Fin de vie et volonté du patient Lina WILLIATTE-PELLITTERI Professeur FLD Directrice du Master 2 droit de la responsabilité médicale Avocat à la Cour 15/07/15 Loi « relative aux droits des malades et à la fin de vie » du 22 avril 2005 • Rappel : objectifs de la loi • Codifier les bonnes pratiques médicales et certaines règles déontologiques • Renforcer le droit des personnes malades, en particulier en fin de vie, conscientes ou inconscientes, • Condamner l’obstination déraisonnable Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La proposition de loi Leonetti Claeys 2015 • réaffirmer les droits du patient en fin de vie • renforcer les outils juridiques permettant d'avoir connaissance de la volonté du patient inconscient en fin de vie • aider les équipes médicales dans la prise de décision • créer le droit à la sédation profonde Droits du malade en fin de vie Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Les principales mesures de la loi 2005 • Reconnaissance de droits spécifiques au malade en fin de vie • Droit de refuser un soin ou un traitement • Droit d'interrompre un soin ou un traitement Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Proposition loi Leonetti Claeys • Réaffirme le droit du patient : • à une fin de vie digne et apaisée • de refuser un soin ou de ne pas subir ou recevoir un traitement quel qu’il soit : la nutrition et l'hydratation artificielles constituent un traitement • de ne pas souffrir : droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance même s'ils peuvent avoir pour effet d'abréger la vie. Remarques L’accent est donc mis sur le respect de la volonté du patient Nécessité de connaitre cette volonté Patient conscient / Patient inconscient Patient capable d’exprimer sa volonté En l'état actuel du droit • Articles L 1111-4 al 2 CSP : Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de son choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Malade conscient : rappel • Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Durée : appréciation laissée au praticien selon la situation d’espèce • La décision du patient, toujours révocable, contraint le médecin. L’obligation d’assistance du médecin ne l’autorise pas à surmonter le refus de soins. SAUF en cas d’urgence (pronostic vital engagé) le devoir d’assistance du médecin doit l’emporter sur le refus de soins • La décision du patient est inscrite dans le dossier médical. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Perspectives Proposition loi Leonetti Claeys • Obligation pour le médecin de respecter la volonté du patient qui refuse le traitement ou souhaite l'arrêter après l'avoir informé des conséquences de ses choix et de leur gravité (art. 5): • Si cette décision met sa vie en danger, le patient doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable • Le patient peut faire appel à un autre membre du corps médical pour éclairer ses choix Perspectives Proposition loi Leonetti Claeys • Obligation dans ce cas pour le médecin de : • sauvegarder la dignité du mourant • assurer la qualité de sa fin de vie en dispensant des soins palliatifs Patient inconscient/incapable d’exprimer sa volonté Directives anticipées Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Directives anticipées : état actuel du droit Article L 1111-11 CSP - souhait de la personne relatif à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou de l’arrêt de traitement - sont révocables à tout moment Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Formalisme des directives anticipées - Document écrit, daté, signé par leur auteur dument identifié par l’identification de ses nom, prénom, date et lieu de naissance. - En cas d’impossibilité d’écrire et de signer, 2 témoins (dont la personne de confiance, si elle est désignée) peuvent attester que le document qu’il n’a pas pu rédiger est l’expression de sa volonté libre et éclairée. Ces témoins indiquent leurs nom et qualité et leur attestation est jointe aux directives anticipées. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Conservation des directives anticipées R.1111-19 CSP «… conservées selon les modalités les rendant aisément accessibles pour le médecin… » - soit dans le dossier du médecin (traitant par exemple) - soit dans le dossier médical tenu par l’établissement - par leur auteur - par la personne de confiance désignée (identifiée dans les DA) - par un membre de sa famille (identifié dans les DA) - par un proche (identifié dans les DA) Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Validité des directives anticipées R.1111-18 CSP : 3 ans précédant l’état d’inconscience de la personne. Période de validité renouvelable par simple décision de confirmation signée par leur auteur sur le document ou, en cas d’impossibilité d’écrire et de signer, établie par deux témoins. