Education, progrès technique, industrialisation - UNESDOC

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Education, progrès technique, industrialisation :
expérience des pays socialistes
DISCARDED .
ÜSESOOUßRARv
Education, progrès technique,
industrialisation :
expérience des pays socialistes
R. Avakov
^tfVlCCrf^
U n e s c o : Institut international de planification de l'éducation
Publié en 1987 par l'Organisation des Nations Unies
pour l'éducation, la science et la culture
7, place de Fontenoy, 75700 Paris
Imprimé par Gedit, Tournai
I S B N 92-803-2130-7
© Unesco 1987
Imprimé en Belgique
Préface
Les Plans à M o y e n Terme de l'Institut international de planification de l'éducation établissent les domaines de recherche relatifs aux forces qui marquent déjà
ou sont susceptibles d'affecter les systèmes éducatifs et, par voie de conséquence, leur planification. Celle-ci est entendue c o m m e un processus d'information, de concertation et de prévision débouchant sur des décisions et une
stratégie de mise en œuvre de ces dernières.
Les résultats de telles recherches, fondées essentiellement sur des observations empiriques de phénomènes contemporains dans divers États membres de
l'Unesco, sont traduits en matériaux pédagogiques directement utilisables par
1TIPE pour répondre à l'attente d u public qui bénéficie de ses multiples programmes de formation. Rappelons que ces participants sont tous des responsables de systèmes ou de programmes d'éducation ou de formation.
Dans le cadre de son troisième Plan à M o y e n Terme (1979-83), l'Institut
avait retenu c o m m e un des thèmes de recherche la « contribution de l'éducation
à l'industrialisation et au progrès technique». Conformément à ses modalités
d'intervention, l'Institut a lancé plusieurs études à l'échelle de certains États.
Ces travaux, c o m m e de coutume, ont été réalisés conjointement avec des
équipes de chercheurs ressortissants des pays où les études sont menées.
L a problématique ayant fait l'objet de plusieurs monographies nationales dont
la synthèse figure dans cet ouvrage s'adresse à la nature des relations qui ont
marqué les rapports entre l'éducation, sous ses diverses formes ou à ses multiples
niveaux, et les changements structurels et fonctionnels qui caractérisent les
développements techniques et industriels des sociétés étudiées. Face aux conditions et conséquences complexes de ces relations se posent plusieurs questions :
— Le progrès technique et industriel a-t-il pu s'appuyer sur le personnel qualifié nécesssaire?
— Si oui, quelle est la nature du « message » et des « canaux » de communication établis entre systèmes éducatifs (enseignement formel ou formation
professionnelle en dehors ou au sein des entreprises) et centres d'application
de la recherche scientifique et de développement industriel?
— Sinon, quels sont les obstacles ou les difficultés qui expliquent l'absence ou
l'imperfection des « messages » et des « canaux » entre ces deux pôles ?
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Quel est le défi technico-industriel lancé à l'éducation? Quelles sont les
contraintes éducatives qui limitent l'industrialisation et le progrès scientificotechnique ? C o m m e n t le mécanisme et les méthodes de planification doivent-ils
réagir face à ces enjeux?
Les réponses à ces questions principales et à toutes celles qui en découlent
revêtent une importance théorique et pratique.
Théorique, parce qu'il y a lieu de penser qu'ainsi devrait s'ouvrir un large
panorama dans lequel apparaîtrait plus clairement la place de l'éducation dans
le progrès technique, permettant d'interpréter de façon plus approfondie les
rapports entre l'un et l'autre en tant qu'éléments d'un m ê m e système national et
d'identifier graduellement le rôle effectivement imparti à ces deux forces dans le
processus de développement.
Pratique, parce qu'une telle démarche conceptuelle devrait fournir des données éclairant d'un jour nouveau la nature des modifications à introduire dans
des systèmes d'enseignement et de formation. Par voie de conséquence apparaîtraient plus nettement les exigences d'adaptation auxquelles doit répondre le
processus de planification de l'éducation, améliorant en m ê m e temps ses techniques afin de rendre ce processus plus efficace.
Le principe dont l'IIPE s'est toujours inspiré pour lancer des études de cas est
la nécessité de n'aborder un problème qu'une fois clairement défini et expliqué
le cadre bien concret des diverses situations nationales. Cela permet de vérifier
l'hypothèse sous-tendant tout sujet de recherche. E n l'occurrence, cette m é thode a confirmé, d'une part, que l'intensité, les formes et le mécanisme des
rapports entre éducation-formation et développement industriel et technique,
étant fonction du contexte national, varient d'un pays à l'autre, et, d'autre part,
qu'il existe néanmoins des éléments et des points c o m m u n s qui marquent ces
rapports dans tous les pays, indépendamment de leurs caractéristiques socioéconomiques, scientifico-techniques et culturelles. L a recherche lancée avait
donc pour objet d'identifier aussi bien les particularités des pays que leurs
caractéristiques c o m m u n e s dans ce domaine particulier.
C'est ainsi que dans plusieurs pays industrialisés, notamment à régime de
planification centralisée, et dans d'autres pays en voie de développement, des
études ont été entreprises afin de vérifier ces hypothèses. Certains cas ont porté
sur l'ensemble des problèmes qui se posent à l'échelle nationale (Hongrie,
Portugal, République fédérale d'Allemagne, Soudan, Tchécoslovaquie, Togo,
Tunisie, U R S S ) . D'autres cas ont établi des comparaisons internationales
(« Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes », « Enseignement supérieur et emploi en U R S S et en République fédérale
d'Allemagne »). Enfin, des monographies ont mis l'accent soit sur une partie du
territoire d'un Etat m e m b r e (Azerbaïdjan soviétique, Z o n e de développement
du delta du Rio Barras au Mexique), soit sur une branche économique particulière (« Transformations technologiques et production des qualifications du
secteur sucrier à C u b a » ) .
U n e partie des résultats de cette recherche relative aux cas des pays en voie de
développement a déjà fait l'objet d'une publication de l'Institut dans la série des
6
Préface
«Rapports de recherche» (n°62, «Formation scientifique et technique et industrialisation dans les pays en développement»).
Cet ouvrage s'adresse pour sa part à l'expérience des pays socialistes. C e
travail de synthèse a été réalisé par R . Avakov, qui a assuré le lancement et le
développement de l'ensemble des travaux et qui, après sept années fructueuses
passées à l'Institut en qualité de chercheur, d'enseignant et d'animateur, a
retrouvé ses responsabilités professionnelles à l'Institut des pays en développement au sein de l'Académie des sciences de l'Union soviétique à Moscou.
Cette synthèse, tout en faisant le point de l'expérience passée de l'Institut,
jette le pont entre deux Plans à M o y e n T e r m e de l'IIPE (1979-83/1984-89), et
notamment entre une première réflexion sur « L'éducation, le progrès technique
et l'industrialisation » et les travaux en cours portant sur « Les implications pour
la planification de l'éducation des politiques de développement technologique ».
Il reste à espérer que cette recherche enrichira les réflexions des chercheurs et
les actions des praticiens intéressés par le rôle, les limites et le potentiel de
l'éducation face aux défis de la généralisation prochaine de la phase postindustrielle dans les pays socialistes.
Sylvain Lourié
Directeur, IIPE
7
Table des matières
Introduction
Première partie.
11
Problématique : société socialiste et éducation
21
Chapitre Ier.
Mutation de la société et nouvelle approche de l'éducation
23
Chapitre II.
L'éducation face à l'économie socialiste
32
Deuxième partie. Progrès scientifique et technique,
niveau d'éducation et structure de l'emploi
47
Chapitre III.
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
..
49
Chapitre IV.
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle . . . .
65
Troisième partie. Système d'éducation et de planification à l'époque
de la révolution scientifique et technique
Chapitre V .
Chapitre V I .
Annexes:
Evolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative
à l'amélioration qualitative
Modèle de développement intensif et planification
de l'éducation
81
83
108
I. Terminologie en vigueur dans les pays socialistes
134
II. Documents et publications issus d u projet « Education,
industrialisation et progrès scientifique et technique»,
sous la direction de R . M . A v a k o v
140
Introduction
A . Remarques générales
Education ? Industrialisation ? Progrès scientifique et technique ? Tant en m a tière politique qu'en matière de recherche, ces dimensions ne sont plus désormais considérées séparément. U n e approche globale du développement devient
indispensable. Lorsque l'on parle de l'éducation, plusieurs questions s'imposent: quel est son apport aux progrès de l'industrie et des techniques? dans
quelle mesure répond-elle aux conditions et aux besoins du développement
économique et social ? et, enfin, par quels fils tous ces éléments se trouvent-ils
liés les uns aux autres? E n d'autres termes, de nos jours, il semble impossible d'élaborer et de mettre en œuvre une politique de l'éducation, un
modèle d'industrialisation ou une politique de la recherche scientifique
et technique sans une prise en compte et une analyse poussée des relations
mutuelles qui se tissent et se resserrent sans cesse entre ces trois c o m p o santes.
Dans le passé, déjà, ces liens avaient certes été soumis à examen. Mais celui-ci
revêtait alors un caractère moins systématique, plus sporadique, dans la mesure
aussi où les trois sous-systèmes en question évoluaient souvent en parallèle, sans
exercer d'influence notable les uns sur les autres. Avec le temps, le progrès
socio-économique a renforcé des liens qui se sont alors multipliés, ramifiés et
ont pris des formes variées. Et c'est ainsi que ce problème a acquis la première
place dans la stratégie du développement, devenant par là un objet d'analyse et
d'interprétation.
L'importance croissante du problème a été constamment soulignée lors de
conférences et rencontres récentes, nationales et internationales. Et dans le
cadre actuel des bouleversements révolutionnaires qui affectent les sciences, les
techniques et la production, c'est avec force que s'est posée et se pose toujours
la question de savoir c o m m e n t développer l'éducation, c o m m e n t la moderniser
pour qu'elle acquière un rôle d'avenir, c o m m e n t renforcer son apport au développement.
Ainsi posée, la question est d'autant plus légitime qu'en cette fin du X X e
siècle se fait sentir la nécessité absolue d'un développement permettant de
11
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
maîtriser les nombreuses difficultés et les obstacles auxquels se heurtent constamment tous les pays d u m o n d e .
Bien entendu, l'éducation n'est pas le remède qui guérit tous les m a u x . Il
s'agit là d'autre chose : de déterminer le rôle qui lui est dévolu dans la lutte pour
« le nouveau développement » (François Perroux) et de créer les conditions qui
lui permettent de jouer correctement ce rôle. L e progrès des sciences et des
techniques et, de manière plus générale, le développement dépendent de n o m breux facteurs, dont l'éducation et, en l'occurrence, sa capacité à évoluer d'une
manière qui corresponde à la réalité, à proposer des idées, des formules, des
conceptions nouvelles, bref, à cheminer en accord avec son temps.
L'Institut international de planification de l'éducation (IIPE), rattaché à
l'Unesco, ne pouvait demeurer à l'écart des problèmes d'actualité, en particulier
ceux qui concernent la planification des systèmes d'éducation et de formation
professionnelle. Conscient de cette nécessité, il a lancé en 1977 un projet relatif
aux rapports mutuels qu'entretiennent l'éducation et la formation professionnelle, d'une part, l'industrialisation et le progrès des sciences et des techniques,
de l'autre.
C'est au cours de la mise en œuvre de ce projet qu'ont surgi pour la première
fois certaines questions relatives à divers aspects de la théorie et de la conception du problème abordé. E n particulier, l'idée fut mise en avant d'une planification conjointe de l'éducation et du progrès des sciences et des techniques. E n
outre, une grande attention fut accordée aux particularités que revêt l'évolution
de la qualification professionnelle à l'époque de la révolution scientifique et
technique. Enfin, autre élément du projet, et le plus important : une série de
monographies consacrées à plusieurs pays en voie de développement (Cuba,
Mexique, Soudan, Togo, Tunisie), ainsi qu'au Portugal et à quelques pays
socialistes (Hongrie, République démocratique allemande, U R S S , R S S d'Azerbaïdjan). D e s séminaires organisés les uns sur le plan international, d'autres à
l'échelon d'un seul pays, en vue d'examiner quelques-unes des questions les plus
ardues et les plus prégnantes, ont contribué de manière non négligeable à une
meilleure compréhension de celles-ci.
La présente étude propose au lecteur un aperçu synthétique de quelques
résultats d'une partie du projet de 1TIPE consacrée à l'expérience des pays
socialistes. Toutefois, son propos vise à dépasser celui-ci pour faire état de
recherches qui ne puisent pas seulement dans les matériaux et conclusions des
travaux déjà menés par 1TIPE. E n effet, l'auteur s'est inspiré de nombreuses
autres sources et données : statistiques officielles, publications signées par des
spécialistes de divers pays socialistes, périodiques scientifiques variés.
B . Objet, buts et cadre du projet IIPE
Le projet de 1TIPE avait pour objet l'étude des systèmes d'éducation et de
formation professionnelle et de leur planification, dans leurs rapports avec le
processus d'industrialisation et le progrès scientifique et technique. C'est précisément là que résidait le caractère spécifique de ce travail : ne pas séparer l'un
12
Introduction
de l'autre les trois ensembles de phénomènes, mais rechercher une approche
c o m m u n e à leur étude ; examiner les canaux qui les relient, les influences
mutuelles qu'ils exercent les uns sur les autres.
O n sait que le progrès des sciences et des techniques pose aux systèmes
d'éducation et de formation professionnelle des problèmes sérieux. E n quoi
réside concrètement le défi ainsi lancé ? Et, d'autre part, quels sont les facteurs
tenant à l'éducation qui stimulent ou, au contraire, freinent ce progrès ? Et une
question encore, provenant cette fois du planificateur : c o m m e n t celui-ci doit-il
réagir aux relations mutuelles nouvelles et complexes qui s'entrecroisent et
mettent aux prises progrès scientifico-technique, industrialisation et, enfin, système éducatif et système de formation des spécialistes ?
Ces questions ont fait naître l'idée qu'une approche c o m m u n e était la seule
pertinente pour analyser les phénomènes en question. C e fut là, de fait, le point
de départ du projet de l'IIPE.
Mais cette approche générale rendait nécessaire un regard nouveau sur les
conceptions en vigueur, selon lesquelles l'éducation est considérée soit c o m m e
une valeur d'usage, indépendante des critères socio-économiques, soit c o m m e
une valeur d'échange réduite à un simple indicateur tel que l'emploi, la carrière
professionnelle ou le prestige social. D'autre part, on ne pouvait oublier le fait
que l'éducation, le progrès de l'industrie c o m m e celui des sciences et des
techniques sont des phénomènes d'ordres différents, autonomes, évoluant chacun selon des lois et des rythmes qui lui sont propres, et remplissant des
fonctions spécifiques. Chacun, en effet, possède sa spécificité dans son environnement socio-économique.
Les problèmes qui surgissent se font plus ardus encore lorsque l'on applique
cette approche synthétique à la planification. O n sait que celle de l'éducation
prend appui sur des critères et des indicateurs qui diffèrent de manière significative de ceux qui fondent la planification de l'industrialisation et celle du progrès
scientifico-technique. L'objet de la première (l'éducation), c'est l ' h o m m e , tandis
que celui des deux autres ordres de phénomènes (industrialisation et progrès des
sciences et des techniques), c'est autant la « production » des connaissances que
leur mise en œuvre dans la création de valeurs matérielles. Ces remarques
suffisent à faire ressortir les difficultés auxquelles o n se heurte sur le plan
conceptuel quand il s'agit d'élaborer cet aspect du problème.
Vouloir aborder conjointement des phénomènes de nature selon toute apparence différente oblige à tracer de manière précise les frontières de la recherche
entreprise. Tout thème d'étude est certes inépuisable : la solution apportée à tel
problème suscite inévitablement d'autres questions ; l'obtention de certains
résultats ouvre de nouvelles perspectives à l'élargissement et à l'approfondissement des recherches ; la modification des conditions dans lesquelles œuvre le
chercheur conduit à l'apparition de nouveaux questionnements. C e n'est pas ici
le lieu d'évoquer ces difficultés. Il convient en revanche de s'arrêter sur les
points qui ont été au centre d u projet de l'IIPE dans son ensemble, et que l'on
peut regrouper en quatre grandes catégories:
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
1. L a structure des systèmes d'éducation et de formation professionnelle et leur
évolution sous l'influence du progrès scientifique et technique.
2. L e problème des qualifications professionnelles, dans le contexte du progrès
scientifique et technique.
3. Les liens entre éducation et production, entre les établissements d'enseignement et les diverses entreprises ; les formes et l'intensité des liens entre ces
partenaires ; l'intérêt ou l'attitude manifestés envers leur développement.
4. Les problèmes de planification des systèmes d'éducation et de formation
professionnelle, compte tenu du progrès tant économique que scientifique et
technique.
Il faut souligner que dans les études de cas entreprises dans le cadre du projet
de l'IIPE, il n'a pas été possible de traiter l'ensemble de ces questions avec le
m ê m e degré de détail et d'approfondissement pour chaque pays considéré. N o u s
nous s o m m e s toutefois efforcé de faire ressortir les aspects les plus caractéristiques, les plus typiques, les plus spécifiques.
C.
Conception d'ensemble du projet IIPE
Le projet de l'IIPE était consacré, rappelons-le, à des pays et groupes de pays
ayant des caractéristiques socio-politiques, économiques et culturelles fort différentes et dont les niveaux de développement respectifs sont inégaux. E n m ê m e
temps il abordait des problèmes variés relevant de divers domaines de connaissance et de diverses disciplines. Elaborer, à ce niveau d'analyse, une théorie
générale pertinente nous a paru une tâche ardue.
Plus particulièrement, nous avons voulu éviter une théorisation trop rapide ou
trop schématique se fondant sur un matériel forcément partiel et dont les
capacités de démonstration seraient limitées. Ainsi, c'est une élaboration conjointe de théorie et d'empirisme, certes provisoire et sujette à rectification, que
nous avons tentée, et notre recherche en a fait une fonction nettement heuristique pouvant servir de cadre d'analyse à des enquêtes, autant nationales
qu'internationales, entreprises ultérieurement.
Les grandes lignes directrices de l'approche conceptuelle sont les suivantes :
(a) Soulignons avant tout que le projet IIPE est sous-tendu par l'idée que les
rapports entre éducation, progrès scientifico-technique et industrialisation
ne sont pas des rapports d'ordre essentiellement technico-économique qui
existeraient par e u x - m ê m e s , hors du temps et à l'écart des tendances propres du développement. Il s'agit de rapports de caractère social, faisant
partie intégrante de la société. C'est précisément pourquoi toute la problématique est abordée dans le contexte de ces processus internes qui confèrent sa « personnalité » à la société considérée.
(b) Second élément du problème, sa composante extérieure, internationale. Il
va de soi que partout, le développement de l'éducation, des sciences, des
techniques, de l'économie, bref, le développement dans sa totalité, est
fonction de l'histoire du pays considéré, de sa culture, de ses ressources.
Mais aujourd'hui il se trouve constamment placé sous l'influence de facteurs
14
Introduction
non seulement intérieurs mais aussi extérieurs, dont le rôle a d'autant plus
de puissance et d'effet que le pays est plus largement impliqué dans les
relations internationales, qu'elles soient économiques, scientifiques o u culturelles. D e ce fait, n o m b r e de problèmes relevant de la compétence d'une
nation ne peuvent être résolus dans le cadre de celle-ci seulement. Pour ce
faire, il faut sortir de ce cadre et situer le problème sur le plan régional,
voire international. Aujourd'hui c o m m e hier, pour une série de problèmes
dont le n o m b r e va croissant, la dimension nationale est étroitement imbriquée aux dimensions internationales, à tel point qu'il devient de plus en plus
difficile, sinon impossible, de tracer la frontière entre elles. E n la matière,
l'éducation ne fait pas exception. Malgré son caractère é m i n e m m e n t national, et bien qu'elle fasse partie intégrante de la culture propre de chaque
nation, l'éducation se développe dans chaque Etat au contact d'autres pays.
E n « digérant » tels ou tels éléments venus de l'extérieur, elle acquiert des
traits similaires à ceux d'autres systèmes nationaux d'enseignement. C'est
en vertu de ces remarques q u e l'on devait inscrire la problématique d'ensemble dans un contexte international. Et ce n'est qu'en respectant cet
impératif que l'on pouvait éviter l'écueil d'une analyse unilatérale et d'une
approche de caractère par trop national.
(c) U n autre principe encore découlait du fait que le thème du projet de l'IIPE
exigeait une approche historique, diachronique. Bien que ce soit avant tout
les modifications récentes et leurs particularités qui aient retenu notre
attention, nous ne pouvions aborder cet e x a m e n que dans u n e perspective
historique, de manière « d y n a m i q u e » . Par ailleurs, il était indispensable
d'accorder une attention particulière aux m o m e n t s critiques, aux points
« chauds », aux tournants décisifs ayant marqué les événements, la manière
de poser les problèmes et de les résoudre.
(d) Il faut enfin faire état d'une dernière conception qui nous a servi d'axe pour
l'analyse des relations entre l'éducation et le développement — en particulier l'industrialisation et le progrès scientifique et technique. Bien que ces
rapports se fassent toujours plus étroits et durables, on ne saurait dire qu'ils
acquièrent un caractère strictement déterminé. Malgré l'importance de
l'industrialisation et des progrès scientifiques et techniques, le développement de l'éducation ne leur est pas subordonné ; il n'est pas entièrement et
totalement déterminé par leurs objectifs. Il est évident q u e les systèmes
éducatifs et de formation professionnelle ne sont pas seulement soumis à
des fonctions d'ordre purement économique. Tout en étant orientés par les
perspectives de l'économie, ils ne tombent pas sous son empire c o m m e s'ils
n'étaient rien d'autre qu'une de ses composantes. Souligner le caractère
indissociable des liens entre les p h é n o m è n e s considérés ne signifie donc
nullement que l'on ait affaire ici à une conception déterministe des rapports
entre l'éducatif et l'économique. L a dialectique, en l'occurrence, veut,
d'une part, que l'on observe une tendance au rapprochement des intérêts
mutuels et des objectifs des systèmes en cause. Elle veut, par ailleurs, q u e
cette tendance ne les prive pas de leur autonomie respective, ne les
15
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
détourne pas des fonctions qui leur sont propres. Notre conception repose
donc sur un double rejet : celui d'un déterminisme économico-technologique qui s'exercerait sur les systèmes d'éducation et de formation, et celui
d'un déterminisme par l'éducation qui s'exercerait sur l'essor de l'économie
et celui des techniques.
D . Buts, logique et structure de la présente étude
Chaque peuple possède dans son expérience quelque chose d'original, de précieux, qui, tout en lui étant propre et en tenant à son histoire c o m m e à sa
culture, présente aussi de l'intérêt pour les autres peuples. C e constat vaut sans
aucun doute aussi pour le groupe des pays socialistes, qui constituent une
énorme fraction de l'humanité, en particulier quand il s'agit de domaines d'activité tels que le développement du système d'enseignement et plus généralement
de la formation de la main-d'œuvre, l'élaboration des conceptions en matière de
planification et de sa mise en œuvre, la recherche des voies et moyens appelés à
conjuguer les besoins de l'économie nationale en spécialistes avec les besoins
sociaux de la population, la synthèse entre l'éducation et le progrès technique et
scientifique, etc. Dans tous ces domaines, l'expérience de ces pays est nouvelle,
et à bien des égards originale. C'est cette expérience qui constituera l'objet de la
présente étude. Toutefois, il ne s'agit pas d'une référence exhaustive aux expériences nationales de tous les pays socialistes. E n fait, nous nous s o m m e s limité,
pour des raisons autant institutionnelles qu'opératoires, aux pays européens
membres du Conseil d'aide économique mutuelle ( C A E M ) .
Il est évident que tout domaine de l'activité humaine est déterminé par le
contexte socio-politique dans lequel il est inséré. Ainsi, nous nous s o m m e s
efforcé de replacer la problématique traitée dans le contexte de la société
socialiste et de l'étudier autant du point de vue des prémisses idéologicopolitiques que de celui de la stratégie de développement dans le cadre de la
révolution scientifico-technique. Mais il s'agit moins de formuler un jugement
ou une quelconque évaluation que d'analyser des faits, des phénomènes, des
processus tels qu'on les observe dans le m o n d e socialiste, d'étudier les problèmes qui s'y posent, de montrer les méthodes suivies et les solutions adoptées.
E n dépit de leur grande diversité, le groupe des pays socialistes se caractérise
par une série de traits importants, sur le plan des principes, qui lui confère une
unité et le distingue des autres pays du globe. Qui plus est, il s'agit là de
différences fondamentales qui — loin de concerner des aspects secondaires —
portent sur les structures de la société. O n énumérera ici ces caractéristiques, qui
revêtent une signification particulière pour l'étude de la problématique abordée
dans la présente section.
Il s'agit d'abord de la structure socio-politique et économique des pays appartenant à ce groupe, dont le régime socialiste se démarque radicalement de celui
des autres sociétés, non socialistes. Et nous n'avons pas besoin de rappeler leurs
différences quand aux fondements politiques de la société, à la nature de la
propriété, à l'idéologie dominante ou au fait que la force dirigeante, leur avant-
16
Introduction
garde, soit leur parti communiste. Toutes ces spécificités déterminent en dernière instance l'éducation, sa philosophie et ses objectifs, ses perspectives et ses
orientations futures : en s o m m e , la politique et la stratégie que les pays en
question mènent en la matière. Cela vaut également pour ce qui concerne autant
le processus d'industrialisation, ses formes et ses méthodes que le progrès
scientifico-technique dans ses rapports avec l'éducation.
Il s'agit ensuite du fait que les pays socialistes ont fait l'expérience d'une
transformation radicale en résolvant d'une façon révolutionnaire de nombreux
problèmes qui ont surgi au lendemain m ê m e du renversement des régimes en
place. D e là une autre approche des problèmes posés, l'introduction de méthodes et de modèles nouveaux, une philosophie nouvelle. L a présente étude avait
donc aussi pour objet d'examiner la problématique évoquée au cours de cette
période de rupture des rapports socio-politiques et économiques et d'abandon
de l'ancien au profit de la recherche de voies nouvelles.
E n troisième lieu, il s'agit de la position spécifique qu'occupent les pays
socialistes dans le système des rapports mondiaux, de leur constitution en une
nouvelle communauté internationale sur les plans tant politique qu'économique.
C e processus est soumis à une double action, encore que ses composantes ne
soient pas de la m ê m e nature : si chaque pays fait partie intégrante de la
communauté socialiste mondiale, il n'est pas moins vrai qu'il entretient des
rapports contradictoires avec l'économie capitaliste mondiale. D e là l'apparition
de certains problèmes et une manière particulière de les résoudre. N o u s ne
pouvions pas ignorer ces circonstances dans cette étude.
Enfin, il faut évoquer le cheminement qu'ont connu les pays socialistes, et qui
a affecté tous les domaines de la société :
— Sur le plan socio-politique, ces pays ont abordé ou abordent l'étape du
socialisme développé, où la société socialiste évolue sur ses bases propres.
— Sur le plan économique, ils passent du modèle extensif au modèle intensif.
Cela signifie que l'industrialisation repose désormais sur les acquis de la
révolution scientifique et technique et que les facteurs qualitatifs passent au
premier plan, bien que les facteurs quantitatifs restent toujours présents.
— Sur les plans culturel et éducatif, enfin, ils ont pris rang parmi les pays
complètement alphabétisés, dont la population a un niveau d'éducation
élevé et où la société tend à généraliser l'enseignement secondaire obligatoire pour les jeunes générations.
Dans les pays socialistes, la recherche c o m m e la politique ont toujours accordé une importance non négligeable aux rapports qui s'instaurent entre éducation, progrès scientifico-technique et éducation. Mais, au cours des deux
dernières décennies, le contenu de cette problématique, ses aspects et sa portée
dans ces pays aussi se sont modifiés ; à bien des égards, elle a fait l'objet d'une
approche nouvelle. Tous ces phénomènes tiennent aux tendances observables
tant au sein du développement économique, technique et scientifique de ces
pays qu'au sein de leurs systèmes d'éducation et de formation professionnelle.
Ajoutons à cette considération générale quelques remarques spécifiques.
La première remarque concerne les systèmes d'éducation et de formation
17
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
professionnelle. E n dépit des résultats positifs incontestables obtenus en la
matière par les pays socialistes, l'éducation n'a pas toujours connu un développement sans difficultés, sans problèmes graves et sans à-coups. Il est inutile, par
ailleurs, de souligner que ces bons résultats ont posé, par la logique m ê m e du
développement, de nouveaux problèmes qui, à leur tour, exigeaient non seulement d'autres efforts, mais une nouvelle approche et de nouvelles méthodes en
vue de leur apporter une solution. C e n'est pas un hasard si — à ne considérer
que les deux dernières décennies — les pays socialistes ont procédé à d'importantes réformes dans le domaine de l'éducation, qui, en formulant de nouveaux
objectifs et de nouvelles tâches, reflétaient les succès obtenus en la matière, mais
aussi les discordances et les problèmes engendrés par ces acquis.
La seconde observation porte sur les particularités du développement économique et démographique des pays socialistes à l'époque contemporaine. A des
degrés divers, leurs économies souffrent d'une insuffisance de main-d'œuvre.
O r , cette pénurie ne tient pas seulement à des phénomènes d'ordre démographique défavorables liés aux conséquences à long terme de la Seconde Guerre
mondiale et à une relative baisse des taux de natalité. Elle tient aussi aux
problèmes de répartition de la main-d'œuvre et, en particulier, des spécialistes
hautement qualifiés. Cette répartition est-elle pleinement rationnelle, m ê m e si,
du point de vue quantitatif, les données font état d'un nombre total très élevé de
main-d'œuvre qualifiée ? C e fait témoigne évidemment de la qualité de l'économie, et de sa spécificité. Mais il témoigne aussi, vraisemblablement, de l'existence de phénomènes indésirables tenant à la gestion de l'économie, à l'organisation de la production et du travail, en particulier celui des ingénieurs et des
cadres les plus qualifiés.
U n e troisième remarque concerne le fait que, dans la mesure où la révolution
scientifique et technique est allée de l'avant, englobant des sphères d'activité
toujours plus larges des pays socialistes, la nécessité d'aborder cette problématique s'est faite plus pressante. Mais il convient à cet effet de concevoir d'abord le
sens m ê m e de cette révolution. Quelles sont ses manifestations concrètes, ses
grandes lignes de force ? Faute d'une compréhension de ces questions fondamentales sur le plan théorique, il n'était guère possible d'escompter des résultats
tant soit peu sérieux dans l'étude des rapports entre l'éducation et les p h é n o m è nes socio-économiques. Cette compréhension était nécessaire aussi à l'élaboration d'une politique tant de l'éducation que de la recherche, en particulier si l'on
voulait atteindre l'objectif concret que se fixaient les pays socialistes : associer la
promotion des sciences et des techniques aux éléments positifs de la société
socialiste.
Enfin, quelques mots sur la question de la planification des systèmes d'éducation et de formation, à l'époque de la révolution scientifique et technique et du
passage de l'économie des pays socialistes au modèle de développement intensif.
Le fait que, là aussi, une nouvelle approche était nécessaire ne se heurtait à
aucun doute. Il était beaucoup plus difficile, en revanche, de découvrir cette
approche, de l'élaborer, de voir dans quelle direction il convenait de rechercher
la solution adéquate.
18
Introduction
E n ce qui concerne la structure de la présente étude, nous avons jugé nécessaire d'exposer d'abord, dans une première partie, l'approche générale du
développement éducatif dans les pays socialistes. L a place qui revient à l'éducation au sein de la société socialiste fait l'objet du Chapitre Ier. Dans le Chapitre II, nous évoquons les fonctions assignées à l'éducation et son fonctionnement par rapport au processus d'industrialisation d'une part, et au progrès des
sciences et des techniques de l'autre, sans négliger le contexte international.
L a deuxième partie de l'étude de synthèse fait en quelque sorte figure de
transition entre l'exposé de la question sous ses aspects conceptuels et celui de la
situation concrète, des problèmes tangibles et des traits spécifiques fondamentaux de l'expérience des pays socialistes en ce domaine. D a n s ce cadre, il est
apparu opportun, aussi bien du point de vue de la structure d'ensemble que pour
des motifs de clarté, de s'en tenir dans l'exposé à la succession logique suivante :
commencer par le contexte dans lequel s'inscrit le système d'éducation, en
cherchant à retracer l'évolution de la structure de l'emploi et des qualifications,
ainsi que celle du rôle joué par les spécialistes hautement qualifiés dans l'économie des pays socialistes, en particulier à la phase du modèle de développement
intensif. Cette tentative prend place au Chapitre III. E n abordant ensuite les
problèmes de l'éducation proprement dits, notre objectif était d'en mettre au
jour la spécificité, de déterminer son niveau de développement dans ces pays,
d'examiner la question de savoir dans quelle mesure l'éducation peut être
considérée c o m m e un indice du progrès scientifico-technique. Ces questions
font l'objet du Chapitre IV.
Cet exposé de la conception générale de l'étude puis celui — plus concret —
d'un certain nombre de problèmes choisis exigeaient logiquement qu'on les
fasse suivre, dans une troisième partie, de l'examen de la question finale :
c o m m e n t la planification réagit-elle à tout cet ensemble complexe de problèmes
imbriqués dont, qui plus est, le contenu est soumis à des transformations
constantes sous l'effet d'une multiplicité de facteurs contradictoires? Dans cette
perspective, il était nécessaire de montrer l'importance que revêt pour la planification la tendance, nettement repérable, à un rapprochement toujours plus
marqué des entreprises et des établissements d'enseignement. Mais, auparavant,
le système d'éducation avait dû subir une évolution déterminée par le nouvel
environnement créé par la révolution des sciences et des techniques et que l'on
retrace au Chapitre V . L'aboutissement de ces transformations est exposé au
Chapitre V I , qui décrit l'expérience des pays socialistes dans le domaine de la
planification de l'éducation et de la formation des spécialistes, et en fait apparaître le caractère dynamique et complexe. L'attention portée à cette dimension
était légitimée par le fait que les pays socialistes ont fait dans ce sens œuvre de
pionniers, en sorte que l'examen de leur expérience fournit matière à réflexion à
la fois aux chercheurs et aux décideurs.
D'aucuns estiment que l'introduction constitue la partie la plus inutile de
toute recherche, voire m ê m e la plus ennuyeuse. C e jugement ironique contient
sans aucun doute une part de vérité. Quoi qu'il en soit, il nous a semblé que le
texte qui suit exigeait quelques éclaircissements préalables.
19
PREMIÈRE PARTIE
Problématique :
société socialiste et éducation
Les rapports qui lient le système d'éducation et de formation professionnelle au
progrès des sciences et des techniques dépendent du type de la société où ils
s'établissent, ainsi que de l'étape de développement à laquelle celle-ci est
parvenue. A telle société correspondent tels rapports, leur structure, leur forme
et leur contenu.
Cette thèse ressort nettement de l'examen des pays socialistes, où la question
de l'organisation et du renforcement de ces rapports constitue un des éléments
majeurs de leur stratégie de développement. L'Etat s'y emploie activement ;
autant par voie législative que sur le plan des pratiques, il s'efforce de faire du
système d'enseignement une institution qui ne fonctionne pas fermée sur ellem ê m e , mais qui tienne compte des leçons et des perspectives de l'économie, de
la science et de la technique.
N o u s essaierons d'esquisser en premier lieu les deux grands axes conceptuels
du problème :
— mutation de la société et nécessité d'une nouvelle conception de l'éducation,
concernant autant ses finalités que ses structures ;
— l'économie socialiste et ses exigences à l'égard du système d'éducation et de
formation professionnelle.
21
CHAPITRE I
Mutation de la société
et nouvelle approche de l'éducation
Le passage des structures capitalistes ou précapitalistes de la société à des
structures socialistes constitue, on le sait, une véritable mutation de philosophie,
de stratégie et de perspectives historiques. C'est ce dont témoigne l'histoire des
pays socialistes. D a n s le m ê m e sens, elle montre que les changements ayant
affecté leurs systèmes d'éducation respectifs ont été tout aussi radicaux.
