5ème Congrès International sur les Plantes Aromatiques et Médicinales (CIPAM 2014). ZARZIS 17-20 MARS 2014 (TUNISIE) ALIMENTS ET MEDICAMENTS : PRINCIPALES INTERACTIONS A. DAHMOUNE, D. SMATI Laboratoire de Botanique Médicale, Département de Pharmacie, Université Mouloud Mammeri , Tizi Ouzou, Algérie a notion d’interactions des aliments avec les médicaments est communément admise dans l’esprit populaire, mais qu’en est-il de l’efficacité du médicament administré avec des aliments et boissons absorbés tout au long de la journée avec tant d’enthousiasme ? Tous, médecins, pharmaciens et patients doivent se poser cette question. L’interaction entre aliments et médicaments peut être d’ordre pharmacocinétique, correspondant à une variation de la concentration sanguine du médicament à son site d’action. L’alimentation peut également agir sur l’activité du médicament. Dans ce cas, il peut s’agir d’une interaction de nature pharmacodynamique (ou pharmacologique), c’est-à-dire au niveau d’une cible thérapeutique du médicament. Ces interactions sont cliniquement significatives pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, dont il importe que les concentrations moyennes soient confinées dans une fourchette bien définie (théophylline, phéntyoïne, ciclosporine, etc.) Dans ce travail, nous verrons tout d’abord l’impact de l’alimentation sur la pharmacocinétique puis, sur l’activité ou la toxicité des médicaments administrés per os. Enfin, nous distinguerons de la même façon l’influence des boisson. L La sensibilité des médicaments aux influences alimentaires dépend largement de leurs propriétés physico-chimiques. La dissolution dans la tube digestif et la capacité à traverser les membranes gastro-intestinales sont fonction du degré d’ionisation et de la polarité des molécules de substances actives. Ainsi, on distingue quatre types de médicaments : lBCS « Biopharmaceutics Classification System » - Classe 1 : médicaments apolaires ionisables Rapidement dissous, ils traversent aisément les membranes intestinales et sont absorbés facilement. Il s’agit de certains acides et bases faibles. - Classe 2 : médicaments apolaires non ionisables Peu solubles, leur faible fraction solubilisée traverse aisément les membranes intestinales. - Classe 3 : médicaments polaires ionisables Très solubles, ils traversent cependant mal les barrières intestinales. - Classe 4 : médicaments polaires non ionisables A la fois peu solubles et traversant mal les membranes intestinales, leur biodisponibilité est médiocre. Néanmoins, on aura parfois recours à la voie orale pour une action locale. 1. ALIMENTATION ET PHARMACOCINÉTIQUE 1.1. Effets de l’alimentation sur l’absorption des médicaments dans le tube digestif • Modifications de la sécrétion acide. fortement acidifiants Le pH au niveau de l’estomac est un facteur limitant l’absorption des médicaments ionisables. L’ingestion du repas augmente la sécrétion gastrique acide, mais paradoxalement, le pH augmente jusqu’à des valeurs voisines de 3 du fait de la dilution du liquide gastrique et de l’effet tampon des aliments. Le tableau 1 indique que le PH post prandial varie selon la nature des aliments. L’augmentation du pH suite à l’ingestion d’un repas influence l’absorption des médicaments ionisables : Un acide faible doit être administré en dehors du repas c’est-à-dire une ½ h à 1h avant le repas ou 2h après, alors qu’une base faible, au cours du repas. noix moyennement acidifiants faiblement acidifiants groupes d'aliments faiblement alcalinisants moyennement alcalinisants fortement alcalinisants canneberge figue, datte, fruits noix de coco raisin, abricot, pomme, avocat, banane, mûre, fraise, framboise, tomate, pois vert, épinard légumes carotte, concombre, chou de Bruxelles, chou-fleur, artichaut, pomme de terre, betterave, brocoli, chou, asperge, céleri, légumes verts feuillus, endive, chou frisé, patate douce arachide fève cuite, haricot blanc, rouge, pois chiche noix, graines légumineuses, épices graine de tournesol, sésame, lin, amande, poivre noir, ail, cannelle, sauce soja, gingembre, semoule de maïs riz, farine de