La théorie de la décohérence - Groupe de Physique Statistique

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La théorie de la décohérence
Raphaël Leone
Laboratoire de Physique des Matériaux, Université Nancy 1
Sommaire
• Introduction: les difficultés conceptuelles de la MQ
• Le problème de la mesure
• L’opérateur densité et intrication
• Le phénomène de décohérence
• Un modèle simple, et d’autres plus réalistes
• Preuve expérimentale de la décohérence
– p.1
Introduction
"Je crois pouvoir affirmer sans me tromper que
personne ne comprend la mécanique quantique"
Richard Feynmann.
Grande puissance explicative de la mécanique
quantique, mais remise en cause profonde de la notion
de réalité.
Dérive utilitariste.
– p.2
Les difficultés conceptuelles
Monde microscopique et monde macroscopique ont des
comportements différents.
→ Question: la mécanique quantique est-elle
universelle? Sinon, où se situe la frontière entre ces
deux mondes?
Des grosses molécules aussi interfèrent (ici C60 F48 ).
– p.3
Les problèmes de la mesure
Mesure = mise en interaction d’un objet microscopique
(quantique) et d’un objet macroscopique (classique).
Pour von Neumann, il n’y a qu’une physique: la physique
quantique.
→ fonction d’onde |mi associée à l’appareil de mesure.
– p.4
Le problème de la mesure
• Si |ϕ(0)i =
P
n cn |qn i
alors :
état de superposition transmis dans M.
– p.5
Le problème de la mesure
Illustration du paradoxe du Chat de Schrödinger
– p.6
Les problèmes de la mesure
3. Conclusion :
Le modèle de von Neumann est irréaliste !
Défaut : description de l’état de M par un unique degré
de liberté pertinent
– p.7
L’opérateur densité
Définition :
ρ=
N
X
k=1
pk |ψk ihψk |
Permet de décrire états purs (N = 1) comme mélanges
statisques d’états (N > 1)
– p.8
L’opérateur densité
Trois propriétés utiles :
• T r(ρ) = 1
• hAi = T r(ρA) = T r(Aρ)
• T r(ρ2 ) ≤ 1
Évolution temporelle (équation de von Neumann) :
1
d
ρ(t) = [H(t), ρ(t)] = L(t)ρ(t)
dt
i~
– p.9
Entropie et information
Entropie de von Neumann, analogue à l’entropie
classique de Shanon :
N
X
¢
H = −T r ρ ln ρ = −
pk ln pk = −I ≥ 0
¡
k=1
• Minimale pour un état pur: H = 0
• Maximale pour un mélange de N états
équiprobables: H = ln N
– p.10
Entropie et information
Autre définition plus simple : l’entropie linéaire
Hl = 1 − T r(ρ2 )
• Minimale pour un état pur: Hl = 0
• Maximale pour un mélange de N états
équiprobables: Hl = 1 − 1/N 2
– p.11
Intrication
Soit deux systèmes S1 et S2 et initialement :
ρ(t0 ) = ρS1 (t0 ) ⊗ ρS2 (t0 )
→ interaction →
XX
ρ(t) =
cnm c∗ij |un i ⊗ |vm i hui | ⊗ hvj |
n,m i,j
– p.12
L’opérateur densité réduit
Définition (pour le système S1 ):
ρS1 = T r2 (ρ)
Utile car :
hO1 i = T r1 (ρS1 O1 )
Comme si c’était l’opérateur densité du système S1
– p.13
Mélanges propres et impropres
On peut toujours diagonaliser ρS1 , dans la base de
Schmidt :
X
ρ1 = T r{ρ} =
λn |χn (t)i hχn (t)| , λn ∈ R+
n
ressemblant à un mélange statistique, mais c’est un
artefact:
c’est un mélange statistique impropre.
