Intégration de la personne handicapée et milieu éducatif Prof. J.-J. Detraux Fapse, ULg Plan • L’intégration, l’inclusion de quoi parlons-nous? • Fondements de la démarche inclusive • Un modèle pour nous situer comme parents, comme professionnels, comme personne en situation de handicap • Et en pratique ? • Quelle évaluation et quelles perspectives ? Vers l’intégration • Année 1970, les approches ségrégatives sont peu à peu abandonnées au profit d’une volonté de changer les conditions d’inadaptations • Emergence des classifications internationales qui redéfinissent le handicap comme la résultante d’une interaction entre les caractéristiques de l’individu d’une part et les facilitateurs/freins que met l’environnement social pour aller vers une participation sociale Vers l’intégration • S’affirme le droit d’une pleine participation pour tout un chacun : les parents et personnes en situation de handicap elles-mêmes revendiquent ce droit • Textes internationaux, recommandations (contraignantes) de l’Europe, actions diverses menées par des mouvements associatifs, ONG, la Ligue des Droits de l’Enfant,... obligent à prendre en considération ce droit de manière concrète Vers l’intégration • Texte très important : la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée par l’ONU en 2006 et ratifiée par la Belgique en 2009 • Le centre pour l’Egalité des Chances et de la lutte contre le racisme a reçu mission de vérifier l’application effective de la Convention Article 24 Education (...) les Etats Parties veillent à ce que a) Les personnes handicapées ne soient pas exclues, sur le fondement de leur handicap, du système d’enseignement général et à ce que les enfants handicapés ne soient pas exclus, sur le fondement de leur handicap, de l’enseignement primaire gratuit et obligatoire ou de l’enseignement secondaire; b) Les personnes handicapées puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire; c) Il soit procédé à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun; d) Les personnes handicapées bénéficient, au sein du système d’enseignement général, de l’accompagnement nécessaire pour faciliter leur éducation effective; e) Des mesures d’accompagnement individualisé efficaces soient prises dans des environnements qui optimisent le progrès scolaire et la socialisation, conformément à l’objectif de pleine intégration. Donc... • En réalité, « être pour ou contre l’intégration » n’a pas de sens ! • La vraie question est : COMMENT ? Intégration ? Inclusion? • Depuis 1994 (Déclaration de Salamanque - Unesco) on parle de l’éducation inclusive Il s’agit d’un changement de point de vue : ce n’est pas à l’individu à s’adapter mais c’est au système de se construire de telle manière à pouvoir composer avec toute différence... Intégration ou inclusion ? Intégration • Centration sur élève • Bilan par spécialiste • Diagnostic et prescriptions • Programme pour l’élève • Orientation Inclusion • Centration sur classe • Examen facteurs apprentissage • Résolution problèmes en collaboration • Stratégies pour enseignant • Adaptation classe Vers une éducation inclusive ? • Développer une école inclusive implique ( Ainscow and Booth, 2002) • Améliorer les écoles pour le personnel aussi bien que pour les élèves. • Mettre l’emphase sur le rôle des écoles dans la construction de communautés et dans le développement des valeurs aussi bien que dans l’accroissement de la réussite. • Promouvoir des relations mutuellement satisfaisantes entre les écoles et leur communauté. • Reconnaître que l’inclusion en éducation est un aspect de l’inclusion dans la société en général. Vers un modèle... • Ne pas se focaliser sur l’école mais penser aussi l’avant et l’après école • Réfléchir en termes de processus • Penser le développement de la personne : comment le favoriser • Réfléchir ce développement dans le cadre de multiples interactions Société Entourage social proche Spécialistes Parents Partenaire privilégié Educateur Professionnel PH PH PH L ’intégration est un processus • De la naissance à la vie adulte L ’intégration est un processus • De la naissance à la vie adulte • De l ’intégration physique à l ’intégration sociétale L ’intégration est un processus • De la naissance à la vie adulte • De l ’intégration physique à l ’intégration sociétale • Vers la construction de relations « intelligentes » et non discriminantes L ’intégration est un processus • De la naissance à la vie adulte • De l ’intégration physique à l ’intégration sociétale • Vers la construction de