sarrasin, céréales, desserts lait, thé noir, jus de tomate boissons jus de pomme, de raisin, d'orange, thé vert jus de pamplemousse, jus d'ananas, eau minérale, thé au gingembre, café, • Modifications de la sécrétion biliaire. La présence d’aliments dans le tractus gastro-intestinal entraîne la décharge de sels biliaires, substances tensioactives qui émulsionnent les graisses alimentaires dans les fluides digestifs, réduisant la phase hydrophobe en micelles, stockés dans la vésicule biliaire toutes les 30 minutes, pendant 2 à 3h. La solubilité est le facteur limitant l’absorption des médicaments de classe 2. Administrés lors d’un repas riches en graisses, la biodisponibilité de l’antifongique itraconazole est doublée, celle de l’antimalarique atovaquone augmente. Un repas riche en graisses multiplie par 12 la biodisponibilité de l’halofantrine potentialisant le risque d’arythmies potentiellement fatales par allongement de l’espace QT. De même, il faut éviter d’absorber l’albendazole avec un repas riches en graisses. Sa biodisponibilité à jeun de 5% est quadruplée lorsqu’il est absorbé avec un repas riches en graisses, majorant le risque de toxicité. La sécrétion biliaire, plus importante suite à un repas riche en graisses, améliore l’absorption des molécules lipophiles, voire induit un surdosage. Dans d’autres cas, elle rend le médicament inefficace. • Chélation. La formation de chélates entre des cations métalliques comme le calcium, le magnésium ou le fer et des tétracyclines ou des fluoroquinolones est bien documentée. La doxycycline et la minocycline, très utilisée, n’interagissent pas avec les aliments. La biodisponibilité des biphosphonates alendronates et risedronates est maximale le matin à jeun, quoique moins de 1 % de la dose administrée. L’absorption de ses médicaments et très fortement compromise par les cations divalents : le jus d’orange ou le café à la place d’eau lors de la prise diminue la biodisponibilité d’environ 60 et 85 % respectivement. L’ingestion d’halopéridol avec du café ou du thé conduit à la formation de complexes insolubles mais cette interaction n’est pas très bien documentée. La prise des médicaments cités doit se faire 1h avant ou 2h après l’ingestion d’aliments ou de boissons enrichies en cations (calcium), résumés dans le tableau 2. • Interactions avec les aliments riches en fibres . Un régime alimentaire riche en fibres prolonge l’absorption de la digoxine de 6h, diminue celle des antidépresseurs tricycliques (amitriptyline , clomipramine , dosulépine , imipramine, maprotiline, trimipramine ). Les fibres diminuent de 28% la biodisponibilité de la phénoxyméthyl-pénicilline. Les patients hypothyroïdiens qui suivent un régime riche en fibres demandent une dose de thyroxine plus élevée, l’hormone thyroïdienne étant adsorbée. La prise de DIGOXINE, phénoxyméthyl-pénicilline, d’antidépresseurs imipraminiques doit se faire 1h avant ou 2h après le repas. De même, le pharmacien conseille la prise de THYROXINE au moins 30 minutes avant le petit déjeuner. 1.2. Effets de l’alimentation sur la distribution des médicaments Tableau .1. Modifications du PH post prandial en fonction des aliments. • Modifications de la motricité gastro-intestinale. Le temps de vidange gastrique influence la vitesse d’absorption des molécules de classe 1, substances rapidement dissoutes, traversant facilement les membranes intestinales. Celui-ci est fonction du volume, de la température, teneur calorique et viscosité du repas. Ajoutons que les fibres régulent le transit intestinal, en l’accélérant en cas de transit ralenti et vice-versa. L’allongement du temps de séjour dans l’estomac et la stimulation du péristaltisme intestinal par le repas peut augmenter la biodisponibilité de médicaments pris simultanément, influençant leur efficacité. Dans d’autres cas, le séjour de certains médicaments dans l’estomac doit être bref, permis par une administration en dehors des repas ou juste avant lorsque la tolérance digestive n’est pas bonne Aliments riches en calcium (mg/100g) moutarde 500 semoule 360 amandes, noisettes 250 figue sèche 160 fruits secs 100 Tableau .2. les