– p.14
Théorie de la décohérence
• Système S ouvert : prise en compte de
l’environnement E
• Notre incapacité à connaître l’état du système total
se traduit par : ρS = ρS
– p.15
Théorie de la décohérence
Conséquences :
• "Choix" d’au moins une base privilégiée
• Une nouvelle théorie de la mesure
Questions : comment et durant combien de temps dure
le processus ?
– p.16
Einselection
Einselection = Environment-Induced Superselection
Définition : les vecteurs de la base privilégiée sont ceux
qui s’intriquent le moins avec l’environnement.
Dans le cas idéal la base privilégiée ne s’intrique pas
avec l’environnement : base propre de l’observable O1
telle que :
[O1 , H] = 0
– p.17
Einselection
Si à t0 , superposition d’états de la base privilégiée :
X
cn c∗m |ϕn ihϕm | ,
ρS (t0 ) =
nm
→ interaction avec E :
X
†
ρ(t) =
cn c∗m |ϕn ihϕm | ⊗ Un (t, t0 )ρE (t0 )Um
(t, t0 )
nm
Opérateur densité de S :
X
†
(t, t0 )Un (t, t0 )ρE (t0 )}
ρS (t) =
cn c∗m |ϕn ihϕm | × T rE {Um
nm
– p.18
Einselection
Effet de la décohérence :
X
X
2
ρS (t) =
|cn | |ϕn ihϕn | +
cn c∗m eΓnm (t) |ϕn ihϕm |
n
nm
Fonction de décohérence :
t
Γnm (t) ∼ −
,
τD (n, m)
→ après quelques τD on a :
ρS ∼
X
n
|cn |2 |ϕn ihϕn |
(1)
– p.19
Durée du processus
• Temps de relaxation de l’environnement : τE
• "Distance" séparant les états : d(ϕl , ϕm )
De sorte que :
τE
τD =
d(ϕn , ϕm )
L’effet physique le plus rapide connu.
– p.20
La nouvelle théorie de la mesure
Étape 1 : la prémesure
Exemple simple : mise en interaction d’un système
quantique avec l’appareil de mesure
¡
¢
|ψ(0)i = c1 |q1 i + c2 |q2 i ⊗ |m0 i
→ intrication : |ψi = c1 |q1 i ⊗ |m1 i + c2 |q2 i ⊗ |m2 i
ce qui correspond à :
ρ(0) = |c1 |2 |q1 , m1 ihq1 , m1 | + |c2 |2 |q2 , m2 ihq2 , m2 |
+ c1 c∗2 |q1 , m1 ihq2 , m2 | + c∗1 c2 |q2 , m2 ihq1 , m1 |
– p.21
La nouvelle théorie de la mesure
Étape 2 : la décohérence
{|mn i} : base privilégiée de M → après quelques τD :
ρ(0) = |c1 |2 |q1 , m1 ihq1 , m1 | + |c2 |2 |q2 , m2 ihq2 , m2 |
Dans notre point de vue les corrélations quantiques ont
disparu. Tout se passe comme si la réduction du paquet
d’onde avait eu lieu.
– p.22
Le modèle spin-boson exact
Hamiltonien total: H = HS + HE + W
avec :
³
´
X
X
1
~ωk b†k bk , W = σz
gk b†k + gk∗ bk
HS = ~ω0 σz , HE =
2
k
k
Comme :
[σz , H] = 0 ,
Alors |0i et |1i vecteurs de la base privilégiée.
