Apport diagnostique du coloscanner à l'eau dans l'exploration des pathologies coliques chez le sujet âgé W. Hajlaoui, P. Dean, N. Hablani, I. Mahé-Halley, D. Sacko, R. Habachou, P. Armand, J. Albisetti . Lisieux, France Introduction • La pathologie Colique chez le sujet âgé est très fréquente • Elle est dominée par le cancer colique vu sa gravité et sa fréquence • Le cancer colorectal est le 2ème cancer le plus fréquent en France (37000 nouveaux cas en 2005) dont 65% sont localisés au colon. • Le cancer colique est en nette progression • Il est relativement de bon pronostic s’il est traité tôt Introduction • La coloscopie optique reste l’examen de référence dans l’exploration du colon • Cette technique n’est pas dénuée de risque (Anesthésie, arrêt d’anticoagulants…) notamment chez le sujet âgé, souvent multitaré • Nous proposons d’évaluer la place du coloscanner à l’eau comme examen de première intention dans l’exploration du colon chez la personne âgée, technique très peu étudié dans la littérature • Le contexte d’urgence est exclu de ce travail Patients et méthodes • Etude rétrospective sur une période de 12 mois de janvier 2009 à janvier 2010 • Nous avons colligé 67 coloscanners à l’eau réalisés chez des patients satisfaisants les critères suivants: Age>65 ans Examen demandé par un gastro-entérologue Présentant une symptomatologie à point de départ potentiellement colique Dossier complet avec suivi d’au moins 12 mois après la date du coloscanner • Le coloscanner a été associé à une colonoscopie optique chez 35 patients. Patients et méthodes • Les résultats du coloscanner ont été confrontés à ceux de la colonoscopie optique et à l’évaluation clinique • Le diagnostic de cancer et/ou de polype est toujours vérifié par coloscopie optique • L’absence de cancer est confirmée par une colonoscopie normale et/ou par une évolution clinique favorable de 12 mois Patients et méthodes Technique d’examen: • Appareil Siemens Sensation 16 coupes • Préparation souhaitée: Régime sans résidus de 3 jours • Mise en place d’une sonde rectale à ballonnet • Injection de spasmolytique (Spasfon Lyoc): non indispensable • Remplissage du colon de 1,5 a 2 litres d’eau tiède • Acquisition d’une seule hélice abdomino-pelvienne avec injection d’emblée de 1,5 cc/ kg de produit de contraste iodé à 2,5cc/sec après un délai de 70 secondes (patient en décubitus dorsal) • Des reconstructions axiale, coronale et sagittale de 5mm d’épaisseur sont systématiquement réalisées Patients et méthodes • L’examen est jugé techniquement satisfaisant quand le colon est bien rempli (attesté par une bonne expansion du caecum) • Le coloscanner est interprété quelque soit la qualité de la préparation du colon • Le colon est systématiquement examiné dans les 3 plans de l’espace Coloscanner à l’eau, techniquement réussi, reconstruit dans les trois plans de l’espace: Noter la bonne expansion du caecum témoin d’un bon remplissage colique Résultats • L’âge moyen de nos patients est de 78 ans (de 66 à 95 ans) • 40 femmes et 27 hommes • Le motif de la demande était: Rectorragie (n=15), Anémie ferriprive (n=19), Hemocult positif (n=5), Alternance diarrhée/constipation (n=14) Syndrome occlusif (n=14) • Le coloscanner était techniquement non exploitable dans 3 cas (incontinence anale massive). • Aucune complication n’a été notée Résultats • Le diagnostic de cancer colique a été posé dans 7 cas, une coloscopie optique avec biopsies a été réalisée dans tous les cas et a confirmé le diagnostic dans tous les cas: VPP élevée • Le coloscanner a conclu à l’absence de pathologie tumorale maligne dans 57 cas et ceci était toujours concordant avec la colonoscopie ou le suivi clinique de 12 mois: Haute VPN • Le coloscanner a mis en évidence 4 polypes centimétriques, une colonoscopie était alors faite dans tous les cas et en a confirmé qu’un seul (20 mm): 75% de faux positif Résultats • La coloscopie optique a objectivé 3 polypes infracentimétriques passés inaperçus sur le coloscanner: 75% de faux négatif • La prévalence de la diverticulose colique dans la population étudiée est de 30%. Discussion 1. Généralités 2. Technique 3. Diagnostic positif du cancer colique 4. Localisation tumorale 5. Bilan d’extension tumorale 6. Autres apports du coloscanner à l’eau