I) Des inégalités qui peuvent conduire à repérer des classes

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Correction du DC2 : L'existence d'inégalités signifie-t-elle que la société française actuelle est une société de
classes sociales ?
I) Analyser des plans
Consigne : dans le tableau suivant sont notées plusieurs propositions de plan. Pour chacun d'entre eux, vous devez
expliquer pourquoi il n'est pas pertinent eu égard au sujet.
Type de plan proposé
I) La société française actuelle
connaît des inégalités
II) Il y a des classes dans la société
française
I) Il existe plusieurs analyses
sociologiques des classes
II) La société française connaît des
inégalités
I) L'analyse des classes de Marx
II) L'analyse des classes de Weber
III) La synthèse de Bourdieu
I) La moyennisation empêche
d'utiliser le terme de classes
II)…tout comme l'existence
d'autres critères de différenciation
I) La persistance d'inégalités…
II) …rend légitime l'utilisation de
la notion de classes
I) Il existe encore des classes en
France…
II)…même si elles connaissent un
déclin
I) Il existe des inégalités en France
II) Pourquoi ces inégalités ?
III) Quelles sont les conséquences
de ces inégalités ?
Pourquoi ce plan n'est pas pertinent ?
II) L'exploitation du dossier documentaire
Consigne : lorsque vous jugez la réponse erronée, rectifiez la proposition.
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Document n°1
Le document montre que le sentiment d'appartenance à une classe décline depuis 1982. Vrai/Faux
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Les individus qui déclarent se sentir appartenir à une classe se réfèrent à des classes fortement clivées. Vrai/Faux
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La proportion d'individus déclarant se sentir appartenir à la classe ouvrière en 2010 est identique à la proportion d'ouvriers dans la
population active. Vrai/Faux
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Le sentiment d'appartenance à une classe est une caractéristique commune de toutes les analyses sociologiques qui utilisent la
notion de classe sociale.
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A quelle analyse la progression du sentiment d'appartenance à la classe moyenne vous fait-elle penser ?
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Document n°2
Le graphique peut se lire ainsi : 38% des individus appartenant à la PCS des agriculteurs déclarent aimer le cinéma en 2008.
Vrai/Faux
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Le graphique montre que le genre a un effet fort sur les différences de pratiques culturelles. Vrai/Faux
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Le cinéma est une pratique intensive chez les plus jeunes. Vrai/Faux
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Le graphique confirme l'hypothèse selon laquelle les groupes dominants sont des omnivores culturels. Vrai/Faux
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Document n°3
Le document porte essentiellement sur des inégalités dues aux positions socioprofessionnelles. Vrai/Faux
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Trouvez dans le document deux exemples montrant que la situation des jeunes générations s'est dégradée sur le marché du travail
par rapport aux générations précédentes.
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Pourquoi peut-on dire que la pauvreté s'est transformée ?
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Les inégalités sont-elles réductibles à la position socioprofessionnelle ?
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Document n°4
On peut dire qu'en 2010, le salaire net moyen des ouvriers représentait 40% de celui des CPIS . Vrai/Faux
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Le taux de chômage des employés est de 10,3% supérieur à celui des CPIS en 2012. Vrai/Faux
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Il y a environ 3 fois plus d'individus ayant un diplôme au moins égal à un bac +3 chez les CPIS que ceux appartenant à la PCS des
PI. Vrai/Faux
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Le lave-vaisselle est un bien d'équipement courant. Vrai/faux.
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Il existe une corrélation positive entre le fait d'exercer un travail d'exécution et le fait de militer ou d'avoir milité dans un parti ou
mouvement politique ou dans un syndicat. Vrai/Faux
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Une position socioprofessionnelle élevée favorise le sentiment d'appartenance politique. Vrai/Faux.
III) Une proposition de corrigé
Un exemple d'introduction :
Si les classes sont mortes, où est passé le corps ? En formulant cette question, le sociologue anglais J.Scott
s'étonnait de la disparition de l'utilisation de la notion de classes dans la sociologie contemporaine. Cette
disparition paraît d'autant plus surprenante que cette notion est centrale dans les œuvres fondatrices de la
sociologie chez Marx au XIX° siècle et chez Weber au début du XX° siècle. Bien que leur acception soit très
différente - groupes réels en lutte pour l'un, simples regroupements heuristiques effectués par le chercheur pour
l'autre-, la notion de classe apparaissait alors indispensable pour analyser des sociétés stratifiées, autrement dit
divisées en groupes dont l'accès aux ressources rares n'est pas uniforme. Or, si ces inégalités économiques et
sociales se sont éventuellement transformées depuis les "Trente Glorieuses", elles n'ont pas disparu dans les
sociétés actuelles, notamment en France, voire se sont à nouveau creusées depuis le début des années 1980.