A . Formation d'un nouveau modèle éducatif
Les études de cas entreprises dans le cadre du projet de l'IIPE et consacrées aux
pays socialistes mettent en évidence le rôle joué par le système éducatif dans la
société, celui de ses rapports avec l'économie, avec le processus d'industrialisation et avec l'évolution des techniques, particulièrement dans le contexte de la
période dite de transition, autrement dit du passage progressif de ces sociétés du
capitalisme au socialisme. C'est précisément au cours de cette période que s'est
produite une rupture des anciens rapports socio-politiques en m ê m e temps que
des structures éducatives. Et c'est au cours de cette m ê m e période que l'on voit
s'imposer l'idée qu'à chaque type de société doit correspondre un modèle
éducatif spécifique. L a nouvelle société qui émerge des ruines de l'ancien régime
mis à bas ne peut faire l'économie d'une nouvelle approche des problèmes
d'éducation ; elle doit redéfinir le rôle et la signification d'un système éducatif à
tous les niveaux, et dans les termes qui lui sont propres.
L'Union soviétique et les autres pays socialistes ont traversé cette période à
des époques différentes, dont l'environnement international différait, par conséquent, d'un cas à l'autre. Dans la recherche de nouveaux modèles éducatifs, le
fait que toutes les sociétés considérées aient été guidées par une m ê m e conception philosophique, le fait qu'elles aient poursuivi des objectifs identiques,
confère aux modèles éducatifs qui ont été mis en place certaines caractéristiques
communes.
Cela dit, les pays socialisées, tout en relevant d'un m ê m e type socio-politique,
sont loin de mettre en place des systèmes d'enseignement identiques. Il serait
simpliste de prétendre que ces systèmes sont tous taillés sur le m ê m e modèle.
D ' u n e part, dans les pays socialistes, les systèmes d'enseignement qui se sont
23
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
mis en place et fonctionnent aujourd'hui ont en c o m m u n de nombreux principes
et caractéristiques similaires. Par ailleurs, ils reposent sur une base conceptuelle
c o m m u n e . A cet égard, il s'agit bien de modèles d'un m ê m e type et qui relèvent
d'une m ê m e famille socialiste. Toutefois, une simple analyse des systèmes
d'éducation de ces pays laisse rapidement percevoir des différences qui sont loin
d'être négligeables et qui tiennent aux caractéristiques nationales propres à leur
histoire, à leur développement et à leur culture. E n d'autres termes, l'unité de
type de l'éducation non seulement n'exclut pas mais présuppose une richesse de
nuances et de formes propres à chacun de ces pays et à sa culture. Ainsi, la
c o m m u n a u t é de principes et de conception philosophique, loin de constituer un
obstacle à la diversité, favorise le développement des particularités.
D a n s chaque pays socialiste, la période de transition a vu l'élaboration et
l'implantation d'un nouveau modèle éducatif, socialiste quant à son contenu et à
ses fins socio-politiques et culturelles, national quant à ses formes et à sa
configuration propres. C e modèle se distinguait radicalement de celui qui dominait dans l'ancienne société. Il importait en effet de répondre désormais aux
buts, aux principes et à la philosophie de la société socialiste en train de se
construire. A ce propos, soulignons qu'il ne s'agissait pas d'adapter l'ancien
système à des conditions socio-politiques nouvelles en y apportant un certain
n o m b r e de corrections partielles. C o m m e le montrent les études de cas et
certains documents utilisés dans la présente étude, il s'agissait d'une transformation profonde atteignant les racines m ê m e s du système en place. Il y avait donc
rupture. Mais celle-ci concernait les principes et les buts, non pas la culture
séculaire des peuples concernés, les connaissances qu'ils avaient accumulées, pas
plus que l'expérience et le savoir-faire en matière de formation des jeunes
générations. A u contraire, les acquis culturels de plusieurs siècles dont le peuple
se montrait le gardien, tout le savoir que celui-ci avait engrangé constituaient
une source à laquelle des idées et conceptions nouvelles pouvaient être puisées.
Mais le processus esquissé ici est loin de s'être déroulé sans heurts. A u
contraire, d'âpres discussions mirent aux prises défenseurs de l'ancien et partisans du nouveau. Les opinions les plus diverses, parfois contradictoires, se firent
jour. Selon certains, il convenait de liquider définitivement l'ancien, afin que la
nouvelle école n'ait rien de c o m m u n avec celle qui l'avait précédée ; il s'agissait
de faire table rase pour repartir de zéro. D'autres allaient plus loin encore, en
soutenant que la société socialiste devait renoncer à l'école, en tant que méthode
et instrument de formation manifestement bourgeois. C e propos, de fait, n'est
autre que celui tenu par I. Illich un demi-siècle plus tard, dans un ouvrage qui fit
grand bruit, Une société sans école, considéré alors c o m m e novateur bien que,
dans sa conception d'ensemble, il ne diffère guère de ce dont les pédagogues
soviétiques — qu'il s'agisse de théoriciens ou de praticiens — avaient déjà
reconnu l'inconsistance au cours des années vingt \
1. D e fait, il n'est pas rare qu'une innovation se révèle n'être rien d'autre qu'une idée ancienne
ressortie des archives et habillée de neuf. Soit dit en passant, ce procédé — qu'il s'agisse de
pédagogie ou de toute autre discipline littéraire ou relevant des sciences sociales — repose sur la
conviction que les archives passent dans l'oubli, voire m ê m e au pilon...
24
Mutation de la société et nouvelle approche de l'éducation
A l'issue de ces polémiques, le point de vue des partisans de l'héritage
l'emporta. Il importait d'y veiller, en particulier, dans un domaine aussi délicat,
aussi crucial que la création du système d'éducation socialiste et de formation
des spécialistes \ Cette question constitue un des points forts du fameux discours prononcé par Lénine au IIIe Congrès de l'Union des jeunes communistes
de Russie, le 3 octobre 1920. Raillant certains partisans de l'école nouvelle,
détracteurs de l'ancien système, où ils ne voyaient que lavage de cerveaux,
Lénine soulignait au contraire qu'il fallait reprendre de l'ancien système tout ce
qu'il pouvait contenir de meilleur, tout ce qu'il avait pu élaborer et utiliser avec
succès.
Il n'entre pas dans notre propos de retracer ici tout l'historique de la mise en
place et de l'évolution des modèles d'enseignement et de formation professionnelle dans les pays socialistes. Toujours est-il que ce fut un immense effort de
conception et de mise en œuvre qui débuta en Union soviétique dès les premières années de son existence, pour se poursuivre et s'approfondir à mesure
qu'apparurent de nouveaux Etats socialistes. C e processus fut couronné par
l'apparition et l'adoption, dans ces pays, d'une nouvelle théorie de l'éducation
fondée sur la conception d'une école polytechnique unique. N o u s nous bornerons à un bref examen de celles de ses caractéristiques majeures qui concernent
directement le thème de notre étude.
L'apport du système éducatif au développement tient directement à la conception polytechnique qui en constitue la base, à la pénétration de cette dernière
dans le tissu m ê m e des établissements d'enseignement et dans leurs programmes, à son évolution et à sa capacité d'évoluer en fonction du progrès économique et des mutations scientifiques et techniques. Cette conception se manifeste
particulièrement aux points clés de l'articulation entre l'éducation, l'économie,
la technique et la production.
La notion de « polytechnisation » est vaste. Elle concerne non seulement la
sphère des sciences de la nature et de la technique, mais encore l'ensemble des
disciplines scientifiques et techniques. O n ne saurait la réduire au domaine de
la formation des ingénieurs et des techniciens dans les établissements dits
d'enseignement polytechnique. E n fait, il s'agit d'un système d'éducation capable de donner aux élèves la connaissance de ce qui constitue les bases du
développement de la société, des principes scientifiques selon lesquels fonctionnent la production et ses principaux secteurs et, plus généralement, de
toute l'économie. L'école polytechnique a ainsi pour mission de transmettre à
ses élèves les connaissances clés en matière de sciences fondamentales et de
techniques.
U n e autre dimension fondamentale de l'éducation polytechnique est d'inculquer aux élèves les savoir-faire et les pratiques leur permettant de se servir des
1. L e terme de « spécialiste » désigne, en russe, les diplômés de l'enseignement supérieur et
secondaire spécialisé. Il s'agit donc des personnels ayant — en principe — reçu une formation
professionnelle poussée dans leur spécialité, au-delà de la scolarité générale obligatoire. L ' e m ploi de ce vocable, loin de se limiter à l'industrie, s'étend à tous les secteurs, tertiaire compris.
25
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
instruments et outils de travail les plus simples et les plus essentiels, à une étape
donnée du développement de l'économie et de la société ; en les familiarisant
avec le travail, les préparer à la vie, à l'activité tant sociale que professionnelle,
opérer dans l'enseignement la synthèse de la théorie et de la pratique, permettre
aux élèves d'acquérir et de manier des connaissances théoriques tout en prenant
part au travail socialement nécessaire et — avant tout — au travail productif,
leur permettre d'associer les connaissances d'ordre général à des savoirs spécifiques, tel est le sens de l'approche polytechnique de l'éducation.
Il ne s'agit donc pas là de former des spécialistes maîtrisant une profession
déterminée, mais de préparer des h o m m e s capables de choisir librement et en
toute connaissance de cause leur future qualification en fonction de leurs intérêts et des intérêts de la société. Mais l'éducation polytechnique ne se limite pas
là ; elle va plus loin encore. Celui qui a maîtrisé une profession se trouve ensuite
accompagné au-delà de l'acquisition d'un certain niveau de connaissances. L e
système d'éducation polytechnique est présent à tous les niveaux et dans tous les
types de formation. Ainsi, l'école de type socialiste se caractérise, entre autres,
par le refus du principe de professionnalisation totale, qui ne saurait être
acceptable m ê m e dans les écoles dispensant une formation de caractère émin e m m e n t professionnel.
L'éducation polytechnique se trouve toujours — et nécessairement — liée au
travail, selon la double formule bien connue : « Formation par le travail et au
travail. » L'école ne se borne donc pas à préparer les jeunes générations au
travail en leur inculquant l'idée que celui-ci n'est pas seulement un droit, mais
aussi une obligation. Elle fait du travail un outil pédagogique irremplaçable,
mais au service de la formation des jeunes en tant que professionnels et en tant
que citoyens.
Tout en constituant un but, le travail possède également une fonction éducative. C'est précisément cette conjonction de l'enseignement des connaissances
théoriques avec le travail socialement utile — en particulier dans la sphère
productive — qui garantit l'efficacité de l'enseignement polytechnique.
Le principe de cet enseignement implique que les connaissances ne peuvent
pleinement constituer une force de transformation que si elles sont orientées
vers la pratique, vers la maîtrise de biens matériels et spirituels.
Il va sans dire que le contenu de l'éducation polytechnique n'est pas donné
une fois pour toutes, mais qu'il se modifie en fonction de l'évolution de la
société, et en particulier en fonction des mutations qualitatives qui s'y produisent. Les étapes du développement de la société constituent donc aussi des
étapes de l'éducation polytechnique.
La mise en œuvre des principes du système de l'école unique, polytechnique
dans les pays socialistes, s'est accompagnée de difficultés considérables, en
particulier pendant la période de transition. Tout d'abord, le caractère novateur
de l'école unique a heurté des habitudes de pensée et n'a pas rencontré d'emblée
suffisamment de partisans. Par ailleurs, l'application de la réforme posait des
problèmes énormes, car il s'agissait de rien de moins que d'une reconstruction
radicale de tout le système. E n second lieu, dans tous les pays socialistes, la
26
Mutation de la société et nouvelle approche de l'éducation
période de transition se situait dans un contexte international défavorable
rendant ces obstacles plus difficiles encore à surmonter.
Le principe polytechnique était complété par celui de l'éducation de masse :
donner à toute la population une instruction, assurer à l'ensemble des travailleurs des droits égaux dans ce domaine et leur permettre d'atteindre le niveau
indispensable d'alphabétisation et de connaissances générales, en rejetant définitivement l'élitisme scolaire. Dans la société socialiste, l'éducation ne peut
remplir sa mission d'émancipation intellectuelle et de libération économique de
l ' h o m m e qu'à la condition d'être ouverte à toute la population. C e principe est
appelé à servir de base pour l'élévation continue du niveau de culture et
d'instruction du peuple.
La notion d'éducation de masse revêt une importance considérable sur les
plans socio-politique, culturel et économique. Pour sa part, Lénine soulignait
qu'un analphabète demeure exclu de la politique. Cette formule laconique
signifie tout simplement qu'un h o m m e peu instruit, dépourvu de connaissances
élémentaires, a du mal à maîtriser le développement de la société, qu'il soit
économique ou technique. C e développement ne le concerne que de loin, car il
n'en est pas l'un des participants ; il est également absent de la vie politique : à
supposer qu'il y participe, il devient aisément la victime de toutes les manipulations.
L'introduction d'un système éducatif nouveau a été définie et matérialisée par
chaque pays d'une façon autonome. Bien que les pays socialistes d'Europe aient
instauré l'éducation de masse à peu de chose près à la m ê m e époque — au
milieu de ce siècle —, ils ne connaissaient pas alors des niveaux identiques
d'alphabétisation et de scolarisation. Pour ces deux indicateurs, ce sont la
République démocratique allemande et la Tchécoslovaquie qui étaient en tête.
Cependant, la difficulté majeure rencontrée tenait moins à la situation reflétée
par des indices de ce type qu'à la nécessité d'organiser l'éducation de masse
autour d'un contenu et de programmes de caractère novateur. D e là la nécessité
de former de jeunes enseignants et de procéder à la réorientation des personnels
en place, appelés à construire la nouvelle école.
C'est en Union soviétique que les difficultés rencontrées furent à cet égard le
plus accusées, non seulement du fait de la période historique traversée, de
l'isolement du pays et du faible niveau général d'instruction des populations,
mais encore parce que le système éducatif devait s'y adresser à des dizaines de
peuples et d'ethnies dont beaucoup ne possédaient pas, jusqu'à la Révolution
d'Octobre, leur propre écriture.
C'est pourquoi le principe d'une école de masse devait s'y combiner avec celui
d'un enseignement donné dans la langue maternelle de chacun. E n effet, passer
outre à cette seconde exigence aurait signifié que la première demeurerait un
v œ u pieux, une déclaration générale dénuée de portée pratique. C'est dans le
cadre de cette politique que plus de quarante peuples et ethnies d'Union
soviétique se virent pour la première fois dotés d'une écriture, au cours des deux
premières décennies d'existence du nouveau régime. Ainsi parvint-on, en
27
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
quelques années, à assurer un enseignement primaire et secondaire dispensé en
une cinquantaine de langues.
Mais cet enseignement en langue maternelle ne fut pas mis en place sans
d'âpres polémiques. Certains collaborateurs du système scolaire se montraient
sceptiques quand à la possibilité d'atteindre à bref délai l'objectif fixé. A u reste,
ils ne manquaient pas de faire état d'obstacles bien réels : m a n q u e de personnel,
nécessité de créer des manuels scolaires dans les langues qui disposaient désormais d'une forme écrite, difficultés en matière de scolarisation, en particulier des
fillettes, opposition de la part des couches socio-politiques les plus attardées et
rétrogrades, etc.
Face à ces difficultés, une partie des enseignants baissaient les bras pour se
déclarer partisans d'une solution plus « réaliste » qui consistait à créer, dans les
régions nationales les plus arriérées, un enseignement en langue russe.
Mais la nouvelle école soviétique ne pouvait accepter cette approche pour des
raisons de principe. Pour sa part, Lénine se prononça résolument contre cette
idée de russification. Certes, on ne pouvait sous-estimer la portée de la langue
russe, que ce soit c o m m e m o y e n de communication entre nationalités ou c o m m e
m o y e n d'accès aux cultures tant russe que mondiale. Mais il importait par
ailleurs, d'une part, de souligner le caractère inacceptable d'une solution consistant à imposer à d'autres peuples la langue d'un seul, d'autre part, de faire
prévaloir l'idée que le recours à la langue maternelle constitue le moyen le plus
efficace lorsqu'il s'agit de vaincre l'analphabétisme, de faire accéder toute une
population à un haut niveau de culture, de l'associer à l'édification d'une
nouvelle société et à tout le processus de développement, qu'il soit économique,
scientifique ou technique. U n e langue ne peut devenir l'instrument d'un enseignement démocratique, de l'essor culturel national et d'une renaissance socioéconomique qu'à condition de ne pas être imposée d'en haut en tant que m o y e n
ou objet d'étude, mais d'apparaître c o m m e une force d'attraction, propre à
jouer son rôle culturel et pédagogique et qui, à ce titre, est spontanément
utilisée en vue de meilleures communications entre les peuples, d'un enrichissement culturel et spirituel mutuel et de l'établissement de rapports de bon
voisinage.
B . Priorité de l'enseignement
Le rôle que joue l'éducation acquiert une importance croissante à tous égards à
mesure que la société se développe. E n ce qui concerne la place de l'éducation
dans la société socialiste, le professeur Jan Szczepanski écrit que « dans le
développement de la société socialiste, le système d'éducation joue un rôle
beaucoup plus considérable que dans aucun autre type de société». C'est ce
dont témoignent l'expérience de tous les pays socialistes ainsi que leur politique
en la matière.
Par quoi expliquer ce p h é n o m è n e ? Et quelle en a été l'expression concrète ?
E n premier lieu, les pays socialistes, en tant que formations sociales, sont nés
à l'époque où les pays européens, les Etats-Unis et le Japon avaient déjà atteint
28
Mutation de la société et nouvelle approche de l'éducation
un niveau élevé de développement. Les exigences à l'égard du système d'enseignement ont donc été plus importantes à cette époque que dans le passé. L e
contenu de l'enseignement lui-même se développe et se diversifie. Cette tendance générale et les conséquences qui en découlent ont influé sur la conception des pays concernés en matière d'enseignement, ainsi que sur leur pratique
et leur politique dans ce domaine. Les attentes quant à l'éducation c o m m e
facteur du développement social se sont faites alors beaucoup plus exigeantes.
O n peut illustrer ce constat de la manière suivante. Lors du passage du féodalisme au capitalisme, la liquidation de l'analphabétisme n'apparut pas c o m m e
une nécessité, pas plus que l'introduction d'une scolarité primaire obligatoire,
pour ne rien dire d'un degré d'enseignement plus élevé. Objectivement, la
société elle-même n'avait pas besoin d'une telle expansion de l'instruction, pas
plus que l'économie, tout au moins durant la première phase du capitalisme.
La situation se modifie lorsque la société se trouve transformée par les principes socialistes.
E n second lieu, l'édification du socialisme, en tant que p h é n o m è n e social réel,
conduit à un remodelage complet de toute la société. Le contenu et les objectifs
du système d'enseignement se modifient, ne serait-ce que parce que les classes
privilégiées de la période précédente perdent leur position dominante pour
disparaître, tandis que les classes jusque-là exploitées acquièrent une position
prépondérante. Ayant ainsi accédé au pouvoir, les classes laborieuses — qui
constituent, rappelons-le, l'écrasante majorité de la population — exigent une
extension sans précédent du système d'éducation et de formation professionnelle.
E n soulignant cet aspect du problème, Marx et Engels estimaient que le futur
de la classe ouvrière et de toute l'humanité dépend entièrement de l'éducation
des jeunes générations de travailleurs. E n d'autres termes, si, dans la société
présocialiste, l'éducation acquiert une importance cruciale pour la classe ouvrière — pour son fonctionnement m ê m e en tant que classe —, elle lui est plus
indispensable encore dans la société socialiste, pour la construction de celle-ci.
E n troisième lieu, sur le plan économique c o m m e sur celui des sciences et des
techniques, l'édification du socialisme est une affaire sans aucun doute plus
complexe et plus exigeante. Le fait que la société socialiste fonctionne selon des
principes d'organisation totalement différents et selon d'autres règles économiques, le fait que dans la production les rapports sociaux y soient profondément
modifiés, tout cela confère au système d'enseignement un caractère particulier :
il s'en trouve transformé en un mécanisme de formation des membres de la
société en harmonie avec la nature m ê m e de celle-ci. A u c u n régime sociopolitique n'exige à ce point du système d'éducation qu'il contribue à la transformation de ses structures économiques.
Mais il convient d'ajouter que dans la compétition avec le capitalisme qui s'est
amorcée dès la formation du premier Etat socialiste, le nouveau système instauré s'était fixé pour objectif fondamental de dépasser l'ancien dans l'un des
aspects les plus révélateurs du développement économique, à savoir la productivité du travail. L e succès de cette entreprise est fonction de l'éducation sur les
29
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
plans quantitatif et qualitatif ; sans sa participation active, cet objectif ne saurait
être atteint.
Enfin, le système d'éducation revêt une importance particulière pour le socialisme du fait de son rôle idéologique. Le m o t d'ordre « former le citoyen » figure
pratiquement dans tous les systèmes d'éducation, quel que soit le régime en
place. D a n s la société socialiste, cette formule acquiert un sens particulièrement
net : il s'agit de former des citoyens répondant aux idéaux de cette société, qui
contribuent à en renforcer la cohésion et à la perfectionner. A cet égard, le
système d'éducation n'est rien d'autre qu'un de ses instruments idéologiques.
C'est cette particularité de l'éducation dans la société socialiste que voulait
souligner Lénine lorsqu'il lançait la formule : « Apprendre le c o m m u n i s m e . »
Les pays socialistes, pour assurer ce rôle fondamental de l'éducation dans la
société, ont proposé deux conceptions importantes :
— nécessité de conférer à l'éducation un caractère exclusivement laïc et public,
donc refuser le principe de l'école privée ;
— nécessité de recourir à la planification, considérée c o m m e seule procédure
efficace et susceptible d'assurer le développement de l'éducation en liaison
étroite avec celui de l'économie nationale.
(a) La première exigence se traduit par le fait que l'organisation de l'éducation
et la formation professionnelle sont concentrées dans les mains de l'Etat. L e
point de départ est qu'aucune force politique ou sociale n'est capable, en la
matière, d'assumer les tâches gigantesques qui à tout m o m e n t s'imposent au
système : l'Etat, en tant que force organisationnelle décisive, est présent à tous
les niveaux. Toutefois, cela ne signifie nullement qu'il ne laisse pas d'autres
acteurs sociaux participer eux aussi à l'éducation. A u contraire, il est appelé à
déceler, mobiliser et stimuler les efforts de tous les acteurs sociaux, dans le cadre
d'une politique générale unique, conformément aux objectifs fixés.
L'Etat socialiste fournit l'essentiel des moyens financiers nécessaires au système éducatif. Toutefois, les entreprises industrielles et agricoles, les coopératives, diverses organisations sociales et professionnelles apportent aussi leur contribution. Quant aux parts respectives du budget de l'Etat et des autres sources
de financement, elles varient dans le temps, ainsi que d'un Etat socialiste à un
autre, la tendance étant depuis quelques années à l'accroissement relatif de
l'apport des organisations non étatiques, tant sous forme directe qu'indirecte.
Ainsi, en U R S S , en 1940, la part des moyens non budgétaires n'était que de
1,5 p. cent des dépenses globales d'éducation, mais elle a atteint 9,2 p. cent en
1965 et 14,9 p. cent en 1981. O n a des raisons de penser qu'au cours de la
prochaine décennie, la part de l'Etat dans les dépenses d'éducation, quoique
majoritaire, pourrait à tout le moins subir une relative diminution.
Quant au rapport entre les dépenses d'éducation et le montant du produit
matériel net ( P M N ) , il a évolué c o m m e l'indique le Tableau 1.
30
Mutation de la société et nouvelle approche de l'éducation
T A B L E A U 1. Dépenses d'éducation dans quelques pays socialistes (pourcentage du P M N )
Bulgarie
Tchécoslovaquie
R D A (dépenses courantes)
Hongrie 2
Pologne (dépenses courantes)
Roumanie
URSS
Yougoslavie
4,9
4,4
5,1
3,7
3,4
4,9
6,«
4,9
5,3
4,9 "
5,8
4,0
3,3
3,3
7,3
5,4
—
—
—
—
3,7
3,2
7,2
—
2. A u dénominateur figure le revenu national.
(b) La question de la planification de l'éducation, celle de ses méthodes et de
son évolution seront examinées au Chapitre V I . N o u s nous limiterons ici à
quelques remarques préalables.
O n sait que dans les pays socialistes, la conception du développement planifié
s'étend à tout le secteur de l'éducation, y compris la formation professionnelle,
dans la mesure où cette conception est inhérente à ce type de société. Mais le
rôle de la planification ne s'arrête pas à cette considération générale. La planification doit être à la hauteur des tâches ardues qu'à tout m o m e n t la société
d e m a n d e au système éducatif d'assumer dans un esprit d'utilisation optimale des
ressources limitées dont dispose celle-ci. Enfin, elle constitue un instrument
irremplaçable pour le choix des priorités, en particulier quand il s'agit de
déterminer la place de l'éducation dans le développement de la société, sur les
plans tant socio-économique que culturel.
Par ailleurs, la planification n'est pas seulement appelée à permettre le développement de l'éducation. Les liens qui s'établissent entre l'une et l'autre sont
multiples. Tout d'abord, une société qui recourt à la planification se montre plus
exigeante en matière de main-d'œuvre, tant du point de vue des capacités
professionnelles que des qualités socio-politiques de celle-ci. Ensuite, à mesure
que la société se développe et que s'élève le niveau d'instruction et de formation
de sa population, la planification elle-même évolue, ou devrait évoluer, tandis
que ses méthodes et ses critères se modifient. Il s'agit là aussi bien de l'extension
quantitative de ses fonctions et de sa sphère d'action que de la nécessité de
mieux tenir compte des indicateurs qualitatifs de son développement.
E n résumé, on peut dire que la place prioritaire qu'occupe l'éducation dans
les pays socialistes est déterminée par son objectif stratégique central : contribuer à l'édification et au progrès de la société socialiste. L e système éducatif ne
saurait donc être examiné sans référence à ce but. O r , celui-ci exige une
mobilisation totale de tous les efforts, potentialités et ressources que recèle ce
système. D e là la nécessité que l'Etat en assume la direction afin de le placer sur
les rails de la planification.
31
CHAPITRE II
L'éducation face à l'économie socialiste
Les développements qui suivent s'appuient sur deux hypothèses de travail :
1. Plus le développement économique est de niveau élevé, plus il est exigeant à
l'égard du système d'éducation, surtout sur le plan qualitatif, mais aussi sur le
plan quantitatif. C'est dans ce sens que la période actuelle se distingue
fondamentalement de la précédente. Celle-ci était placée sous le signe de la
révolution industrielle, alors qu'il s'agit aujourd'hui de révolution scientifique et technique. O n peut m ê m e dire que ces exigences — ou ces liens —
apparaissent à un certain niveau de progrès économique, scientifique et
technique. Ainsi, ce n'est qu'avec la naissance du modèle capitaliste d'économie que celle-ci éprouve le besoin d'avoir un « partenaire » prenant la forme
d'un système d'enseignement et qu'elle se met à sa recherche. C'est précisément dans cette perspective que l'on a tenté — dans des études monographiques — de comparer ces deux périodes, l'une marquée par l'industrialisation
et l'autre par la révolution scientifique et technique.
2. Mais le problème n'est pas seulement lié au niveau de développement
économique. L'essentiel tient au caractère socio-politique de l'économie, car
un m ê m e phénomène — par exemple la révolution industrielle, le système
d'enseignement, etc. — fonctionne différemment selon qu'il s'insère dans
une économie de type capitaliste ou socialiste.
A quoi tient la spécificité du système éducatif dans les pays qui suivent un
modèle d'économie socialiste ? Dans les études par pays où l'on tente de
répondre à cette question, o n ne perd pas de vue le fait que, dans le cadre
d'un m ê m e modèle — y compris s'il est socialiste —, on trouve non seulement des traits similaires, mais aussi nombre de différences.
A.
L'éducation c o m m e facteur de l'industrialisation
Les pays socialistes ont abordé leur histoire à partir de seuils économiques,
scientifiques et techniques différents. Cela ne saurait que marquer leurs stratégies respectives en matière de développement, en particulier industriel, et en
matière de structures éducatives. A cet égard, on peut distinguer globalement
trois situations :
32
L'éducation face à l'économie socialiste
— Jusqu'en Octobre 1917, en Russie, l'industrialisation ne faisait que s'esquisser, tandis que de nombreux pays européens, ainsi que les Etats-Unis,
étaient déjà très avancés. C'est seulement à partir de l'instauration du
socialisme et par des méthodes socialistes que l'industrie soviétique prend
son essor. C e qui fut, dans les pays mentionnés, l'affaire de la bourgeoisie
fut, dans le premier Etat socialiste, celle du prolétariat venu au pouvoir.
D'autre part, le choix des objectifs et des méthodes a subi l'effet de certaines
circonstances : la nécessité d'avancer seul, sur une voie inconnue, sans précédent historique et sans expérimentation possible. Qui plus est, un environnement international défavorable (intervention étrangère, blocus économique,
activités subversives délibérées, etc.) obligeait le jeune Etat à ne recourir
qu'à ses forces et ressources propres, sans aide étrangère. Tout ce que l'on
vient de rappeler s'applique pleinement aussi à la mise en place du système
d'enseignement et de formation professionnelle. A la faiblesse, du niveau de
développement économique, scientifique et technique du pays correspondait
la faiblesse du niveau d'alphabétisation (jusqu'à 45 p. cent d'illettrés), en
particulier dans certaines régions où ce taux pouvait atteindre près de
100 p. cent.
— Certains pays européens c o m m e la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne ou la
Roumanie — quoique venus au socialisme nettement plus tard que l'Union
soviétique — n'étaient guère plus avancés sur le plan économique. Leur
économie, de caractère agraire, accusait un net retard sur les pays industriellement développés. Leur faiblesse était manifeste aussi en matière d'éducation et de formation professionnelle, et de larges couches de la population
étaient analphabètes. C'est donc à la société socialiste qu'il revint de procéder à l'industrialisation, de stimuler le progrès des sciences et des techniques
et de transformer et moderniser l'éducation.
Ces pays avaient toutefois avec l'Union soviétique une caractéristique
c o m m u n e de taille. Jusqu'à la mise en place d'une société socialiste, la
question agraire n'y avait pas été résolue. A cet égard aussi, ces Etats
différaient des pays européens développés, où la révolution agraire avait
précédé la révolution industrielle. E n Union soviétique c o m m e dans les
autres pays socialistes, il fallait par conséquent résoudre simultanément les
problèmes variés et complexes que posait ce double processus révolutionnaire. C o m m e on le sait, l'Union soviétique prit le parti de procéder à une
collectivisation générale de l'agriculture. Cette décision ne visait pas seulement à la création de nouveaux rapports sociaux à la campagne et à la
modernisation technique de l'agriculture : elle devait aussi favoriser l'industrialisation.
Cette expérience, en dépit d'une opinion largement répandue, ne fut pas
mécaniquement transposée dans les autres pays socialistes, qui introduisirent
en fait nombre d'éléments originaux dans les solutions qu'ils apportèrent à la
question agraire, autant en fonction de leurs traditions propres qu'en matière
de gestion.
— Enfin, la R D A et la Tchécoslovaquie abordèrent leur transformation
33
Education,
progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
socialiste à partir d'une situation quelque peu différente. Parmi les pays
venus au socialisme au lendemain du second conflit mondial, il s'agissait là
des deux sociétés les plus modernes sur les plans économique, scientifique et
technique ; leur avance était particulièrement marquée en matière industrielle. Toutefois, là aussi, la question d'une révision radicale de la stratégie
du développement économique, concernant le modèle ultérieur d'industrialisation, et les perspectives de transformation radicale de l'agriculture — et,
en général, des rapports agraires — figuraient en première place dans le
projet d'édification socialiste. D e m ê m e , ces deux pays — en dépit d'un
réseau plus dense d'établissements d'enseignement et d'un nombre d'enseignants relativement plus élevé — durent fournir des efforts considérables
pour transformer le système scolaire existant et convaincre les enseignants
de participer à ce mouvement de transformation socialiste de l'école.
L a question se pose alors de savoir c o m m e n t ces divers niveaux de développement industriel — atteints, au demeurant, à des époques différentes — ont
effectivement influé sur la formation des systèmes d'enseignement ; dans quelle
mesure l'élaboration de la conception m ê m e de l'éducation et sa mise en œuvre
s'ins/piràient-elles des stratégies de l'industrialisation ? Et quel fut l'apport économique de l'éducation?
Pour les théoriciens du modèle socialiste d'éducation c o m m e pour les praticiens sur le terrain, ces questions ont constitué une des préoccupations essentielles. Par ailleurs, dans les analyses menées à l'époque a toujours prévalu le souci
des problèmes d'industrialisation en tant que phénomène de vaste portée sociale, compte tenu de l'influence qu'il exerce sur la division sociale du travail, sur
les structures de l'emploi et le niveau des qualifications, sur l'émergence de
fonctions nouvelles exercées par les travailleurs, en particulier dans la sphère de
la production. E n effet, on ne saurait oublier que la révolution industrielle, en
bouleversant l'ancienne organisation féodale et artisanale de la production,
exige une grande « mobilité » de l'ouvrier quant à ses activités productrices. Par
là m ê m e s'imposait la nécessité de procéder à des modifications fondamentales
en matière d'éducation et de formation professionnelle — notamment des
techniciens et des cadres —, faute de quoi il devenait impossible de faire face
aux nouvelles conditions de la production. E n d'autres termes, le système de
formation de la main-d'œuvre devait prendre en compte les nouvelles exigences
de la production. Pour la classe ouvrière, cette question acquiert une importance
vitale tant du point de vue de son fonctionnement en tant que classe que de celui
de son combat pour une société nouvelle fondée sur des rapports de production
socialistes. Cela dit, il serait erroné de parler de « déterminisme industriel » dans
la manière d'aborder l'éducation. O n comprend aisément que celle-ci joue un
rôle plus ample et plus diversifié que celui de simple appendice ou de « domestique » de l'industrie. Néanmoins, sans un examen approfondi des évolutions
sucitées sur les plans social et économique par le développement de l'industrie, il
ne serait guère possible de comprendre correctement de quel type d'éducation la
société a besoin.
C'est ainsi que M a r x et Engels ont forgé leur conception de l'éducation et
34
L'éducation face à l'économie socialiste
nombre de leurs idées générales quant à son rôle dans le développement socioéconomique de la société, grâce à une approche méthodologique soigneuse, à
une étude approfondie de l'évolution évoquée plus haut. Ayant mis au jour les
transformations révolutionnaires du m o d e de production suscitées par la m a n u facture d'abord, par la grande industrie ensuite, M a r x poursuit son analyse et
l'étend à la sphère du travail. Cela lui permet de percevoir aussi les processus qui
ont affecté le caractère m ê m e du travail, les fonctions remplies par le travailleur
ainsi que sa qualification. Dans Le capital, il écrit : « L'industrie moderne ne
considère et ne traite jamais c o m m e définitif le m o d e actuel d'un procédé. Sa
base est donc révolutionnaire, tandis que celle de tous les modes de production
antérieurs était essentiellement conservatrice. A u m o y e n de machines, de procédés chimiques et d'autres méthodes, elle bouleverse, du fait de la base technique de la production, les fonctions des travailleurs et les combinaisons sociales
du travail, dont elle ne cesse de révolutionner la division établie en lançant sans
interruption dans une autre... La nature m ê m e de la grande industrie nécessite le
changement dans le travail, la fluidité des fonctions, la mobilité universelle du
travailleur... » 1
E n ce qui concerne les liens qui s'établissent entre la grande industrie, la
division sociale du travail et la formation de la main-d'œuvre dans une société
socialiste, M a r x et Engels ont écrit : « L a direction sociale de la production ne
peut être assurée par le peuple tel qu'il est aujourd'hui — chaque individu étant
assigné à une branche de la production, enchaîné à elle, exploité par elle, ne
pouvant développer qu'un aspect de ses possibilités aux dépens de tous les
autres, ne connaissant qu'une branche ou une partie d'une branche de la
production. Dès aujourd'hui, l'industrie est de moins en moins capable d'utiliser
de tels travailleurs. A plus forte raison, une industrie socialisée et planifiée à
l'échelle nationale suppose des travailleurs dont toutes les aptitudes soient
développées, capables d'occuper n'importe quelle place dans le système de
production. » 2
D e m ê m e , on peut citer Engels, pour qui, dans une économie socialiste,
« l'élément intellectuel fera, sans aucun doute, partie des éléments de la production, et l'économie politique lui accordera une place parmi les frais de production » 3 .