aliments riches en calcium. Aliments riches en acide oxalique (mg/100g) La vitamine K est présente dans les plantes. Elle intervient en tant que cofacteur dans la carboxylation des protéines vitamine-K dépendantes tels les facteurs de la coagulation (facteurs II, VII, IX, X). Les antivitamines K (AVK) tels l’acénocoumarol, la fluindione, la warfarine sont des analogues structuraux de la vitamine K. Ils interfèrent avec la régénération de la vitamine K, d’où un blocage du cycle de cette vitamine et inhibition de la synthèse des facteurs de coagulation, à l’origine de l’effet anticoagulant. La synthèse des facteurs de coagulation dépend du rapport des concentrations vitamine K/ antivitamines K au sein des cellules hépatiques . Etant donné la marge thérapeutique étroite des antivitamines K et l’apport de vitamine K par l’alimentation, la dose de médicament nécessaire à l’inhibition de la coagulation doit être ajustée pour chaque patient. Les aliments d’origine végétale et animale contiennent donc de la vitamine K. Les légumes à feuilles vertes sont cependant les aliments apportant les plus grandes concentrations de vitamine K. Afin d’éviter le risque de saignement ou à l’inverse de thrombose, il est conseillé aux patients sous antivitamines K de ne pas modifier soudainement leurs habitudes alimentaires. Les aliments contenant de la vitamine K doivent être consommés avec prudence afin de ne pas déséquilibrer le traitement et obtenir l’INR souhaité. Lors d’une variation d’INR chez un patient sous anticoagulant, la question d’une consommation d’huile minérale, de jus de canneberge, de produits dérivés de soja doit être posée. Le pharmacien conseille également de séparer d’au moins 3h la prise du médicament AVK et les aliments contenant de la vitamine K. Ainsi, la portion de légumes (notamment les feuillus et les crucifères) est préférable le midi, la prise du médicament AVK étant conseillée le soir. Lors d’une variation d’INR chez un patient sous anticoagulant, la question d’une consommation d’huile minérale, de jus de canneberge, de produits dérivés de soja doit être posée. Conclusion L’alimentation influence la tolérance aux médicaments et leur efficacité en atténuant, ralentissant ou au contraire renforçant leurs effets. Quelques interactions entre aliments, boissons et médicaments sont impérativement à prendre en compte, soit pour améliorer l’efficacité du traitement, la tolérance, soit pour diminuer les risques d’effets adverses. Ces interactions sont parfois inconnues, négligées du patient. Le pharmacien doit pouvoir informer des aliments à éviter ou au contraire de l’importance à prendre les traitements au cours des repas. Conseiller d’absorber le médicament accompagné d’un volume suffisant d’eau et de se nourrir de manière variée et équilibrée au cours du traitement est une façon de prévenir les interactions entre aliments, boissons et médicaments. Tableau .4. facteurs retardant ou accélérant la vidange gastrique. • Interactions avec les aliments riches en acide oxalique et phytique. L’acide oxalique peut former des complexes insolubles avec les minéraux (calcium, fer, magnésium, potassium, sodium), diminuant leur absorption, à l’origine de carences. Le tableau 3 résume les aliments ayant une forte teneur en acide oxalique. Par exemple, l’administration simultanée de l’un de ces aliments et de médicaments apportant du calcium peut former des précipités d’oxalates de calcium. Ils risquent d’obstruer les canaux rénaux, nocifs chez les personnes atteintes de lithiase rénale, d’hyperuricémie ou d’arthrite. De même, l’acide phytique présent dans les céréales complètes, les légumes secs, les graines oléagineuses et le chocolat inhibe l’absorption du calcium, du cuivre, du cobalt, du fer, du manganèse, du zinc, formant des sels insolubles (phytates). Pour exemple, 350g de pain complet peuvent insolubiliser 400 à 500mg de calcium. Ce phénomène « déminéralisant » doit être pris en compte lors de thérapeutiques nécessitant un apport strict en calcium (corticoïdes, glucosides cardiotoniques, ostéoporose), lors d’un traitement anti-anémique à base de fer, anti-acnéique à base de zinc . 