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Opposabilité des directives anticipées L 1111-11 CSP : les directives anticipées n’ont qu’une valeur indicative pour le médecin qui, in fine, prendra la décision. Le médecin reste libre d’apprécier en conscience la pertinence du contenu des DA compte tenu de la situation concrète et de l’évolution des connaissances médicales Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Perspectives Proposition loi Leonetti Claeys • peuvent être rédigées par toute personne majeure (si personne protégée : nécessité de l'autorisation du juge ou du conseil de famille), selon un modèle dont le contenu sera fixé par décret en CE après avis de la HAS. Ce modèle distingue deux types de DA selon que la personne se sait ou non atteinte d'une affection grave au moment où elle les rédige • expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie : conditions de poursuite, limitation ou arrêt ou refus de traitement • sont révocables et révisables à tout moment • sont conservées sur un registre national (traitement automatisé) Perspectives Proposition loi Leonetti Claeys • Les DA s'imposent aux médecins : pour toute décision d'investigation, d'intervention ou traitement concernant le patient • Les DA ne s'imposent pas aux médecins : lorsque la situation médicale du patient ne correspond pas aux circonstances visées par les DA ou en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une accessibilité aux DA ou à l’évaluation complète de la situation du patient • Cette hypothèse suppose une appréciation : mise en place d'une procédure collégiale • Obligation de traçabilité dans le DM La personne de confiance Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 En l’état actuel du droit L 1111-12 CSP : lorsque le malade a désigné une personne de confiance, l’avis de cette dernière, sauf urgence ou impossibilité, prime sur tout autre avis non médical dans les décisions prises par le médecin, à l’exclusion des directives anticipées. Confirmé dans la proposition de loi Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Personne de confiance • Le cas échéant : article L1111-4 CSP : si la personne inconsciente en fin de vie n’a pas désigné de personne de consulter confiance : le médecin doit la famille, ou à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La personne de confiance qui est elle? L 1111-6 CSP peut être : - - - - - - - un parent Conjoint Compagnon Ami Médecin traitant… Elle peut être aussi la personne « à prévenir »… Pour les enfants : en principe sont les titulaires de l’autorité parentale Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La personne de confiance comme est elle désignée? - Par écrit sans autre formalité - Remarques : L1111-6 al.2 CSP impose aux établissements de santé de proposer à tout patient hospitalisé la désignation d’une PC. Cette désignation est valable pour toute la durée de l’hospitalisation Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La personne de confiance : quel est son rôle ? (1/2) • En cas d’inconscience du patient : elle devient le 1er interlocuteur de • • • • l’équipe médicale soignante (sauf urgence ou impossibilité) Son opinion ne vaut pas décision personnelle du patient. Son opinion ne s’impose pas au médecin. Elle n’a pas accès aux données du dossier médical sauf si elle dispose d’un mandat exprès à cette fin. Proposition de loi : en cas d'inconscience du patient, la PC peut demander les informations du dossier médical nécessaires pour vérifier si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans les DA. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La personne de confiance : quel est son rôle ? (2/2) Le seul droit que la loi lui reconnaît est de demander la mise en œuvre de la procédure collégiale concernant la décision de suspension ou d’arrêt des traitements d’une personne en fin de vie hors d’état d’exprimer son consentement Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 La procédure collégiale Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Procédure collégiale • L’obligation d’une collégialité de la décision d’une limitation ou d’un arrêt de traitement dans deux situations : • Lorsque la décision est susceptible de mettre en danger la vie d’un patient hors d’état d’exprimer sa volonté • Lorsque la personne est dans une phase avancée ou terminale d’une affection grave ou incurable Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Procédure collégiale • Le médecin peut engager la procédure collégiale de sa propre initiative. • Le médecin doit engager une procédure collégiale eu égard aux directives anticipées/ si demande de la personne de confiance/famille/proches. