Des tensiomètres pour optimiser l`irrigation des laitues sous abri

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Des tensiomètres pour optimiser l’irrigation des laitues sous abri
La tensiométrie indique la nécessité ou non d’apport d’eau en fonction de l’état du sol, et
s’intègre bien dans la démarche de gestion des arrosages par les maraîchers.
Le raisonnement des apports d’eau qu’elle autorise peut améliorer les résultats sur la
culture en favorisant son installation racinaire et son alimentation. Il peut également
déboucher sur une limitation des apports, avec des conséquences positives sur l’état
sanitaire des plantes en période hivernale.
L’humidité plus faible du sol qui en résulte autorise une remise en culture immédiate de
l’abri, ce qui permet une meilleure production et plus de flexibilité sur le calendrier.
La culture sous abri permet une meilleure maîtrise des conditions de production par la gestion du
climat et des apports d’eau. Bien conduit, ce système a permis d’améliorer et d’intensifier la
production de salade.
Aujourd’hui, l’état du marché et les attentes des consommateurs accentuent cette nécessité avec
des objectifs de qualité et de respect de l’environnement.
La bonne alimentation de la plante et les flux d’eau sources d’éventuelles pollutions sont
conditionnées par l’irrigation. Trop souvent, on constate en exploitations des échecs imputables à
des apports d’eau inappropriés.
Afin de les optimiser, des expérimentations sont conduites à l’INRA d’Alénya dans le cadre d’un
programme régional sur l’amélioration de la filière salade (1).
Le tensiomètre, un bon outil pour améliorer l’irrigation sur laitue
La tensiométrie mesure la force de rétention de l’eau par le sol en un point choisi. Ainsi, on
obtient des indications sur l’existence de flux vers les nappes ou sur la facilité qu’aura la
plante à prélever cette eau par ses racines (schéma 1).
Schéma 1: Mesure tensiométrique
dP
(dépression dans la
colonne en mb)
h
(hauteur d’eau
en cm)
La colonne d’eau du tensiomètre se vidange sous l’effet de la gravité
(h) et de la succion du sol (ψm). Ceci crée une dépression (dP) qui est
mesurée.
La succion du sol limite la disponibilité de l’eau pour les racines.
Elle définit donc les possibilités d’alimentation pour la plante.
ψ m (en millibar mb)
Flétrissement définitif
16 000
6 000
ψm
(succion du
sol en mb)
Flétrissement temporaire
Confort des racines
?
Zone de confort optimum
150
Risque d’asphyxie des racines
0
La relation entre la tension et l’humidité varie selon les sols.
1
• Il est adapté au rythme des décisions pour l’irrigation
La plante entière étant commercialisée, le moindre défaut d’aspect pénalise la qualité et se
répercute sur le revenu.
La gestion de l’irrigation doit donc apporter une sécurité quant à l’absence de stress hydrique, mais
également tenir compte des risques sanitaires. Ainsi, la persistance d’un film d’eau entre les
feuilles et le paillage plastique du sol peut entraîner des développements de maladies (brémia,
rhyzoctonia, botrytis,...).Le déclenchement des irrigations est à conditionner à la possibilité
d’assèchement rapide dans la journée.
L’ajustement constant aux conditions de la culture nécessite de la part des producteurs des
décisions adaptées au jour le jour.
L’utilisation de tensiomètres coïncide bien avec cette démarche : ils sont installés sur la
parcelle et donnent des renseignements instantanés.
• Une mesure de l’état de l’eau dans le sol permet l’amélioration de la conduite de la
culture
L’analyse des pratiques d’irrigation actuelles montre qu’elles sont très dépendantes
d’observations climatiques, sans réelle investigation de l’état du sol, surtout en profondeur.
Ceci entraîne des à coup dans l’alimentation en eau qui peuvent provoquer des
ralentissements de croissance, voire des accidents physiologiques (nécrose marginale).
Par ailleurs, les possibilités de contribution du sol à l’alimentation de la plante sont
négligées. Faute de références adaptées à la salade, l’ objectif est souvent au maintien d’une
humidité élevée (capacité au champ).Le risque d’excès d’eau, extériorisé trop tardivement
par la plante, est peu pris en considération.
Cela entraîne des irrigations souvent importantes, avec pertes d’eau en profondeur et parfois
pénalisation de la qualité.
Le contrôle par tensiométrie de la disponibilité de l’eau pour la plante permettrait d’éviter
ces erreurs.
Les expérimentations menées à Alenya ont permis de tester l’intérêt d’une restriction des
irrigations sur laitue avec mise à contribution des réserves du sol sous contrôle
tensiométrique.
Moins irriguer la laitue...
• La laitue s'accomode bien de sols plus secs
En hiver 1997, plusieurs tunnels de laitues ont été maintenus de l’enracinement profond des
plants (13 feuilles environ) jusqu’à la récolte à des niveaux tensiométriques correspondant
aux conditions suivantes:
- sol très humide, quasiment saturé en eau : 70 millibars de tension (modalité 1)
- sol humide, proche de la capacité de rétention : 150 millibars de tension (modalité
2)
- début d’assèchement par une mise à contribution modérée des réserves du sol:
300 millibars de tension (modalité 3)
L’irrigation a été conduite en fonction de ces objectifs, avec déclenchement sitôt que les
prélèvements d’eau dans la zone racinaire entraînent le dépassement de ces seuils.
Pour les trois traitements, le développement des plantes a été assez similaire, avec à la
récolte des poids très satisfaisants (schéma 2).