Lénine développe une réflexion analogue lorsqu'il considère que l'élévation
du niveau d'instruction et de culture des masses travailleuses constitue la première condition d'accroissement de la productivité d u travail4. Afin de mieux
souligner encore la portée pratique de cette vision, notons que, pour le fondateur de l'Etat soviétique, l'apparition et les perspectives du socialisme en tant
que formation sociale dépendaient en dernier ressort de la capacité de celui-ci
d'accroître la productivité du travail.
Ces idées servirent de base conceptuelle fondamentale pour les Soviétiques,
1.
2.
3.
4.
K . Marx, Le capital, Paris, Editions sociales, 1948, Livre I, T o m e II, p. 49.
K . Marx et F. Engels, Œuvres, Vol. IV, p. 335 (éd. russe).
K . Marx et F. Engels, Œuvres, Vol. I, p. 555 (éd. russe).
V.l. Lénine, Œuvres, Paris-Moscou, T o m e XXVII, p. 267.
35
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
qui essayèrent d'harmoniser le développement économique avec la formation de
la main-d'œuvre qualifiée.
C'est ainsi, par exemple, qu'une section du premier plan économique à long
terme qu'ait connu l'Histoire — le « Goelro » (Plan d'Etat d'électrification de la
Russie) — portait expressément sur la formation des personnels nécessaires,
compte tenu des objectifs d'électrification du pays inscrits à ce plan. Par la suite,
les acquis de cette première expérience furent mis à profit lors de l'élaboration
et de la mise en œuvre des plans quinquennaux et des plans à long terme de
développement socio-économique et culturel du pays. L a mise en place de plans
analogues dans les autres pays socialistes s'accompagnait dès le départ d'un
effort pour intégrer la planification de l'économie et celle de l'éducation. Cette
méthode tenait compte des particularités et des potentialités propres de chacun
de ces pays, leur conférant par là un caractère original.
L'intégration des plans de développement de l'éducation et de la formation
professionnelle dans l'ensemble de la planification économique est devenue
l'une des pratiques constitutives de la politique économique des pays socialistes.
Pour leur part, les responsables de la politique éducative reconnurent la nécessité de fonder le développement socio-économique et culturel du pays sur une
étroite imbrication de celui-ci avec les divers facteurs qui le conditionnent. Déjà
le premier ministre de l'Instruction publique de l'Etat socialiste — A . V . Lounatcharski — soulignait la nécessité de ne jamais perdre de vue cette intégration et
cette interpénétration. Il s'étonnait de l'attitude de ceux de ses collègues qui,
selon lui, ne percevaient ni ne reconnaissaient la vocation économique du
Commissariat du peuple dont il avait la charge. Qui plus est, il insista pour que le
Ier Plan quinquennal — en particulier en matière d'industrialisation — fût
élaboré en prenant en compte la formation professionnelle des ingénieurs et
techniciens de toutes spécialités. Cette intégration n'avait pas seulement pour
objectif de permettre le développement équilibré de toute l'économie nationale
dans ses nombreuses composantes, dont l'éducation, mais correspondait aussi à
un objectif économique précis: optimiser, au sens économique du terme, le
rendement du système éducatif.
A v e c la révolution scientifique et technique, l'industrialisation interpelle
l'éducation et, de manière générale, tout le système de formation professionnelle d'une façon complètement nouvelle. L a révolution scientifique et technique constitue une rupture relative avec le processus d'industrialisation antérieur
et, par là, rend nécessaire une transformation du système éducatif. D è s lors, le
système éducatif taillé aux mesures de l'industrialisation ne peut pas ne pas
connaître certains à-coups lorsque se déclenche la révolution scientifique et
technique.
B . L'éducation à l'heure de la révolution
scientifique et technique
Vers le milieu du siècle, l'industrialisation, qui jusque-là s'était effectuée sur la
base de la révolution industrielle, semblait avoir atteint certaines limites et avoir
36
L'éducation face à l'économie socialiste
épuisé son potentiel de développement. U n e nouvelle impulsion était nécessaire : non seulement la révolution scientifique et technique modifiait les conditions de l'industrialisation, mais elle transformait profondément la rationalité
m ê m e de ce processus. Aujourd'hui, le phénomène d'industrialisation a acquis
un caractère qualitativement nouveau au regard de celui qui était en vigueur au
siècle dernier, voire m ê m e durant la première moitié du X X e siècle. Cette
révolution a influencé les conceptions et pratiques éducatives pour qu'éducation
et formation professionnelle deviennent de nouveau des facteurs actifs du développement.
Mais la révolution scientifique et technique — tout c o m m e l'industrialisation
et la révolution industrielle — est avant tout un phénomène d'ordre sociopolitique, inséré dans le tissu social. C'est cette raison qui explique les différences de processus et d'objectifs selon les sociétés où elle se produit, et principalement selon qu'il s'agit d'économies planifiées ou d'économies de marché. Mais
la principale caractéristique de la révolution scientifique et technique tient aux
transformations qualitatives radicales qui — de l'avis d'un des experts soviétiques en la matière, V . Afanassiev — s'accomplissent au sein des forces productives de la société, et avant tout dans sa composante principale, l ' h o m m e \ Pour
ce qui concerne la science, il est connu que la révolution scientifique et technique rend effective sa transformation en force productive directe. Quant à
l ' h o m m e , il s'agit de la place qu'il occupe dans la production.
L ' h o m m e , en tant que créateur de valeurs matérielles et intellectuelles, se
trouve au centre des préoccupations, et notamment de celles qui s'expriment
dans le système d'éducation et de formation professionnelle. C'est par cette
voie, précisément, que la révolution scientifique et technique rejoint ce système,
qu'elle le lie plus étroitement au processus de développement industriel ; c'est
pour cela qu'elle le contraint à la recherche de moyens nouveaux, de méthodes
encore inconnues permettant de former l ' h o m m e en tant que travailleur —
certes de profil déterminé — et en tant que citoyen. D e là découle précisément
l'idée que les bouleversements qui affectent les sciences et les techniques devraient aboutir à une révolution dans le domaine de l'éducation 2 .
Il va de soi que le terme employé pour désigner ce processus importe peu :
révolution, réforme fondamentale, transformations radicales, etc. Quel que soit
le vocable, l'idée centrale sous-jacente est que le système éducatif joue un rôle
actif dans le développement de ce processus, qu'il en est devenu l'une des
composantes de base, non seulement un objet mais aussi un sujet. E n un mot, le
renouvellement du système d'éducation, de son contenu, de ses formes et de ses
méthodes constitue l'une des conditions indispensables de la révolution scientifique et technique.
Mais examinons plus concrètement les transformations qui, sous l'effet de
1. V . G . Afanassiev, La révolution scientifique et technique, direction, éducation, Moscou, 1972,
p. 25 (en russe).
2. Cf. par exemple V . Turtchenko, Révolution scientifique et technique et révolution dans l'éducation, Moscou, 1972 (en russe).
37
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
cette révolution, affectent l'économie, la science et les systèmes de travail, et
que le système éducatif doit prendre en compte.
(a) Les pays socialistes d'Europe appartiennent au groupe des pays industriels
ou agro-industriels. L'ensemble des pays socialistes m e m b r e s du Conseil d'aide
économique mutuelle ( C A E M ) fournit un tiers de la production industrielle
mondiale. Pour sa part, l'Union soviétique représente 2 0 p. cent de la population industrielle mondiale 1 ; les autres m e m b r e s du C A E M , de 13 à 14 p. cent.
A u cours des années soixante-dix, certains indices montrent que les pays
considérés ont atteint de nouvelles frontières de leur développement : désormais, aussi bien en matière d'économie que d'éducation, ce sont les facteurs
qualitatifs qui ont la primauté, m ê m e si les facteurs quantitatifs conservent une
importance indéniable. Les économistes des pays socialistes qualifient ce processus de « modèle de développement intensif qui se substitue au modèle extensif ». D a n s une économie de ce type, ce sont les branches à « haute teneur en
science » qui jouent un rôle crucial, à savoir celles qui exigent un important
effort de recherche et développement ( R & D ) , déterminant, aujourd'hui, le
niveau de développement et le « profil » économique du pays.
La principale caractéristique de ce changement est que la révolution scientifique et technique est devenue ou devient un facteur interne du développement
des pays européens m e m b r e s du Conseil d'aide économique mutuelle. Autrement dit, elle ne se présente pas c o m m e un élément externe mais correspond à la
structure de leur économie et se développe sur la base de leur propre potentiel
économique, scientifique et technique, leur permettant d'assimiler les innovations étrangères mais aussi d'innover e u x - m ê m e s en réponse à leurs besoins.
Quant à leur stratégie de développement économique, elle s'oriente vers l'utilisation maximale des résultats de la révolution scientifico-technique.
L'adoption du modèle de développement intensif exige en effet d'importantes
modifications de la stratégie de développement. Désormais, c'est le progrès
scientifique et technique qui est considéré c o m m e l'orientation essentielle des
changements à introduire dans l'économie nationale des pays socialistes. Diverses questions figurent alors en priorité à l'ordre du jour de cette stratégie :
utilisation rationnelle du potentiel humain et matériel ; perfectionnement de la
structure de branches de la production ainsi que des investissements ; méthodes
adéquates pour l'introduction d'une mécanisation complexe et pour l'automatisation ; développement de l'informatique et mise en œuvre de celle-ci dans
toutes les sphères d'activité, à l'échelle du pays tout entier, etc.
Le passage d'un développement extensif au modèle intensif n'est pas exempt
de difficultés et concerne directement la politique des pays socialistes en matière
de science et de technique. C'est cet aspect du problème que l'on examinera
maintenant.
1. L'économie de l'URSS, 1922-1982.
38
Recueil statistique du jubilé, Moscou, 1982, p. 89.
L'éducation face à l'économie socialiste
(b) L a politique scientifique et technique des pays socialistes européens se
caractérise, sur le plan des méthodes destinées à mettre au jour leurs besoins et
leurs buts en la matière, par un certain n o m b r e de traits similaires. Cela s'explique avant tout par les caractéristiques socio-politiques qu'ils ont en c o m m u n . E n
outre, dans le cadre du Conseil d'aide économique mutuelle, ils disposent de
mécanismes qui leur permettent de coordonner leurs politiques en matière de
science et de technique. Mais il est également évident que ces politiques s'élaborent sous l'influence de facteurs différents, propres à chacun d'eux, qu'il s'agisse
de leur taille, de leur histoire ou de leurs traditions culturelles. A ce propos, il
convient de souligner la spécificité de la Yougoslavie, dont la structure sociopolitique repose sur l'idée d'autogestion, tandis que, dans les autres pays de la
zone, référence est faite au centralisme démocratique.
S'agissant des traits les plus saillants des politiques en matière scientifique et
technique, on mentionnera que dans chacun de ces pays :
— Cette politique est du seul ressort de l'Etat et de ses organes, à l'échelle
nationale et à celle des républiques fédérées. Elle s'appuie sur un réseau
d'établissements à vocation de recherche qui relèvent en gros de quatre
types :
(i) ceux de l'Académie des sciences (recherche fondamentale, soit purement théorique, soit orientée) ;
(ii) établissements universitaires ou autres établissements situés dans l'enseignement supérieur (recherche théorique et appliquée) ;
(iii) instituts de recherche spécialisés par branche et relevant des divers
ministères correspondants (recherche appliquée) ;
(iv) bureaux d'études et d'expérimentation auprès des entreprises, chargés
des travaux de développement (mise au point et lancement).
— Cette politique non seulement s'insère dans la politique socio-économique et
culturelle du pays, mais détermine de plus en plus la stratégie de développement des pays socialistes. C'est cela qu'exprime la formule : « Allier la
révolution scientifique et technique aux éléments qui confèrent au socialisme sa supériorité. »
— Cette politique trouve son application pratique dans la planification du
progrès scientifique et technique. Les plans de développement de la science
et de la technique constituent l'un des éléments centraux d u plan national
économique. Ces plans sont élaborés en coordination avec ceux de l'éducation et de la formation professionnelle. Ils s'appuient sur un système de
prévisions qui constitue la phase initiale de la planification du progrès
scientifique et technique.
— Cette politique repose sur la combinaison de deux principes : sélectivité —
c'est-à-dire mise au jour des orientations prioritaires du progrès des sciences
et des techniques — dans le pays, compte tenu de ses ressources et de son
potentiel ; et coopération internationale, qui connaît son expression la plus
large dans le cadre du C A E M mais ne se limite pas à ce sous-système
régional. A cet égard, une attention particulière est accordée à l'orientation
des importations de technologies étrangères.
39
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
— Cette politique est appelée à accomplir une série de tâches stratégiques :
faire en sorte que le progrès scientifique et technique assure une part
fondamentale et croissante de l'augmentation du produit national, notamment en accélérant considérablement le taux d'élévation de la productivité
du travail ; servir de base au passage de l'économie extensive à l'économie
intensive ; donner une impulsion nouvelle à l'industrialisation et contribuer à
la modernisation de l'agriculture ; participer de manière décisive à la solution de problèmes contemporains majeurs tels que le désarmement et le
maintien de la paix, la protection de l'environnement, l'utilisation rationnelle des ressources en énergie et en matières premières.
Les pays socialistes se heurtent toutefois à certains problèmes et difficultés qui
leur sont propres, et qui font obstacle à une progression plus rapide des sciences
et des techniques ainsi q u ' à la pleine utilisation de leurs acquis à des fins de
développement. L'une des difficultés rencontrées tient à la très grande c o m plexité de la structure politico-administrative, nationale et ethnique de pays tels
que l'Union soviétique o u la Yougoslavie ; il s'agit alors de coordonner la
politique scientifique et technique des divers niveaux de direction : central,
régional, local. U n deuxième problème : c o m m e n t perfectionner les mécanismes
d'incitation pour que les entreprises aient recours aux technologies les plus
modernes et qu'elles fournissent des objets conformes aux normes contemporaines, nationales et mondiales? Certaines méthodes de planification limitent
l'intérêt des entreprises pour les innovations, dont une part importante ne
trouve pas de « marché » et reste sans application pratique, pour être bientôt
dépassée. U n e autre difficulté concerne la contradiction entre le progrès des
sciences et des techniques, qui libère de la force de travail, et la politique de
plein emploi.
(c) D a n s la politique sociale et culturelle des pays socialistes, l'effacement des
différences entre travail intellectuel et travail manuel — qui concerne directement le système d'éducation et de formation professionnelle — est un axe
prioritaire. A cet égard, la révolution scientifique et technique a apporté u n
élément fondamentalement nouveau qui a une incidence directe sur la structure
et les orientations de la société. Dans le passé, la proportion des tâches manuelles et des tâches intellectuelles dans l'activité d u producteur direct demeurait
presque constante ou ne se modifiait que fort lentement ; d'ailleurs, la frontière
entre ces deux composantes du travail était assez nettement tracée. Tout aussi
nettes étaient les différences entre les représentants de ces deux types de travail.
Quelles transformations ont été apportées ici concrètement par la révolution
scientifique et technique? Quelles tendances a-t-elle suscitées, modifiées o u
accélérées ?
L a transformation majeure affectant le caractère du travail est une « intellectualisation » accélérée de nouvelles sphères de l'activité laborieuse. D e ce fait,
dans chacun des pays considérés ici, la part d u travail intellectuel dans le bilan
global va croissant. C e processus se développe dans trois directions :
— apparition de nouveaux types d'emplois, à prédominance intellectuelle ;
40
L'éducation face à l'économie socialiste
— dépérissement des types d'emplois où la part des tâches manuelles était
prédominante ;
— dans les types de travaux qui se maintiennent, diminution de l'importance
des tâches manuelles au profit des tâches intellectuelles.
Il convient enfin de souligner particulièrement une autre tendance encore : le
progrès scientifique et technique se traduit par un nombre croissant de travaux
non manuels revêtant un caractère routinier et qui, de ce fait, se prêtent
pleinement à l'automatisation et peuvent alors être confiés à la machine. Toute
tâche intellectuelle n'a pas nécessairement un caractère créateur. D a n s la m e sure où il se libère de ces activités non manuelles stéréotypées, l ' h o m m e peut
s'adonner toujours plus à des travaux créateurs. Ainsi, l'intellectualisation du
travail ne se ramène pas seulement à la substitution toujours plus rapide de
tâches intellectuelles à des tâches manuelles, mais elle se manifeste aussi dans le
besoin croissant de faire intervenir dans le travail la créativité de l ' h o m m e .
C . Efficacité économique d u système de formation
professionnelle
O n ne saurait surestimer l'importance que revêtent les méthodes scientifiques
susceptibles de mesurer l'efficacité économique du système de formation professionnelle. Déjà au cours des années vingt, certains économistes soviétiques
firent figure de pionniers en matière de procédés et de méthodologies destinés à
définir et à mesurer cette efficacité. Les experts dans ce domaine connaissent les
recherches novatrices d'un des plus grands économistes soviétiques, S . G . Stroumiline. Par la suite, des études analogues furent poursuivies et c'est sur un large
front qu'elles progressent aujourd'hui, autant en Union soviétique que dans
d'autres pays socialistes. A u cours des dernières décennies, des travaux similaires menés par des chercheurs tels que Denison et Schultz ont connu une grande
diffusion. Sans procéder à un exposé détaillé de ces questions, il nous semble
intéressant de rappeler certaines idées sur ce thème.
Le problème de l'efficacité économique de l'éducation est, certes, l'objet de
débats controversés. A u premier rang des difficultés, on rencontre les méthodes
d'évaluation du rendement économique, les critères à retenir et la méthodologie
à appliquer en la matière ; et'la tâche est d'autant plus difficile que l'information
nécessaire fait souvent défaut. C'est la raison pour laquelle les calculs effectués
ne reposent très fréquemment que sur des approximations qui suscitent forcément des contestations. Actuellement, nombre de spécialistes considèrent avec
scepticisme ce domaine de recherche. D e là une sous-estimation générale de
toutes les recherches concernant l'efficacité économique du système éducatif.
A notre avis, cette sous-estimation a m è n e à occulter les fonctions économiques des systèmes d'enseignement, dont les incidences sont plus que considérables à la fois pour les individus et pour les nations. Elle tend également à faire
passer au second plan l'importance des politiques éducatives dans la régulation
de l'ensemble.
D e nombreuses recherches menées tant en Union soviétique que dans
41
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
d'autres pays socialistes montrent qu'en dépit des obstacles auxquels se heurtent
les analyses de ce type, les résultats obtenus à la suite de démarches mettant en
œuvre des méthodes différentes et des analyses comparées peuvent servir — et
servent en fait — de points de repère à l'action.
Ainsi, les chercheurs des pays socialistes ont tenté d'évaluer le rendement
économique du système éducatif par diverses méthodes. D a n s certains cas, ils
ont utilisé c o m m e indicateur le revenu national ; dans d'autres, ce furent les
fonds fixes (« capital » fixe), o u encore les dépenses de la production matérielle ;
ailleurs, la préférence fut donnée à une analyse d u type inpu^output par unité
monétaire conventionnelle. Les résultats obtenus ne variaient que modérément
et reflétaient malgré certains écarts les m ê m e s tendances :
(a) D a n s tous les cas se trouvait confirmée l'existence d'un lien entre dépenses
d'éducation et accroissement d u revenu national. Cette confirmation pouvait être plus o u moins nette selon les méthodes utilisées ; elle pouvait être
directe ou indirecte, revêtir des formes différentes, mais elle n'en était pas
moins manifeste. Il est certain que, pour établir les priorités de la politique
socio-économique et répartir en conséquence les ressources disponibles, il
est souhaitable que les calculs du rendement quantitatif de l'éducation
soient aussi proches que possible de la réalité. Par ailleurs, il importe que
l'analyse permette de compléter les considérations socio-politiques et culturelles qui fondent le rôle prioritaire de l'éducation dans le développement
par une argumentation proprement économique.
(b) Les diverses méthodes utilisées conduisent à une m ê m e conclusion : plus le
niveau d'éducation et de formation de la population est élevé, et plus sa
contribution à la formation d u revenu national est importante en valeur
absolue et relative, toutes choses égales par ailleurs. E n d'autres termes,
l'efficacité de l'éducation en tant que facteur de formation du revenu
national tend à s'accroître d'une façon constante. D u point de vue des
stratégies du développement mises en œuvre, cela signifie que tout retard,
tout ralentissement en matière d'éducation, toute sous-estimation de son
rôle, tout à-coup dans la mise en œuvre de la politique considérée, etc., ne
peuvent qu'avoir des effets néfastes sur le développement m ê m e de la
société et le bien-être des populations. Et rappelons que ces effets n'apparaissent pas immédiatement mais à long terme, lorsque la correction des
erreurs commises se heurte à de nouveaux obstacles et coûte alors fort cher.
(c) Plus le niveau de formation atteint par u n travailleur est élevé, plus les
dépenses entreprises sont élevées, et, dans le m ê m e temps, plus les résultats
de son activité professionnelle — par conséquent son apport au développement — sont considérables. Mais il va de soi que ce constat ne saurait
justifier une « hypertrophie » d u développement des degrés supérieurs du
système éducatif.
A ce propos, o n peut faire état d'une m é t h o d e intéressante, élaborée par
des spécialistes soviétiques en vue de mesurer le rendement des personnels
en fonction de leur niveau d'éducation (cf. Tableau 2).
(d) Il est certain que la formation professionnelle stricto sensu n'est pas seule à
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L'éducation face à l'économie socialiste
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43
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
pouvoir faire état d'un certain rendement économique, et qu'elle doit se
combiner à un enseignement général. C'est ce dont témoignent aussi bien
diverses estimations d'ordre quantitatif que certaines tendances observables
dans la politique de recrutement des entreprises. Par exemple, il arrive
fréquemment qu'une entreprise préfère embaucher un titulaire du diplôme
de fin d'études secondaires générales plutôt qu'un jeune issu de la filière de
formation professionnelle et donc pourvu d'une spécialité, prêt à travailler
c o m m e ouvrier sans formation complémentaire, bien que ce type de recrutement lui coûte plus cher, dès lors qu'elle devra assumer certaines dépenses
pour conférer au nouveau venu un complément de formation professionnelle. Il s'avère en effet que le haut niveau d'instruction conféré par l'école
secondaire d'enseignement général garantit des progrès rapides, un esprit
de création et d'initiative plus développé, bref, plus de compétence sur le
plan professionnel. Autrement dit, malgré l'absence d'un bagage professionnel spécifique et le manque de préparation en vue d'une insertion immédiate
dans la vie active, les titulaires d'un diplôme d'enseignement général sont
plus susceptibles à terme de devenir une main-d'œuvre qualifiée.
L'attitude des entreprises témoigne manifestement en faveur de ceux qui
s'opposent à u n renforcement trop poussé de la professionnalisation de
l'école générale. Il est caractéristique que, dans les pays socialistes, on
observe une tendance à la prolongation de la scolarité obligatoire au niveau
de l'école secondaire d'enseignement général. D a n s le m ê m e temps, on
s'efforce d'améliorer la qualité de l'enseignement des disciplines de culture
générale dans les établissements d'enseignement professionnel.
(e) L e problème de l'efficacité de l'éducation et de la formation professionnelle
se rattache directement à celui de la rationalité qui sous-tend l'utilisation de
la main-d'œuvre qualifiée. Si un ingénieur, par exemple, remplit les fonctions d'un technicien du fait de l'organisation du travail, le rendement de
son activité baisse considérablement. C e p h é n o m è n e doit être pris en
compte dans les calculs d'efficacité ; mais il pose également un problème
beaucoup plus important, celui des critères et des indicateurs à retenir pour
mesurer et exprimer les phénomènes de ce type.
Le problème de l'utilisation rationnelle de la main-d'œuvre — en particulier de la plus qualifiée — a surgi et a pris une importance considérable dans
le processus d'industrialisation. Mais il s'agit aussi d'un problème qui interpelle le système d'éducation et de formation professionnelle, car l'emploi
efficace de la main-d'œuvre dépend de son profil, de sa spécialisation, de sa
qualité, bref, de tous les éléments qui s'acquièrent au cours de la formation.
D . Aspects internationaux
L'éducation a des fonctions non seulement nationales mais encore internationales. Ces dernières ont pris de telles dimensions qu'il est difficile de les mesurer
correctement. N o u s nous arrêterons à certaines de ces dimensions qui font de
l'éducation un facteur de la vie internationale :
44
L'éducation face à l'économie socialiste
— les particularités de la division internationale du travail à l'époque actuelle ;
— la complexité du processus de développement, qui exige une solution dépassant le cadre national.
L'éducation est concernée par ces deux phénomènes. D ' u n e part, en effet, elle
évolue sous l'influence des courants nouveaux qui se manifestent au sein de la
division internationale du travail, tout en exerçant en retour une action sur ces
courants. D'autre part, elle devient à bien des égards un problème international,
dans la mesure où elle peut contribuer activement à la solution de certains
problèmes contemporains à caractère global.
Le système éducatif des pays socialistes a toujours été ouvert aux effets de ces
deux processus : celui de la « mondialisation » des problèmes posés et celui de la
division internationale du travail. Loin d'être le fait du hasard, ceux-ci découlent
d'un nouveau découpage de la carte socio-politique de la planète après la
Seconde Guerre mondiale.
Les années cinquante ont vu l'émergence de la c o m m u n a u t é des nations
socialistes, ce qui entraînait une nouvelle division du travail en leur sein. Celle-ci
a eu une incidence sur les systèmes d'éducation et de formation professionnelle.
Aujourd'hui, chaque pays socialiste participe — d'une manière ou d'une autre et
à des degrés divers — au développement et à l'amélioration de l'éducation dans
les autres pays de la communauté. Chacun d'eux accorde une grande importance
à l'étude de la pratique des autres dans ce domaine et aux possibilités d'échange
d'expériences en vue d'en tirer des applications pratiques. Mais par ailleurs
l'élargissement et l'approfondissement des relations entre pays socialistes rendent nécessaire la présence d'un personnel qualifié apte à gérer ce type de
rapports et d'échanges.
D'autre part, l'effondrement des empires coloniaux, avec c o m m e corollaire
l'élargissement continu du groupe des pays indépendants en voie de développement ( P V D ) , a eu pour conséquence première l'émergence d'une certaine
division du travail, concrétisée par de nouveaux liens entre ces pays et les pays
socialistes, en particulier dans le domaine de l'éducation et de la formation. Les
pays socialistes ont dû répondre d'une manière adéquate aux besoins par ailleurs
croissants de cette coopération d'un type nouveau, aussi bien sur le plan qualitatif que quantitatif. D e là une correction permanente, une reformulation
constante des plans et des programmes, ainsi que des formes organisationnelles
de l'éducation, en fonction des activités caractéristiques des relations nouvelles
entre pays socialistes et P V D dans le domaine considéré :
— formation d'ouvriers et de spécialistes originaires des P V D dans les établissements d'enseignement et les entreprises des Etats socialistes ;
— participation d'enseignants, de formateurs ou d'administrateurs d'éducation,
ainsi que de spécialistes originaires des Etats socialistes, à cette formation
dans le Tiers-Monde ;
— construction d'établissements d'enseignement et octroi d'équipement didactique ad hoc, de manuels, de livres, de matériel pédagogique de types divers
à ces pays ;
— coopération scientifique avec des colloques, séminaires, rencontres de
45
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
chercheurs confirmés o u de spécialistes originaires à la fois des P V D et des
pays socialistes sur divers thèmes ayant trait à l'éducation et au progrès des
sciences et des techniques.
Tout cela a incité les pays socialistes à organiser la formation d'enseignants,
d'ingénieurs et de techniciens hautement qualifiés, dans les domaines les plus
variés de la connaissance nécessaires à ces nouvelles formes de coopération.
Il convient de mentionner ici la division internationale du travail entre pays
socialistes et pays capitalistes développés. D a n s ce domaine particulier également, des problèmes nouveaux en matière d'éducation se posaient aux sociétés
socialistes.
Enfin, les fonctions internationales de l'éducation concernent des problèmes
de caractère global posés à l'humanité, tels que celui de la paix et du désarmement, de la lutte contre le sous-développement, de la protection de l'environnement, etc. Ainsi, toute une série de thèmes relatifs au sort m ê m e de l'éducation
figurent régulièrement à l'ordre du jour de tribunes internationales : à l'opposé
des positions «autarciques», c'est précisément en situant ces questions au
niveau mondial que l'on peut les résoudre de la manière la plus efficace.
46
DEUXIÈME PARTIE
Progrès scientifique et technique,
niveau d'éducation et structure de l'emploi
Quel est le degré de « sensibilité » du système d'éducation aux transformations
qui affectent l'économie, les sciences et les techniques dans les pays socialistes ?
Dans quelle mesure la structure de l'emploi et des qualifications évolue-t-elle en
fonction des mutations affectant les sciences et les techniques ? Quelles sont les
voies suivies par ce processus et quelles formes assume-t-il ? Quelles sont les
démarches novatrices mises en œuvre afin d'améliorer la qualité de la formation
professionnelle et de l'adapter aux exigences de l'économie, et particulièrement
aux exigences des entreprises elles-mêmes ?
Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre dans cette
deuxième partie. Mais il faut souligner que nos informations, loin d'être systématiques, comportent des lacunes dues à une relative incomparabilité des indicateurs utilisés par les statistiques nationales. Dans le m ê m e sens, il est à noter
quesles études monographiques menées dans le cadre du programme de l'IIPE
n'ont pas toujours pu suivre le m ê m e schéma. Néanmoins, elles permettent —
avec d'autres sources et certaines publications statistiques — d'esquisser un
tableau relativement net de la situation en la matière.
47
CHAPITRE III
Progrès scientifique et technique
et structure de l'emploi
U n e des caractéristiques majeures des pays socialistes réside dans leur politique
de plein emploi, dont les effets sur la politique scientifique et technique sont
certains. Afin de rendre l'une et l'autre compatibles, il est indispensable de
surmonter la contradiction qui oppose, d'une part, l'aspect social du problème
— la mise en œuvre du droit au travail —, et, d'autre part, son aspect économique, à savoir l'obtention grâce à la modernisation de la production d'un haut
niveau d'efficacité. Dans le modèle idéal, la main-d'œuvre libérée par l'introduction de nouvelles techniques doit, conformément à la politique de plein
emploi, être absorbée principalement par l'élargissement de la production.
Cependant, dans la pratique, il n'est pas toujours possible de suivre fidèlement
ce modèle.
A . Développement intensif de l'économie
Depuis plus de deux décennies, l'économie des pays européens membres du
C A E M s'est développée à des rythmes relativement élevés mais marqués par
une certaine tendance au ralentissement. Divers phénomènes défavorables
affectant l'économie mondiale ont affecté également, quoique dans une moindre
mesure, les pays socialistes. L e Tableau 3 retrace l'ensemble de cette évolution.
Tout d'abord, il faut noter la régularité des rythmes de croissance. A u cours
de la deuxième décennie (1970-1980), les taux deviennent plus réguliers et les
différences sont moins accusées, à l'exception de la Pologne du fait de la crise
économique et socio-politique qui y débute en 1980. Alors que l'on n'y observe
pas de différences marquantes jusqu'à cette date, o n constate par la suite une
chute de tous les indices.
Le Tableau 4 , pour sa part, englobe des données permettant une analyse
comparée des indices agrégés, tels que le revenu national, la production industrielle et la productivité du travail.
Nous avons déjà présenté (cf. Chapitre II) les caractéristiques générales du
modèle de développement intensif des économies socialistes. A présent, nous
allons le décrire schématiquement à l'aide d'indicateurs mesurables ou, tout au
moins, se prêtant à estimation. Mais se limiter à un seul indicateur serait
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263 266
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
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50
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Progrès scientifique el technique et structure de l'emploi
T A B L E A U 4. Indices comparés du développement économique des pays socialistes, 1981
(1950 = 100)
Bulgarie
Hongrie
RDA
Pologne
Roumanie
URSS
Tchécoslovaquie
Yougoslavie
SOURCE
L'économie
Revenu
national
Production
industrielle
par habitant
par habitant
dans l'industrie
2 100
680
439
654
541
944
543
512
339
1 000
de IURSS.
1922-1982,
424
735
381
1 100
1 100
2 500
597
404
478
850
700
900
Productivité d u travail
par personne active
750
880
Recueil statistique du Jubilé, M o s c o u , 1982, pp. 9 3 , 9 6 , 9 8 .
insuffisant ; au contraire, il est nécessaire de prendre en considération un ensemble d'indicateurs relativement complexes, à savoir la structure du revenu national, le rapport entre les taux de croissance respectifs de la productivité du travail
et de l'effectif des personnels productifs, en particulier dans l'industrie, les taux
de croissance respectifs des branches d'industrie ou des secteurs les plus dynamiques, la contribution des travaux de recherche et de développement (R & D ) à
l'accroissement du revenu national, la structure des importations et des exportations.
A u sein du produit national, l'industrie occupe une place dominante. Elle y
représente en effet plus de la moitié de ce produit, pour atteindre m ê m e les deux
tiers ou plus en R D A et en Tchécoslovaquie. L a seule exception est la Hongrie,
où l'industrie fournit environ 45 p. cent du produit national. Dans un passé
encore proche, la situation était quelque peu différente. Ainsi, en 1960, ce
secteur ne représentait environ la moitié du produit national que dans trois pays
seulement : R D A , U R S S et Tchécoslovaquie.
La portée de cet indicateur doit être précisée : dans la formation du produit
national, il importe de connaître le rapport entre un facteur d'ordre qualitatif tel
que la productivité du travail et un facteur de type quantitatif ou extensif tel que
le nombre de personnes occupées à un travail productif. D a n s tous les pays
européens m e m b r e s du C A E M , les taux de croissance de la productivité du
travail se révèlent deux et trois fois supérieurs à ceux des effectifs du personnel
de production de l'industrie 1. E n d'autres termes, l'accroissement du produit
national en volume et la modification de sa structure ont toujours été une
fonction de l'accroissement de la productivité. L e phénomène peut être illustré
par les données du Tableau 5.
1. Littéralement: «industriellement productif»; cette notion désigne l'ensemble des personnels
non administratifs des entreprises.
51
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 5. Rapport entre les taux de croissance de la productivité d u travail et les effectifs
productifs occupés dans l'industrie
I960
Bulgarie
Hongrie
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Pologne
Roumanie
URSS
Tchécoslovaquie
LEGENDE
SOL'RCE
1970
19X0
19X2
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100
100
1 087
1 271
1 303
150
193
175
345
180
369
1 390
1 790
1 684
1 617
100
100
129
153
121
258
2 769
2 843
3 209
.281
3 230
100
100
102
173
115
281
117
302
3 014
4 115
4 783
4 559
100
100
136
164
158
291
151
268
1 254
2 064
3 327
3 467
100
100
165
206
265
389
276
404
22 620
31 593
36 891
37610
100
100
140
166
163
259
167
272
2 119
2 470
2 670
2 681
100
100
116
154
126
252
127
260
116
/ . Effectifs industriels productifs dans l'industrie (milliers).
2. Taux d'accroissement de ces effectifs: I960 = 100 (calculs de l'auteur).
.î. Taux d'accroissement de la productivité du travail dans l'industrie: 1960 = 100.
Annuaire statistique des pays membres du CAEM,
op. cit.. Tableaux 11 et 42.
Le degré de développement et le caractère intensif de l'économie s'expriment
notamment par l'importance des branches innovatrices, véritables moteurs du
progrès, qui déterminent les orientations majeures de celui-ci. C'est le cas, par
exemple, des constructions mécaniques et de la transformation des métaux.
Depuis 1961, aucune autre branche de l'économie des pays européens membres
du C A E M ne s'est développée aussi rapidement que ces deux-là. Chaque année,
elles absorbent un volume d'investissement considérable, parfois le plus considérable par rapport aux autres branches.