Dès lors, il est opportun de se demander si les théories sociologiques classiques ou plus récentes des classes
permettent de rendre compte et d'analyser pertinemment les inégalités observables dans la société française
actuelle.
Ainsi, nous verrons qu'il existe dans la société française contemporaine des inégalités permettant de repérer des
classes sociales mais qu'elles ne suffisent pas à la réduire à une société de classes.
I) Des inégalités qui peuvent conduire à repérer des classes sociales dans la société française actuelle…
A) Des inégalités certes marquées entre les groupes socioprofessionnels…
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1) Des inégalités économiques
L'utilisation de la nomenclature des PCS reste un outil efficace pour appréhender les inégalités économiques.
En effet, le salaire net moyen des ouvriers et des employés représente respectivement 40% et 38% de celui des
CPIS.
Les CPIS occupent une position de domination au travail car seuls 8% d'entre eux déclarent exécuter un
travail (contre 70% des ONQ par exemple)
Le taux de chômage est 6 fois plus élevé pour un ONQ que pour un CPIS [remarque : on peut considérer
l'inégalité devant le chômage comme une inégalité sociale].
Les salariés les plus bas dans la hiérarchie socioprofessionnelle sont ceux dont le patrimoine est le plus faible
alors que les inégalités de patrimoine sont très élevées.
2) Des inégalités sociales
La possession d'un titre scolaire élevé est quasiment inexistante chez les ouvriers et faible chez les employés.
Les pratiques culturelles les plus légitimes sont largement corrélées à la hiérarchie socioprofessionnelle. Les
pratiques les plus distinctives sont l'apanage des CPIS.
La réussite scolaire est aussi fondamentalement liée au capital culturel.
B) …qui cumulent souvent avantages et désavantages…
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1) Le cumul des inégalités…
Les inégalités n'existent pas indépendamment les unes par rapport aux autres, elles ont tendance à se cumuler.
Ainsi la possession d'un capital culturel élevé par héritage familial favorise l'accès aux professions les plus
rémunératrices par le filtre du système scolaire.
Inversement, les inégalités économiques peuvent créer et se combiner avec des inégalités sociales. L'accès à
un habitat recherché, qui dépend essentiellement du revenu et du patrimoine, favorise la création d'un capital
social à forte rentabilité.
2) …accrédite l'idée de classes
La position commune dans le processus productif engendre des conditions d'existence communes et
distinctives. Il s'agit bien là de la classe en soi comme la définit Marx.
Ces conditions de vie communes fondent un style de vie propre qui est l'expression concrète des classes sur le
papier de Bourdieu.
C) …surtout aux extrémités de l'espace social
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1) Les classes dominantes
Le cumul de tous les avantages est caractéristique des groupes dominants. La grande bourgeoisie peut sans
peine être analysée comme une classe sociale au sens marxiste du terme. Classe en soi – elle concentre une
très grande partie du patrimoine national -, elle est très consciente de son existence et use de stratégies –
matrimoniales, éducatives, spatiales - pour conserver son entre-soi. Elle est donc une classe pour soi.
Cette classe sociale apparaît donc comme répondant bien aux critères de Marx, notamment car elle est
engagée dans une lutte sociale – parfois feutrée mais réelle – afin de faire prévaloir ses intérêts, notamment en
occupant l'appareil d'Etat.
2) Les classes populaires
Les classes populaires sont définies comme l'ensemble regroupant les ouvriers et les employés. Ce
regroupement peut sembler très contestable d'un point de vue de l'analyse marxiste du fait de l'absence de
conscience de classe. Néanmoins, les individus qui la composent sont dans une situation de classe proche au
sens de Weber. Les ouvriers et les employés ont des lebenshancen (chances de vie) très proches, notamment
en termes de salaire, d'exposition au chômage et donc de consommation de biens et services (doc.4)
Au sens de Weber, les classes populaires forment donc bien une classe.
II) …mais qui ne suffisent pas à réduire la société française à une société de classes
A) Les inégalités relatives entre catégories socioprofessionnelles ne fondent pas nécessairement des classes
sociales…
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1) La conscience de classe est fondamentale dans une grande partie de la tradition sociologique
Dans son analyse fondatrice, Marx montre qu’une classe sociale véritable a deux modes d’existence. Une
classe en soi déterminée par la détention des moyens de production et par les rapports de production qui en
découlent fondant des intérêts objectifs communs. Une classe pour soi : lorsqu’une classe en soi prend
conscience de ses intérêts communs et s’organisent pour les défendre. Le passage de l’une à l’autre n’est en
rien automatique comme le montre l’exemple des paysans parcellaires.