500 – 1700 Cacao 700 Betteraves, amandes, poivre 300 Café, coriandre, persil 100 - 170 Figues, pomme de terre 90 1.4. L’alimentation modifie l’élimination des médicaments Céleri, haricots verts, oignons, poireaux 50 Carottes, chou, cassis, groseilles 30 – 50 Le pH urinaire influence la réabsorption tubulaire des médicaments apolaires ionisables, tels acides et bases faibles (classe 1), par modification de leur degré d’ionisation. Ainsi, à pH urinaire acide, les acides faibles sous forme non ionisée (aspirine, lithium, sulfamides) sont plus réabsorbés et leur activité prolongée. Le même phénomène s’observe à pH alcalin pour les médicaments bases faibles (quinidine, amphétamines). Globalement, le pH s’élève dans les heures suivant le repas et certains aliments sont considérés comme « acidifiants », d’autres comme « alcalinisants ». Les fruits frais alcalinisent les urines en raison de la présence de sels minéraux et organiques (bicarbonates, citrates). La consommation de 200g de fraises correspond à la prise de 2g de bicarbonate de sodium. Les myrtilles, les prunes et pruneaux contenant de l’acide benzoïque, les matières grasses sont acidifiantes. Tableau .3. les aliments riches en acide oxalique. 2. ALIMENATAION ET ACTIVITE DES MEDICAMENTS • Influence de l’alimentation chez un patient sous anticoagulants. Repas pauvre en glucides, lipides, protides, Épinard, oseille, rhubarbe Dans les situations de jeûne, dénutrition, polymédicamentation, le maniement des médicaments à marge thérapeutique étroite (antivitamines K, digitaliques), des médicaments affins pour l’albumine exposent davantage au risque de compétition donc de surdosage. L’association de l’iproniazide, du linézolide, de l’isoniazide, du moclobémide, de la sélégiline, de la rasagiline, médicaments inhibiteurs de la MAO, aux aliments riches en tyramine est déconseillée par le pharmacien. L’administration simultanée de deux de ces spécialités associées aux aliments riches en tyramine est contre-indiquée. Des conseils diététiques doivent être donnés chez les personnes traitées par l’une de ces six spécialités. Repas « épais »/riche en pectine; Repas riche en glucides; par exemple, le café sucré retarde la résorption de la caféine, 1150 - 2000 Les sujets ayant un régime alimentaire riche en hydrocarbures aromatiques polycycliques, générés par la cuisson au barbecue, retrouvés dans les végétaux crucifères tels brocolis, les choux de bruxelles, ont besoin de doses plus élevées de médicaments substrats du CYP450 1A2 afin d’atteindre l’effet thérapeutique escompté. indirecte, issue de la décarboxylation d’un acide aminé aromatique : la tyrosine, retrouvée dans quelques fruits et légumes, et les préparations contenant les levures. Elle induit la libération de noradrénaline, catécholamine libérée par les terminaisons nerveuses pré-synaptiques du système nerveux sympathique. La noradrénaline et la tyramine sont métabolisées par l’iso-enzyme A de la monoamine-oxydase (MAO-A). Chez un patient sous antidépresseur inhibiteur de la monoamine-oxydase (IMAO), 6mg environ de tyramine peut provoquer une augmentation de la tension artérielle et 10 à 25 mg, une sérieuse réaction hypertensive. Les aliments suivants sont riches en tyramine : Sauce soja, Choucroute, Avocat , Orange (pulpe), Banane (pulpe) , Prune , Tomate. Facteurs accélérant la vidange gastrique Thé Une fois résorbée, la substance diffuse au niveau plasmatique et tissulaire, correspondant à l’étape de distribution. Dans le plasma, la substance circule sous deux formes : une forme liée à l’albumine, protéine de transport majeure au niveau plasmatique, et une forme libre, pharmacologiquement active. Elle est également fonction de l’ingestion d’un repas : A jeun, la quantité d’acides gras libres qui se fixe à l’albumine est importante. Après un repas, elle diminue. Ainsi, à jeun, la fixation albuminique des médicaments diminue par compétition avec les acides gras libres. En cas de dénutrition, l’albuminémie diminue, augmentant la fraction libre des médicaments. • Influence de la teneur en tyramine. La tyramine est une amine