– p.23
Le modèle spin-boson exact
On montre que
• ρ̃ii (t) = ρii (0)
• ρ̃ij (t) = ρij (0) eΓt
Γ(t) = ln T rE
=
X
k
(
exp
³
"
X³
k
αk (t)b†k − αk∗ (t)bk
´
´
#
)
ρB (0)
lnhexp αk (t)b†k − αk∗ (t)bk i
1 − eiωk t
αk = 2 gk
~ωk
– p.24
Le modèle spin-boson exact
1. État initial de vide quantique
Y
ρE (0) =
|0i h0|k ,
k
Alors on obtient :
Γvide (t) = −
X µ 2|gk | ¶2 ³
k
~ωk
´
1 − cos (ωk t)
– p.25
Le modèle spin-boson exact
Pour t ¿ ωk−1 :
eΓvide (t)
( µ
)
¶
2
Y
2|gk |
→
exp −
t2
~
k
– p.26
Le modèle spin-boson exact
Limite continue
X
k
f (ωk ) −→
Z
∞
dωµ(ω)f (ω)
0
Densité spectrale:
J(ω) = µ(ω)
µ
2|g(ω)|
~
¶2
→ Fonction de décohérence :
Z ∞
1 − cos(ωt)
dωJ(ω)
Γvide (t) = −
ω2
0
– p.27
Le modèle spin-boson exact
2. État initial d’équilibre thermique à température T
´X
Y (k)
Y³
e−βHE
−β~ωk n
−β~ωk
e
|nk i hnk | =
ρE (0)
=
1−e
ρE (0) =
ZE
n
k
k
k
On montre alors que :
Γ(t) = Γvide (t) + Γth (t)
avec :
Γth (t) = −
X µ 2|gk | ¶2 ³
k
~ωk
¶
¸
µ
´·
~ωk
1 − cos(ωk t) coth
−1
2kB T
– p.28
Le modèle spin-boson exact
3. Limite continue avec :
J(ω) = Aωe−ω/ωc
On obtient dans l’approximation kB T ¿ ~ωc :
·
¸
¢
A ¡
sinh(t/τE )
2 2
Γ(t) = − ln 1 + ωc t − A ln
2
t/τE
où :
2, 43.10−12
~
≈
s
τE =
πkB T
T
– p.29
Le modèle spin-boson exact
Pour les temps longs (t À τE ):
t
Γ(t) ≈ −
τE
– p.30
Le modèle spin-boson exact
Entropie linéaire :
Hl (t) = 1 − T rS
¡
¢
¢ 1¡
Γ(t)
1−e
(ρ (t) =
2
2
– p.31
Les modèles importants
1. Dynamique markovienne:
¡
¢
d
1
ρS (t) = L(t)ρS (t) = [H, ρS (t)] + D ρS (t)
dt
i~
avec :
¡
¢
D ρS (t) =
D
X
k=1
γk
µ
¶
o
n
1
†
Ak ρS Ak −
A†k Ak , ρS (t)
2
Base privilégiée : états propres de L (pour D = 1)
– p.32
Les modèles importants
2. L’équation pilote optique pour un champ monomode:
d
γ0 †
γ0
ρ̃S (t) = − a aρ̃S (t) − ρ̃S (t)a† a + γ0 aρ̃S (t)a†
dt
2
2
– p.33
L’expérience de M. Brune et al.
Rappel: représentation graphique d’un état cohérent |αi :
– p.34
L’expérience de M. Brune et al.
États cohérents microscopiques / macroscopiques:
– p.35
L’expérience de M. Brune et al.
1. Idée générale:
Si D = 2|α| sin φ > r alors : "état chat"
– p.36
L’expérience de M. Brune et al.
1. États de Rydberg circulaires du rubidium:
Très grande taille → très fort moment dipolaire.
– p.37
L’expérience de M. Brune et al.
1. Protocole expérimental:
– p.38
L’expérience de M. Brune et al.
2. Description qualitative :
nécessite deux atomes A1 et A2 pour préparer et sonder
l’état du champ.
– p.39
L’expérience de M. Brune et al.
A1 sort de R1 dans l’état :
¢
1 ¡
√ |e1 i + |g1 i
2
– p.40
L’expérience de M. Brune et al.
Le champ s’intrique avec A1 :
¯
E
¯
|e1 i ⊗ |αi → eiφ |e1 i ⊗ ¯αeiφ
et
¯
E
¯ −iφ
|g1 i ⊗ |αi → |g1 i ⊗ ¯αe
– p.41
L’expérience de M. Brune et al.