Discussion Généralités: • Le cancer est la pathologie colique principale du sujet âgé. C’est un problème de santé publique en France: Il occupe le 3ème rang en prévalence et le 2ème en mortalité. • C’est un cancer en nette progression (40% en 20 ans) • Il est rare avant 50 ans (<6%) • La coloscopie optique (Gold standard) est un examen lourd (Anesthésie générale, arrêt d’anti-coagulant…). Il est particulièrement délicat chez le sujet âgé souvent multitaré Discussion Techniques: • la distension du colon est un pré requis nécessaire et indispensable dans L’exploration du colon en imagerie • L’injection de produit de contraste permet le rehaussement de la paroi colique et d’améliorer le contraste • Le coloscanner à l’eau est un examen bien toléré, non invasif et ne nécessitant aucune préparation colique. • L’hélice sans injection n’est pas indispensable • La lecture des reconstructions dans les trois plans est primordiale • L’absence de bonne distension colique ( Fuite anale massive) est la limite principale de cette technique. Cet obstacle est cependant rare (4% dans notre étude). Discussion Diagnostic positif de cancer colique: • La sémiologie du cancer colique au scanner est simple associant variablement: Épaississement pariétal (> 6 mm) irrégulier (parfois nodulaire) et asymétrique étendu sur moins de 9 cm angle de raccord abrupt Sténose: Dilatation en amont Rétraction péricolique (adénocarcinome) Infiltration de la graisse Engorgement vasculaire au contact • Les faux positifs sont dus aux spasmes, plis, résidus notamment au niveau de la valvule de Bauhin (intérêt discuté de spasmolytique et d’une hélice complémentaire) A B Sémiologie sur le coloscanner à l’eau du cancer colique: Epaississement pariétal irrégulier asymétrique (A, B) ou nodulaire (C) avec rétraction pariétale (B) C Discussion • Le colscanner à l’eau est très fiable dans le diagnostic positif de cancers colo-rectaux: Se: 98%, Sp:95%, VPN:99% (Ridereau-Zins, Abdom imaging 2010; Pilleul, GAstroenterol 2006) • Notre étude confirme les données de la littérature • Il permet d’explorer le colon en amont d’une sténose non franchissable et détecter les lésions coliques multiples • C’est un mauvais examen pour le dépistage de polypes: très faible VPN Discussion Localisation tumorale: • le pourcentage d’erreur de la coloscopie optique dans la détermination de la topographie précise des cancers coliques est de 21% notamment en cas de dolichocôlon • Cependant la localisation précise du cancer est primordiale pour le choix du geste chirurgical • Le coloscanner à l’eau permet de réaliser cette cartographie précise Fréquence des localisations de cancers coliques: Charnière recto-sigmoidienne: 55% Caecum: 25% Le reste du colon: 20% Discussion Bilan d’extension tumorale: • Bénéficie de l’exploration de l’ensemble du contenu abdominal • La classification TNM sur le coloscanner à l’eau reste difficile (La fiabilité est 40 et 95 % selon les études avec mauvaise reproductibilité inter-observateurs) • Il est surtout important de distinguer les stades T3 et T4: T3: Envahissement de la sous muqueuse (rétraction pariétale) T4: Envahissement du péritoine et au-delà (masse de la graisse péricolique) • L’envahissement des organes de voisinage peut modifier l’approche thérapeutique • Il est utile détecter les lésions multiples notamment en cas de coloscopie incomplète Discussion Schématisation de l’envahissement pariétal du cancer colique et correspondance à la classification T A B Illustrations des différents stades T de la classification TNM A: Stade ≤ T2: Sous muqueuse intacte B: Stade T3: Envahissement de la sous muqueuse (rétraction pariétale) C: Stade T4: Extension au delà de la paroi C Discussion • L’étude ganglionnaire basée sur la taille (petit axe>6mm ou grand axe >10 mm) est imparfaite. Cependant les adénomégalies doivent être décrites. Ganglion paracolique suspect • Les métastases à distance notamment hépatiques sont détectées sur le même examen Coloscanner à l’eau montrant un cancer de la charnière recto-sigmoïdienne T4 avec des métastases hépatiques synchrones. Coloscanner à l’eau mettant en évidence un cancer colique gauche (cercle), une métastase hépatique synchrone (flèche) et une masse ovarienne concomitante (étoile). Coloscanner à l’eau