et sont en contact avec les patients sur une base quotidienne, sont bien placées pour observer ce qui fonctionne et ne fonctionne pas au sein du système de santé. Il faut encourager et appuyer le partage des connaissances – théoriques et pratiques – si nous voulons améliorer les choses. Il arrive trop souvent que les changements, présentés comme des innovations, se fassent sans vision à long terme et sans réfléchir aux impacts résiduels. Les professionnels de la santé, dont le personnel infirmier, doivent participer à la planification et à l’élaboration des politiques afin de s’assurer que les solutions sont réalistes et viables à long terme. De plus, les pratiques doivent continuellement faire l’objet d’évaluation et d’amélioration. La santé des Canadiennes et des Canadiens : beaucoup plus que des soins de santé… La santé de la population canadienne dépend de plusieurs facteurs sociaux non couverts par le système de soins de santé. En fait, 50 % des déterminants de la santé sont des facteurs sociaux et économiques. Bien que les Canadiennes et les Canadiens accordent de l’importance à l’assurance-maladie, ils savent que le gouvernement doit aussi investir dans les garderies, l’éducation, l’aide au revenu et le logement. Nous jouons tous un rôle dans le maintien de notre système public de soins de santé… Bien que les soins de santé demeurent l’une des principales responsabilités des provinces et des territoires, tous les paliers de gouvernement et les autres parties intéressées, ainsi que les Canadiennes et Canadiens eux-mêmes, jouent un rôle clé dans le maintien du système. Le Conseil de la Fédération a été crée pour encourager la collaboration entre provinces et territoires dans l’intérêt des Canadiennes et des Canadiens. Ainsi, il peut et il doit demander au gouvernement fédéral de jouer son rôle. Nous devons tous assumer la responsabilité et demander une action musclée qui renforce les valeurs que nous partageons et protège notre système de santé public, soit un système complet, universel, accessible, qui fait l’envie de tous. Le temps est venu de passer à l’action. 5