A1 passe dans R2 qui le mélange selon :
¢
1 ¡
iϕ0
|e1 i → √ |e1 i + e |g1 i
2
et
¢
1 ¡
−iϕ0
|g1 i → √ − e
|e1 i + |g1 i
2
– p.42
L’expérience de M. Brune et al.
Mesure de A1 dans De et Dg projette l’état du champ :
¯
¯
E
E
¯ −iφ
i(φ+ϕ0 +χ1 ) ¯ iφ
αe
+
e
¯αe
¯
– p.43
L’expérience de M. Brune et al.
Interaction avec A2 :
cas idéal, sans décohérence.
– p.44
L’expérience de M. Brune et al.
Après passage de A2 dans R2 et mesure de A2 :
¯
¯
E
E
h
i
¯
¯
|ψi = ei(2φ+ϕ0 +χ1 ) ¯αe2iφ + ei(χ2 −ϕ0 ) ¯αe−2iφ + eiφ 1 + ei(χ1 +χ2 ) |αi
• si χ1 = χ2 :
¯
¯
E
E
¯
¯
|ψi = ±ei(2φ+ϕ0 ) ¯αe2iφ ± e−iϕ0 ¯αe−2iφ + 2 |αi
• si χ1 6= χ2 :
¯
¯
E
E
¯
¯
|ψi = ±ei(2φ+ϕ0 ) ¯αe2iφ ∓ e−iϕ0 ¯αe−2iφ
– p.45
L’expérience de M. Brune et al.
Cas où A1 trouvé dans l’état e1 avec P (e1 ) = 1/2, état du
champ:
¯
E´
1 ³¯¯ −iφ E
¯
√ ¯αe
− eiφ ¯αeiφ
2
Mélange dans R2 :
¢
1 h ¡ 2iφ ¯¯ 2iφ E ¯¯ −2iφ E
iφ
|ψi = 3/2 e ¯αe
+ ¯αe
− 2e |αi ⊗ |ei
2
{z
}
|
23/2 |ψ(e2 /e1 )i
i
¡ ¯¯ 2iφ E ¯¯ −2iφ E ¢
− ¯αe
⊗ |gi
+ ¯αe
|
{z
}
23/2 |ψ(g2 /e1 )i
– p.46
L’expérience de M. Brune et al.
Probabilités conditionnelles P (²2 , e1 ):
3
P (e2 /e1 ) = | hψ(e2 /e1 ) |ψi | =
4
2
et
1
P (g2 /e1 ) = | hψ(g2 /e1 ) |ψi | =
4
2
Probabilités jointes:
3
1
P (e1 , e2 ) = P (e2 /e1 )P (e1 ) =
P (e1 , g2 ) = P (e1 /g2 )P (g2 ) =
8
8
Si décohérence totale:
1
P (²1 /²2 ) =
2
P (²1 , ²2 ) = 1/4
– p.47
L’expérience de M. Brune et al.
Paramètre expérimental pertinent:
P (e1 , e2 )
P (g1 , e2 )
η = P (e2 /e1 ) − P (e2 /g1 ) =
−
P (e1 , e2 ) + P (e1 , g2 ) P (g1 , e2 ) + P (g1 , g2 )
Résultat expérimental:
– p.48
L’expérience de M. Brune et al.
3. Résultat du modèle théorique:
³
´
1 Γ(T )
cos |α|2 (1 − e−γ0 T ) sin 2φ
η̄(T ) ≈ e
2
(2)
avec:
Γ(T ) = ln |f (T )| = −2|α|2 (1 − e−γ0 T ) sin2 φ
– p.49
L’expérience de M. Brune et al.
Tracé de η̄(T ) pour φ = 0, 7:
– p.50
Conclusion
La théorie de la décohérence:
• résultats satisfaisants
• ne résout pas le problème probabiliste!
• pose des problèmes pour les conceptions
• réel voilé ?
– p.51
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