relations « intelligentes » et non discriminantes • Un parcours « ouvert » avec des aspects positifs et des aspects moins positifs L ’intégration est un processus • De la naissance à la vie adulte • De l ’intégration physique à l ’intégration sociétale • Vers la construction de relations « intelligentes » et non discriminantes • Un parcours « ouvert » avec des aspects positifs et des aspects moins positifs • Revêt diverses formes Et en pratique ? • Dans le cadre de la Fédération WallonieBruxelles : - deux structures d’enseignement séparées mais appelées à collaborer - plusieurs services dans le cadre de l’aide sociale - une volonté politique de progresser - et surtout, une demande de plus en plus importante de la part de parents En pratique • Chaque situation d’élève est singulière et toujours complexe • On doit penser en termes de parcours scolaire et de parcours de vie plus largement, en pensant l’avant et l’après école • Les situations d’intégration sont davantage le résultat de négociations que de l’application de lois (celles-ci sont là pour faciliter un processus) Le projet .... • La démarche d’intégration peut être vue comme un système équitable de coopération (Ebersold,2011) • Ce n’est pas l’enfant qui doit être mis au centre de la démarche mais bien le projet, le devenir ...et les partenaires • Ils sont nombreux (d’autant plus dans le cadre d’un collaboration enseignement ordinaire/enseignement spécialisé) • Les différents acteurs doivent apprendre à devenir des partenaires le partenariat doit être vu comme une reconnaissance mutuelle et un respect de chacun, des ses besoins L’enfant • Acteur essentiel du projet • Il convient de lui proposer un projet ambitieux mais en préservant une écoute quant à son vécu respect de sa parole! • On ne gomme pas l’identité de l’enfant avec sa déficience nous devons lui apprendre à gérer sa différence Les parents • Sont partenaires à part entière ont une expertise propre • Vont être en charge du suivi des apprentissages doivent disposer de toute l’information • Doivent être respectés dans leur difficultés propres, dans leurs doutes et ambivalences • Ne doivent pas être transformés en « superparents » L’ enseignant • Ne peut considérer l’accueil d’un enfant comme une « opération blanche » • Va devoir nécessairement s’impliquer, se remettre en question, dépenser de l’énergie il doit être totalement impliqué dans le processus décisionnel il doit être respecté, entendu dans ses demandes et ses craintes, soutenu de manière concrète il doit être aidé pour gérer sa classe Le thérapeute • Doit nécessairement quitter une vision « médicalisée » de sa profession et articuler son action à celle de l’enseignant et de la famille • Il participe à un processus d’éducation : comment atteindre une cohérence d’ensemble ? suppose une disponibilité accrue pour participer à des réunions, pour s’informer Le « coordinateur » du projet • Intérêt d’avoir un tiers, externe à l’école? • Rôle de médiation, de facilitateur, de créateur de liens • Garant que le projet garde du sens pour chaque acteur • Garant de la parole de l’élève • Propose une évaluation du processus La ou les personnes ressources • Services d’aide précoce, service d’aide à l’intégration, CPMS, écoles d’Esp MAIS AUSSI • Bénévoles, jobistes, étudiants en stage,associations,... ==) doivent trouver leur place en fonction d’objectifs précis ==) l’enseignant reste maître à bord dans sa classe! Situation en Fédération Wallonie-Bruxelles • Loi de 1970 instaurant une structure autonome d’Esp comportant 8 types d’organisations pédagogiques différenciées • Dispositif expérimental AR 1978 • Circulaire 1981 • Décret 1987 sur le subventionnement • Dispositions pour les types 4,6 et 7 • Décret missions en 1999 pour l’EO • Décret 2004 sur l’enseignement spécialisé • Classe intégrée (dispositif expérimental) • Décret 2009 levant obstacles à la collaboration entre EO et Esp Situation en Fédération Wallonie-Bruxelles • Situations d’intégration avec intervention ESp : Intégration permanente totale L’élève suit tous les cours dans EO pendant toute l’année. Il est inscrit dans les deux structures et reçoit 4 périodes de soutien de l’Esp (8 au secondaire supérieur) Intégration permanente partielle L’élève suit certains cours dans EO pendant toute l’année scolaire. Il est inscrit dans l’enseignement spécialisé Intégration temporaire totale L’élève suit la totalité des cours dans l’EO pendant des périodes déterminées. Il est inscrit dans l’enseignement spécialisé Intégration