Dans le cadre du développement intensif, un rôle particulier est dévolu à la
production d'instruments, de moyens d'automatisation et de matériels informatiques. A u cours de la période 1965-1981, en U R S S , cette production a été
multipliée par 8 environ, et dans ce total la production de matériels informatiques par 36. E n Hongrie, o n prévoit qu'à la fin des années quatre-vingt ce type
de production pourrait permettre de couvrir à 75 p. cent les besoins du pays.
A présent, nous allons examiner l'un des facteurs de développement, caractéristique de la période de transition du modèle extensif au modèle intensif de
croissance : les travaux de recherche et de développement (R & D ) dans ce
52
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
processus. A l'échelle européenne, ce sont les pays socialistes qui connaissent
l'indice le plus élevé quant au nombre de personnes occupées à la R & D pour
10 000 habitants. E n 1975, cet indicateur atteignait 152,1 en U R S S , 101,0 en
Tchécoslovaquie, 94,0 en R D A , 69,9 en Bulgarie, 57,5 en Hongrie.
Par ailleurs, les pays socialistes dépensent relativement plus de moyens financiers pour la R & D que les autres pays européens, en particulier par rapport au
revenu national. Il importe de souligner aussi que ces dépenses se sont accrues à
des rythmes considérables. Pour un niveau relativement moindre de revenu
national par habitant, les pays socialistes affectent nettement plus de ressources
à la R & D , c o m m e en témoigne le Tableau 6.
Pour finir, on examinera la structure des importations et celle des exportations des pays socialistes. E n particulier, il importe là aussi de mettre au jour la
place qu'occupe le commerce extérieur dans les branches de pointe. Dans tous
les pays européens membres du C A E M , à l'exception de l'Union soviétique, ce
sont les machines-outils, équipements et matériels de transport qui se trouvent
en tête des exportations, représentant plus de la moitié du chiffre global. Ces
produits occupent une place importante également dans les importations de ces
pays. Toutefois, par rapport à 1970, leur importance s'est réduite et elle a m ê m e
nettement chuté en Bulgarie, Pologne et Roumanie.
Telles sont actuellement quelques-unes des grandes lignes du développement
des pays socialistes vers une économie de type intensif. C e sont elles qui ont
déterminé l'évolution de l'emploi et le rôle croissant de la main-d'œuvre qualifiée, en particulier des spécialistes de haut niveau, dans l'économie de ces pays.
B . L a croissance de la population active
et les perspectives de l'emploi
L'évolution de l'emploi dans les pays socialistes et les taux d'augmentation de
celui-ci sont reproduits au Tableau 7, qui met en relief un certain nombre de
mouvements. O n remarque tout d'abord la baisse manifeste de ces taux au cours
des années soixante-dix par rapport à la décennie précédente. A u cours des
années quatre-vingt, cette tendance s'est renforcée et l'accroissement est en fait
insignifiant ; dans le cas de la Hongrie et de la Pologne, on observe m ê m e une
réduction de l'emploi en chiffres absolus. Ces phénomènes doivent être rattachés aux tendances observées en matière de développement économique, mais
ne correspondent en aucune manière à l'apparition de chômeurs. A u contraire,
les pays socialistes éprouvent une réelle pénurie de main-d'œuvre. A u regard
des normes propres aux économies occidentales, il y a, en apparence, paradoxe.
Et pourtant, cette pénurie ne manque pas de poser de graves problèmes. E n fait,
ces pays ont, rappelons-le, pour caractéristique principale une stratégie de plein
emploi pour toute la population en état de travailler. Ils se préoccupent, par
ailleurs, de trouver la main-d'œuvre qualifiée adéquate aux nouveaux types
d'activité de manière à répondre à la fois aux changements survenus dans les
structures des qualifications et aux exigences particulières des postes de travail à
contenu nouveau.
53
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 6 . Evolution des dépenses de R - D en Europe et Amérique d u N o r d
Population
(millions)
Pays
Allemagne ( R F A )
Autriche
Belgique
Bulgarie
Canada
Danemark
Espagne
Etats-Unis '
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Israël2
Italie
Norvège
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République d é m . allemande
Roumanie
Royaume-Uni
Suède
Suisse
Tchécoslovaquie
URSS3
Yougoslavie
1975
62
7,5
10
8,7
23
5,1
35
214
4,7
53
9,1
11
3,1
3,4
56
4,0
14
34
9,6
17
21
56
8,2
6,4
15
254
21
P N B par habitant au prix
du marché en dollars U S
(arrondi à la dizaine de $)
1967
2 070
1 470
2 040
690 4
2 800
2 500
830
4 060
1 870
2 340
810
900"
1 080
1 490
1 340
2 230
1 820
780 4
490
1 300"
720"
2 000
3 130
2 590
1 110
970 4
530"
Dépense:¡ de R - D )
(pourcentage du PNB)
1975
1967
1975
6 670
4 870
6 270
2 110
6 930
6810
2 750
7 120
5 420
5 950
2 340
2 150
2 390
3 790
2810
6 760
5 750
2 600
1 570
3 910
1 240
3 780
8 150
8410
3 610
2 550
1 550
1,91
0,53 5
0,93
1,09
1,44
2,4
1,2
ND
0,22
2,85 6
0,65
2,17
0,17
1,14
0,56
1,07
0,67
1,07
2,26
1,43
ND
ND
0,8
2,32
1,37
1,92
2,69
2,74
0,60
1,5"
1,8
1,1
1,2
0,3
2,4
0,97
1,8
0,25
1,7
0,88
1,0
1,0
1,37
2,1
1,939
0,3'°
3,4
0,9 8
7
2,5
1,7
2,1
3,1
3,6
1,03
1. Dépenses courantes seulement
1968
2. R - D civils seulement
1966
3. Dépenses relatives aux sciences (Nauka)
1973
4. P N B au coût des facteurs
1974
5. Partielles
10. 1976
N D Non disponible
S O U R C E Conférence régionale européenne des ministres responsables de politique scientifique, Belgrade, septembre 1978.
Document : « Politiques scientifiques et technologiques nationales en Europe et Amérique du Nord. 1978 ; état actuel
et perspectives». Etudes et documents de politique scientifique, Paris, Unesco, 1979, n° 43, p. 34.
Abordons maintenant les perspectives de la croissance de la population active
(cf. Tableau 8), qui ne manqueront pas d'exercer leurs effets sur le développement des systèmes d'éducation et de formation professionnelle au cours des
deux prochaines décennies. D ' u n e part, dans le cadre de chaque pays, pris
individuellement, il existe d'une année sur l'autre de fortes oscillations des taux
d'accroissement (calculés par périodes quinquennales). Dans certains cas, on
observe m ê m e une chute rapide, dans d'autres un relèvement accentué. Il s'agit
là des conséquences à long terme de la Seconde Guerre mondiale, voire m ê m e
54
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
T A B L E A U 7 . N o m b r e annuel moyen d'ouvriers et d'employés dans l'économie
1982
(a) En milliers
Bulgarie
Hongrie
RDA
Pologne
Roumanie
URSS
Tchécoslovaquie
1 774
2 868
6417
7 391
3 249
62 032
4 859
2 749
3 616
6 872
10 259
5 109
90 186
6 098
3 931
4 059
7 758
12 603
7 340
112 498
6 798
4 001
3 934
7 843
12 272
7 553
115 163
6 894
1970/1960
1980/1970
1982/1980
(b) Indices d'accroissement
Bulgarie
Hongrie
RDA
Pologne
Roumanie
URSS
Tchécoslovaquie
155
126
107
133
157
145
125
143
112
113
123
143
125
111
102
97
101
98
103
102
101
SOURCE
1983, op. cit., p. 384 (taux de croissance calculés par l'auteur).
Annuaire statistique des pays membres du CAEM,
de conflits armés plus anciens. D'autre part, on observe des différences d'un
pays à l'autre ayant trait aux inégalités quant au niveau du développement
économique, scientifique et technique atteint par chacun d'eux.
Les tendances repérables concernant l'évolution de la population active,
durant ces deux périodes de vingt ans chacune (1980-1960 et 2000-1980) —
taux actuels et taux prévisionnels —, suggèrent les remarques suivantes : les
différences entre les pays socialistes observées au cours de la première période
étaient plus accusées ; les taux variaient entre 4 p. cent en R D A et 38 p. cent en
Pologne. Pour la deuxième période, les prévisions font apparaître un certain
rapprochement, si l'on ne prend pas en compte le retard qui pourrait peut-être
se manifester en Hongrie et, dans une moindre mesure, en Bulgarie, où les taux
en cause atteindraient respectivement 3 et 6 p. cent, tandis que le rythme le plus
élevé est attendu en R o u m a n i e : 15 p. cent.
E n s o m m e , la population active des pays socialistes n'augmentera que m o d é rément. Cela est dû autant au ralentissement de la croissance démographique
qu'au taux de la participation à l'emploi déjà élevé. Les sources où puiser un
complément de main-d'œuvre ont singulièrement diminué, dans la mesure où
l'écrasante majorité des h o m m e s et — dans une moindre mesure — des femmes
font déjà partie, sous une forme ou sous une autre, de la population effectivement active. E n d'autres termes, un nombre décroissant de femmes demeurent
au foyer ou occupées dans la seule petite économie domestique familiale. Selon
les prévisions de l'OIT, dans les pays socialistes, le taux d'occupation des
55
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
56
ulgarie
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
femmes dans l'économie nationale en l'an 2000 n'augmentera que de 4 à 8
points respectivement, selon les groupes d'âge. Pour les h o m m e s , l'augmentation correspondante sera encore plus faible.
Qui plus est, on observe partout, depuis quelques décennies déjà, une réduction du groupe d'âge 15-19 ans en tant que source de main-d'œuvre, du fait de
l'allongement continu de la durée de la scolarité obligatoire et, par conséquent,
de la proportion croissante des jeunes qui se maintiennent dans le système
scolaire. Selon la m ê m e source, la tendance observée devrait se maintenir au
cours des deux prochaines décennies. Ainsi, dans la sous-région Europe de l'Est
(tous les pays européens membres du C A E M sauf l ' U R S S ) , le taux d'occupation
de ce groupe d'âge en l'an 2000 sera de 31,57 p. cent, contre 42,83 p. cent en
1970 et 69,03 p. cent en 1950 1.
Les tendances observées signifient que la « charge » supportée par le système
d'enseignement et de formation professionnelle dans les pays socialistes s'accroît sans cesse selon deux directions : vers le système scolaire et vers les
structures extrascolaires. Tout indique que ce processus se poursuivra avec la
m ê m e intensité que par le passé.
Le caractère de cette demande plus exigeante adressée au système éducatif
tient largement à l'évolution de l'emploi dans les divers secteurs de l'économie
et à celle des niveaux de qualification. A cet égard, on observe également de
nouveaux courants qu'il importe de mettre au jour.
Dans tous les pays socialistes, le taux de la participation à la production
matérielle est décroissant. L a part des secteurs non productifs est égale à 1/5 ou
plus de la population active dans quatre pays ( U R S S , Tchécoslovaquie, R ' 3 A et
Hongrie). Dans les trois autres, et en particulier en Roumanie, ils sont peu
importants (1/8). L e m ê m e indicateur pour l'industrie croît constamment pour
atteindre de 2/5 à 1/2 de la population active. Corrélative à cette augmentation
est la baisse de la population travaillant dans l'agriculture.
Les tendances observées sont au premier chef la conséquence de la modernisation de l'économie, de son niveau de développement plus poussé. Mais cette
explication revêt un caractère très général. C o m m e n t mieux faire apparaître le
lien entre les deux processus en cause?
U n e étude menée par des spécialistes polonais contient quelques chiffres
intéressants qui illustrent le phénomène en question (cf. Tableau 9).
Nous ne disposons pas de données comparables pour les autres pays socialistes. O n peut cependant faire l'hypothèse que le lien entre les deux phénomènes
y est sans aucun doute similaire.
Quant au niveau et à la structure des qualifications, si leur rapport avec le
progrès technique est évident, il est beaucoup plus difficile d'en établir les
caractéristiques. Dans quel sens ce progrès fait-il évoluer le niveau de la qualification? Exige-t-il qu'il s'élève ou, au contraire, qu'il baisse? Quelles sont
les modifications qui affectent le rapport entre travail intellectuel et travail
manuel? Sur ces problèmes, les avis divergent. Q u e montrent les chiffres
1. Cf. BIT, Main-d'œuvre.
Vol. IV..., op. cit., Tableaux 2 et 5.
57
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 9. Pologne : structure de la répartition de la main-d'œuvre dans les différents secteurs
économiques (part des secteurs dans l'emploi total en pourcentage)
Agriculture
Industries extractives
Industries de transformation
Bâtiment
Transports
Commerce
Services
Sciences et culture
SOURCE
Début
industrialisation
Pendant
industrialisation
Début
révolution
scientificotechnique
70-60
50-23
20-30
2-3
3-5
4-3
9-12
20-35
30-20
4-6
4-6
8-9
8-6
2-3
2-3
7-8
7-9
1-2
9-10
8-10
2-5
11-14
12-20
7-15
Zd. Grzelak et al., « L'influence du progrès technique sur le niveau et la structure des qualifications professionnelles »,
Paris, I1PE, Rapport de recherche n° 30, 1981, p. 61.
pour certains pays? Quelles sont les thèses qu'ils tendent à confirmer ou à
infirmer ?
D a n s l'ensemble, à l'échelle de toute l'économie, le niveau de qualification,
sous l'influence du progrès technique, s'élève dans tous les pays socialistes,
c o m m e d'ailleurs dans les autres pays. Sur cet aspect de la question, il semble
bien que les opinions concordent. L a modernisation des appareils productifs, et
en général de l'économie, à partir de nouveaux acquis des sciences et des
techniques se répercute au niveau des qualifications ; un nombre croissant de
processus productifs à haute technologie demande une main-d'œuvre possédant
une formation générale et professionnelle élevée, tandis que le nombre d'emplois nécessitant le déploiement de gros efforts physiques est en relative diminution. E n Hongrie, par exemple, les données dont on dispose pour une période
relativement longue (1920-1980) montrent que le nombre des types de professions traditionnelles a fortement régressé (de 64,6 à 28,7 p. cent) tandis que
pour les professions « intermédiaires » — liées à une production de type traditionnel c o m m e à la production de type contemporain —, on observait une
certaine augmentation (de 25,1 à 35,8 p. cent). Mais l'accroissement le plus
marqué concerne les spécialités professionnelles modernes (de 10,3 à 37,5
p. cent). L'évolution de la structure des qualifications est, elle aussi, remarquable dans l'agriculture hongroise, dans la mesure où elle se caractérise par le
poids spécifique croissant des professions industrielles et du nombre de travailleurs occupés à des tâches non manuelles 1.
Des processus analogues s'observent dans d'autres pays socialistes. Certaines
recherches menées en Union soviétique montrent ainsi que plus le niveau de
qualification est bas, plus vite se réduit le poids spécifique du groupe des
1. J. Timar, L'enseignement supérieur et le développement économique et technique en Hongrie,
Institut international de planification de l'éducation, Unesco, Paris, 1983, pp. 28-29.
58
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
ouvriers les moins qualifiés dans le chiffre total des personnels productifs de
l'industrie. Et, inversement, plus la qualification est élevée, plus vite s'accroît la
proportion des ouvriers les plus qualifiés. E n conséquence, on assiste à un
accroissement continu du niveau m o y e n de qualification des ouvriers 1. D e s
chercheurs soviétiques ont par ailleurs mis au jour une constante : c'est la
qualification des ouvriers possédant le plus haut niveau d'éducation générale qui
s'accroît au taux le plus rapide. Ainsi, un travailleur ayant achevé cinq ou six
années de scolarisation voit sa qualification s'élever cinq fois plus lentement
qu'un travailleur ayant suivi une scolarité secondaire complète 2 .
Dans le m ê m e temps, il faut souligner la présence de tendances contradictoires. C o m m e le fait observer J. Timar, « les changements de la structure économique elle-même nécessitent, en contrepartie de l'automatisation dans une
branche, la création d'un grand nombre de postes dans d'autres branches (par
exemple, dans les services), qui exigent un travail "simple" ou manuel» 3.
Pour leur part, les spécialistes polonais J. D u m e c k a et M . Klimczak, à la suite
d'une enquête, sont parvenus à la conclusion que « l'automatisation du travail
(...) n'exige pas de qualifications élevées de la part du travailleur desservant
immédiatement les machines » et que « le passage de la mécanisation à l'automatisation, m ê m e si le nombre de machines augmente, n'exige que plus d'habileté, élément qui est en fait extensif des qualifications» 4 .
Toutefois, malgré le caractère contradictoire des résultats et conclusions
auxquels parviennent les chercheurs, la tendance générale est claire et peut être
nettement repérée dans toutes les recherches effectuées : pour chaque secteur
de l'économie, on observe un accroissement des besoins en travailleurs qualifiés.
La structure de l'emploi se modifie en faveur du développement des secteurs
ayant un niveau de qualification plus poussé. Ces processus sont en effet direct
du progrès scientifique et technique. Dans la mesure où celui-ci s'effectue de
manière inégale d'un secteur économique à un autre, ses effets sont eux aussi
diversifiés. Il en va ainsi de l'évolution de la structure de l'emploi et des
qualifications.
C.
Les cadres et le modèle de croissance économique intensive
Le passage des pays socialistes au modèle de développement intensif de l'économie constitue, rappelons-le, un phénomène d'importance capitale sur le plan
socio-économique et qui se trouve doublement lié au problème de la formation
des «spécialistes». Ces derniers constituent le principal vecteur du progrès
scientifique et technique ; ils participent activement à la mise en place du modèle
intensif dont ils sont en fait les principaux porteurs. Mais les spécialistes, à leur
1. A . Vladislavlev, Formation continue: problèmes et perspectives, Moscou, 1978, p. 18 (en russe).
2. V . A . Jamin, S.L. Kostanian, « D u rôle de l'éducation et de la formation professionnelle dans la
société socialiste développée », in La classe ouvrière dans le processus révolutionnaire mondial,
Moscou, 1975, p. 242 (en russe).
3. J. Timar, L'enseignement supérieur..., op. cit., p. 26.
4. Cf. Z d . Grzelak et ai, «L'influence du progrès...», op. cit., p. 46.
59
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
tour, subissent l'action de tous les facteurs qui contribuent à l'émergence de ce
modèle.
L'expérience des pays socialistes abonde en exemples qui illustrent ce double
processus. E n premier lieu, ce que l'on peut observer, à l'étape actuelle du
développement des pays socialistes (cf. Tableau 10), c'est l'accroissement rapide
du n o m b r e de spécialistes et leur poids en termes absolus et relatifs au sein de
l'ensemble de la population et — en particulier — au sein de la population
active.
La tendance générale peut être qualifiée de la manière suivante : à l'étape
initiale de leur industrialisation, les pays socialistes ont éprouvé une pénurie de
spécialistes dotés d'une formation de niveau supérieur et secondaire spécialisée.
A u cours des années soixante-dix, ils sont désormais en état de couvrir leurs
T A B L E A U 10. Nombre de spécialistes possédant une formation professionnelle supérieure et/ou
secondaire spécialisée occupés dans l'économie nationale (en milliers)
Année
Total
Bulgarie
I960
1970
1980
1981
Hongrie
1968
1971
257
521
858
907
430
560
294
717
Formation
professionnelle
Formation
secondaire
spécialisée
supérieure
1960
1970
1980
1981
1982
1412
1456
1 502
Pologne
1970
1980
1981
1982
1 781
3 365
3 406
3 454
Roumanie
1961
1968
547
899
93
163
275
290
196
239
108
262
501
518
535
502
938
949
973
180
274
URSS
1960
1970
1980
1981
8 784
16 841
28 612
29 800
3 545
6 853
12 073
12 600
Tchécoslovaquie
1980
1970
1978
809
158
277
430
RDA
1. Calculs de l'auteur.
S O U R C E Annuaire statistique des pays membres
60
du CAEM,
1 356
1 824
op. cit, p. 392.
N o m b r e de
spécialistes en
pourcentage
des effectifs
ouvriers
et employés
164
358
583
617
234
321
186
455
911
938
967
14,5
18,9
21,8
22,8
1 279
2 427
2 457
2 481
17,3
26,7
27,7
28,1
367
625
15,2
19,8
239
988
539
200
14,2
18,6
25,1
26,1
651
16,6
22,2
27,4
5
9
16
17
1079
1 394
—
15,1
4,6
10,4
18,2
18,6
19,1
Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
besoins, bien que, pour certaines spécialités, c o m m e les domaines de pointe sur
le plan scientifique et technique, la d e m a n d e soit encore supérieure à l'offre. L a
situation s'inverse pour certaines professions traditionnelles, qui, dans toute une
série de secteurs ou branches économiques, constituent la majorité.
La dynamique du progrès scientifique et technique stimule l'accroissement
rapide du nombre des ingénieurs. A cet égard, les pays socialistes ne sont pas
une exception. Qui plus est, le taux de couverture des besoins en ingénieurs y est
plus élevé que dans les pays capitalistes ayant un niveau de développement
similaire, voire quelque peu supérieur. Les tendances qui ont marqué le développement des sciences et des techniques ont induit d'importantes modifications
dans la structure professionnelle des effectifs d'ingénieurs : le rôle de ces derniers s'est accru dans des branches telles que l'électronique, l'énergie, la chimie,
etc. O n note à ce propos l'importance particulière prise par les ingénieurséconomistes.
Quant à l'agriculture des pays socialistes, notons qu'elle emploie un n o m b r e
très important d'agronomes, ce qui permet d'avancer l'hypothèse que le caractère étatique et coopératif des entreprises agricoles, propre à ces pays, engendre
une d e m a n d e accrue en personnel hautement qualifié, tendance que l'on ne
retrouve pas dans le cas de la petite exploitation où la propriété du sol et la
gestion conservent un caractère privé. D a n s le m ê m e temps, cette tendance
reflète certaines difficultés en ce qui concerne l'organisation du travail, la qualité
des activités et le degré d'utilisation des spécialistes.
Durant les années cinquante et soixante, les pays socialistes se sont posé la
question de la répartition entre les deux types de spécialistes, de niveaux m o y e n
et supérieur. A u demeurant, il est difficile d'opter pour telle o u telle répartition
jugée optimale, car il n'existe aucune n o r m e en la matière. D a n s la pratique, ce
rapport varie selon les branches et les spécialités. A l'heure actuelle, cette
question a perdu de son actualité, bien qu'elle se pose encore, ce qui se traduit
dans l'ensemble, et pour certaines branches ou secteurs, par un nombre plus
élevé de spécialistes ayant reçu une formation supérieure que de techniciens
dotés d'une formation de niveau secondaire.
Certaines études permettent par ailleurs de constater qu'en règle générale, la
demande en spécialistes est plus élevée, relativement, dans les branches qui se
développent à un rythme accéléré, c o m m e le montre le Tableau 11, où sont
comparées les diverses républiques fédérées soviétiques.
Ainsi, dans de nombreuses républiques, l'accroissement de la formation des
ingénieurs et des techniciens est fonction du rythme de croissance de la production de l'industrie et du bâtiment. Dans d'autres, cette formation a progressé
plus vite que ces deux secteurs, situation due au faible « seuil » initial de
l'enseignement supérieur spécialisé.
Le progrès des sciences et des techniques et la modernisation de l'économie
des pays socialistes, leur passage au modèle intensif de développement, tout cela
est venu grossir la d e m a n d e en spécialistes. L e système de formation a dû
s'adapter en conséquence. A u cours des deux dernières décennies, les p r o m o tions de spécialistes des établissements des degrés secondaire et supérieur se
61
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 11. Evolution de la production et accroissement du nombre d'étudiants dans les
disciplines de l'industrie ou du bâtiment dans les républiques fédérées
de 1965 à 1975
Taux de croissance de la production
Républiques fédérées
RSFSR
RSS d'Ukraine
RSS de Biélorussie
RSS d'Ouzbékistan
R R S du Kazakhstan
R S S de Géorgie
RSS d'Azerbaïdjan
RSS de Lituanie
RSS de Moldavie
RSS de Lettonie
R S S de Kirghizie
RSS du Tadjikistan
RSS d'Arménie
RSS du Turkménistan
Industrie
211
212
294
204
222
252
206
259
243
214
280
208
249
231
Bâtiment
182,5
172,2
212,0
223,1
155,1
162,8
171,9
198,1
223,8
166,0
171,8
161,0
179,6
225,8
Augmentation du nombre
d'étudiants dans les V U Z '
de l'industrie ou du bâtiment
121,4
120,5
153,8
148,7
149,3
108,0
147,8
134,9
122,3
136,9
155,7
165,8
139,0
157,1
1. V U Z : Sigle désignant les établissements d'enseignement supérieur.
S O U R C E D . Chuprunov, R . Avakov, E . Jiltsov, Enseignement supérieur, emploi et progrès technique en URSS, Paris, Unesco:
IIPE, 19X2, p. 92.
sont accrues. Et dans certains pays, si les années quatre-vingt ont été marquées
par un certain fléchissement, les rythmes accélérés qui ont caractérisé les années
précédentes permettaient une certaine «pause». L e Tableau 12 donne une
description plus détaillée de cette évolution.
A u stade actuel de leur développement, les pays socialistes ont comblé, pour
l'essentiel, l'écart entre les besoins de leur économie et le n o m b r e de spécialistes
formés dans les établissements nationaux. D e là une amélioration substantielle
de la structure du personnel d'encadrement sur le plan qualitatif. Ainsi, en
Union soviétique, dans un passé encore proche, de nombreux postes d'ingénieurs étaient confiés à des spécialistes n'ayant reçu qu'une formation professionnelle de niveau secondaire. Aujourd'hui, en revanche, leur part a très
sensiblement diminué, c o m m e le montre le Tableau 13.
A l'époque actuelle, quand il s'agit de définir le rôle joué par les spécialistes
dans l'économie nationale — en particulier en matière de progrès scientifique et
technique —, on se réfère à la qualité, à l'amélioration de la structure de la
qualification et à l'élargissement de la culture technique. Sous l'effet d'un
développement de type plus intensif, le contenu du travail des spécialistes se
modifie continuellement. Les tâches créatives commencent à être prédominantes. Ainsi, l'ingénieur contemporain consacre une part considérable de son
activité à l'assimilation de nouvelles techniques et à leur mise en œuvre, à
l'organisation scientifique de la production et de la direction, à l'estimation du
bien-fondé technico-économique de technologies nouvelles et aux calculs
62
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Progrès scientifique et technique et structure de l'emploi
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17,1
26,9
11,1
4,3
11,2
21,6
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 13. U R S S : pourcentage des titulaires d'une formation professionnelle de niveau
secondaire ou supérieur occupant un poste de cadre supérieur, d'ingénieur ou de
technicien dans l'industrie
1966
Directeurs
Ingénieur en chef
Chefs d'atelier et/ ou leurs adjoints
Ingénieurs (toutes spécialités)
Techniciens (toutes spécialités)
SOURCE
68
13
70
80
57
1977
90
97
83
91
70
D . Chuprunov, R. Avakov, E. Jiltsov, op. cit., p. 95.
qu'implique leur mise en œuvre, etc. L a notion m ê m e de « spécialiste » a reçu
une connotation nouvelle. Il n'est plus considéré c o m m e un travailleur étroitement spécialisé, mais c o m m e un individu qui doit posséder une vaste culture et
des connaissances approfondies n o n seulement dans sa spécialité, mais encore
dans les sciences fondamentales, autant en matière d'innovations techniques que
d'acquis scientifiques les plus récents.
Aujourd'hui, le spécialiste doit faire face à des questions d'ordre technique et
organisationnel plus complexes qu'il y a quelque vingt ou vingt-cinq ans. C e
niveau plus élevé des connaissances tient au rôle accru que joue désormais la
science dans la production. Les liens toujours plus étroits qui s'établissent entre
ces dernières, ainsi que l'input scientifique qui se matérialise toujours plus
rapidement, élèvent le niveau des exigences qui s'adressent aux connaissances
des spécialistes. N o n seulement il leur est demandé de fournir un travail concret
qui mette les innovations en pratique, mais on exige d'eux qu'ils participent
activement à l'élaboration et à l'approfondissement de notions et d'idées novatrices. D e là, pour eux, la nécessité d'une amélioration de leurs connaissances et
d'un renouvellement constant de leur réflexion.
Aujourd'hui, la modernisation de l'économie, le progrès des sciences et des
techniques, l'exécution des tâches requises par l'intensification de la production,
rien de cela n'est concevable sans l'élévation continue du niveau de formation
générale et professionnelle, ainsi que culturelle, des travailleurs ; sans que soit
mis à la disposition des entreprises, des organisations et des centres de R & D un
n o m b r e accru de spécialistes capables de créer l'innovation et de perfectionner
les technologies. C'est là un des éléments qui caractérisent la nature m ê m e du
passage des pays socialistes à la phase de développement intensif de leur
économie.
64
CHAPITRE IV
Niveau de scolarisation
et de formation professionnelle
Le système éducatif participe activement à la genèse de la structure de l'emploi
et de la qualification. Il influe considérablement sur la structure de la maind'œuvre ouvrière qualifiée et sur celle des ingénieurs et des techniciens. Il joue
un rôle sans cesse croissant quant à la proportion de spécialistes dont dispose
l'économie des pays socialistes. Il va de soi que ce système n'est pas à lui seul à
l'origine de tels ou tels problèmes, ni des disproportions qui surgissent dans cette
sphère ; il ne saurait être tenu pour seul responsable de l'état de choses en ce qui
concerne les cadres et l'utilisation qui en est faite. Néanmoins, il est incontestable que tous les défauts ou erreurs susceptibles d'affecter le système d'éducation
et de formation professionnelle se répercutent nécessairement sur l'emploi et,
finalement, sur le progrès scientifique et technique. A ce propos, il faut comprendre que le niveau de scolarisation et celui de la formation professionnelle
constituent ensemble l'indice majeur de ce progrès, bien qu'ils en soient en
m ê m e temps une fonction.
A.
Enseignement secondaire obligatoire :
une nécessité sociale et économique x
Afin de déterminer l'orientation générale que doivent suivre les pays socialistes
dans leur politique éducative, certains spécialistes ont introduit la notion de
« niveau d'éducation socialement nécessaire ». Elle est fondée sur l'idée qu'une
société, à chaque étape de son développement sur les plans socio-économique,
scientifique, scientifico-technique et culturel, a besoin que la population possède
un niveau déterminé d'éducation. Il ne s'agit évidemment pas d'une coïncidence
parfaite entre les niveaux respectivement atteints dans l'une et l'autre sphère,
mais d'une tendance générale. E n d'autres termes, la question pourrait être
formulée ainsi : quel doit être le niveau d'éducation socialement nécessaire à
1. Rappelons qu'en U R S S on parle d'« école moyenne », terme traduit ici par « école secondaire »,
pour désigner l'ensemble des années de formation générale, d'une durée de quelque onze-douze
ans. Dans certains cas, l'auteur distingue le cycle primaire du cycle secondaire proprement dit au
sein d'une m ê m e filière.
65
Education,
progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
une phase donnée du cheminement des pays socialistes vers une économie de
type intensif? L a réponse donnée de facto est la suivante: la population doit
avoir suivi une scolarisation secondaire générale complète, et, dans la pratique,
c'est effectivement le niveau atteint par la majorité des jeunes de ces pays.
L'élévation continue du niveau de scolarisation de la population est un phénom è n e général qui s'observe dans nombre de pays. Les pays socialistes sont
parvenus à introduire l'objectif de généraliser l'enseignement secondaire obligatoire au terme d'un long parcours. Cet objectif est avant tout dicté par une
d e m a n d e sociale toujours plus insistante émanant de la population elle-même.
D e là l'absence de réticences et m ê m e l'empressement des familles à accepter la
prolongation de la scolarité obligatoire.
Pour les pays socialistes, le changement de régime socio-politique a entraîné
une diffusion accélérée de l'instruction. Aujourd'hui, il s'agit de sociétés c o m plètement alphabétisées, où les causes d'ordre social, économique et culturel
engendrant l'analphabétisme ont elles-mêmes été supprimées. Il est bien évident qu'en matière de scolarisation, on observe des disparités entre couches
sociales ainsi qu'entre générations. Mais l'élément typique, caractéristique, durable au sein de ces sociétés est la conscience collective de la nécessité de
l'instruction, de la nécessité de poursuivre une scolarisation longue. Pour autant,
cette conviction est loin d'être dictée par des considérations d'ordre strictement
utilitaire ; l'instruction n'apparaît pas seulement c o m m e un moyen de promotion
professionnelle, mais avant tout c o m m e une valeur d'ordre culturel.
Le cas de la Hongrie — tel qu'il ressort des recherches menées dans ce pays —
illustre le phénomène que l'on vient de décrire.
Le Diagramme 1 montre que le niveau d'instruction de la population n'a
réellement amorcé une phase de forte croissance qu'après la Seconde Guerre
mondiale, c'est-à-dire en étroite corrélation avec les transformations sociopolitiques qu'a vécues le pays à partir de l'instauration du régime socialiste. L e
processus a suivi deux grandes orientations : l'accroissement numérique considérable des groupes d'individus possédant un niveau d'éducation élevé s'est
accompagné d'une réduction de ceux dont les m e m b r e s n'ont pas dépassé le
niveau de l'enseignement primaire.
L'évolution de la structure des effectifs de travailleurs tant manuels qu'intellectuels dans ce pays est particulièrement éloquente. Pendant la première moitié
du X X e siècle, la majorité de la population hongroise se composait de travailleurs manuels au niveau d'éducation des plus bas. Ainsi, en 1949, on comptait
parmi eux 1,4 p. cent seulement de titulaires du baccalauréat et 0,1 p. cent de
diplômés de l'enseignement supérieur. A u cours des trois décennies suivantes, le
nombre de travailleurs de cette catégorie diminuait en valeur absolue tandis que
s'accroissait la proportion de ceux qui, parmi eux, étaient titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme de l'enseignement supérieur.
E n 1980, ces deux types de diplômés représentaient respectivement 8,9
p. cent et 0,2 p. cent de l'ensemble des travailleurs manuels. Parmi les travailleurs intellectuels, on observe des processus similaires. Leur nombre est allé
croissant tandis qu'augmentait la proportion de ceux qui possédaient le niveau
66
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
D i a g r a m m e 1. Répartition de la population en âge de travailler
(a), selon le niveau de scolarisation, 1920-1980 (Hongrie).
Diplômés ens. sup.
Bacheliers
Ecole générale
8 années d'études
5-7 années
d'enseignement
d'école générale
1-5 années
d'enseignement
d'école générale
19:0
1930
1941
1949
1960
1970
1980
années
(a) Femmes de 14 à 54 ans ; hommes de 14 à 59 ans.
Source : Janos T I M A R . "L'enseignement supérieur et le développement économique et technique
en Hongrie", op. cit.. p. 44
67
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
d'instruction le plus élevé. E n 1980, plus de 75 p. cent des personnes occupant
un emploi classé parmi les professions intellectuelles possédaient le grade de
bachelier ou un diplôme de l'enseignement supérieur, contre 50,2 p. cent en
1949. Cette évolution a été induite par l'accélération de l'industrialisation qui a
suivi l'entrée du pays sur la voie socialiste. Mais elle a contribué également à
réduire les disparités entre les niveaux d'éducation des deux groupes de travailleurs. Alors que cet écart entre ouvriers, d'une part, et employés, de l'autre,
pouvait s'exprimer par le rapport 1/2,7 durant les années trente, il était ramené à
1/1,6 à la fin des années soixante-dix.
Par ailleurs, l'essor rapide de l'économie hongroise, et en particulier de
l'industrie, a eu pour conséquence l'entrée d'un nombre croissant de f e m m e s
dans les rangs de la population active. C e processus a contribué à élever le
niveau de scolarisation des femmes par rapport à celui des h o m m e s . A en juger
d'après le D i a g r a m m e 2 , les disparités en la matière ont presque entièrement
disparu.
Enfin, il faut faire état du niveau d'éducation de la main-d'œuvre par secteur
d'économie et par profession. E n Hongrie toujours, c'est dans le secteur des
services qu'il est le plus élevé, en particulier dans la branche de la santé publique
et celle de l'enseignement, où il dépasse quelque peu la m o y e n n e nationale ; puis
viennent le commerce, l'industrie et les transports. C'est dans l'agriculture que
le niveau est le plus faible. Toutefois, à en juger par les tendances observables au
cours des dernières années, ces différences tendent à s'estomper.