2
Schéma 2: Développement des laitues selon le régime d'alimentation en eau
Récolte
Poids moyen des laitues
500
450
Conduite très
humide (quasisaturation)
40 feuilles
400
Conduite humide
(maintien de la
capacité au champ)
350
35 feuilles
300
250
200
24 feuilles
150
100
30-nov
10-déc
20-déc
30-déc
09-jan
Conduite restrictive
des irrigations
(contribution de la
réserve en eau du
sol)
Quel que soit le niveau de disponibilité de l’eau qu’elles ont subi, les laitues bénéficiaient de
conditions très régulières grâce au pilotage tensiométrique de l’irrigation. L’absence d’à
coup contribue probablement à limiter l’apparition de problèmes physiologiques en
permettant l’adaptation progressive du système racinaire.
Dans ces conditions, la laitue s’est révélée peu sensible aux excès d’eau de la première
modalité, sans problème racinaire malgré l’ampleur des apports (plus de 150 % de l’ETP).
Ce régime d’irrigation extrême ne correspond pas aux pratiques en cours, et ne sera pas pris
en compte dans la suite de l’article.
C’est avec la troisième modalité ou on admet un assèchement du sol que les résultats de
récolte sont supérieurs avec une légère précocité des plantes.
Cependant, à ce niveau tensiométrique, la quantité d’eau facilement prélevable est plus
faible. En période chaude, surtout sur des sols sableux, il faut que le système racinaire soit
bien installé pour éviter tout stress hydrique.
• La limitation des apports d’eau permet l’obtention d’un produit plus sain
Sur les sols limono-sableux des essais et avec les faibles besoins de cette période, la mise à
contribution des réserves du sol a permis une forte limitation des irrigations dans la
troisième modalité.
Lors des 2 derniers mois sous contrôle tensiomètrique, on a apporté seulement 9 mm, soit
20% de l’ETP.
Le maintien d’un sol humide (modalité 2) se rapproche d’avantage d’une conduite courante,
avec des aspersions assez fréquentes équivalentes à 70% de l’ETP sur cette même période.
Suite aux fortes humidités de cette période hivernale les laitues étaient beaucoup plus
atteintes par le rhizoctonia ou le botrytis qu’avec la conduite de la modalité 3, avec des
pertes en rendement et en qualité.
• La fertilisation profite d’avantage à la salade
La salade a des besoins en azote croissants du stade 18 feuilles jusqu’à la récolte pour exprimer
son potentiel.
Le suivi des essais menés à l’INRA montre que la restriction des irrigations permet une meilleure
valorisation des engrais par la plante en limitant le lessivage des nitrates.
A l’extrème, des apports excessifs en eau ont provoqué une carence azotée dans la plante et limité
les poids à la récolte de 20% malgré un stock suffisant de 150 unités en début de culture.
3
Sous abri, la bonne gestion des irrigations permet un meilleur ajustement de la fertilisation. Dans
ces conditions, la culture se révèle non polluante pour les nappes.
... Mieux enchaîner les cultures
Les expérimentations conduites visent à étudier les possibilités d’une rotation très rapide,
avec remise en culture immédiate du sol après récolte. Des études dans le cadre du
programme régional (1) montrent que ceci peut être une source de flexibilité intéressante
pour intensifier les cultures ou optimiser le calendrier de production.
Les apports d’eau sont importants dans la mesure ou ils provoquent des dégradations de
structure pendant la culture et déterminent l’humidité du sol, cause d’échec ou de retard
dans le travail du sol avant replantation.
L’ensemble des tunnels de l’expérimentation tensiométrique à l’INRA d’Alénya ont été
immédiatement travaillés et replantés après la récolte. Afin d’observer les incidences sur la
deuxième laitue, la conduite a été similaire pour tous les traitements, sans restriction
d’irrigation.
L’humidité du sol a permis le passage immédiat des outils (cultivateur + herse rotative),
mais avec un travail beaucoup plus grossier dans le cas de la conduite « classique »
correspondant à un sol humide (modalité 2 avec150 mb en tensiométrie).
Cette présence de mottes de taille importante, outre les difficultés qu’elle entraîne lors de la
plantation manuelle, a pu pénaliser l’installation des plants.
En effet, on constate à la récolte des poids inférieurs de 13% à ceux obtenus derrière les
essais de restriction de l’irrigation (modalité 3 à 300 mb).
L’ajustement des apports permis par la tensiométrie permet bien une succession rapide de
cultures dans de meilleures conditions.
...Et même simplifier le travail du sol
La faible dégradation de la structure du sol lorsque l’irrigation est rationnée permet de
simplifier le travail du sol.
En effet, le maintien d’un terrain meuble a permis dans les essais de l’INRA de n’effectuer
qu’une reprise superficielle du sol (herse rotative ) avant replantation sans pénaliser les
résultats de la culture. Ceci représente un gain de temps qui peut améliorer encore la
flexibilité de la production.
On constate une implantation un peu plus superficielle du système racinaire, mais aucune
incidence sur la croissance des plantes.
Limiter le nombre d’outil nécessite cependant de mettre en oeuvre une gestion de la fertilité
physique du sol qui limite les risques de dégradation de structure (notamment l’implantation
d’engrais vert en interculture,...).
(1) Programme régional INRA-DADP « Amélioration de la compétitivité de la filière salade
en Roussillon » en collaboration avec la SICA Centrex des Pyrénées Orientales.
Il s’agit d’analyser les stratégies de commercialisation de la salade et leurs implications au
sein des exploitations, et de conduire les expérimentations appropriées afin de proposer des
améliorations techniques et des politiques de développement.
ETP = Evapotranspiration potentielle
Pour tout renseignement complémentaire:
Frédérique Bressoud- INRA Alénya
Domaine horticole du Mas Blanc 66200 Alénya
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