L’analyse contemporaine de Bourdieu s’inspire pour une part de cette analyse lorsqu’il distingue les classes
objectives – ou "sur le papier" et les classes mobilisées
2) Or, la conscience de classe semble se réduire
Le document 1 semble montrer que la plupart des individus – environ les deux-tiers – se sentent appartenir à
une classe, cette proportion étant relativement stable depuis 1982.
Cependant, une lecture plus attentive du document montre que, parmi ceux qui se sentent appartenir à une
classe, la proportion de ceux qui se déclarent sentir appartenir aux classes moyennes a fortement progressé,
passant de 31% à 58% entre 1982 et 2010. A l'inverse le sentiment d'appartenir à la classe ouvrière a
fortement reculé, la proportion de ceux se sentant appartenir à la classe ouvrière a été divisée par plus de trois
entre les deux dates. Seuls 9% des individus interrogés en 2010 se sentent appartenir à la classe ouvrière, une
proportion nettement plus faible que la représentation objective de la classe ouvrière dans la stratification
sociale.
Les catégories subissant le plus les inégalités, les ouvriers et les employés, et singulièrement les non-qualifiés
de ces catégories, sont les catégories qui sont les plus éloignées du militantisme et de la proximité politique.
Subir des inégalités ne suffit à cristalliser un sentiment de classe et/ou la volonté de participer politiquement
activement (doc. 4)
B) … d'autant plus que la société s'est moyennisée…
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1) Des inégalités à replacer dans le long terme
Il existe indubitablement des inégalités dans la société française. Néanmoins, en se replaçant dans un terme
plus long, la société française a été profondément transformée par les Trente Glorieuses. Mendras a ainsi
intitulé son ouvrage la Seconde révolution française pour décrire cette transformation radicale que l'on peut
résumer par le terme de moyennisation.
Cette notion signifie que les inégalités économiques et sociales se sont fortement réduites, que les pratiques
sociales se sont fortement homogénéisées. Cette transformation incite Mendras à substituer le terme de
constellations à celui de classes pour souligner ce rapprochement des pratiques sociales symbolisé par son
analyse du barbecue et du port du jean's.
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2) Une absence relative de mobilisation et de lutte des classes
En utilisant le terme de constellations plutôt que celui de classes, Mendras souligne ainsi que si des inégalités
perdurent – liées essentiellement aux revenus et au niveau de diplôme – elles se sont fortement réduites et ne
conduisent pas à des mobilisations et à une lutte. La moyennisation, l'homogénéisation des conditions de vie
favorisent l'universalisation des intérêts.
Cette moyennisation menée à son terme conduit logiquement à la disparition des classes moyennes et des
classes : si tout le monde – ou presque – est ou se sent moyen, plus personne n'appartient à des classes
distinctes et plus personne ne se mobilise alors pour des intérêts particuliers.
C) …et que les inégalités se sont diversifiées
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1) Des inégalités liées au genre
Les inégalités liées au genre ont longtemps été oubliées dans les traditions sociologiques qui se sont donné
pour tâche d'analyser les inégalités en termes de classes, que ce soit dans la perspective marxiste ou
wébérienne.
Or, les inégalités de genre sont très fortes à l'intérieur même des groupes socioprofessionnels : ainsi, les
femmes sont plus soumises au travail domestique, sont plus exposées au chômage, sont plus touchés par les
emplois précaires, perçoivent des salaires plus faibles….
2) Des inégalités liées à l'âge et/ou à la génération
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Les inégalités générationnelles retiennent de plus en plus l'attention des sociologues contemporains comme en
attestent les travaux de L.Chauvel.
Ainsi, le doc.3 permet de comparer la situation des générations successives au regard de l'insertion sur le
marché du travail, des trajectoires professionnelles, des perspectives de retraite et de l'exposition à la pauvreté.
Pour l'ensemble de ces critères, les générations entrées sur le marché du travail après 1980 sont fortement
désavantagées par rapport à celles du baby-boom. Il s'agit d'inégalités fondamentales que la seule
appartenance socioprofessionnelle ne permet pas d'établir.
N.B. : d'autres critères de différenciation
pouvaient être mobilisés : lieu d'habitation,
origine "ethnique"…
Un exemple de conclusion :
Concept central de la sociologie tant marxiste que wébérienne voire bourdieusienne, la notion de classes sociales
semble conserver une pertinence relative pour analyser certaines inégalités de la société française contemporaine,
au prix parfois de réaménagements conceptuels ou empiriques comme en témoigne l'utilisation de plus en plus
fréquente du terme de classes populaires. Néanmoins, les analyses classiques ou contemporaines des classes
peinent à rendre compte de la reconfiguration des inégalités nées du mouvement – contesté – de moyennisation et
de l'émergence d'inégalités liés à l'âge et à la génération, ou au genre.
N'est-ce pas un défi posé aux sociologues contemporains que d'inventer une théorie des classes intégrant ces
inégalités autres que socioprofessionnelles ?
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