Si l'on compare en revanche le niveau de scolarisation de différentes tranches
d'âge, on constate que les variations précédentes sont beaucoup moins importantes au sein des jeunes générations que parmi les aînés. L e Tableau 14 donne
à voir les disparités observées pour deux groupes d'âge et trois catégories
professionnelles 1. L a tendance générale est à la hausse continue du niveau de
scolarisation de tous les groupes, qu'il s'agisse du critère de l'âge ou de celui de
la profession. Mais le niveau élevé de scolarisation chez les plus jeunes est une
évidence. Ainsi peut-on avancer sans risque d'exagération que c'est précisément
le niveau d'instruction de ce groupe d'âge qui exprime les perspectives des
prochaines décennies.
Nous allons examiner à présent les modalités de ce processus en Union
soviétique.
Le progrès rapide des sciences et des techniques, ainsi que de l'industrialisation, s'y est accompagné, dans le domaine de l'éducation, de deux grandes
tendances :
(a) L a première s'est traduite par l'élévation continue du niveau de scolarisation de la population dans son ensemble. Il faut voir là le résultat d'efforts
poursuivis dans trois directions :
— liquidation de l'analphabétisme dans le pays, objectif presque atteint au
terme de deux décennies et définitivement atteint à la fin des années
cinquante ;
1. J. Timar, L'enseignement supérieur..., op. cit., p. 4 9 .
68
C
—
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
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16,4
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49,4
50,3
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29,9
37,3
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19,7
27,0
12,6
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24,0
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
70
8,6
5,0
7,0
10,3
16,0
5,2
8,1
30,0
18,5
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
— scolarisation obligatoire jusqu'à la fin du deuxième cycle de l'enseignement secondaire de toute la jeune génération. C e but ambitieux, d'importance historique, a été atteint au cours des années soixante-dix.
Rappelons que cette étape, dans l'histoire de l'école soviétique, avait été
précédée par deux autres : celle de la généralisation de l'enseignement
primaire au cours des années trente, puis celle du premier cycle secondaire d'instruction générale au cours des années cinquante. A l'heure
actuelle, tout enfant qui entre à l'école accomplira une scolarité secondaire générale complète ;
— élargissement parallèle d'un réseau d'enseignement extrascolaire qui
vise, entre autres, à permettre à ceux qui, pour une raison o u une autre,
n'ont pu suivre une scolarité secondaire normale d'accomplir un cycle
secondaire complet.
L'évolution que l'on vient de décrire est condensée sous une forme plus
générale au Tableau 15. Les 3/5 de la population soviétique âgée de plus de
dix ans et les 3/4 de la population active possèdent une éducation de niveau
secondaire ou supérieur. Par ailleurs, 1 travailleur sur 9 est u n spécialiste
possédant une formation de niveau supérieur. A u cours du dernier quart de
siècle, la proportion de spécialistes de ce niveau s'est constamment accrue.
(b) L'autre tendance s'exprime dans le fait que tous les indicateurs témoignent
d'une réduction des disparités, voire m ê m e , dans certains cas, de leur
disparition, entre les divers groupes de la population de l'Union soviétique,
qu'il s'agisse de catégories sociales, professionnelles ou ethniques, de sexe
ou de type de tâches (travail manuel et intellectuel), ou encore d'appartenance à la ville ou à la campagne. Soulignons que cette tendance est
également liée de manière directe ou indirecte au progrès technique et
scientifique et à l'industrialisation, ainsi qu'à la stratégie de développement
de l'éducation que suit l'Etat soviétique.
T A B L E A U 15. U R S S : taux d'alphabétisation et niveau d'éducation de la population
Populations ayant une
scolarisation de niveau
(millions)
Année
1920
1939
1959
1970
1979
1982
SOURCE
Taux d'alphabétisation
de la population
agee de 9 à 49 ans (%)
44,1
87,4
98,5
99,7
99,8
—
supérieur ou
secondaire
(complète ou non)
15,9
58,7
95,0
139,1
149,2
supérieur
Sur 1 000 personnes
âgées de 10 ans ou plus
nombre d'entre elles
ayant une scolarisation
de niveau
secondaire
(complète
ou non)
108
361
483
638
670
supérieur
secondaire
(complète
ou non)
supérieur
—
—
8
23
42
68
76
123
433
653
805
846
13
33
65
100
110
—
1,2
3,8
8,3
14,8
17,0
Sur 1 000
personnes actives
nombre d'entre elles
ayant une scolarisation
de niveau
L'économie de l'URSS. 1922-1982..., op. cit.. pp. 41 et 42.
71
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Prenons par exemple le niveau de scolarisation de la population active, selon
la catégorie sociale. E n 1939, sur 1 0 0 0 personnes, 18 possédaient un niveau
d'instruction supérieur o u secondaire (complète ou incomplète) parmi les kolkhoziens, et cinq fois plus parmi les ouvriers, soit 8 7 . Mais, parmi les employés,
le chiffre correspondant était de 546. Vingt-cinq ans plus tard, en 1982, ces
proportions s'étaient radicalement modifiées, atteignant respectivement 655,
800 et 985. Et il faut souligner que les différences qui subsistent tiennent avant
tout au caractère de l'activité professionnelle de ces groupes, et non à leur statut
social.
U n autre exemple, confirmant la tendance observée, concerne les différences
entre travailleurs intellectuels et manuels. Alors qu'en 1939, sur 1 0 0 0 actifs
exerçant un métier essentiellement manuel, on comptait 45 travailleurs possédant une formation de niveau supérieur ou secondaire, l'indice correspondant
pour l'autre groupe était de 515. E n u n quart de siècle, la situation à cet égard
s'est transformée : les taux correspondants en 1982 atteignaient respectivement
785 et 984.
Les Tableaux 16 et 17 retracent, pour leur part, l'évolution des disparités en
matière d'instruction entre h o m m e s et femmes, ainsi qu'entre ville et campagne,
en U R S S . Les différences de niveau d'éducation entre ces groupes ont pratiquement disparu. Aujourd'hui, il ne s'agit plus que de maintenir les résultats au
niveau atteint.
D a n s l'Etat soviétique, dès les premiers jours de son existence, un problème
particulièrement ardu a été posé par la nécessité d'effacer les différences entre
groupes nationaux et ethniques en matière d'instruction alors que, jusqu'à la
T A B L E A U 16. U R S S : niveau de scolarisation de la population urbaine et rurale
Personnes ayant
une formation
supérieure ou secondaire
Avec formation
sur 1 000
supérieure
Population Population
Population âgée de 10 ans et plus
1939
1959
1970
1979
1982
Population active
1939
1959
1970
1979
1982
SOURCE
72
L'économie de l'URSS, 1922-19K2...,
Avec formation
(complète ou non)
Population Population
rurale
Population Population
urbaine
active
218
469
592
723
748
52
256
332
492
529
19
40
62
93
104
2
7
14
25
25
199
429
530
630
644
50
249
318
467
504
242
564
748
863
888
63
316
499
693
758
32
59
90
130
139
3
11
25
42
48
210
505
658
733
749
60
305
474
651
710
op. cit., p. 4 8 .
urbaine
secondaire
(complète ou non)
urbaine
active
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
T A B L E A U 17. U R S S : niveau de scolarisation de la population âgée de dix ans ou plus
et de la population active
Personnes ayant
une formation
supérieure ou secondaire
(complète ou non)
sur 1 0 0 0
Population
1939
1959
1970
1979
1980
SOURCE
Femmes
127
392
522
685
715
90
338
452
597
632
136
434
654
810
851
104
431
651
801
840
Hommes
Avec formation
secondaire
(complette ou non)
Femmes
Hommes
Femmes
11
27
48
75
83
5
20
37
62
71
116
365
474
610
632
85
318
415
535
561
16
34
68
102
112
9
32
62
98
107
120
400
586
708
739
95
399
589
703
733
âgée de 10 ans et plus
1939
1959
1970
1979
1982
Population
Hommes
Avec formation
supérieure
active
L'économie de l'URSS, 1922-1982. ... o p . cit., p. 48.
Révolution d'Octobre, la majorité des m e m b r e s de ces populations étaient
analphabètes et parlaient, pour beaucoup, une langue dépourvue d'écriture. O n
peut juger de la politique de l'Union soviétique dans ce domaine d'après les
données figurant au Tableau 18. Malgré un léger retard du niveau d'éducation
accusé par certains groupes nationaux, la question a depuis longtemps perdu son
acuité. A u cours des prochaines années, elle ne sera plus à l'ordre du jour du
développement de l'éducation en U R S S .
Il serait possible de compléter par les données d'autres pays socialistes celles
venant de Hongrie et de l'Union soviétique, mais le tableau déjà présenté ne
s'en trouverait pas modifié. Les deux tendances déjà signalées ici se trouvent
confirmées par l'observation de ces pays. L à également, la tâche fixée — et en
voie d'achèvement — consiste à assurer à la génération montante une scolarisation secondaire complète.
Les résultats observables à l'heure actuelle dans les pays socialistes d'Europe
donnent à penser qu'il est socialement nécessaire que toute la population puisse
suivre et compléter ce degré d'enseignement.
B . Formation professionnelle et exigences de la production
Dans quelle mesure la formation professionnelle que dispensent les établissements des divers niveaux correspond-elle aux besoins des entreprises en maind'œuvre, à la structure de la production nationale ? Question sans cesse posée, et
suscitant une diversité de réponses qui révèle les divergences de vues entre les
73
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 18. U R S S : niveau de scolarisation de la population dans les républiques fédérées et
autonomes
Sur 1 000 habitants
âgés de 10 ans ou plus
nombre d'entre eux
possédant une scolarisation
de niveau supérieur ou secondaire
(complet ou non)
1939
Sur 1 000 personnes actives
nombre d'entre elles
ayant une scolarisation
supérieure ou secondaire
(complète ou non)
1959
1970
1979
1982
1939
1959
1970
1979
1982
361
361
332
310
281
Kabarda-Balkare R.A.
352
Kalmouk R.A.
244
Karélie R.A.
361
Komi R.A.
417
Marii R.A.
317
Mordovie R.A.
292
Ossétie-Nord R.A.
430
Tartarie R.A.
359
Touva R.A.
— 246
82 318
Oudmourte R.A.
Tchétchène-lngouch R.A . 71 299
Tchourache R.A.
99 365
Yakoutie R.A.
89 349
Ukraine R.F.2
120 373
92 304
Biélorussie R.F.
Ouzbékistan R.F.
55 354
28 272
Karakalpak R.A.
Kazakhstan R.F.
83 347
Géorgie R.F.
165 448
Abkhasie R.A.
127 417
Adjarie R.A.
165 420
Azerbaïdjan R.F.
113 400
Nakhitchévan R.A.
74 383
Lituanie R.F.
81 232
57 264
Moldavie R.F.
Lettonie R.F.
176 431
Kirghizie R.F.
46 342
Tadjikistan R.F.
40 325
Arménie R.F.
128 445
Turkménie R.F.
65 387
Estonie R.F.
161 386
483
489
441
448
358
469
381
493
540
438
421
519
468
414
456
361
467
501
494
440
458
406
468
554
523
541
471
446
382
397
517
452
420
516
475
506
638
645
606
644
522
626
589
658
719
614
587
643
637
588
635
542
618
703
630
594
639
603
633
698
671
673
652
634
558
572
645
614
578
713
620
630
670
676
637
692
570
663
631
687
744
661
613
673
670
612
674
583
664
753
664
634
670
633
665
730
707
703
700
683
600
606
676
649
613
738
655
661
123
124
75
108
72
97
73
155
99
71
70
191
100
433
440
419
385
322
440
304
427
467
382
364
520
456
291
393
386
441
415
438
331
447
358
447
492
459
475
473
442
250
280
502
429
407
527
497
448
653
656
635
604
503
657
521
638
686
615
595
694
664
536
636
516
665
653
668
594
663
611
654
711
687
708
647
667
496
508
661
643
602
697
682
660
805
803
780
795
673
799
727
792
845
790
774
801
815
737
803
681
814
848
813
763
848
813
807
856
838
858
832
839
711
725
795
804
770
868
823
786
846
842
821
839
727
839
770
830
880
832
822
836
852
788
842
728
852
884
854
812
888
862
848
887
868
888
867
877
771
778
834
846
817
900
867
833
URSS
RSFSR
Bachkire R.A.1
Bouriate R.A.
Daghestan R.A.
1. R . A . République autonome.
2. R . F . République fédérée.
S O U R C E L'économie de l'URSS,
74
108
109
67
86
63
86
51
132
96
73
68
150
89
1922-1982..
op. cit., p. 4 4 .
—
88
87
94
104
139
113
61
37
99
163
134
177
122
78
—
—
—
56
45
135
78
—
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
responsables de la formation de la main-d'œuvre et les responsables des entreprises. L e problème est d'autant plus complexe que le diplôme qui sanctionne
officiellement un certain niveau de formation — m ê m e s'il correspond réellement aux exigences de la pratique (ce qui, souvent, n'est pas le cas) — ne reflète
pas toujours avec assez de précision l'éventail et la qualité des connaissances de
celui qui en est titulaire. Il est certain que des spécialistes venus d'un m ê m e
établissement et relevant d'une m ê m e spécialité se présentent à leur « utilisateur» dotés de connaissances et de savoir-faire inégaux.
Aujourd'hui, le passage au modèle de croissance intensive confère à ce
problème une acuité particulière ; et l'on comprend pourquoi il éveille un tel
intérêt quand on sait que l'enjeu est ici l'efficacité de la formation professionnelle et donc, finalement, celle de toute la production nationale et celle des
entreprises.
Les études de cas reflètent à des degrés divers les différents aspects du
problème de la relation entre les connaissances acquises dans le cadre du
programme d'un établissement éducatif et celles qu'une entreprise requiert des
spécialistes et de toute la main-d'œuvre en vue d'un fonctionnement normal.'
C'est la monographie consacrée à la Hongrie qui est, à cet égard, la plus
fouillée ; ses résultats autorisent un certain nombre de conclusions.
D a n s sa structure, la formation des ouvriers et celle des spécialistes de haut
niveau ne correspond pas et ne saurait correspondre en tous points à celle de
l'emploi, étant donné le caractère particulièrement dynamique qu'impriment à
celui-ci le progrès de l'économie et l'évolution des acquis techniques et scientifiques. Il s'agit là d'une des raisons qui engendrent une certaine inadéquation
entre, d'une part, le diplôme attestant les connaissances et le savoir-faire que
son détenteur — le jeune spécialiste — a acquis dans un établissement d'enseignement et, d'autre part, les exigences de l'entreprise quant aux tâches que
celui-ci sera appelé à y remplir. Qui plus est, une certaine inadéquation subsiste,
m ê m e lorsque le poste à pourvoir et les connaissances que sanctionne le diplôme
se trouvent définis avec précision.
Les statistiques nationales hongroises offrent aux chercheurs les données
nécessaires à l'examen de ce problème d'« incongruence ». Celle-ci apparaît
clairement aux Diagrammes 3 et 4, ainsi qu'au Tableau 19. M ê m e en admettant
l'hypothèse que la qualification requise par telle ou telle fonction se trouve
clairement définie et que la compétence réelle des travailleurs considérés correspond à la formation reçue dans l'établissement qu'ils ont fréquenté, ces chiffres
donnent à voir certaines inadéquations au sein de la structure de l'emploi et
mettent au jour les maillons forts ou faibles, donc la gravité qu'a prise dans le
pays le problème «congruence-incongruence». Globalement, l'inadéquation
concerne 1/5 de la population active. Ainsi, 7 p. cent (363 500 personnes)
occupent des emplois où la qualification requise est inférieure au niveau de la
qualification reçue. E n revanche, 13 p. cent (678 000 personnes) ont une formation de niveau inférieur à celle qu'exige l'emploi occupé. Pour certaines
catégories de travailleurs, la pénurie la plus sensible concerne les spécialistes de
niveau m o y e n («techniciens»), tandis que la situation est nettement meilleure
75
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Diagramme 3. "Congruence" de la main-d'oeuvre (janvier 1971) (Hongrie)
S o u r c e . J.ino'. T I M A R ,
op
Diagramme 4. "Congruence" des postes de travail (janvier 1971) (Hongrie)
Urmerw
Ecole
Lycée ci école
supérieure
Exigenc
Janos T I M A R ,
76
d u posie J e
o p . c t . . p.
Só.
lin ,ii!
Ecole
Ecole g ê n é
secondaire
professionnelle
de 8 ans
spéculnee
el technique
ou moins
par rapport au n i v e a u d e formation
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
T A B L E A U 19. Hongrie: «incongruence» formelle entre formation et emploi en 1971
(1 000 personnes)
Emploi exigeant
une qualification
plus
élevée que la
formation scolaire
moins
Niveau de formation requis
Université
Ecole supérieure
Lycée et école secondaire spécialisée
Enseignement technique et professionnel
Sans qualification spécialisée
•
Total
SOURCE
Formation scolaire
plus
moins
élevée que celle
exigée par l'emploi
11,5
—
—
5,2
1,4
124,0
228,8
—
37,0
55,0
584,6
6,5
4,2
86,1
266,7
363,5
678,0
363,5
38,8
17,4
331,0
290,8
—
678,0
Janos Timar, op. cit., p. 6 7 .
pour les spécialistes diplômés de l'enseignement supérieur. Dans le m ê m e
temps, on observe la présence de certains sureffectifs au sein des couches
d'ouvriers les moins qualifiés.
C e problème d'adéquation concerne aussi la qualité de la formation professionnelle et son efficacité dans la production. O n sait que le rendement économique de la main-d'œuvre dépend de nombreux facteurs. Toutefois, il est clair
que, toutes choses égales par ailleurs, mieux la structure des qualifications de la
main-d'œuvre déjà formée ou en cours de formation correspondra à la structure
de l'emploi, et plus son efficacité économique sera — en principe — élevée.
Dans les pays socialistes, l'étude de ce problème connaît des approches
diverses; c'est ainsi qu'en Union soviétique, on a cherché à savoir, au moyen
d'enquêtes, comment les spécialistes se prononcent sur les tâches qui leur sont
confiées : dans quelle mesure elles répondent ou non à leurs attentes et, le cas
échéant, à quoi tient leur insatisfaction. Cette méthode peut être illustrée par le
Tableau 20.
E n R D A , on a eu recours à une méthode plus intéressante. Elle consiste à
évaluer l'efficacité à l'aide de deux indicateurs:
— taux d'exécution de la norme de production fixée pour tel ou tel poste, par
celui qui l'occupe ;
— respect des normes qualitatives ou spécifiques à certains objets produits, que
l'on mesure par le rapport entre les pertes et le volume global de la production.
Certes, la norme de production c o m m e le taux d'exécution ne dépendent pas
seulement de la qualité de la main-d'œuvre. Cependant, l'examen de cet indicateur, au cours des six premiers mois de l'activité professionnelle des jeunes
diplômés, peut donner des résultats intéressants. C'est dans cette optique qu'il
convient de lire le Tableau 21, repris de la monographie consacrée à la R D A :
on constate que le taux global d'exécution de la norme de production en R D A
est élevé, ce qui montre que la formation acquise par la main-d'œuvre ouvrière
77
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 2 0 . U R S S : degré de satisfaction des ingénieurs quant à leur travail dans l'industrie
(pourcentages)
Par
Attitude envers
le travail
Très satisfait
Satisfait
Indifférent ou sans opinion
Insatisfait
Total
SOURCE
branches d'industrie
Dans l'ensemble
Constructions
Textile et
de l'industrie
mécaniques
légère
21,2
41,6
9,9
27,3
18,7
39,0
de recherche
19,2
43,6
18,8
40,0
32,6
32,0
27,6
23,0
42,8
10,2
24,0
100,0
100,0
100,0
100,0
9,7
100,0
Etablissements
Chimique
9,2
9,6
D . Chuprunov, R . Avakov, E . Jiltsov, op. cit., p. 112.
T A B L E A U 21. R D A : taux d'exécution de la norme de production par un jeune ouvrier,
au cours des six premiers mois d'emploi (pourcentage)
Mois
2
i
Exécution (ensemble)
Limite supérieure
Limite inférieure
SOURCE
96,3
118
41
102,4
121
75
3
4
104,9 104,0
132
131
72
85
5
105,8
125
80
Education, employment and development in the German Democratic Republic, Paris, Unesco: HEP,
6
113,3
126
96
1984, p. 105.
allemande est de haute qualité. D a n s le m ê m e temps, la correspondance optimale entre les connaissances et les savoir-faire acquis dans les établissements
d'enseignement, d'une part, et les exigences du poste de travail occupé par
l'intéressé, d'autre part, peut être réalisée au terme d'un certain laps de temps,
de durée variable selon les individus et nécessaire à l'adaptation aux conditions
de travail, à la familiarisation avec les équipements et les technologies, ainsi qu'à
la bonne maîtrise du « tour de main » particulier à ce poste, etc.
Les valeurs prises par le second indicateur (cf. Tableau 2 2 ) , à savoir la
proportion des pertes de production, ne sont pas moins intéressantes quant à
leur portée pratique, en particulier au cours de cette m ê m e période des six
premiers mois de travail.
Ces données ne témoignent pas seulement de différences au sein de la formation professionnelle de la main-d'œuvre. Elles permettent en outre d'inférer que
le problème de la correspondance se résout grâce aux efforts conjugués du
système d'enseignement et de formation, d'une part, et des divers secteurs de la
production, de l'autre.
Il n'est guère possible d'atteindre la congruence idéale. Et cela est d'autant
plus vrai que le progrès des sciences et des techniques entraîne constamment
tant le vieillissement de certaines connaissances — qui deviennent alors autant
78
Niveau de scolarisation et de formation professionnelle
T A B L E A U 22. R D A : qualité de la production mesurée par le taux moyen de pertes (pourcentages)
Mois
Pertes moyennes
Norme supérieure
Norme inférieure
SOURCE
Education, employment and
1
2
3
4
5
6
1,07
1,13
1,04
1,05
1,15
0,98
1,00
1,08
0,92
0,93
1,02
0,84
0,88
0,96
0,76
0,82
0,88
0,75
de\ 'elopment in the German
Democratic Republic, op'. Cit., p . 106.
de «bagages en excédent» — que l'apparition de nouveaux savoirs qui ne
peuvent prendre place à temps dans les programmes d'enseignement, mais que
les intéressés doivent assimiler si l'on veut atteindre la correspondance à un
autre niveau, si l'on désire que la main-d'œuvre accomplisse correctement les
tâches que l'on attend d'elle.
Certains spécialistes de la question estiment non seulement que la correspondance idéale n'est pas possible, mais encore qu'elle n'est pas souhaitable. Cette
attitude s'explique par le fait que la marge de choix professionnel laissée aux
intéressés serait alors trop étroite, que l'on créerait pour les travailleurs des
difficultés considérables, voire insurmontables, en matière de carrière et de
mobilité professionnelle. Les intérêts du progrès scientifico-technique s'en trouveraient affectés, de m ê m e que ceux des individus concernés \
Pour résoudre avec souplesse le problème de la correspondance entre le
système de formation de la main-d'œuvre qualifiée et les particularités d'une
structure de l'emploi en perpétuelle mutation, divers modèles sont envisagés
dans les pays socialistes. L ' u n d'eux propose la notion de « spécialiste à large
profil », adoptée de fait par l'Union soviétique et d'autres pays socialistes. Il ne
s'agit pas, bien entendu, de former des « généralistes », c'est-à-dire des gens qui
savent « tout » et rien, qui n'ont pas la maîtrise de connaissances en profondeur.
L e modèle ne vise pas non plus à former des spécialistes qui à tout m o m e n t
seraient capables de se réorienter et de modifier leur spécialisation. L'idée
centrale est ailleurs : il s'agit de faire en sorte que les notions acquises dans un
vaste secteur de l'économie soient fondées sur une préparation scientifique
d'ordre théorique général et que, dans le programme de formation, le rapport
entre science fondamentale et science appliqué et spécialisée soit établi en
fonction de l'état d'avancement des savoirs.
Cette conception est fondée sur l'idée que l'activité d'un spécialiste à large
profil est plus efficace au point de vue de la créativité. U n e spécialisation par
trop étroite réduit le champ des intérêts et la disponibilité de l'individu face aux
connaissances scientifiques et techniques qui restent à acquérir. Elle limite sa
capacité d'aborder dans un esprit créateur les potentialités d'amélioration des
processus technologiques, de saisir les perspectives de la production. A cet
égard, le Tableau 23 met en lumière d'intéressants résultats empiriques.
1. Pour plus de détails, cf. J. Timar, L'enseignement supérieur..., op. cit., pp. 54-60.
79
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 2 3 . U R S S : influence d u profil des jeunes spécialistes sur leur activité créatrice
Activité professionnelle
Brevets et
introduction de
projets de
rationalisation
Spécialistes à large profil
Spécialistes à profil étroit
23,1
16,5
Ouvrages publiés
et interventions
Requêtes pour
pendant les
les inventions
conférences
20,7
8,8
55,4
13,2
Autres
N'ont rien
22,3
12,1
32,2
62,1
Activité socio-politique, participation aux travaux
Spécialistes à large profil
Spécialistes à profil étroit
SOURCE
des organes
sociaux élus
des bureaux
de projets de
construction, de
l'organisation
scientifique
du travail, etc.
d'agitateurs
et de
propagandistes
de la presse
locale
43,0
30,8
5,8
8,8
25,6
17,6
11,6
14,3
D . Chuprunov, R . Avakov, E . Jiltsov, op. cit.. p. 114.
L a notion de « spécialiste à large profil » et sa mise en œuvre sont nées à la
suite de la révolution scientifique et technique, qui renforce la tendance à la
« fondamentalisation » de la formation.
D a n s les programmes, cette évolution a pour effet d'élargir la place faite aux
connaissances scientifiques générales, aux disciplines théoriques, tandis que
celle accordée aux cours étroitement spécialisés diminue. D u m ê m e coup, la
proportion entre les diverses disciplines enseignées se modifie sensiblement. L e
problème se pose alors de trouver une proportion optimale qui permette de
former des spécialistes capables de compléter e u x - m ê m e s leur bagage cognitif,
d'apprécier l'importance de l'information reçue, d'apprendre à mettre en œuvre
les connaissances acquises.
80
TROISIÈME PARTIE
Système d'éducation et de planification
à l'époque de la révolution scientifique
et technique
La planification de l'enseignement ne saurait demeurer à l'écart de tout changement. Elle doit prendre en compte les phénomènes nouveaux qui affectent cet
enseignement, qui ne cesse d'évoluer et de se renouveler.
C e constat valait déjà autrefois, lorsque ce processus de transformation s'accomplissait à un rythme moins rapide. Il est d'autant plus valable aujourd'hui,
alors que, rappelons-le, la révolution scientifique et technique pénètre toujours
plus profondément toute la société, et en particulier le système de production
des qualifications d'ouvriers et de spécialistes. Quelle est l'évolution de ce
système et c o m m e n t la planification tient-elle compte des transformations éducatives, avec quelle souplesse et avec quelle efficacité ? Quelles sont les approches les plus marquantes, les plus innovatrices dans ce domaine ? Telles sont les
principales questions auxquelles nous tenterons de répondre d'une façon
succincte.
81
CHAPITRE V
Évolution du système d'éducation :
de l'expansion quantitative
à l'amélioration qualitative
L'accroissement quantitatif n'est plus aujourd'hui l'objectif prioritaire de la
politique éducative des pays socialistes, qui visent plutôt une amélioration
qualitative. Telle est la tendance fondamentale à l'heure actuelle. Cette substitution correspond pleinement au passage actuel de l'économie de ces pays au
modèle de développement intensif. Mais l'amélioration qualitative ne se présente pas de la m ê m e façon pour tous les degrés de l'enseignement. C o m m e n çons par le secondaire, dont la généralisation semble créer des questionnements
nouveaux.
A . Expansion de l'enseignement secondaire général
L'expansion rapide de l'enseignement général long n'est pas une particularité
des pays socialistes, car elle correspond à un phénomène qui se manifeste dans le
m o n d e entier. Mais, c o m m e nous l'avons déjà souligné, ces pays tendent à
généraliser l'enseignement secondaire long, la scolarité obligatoire définissant
moins l'âge atteint que l'accomplissement du cycle d'enseignement.
La réalisation de cet objectif concernant des millions de jeunes suscite du
coup des problèmes nouveaux.
Il y a trois ou quatre décennies encore, la très grande majorité des jeunes qui
avaient achevé leur scolarité secondaire et qui exprimaient le désir de poursuivre leurs études pouvaient le faire sans difficulté majeure. Paradoxalement, bien
que le nombre de places dans les établissements d'enseignement supérieur et
d'enseignement secondaire spécialisé fût, à l'époque, très nettement inférieur à
ce qu'il est aujourd'hui, il suffisait pour répondre à la d e m a n d e sociale. Autrement dit, il y avait un certain équilibre entre, d'une part, le flux des élèves qui,
au terme du secondaire, se proposaient de poursuivre leurs études et, d'autre
part, les capacités d'accueil des établissements, qui, certes, correspondaient aux
besoins du pays. Aujourd'hui, la situation s'est nettement modifiée. Il existe un
réseau d'établissements d'enseignement supérieur et secondaire spécialisé très
important. Mais tant le nombre d'élèves ayant achevé une scolarité secondaire
générale que le nombre de ceux qui désirent poursuivre leurs études ont augmenté beaucoup plus rapidement. D e ce fait, bien que la proportion des
83
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
cohortes qui accèdent à l'enseignement supérieur et à l'enseignement secondaire
spécialisé ait connu une forte croissance, le nombre de jeunes exclus d'un
enseignement de ce type a crû, lui aussi, en valeur absolue autant que relative. Il
est évident que ce nombre connaît de fortes variations d'un pays à l'autre, mais
la nature du phénomène reste la m ê m e .
Il s'agit par conséquent d'une tendance générale, caractéristique de tous les
pays socialistes. L e problème qui se pose pourrait être formulé ainsi: quelle
solution adopter à l'égard de cette masse de jeunes gens qu'il faut diriger vers le
m o n d e du travail à l'issue de leurs études secondaires générales, alors qu'ils ne
possèdent aucune qualification professionnelle, mais seulement une ébauche de
formation qui les oriente peu o u prou vers certaines professions ? Et sous quelle
forme et à la charge de qui vont-ils recevoir une formation professionnelle leur
permettant d'assumer correctement les fonctions correspondant à une spécialité
donnée ? C o m m e n t répondre à la tension socio-psychologique, à l'insatisfaction
et au mécontentement qu'expriment les élèves issus du secondaire lorsqu'ils
échouent à l'entrée d'un établissement d'enseignement supérieur ? Et il n'est pas
rare que cet échec soit dramatisé et vécu c o m m e un véritable échec de carrière.
Rappelons aussi, à ce propos, que les jeunes qui achèvent leurs études secondaire ont, dans leur ensemble, intériorisé de longue date l'idée qu'ils vont
accéder à l'enseignement supérieur ; aussi bien, nombre d'entre eux ne sont
guère préparés à voir les choses prendre une autre tournure. Cela complique
singulièrement la situation. C e qui vient d'être dit peut être illustré par quelques
données relatives à l'expansion de l'école secondaire d'enseignement général
dans certains pays socialistes, et en particulier au rapport entre la cohorte totale
d'élèves arrivés au terme de ce degré et le nombre de ceux qui, la m ê m e année,
poursuivent des études.
Les statistiques hongroises, notamment, permettent de dresser un tableau
relativement détaillé de la situation générale, c o m m e l'indique le Diagramme 5.
O n y voit que les jeunes, au début des années soixante, ont, dans leur très
grande majorité (jusqu'à 75 p. cent), terminé leurs études générales, tandis que
10 p. cent, voire moins, n'ont pas poursuivi d'études au-delà de l'école de huit
ans. D'autre part, nous disposons de données sur le rapport entre les désirs
scolaires et professionnels 1 des élèves et leur situation réelle.
Les résultats obtenus en Hongrie à l'issue de l'école de huit ans (cf. Diag r a m m e 6) témoignent qu'il existe pour tous les types d'enseignement une
réduction des écarts entre les désirs scolaires des élèves et la filière suivie. Quant
aux élèves de l'école d'enseignement général de deux cycles, o n constate que, là
aussi, la différence entre les désirs des élèves et la réalité tend à se réduire,
c o m m e le montre le D i a g r a m m e 7.
Nous retrouvons des phénomènes analogues en Union soviétique. Le fait que,
pendant quelques décennies, le pays a m a n q u é de spécialistes ayant une
1. Il est certain que la notion de « désir » ou de « projet » scolaire et professionnel des élèves est
sujette à des interprétations multiples, parmi lesquelles l'intériorisation des chances objectives
d'atteindre tel o u tel poste, vu l'autosélection, peut être très importante.
84
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Evolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Diagramme 6. Proportion des jeunes ayant terminé l'école générale
de 8 ans et qui continuent leurs etudes : intentions et
réalité en Hongrie.
intention réalités
1967
N e poursuivent
pas leurs études
^
Ecol
secondaires
spécialisées
intention réalités
1971
intention réalités
1975
intention réalités
1980
Ecoles
professionnelles
techniques
Lycées
Source : Janos T I M A R . "L'enseignement supérieur et le développement économique et technique
en Hongrie", op. cit.. p. 77.
K6
Évolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
Diagramme 7. Poursuite des études après le baccalauréat : intentions et
réalité, (Hongrie).
internions réalités
1067
l \ X
^
| ^ _ ^ ^ |
Poursuivent
des etudes
intention* réalités
internions réalités
1971
lTTj|jTTTTl
IliiMlllll
l')75
intentions réalités
1^80
N e poursuivent pas
d'études
Source : Janos T I M A R , op. cit.. p. 1-1(1.
87
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
formation de niveau supérieur a marqué les élèves des écoles secondaires dans
leurs attentes et dans leur orientation. Mais lorsqu'on a c o m m e n c é à procéder à
la généralisation de l'enseignement secondaire général de deux cycles à tous les
jeunes, il est devenu nécessaire de modifier cette tendance. Les mesures prises
en matière d'orientation professionnelle et de préparation à l'entrée dans la vie
active ont retenti sur la proportion de ceux qui quittaient le deuxième cycle
secondaire afin de poursuivre des études soit dans un établissement d'enseignement supérieur, soit dans une école technique, soit dans une école professionnelle 1 . Selon certaines recherches, ce rapport était en 1963-1965 de 4:1:0,
contre 1,8:1:0,2 pour la période de 1968-1973.
L e cas d'une république soviétique fédérée, l'Azerbaïdjan, illustre ce processus. L e Tableau 24 fait apparaître le taux de passage de l'école secondaire vers
l'enseignement supérieur ou vers l'enseignement secondaire spécialisé.
E n 1965, 10 p. cent seulement des élèves issus du secondaire général ne
poursuivaient pas leurs études. Et il est fort probable que la majorité n'en avait
pas l'intention et rejoignait les rangs de la population active. Mais cinq ans plus
tard, la situation change déjà, pour se modifier radicalement au cours des
dernières années : 6 0 p. cent des élèves issus du secondaire — soit quelque
80 0 0 0 jeunes gens et jeunes filles — doivent choisir un emploi sans une
formation professionnelle suffisante.
Ces données succinctes illustrent la complexité des tendances qui marquent
l'enseignement secondaire général dans son expansion. U n e proportion croissante de jeunes aspirent à poursuivre leurs études, à élargir leur culture et à
accroître leur formation professionnelle par la préparation de l'enseignement
supérieur ou secondaire spécialisé.
Si cette demande revêt un caractère positif2 que l'on ne saurait qu'encourager
et relève du droit des jeunes à l'instruction, elle pose en m ê m e temps d'importants problèmes en matière d'absorption de la main-d'œuvre.