temporaire partielle L’élève suit une partie des cours dans l’EO pendant des périodes déterminées. Il est inscrit dans l’enseignement spécialisé La situation en Belgique francophone Situations sans intervention de l’ESp • Choix des parents • Interventions des SAP,SAI, CRF, et autres centres (universitaires,..) • Pas d’intervention de l’Esp • Maître-mot : la débrouille ! ==) risque d’épuisement pour chacun ==) possibilité d’inventivité, de souplesse, d’individualisation Dans tous les cas prévaut la NEGOCIATION Notre travail au sein de la CPLU Les différentes étapes - Accueil de la famille Analyse des attentes et du projet des parents Examen de l’enfant Choix de l’école et premiers contacts par les parents - Aide aux parents dans la négociation d’un projet (PIA) avec une équipe scolaire Notre travail au sein de la CPLU Les différentes étapes(2) - Analyse des ressources de l’école - Réunions périodiques avec tous les acteurs du processus DONT parents et enfant handicapé - Rôle de médiation - Support sur le plan pédagogique - Aide à la sensibilisation des élèves de la classe, de la communauté éducative Notre travail au sein de la CPLU Les différentes étapes(3) - Evaluations périodiques (au moins 3 fois par an) - Aide à la recherche de ressources nouvelles - Lien avec la formation de nos étudiants ( via stages, projets,travaux pratiques,..) Notre travail au sein de la CPLU Quelques principes - Importance de la circulation de la parole autour et à propos du handicap en famille, à l’école - Ne pas construire le projet d’intégration « contre » l’enseignement spécialisé Notre travail au sein de la CPLU Quelques principes - Penser la gestion intra-familiale - Prendre conscience des ressources déjà présentes à l’école, dans la classe et les utiliser pour le projet - Les enfants de la classe et l’enfant déficient sont des ressources Notre travail au sein de la CPLU Quelques principes - Ne pas envahir la classe mais laisser au titulaire la responsabilité de la gestion - Veiller à ce que le projet garde du sens pour chacun, y compris pour l’enfant déficient Notre travail au sein de la CPLU Quelques principes - Faire circuler l’information : rapports écrits remis aux parents, compte-rendu des réunions,... - Créer des liens entre les acteurs dans l’école et hors école Notre travail au sein de la CPLU Quelques principes - Penser apprentissages : l’école est un lieu qui favorise ceux-ci sur le plan cognitif, sur le plan social, sur le plan émotionnel - Adopter la logique du tiers qui facilite la communication Quelle évaluation ? • La littérature scientifique • Notre étude ( Detraux & Grandhomme, 2012) Littérature scientifique sur l’intégration • Dans la littérature, beaucoup d ’intérêt pour l ’impact de l ’intégration scolaire sur deux aspects - les apprentissages - le développement socio-affectif PAS DE RESULTAT TRANCHE ! Littérature scientifique sur l’intégration • - Pour aller vers l ’autonomie, nécessité d ’une base cognitive d ’une expérience émotionnelle positive d ’une sécurité (intégrité physique et psychique) L ’ECOLE ORDINAIRE OU SPECIALISEE Y CONTRIBUE Littérature scientifique sur l’intégration • Ce que la recherche montre de manière constante pour l ’enfant intégré: - interactions avec les pairs sont favorisées - le comportement social évolue bien - l ’enfant prend conscience de ses limites/ses possibilités - l ’auto-évaluation est plus évidente - meilleure qualité de vie Littérature scientifique sur l’intégration • MAIS - ces changements positifs ne s ’observent pas chez les personnes déficientes sévères - on a besoin d ’études longitudinales - il est difficile de comparer des parcours en EO et en Esp car élèves sont différents, les environnements diffèrent Notre étude 2010-12 Objectifs • Abord de 4 thématiques principales a) la nature des collaborations : cohésion (force des liens qui unissent les personnes impliquées), la cohérence ( lien entre objectifs et moyens mis en oeuvre), la complémentarité des rôles de chacun, la circulation de l’information,...) la qualité des apprentissages ( regard critique sur la différence entre ce qui est annoncé et ce qui est observé ou entendu) l’articulation entre le projet de l’école d’accueil, le projet de l’école d’enseignement spécialisé, le projet de la classe et de l’enseignant, le projet des parents, le projet de l’élève le vécu des divers acteurs dont l’élève lui-même b) c) a) Notre étude 2010-12 Méthodologie • • - Enquête menée auprès des divers acteurs d’une situation Quatre parties : description