mettant en évidence un cancer de l’angle colique gauche et un gros polype de la charnière recto-sigmoïdienne Discussion Autres apports du coloscanner à l’eau: • Bilan topographique pré-opératoire de la diverticulose colique • Recherche de compression extrinsèque • Étude des séquelles de colites • Mise en évidence de polype (mauvaises sensibilité et spécificité pour les polypes< 10 mm) • Exploration des MICI coliques (hors poussée aigue) Coloscanner à l’eau: Polype pédiculé de 12 mm de la charnière recto-sigmoidienne. Anapath: Polype tubuleuxvilleux avec dysplasie de haut grade Conclusions • Le coloscanner à l’eau est une technique très fiable, bien tolérée dans le diagnostic positif et le bilan d’extension des cancers coliques. • C’est une excellente alternative à la coloscopie optique dans plusieurs situations cliniques notamment chez le sujet âgé. • Le coloscanner à l’eau doit remplacer désormais le lavement baryté dans le bilan de la pathologie néoplasique colique en pré-opératoire • C’est un examen à proscrire dans le dépistage de polype ( Coloscopie virtuelle+++) Conclusions Les indications du coloscanner à l’eau sont larges: Symptomatologie digestive chez des patients de plus de 50 ans: Anémie, diarrhée, troubles digestifs atypiques, Altération de l’état général, métastases hépatiques. Sténose colique non franchissable en colonoscopie optique ou coloscopie incomplète +++ Bilan de tumeurs coliques connues en même temps que le bilan d’extension thoraco-abdominale (staging TNM) Références 1) J Favre, C Lepage et J viguier: Cancer colorectal: Du diagnostic au dépistage: Gastroentérologie clinique et biologique (2009) 33, 660670 2) Hundt: Evaluation of spiral CT in staging of colon and rectum carcinoma. Eur Radiol 1999 3) Heppell et al: CT Colonography with Intravenous Contrast Material: Varied Appearances of Colorectal Carcinoma. RadioGraphics (2005) 25:1321–1334 4) Karen M, Ross A, Elliot K: Spiral CT of Colon Cancer: Imaging Features and Role in Management.RadioGraphics (2000) 20:419– 430 5) Shellito P: Staging of colon carcinoma using water enema CT. J Comput Assist tomogr (1995)19(1):87-91. 6) Filippone A: Preoperative T and N staging of colorectal cancer: accuracy of contrast-enhanced multi-detector row CT colonography-initial experience. Radiology (2004) 231(1):83-90. Références 7) 8) 9) J. Mathias , C. Barbary , L. Meyer-bisch, S. Tissier, V. Laurent, S. Beot, D. Regent: L’eau et les hydrosolubles iodés comme contrastes endoluminaux en scanographie du tube digestif Feuillets de Radiologie (2005) Vol 45, N° 4, 273-287 C Ridereau-Zins et al: Assessment of water enema computed tomography: an effective imaging technique for the diagnosis of colon cancer. Abdom Imaging (2010) 35(4):407-13 F Pilleul et al : Water enema computed tomography: diagnostic tool in suspicion of colorectal tumor .Gastroenterol Clin Biol. 2006 Feb;30(2):231-4 QCM QCM1: Indiquer les réponses inexactes: Le coloscanner à l’eau: A. Est d’interprétation difficile B. Nécessite une injection de produit de contraste C. Nécessite une préparation colique parfaite D. Nécessite un insufflateur automatique Réponse: C, D QCM 2: Indiquer la réponse inexacte: Le coloscanner à l’eau: A. Est le ″Gold standard″ dans le diagnostic de cancer colique B. A une bonne sensibilité dans le diagnostic de cancer colique C. A une bonne spécificité dans le diagnostic de cancer colique D. Doit remplacer le lavement baryté dans l’exploration de la pathologie tumorale colique Réponse: A QCM QCM 3: Indiquer les réponses inexactes Le coloscanner à l’eau est indiqué: A. Dans le dépistage de polype B. Dans l’exploration d’anémie ferriprive chez le sujet âgé C. En complément d’une coloscopie incomplète D. Dans l’exploration d’occlusion aigue Réponse: A, D A retenir • Le coloscanner à l’eau est un examen non invasif, facile et ne nécessitant aucune préparation colique, • Il constitue une alternative réelle à la coloscopie optique chez le sujet âgé dans certaines situations • C’est un examen fiable dans le diagnostic positif de cancer colique (Se, Sp et VPN élevées) • Il doit remplacer le lavement baryté dans l’exploration de la pathologie colique tumorale • Le coloscanner à l’eau est à proscrire dans le dépistage de polype et dans les situations d’urgence