Les aspirations scolaires et professionnelles des jeunes issus de l'enseignement secondaire général dépassent à l'heure actuelle les besoins de l'économie
et de la société socialiste dans son ensemble. E n d'autres termes, si aujourd'hui
l'on ouvrait la porte des écoles secondaires techniques et des universités, l'économie ne serait pas en état d'offrir à tous les diplômés un emploi correspondant
à leur spécialisation et à leur qualification et d'assumer ainsi le principe d'une
garantie d'emploi correspondant aux qualifications acquises. D'ailleurs, elle a
besoin d'ouvriers qualifiés. L e système dit de « formation professionnelle et
technique », qui constitue la principale filière préparant ce type de m a i n - d ' œ u vre, ne peut pas encore aujourd'hui couvrir complètement les besoins de l'économie. Il reste donc une masse de réserve constituée par les jeunes gens qui ont
1. Préparant des ouvriers qualifiés.
2. A cet égard, la politique soviétique ne reconnaît pas le bien-fondé des considérations selon
lesquelles le développement rapide pourrait déboucher sur un regrettable excès d'instruction.
Les tenants de cette politique considèrent qu'une société ne peut souffrir d'un excès d'instruction, mais seulement de son insuffisance.
88
Evolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
T A B L E A U 24. R S S d'Azerbaïdjan: taux de passage de l'enseignement secondaire vers
l'enseignement supérieur ou vers les écoles techniques1
Effectifs sortis des écoles
d'enseignement général (en milliers)
Admission dans les établissements
d'enseignement supérieur (en milliers)
Admission dans les écoles
secondaires spécialisées (en milliers)
Total des admissions (en milliers)
Taux de passage (en pourcentage)
37,4
66,3
102,9
130,5
15,2
19,6
20,1
21,4
18,1
33,3
24,6
44,2
25,6
45,7
25,6
47,0
90
60
44
40
1. Ecole technique : établissement relevant de l'enseignement secondaire spécialisé.
S O U R C E L'éducation en Azerbaïdjan soviétique: bilan d'une expérience, Moscou, Ed. du Progrès; Paris, Unesco, 1984, p. 182.
achevé leurs études secondaires générales et ne sont entrés ni dans une école
technique secondaire ni dans un établissement d'enseignement supérieur, et qui
n'ont pas de spécialisation, ni m ê m e un bagage susceptible de les orienter vers
une profession.
C e problème a pris de vastes proportions au cours des années soixante. Les
mesures adoptées à cette époque ont permis à l'école générale de s'imbriquer
plus étroitement dans le tissu de l'activité économique, de renforcer ses liens
avec la production, de mieux répondre aux besoins de l'économie du pays.
Cependant, à mesure que le modèle de développement intensif devenait prédominant, une restructuration de l'école semblait s'imposer. L a réforme adoptée
en avril 1984 1 repose précisément sur l'idée d'un rapprochement entre l'enseignement général et la formation ouvrière. C e rapprochement se fera dans deux
sens : d'une part, il s'agit de renforcer l'orientation et la préparation à l'exercice
d'une profession au sein de l'enseignement secondaire général, afin que les
élèves en sortent ayant la maîtrise des métiers dits « de masse » et puissent sans
difficultés s'insérer dans le m o n d e du travail ; d'autre part, il s'agit de renforcer
au sein de la formation professionnelle et technique l'enseignement des disciplines fondamentales afin de donner aux élèves une culture générale de niveau
élevé.
Il n'est certes pas question de transformer la filière secondaire générale en
une école professionnelle au sens propre du terme, pas plus que l'école professionnelle ne doit assumer toutes les fonctions de l'école générale. Chacune
d'elles conservera ses caractéristiques et fonctions spécifiques, à tout le moins
dans le proche avenir. Et ce n'est qu'à la suite des premières évaluations de la
réforme que l'on pourra déterminer le développement ultérieur des deux
filières.
1. La réforme fut adoptée par le Comité central du Parti communiste de l'Union soviétique et le
Soviet suprême de l'URSS.
89
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
B . Mutations dans le système de formation des spécialistes
L'expérience des pays socialistes a démontré que le système de formation des
spécialistes de haut niveau est étroitement dépendant des progrès des sciences et
des techniques. C'est à la souplesse et à la rapidité de réponse du système au
processus d'industrialisation, au développement des sciences et des techniques,
à toutes les innovations qui surviennent dans l'économie que l'on peut mesurer
l'efficacité tant de la préparation des spécialistes que de leur utilisation pratique.
Cette influence du progrès scientifique et technique comporte d'abord un
élément quantitatif: l'industrialisation accroît massivement les besoins du pays
en main-d'œuvre qualifiée, et plus particulièrement en ingénieurs et techniciens.
A u cours des premières étapes de l'industrialisation, tous les pays socialistes ont
vu leurs besoins en main-d'œuvre de ce type s'accroître rapidement. A mesure
que l'industrialisation se poursuivait, la formation des spécialistes a pris un
caractère de masse pour se stabiliser à un niveau élevé lorsque ces pays abordent
la phase du développement intensif.
E n Union soviétique, par exemple, les établissements d'enseignement supérieur ( V U Z ) ' comptaient 812 000 étudiants durant l'année scolaire 1941 -1942,
contre 127 400 en 1914-1915, soit une multiplication des effectifs par 6,4. A u
cours du quart de siècle suivant, le nombre d'étudiants n'a été multiplié que par
4,7 pour atteindre 3,86 millions. Le chiffre correspondant pour l'année scolaire
1980-1981 est de 5,235 millions: en 15 ans, les effectifs ont été multipliés par
1,3. U n e tendance analogue se dégage quand o n analyse l'évolution du nombre
d'étudiants pour 10 000 habitants. Durant l'année scolaire 1914-1915, on ne
comptait que 8 étudiants pour 10 000 habitants ; en 1940-1941, 41 ; en 19651966, 166, et en 1980-1981, 196. Autrement dit, tandis que l'accroissement de
la population estudiantine se ralentissait, la proportion d'étudiants au sein de la
population continuait d'augmenter.
E n Hongrie, ce processus s'avère plus complexe. Ainsi, jusqu'au milieu des
années cinquante, les effectifs étudiants augmentèrent rapidement pour atteindre 53 000 durant l'année scolaire 1952-1953. Par la suite, on observe une
chute brutale: 44 600 en 1960-1961. A u cours du quinquennat suivant, o n
constate un nouveau bond en avant : le nombre d'étudiants est multiplié par plus
de deux pour atteindre 94 000. Puis on assiste à une nouvelle chute — soit
80 500 inscrits durant l'année scolaire 1970-1971 — suivie d'une reprise de la
hausse jusqu'au m a x i m u m observé durant l'année 1976-1977, où les effectifs
étudiants s'élèvent à 110 500. A compter de cette année scolaire, la tendance
s'inverse et s'accompagne de certaines oscillations. E n 1981-1982, le pays
comptait 102 500 étudiants dans l'enseignement supérieur. L'évolution irrégulière observée en Hongrie se reflète dans celle du nombre d'étudiants pour
10 000 habitants : de 54 en 1955, ce taux tombe à 45 en 1960, pour remonter à
97 en 1980.
Ces fluctuations sont directement liées au processus d'industrialisation du
1. V U Z : sigle couramment employé en russe.
90
Évolution du système d'éducation: de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
pays, lui-même dépendant des modifications apportées à la politique économique. C'est ainsi que l'inversion de tendance observée au milieu des années
cinquante s'explique par la forte réduction des rythmes d'industrialisation à
cette époque. Quant à la faible réduction du nombre d'étudiants constatée au
milieu des années soixante-dix, elle doit être vraisemblablement attribuée aux
effets de la conjoncture mondiale sur l'économie de ce pays.
S'agissant de la République démocratique allemande, on constate que, au
cours des années soixante-dix, le système d'enseignement supérieur y a connu
une expansion régulière. D'après les données relatives à 1979, ce pays comptait
alors quelque 400 000 étudiants contre environ 300 000 en 1970 et 386 000 en
1975. Leur nombre pour 10 000 habitants atteignait en conséquence un niveau
élevé, soit 237, 229 et 178 respectivement pour ces trois dates.
E n Pologne, le tableau est à peu de chose près similaire pour ces années-là.
E n 1979, les établissements d'enseignement supérieur y comptaient environ
614 000 étudiants, contre 575 000 en 1975 et 339 000 en 1970. Pour 10 000
habitants, on dénombrait, à ces m ê m e s dates, 172, 169 et 122 étudiants.
A u total, on peut dire que, durant les années soixante-dix, les rythmes
d'expansion des effectifs de l'enseignement supérieur dans les pays socialistes
ont été au plus haut pour baisser ensuite légèrement. A u cours de la deuxième
partie de cette décennie, ces rythmes se stabilisent dans une certaine mesure, du
fait m ê m e que les efforts fournis précédemment ont permis la mise en place de
systèmes d'enseignement capables, pour l'essentiel, de répondre aux besoins de
la société en matière de spécialistes. Alors que, dans un premier temps, les taux
d'expansion du système d'enseignement supérieur dépassaient ceux de la croissance économique — du fait de la pénurie aiguë en spécialistes —, les deux
évolutions tendent aujourd'hui à se rapprocher. E n d'autres termes, les taux de
cette expansion, si élevés naguère, ne sont plus dictés par les besoins économiques.
C e tassement ne signifie point que les besoins en spécialistes ont diminué : sur
le plan quantitatif, le nombre annuel de diplômés reste considérable et continue
de croître. Il ne signifie pas non plus que l'on rencontre des difficultés à
maintenir des rythmes élevés en matière de formation de ces personnels. La
nouveauté dans ce domaine tient, au moins dans une certaine mesure, à une
nette amélioration des indicateurs qualitatifs, tels que le taux de réussite, caractérisant l'activité des établissements d'enseignement supérieur.
Le Tableau 25, élaboré à partir de statistiques soviétiques, illustre parfaitement les tendances précédentes. Ainsi, en 1965, l'ensemble des établissements
soviétiques de ce niveau ont accueilli 853 700 étudiants nouvellement inscrits, et
403 900 en sont sortis diplômés. E n 1970, ils sont respectivement 911 500 et
630 800, tandis qu'en 1975, pour 993 800 entrants, il existe 713 400 diplômés.
U n simple calcul montre que si, en 1975 par exemple, le rapport entre le
nombre de diplômés et celui des nouveaux inscrits s'était maintenu au niveau de
1965, on aurait atteint non pas 713 4 0 0 spécialistes diplômés, mais 619 800,
c'est-à-dire 93 600 de moins. O n peut voir là l'effet de l'amélioration de l'enseignement pour la seule année 1975.
91
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
T A B L E A U 25. U R S S : indices qualitatifs de l'enseignement supérieur, 1965—1978
Taux de réussite (rapport entre
nouveaux inscrits et diplômés
cinq ans plus tard)
Superficie des locaux (salles
d'enseignement et laboratoires)
dans les V U Z , en mètres carrés
par étudiant à plein temps
N o m b r e d'étudiants par enseignant
N o m b r e d'étudiants par enseignant
ayant un grade scientifique
universitaire
Dépenses budgétaires (État)
sans les frais d'équipement,
par étudiant1 (en roubles)
1965
1970
1975
1978
0,68
0,74
0,78
0,82
7,0
7,5
8,2
8,4
19,0
13,0
12,0
11,0
52,0
38,0
30,0
27,0
781,8
850,1
1 000,8
1 015,0
1. Le nombre d'étudiants — travailleurs fréquentant les cours du soir ou par correspondance -- est évalué sur la base des normes
établies pour les étudiants à plein temps.
SOURCE
D . Chuprunov, R . Avakov. E . Jiltsov, op. cit., p. 135.
Autre indicateur encore, celui du nombre d'étudiants par enseignant titulaire
d'un grade universitaire élevé; si, en 1965, il y avait un enseignant pour 52
étudiants, en 1978, ce rapport est de 1 à 27. Il en est certes résulté une sérieuse
amélioration de la qualité de l'enseignement, due principalement à un meilleur
suivi des étudiants, mais également un accroissement important des coûts.
C'est ainsi que les besoins d'ordre quantitatif ont été couverts grâce à l'amélioration qualitative des indices caractérisant l'instruction dispensée. Telle est la
tendance fondamentale du développement de l'enseignement supérieur en
U R S S pour le futur immédiat. Et c'est ainsi que l'élément qualitatif a acquis un
rôle de premier plan en matière d'éducation, dans la mesure où il répondait
précisément aux exigences de l'étape actuelle de l'histoire des pays socialistes.
C e qui vient d'être dit souligne l'intérêt des analyses portant sur l'action du
progrès scientifique et technique, sur le contenu et la structure de l'enseignement supérieur, sur ses méthodes, sur la manière dont des étudiants réagissent
aux nouvelles conditions qui améliorent leur formation, sans oublier les questions d'ordre quantitatif qui n'ont pas perdu leur actualité.
Pour ce qui concerne le contenu de l'enseignement, nous avons déjà évoqué la
place croissante qu'y occupent les sciences fondamentales. C o m p t e tenu de la
révolution scientifique et technique, le problème de la formation scientifique
générale des futurs spécialistes, de leur culture, des relations entre formation
théorique et formation proprement professionnelle a pris une autre résonance.
A l'époque du développement extensif, la formation des ingénieurs et techniciens mettait l'accent sur les disciplines de leur spécialité dans une perspective
de « professionnalisation » plus o u moins étroite. E n conséquence, on observait
un certain hiatus entre celles-ci et les disciplines scientifiques plus générales,
92
Evolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
entre la formation professionnelle spécialisée et la formation scientifique. L a
culture générale, en particulier scientifique et technique, n'occupait qu'une
place secondaire. Bref, on peut dire que les divers éléments contribuant à la
formation des spécialistes ne suivaient pas une conception d'ensemble.
U n e conception de ce type présupposait en effet que l'on modifiât les proportions entre disciplines scientifiques fondamentales, disciplines relevant du domaine choisi et connaissances et savoir-faire étroitement spécialisés. L a ligne
directrice de cette modification était la suivante : qu'une connaissance approfondie du domaine de la spécialité considérée s'appuie sur une solide formation en
sciences fondamentales.
Il va de soi que les parts respectives de ces composantes des programmes et
des plans d'études ne sont pas dans un rapport constant, établi une fois pour
toutes. Celui-ci varie en fonction du niveau et des objectifs du développement,
ainsi que des caractéristiques de la spécialité considérée. Mais le rapport actuellement en vigueur est caractérisé par une « fondamentalisation » de la formation
des spécialistes. Alors que, d'une part, le volume de l'information mise en
circulation sur le « marché » des connaissances croît de manière continue, et
que, d'autre part, chaque décennie voit la moitié des connaissances acquises par
l'étudiant lors de sa formation initiale se dévaloriser, cette « fondamentalisation » a vocation d'assurer la souplesse et laflexibilitéde l'enseignement supérieur, sa faculté de s'adapter aux exigences de l'emploi présent et futur, de
développer chez l'étudiant les qualités indispensables non seulement à l'acquisition des connaissances, mais encore à l'actualisation de son savoir, à sa capacité
de juger l'importance et l'utilité des informations reçues, à sa canacité de les
systématiser et d'en tirer parti lors de leur mise en pratique.
L a tendance à la fondamentalisation présuppose également l'approfondissement des connaissances en lettres et sciences humaines par les étudiants des
filières de sciences exactes et d'ingénierie. Par ailleurs, pour les étudiants en
lettres et sciences humaines, les mathématiques acquièrent une é n o r m e importance ; en effet, le rôle de ces dernières dans la formation de tous les spécialistes,
quel que soit le domaine choisi, s'accroît considérablement.
Les transformations affectant les curricula ont eu également des effets sur les
méthodes d'enseignement, c'est-à-dire sur le processus m ê m e et sur son organisation. Cela est dû également à la pénétration de la révolution scientifique et
technique dans toutes les activités de la société, qui a considérablement accéléré
le double processus propre aux connaissances scientifiques : le dépassement de
certaines d'entre elles et l'apparition de nouvelles connaissances répondant
mieux aux conceptions actuelles. D e là la nécessité non seulement de rénover
périodiquement le contenu, les programmes et les plans d'enseignement, mais
d'accélérer cette mise à jour, de choisir avec soin l'information destinée à être
transmise aux étudiants, d'optimiser son volume selon certains critères scientifiquement fondés.
C e processus se déroule de manière irrégulière, car le volume des connaissances nouvelles croît plus rapidement que ne vieillissent les connaissances en
vigueur. Mais les programmes d'études ne sauraient être constamment élargis,
93
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
au risque d'un alourdissement excessif. Aujourd'hui déjà, leur volume a atteint
un seuil qu'il est, semble-t-il, difficile de dépasser. Pour autant, on ne saurait
non plus promouvoir des solutions qui consisteraient à prolonger la durée des
études à plein temps. Enfin, il n'est pas toujours nécessaire d'insérer toutes les
connaissances dans les programmes d'études. Ainsi l'idée s'est fait jour que les
établissements d'enseignement supérieur ne peuvent transmettre au futur spécialiste des connaissances qui lui suffiront durant toute sa vie active ; ce n'est
d'ailleurs pas là leur vocation. D ' o ù le besoin de distinguer entre les connaissances fondamentales pour la formation, qui doivent nécessairement figurer aux
programmes, et celles qui peuvent être acquises plus tard par chacun de manière
autonome, dans le cadre de ses activités professionnelles.
Mais comment opérer cette sélection? Quelles sont les modalités à suivre,
compte tenu des difficultés particulières qui caractérisent les conditions dans
lesquelles se développe l'enseignement supérieur et des nouvelles exigences qui,
à tout m o m e n t , lui sont adressées?
L'importance des travaux consacrés à ce domaine illustre bien l'acuité du
problème dans les pays socialistes. Les méthodes qui ressortent de nombreuses
analyses, expérimentations et mises en œuvre progressives se fondent toutes sur
la notion d'intensification du processus d'éducation, aussi bien par l'amélioration des techniques m ê m e s d'enseignement que par le recours aux instruments
et technologies modernes d'acquisition du savoir. Autrement dit, il s'agit — sans
accroître la durée de la formation et sans alourdir les programmes — de donner
aux étudiants des connaissances plus vastes et plus approfondies, d'en faire des
spécialistes détenteurs autant d'une culture générale que d'une culture professionnelle. La démarche choisie consiste à conférer à l'action de l'enseignant sur
les étudiants plus d'impact, plus d'efficacité, afin d'accroître le rendement du
processus d'assimilation des matières enseignées, de permettre à l'étudiant de
saisir en profondeur les principes fondamentaux de sa discipline, de lui faire
comprendre de manière autonome la nature des choses, de lui apprendre à
formuler et à résoudre les problèmes, de lui inspirer une conception dynamique
de son métier.
D e s transformations non moins fondamentales affectent également la structure de l'enseignement supérieur sous l'effet du progrès scientifique et technique. Elles se traduisent par des modifications apportées à la structure des profils
professionnels à laquelle correspond la structure en filières de l'enseignement
supérieur et secondaire spécialisé ; elles se traduisent également par l'apparition
de nouvelles disciplines — en particulier à l'intersection de diverses sciences —,
ainsi que par la création de facultés et d'instituts correspondant à ces enseignements nouveaux. Ces transformations s'expriment enfin par la modification du
poids relatif de telle o u telle spécialité dans l'ensemble, en particulier par le
renforcement du rôle des professions qui se trouvent à la pointe du progrès
scientifique et technique.
Cette évolution apparaît au Tableau 26, qui indique la répartition des étudiants des V U Z de l'Union soviétique selon les grands groupes de spécialités.
E n effet, ce sont les effectifs d'étudiants relevant des domaines les plus
94
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Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
modernes qui ont connu la croissance la plus rapide : électronique, automatisation, production des appareils de précision, etc. Quant aux spécialités plus
traditionnelles — bien que le nombre d'étudiants ait été en augmentation —,
elles ont cédé le pas. Ces données confirment de manière suffisamment convaincante le caractère direct du lien qui unit la structure de l'enseignement supérieur
aux progrès accomplis par les sciences et les techniques.
A cet égard, les éléments de l'étude hongroise consacrés à la question sont
très révélateurs (cf. Tableau 27). L'auteur a pleinement raison d'écrire : « L e fait
qu'en 1937-1938, plus de 4 2 p. cent des étudiants de l'enseignement supérieur
étaient inscrits en faculté de droit et que moins de 9 p. cent suivaient les cours
des facultés du génie montre bien quel était le retard social et économique de la
Hongrie capitaliste d'avant-guerre. Depuis ce temps, les chiffres se sont presque
inversés. A u cours de l'année scolaire 1980-1981, 5 p. cent des étudiants de
l'enseignement supérieur fréquentaient les facultés de droit et 3 0 p. cent avaient
choisi des spécialités techniques (industrielles). L e développement exceptionnel,
à partir de la fin des années cinquante, de la formation de futurs enseignants est
une autre caractéristique des changements survenus.
« E n Hongrie, et en général dans les pays socialistes, la structure de l'enseignement supérieur par spécialités diffère considérablement de celle en vigueur
dans les pays capitalistes développés. E n fait, dans les pays socialistes, les
étudiants des disciplines techniques (industrielles) représentent de 3 0 à
40 p. cent des effectifs, tandis que dans les pays capitalistes développés, ce
pourcentage tombe pour la moitié. » 1
La question se pose de savoir dans quelle mesure la structure des effectifs
étudiants peut suivre la structure de l'emploi et les modifications qu'y apporte le
développement scientifico-technique. Il existe, en effet, certains décalages.
D ' u n e part, l'éventail des emplois est plus vaste et plus varié que le système
d'enseignement. D'autre part, les « consommateurs » de spécialistes — en particulier les entreprises — préfèrent que ce système s'oriente plus vers la structure
actuelle de l'emploi. Enfin, dans le processus de développement, naissent de
nouvelles disciplines qui exigent de nouvelles spécialisations. O r , ce p h é n o m è n e
revêt un grand intérêt pour le personnel enseignant, qui y voit une possibilité de
promotion professionnelle et d'ouverture de carrière.
L a complexité du problème de décalage tient également au fait qu'on ne peut
guère trouver de critères suffisamment précis et sûrs permettant de repérer les
variantes optimales d'une structure rationnelle tant de la formation professionnelle que de l'emploi.
Par ailleurs, il n'est pas sans intérêt de savoir c o m m e n t les étudiants évaluent
leur formation. Dans quelle mesure se préoccupent-ils des aspects qualitatifs,
c o m m e n t définissent-ils leur identité future en tant que spécialistes ? O n ne peut
accorder ici beaucoup de place à cette question, qu'on se bornera à illustrer par
un exemple.
S'interroger sur la valeur de la formation des spécialistes renvoie en fait au
1. J. Timar, L'enseignement supérieur..., op. cit., p. 121.
96
Évolution
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97
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
problème des qualités, autant professionnelles que civiques, qu'il est indispensable de transmettre aux étudiants. A cet égard, il peut être utile de prendre
connaissance des résultats d'une enquête m e n é e parmi les étudiants de dernier
cycle dans neuf établissements soviétiques d'enseignement supérieur (cf. T a bleau 28). L a question posée était la suivante: «Quelles sont les qualités que
doit posséder un diplômé d'un établissement d'enseignement supérieur qui
répondent aux besoins d'un spécialiste de nos jours ? Donner à chaque qualité
une note allant de 1 à 5 (5 points : note supérieure ; 1 point : note inférieure). »
C o m m e il ressort de ce tableau, les étudiants mettent en avant la profondeur
des connaissances professionnelles et, dans une moindre mesure, le sens moral.
Mais ils prisent également des qualités telles qu'une culture sociale de b o n
niveau et la capacité de travailler en équipe. Les étudiants partent donc du point
de vue qu'un spécialiste est n o n seulement un professionnel, mais encore un
organisateur, un éducateur, un h o m m e dont les exigences et les besoins d'ordre
culturel sont vastes.
C.
L a formation des spécialistes dans u n pays plurinational
E n pratique, chaque société se heurte au problème que pose l'existence de
minorités nationales dans ses multiples aspects, dont celui de la formation
professionnelle.
Cette question s'est posée dans les pays socialistes dès les premiers jours de
leur existence. Elle a pris une acuité particulière en Union soviétique du fait de
sa constitution en Etat plurinational. D e s dizaines de peuples et de nations y
avaient connu jusque-là une condition coloniale ou semi-coloniale et certains ne
possédaient pas m ê m e une langue écrite, pour ne rien dire d'une intelligentsia.
L'expérience vécue par l'Union soviétique, telle qu'elle est illustrée dans le cas
d'une de ses républiques fédérées, l'Azerbaïdjan, servira à étayer quelques
considérations générales que l'on formulera ici.
E n Union soviétique, la formation des spécialistes et, de manière plus large,
celle de l'intelligentsia dans les diverses républiques à niveau de développement
T A B L E A U 28. U R S S : qualités du spécialiste ; évaluation faite par les étudiants ;
appréciation (en pourcentage par rapport aux réponses)
Qualités du spécialiste
1. Connaissances professionnelles
approfondies
2. Hautes qualités morales
3. Haute culture sociale
4. Savoir travailler dans un
collectif et créer des
rapports sociaux à l'intérieur
de celui-ci
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3 pts
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2,2
0,9
0,2
1,8
0,7
57,1
29,3
9,3
2,3
2,0
D . Chuprunov, R . Avakov, E . Jiltsov, op. cit., p. 136.
Moyenne
4,82
4,53
4,5
4,32
Évolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
extrêmement bas, à l'époque de la soviétisation, furent considérées c o m m e
partie intégrante de la question nationale, c'est-à-dire c o m m e l'un des problèmes politiques majeurs. Aussi la question de la formation des cadres nationaux
fut-elle inscrite dans la politique de développement du premier Etat socialiste.
Autrement dit, l'intérêt m ê m e de la création de cet Etat, en tant qu'ensemble,
exigeait des niveaux de développement à peu près similaires dans toutes ses
parties constitutives, une division équitable du travail dans laquelle chaque
participant jouirait des m ê m e s droits dans tous les domaines.
Sur le plan économique, il s'agissait d'insérer toutes les régions sous-développées dans le processus d'industrialisation et celui de restructuration de l'agriculture, selon les principes d'une modernisation d'ordre à la fois social et économique. Cette nécessité découlait du principe que l'industrialisation est indivisible
et que la révolution culturelle ne saurait être partielle. L'une et l'autre ne
pourraient réussir qu'à la condition de pénétrer tous les coins du pays, d'affecter
chaque sphère d'activité, d'embrasser tous les peuples concernés et toutes les
couches de la population.
Les résultats de la politique économique mise en œuvre par l'Union soviétique — qui visait, parmi ses objectifs majeurs, à la liquidation du retard économique des anciennes régions coloniales de l'empire tsariste et à l'égalisation de
leurs niveaux de développement, en les amenant à celui des régions avancées —
sont présentés au Tableau 29. Malgré le relatif maintien des disparités entre
certaines républiques fédérées, les écarts se sont réduits de manière significative.
Actuellement, elles sont toutes des régions hautement industrialisées o u agroindustrielles.
T A B L E A U 29. U R S S : quelques résultats du développement économique par république en 1981
Fonds fixes productifs
par habitant (roubles)
URSS
RSFSR
Ukraine
Biélorussie
Ouzbékistan
Kazakhstan
Géorgie
Azerbaïdjan
Lituanie
Moldavie
Lettonie
Kirghizie
Tadjikistan
Arménie
Turkménistan
Estonie
4,6
5,3
4,0
4,0
2,5
4,7
3,3
3,0
5,0
3,5
5,4
2,7
2,0
3,1
Taux de croissance
de la production
Taux de croissance
de la production
industrielle (1922 = 1)
agricole (1922 = 1)
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479
275
700
414
904
293
138
61'
901
46'
688
875
1 007
26,7
6,0
206
50'
5,2
4,1
5,0
5,7
11,8
12,8
13,5
12,3
2,0
3,3
1,5
10,8
14,2
9,7
10,7
1,7
1. 1940 = 1.
SOURCE
Etabli à partir de L'économie de ¡URSS,
1922-1982...,
op. cit.. pp. 70, 71. 75.
99
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Sur le plan socio-politique, il s'agissait de créer des institutions garantissant la
souveraineté des républiques soviétiques, dans le cadre d'un seul Etat, et l'égalité totale quant à leur participation à la direction de celui-ci, en assurant leurs
intérêts en tant qu'entité nationale. D ' o ù la formation d'une nouvelle c o m m u nauté historique — le peuple soviétique — qui, d'une part, incarnait tout ce qui
unit les peuples et les nationalités de l'Union, et, d'autre part, conservait à
chacun d'eux sa spécificité nationale et les particularités culturelles nées de son
histoire.
Sur le plan culturel, il s'agissait de créer les conditions propices à l'épanouissement des cultures nationales, à leur mise en contact et à leur enrichissement
mutuel. La politique m e n é e à cet effet s'appuyait en premier lieu sur le principe
d'une culture soviétique par son contenu et nationale dans sa forme. Cette
politique impliquait, d'autre part, des rythmes de développement de la culture et
de l'éducation plus rapides dans les régions moins avancées. Les données du
Tableau 30 permettent d'en tirer la conclusion suivante : à l'échelle de toute
l'Union soviétique, des niveaux d'instruction à peu près similaires ont été
atteints dans les diverses républiques.
D a n s cette évolution socio-économique et culturelle, dans les efforts entrepris
pour égaliser les niveaux de développement à travers tout le pays, liquider
l'analphabétisme et élever le niveau général d'éducation de la population des
diverses républiques fédérées, la formation des spécialistes a revêtu une importance de premier plan, en particulier dans les régions nationales jadis les moins
développées. La stratégie adoptée en matière de croissance économique partait
du principe qu'en ce domaine un Etat multinational ne peut connaître une
évolution normale et réussie qu'à la condition de viser des niveaux de développement similaires pour toutes les régions nationales qui le composent. Le
système d'éducation, à son tour, devait s'adapter à cette stratégie, mieux m o d e ler sa structure et son évolution sur celle de l'économie. Cette conception
impliquait que soit m e n é e une politique éducative visant à former des spécialistes dans toutes les régions nationales et à les recruter au sein de tous les peuples
et nationalités.
Les Tableaux 31 et 3 2 résument le chemin parcouru et les résultats obtenus
par les républiques soviétiques dans la formation des spécialistes. L a mise en
perspective des tendances caractérisant le développement socio-économique de
l'Union soviétique et des républiques qui la composent montre que les interrelations entre économie et système de formation des spécialistes impliquent un
élément important. Loin de viser seulement à un équilibre global, la manière
dont ce système fonctionne dans les régions à minorités nationales et le degré de
leur participation au progrès des sciences et des techniques acquièrent une
importance particulière.
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103
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
D . L a recherche scientifique au sein d u système de formation
des spécialistes
Bien qu'il existe dans les pays socialistes un réseau de centres de recherche
scientifique autonomes, les établissements d'enseignement mènent eux aussi des
activités de recherche scientifique. Actuellement, celles-ci sont fortement encouragées et stimulées. Le renouvellement accéléré des connaissances sous
l'effet de la révolution scientifique et technique rend nécessaire l'organisation
des activités de recherche au sein du système d'éducation, et en particulier au
sein des établissements d'enseignement supérieur.
Tout d'abord, un lien entre le processus d'enseignement et la recherche
scientifique est indispensable à l'amélioration de celui-ci sur le plan qualitatif.
Cette conjonction constitue le seul moyen efficace pour introduire dans l'enseignement les nouvelles idées, conceptions et théories en cours d'élaboration qui
autrement auraient tardé à être transposées en contenu didactique dans les
manuels et autres matériels pédagogiques. D'autre part, il y a grand intérêt à
faire participer les étudiants à des recherches, à leur donner le goût d'un travail
s'adressant à l'imagination. Cela permet notamment d'en faire des spécialistes
rompus à ce type d'activité créatrice. D e plus, c'est là l'occasion de repérer,
parmi les étudiants, les plus aptes, les plus motivés, afin qu'ils poursuivent des
études pour devenir chercheurs.
Enfin, un nombre considérable de chercheurs et de scientifiques exercent
dans les établissements d'enseignement, qui sont ainsi à m ê m e d'apporter une
contribution non négligeable à la solution des problèmes scientifiques et techniques. Ici l'avantage tient également au fait que de très nombreux étudiants
peuvent y être associés ; et le potentiel scientifique des instituts et facultés s'en
trouve accru d'autant.
Malgré leur caractère incontestable, ces considérations ne signifient pas qu'en
pratique les avantages énumérés ne s'accompagnent de complications. D e fait,
les établissements d'enseignement supérieur se heurtent à bon nombre de problèmes relatifs à l'organisation et au développement de travaux de recherche.
L'un d'eux tient au fait que les programmes d'études — considérés c o m m e
activité principale — sont fréquemment si chargés qu'ils laissent fort peu de
temps pour des recherches approfondies. D e là le danger qu'un fossé ne se
creuse entre les fonctions d'enseignement et les fonctions de recherche. Dans ce
cas-là, c'est avant tout le programme de recherche qui en souffre, soit qu'on
l'ampute, soit qu'on le réalise de manière formelle, superficielle, débouchant sur
de maigres résultats.
U n autre problème tient au coût croissant des machines et des équipements
nécessaires aux recherches, en particulier à celles qui mettent en œuvre une
technologie de pointe. D e telles installations ne sont pas toujours à la portée des
budgets des établissements d'enseignement supérieur ( V U Z ) . D ' o ù le danger
pour ceux-ci de glisser vers des travaux de peu d'envergure ou de faible portée
en passant à côté des problèmes clés de la science contemporaine.
Notons enfin que la structure organisationnelle de ces établissements, avec
104
Evolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
leur division en chaires correspondant aux objectifs et aux particularités du
processus d'enseignement, ne convient guère à la poursuite de travaux de
recherche. Les inconvénients de ce système deviennent particulièrement visibles
dans le cas de recherches interdisciplinaires.
Par quels moyens peut-on surmonter les difficultés de ce type dans les systèm e s d'éducation, tels qu'ils sont structurés dans les pays socialistes — en particulier dans le domaine de la formation des spécialistes —, en vue de mieux
conjuguer enseignement et recherche ? La question revêt d'autant plus d'intérêt
que le potentiel scientifique des V U Z tend à croître constamment, pour atteindre de vastes dimensions. Ainsi, en Union soviétique, le système d'enseignement supérieur regroupe environ le tiers des travailleurs scientifiques du pays ;
quant à la proportion des candidats et docteurs es sciences, elle y est encore plus
élevée : près de la moitié. Le Tableau 33 retrace la croissance continue des
cadres scientifiques et pédagogiques dans l'enseignement supérieur soviétique.
Il faut toutefois souligner qu'auprès de nombreux V U Z a été créé un institut
spécial destiné à la recherche scientifique. A l'heure actuelle, le n o m b r e de ces
établissements s'élève à 58. Leur création permet de surmonter l'obstacle créé
par la division en chaires distinctes, et ils peuvent donc se charger de tâches
importantes. Dans la m ê m e perspective, 1 500 laboratoires ont également été
créés auprès des V U Z .
Nous pouvons juger, d'après les données relatives à la Hongrie (cf. Tableau
34), la manière dont s'établissent les relations entre le potentiel scientifique des
instituts relevant de l'académie et celui des centres de recherche spécialisés,
d'une part, et les universités et autres V U Z , de l'autre.
Précisons qu'en Hongrie, les établissements d'enseignement supérieur occupent un tiers des scientifiques du pays. Toutefois, compte tenu de la fraction de
leur temps qu'ils consacrent aux activités de recherche, leur pourcentage réel est
évalué à 18,3 p. cent du total. Quant aux dépenses effectuées par chercheur,
elles sont en conséquence moindres dans le système d'enseignement supérieur
que dans le réseau des établissements de recherche proprement dits.
A l'échelle nationale, les V U Z jouent certes, dans la recherche, un rôle
modeste qui pourrait sans aucun doute être élargi. E n tous les cas, l'optimisation
de la contribution de l'enseignement supérieur au progrès des sciences et des
techniques constitue au niveau politique un sérieux problème pour le pays.
T A B L E A U 33. U R S S : nombre de cadres scientifiques et pédagogiques de l'enseignement supérieur
(en milliers)
Total des chercheurs et enseignants
Ayant un grade scientifique
de docteur es sciences
de candidat es sciences
SOURCE
1965
1970
1975
1980
221,8
349,0
410,0
466,1
7,4
66,0
11,6
110,1
15,0
146,0
17,5
174,1
D . Chuprunov, R. Avakov, E. Jiltsov, op. cit., p. 129.