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Modalités la procédure collégiale • Décision prise par le médecin en charge du patient après concertation avec l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un médecin, appelé en qualité de consultant. • Il ne doit y avoir aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. • L’avis motivé d’un 2e consultant est demandé par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile. • L’ensemble est retracé dans le dossier médical. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Procédure collégiale • La finalité d’une telle procédure est d’éviter des décisions prises dans la précipitation en permettant au médecin traitant d’élaborer avec l’ensemble de l’équipe soignante la motivation rationnelle d’une décision médicale Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Rappel Hiérarchie des avis non médicaux concernant un patient hors d’état d’exprimer sa volonté (hors mandat de protection future): 1- souhaits exprimés dans les directives anticipées 2- avis de la personne de confiance 3- avis de la famille, en privilégiant le cercle restreint au cercle élargi 4- avis des proches Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Refus de l’obstination thérapeutique Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Obstination déraisonnable Refus de l’obstination thérapeutique déraisonnable dans la réalisation d’actes ayant pour effet d’entraîner une prolongation artificielle de la vie. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Obstination déraisonnable Refus de l’obstination thérapeutique c’est à dire ? - Concerne les actes techniquement sophistiqués et lourds - Concerne les actes dont l’envergure est disproportionnée par rapport aux fins visées - Concerne les actes qui ont pour seul effet le maintien artificiel à la vie Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Obstination déraisonnable Refus de l’obstination thérapeutique c’est à dire ? • Autrement dit, 3 critères : • L’inutilité du soin • La disproportionnalité du soin • L’artifice du soin Il appartient au médecin d’apprécier en conscience…. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Obstination déraisonnable Refus de l’obstination thérapeutique c’est à dire ? La responsabilité pénale (NAPD par ex), civile, déontologique ne peut être engagée. Devoir du médecin de sauvegarder la dignité du mourant en lui dispensant des soins palliatifs. Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Droit à la sédation profonde Droit à la sédation profonde Ce droit d'ajoute à l'interdiction pour les professionnels de santé de pratiquer l'obstination déraisonnable. Finalité : éviter toutes souffrances et la prolongation "inutile" de la vie du patient Modalités pratiques : • sédation profonde et continue qui provoque une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vies • peut être effectuée par un membre de l'équipe médicale selon le choix du patient (après consultation du médecin) en établissement de santé ou à son domicile Droit à la sédation profonde • Modalités juridiques: • procédure collégiale • traçabilité dans le dossier médical du patient Droit à la sédation profonde • Ce droit aurait vocation à s'appliquer • à la demande du patient conscient : • lorsqu'atteint d'une affection grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court terme, il présente une souffrance réfractaire au traitement • lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme • à la demande du patient inconscient : via les directives anticipées • à l'initiative du médecin : lorsque le patient ne peut plus exprimer sa volonté et au titre du refus de l'obstination déraisonnable, Responsabilités juridiques encourues Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Quelles responsabilités juridiques? • Pour non respect de la volonté du patient exprimée soit via les DA ou la PC : - S’il est démontré que professionnel de santé a agi dans l’intérêt médical du patient = absence de condamnation (attention l’absence de condamnation ne veut pas dire absence de poursuite) - Le cas échéant, il peut voir sa responsabilité civile être engagée. (A distinguer selon que le professionnel de santé est un hospitalier, un salarié ou un libéral) Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Quelles responsabilités juridiques? • Pour avoir respecté la volonté du patient exprimée soit via les DA ou la PC : - S’il est démontré que professionnel de santé a agi contrairement à l’intérêt médical du patient mais il est prouvé que la volonté du patient a été respectée. ATTENTION : il appartient au professionnel d’apporter la preuve de la volonté du patient. - en principe pas de responsabilités juridiques Lina Williatte-Pellitteri 15/07/15 Pour toutes questions : [email protected] 03 20 13 40 69