biogène sympathomimétique Facteurs retardant la vidange gastrique 1.3. Effets de l’alimentation sur le métabolisme des médicaments L’alimentation affecte le métabolisme des médicaments en modifiant l’activité des iso-enzymes des cytochromes P450 1A2 et 3A4. • Influence de la réglisse chez un patient hypertendu. La réglisse est commercialisée sous forme de drogue, de poudre, d’extraits destinés à la préparation de boissons. Elle est présente dans des confiseries, des tisanes. Les racines et les stolons de la réglisse contiennent un saponoside, la glycyrrhizine, molécule composée d’un résidu de deux acides glucuroniques liés à une structure proche de celle de la cortisone, l’acide glycyrrhétique, ou enoxolone. L’acide glycyrrhétique inhibe réversiblement la 11-β-hydroxydéshydrogénase, enzyme responsable de la dégradation du cortisol en cortisone (molécule dépourvue d’effet minéralocorticoïde). Les personnes consommant de la réglisse ont donc des taux de cortisol urinaires élevés par rapport à ceux de cortisone. Ainsi, la réglisse diminue l’élimination de la prednisolone SOLUPRED®, de l’hydrocortisone, augmentant leurs concentrations plasmatiques. Le récepteur au minéralocorticoïde étant aussi sensible au cortisol qu’à l’aldostérone, l’hypercorticisme induit des effets similaires à l’hyperaldostéronisme tels rétention hydrosodée et augmentation de l’excrétion potassique à l’origine d’une hypokaliémie. Ainsi, une personne hypertendue, traitée par corticoïdes doit donc s’abstenir de consommer de la réglisse au risque de majorer sa tension artérielle. La réglisse peut majorer le risque d’hypokaliémie chez les patients traités par médicaments hypokaliémiants. Elle atténue l’effet de la spironolactone , diurétique hyperkaliémiant, antagoniste des récepteurs de l’aldostérone. La réglisse est commercialisée sous forme de drogue, de poudre, d’extraits destinés à la préparation de boissons (Antésite®, Pastis®). Elle est présente dans des confiseries, des tisanes. Le pharmacien recommande de ne pas consommer plus de 8g/jour de réglisse sous forme d’infusion réalisée à partir de la drogue et 5g/jour sous forme de poudre, chez une personne hypertendue, sous corticoïdes, ou traitée par médicaments hypokaliémiants. La prise quotidienne prolongée peut générer un hyperaldostéronisme secondaire, se traduisant par des oedèmes, une hypertension liée à l’hypernatrémie, ainsi que fatigue, faiblesse musculaire, asystolie cardiaque liée à l’hypokaliémie. MÉDICAMENTS ET BOISSONS MÉDICAMENTS ET BOISSONS Modification de l’absorption des médicaments par le jus de pamplemousse, d’orange et de pomme. Le jus de pamplemousse est connu depuis les années 90 pour inhiber le • cytochrome 3A4 présent dans les entérocytes. La réduction de l’effet de premier passage augmente la biodisponibilité des médicaments substrats du CYP3A4, d’où une majoration des concentrations atteignant la circulation générale et risque d’effets indésirables dose-dépendants. Au début des années 2000, l’équipe dirigée par le docteur Bailey a démontré que le jus de pamplemousse réduisait l’absorption des médicaments en inhibant les transporteurs membranaires intestinaux des médicaments, en particulier le polypeptide OATP-1A2, l’inhibition de la glycoprotéine-P étant moins prononcée. Les jus d’orange et de pomme semblent avoir les mêmes effets sur l’OATP-1A2. La durée d’inhibition de ces transporteurs est moins longue que celle du cytochrome 3A4. Lors de la délivrance des médicaments incriminés (certains inhibiteurs calciques, immunosuppresseurs, statines, certains médicaments à marge thérapeutique étroite), le plus sage est de recommander aux patients de limiter leur consommation de jus de pamplemousse à un quart de litre par jour, au moins deux heures avant l’administration du médicament, voire éviter pendant le traitement dû à son effet prolongé et cumulatif. Bibliographie Desmet, A S. (2011). Interactions entre médicaments et alimentation. Thèse pour le diplome d’état de docteur en pharmacie. Faculté des Sciences Pharmaceutiques et biologique de Lille. Desmeulesd, J. (2002). Interactions des médicaments avec les