105
Education, progrès technique, industrialisation : experience des pays socialistes
T A B L E A U 34. Hongrie: répartition de la recherche scientifique par type d'établissement en 1978
Recherches dans
Instituts de
recherche
autonomes
N o m b r e de chercheurs
N o m b r e de programmes de recherche en cours
N o m b r e de livres publiés
N o m b r e d'articles publiés
N o m b r e de modifications de brevets
N o m b r e de brevets déposés
Voyages scientifiques à l'étranger
Budget de fonctionnement
Budget de développement
Budget total
N o m b r e de techniciens pour 100 chercheurs
Dépenses de R & D par chercheur (en milliers de florins)
SOURCE
50,9
25,8
28,9
36,9
16,6
27,5
45,6
52,0
61,9
53,7
90
347
Autres centres
les universités
et les grandes
de recherche
écoles
30,8
5 1,5
12,0
13,9
81,1
62,4
29,0
37,2
31,4
36,2
149
557
18,3
22,7
59,0
49,2
2,3
10,1
35,4
10,8
6,7
10,1
57
301
Janos Timar, op. cit.. p. 132.
Il convient enfin de préciser qu'en réalité la part des V U Z dans les travaux de
recherche est fort probablement supérieure à ce que les données précédentes
donnent à entendre. L e fait est que celles-ci ne prennent en compte ni la
participation des étudiants, ni celle des «aspirants», c'est-à-dire des étudiants
préparant une thèse de candidat es sciences \ O r , leur contribution est loin
d'être négligeable et s'accroît continuellement.
Prenons à ce propos, par exemple, le cas de l'Union soviétique. E n 1980,
selon les informations disponibles, plus de 2,4 millions d'étudiants ont pris part à
diverses formes de recherche scientifique, représentant plus de 80 p . cent des
étudiants suivant une scolarité à temps plein. E n 1976-1979, quelque 6 500
certificats d'auteur ont été remis à des étudiants ; 81 0 0 0 articles de revues ont
été publiés sous la signature d'étudiants du supérieur et les résultats des recherches menées par des étudiants ont donné lieu à 58 0 0 0 innovations mises en
pratique. Dans de nombreux V U Z , les activités de recherche des étudiants sont
organisées au sein de bureaux d'études et de projets, ou encore de centres
technologiques étudiants, dont le nombre s'élève déjà à 300, faisant participer
plus de 120 000 personnes. Certains mènent des travaux directement en prise
sur les problèmes d'actualité que pose l'économie nationale. D e manière générale, cette forme de coopération constitue la caractéristique principale des
recherches scientifiques menées par les étudiants soviétiques.
Il faut encore mentionner la participation des « aspirants » à l'avancement des
sciences et des techniques. L e système de l'«aspirantura» 2 existe dans divers
1. Equivalent de la thèse du 3 e cycle.
2. Il s'agit d'un système de formation des chercheurs de haut niveau où les aspirants élaborent la
première thèse post-universitaire, qui donne lieu au premier titre scientifique : candidat es
sciences.
106
Évolution du système d'éducation : de l'expansion quantitative à l'amélioration qualitative
pays socialistes. Le réseau de l'enseignement supérieur concerne à lui seul
50 p. cent de tous les aspirants. Mais déjà en cours d'études, ils travaillent sur
des thèmes présentant un intérêt incontestable pour la recherche scientifique.
Soulignons à ce propos que le principal critère de choix d ' u n sujet de thèse est
avant tout son caractère d'actualité sur le plan théorique c o m m e sur le plan
pratique.
Les réformes entreprises dans les pays socialistes en matière de formation des
spécialistes ont souligné l'importance de la recherche c o m m e l'une des fonctions
essentielles des établissements d'enseignement supérieur. C'est ainsi qu'en
1978, l'Union soviétique a adopté une résolution sur « l'amélioration de l'efficacité des travaux de recherche dans les établissements d'enseignement supérieur». U n e attention particulière y est accordée aux questions posées par la
concentration des forces et des moyens propres à orienter la recherche scientifique selon les axes prioritaires et à améliorer la planification et la coordination
des travaux en R & D . D'autre part, certaines des mesures envisagées visent à
créer dans les V U Z des conditions plus favorables à leurs activités de recherche,
notamment en augmentant les effectifs d'encadrement et en réduisant quelque
peu les charges d'enseignement proprement dites. Dans un document récent —
« Les grandes orientations de la modification de l'enseignement supérieur et
secondaire spécialisé » x — proposé par le comité central du P C U S , il est
demandé d'augmenter considérablement la contribution de la recherche menée
dans l'enseignement supérieur à la solution des problèmes de développement du
pays. Il est en particulier exigé de multiplier le volume de la recherche fondamentale par deux et celui de la recherche-développement expérimentale par
trois ou quatre au m i n i m u m dans les années à venir.
E n ce qui concerne la participation des établissements d'enseignement supérieur à l'avancement des sciences et des techniques, nous pouvons distinguer
deux périodes. A l'époque de l'industrialisation, la nécessité s'est fait sentir
d'étendre le réseau des instituts de recherche spécialisés, qu'il s'agisse de ceux
relevant de l'Académie des sciences ou de ceux placés sous la tutelle des divers
ministères. Quant au système d'enseignement supérieur — sous l'effet de ce
m ê m e processus d'industrialisation —, il devait avant tout concentrer ses efforts
sur la formation des spécialistes, tandis que les activités de recherche tendaient à
une relative stagnation. Mais l'essor pris par la révolution scientifico-technique,
en mettant en avant la nécessité de concentrer la recherche dans les centres
conçus spécialement à cet effet, a aussi induit u n élargissement décisif de ce type
d'activité dans les établissements d'enseignement supérieur, et avant tout un
renforcement de son efficacité.
1. Pravda, l" juin 1986.
107
CHAPITRE VI
Modèle de développement intensif
et planification de l'éducation
La planification de l'éducation et de la formation professionnelle constitue un
processus dynamique et — si l'on peut dire — « sensible ». Il est dynamique dans
la mesure o ù il évolue sans cesse, et en renouvelant ses formes et ses méthodes.
Il est « sensible » dans la mesure où il réagit aux moindres transformations qui
affectent l'objet m ê m e de la planification et l'environnement socio-économique
de celui-ci. Cela est particulièrement vrai s'agissant des grandes transformations
qualitatives, telles que l'entrée de l'économie sur la voie d u développement
intensif. L a planification ne saurait rester à l'écart d'un p h é n o m è n e de portée
aussi radicale, elle a évolué sous l'effet de ces transformations. Quelles furent
ces nouvelles modalités dans les pays socialistes? Telle est précisément la
question à laquelle nous tenterons de répondre dans le présent chapitre.
L'entrée de l'économie dans la phase du développement intensif a suscité,
entre autres, la nécessité de renforcer les liens entre la production et le système
d'éducation et de formation professionnelle, en particulier des spécialistes : il a
fallu chercher des méthodes qui rendent ces liens solides et durables et rapprochent l'école de l'entreprise, de ses besoins et de ses perspectives. Il s'agissait
d'élaborer des méthodes de planification perfectionnées en vue du développement du système d'éducation et de formation professionnelle, en articulation
avec le progrès scientifico-technique, tant au niveau macro-économique q u ' à
celui de chaque entreprise particulière.
A . L'entreprise et l'établissement d'enseignement :
deux partenaires dans les « conditions nouvelles »
Rappelons que par le terme « conditions nouvelles », on désigne ici le processus
d'intensification du développement économique qu'engendre, dans les pays
socialistes, l'évolution des sciences et des techniques. D e fait, il s'agit bien d'une
situation nouvelle, dont les effets se sont fait sentir sur les rapports qu'entretiennent l'établissement d'enseignement et l'entreprise — sur leurs formes, leur
intensité, leur adéquation —, sur la manière dont il convient d'assurer la planification conjointe du développement de ces deux partenaires. Exposons ce processus de manière plus concrète.
108
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
D a n s les pays socialistes, les liens entre économie et éducation et — sur le
plan micro-relationnel — entre les entreprises et les établissements s'occupant
de former ouvriers ou spécialistes ne sont pas nouveaux. Ils existaient déjà
auparavant, dès les premières étapes du développement, pour prendre plus tard
un caractère planifié déterminé institutionnellement. L a différence tient à ce
qu'à l'époque de croissance extensive de l'économie, la grave pénurie de spécialistes faisait que les exigences des entreprises avaient avant tout un caractère
quantitatif : il s'agissait d'obtenir le plus grand nombre possible de spécialistes.
Aujourd'hui, l'entreprise a la liberté de choix, dans la mesure où elle se trouve
beaucoup mieux pourvue en personnel qualifié. Désormais, elle exprime des
exigences plus strictes, d'ordre qualitatif: le « profil » du spécialiste, sa capacité
d'adaptation aux conditions changeantes de la production et à des technologies
nouvelles, sa créativité, etc. Tout cela stimule le développement des liens directs, immédiats entre les entreprises et les établissements d'enseignement, liens
qui répondent d'ailleurs aux intérêts des deux partenaires.
Quelles sont les modalités mises en œuvre en vue d'une articulation entre ces
deux instances ? Trois périodes peuvent être distinguées à ce propos :
— la période des études ;
— l'achèvement de celles-ci et l'obtention du diplôme ;
— la période d'adaptation professionnelle.
Durant la période des études, les liens entre l'entreprise et l'établissement
d'enseignement ont pris la forme d'une collaboration visant l'élaboration et la
réalisation du programme de formation des spécialistes, en particulier du prog r a m m e relatif aux stages pratiques, bref, à l'organisation et à la mise en œuvre
de tout le processus d'apprentissage dans ses diverses composantes. C e processus a abouti à l'introduction de la notion d'entreprise dite «de base», avec
laquelle les établissements d'enseignement entretiennent des relations privilégiées pour l'organisation et la mise en œuvre de l'apprentissage.
Les relations de ce type, loin d'être informelles, se traduisent dans un contrat
conclu le plus souvent pour cinq ans, c'est-à-dire pour la période d'études d'une
promotion. Cet accord définit tout le programme portant sur la formation
pratique des étudiants sur une base annuelle. Les stages en entreprise acquièrent
par conséquent un caractère organisé, ce qui en élève la qualité, permettant à
l'entreprise d'assurer une meilleure préparation de l'accueil, par exemple en
désignant à l'avance les spécialistes chargés d'encadrer et de contrôler tout le
déroulement de cette partie des études.
Pour les établissements d'enseignement, cette méthode a également pour
avantage de mettre à leur disposition les installations les plus modernes et les
locaux de l'entreprise de base, et de leur procurer une aide pour l'équipement de
leurs laboratoires et salles de travaux pratiques.
U n autre élément intéressant de cette coopération est la création dans les
entreprises d'une chaire — • dite elle aussi « de base» — où les meilleurs ingénieurs assurent l'enseignement de certaines disciplines particulières. Cette activité se conjugue avec la participation des étudiants à divers cycles de production.
Le fait que pendant toute la durée des études, les meilleurs ingénieurs de
109
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
production et de recherche de l'entreprise soient chargés d'activités pédagogiques a des conséquences importantes sur le plan de l'apprentissage. Cela permet
de transmettre aux étudiants les connaissances les plus récentes en matière de
technique et de les familiariser avec certaines installations modernes, avant
m ê m e que les innovations en question ne trouvent place dans les manuels. Par
ailleurs, cette forme de coopération est intéressante dans la mesure où elle
permet d'alléger les manuels de tout ce qui peut être transmis directement aux
étudiants par ceux qui avancent des idées et des solutions nouvelles, là où ces
innovations technologiques se concrétisent. Ainsi, les étudiants qui sont les
spécialistes de demain — et dont beaucoup iront probablement travailler dans
l'entreprise de base — sont associés au processus d'élaboration et de mise en
place des équipements et dispositifs nouveaux auxquels ils auront affaire.
D a n s le m ê m e temps, ces modalités d'apprentissage, en se déroulant dans les
départements m ê m e s de l'entreprise, rapprochent au m a x i m u m les étudiants et
élèves des systèmes de travail réels. Loin de se limiter à un e x a m e n passif des
équipements et des nouvelles machines, cette méthode consiste à faire travailler
les étudiants avec ces installations : ils peuvent ainsi les tester, en vérifier par
e u x - m ê m e s le fonctionnement, réparer des dispositifs défectueux, etc. Grâce à
ces méthodes, les départements de production de l'entreprise prolongent presque l'établissement d'enseignement, qui en devient ainsi partie intégrante.
Cependant, cette collaboration étroite ne signifie nullement une professionnalisation des établissements d'enseignement, ni une subordination aux objectifs de
production. L a préparation des ouvriers et des spécialistes ne perd nullement ses
fonctions d'ordre académique et culturel. A u contraire, elle se débarrasse de
l'excès d'académisme dont o n lui fait fréquemment grief.
Quant aux entreprises, elles aussi ont tout à gagner à ces liens permanents
avec les établissements d'enseignement créés par des contrats à long terme.
Et, de fait, de quoi l'entreprise a-t-elle avant tout besoin ? D e recruter sans
heurts des spécialistes de qualification poussée, connaissant bien leur métier, à
qui l'on peut confier des tâches de responsabilité sans qu'ils aient besoin d'une
longue période préalable d'adaptation ou d'une importante mise au point de la
formation reçue. L'entreprise a tout intérêt à connaître d'avance les ingénieurs
et techniciens qui iront y travailler, et cela non pas à l'aide d'un entretien et d'un
curriculum vitae, mais grâce à cette période d'activité associant études et production. Elle préfère embaucher de jeunes spécialistes correspondant à la spécificité de son activité, qui aient reçu leur « baptême » de la production avant
m ê m e d'être recrutés et qui se soient pénétrés de l'esprit de l'entreprise, qui en
aient saisi les objectifs et soient conscients des liens qui unissent leur carrière et
l'avenir de celle-ci.
Il va de soi que pour l'entreprise, cette participation au processus pédagogique n'est pas de toute simplicité, car elle exige u n surcroît de démarches et de
travail organisationnel. Les problèmes qu'elle doit prendre en compte sont
nombreux : ses obligations et responsabilités s'en trouvent accrues, d'autant plus
qu'elle doit accorder une place particulière à cette fonction dans ses plans
d'extension et de modernisation. Toutefois, si elle parvient ainsi à obtenir
110
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
l'essentiel — à savoir renforcer les rangs de son personnel d'ingénieurs et de
techniciens grâce au recrutement de jeunes spécialistes d'avenir hautement
qualifiés —, alors ce surcroît de travail sera largement rentabilisé.
Les liens directs entreprise-établissement d'enseignement confèrent à la première un avantage supplémentaire. Les contacts continus entretenus avec le
corps enseignant favorisent en effet l'enrichissement et le renouvellement des
connaissances théoriques des ingénieurs et des techniciens. D'abord, c o m m e on
le verra plus loin, l'établissement d'enseignement est censé superviser directement le stage que le jeune diplômé accomplit dans les entreprises. Ensuite,
celles-ci ont la possibilité de faire bénéficier les m e m b r e s du personnel d'une
formation complémentaire, en vue d'améliorer leur qualification grâce à l'aide
des établissements d'enseignement, qui organisent à cet effet des actions de
formation de durée variable dont se chargent leurs meilleurs enseignants.
Au stade d'achèvement des études, lorsque le jeune diplômé doit quitter
l'établissement qui l'a formé, les liens entre celui-ci et l'entreprise acquièrent
une signification particulière. D e s représentants de l'entreprise de base et d'autres entreprises « consommatrices » de la « production » scolaire prennent directement part à l'orientation des jeunes spécialistes vers un emploi.
N o u s reviendrons sur les modalités de placement des jeunes spécialistes, qui
constituent, dans les pays socialistes, une des caractéristiques majeures de la
planification de l'éducation et de la formation professionnelle. Il s'agit ici
d'évoquer les modalités de coopération entre les entreprises et les établissements d'enseignement dans ce domaine. Notons que, pour cette analyse, nous
recourons pour l'essentiel à des informations relatives à l'Union soviétique, qui
possède à cet égard une expérience particulièrement riche.
Certains éclaircissements s'imposent tout d'abord. L e vocable de « jeune
spécialiste » ne se réfère pas à une classe d'âge. D a n s la terminologie de la
planification soviétique, c'est là une notion bien précise, concernant tout spécialiste venant d'achever des études dans un établissement d'enseignement. Bien
entendu, il s'agit le plus souvent, en effet, d'une personne jeune. Toutefois,
l'essentiel est ailleurs : la notion de « jeune spécialiste » implique ici certaines
obligations qui s'imposent tant à l'intéressé lui-même qu'à l'entreprise à laquelle
il sera affecté.
D a n s l'ensemble, une seule obligation est faite aux diplômés au m o m e n t où ils
quittent l'enseignement : travailler trois ans durant au poste que désigne une
commission spéciale d'affectation, constituée au sein de chaque établissement
d'enseignement, qui examine la question avec l'intéressé. A u demeurant, l'exam e n et la décision interviennent à l'avance, quelques mois avant la fin des
études, afin que l'étudiant, qu'il vienne d'une école secondaire spécialisée ou
d'un établissement d'enseignement supérieur, puisse mieux connaître l'entreprise concernée.
Les obligations concernant l'entreprise d'affectation sont beaucoup plus c o m plexes : fournir au jeune diplômé u n emploi correspondant à sa spécialité et à
son niveau de qualification et lui procurer de nombreux autres avantages, créer
les conditions propices à l'épanouissement de ses facultés créatrices et le loger
111
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
gratuitement. L'administration de l'entreprise ne peut le licencier durant les
trois années qu'il doit passer dans celle-ci sans autorisation du ministère de la
branche concernée.
Déjà complexe par lui-même, le problème de l'affectation des spécialistes se
complique à l'heure actuelle du fait des modifications fréquentes et profondes
qu'engendre le progrès scientifico-technique dans l'encadrement de la production. Il en résulte certaines discordances entre la structure de formation et celle
des besoins des entreprises en personnel de ce type. Il arrive fréquemment
qu'entre le m o m e n t où l'entreprise fait connaître la liste des spécialistes dont
elle aura besoin et celui où cette « c o m m a n d e » prend acte, la modernisation de
l'établissement concerné modifie fortement sa situation en matière de structure
des personnels. Certes, en formulant sa c o m m a n d e , l'entreprise tente de prendre en compte les modifications probables liées au progrès technique. Mais la
réalité vient constamment corriger les prévisions. D e là des inadéquations et des
contradictions tant sur le plan macro-économique que sur celui des entreprises
considérées individuellement : dans certains cas, le nombre de spécialistes
excède les besoins ; dans d'autres, la situation s'inverse.
A cela s'ajoutent des problèmes que nous examinerons ultérieurement, relatifs à l'adaptation des jeunes spécialistes au m o m e n t de leur insertion professionnelle.
Pour tenter de réduire les discordances de ce type, deux dispositifs ont été mis
en place en Union soviétique :
— L e premier concerne la date d'affectation des jeunes diplômés. R é c e m m e n t
encore, celle-ci avait lieu six mois avant la fin des études. L a tendance est
maintenant à l'allongement de ce laps de temps. L a résolution de juillet
1979 propose de «procéder à l'affectation plus précocement, soit de un à
trois ans avant que les étudiants ne quittent leur lieu d'études, et d'assortir
cette mesure d'une planification désormais quinquennale de l'affectation des
étudiants avec communication de ces plans aux entreprises c o m m e aux
établissements d'enseignement ».
— L e second s'applique aux contacts directs entre l'établissement d'enseignement et l'entreprise au moyen de contrats. Chaque accord doit nécessairement être pris en compte dans le plan global de répartition des spécialistes
diplômés à l'échelle de chaque république c o m m e à celle de toute l'Union.
Enfin, il convient d'évoquer les formes que prennent les liens entre l'établissement d'enseignement et l'entreprise au stade de l'adaptation professionnelle du
jeune spécialiste, lorsque, une fois diplômé, il aborde les obligations de son
premier emploi. C e problème d'adaptation n'est pas nouveau, mais son contenu
se modifie à mesure qu'évoluent l'organisation de la production, les technologies et la structure des professions. Toute sa complexité tient ici à ce qu'études et
emploi sont deux formes de travail possédant chacune sa spécificité. Elles se
déroulent dans des conditions différentes, dans un environnement professionnel
et social propre à chacune d'elles, etc. Aussi, m ê m e si le système de formation
des ouvriers et des spécialistes avait été organisé selon les systèmes de travail, il
n'aurait pas pu prendre en compte toutes les différences et les particularités des
112
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
entreprises individuelles et donner à voir, dans l'enceinte de l'école, comment
on travaille en entreprise : à cet égard, seule l'activité professionnelle elle-même
peut servir d'apprentissage. D e là toutes les difficultés que rencontre le spécialiste qui — une fois son diplôme en poche — aborde le m o n d e de la production
et fait ses premiers pas dans la vie active : il lui m a n q u e les habitudes que
confère la pratique, il ne peut pas encore s'insérer dans un collectif de travail et
l'organiser, et il est sans doute quelque peu décontenancé par le changement
qu'implique le passage du m o n d e des études à celui de la production, etc.
C o m m e n t faire pour l'aider à surmonter ces difficultés, à trouver sa place, à
s'adapter plus rapidement aux rythmes de l'entreprise? L a solution adoptée
dans les pays socialistes consiste à organiser un stage obligatoire d'un an après
l'obtention du diplôme.
O n examinera ici cette méthode d'adaptation professionnelle à l'aide de
l'exemple d'un diplômé d'un établissement d'enseignement supérieur soviétique.
La tutelle du stage incombe au ministère de la branche concernée, qui, de
concert avec celui de l'Enseignement supérieur et secondaire spécialisé, élabore
des programmes types de stages, définit leur durée selon les diverses spécialités
et contrôle son bon déroulement.
Chaque stage suit un plan individualisé où sont indiquées toutes les tâches que
le jeune diplômé est tenu d'accomplir. Par exemple, les ingénieurs diplômés
doivent suivre 1'« école du jeune ingénieur », qui est une forme de stage. C'est là
le premier degré d'une préparation destinée aux ingénieurs appelés à remplir
des fonctions d'encadrement et qui est divisée en deux parties :
— une partie théorique comportant des séminaires d'une durée de 4 0 heures
environ ; cette formation implique que les jeunes diplômés suspendent leurs
activités professionnelles ;
— une partie pratique où le travail s'accomplit directement dans les divers
départements de l'entreprise à des postes d'ingénieur ou de technicien, sous
la direction d'un responsable choisi à cet effet parmi le personnel le plus
expérimenté et le plus qualifié.
Dans les entreprises où travaillent au moins dix jeunes spécialistes ayant une
formation de niveau supérieur ou secondaire, un « conseil des jeunes spécialistes » est mis sur pied, chargé de les assister dans leur insertion professionnelle.
Dans le cadre de ce conseil, une série de mesures définies au préalable visent à
aider les jeunes diplômés à se familiariser avec la production et à acquérir les
habitudes d u travail pratique, à les insérer dans l'activité des clubs et associations scientifico-techniques, à les amener à participer aux conférences sur les
techniques et les sciences ainsi qu'aux cours consacrés aux innovations technologiques et aux nouveautés scientifiques les plus récentes ; enfin, à les associer au
travail de rationalisation et d'invention, ainsi qu'à l'assimilation du fonctionnement des installations nouvelles. C e conseil est censé aider ceux qui font
preuve de compétence en matière de recherche à aborder des études de 3 e cycle
(« aspirantura ») et à mener déjà certains travaux de recherche pertinents pour
la production, etc.
113
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Les résultats de stage de chaque jeune spécialiste sont soigneusement examinés et évalués, ce qui représente un m o m e n t particulièrement important et grave
de la vie professionnelle et sociale de celui-ci. C'est pourquoi l'entreprise crée
une commission spéciale chargée d'examiner ces résultats et présidée par le
directeur de l'entreprise ou son adjoint. Cette commission comprend des représentants des départements de production ainsi que du Parti, de l'organisation de
jeunesse (Komsomol), du syndicat et du conseil des jeunes spécialistes. Elle
examine l'ensemble des questions ayant trait à la mise en œuvre du plan
individuel de stage, sollicité l'opinion du responsable de l'encadrement du jeune
spécialiste sur la qualité des travaux de stage, sur ses connaissances pratiques,
sur ses qualités d'organisation, etc. Elle examine par ailleurs les propositions et
remarques émanant du jeune spécialiste concernant le fonctionnement de l'entreprise.
Tout le déroulement du stage s'effectue sous les auspices tant de l'entreprise
que de l'établissement d'enseignement. Cela permet l'élaboration de recommandations concernant aussi bien l'amélioration de l'enseignement supérieur
que la qualité m ê m e du système des stages. Enfin, l'évaluation formulée par la
commission sert de base aux recommandations concernant la poursuite de la
carrière du jeune diplômé, les départements où il pourrait être utilisé le plus
rationnellement, ainsi que la question de savoir dans quelle mesure il pourrait
assumer des fonctions de direction dans l'entreprise.
B . L e système des études post-grade
Le volume des connaissances, dans presque tous les domaines, se renouvelle
pour moitié tous les cinq ou six ans. Par conséquent, un ingénieur, un technicien
qui souhaite que son activité soit fructueuse et efficace, loin de pouvoir compter
sur le seul bagage de connaissances acquis dans les murs de son institut, doit se
mettre à jour systématiquement. Autrement dit, la poursuite des études après
l'obtention d'un diplôme est devenue une nécessité absolue, considérée désormais c o m m e partie intégrante de l'activité professionnelle.
D a n s les pays socialistes, les spécialistes sont tenus d'élever leur qualification
par tel ou tel moyen, d'approfondir leur spécialisation en suivant des cours
conçus à cet effet ou de compléter leurs connaissances dans des domaines non
prévus par les programmes d'études mais qui se révèlent nécessaires à l'exécution de leur travail. Notons enfin la nécessité de former, grâce à la reconversion
et à la réorientation des spécialistes en activité, un personnel dans les nouveaux
domaines qui émergent à la suite du progrès des sciences et des techniques. Les
facultés créées au sein des établissements d'enseignement supérieur pour couvrir ces nouveaux domaines comportent des programmes complets dont la durée
varie de cinq à six ans. L'avantage des actions de formation visant à la reconversion, d'une durée peu importante, est de répondre aux besoins ad hoc de
l'économie.
Dans les pays socialistes, la tendance à transformer les études post-grade en
une pratique régulière et obligatoire s'étend progressivement à toutes les profes-
114
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
sions. C'est ainsi qu'en République démocratique allemande, une loi de 1965
stipule que « les diplômés des universités et ceux des instituts de technologie
sont tenus d'acquérir les connaissances et l'expérience nécessaires à leur travail,
grâce à une formation permanente » 1. L e Ministère de l'Enseignement supérieur et de l'Enseignement technique publie u n catalogue énumérant tous les
dispositifs permettant de poursuivre des études pendant le quinquennat, une fois
le diplôme acquis. U n supplément annuel indique les actions de formation
organisées durant l'année.
E n Hongrie et en Union soviétique, il y a déjà longtemps que des décisions
ont été prises au niveau national, obligeant les spécialistes de nombreuses
professions à suivre tous les quatre ou cinq ans des séminaires de mise à jour et
de perfectionnement. Ils sont organisés par des centres de formation complémentaire créés au sein des établissements d'enseignement supérieur, des instituts de perfectionnement de branche ou interbranches, des ministères, des
entreprises, des universités o u des grandes écoles. Ces dispositions concernent
les ingénieurs, les médecins, les enseignants. Ainsi, chaque année, un cinquième,
voire un quart, des effectifs se recycle grâce à divers dispositifs créés à cet effet,
dont certains bénéficient en interrompant leur activité professionnelle, d'autres
en la poursuivant.
Pour les ingénieurs, l'un des dispositifs les plus répandus dans ce domaine est
l'institut de branche, qui relève soit d'un ministère, soit d'un organisme spécialement créé à cet effet. E n Hongrie, ce type de formation est l'affaire d'un Conseil
pour le perfectionnement des ingénieurs qui coordonne l'activité des établissements d'enseignement supérieur ; ceux-ci organisent chaque année environ 500
actions de formation que suivent 20 000 personnes. N o m b r e de séminaires
analogues sont dispensés sous l'auspice d'organisations professionnelles.
L'Union soviétique compte plus de 50 instituts de branche relevant des ministères, chargés d'actions de perfectionnement et de recyclage et relayés par quatrevingts «filiales». Des associations productives, des entreprises industrielles et
d'autres organisations encore déploient elles aussi une activité du m ê m e type
sous la forme de 400 séminaires de recyclage pour ingénieurs et techniciens. C e
système de formation continue englobe par ailleurs 63 facultés spécialisées
auprès des universités et grandes écoles, dont 11 sont destinées aux cadres
dirigeants de l'économie.
A u cours des années récentes, le recyclage des ingénieurs économistes a fait
l'objet d'une attention particulière. Dans cette profession, en effet, l'écart entre
la formation reçue et l'éventail beaucoup plus vaste des activités requises sur le
lieu de travail est particulièrement marqué. Cet écart tient au fait que, si leur
formation est satisfaisante sur le plan des connaissances fondamentales, elle
présente des lacunes en ce qui concerne le fonctionnement m ê m e de l'entreprise. Il s'avérait ainsi nécessaire d'organiser des actions de formation destinées
1. Education, employment and development in the German Democratic Republic, op. cit., pp. 120121.
115
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
à donner une vue plus approfondie de l'organisation de la production au niveau
des ateliers, des entreprises et des associations d'entreprises.
E n Hongrie, la formation post-grade existe depuis longtemps non seulement
pour les ingénieurs économistes, mais encore pour certaines autres catégories
d'ingénieurs, notamment les agronomes, pour les juristes et les médecins. D a n s
certains cas, il s'agit d'une obligation, dans la mesure où l'exigent des raisons
d'ordre professionnel. D a n s d'autres, la formation se poursuit sur une base
volontaire, en dehors de toute réglementation juridique, mais les spécialistes
suivent activement les formations correspondantes, dans la mesure où cela leur
confère des avantages importants en matière de promotion.
Nous avons déjà évoqué le système de réorientation destiné à former le
personnel nécessaire aux secteurs de pointe nés des progrès rapides des sciences et des techniques. Il s'est fortement développé en Union soviétique sous
forme de cours d'une durée de deux ans (dans la modalité plein temps), sanctionnés par un diplôme. C e dispositif fait l'objet d'une grande attention dans la
mesure où toutes les conditions sont assurées aux participants pour qu'ils puissent en tirer le meilleur profit. C e système est une conséquence directe de la
révolution scientifique et technique et l'un des moyens de résoudre les problèmes d'encadrement. Y participent un nombre important de chefs d'entreprise
et d'atelier, ainsi que des ingénieurs de haut rang. Créé seulement au début des
années soixante-dix, il a rapidement étendu ses activités. Ainsi, durant l'année
scolaire 1979-1980, 4 0 établissements d'enseignement supérieur comptaient
chacun une faculté spéciale dont les participants s'élevaient à 6 000 dirigeants
et cadres.
Il convient de souligner que ce système de formation continue — quelles
qu'en soient les formes particulières — est planifié, notamment lorsqu'il s'agit
des actions de perfectionnement à caractère obligatoire pour certaines catégories de spécialistes. Sur le plan organisationnel, la planification des méthodes
mises en œuvre dans les actions de formation continue relève des ministères
correspondants, sous la direction du Ministère de l'Enseignement supérieur et
secondaire spécialisé. Ces instances définissent également le nombre des participants, le nombre et la structure du personnel enseignant, la durée des études, les
locaux et matériels nécessaires, le volume des crédits.
Les indices planifiés du système de formation continue pour les spécialistes
sont tributaires du développement prévu de la branche correspondante. Ils
reposent sur un examen soigneux de l'expérience acquise en matière d'organisation de la production et de la direction. Il s'agit en effet de fixer plus correctement la périodicité de l'enseignement et de mieux l'organiser, en tenant compte
de la spécificité des tâchés professionnelles que rencontre chaque catégorie de
participants, selon la spécialité et les postes qu'elle occupe.
L'efficacité du système de formation permanente destiné aux spécialistes
dépend dans une large mesure de la coordination des nombreuses formes qu'il
adopte et des rapports établis avec les établissements d'enseignement supérieur.
116
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
E n Union soviétique, ces rapports ont fait l'objet des dispositions ' particulières
adoptées en 1978. Celles-ci visent à transformer les instituts, facultés et instances de perfectionnement en centres d'étude et de diffusion des acquis scientifiques et techniques et des recherches de pointe en matière d'organisation de la
production ; à en faire une source de qualification toujours plus poussée pour les
spécialistes, un lieu de promotion de l'efficacité des collectifs de producteurs.
L e problème de la formation permanente dans le cadre du système des études
post-grade est de nouveau posé en Union soviétique dans le document déjà cité,
« Les grandes orientations de la modification de l'enseignement supérieur et
secondaire spécialisé ». D'après ce document, c'est à l'établissement de l'enseignement supérieur qu'incombe la responsabilité d'assurer à ses sortants le
renouvellement des connaissances pendant toute leur vie. U n grand objectif y
est formulé : généraliser le système des études post-grade à tous les spécialistes,
et de façon périodique.
C.
Méthodes de planification de l'éducation
et de la formation professionnelle
L'une des caractéristiques qui fondent la planification, dans une société socialiste, tient à son caractère global: les plans tendent à porter sur toutes les
sphères de l'activité nationale et à les unir étroitement. O n admet en effet que
seule une approche de ce type confère à la planification son sens véritable et son
efficacité. Si la société se fixe pour objectif un développement fondé sur un plan
élaboré à l'avance, cette finalité n'a de sens que si l'on planifie toutes les
composantes de cette évolution, ou à tout le moins les plus fondamentales
d'entre elles. O n comprend qu'ainsi posée, la tâche que l'on s'est donnée exige
une étroite corrélation des plans de développement de chaque composante et le
respect par ceux-ci des proportions bien précises qui leur ont été assignées.
Autrement dit, il est impératif qu'aucun secteur ou sphère ne puisse faire l'objet
d'un plan isolé, déconnecté des autres. Cette exigence concerne aussi les plans
établis aux différents niveaux : local, régional et central. Chaque plan partiel —
qu'il porte sur tel secteur, tel niveau ou tel territoire — est traité c o m m e partie
intégrante du plan d'ensemble national de développement.
C o m m e n t alors parvenir à un équilibre en évitant les dissonances, et rendre
possible un développement rationnel et optimal? O n saisit mieux l'intérêt de
cette tâche et sa portée internationale si l'on considère que cette société dispose
de ressources limitées, qui ne peuvent être exploitées sans que l'on observe une
stricte économie.
C'est en cherchant une réponse à cette question posée au planificateur que les
pays socialistes ont élaboré l'idée des balances (ou « bilans »), qui a connu un si
1. Cette décision prévoit également la création d'un Conseil interadministratif auprès du Ministère
de l'Enseignement supérieur et secondaire spécialisé, qui dispose de vastes pouvoirs en vue de
coordonner l'activité des divers ministères portant sur l'amélioration de la qualification des
spécialistes occupés dans l'économie nationale.
117
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
vaste champ d'application. Cette notion et cette pratique sont devenues la base
de la planification, u n instrument essentiel permettant d'organiser plans sectoriels et autres plans partiels en un seul plan d'ensemble de développement socioéconomique. C'est au m o y e n d'une balance que s'élabore tout le système des
indicateurs quantitatifs et qualitatifs étroitement liés qui servent à caractériser la
situation de départ (diagnostic) c o m m e les résultats attendus (prospective),
c'est-à-dire le niveau de développement escompté pour la période considérée,
ses rythmes et son échelle, ses conditions et ses proportions. Parmi les nombreuses balances, celle du travail (ressources de main-d'œuvre/emplois) — en particulier les sections relatives à la planification de l'éducation et à la formation des
spécialistes — occupe une place particulière. Toutes ces balances sectorielles
sont regroupées en u n balance générale du travail, dite aussi « balance des
ressources de travail» (main-d'œuvre).
Cette balance s'élabore en liaison avec les dimensions, les rythmes et les
perspectives de développement de la production matérielle et des services. C'est
là la condition de base dont le respect doit permettre d'assurer le plein emploi
sous l'angle quantitatif et qualitatif et l'utilisation rationnelle des ressources en
main-d'œuvre. L a balance contient aussi les données de départ (les calculs)
destinés à orienter la planification de l'éducation et la formation des spécialistes.