de la situation origine du projet et ressources description des prises en charge Évaluation du processus via l’outil GOUPIL (Guide outillé pour le développement du projet individualisé - Di Duca & Van Heghe, 2006 CEFES <www.cefes.be>) Notre étude 2010-12 Premiers résultats • Nous avons retenu 40 situations pour cette présentation - 27 garçons et 13 filles, âgées entre 3 et 17 ans ( moyenne 10,2 ans et ET 3,4) Déficience intellectuelle 11 Troubles spécifiques d’apprentissages 11 Déficience sensorielle 8 Autisme 7 Déficience neuro-motrice 2 Divers 1 Notre étude 2010-12 Premiers résultats • 62 % des situations sont des « permanentes totales », 17,5 % des « permanentes partielles » et 15 % des « temporaires » • Les élèves fréquentent l’enseignement primaire dans 60% des cas, le secondaire dans 27,5% des cas et le niveau maternel dans 12,5% des situations • La demande a été introduite par l’école d’Esp dans un tiers des cas, par les parents dans un peu plus d’un tiers de situations et par l’EO dans 15% des cas. Pour un cinquième des élèves, plusieurs instances ont initié la démarche • Dans 9/10 une concertation a eu lieu entre les divers protagonistes. Les parents ont été impliqués dans les trois quart des situations (seulement!) Notre étude 2010-12 Premiers résultats • Un projet individualisé d’apprentissage a été établi dans un peu plus de la moitié des situations mais manque dans 48 % des cas! • Au niveau des ressources matérielles : aucune n’est signalée dans près de la moitié des situations ; pour les autres , on cite les transports, du petit matériel, des appareillages de communication • Au niveau des ressources humaines : plus de 70% viennent de l’enseignement spécialisé, 42% de l’enseignement ordinaire. Dans 40% des cas, des thérapeutes indépendants interviennent.Pour un tiers des cas, on fait appel à des services d’accompagnement, des services de consultations universitaires,…Dans 40% des situations, plus de 2 ressources humaines sont mentionnées. Notre étude 2010-12 Premiers résultats • L’analyse montre que - lorsque les enfants sont jeunes, il semble important de privilégier un investissement humain de l’équipe éducative et des parents; lorsque les enfants sont plus âgés, c’est principalement la motivation du jeune qui est mise en avant - l’investissement humain est important et l’approche pluridisciplinaire reste privilégiée - la formalisation de partenariats n’est pas une condition sine qua non pour le bon déroulement du processus Quelles perspectives ? • Certes l’intégration n’est pas une fin en soi... « Les enfants ont besoin d’éducation, d’apprentissages et non d’intégration » (S. Hegarty, 2004) • Mais nous devons tout mettre en oeuvre pour rendre l’accueil de l’enfant handicapé possible en enseignement dit ordinaire Quelles perspectives? • Le nombre de facteurs susceptibles d’influencer le bon déroulement d’un processus d’intégration est important et difficilement cernable • La question de la communication entre les acteurs - dont les parents et l’élève lui-même- est essentielle et reste centrale : se parler, tenir compte de l’avis de chacun, se respecter mutuellement, oser aborder les problèmes Quelles perspectives? • La collaboration EO-Esp a pour effet d’augmenter le nombre d’intervenants mais est potentiellement l’occasion d’une dialectique intéressante qui doit permettre de clarifier des objectifs d’apprentissage et de faire un suivi régulier • Il nous semble nécessaire qu’un tiers puisse aider l’ensemble des acteurs à dialoguer et à se poser des questions pertinentes Quelles perspectives? • Deux points sont à travailler dans ces projets d’intégration : - la coordination effective entre les acteurs - Le regard porté sur l’enfant en difficulté d’apprentissage Par ailleurs, une réflexion approfondie doit se poursuivre au niveau de chaque intervenant ainsi que des parents et de l’élève sur les finalités du processus : celui-ci doit garder sens pour tout un chacun Quelles perspectives? • Il nous semble aussi important que l’enseignant titulaire de la classe reste « maître à bord » et ne soit pas dépossédé de son rôle de conducteur du groupe-classe • Enfin une réflexion devra se poursuivre sur le rôle de l’enseignant-soutien venant de l’Esp.: comment utiliser les 4 périodes /enfant/ semaine ? Merci pour votre attention Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education Département de Psychologie : Cognition et Comportement, Unité de Psychologie et de Pédagogie de la Personne Handicapée [email protected]