aliments. Pharma-Flash, 29 (5), 17-20. VIDAL®, le dictionnaire. Editions Vidal. (2013). Issy-les-Moulineaux, Afin d’éviter les carences, les minéraux (calcium, fer, magnésium, phosphore, potassium, sodium) et oligoéléments (cuivre, fluor, iode, lithium, sélénium, zinc) doivent être administrés à jeun ou au moins 2h après l’ingestion d’aliments riches en acide oxalique ou phytique. Les aliments ne modifient pas de façon significative le pH urinaire mais ils potentialisent d’autres facteurs influant le pH urinaire, notamment le bicarbonate de sodium : Le méthotrexate, les sulfamides peuvent précipiter, à l’origine de calculs urinaires. Il est ainsi conseillé de boire en quantité suffisante afin de limiter ce risque de lithiase, notamment une eau riche en bicarbonates. En augmentant le pH urinaire, elle facilite la solubilisation de ces molécules. • Influence de la teneur en hystamine. L’ingestion d’aliments riches en histamine, ou histaminolibérateurs peut conduire à la formation d’urticaire. Elle peut être aiguë, récidivante ou chronique, évoluant dans ce cas depuis plus de six semaines. Certains médicaments inhibent la diamine oxydase, principale enzyme catabolisant l’histamine, prédisposant à l’apparition d’une urticaire d’origine histaminique. Citons des antibiotiques (acide clavulanique, céfuroxime, métronidazole), les mucolytiques (acétylcystéine, ambroxol), la propafénone, le vérapamil, la salazosulfapyridine, la chloroquine, l’isoniazide, la pentamidine. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens augmentent la concentration plasmatique en histamine par augmentation de la perméabilité digestive. La tomate, les épinards, la choucroute sont naturellement riches en histamine. Sachant notamment que l’histamine n’est pas détruite par la cuisson, le pharmacien doit donc conseiller des aliments pauvres en histamine au cours de l’administration des médicaments cités. Le patient doit éviter de manger tomates, épinards, choux, fruits exotiques, chocolat. La libération d’histamine peut également être stimulée par la présence de tyramine dans les aliments. Aliments contenant de la vitamine K(ug/100g) Betteraves 650 Choux de Bruxelles 450 Salade 129 Épinards 89 Asperges, avocats 40 Haricots verts 14 Tableau .5. les aliments riches en Vitamine K. • Influence de la consommation de boissons contenant de la caféine. La caféine est le psychotrope le plus consommé dans les pays occidentaux, apporté par le café, thé, chocolat, colas. La caféine augmente la solubilité, et ainsi l’absorption de quelques principes actifs tels l’ergotamine. En revanche, elle forme des précipités insolubles, inactifs avec des neuroleptiques tels la chlorpromazine, halopéridol administrés simultanément. La compétition caféine - médicament pour la fixation au cytochrome P450 1A2 au cours de la phase de métabolisme est la principale cause d’interaction pharmacocinétique. Elle induit soit un excès de caféine et tous les désagréments qui s’y rapportent (excitations, palpitations, tremblements, hypertension artérielle, sueurs voire convulsions), soit une augmentation de la biodisponibilité des médicaments substrats du CYP450 1A2, majorant le risque d’effets secondaires : La théophylline, indiquée chez un patient asthmatique, est aussi métabolisée par le CYP450 1A2 et a les mêmes effets que la caféine. Administré avec une boisson riche en caféine, il y a compétition pour se fixer au cytochrome, induisant un surdosage et une addition des effets indésirables. La caféine est à proscrire avec la ciprofloxacine, l’énoxacine, la norfloxacine ; fluoroquinolones indiqués pour traiter les cystites. Ces antibiotiques inhibent de façon compétitive le cytochrome P450 1A2 responsable du métabolisme de la caféine. Ils gênent son élimination, risquant de causer un excès de caféine. Ajoutons que le temps de demi-vie de la caféine dans l’organisme est prolongé par les contraceptifs oraux et la cimétidine. Ainsi, il est conseillé d’éviter la consommation de boissons contenant de la caféine pendant la durée du traitement par quinolone, si l’asthme est traité par un médicament à base de théophylline.