Par ailleurs, dans chaque pays, il est tenu compte de la structure du système
national d'éducation et de formation des spécialistes, en particulier en ses
«points chauds», là o ù il s'agit de l'achèvement de tel o u tel cycle o u de tel
degré d'enseignement. D u m ê m e coup, le planificateur voit mettre aussi à sa
disposition les données nécessaires à l'attribution d'un poste aux diplômés des
établissements d'enseignement de divers types et niveaux.
C'est au début des années trente que les balances de travail font leur apparition en Union soviétique. Depuis lors, elles ont connu une évolution relativement complexe qui a bénéficié par la suite de l'expérience d'autres pays socialistes. Cette évolution fut tout à la fois extension et approfondissement : d'une
part, la sphère d'application des balances de main-d'œuvre s'est étendue ; d'autre part, on s'est efforcé d'en perfectionner la qualité et la technique de mise au
point. A ce propos, il convient de noter le rôle très important qu'ont joué les
modèles économétriques dans l'établissement des balances. L e recours à ces
modèles économico-mathématiques a permis de donner une meilleure description des liens mutuels qui s'établissent entre besoins de main-d'œuvre (par types
d'emplois, professions, niveaux d'instruction et qualifications, etc.), d'une part,
et les perspectives de développement de l'économie nationale, ainsi que de ses
transformations structurelles attendues, d'autre part.
C o m m e l'a montré l'expérience soviétique, le recours aux modèles m a t h é m a tiques pour l'établissement des balances — en particulier dans le domaine de
l'enseignement supérieur — s'est révélé particulièrement efficace dans l'accomplissement des tâches suivantes :
— planification « à la sortie » du sous-système de l'enseignement supérieur :
détermination des besoins de l'économie en spécialistes de formation supérieure ;
118
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
— planification « à l'entrée » du sous-système de l'enseignement supérieur :
détermination des nouveaux entrants en vue de répondre aux besoins en
spécialistes, compte tenu de la demande sociale émanant de la population en
matière d'enseignement supérieur ;
— planification du développement du sous-système d'enseignement supérieur
lui-même : détermination de sa capacité de « production » maximale en vue
de satisfaire les besoins prévus en spécialistes ;
— planification des ressources et des dépenses indispensables au sous-système
d'enseignement supérieur ;
— planification du plan d'études en liaison avec l'état d'avancement des sciences et des techniques.
A l'aide des modèles mathématiques, il est possible d'accomplir les tâches
analogues qu'impose la planification du système de l'enseignement secondaire
spécialisé.
C o m m e on l'a déjà noté, la planification du système d'enseignement supérieur, ainsi que de l'enseignement secondaire spécialisé, a pour pivot central la
détermination des besoins de l'économie nationale en spécialistes. C e n'est
qu'en s'appuyant sur le calcul de ces besoins que le planificateur s'efforce de
résoudre les problèmes relatifs à la production de qualifications. Mais il faut
rappeler qu'il ne s'agit là nullement d'une approche étroitement économique et
que l'extension du réseau de ces enseignements n'est pas uniquement subordonnée aux besoins de l'économie en main-d'œuvre qualifiée. Lors de la formation
des spécialistes, on tient également compte des besoins de la population, en
particulier de la demande émanant à titre personnel des jeunes ayant achevé
leurs études.
C'est à de sérieuses difficultés que l'on se trouve confronté lorsqu'il s'agit de
calculer les besoins du pays en spécialistes, tels qu'ils découlent des perspectives
de son développement en matière socio-économique, scientifico-technique et
culturelle. Pour les surmonter, les pays socialistes ont recours à toute une série
de méthodes. Trois de celles-ci sont d'un usage particulièrement répandu :
— la méthode dite normative ;
— la méthode de la nomenclature ;
— la méthode du «taux de saturation».
D a n s la pratique, les planificateurs procèdent à deux types d'estimation des
besoins en spécialistes : calcul des « besoins généraux » et calcul des « besoins
supplémentaires». C e sont là deux notions fort simples mais importantes qui
confèrent à la planification plus de clarté et de précision.
Par «besoins généraux», on désigne tous ceux relatifs aux spécialistes des
catégories, profils et qualifications nécessaires à la réalisation des travaux prévus
au plan de développement pour la période considérée. Cet objectif du plan est
calculé au niveau de toutes les subdivisions territoriales, ainsi qu'à celui de
l'entreprise, de l'institution, de l'organisation.
Par « besoins supplémentaires », on entend ceux qui concernent les spécialistes qu'il est nécessaire de former en plus de ceux qui étaient présents au début
de la période pour laquelle o n dresse le plan, afin d'atteindre le niveau des
119
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
besoins généraux. Il s'agit donc de la différence entre les besoins généraux et le
nombre de spécialistes au début de la première année du plan. Soulignons que,
là encore, l'accent est mis essentiellement sur l'aspect qualitatif des besoins.
L'indicateur relatif aux besoins supplémentaires joue un rôle particulier dans
la planification de la main-d'œuvre. C'est lui précisément qui sert de base pour
orienter l'évolution du système de formation professionnelle, esquisser sa structure, en déterminer les principaux flux par secteur et spécialisation, etc. A u
total, la notion de besoins supplémentaires englobe :
— le nombre de spécialistes qu'il est nécessaire de former, compte tenu de
l'accroissement de production prévu au plan ;
— le nombre de spécialistes qu'il est nécessaire de former pour remplacer ceux
qui, pour telle ou telle raison (retraite, décès), quittent leur activité professionnelle ;
— le nombre de spécialistes qu'il est nécessaire de former afin de remplacer une
partie des «praticiens», c'est-à-dire des personnes qui, sans posséder la
formation ad hoc, occupent néanmoins un emploi de spécialiste diplômé, et
de compenser aussi la réduction naturelle du nombre de ces « praticiens »
(remplacement de ceux qui quittent normalement leur emploi).
D e ces trois composantes, c'est la première — le nombre supplémentaire de
spécialistes requis par une production en expansion — qui exige les calculs les
plus complexes et nécessitant la plus grande dépense de travail. Ceux-ci partent
d'une analyse soigneuse des plans de développement de chaque entreprise,
groupe d'entreprises et branche, à tous les échelons : local, régional, central. Il
s'agit de déterminer combien de spécialistes et de quelles professions seront
nécessaires pour les entreprises, les bureaux d'études et de projets, les instituts
de recherche et de développement nouvellement créés, compte tenu du paramètre du progrès scientifique et technique, de celui des fonctions de direction qui se
font plus complexes, etc. Quant à la sphère non productive, les besoins supplémentaires en spécialistes y sont déterminés à proportion de la croissance d é m o graphique, de l'évolution du système d'éducation et de formation de ces personnels, de celle du système de santé publique ainsi que du secteur des services.
Les calculs effectués pour connaître les trois composantes mentionnées cidessus s'appuient sur l'examen des processus socio-démographiques : comportement social des spécialistes, motifs du choix de telle filière par les individus,
divers facteurs favorables ou — au contraire — défavorables à la mobilité
professionnelle, évolution de l'inclination des jeunes pour tels o u tels types de
profession. O n ne saurait, par exemple, ignorer une certaine désaffection de la
jeune génération pour les études de techniciens, au début des années soixantedix, qui s'est manifestée dans plusieurs pays socialistes.
Lorsqu'il s'agit de calculer les besoins courants et supplémentaires en spécialistes à m o y e n et long termes, la question centrale posée au planificateur d'un
pays socialiste est de savoir c o m m e n t , dans ses projections, il va tenir compte du
progrès technique, de son action sur l'évolution des structures de l'emploi, de la
formation professionnelle, des qualifications. A des degrés divers, dans les trois
méthodes énumérées plus haut, o n s'efforce de tenir compte de ce facteur
120
Modèle de développement intensif et planification de l'éducation
d'importance cardinale. Toutefois, c'est la méthode dite du « taux de saturation » qui est — relativement parlant — la plus efficace et à laquelle il convient
de faire ici toute la place qui lui revient, compte tenu du thème de la présente
étude. Quant aux deux autres, le lecteur peut en prendre connaissance de
manière détaillée dans certaines publications antérieures de l'IIPE \
Par souci de clarté, on exposera d'abord ce qui fait l'essence m ê m e des
méthodes destinées au calcul des besoins en spécialistes. L a technique de la
nomenclature repose sur la liste des emplois à pourvoir en spécialistes possédant
une formation supérieure o u secondaire, e n fonction de la nature et de la
complexité des tâches considérées. Cette liste — ou nomenclature — est dressée
dans chaque entreprise, institution ou organisation et doit, en principe, être
systématiquement révisée en fonction des modifications structurelles qui affectent la production et l'emploi. L e vocable de « taux de saturation » désigne une
réalité plus simple encore : c'est la proportion de spécialistes dans l'ensemble
des travailleurs d'une branche donnée, d'une association d'entreprises ou d'une
entreprise. Il s'exprime par le nombre de spécialistes pour 1 0 0 0 (ou 10 000)
travailleurs. Il va de soi que cette estimation prend en compte la profession et la
qualification propres de chacun.
Lorsque l'on détermine le taux normal de saturation, il est indispensable de
considérer que certains facteurs accroissent les besoins en spécialistes, et donc le
taux de telles ou telles entreprises. C'est le cas de la croissance de la production,
ainsi que des progrès scientifiques et techniques (mécanisation et automatisation
de la production, introduction de matières premières, de matériaux ou encore de
procédés techniques innovants, de la production d'objets de meilleure qualité,
de l'extension de l'activité de R & D ou des dispositifs d'expérimentation, etc.)
ou de l'augmentation du n o m b r e d'équipes.
Mais il existe d'autre part des facteurs qui réduisent les besoins en spécialistes : améliorations apportées au système d e direction et d'organisation de la
production (étoffement ou, au contraire, liquidation de petits départements
d'entreprise, introduction d'un système de direction sans subdivision en ateliers
dans les entreprises de taille modeste, restructuration d'entreprises ou d'organismes de faible dimension, etc.), modification des normes de travail des spécialistes, introduction de l'organisation scientifique du travail des cadres et spécialistes occupant des fonctions dirigeantes, mécanisation des méthodes de gestion
et de certaines activités d'ingénieur avec élévation concomitante de leur productivité, meilleure utilisation des spécialistes, qui sont alors affectés à des postes
correspondant pleinement à leur profession, ce qui les libère de tâches annexes
qui ne sont pas de leur ressort et ne demandent pas une formation spécialisée de
niveau secondaire ou supérieur.
Le caractère multiple °t contradictoire de l'influence exercée par ces facteurs
sur le taux de saturation nécessaire de l'économie en spécialistes nécessite que
l'on fixe celui-ci pour la période planifiée en recourant aux méthodes des
1. Planification de l'éducation en URSS, Unesco/IIPE, Paris, 1 9 6 7 ; Système de l'éducation en
URSS: planification et développement récent, Unesco/IIPE, Paris, 1981.
121
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
estimations opérées par voie d'expertise, c'est-à-dire par des spécialistes c o m p é tents dans les matières considérées et familiers de ce type de projections. A cet
effet, on utilise des méthodes spéciales de formalisation de l'information préalablement rassemblée.
E n général, la méthode d'expertise se conjugue avec une procédure de regroupements statistiques et le choix d'une entreprise type (modèle) (cf. Tableau
35). D e cette manière, on tente de prendre en compte les perspectives des
progrès scientifiques et techniques et leur influence sur la structure de l'emploi
et des qualifications. O n distingue ensuite les étapes suivantes du calcul des
normes applicables au taux de saturation en spécialistes :
— groupement des entreprises de la branche ;
— choix de l'entreprise type dans chacun de ces groupes ;
— élaboration du tableau-monogramme de corrélation entre taux de saturation
et facteurs pertinents dont il dépend.
Le regroupement des entreprises s'effectue sur la base d'une analyse des
facteurs qui caractérisent le volume et l'échelle de production, le niveau des
techniques en usage et la complexité des produits fabriqués, le niveau d'organisation du travail et de direction. Le choix des facteurs servant de critères à ce
regroupement dépend des conditions propres à chaque branche. Par exemple,
dans celle des constructions mécaniques, sont pris en considération les facteurs
suivants : niveau technique et type d'organisation des procédés de production,
complexité des produits obtenus.
U n e condition indispensable au regroupement des entreprises consiste à
respecter une certaine similitude entre celles qui entrent dans chacune des
catégories ainsi formées. Par conséquent, les entreprises sont classées dans
chaque branche selon leur sous-branche d'appartenance et, au sein de celle-ci,
T A B L E A U 3 5 . U R S S : regroupement des entreprises selon les critères de nature organisationnelle et
technique et estimation du nombre d'ingénieurs et de techniciens par groupes
d'entreprises (pour 1 000 personnes relevant du personnel industriel/productif)
Prédominance
d'une production
de haute qualité
Prédominance
d'une production
de première qualité
Prédom inance
d'une prod uction
de seconde qualité
Particulièrement complexe
189
Complexe ou simple
145
176
146
141
112
141
124
129
123
108
100
91
85
Complexité de la
production fournie
Production en séries courtes
ou en exemplaires uniques
Production en séries
Particulièrement complexe
165
Complexe ou simple
140
Production de masse ou en grandes séries
Particulièrement complexe
118
Complexe ou simple
115
N O T A II s'agit de chiffres fictifs.
S O U R C E D . Chuprunov, R . Avakov, E . Jiltsov, op. cit., p. 184.
122
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
selon la structure de l'organigramme et d'autres critères encore. Lorsqu'il s'agit
de choisir l'entreprise type dans chaque groupe, il est indispensable de respecter
les exigences suivantes :
(a) nature c o m m u n e ou similaire de la production caractéristique au sein du
groupe d'entreprises considéré ;
(b) choix, dans ce groupe, des entreprises de pointe quant aux critères de
fonctionnement : celles possédant la meilleure organisation du travail, de la
production et de la direction.
Le choix de l'entreprise type revêt une importance cruciale pour la détermination correcte du coefficient de saturation en spécialistes pour chaque groupe
d'entreprises. Cette entreprise modèle est soumise à une analyse approfondie de
la manière dont les spécialistes s'y trouvent répartis et utilisés dans les divers
postes. Sa structure de l'emploi et des qualifications est considérée c o m m e une
norme (typique) pour toutes les entreprises du groupe considéré.
Les avances techniques, la comparaison des résultats qu'elles permettent
d'obtenir, le perfectionnement des méthodes d'évaluation, tout cela devrait
améliorer la planification des besoins futurs en spécialistes et conférer à celle-ci
plus de précision. Toutefois, le développement planifié du système de formation
des spécialistes n'exclut pas l'apparition de certains déséquilibres temporaires
ou localisés, entre besoins et disponibilités. Ainsi, c o m m e nous l'avions déjà
souligné, certains besoins pour un profil donné se trouvent insuffisamment
couverts ; pour d'autres, en revanche, le nombre de spécialistes formés dépasse
les besoins supplémentaires inscrits aux plans. D e tels déséquilibres peuvent
avoir un caractère local : certaines régions sont en déficit tandis que d'autres
connaissent un excédent de spécialistes.
D e fait, à certains égards, le problème posé au planificateur offre de sérieuses difficultés pour une double raison. D ' u n e part, la planification de l'éducation doit tenir compte de l'imprévisibilité du facteur humain, dont les aspirations se prêtent difficilement à des calculs précis ou à des estimations sûres.
D'autre part, les méthodes m ê m e s de planification n'ont pas atteint la perfection et exigent d'être amendées. Par exemple, o n y prend insuffisamment en
compte l'essor possible de tel o u tel secteur de l'économie. Quant aux effets
qu'aura le progrès scientifico-technique sur les structures de la main-d'œuvre
— ouvriers, techniciens ou cadres —, ils donnent lieu à des débats ardus parmi
les planificateurs spécialistes de ce domaine. U n autre aspect encore du problème est gros de difficultés et insuffisamment étudié : c'est celui de l'affectation géographique des jeunes diplômés des établissements d'enseignement supérieur et d'enseignement secondaire spécialisé. Toutefois, les difficultés m a jeures sont peut-être celles qui surgissent lorsqu'il s'agit de procéder aux calculs fondés sur les nomenclatures des emplois. E n effet, celles qu'établissent
nombre d'entreprises divergent nettement de leurs besoins réels et certains
établissements ne possèdent aucune liste de ce type o u ne les tiennent pas
régulièrement à jour. Or, dans la mesure o ù les entreprises sont désireuses de
disposer d'un nombre croissant de spécialistes, il leur arrive fréquemment,
dans les demandes qu'elles adressent aux services compétents, de gonfler leurs
123
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
exigences par rapport à leurs besoins réels. D e là la nécessité d'interpréter ces
demandes avec prudence.
E n réponse à ces questions et à ces besoins, les pays socialistes ont élaboré et
utilisent des systèmes de planification conçus pour prendre en compte les
conditions spécifiques de leur développement en matière socio-politique, économique, scientifique, technique et culturelle. Dans le m ê m e temps, ces systèmes reposent sur une conception c o m m u n e de leur structure, qui englobe les
éléments suivants :
— prévision des tendances majeures du progrès des sciences et des techniques
au cours des 20-25 années à venir ;
— orientations principales du développement socio-économique pour la décennie prochaine, avec subdivision en quinquennats ;
— élaboration des indicateurs principaux du développement pour chaque période quinquennale à venir;
— plans annuels de développement.
Cette conception présente une série de caractéristiques qu'il convient de
souligner. Tout d'abord, on y trouve un lien étroit entre les diverses périodes de
prévision et de planification. Chaque période s'appuie sur les résultats obtenus
dans la réalisation des objectifs fixés au cours de la période planifiée qui
précède. Rappeler ce point, c'est souligner du m ê m e coup un autre trait important du système : le caractère continu du développement qui doit se refléter dans
la planification elle-même.
Soulignons à cet égard un élément intéressant et un changement important.
D a n s le passé, les planificateurs se référaient aux résultats obtenus durant la
période achevée d'un plan pour justifier des propositions visant à dépasser ces
résultats dans le cadre du nouveau plan. Chaque entreprise devait trouver des
possibilités pour sa croissance. Bien entendu, on tenait compte de la demande.
Or, le marché national était suffisamment large, ou plutôt assez peu saturé, pour
accepter tout ce qu'on produisait et proposait. A l'heure actuelle, ce critère de la
d e m a n d e joue un rôle plus important dans toute la planification, y compris celle
de l'éducation et de la formation de la main-d'œuvre.
E n second lieu, il s'agit d'un mécanisme général de planification appelé à
s'adapter aussi bien à la spécificité de tel ou tel pays qu'aux particularités des
matières et domaines qui en font l'objet. E n outre, le recours à une approche
complexe, dans une optique du long terme, permet de relier dans le temps le
développement de certains secteurs exigeant, par exemple, une planification à
m o y e n terme à celui de secteurs planifiables seulement sur une longue période.
Ainsi, le plan de développement de l'enseignement supérieur pour une période
quinquennale donnée doit prendre en compte tant les besoins actuels que les
besoins prévisibles pour la période quinquennale suivante.
E n troisième lieu, il faut souligner que tous les plans, quelle qu'en soit la
durée, loin d'être considérés c o m m e quelque chose de figé, restent susceptibles
de recevoir modifications, corrections ou compléments. L'évolution de la planification est marquée, en effet, par une tendance à plus de souplesse et de
dynamisme, à la conjonction du caractère impératif des plans et de l'obligation
124
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
de leur apporter des corrections adéquates quand les circonstances l'exigent.
Plus encore, l'idée qui se fait jour est qu'à chaque quinquennat, sur la base des
données nouvelles, les prévisions à vingt o u vingt-cinq ans devraient être précisées et concrétisées.
D a n s l'amélioration du mécanisme actuel de planification en vigueur dans les
pays socialistes, l'élaboration de la partie prévisionnelle — qui constitue une
étape particulièrement ardue — occupe une place spécifique. O n sait qu'en
matière de prévisions, le facteur stochastique est le plus puissant. Toutefois, cela
ne diminue ni leur portée ni leur nécessité.
Pour dresser les prévisions concernant le développement à long terme du
facteur humain, et singulièrement des effectifs de travailleurs les plus qualifiés,
les planificateurs ainsi que les chercheurs consacrent de grands efforts à l'élaboration de deux indicateurs : celui des besoins en spécialistes et celui — qui lui est
lié — du nombre d'étudiants à admettre dans les établissements d'enseignement
supérieur.
Selon certaines méthodes, la tâche est abordée au macro-niveau. Par e x e m ple, l'une d'elles prend pour hypothèse de travail la stabilité du rapport entre le
nombre de spécialistes occupés dans l'économie et le volume du produit final
obtenu par habitant. L'analyse des séries chronologiques disponibles pour une
période de vingt ans ( 1951 -1970) relatives au premier indicateur et la comparaison des résultats avec une analyse régressive des valeurs prises par le second ont
confirmé le haut degré de stabilité de cette relation.
E n Union soviétique, c'est cette corrélation qui a servi de base à l'estimation
des transformations des besoins de l'économie en spécialistes pour l'avenir
proche, dans son ensemble et avec subdivision en périodes annuelles. Les
résultats ont permis d'évaluer ensuite le n o m b r e d'étudiants à admettre dans les
établissements d'enseignement supérieur, ainsi que le n o m b r e de spécialistes qui
en sortiraient munis de leur diplôme.
Selon une autre méthode, on détermine l'existence d'un rapport entre le
nombre de spécialistes et le produit national par tête. L a comparaison entre les
résultats respectifs des deux méthodes fait apparaître une grande similitude. Ces
recherches montrent, par exemple, que si les rythmes de croissance du revenu
national et les besoins estimés de l'économie en spécialistes sont donnés pour
une certaine période, les calculs aboutissent alors aux résultats suivants: le
nombre de spécialistes qui seront diplômés représente les deux tiers du n o m b r e
total des admissions dans les V U Z pour l'année correspondante ; 80 p. cent des
effectifs sortant des V U Z vont accroître le n o m b r e de spécialistes, tandis que les
20 p. cent restants correspondent au remplacement de ceux qui ont quitté leur
emploi ; à 1 p. cent du produit national correspond 0,93 p. cent d'accroissement
du nombre de spécialistes de formation supérieure en activité dans le pays.
Mais quelle que soit l'utilité de ces modèles macro-économiques quand il
s'agit de repérer la tendance générale, il est évident qu'on ne saurait s'en tenir à
ce seul type d'analyse. A u niveau suivant, o n recourt à une modélisation plus
détaillée en vue de planifier l'éducation et la formation professionnelle : il s'agit
là de déterminer l'évolution des besoins en spécialistes pour la période
125
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
considérée, par grandes catégories de professions et au sein de chacune d'entre
elles. Dans ce cas, le principe de branche se conjugue avec le principe territorial,
c'est-à-dire que les prévisions concernent chaque zone (« rayon ») économique.
Notons enfin, à titre de grande nouveauté, certaines tentatives pour analyser les
besoins futurs à partir de ce qu'on appelle le modèle prospectif du spécialiste à
plusieurs variantes.
La diversité des facteurs contradictoires qui exercent leur influence sur l'évolution future de la main-d'œuvre — en particulier pour les catégories d'ouvriers
très qualifiés et de spécialistes — ne permet pas de déterminer avec précision les
besoins en la matière. Malgré les grands efforts entrepris par les pays socialistes,
les différentes méthodes et conceptions sont encore loin de la perfection. Si elles
constituent un atout non négligeable pour les instances chargées de la planification, elles n'en ont pas moins besoin d'être améliorées. Il ne paraît guère utile de
discuter pour savoir si l'on peut trouver en ce domaine le modèle idéal pouvant
offrir des prévisions correspondant pleinement aux tendances effectives d u
développement. Mais il est incontestable que les méthodes qui manifestaient
une grande efficacité dans le passé ne peuvent suffire à l'époque actuelle et
doivent être améliorées, voire modifiées radicalement : déterminer les besoins
quantitatifs est une chose, déterminer ceux de la qualité de la main-d'œuvre en
est une autre, beaucoup plus complexe.
D . Principe de plein emploi et planification de l'éducation
et de la formation professionnelle
Dans les pays socialistes, la volonté d'assurer le plein emploi constitue l'un des
fondements de la planification de l'éducation et de la formation professionnelle
à tous les niveaux. Pour la société socialiste, le droit au travail est un des
premiers droits de l ' h o m m e ainsi qu'un principe fondamental du fonctionnement économique. La planification doit par conséquent réguler le développement du système d'éducation dans son ensemble et le coordonner avec les
besoins de l'économie nationale. E n pratique, le problème consiste à intégrer le
plan sectoriel relatif à l'éducation au plan d'ensemble de développement du
pays, c'est-à-dire le plan qui n o n seulement régit la sphère économique mais
porte sur les progrès en matière sociale, culturelle, scientifique et technique.
Dans les pays socialistes, le problème du plein emploi a été résolu pour
l'essentiel, au sens quantitatif du terme, dès la phase initiale de leur développement socio-économique. Les tâches du planificateur étaient alors relativement
moins ardues qu'aujourd'hui. L'objectif majeur consistait, grâce aux plans relatifs à l'éducation et à la formation professionnelle, à offrir un travail à chaque
individu ayant achevé tel ou tel cycle d'études. Si cette tâche reste à l'ordre d u
jour, la politique de plein emploi ne se limite plus, en aucune façon, à éviter le
chômage. Elle comporte un aspect qualitatif important, à savoir que le droit au
travail se concrétise c o m m e le droit à un emploi approprié, c'est-à-dire correspondant pleinement au niveau de scolarisation et à la qualification de l'individu.
C'est à cette condition seulement que le travail peut prendre son sens véritable,
126
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
dans la mesure où il répond aux aspirations créatrices de l'individu, et devenir
réellement efficace pour l'ensemble de la société.
Il ne serait pas conforme à la réalité d'avancer que les pays en question ont pu
répondre pleinement à cette exigence qualitative de la politique de plein emploi.
U n seul exemple : dans l'industrie soviétique, un diplômé de l'enseignement
supérieur sur deux occupe un poste qui ne requiert pas la qualification qu'il a
reçue. L a spécificité du développement socio-économique contemporain des
pays socialistes tient précisément à la nouveauté des termes dans lesquels le
problème de l'emploi est posé : il s'agit désormais de combiner ses deux aspects,
quantitatif et qualitatif. Mais la planification est devenue nécessairement plus
complexe ; les éléments qui s'y insèrent la rendent plus aléatoire.
Au-delà de ces remarques générales, il convient d'expliciter quelque peu la
signification concrète qu'elles prennent dans tel ou tel pays socialiste.
Sur le plan de sa conception, la planification du système d'enseignement et de
formation professionnelle se heurte actuellement à une série de problèmes
majeurs qui l'affectent doublement. E n premier lieu, ils concernent l'éducation
sur le plan « interne », c'est-à-dire l'enseignement lui-même et ses fonctions de
caractère strictement pédagogique et culturel. N o u s nous limiterons ici, pour
l'essentiel, aux problèmes que la planification est appelée à résoudre dans un
second domaine, à savoir le développement des liens de l'enseignement avec le
progrès économique, scientifique et technique, autrement dit avec la production
de qualifications.
Examinons quelques-uns de ces problèmes :
(a) Coordonner l'éducation et la politique de plein emploi implique avant tout
que l'on détermine les besoins du pays (non seulement ceux de l'économie,
mais ceux du développement dans toutes ses dimensions) en personnels des
diverses spécialités et niveaux de qualification, des divers types de formation et de culture. C o m m e n t repérer ces besoins, et par quel mécanisme ?
C o m m e n t concilier dans ce mécanisme les objectifs des « producteurs » de
spécialistes, c'est-à-dire les établissements d'enseignement, avec les utilisateurs ? Tel est le problème majeur et le plus complexe posé par la planification des effectifs de main-d'œuvre et qui a pris aujourd'hui, à l'époque du
passage de l'économie des pays socialistes au modèle de développement
intensif, un autre contenu que par le passé.
Les facteurs qui ont opéré cette transformation sont les suivants :
— L a structure de l'emploi est désormais nettement plus complexe et
ramifiée, autant sur le plan macro-économique (national) que sur celui
de l'entreprise ; ce processus subit aujourd'hui une accélération corollaire à celle des sciences et des techniques. E n conséquence, un hiatus se
crée entre la structure du système de formation des ouvriers qualifiés et
des spécialistes, d'une part, et celle de l'emploi, de l'autre.
— Par ailleurs, le facteur temps intervient plus fortement en exerçant une
pression croissante sur le planificateur, dans la mesure où il réduit sa
marge de manœuvre, et l'oblige à élaborer des méthodes plus modernes.
Il y a un quart de siècle, la planification pouvait n'être qu'à court et
127
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
m o y e n termes ; les résultats, dans l'ensemble, étaient tout à fait acceptables. Aujourd'hui, dans la mesure où la formation du personnel qualifié
est un processus de longue haleine, le plan doit lui aussi se situer dans
une perspective à long terme. O r des problèmes méthodologiques extrêm e m e n t ardus se posent dès qu'il s'agit de programmer les besoins dans
toutes leurs composantes : nombre de spécialistes, types de disciplines et
de domaines, niveaux de qualification, etc.
— Les exigences des utilisateurs de la main-d'œuvre, c o m m e nous l'avons
souligné, se sont non seulement accrues, mais encore nettement diversifiées : elles concernent autant les aspects culturels, psychologiques ou
éthiques, qu'étroitement professionnels. Cela ne signifie pas que les
entreprises aient jusqu'ici fait preuve d'indifférence, mais la nouveauté
tient probablement au fait que ce type d'exigences est aujourd'hui
devenu une norme explicite. D e leur côté, les travailleurs — ou les
futurs travailleurs — sont devenus non moins exigeants. Leurs attentes
sont variées ; on voit notamment s'y affirmer des éléments de caractère
non matériel et le désir de progresser dans leur carrière vers des activités
créatrices. L e niveau d'éducation et de culture de la population s'élève
constamment ; il entre alors dans le rôle du planificateur de déterminer
correctement les rythmes futurs de ce mouvement. Mais si cette tâche
est toujours d'actualité, une autre s'impose désormais : répondre aux
besoins individuels, aux exigences sociales de la population en matière
d'éducation ; or, plus le niveau de scolarisation et, en général, de culture
est élevé, plus ces exigences se diversifient en évoluant et en se renouvelant rapidement. Il devient donc de plus en plus difficile d'en tenir
compte dans les plans.
(b) Plusieurs pays, socialistes ou non, connaissent un processus de diversification intensive des formes d'études extrascolaires, auquel le progrès des
sciences et des techniques a donné une forte impulsion. C e système d'études
a été pleinement reconnu et est devenu partie intégrante de l'éducation.
N o n seulement les pays socialistes ne sont pas restés à l'écart de ce
courant, mais on peut dire sans exagération qu'ils occupent à cet égard des
positions avancées. Partout un réseau ramifié de dispositifs extrascolaires
d'éducation et de formation professionnelle a été mis en place. C o m m e
nous l'avons déjà souligné, nombre de ces enseignements ont été consacrés
par la pratique m ê m e et, pour certaines catégories de spécialistes, leur
fréquentation est devenue obligatoire.
A cet égard, deux problèmes de fond au moins se posent au planificateur :
— D'abord, c o m m e n t planifier le système d'éducation et de formation
extrascolaire en tant que tel, avec toutes ses particularités, sa dispersion,
ses ramifications et la variété de ses programmes et de ses objectifs ? A
l'aide de quels critères déterminer les besoins dans ce domaine de
l'éducation, compte tenu de leur grande variété ? Quelles sont les sources de financement les plus adéquates ? L'Etat doit-il jouer en la m a tière un rôle prépondérant o u vaut-il mieux donner la priorité aux
128
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
entreprises utilisatrices de la main-d'œuvre ? C o m m e n t planifier la préparation du personnel enseignant de ce système, surtout si l'on prend en
compte la spécificité que l'on vient de rappeler — diversité des niveaux
de formation des participants, des domaines d'enseignement, etc. — ?
O n pourrait prolonger cette enumeration, mais elle donne déjà une idée
du défi que le planificateur se doit de relever.
— Ensuite, c o m m e n t assurer la coordination du développement des deux
systèmes d'éducation, scolaire et extrascolaire, et leur planification
c o m m e un tout, en dépit de leurs différences, mais aussi à partir de
celles-ci ? D'autres questions encore se posent ici : distinction de leurs
fonctions respectives ; caractère de la direction (séparation mais aussi
coordination, ou bien regroupement en un seul système de direction) ;
relations entre les divers niveaux de planification et de direction,
compte tenu surtout de l'importance de la coordination et de la direction dans les établissements d'enseignement et les entreprises, et de la
nécessité de stimuler les liens directs entre les uns et les autres, etc.
(c) Enfin, le planificateur doit faire face aux tâches qui découlent des facteurs
internationaux de développement auxquels nous avons consacré le Chapitre
Ier de cet ouvrage. E n effet, les pays socialistes ne constituent pas un m o n d e
clos, mais représentent une fraction considérable de l'économie mondiale et
jouent un rôle important dans les relations internationales.
Ainsi, deux vastes problèmes sont posés à la planification en théorie c o m m e
en pratique :
— D'abord, dans le cadre de la division socialiste internationale du travail,
se pose la question de la planification des relations entre pays socialistes,
en particulier en matière de développement de l'éducation et de la
formation des ouvriers qualifiés et des spécialistes. Il s'agit là d'un
problème complexe dont la solution autant théorique que pratique est
néanmoins facilitée par l'unicité des structures autant politiques qu'économiques de ces pays. Cependant, il est dans ce cas nécessaire d'élaborer de nouvelles méthodes de planification différentes de celles qui sont
pratiquées dans le cadre d'un seul Etat. Les objectifs, les critères et le
contenu m ê m e de la planification deviennent autres.
— Ensuite, dans le cadre de la participation des pays socialistes à l'ensemble de l'économie mondiale, se pose la question de la prise en compte
par les plans des effets de la conjoncture internationale, dont les éléments se prêtent difficilement o u ne se prêtent guère à la prévision, et
encore moins à la planification. Cette remarque concerne particulièrement les petits Etats socialistes, notamment ceux dont l'économie est
fortement liée au marché mondial non socialiste et qui, de ce fait,
éprouvent les contrecoups des fluctuations qui affectent celui-ci.
Sur le plan factuel, l'un des problèmes qui se posent dans les pays socialistes 1
1. Sur ces questions, le lecteur trouvera des éléments importants dans les études monographiques
réalisées dans le cadre de recherche de l'IIPE.
129
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
est de déterminer les domaines de l'éducation qui sont soumis ou devraient être
soumis à la planification. Par exemple, l'étude hongroise insiste sur les cinq
domaines suivants : les fonctions de l'éducation, la structure du système scolaire
et le niveau de scolarisation et de formation professionnelle, le contenu et les
méthodes d'enseignement, les investissements, et enfin le fonctionnement du
système lui-même. Selon cette approche, les questions de caractère strictement
pédagogique devraient être englobées dans les plans. Dans quelle mesure ce
point de vue est-il fondé ? Cette manière de procéder est-elle acceptable du
point de vue pédagogique m ê m e ? Cette conception est-elle réaliste s'agissant
des possibilités de la planification et de ses méthodes ? L'amélioration et l'efficacité de la planification de l'éducation et de la formation professionnelle dépendent dans une large mesure de la réponse qui sera donnée, entre autres, à des
questions de cette nature.
U n autre problème — que l'on a déjà évoqué — concerne le facteur temps
dans la planification. Q u e la planification à long terme soit indispensable n'est
pas chose contestable : tous les avis concordent sur ce point. Mais la manière de
procéder soulève des questions spécifiques : quelles méthodes adopter, quelles
sont les potentialités et les limites de la planification en la matière ; que choisir
ou — ce qui revient au m ê m e — quels éléments du processus éducatif se
prêtent-ils ou peuvent-ils se prêter à la prévision et à la planification à long
terme, et avec quel degré de précision ?
Sur le plan des rapports entre formation et production, le problème essentiel
est d'assurer leur intégration de façon plus étroite et de sorte que l'entreprise
soit intéressée et prenne sa part de responsabilité dans la formation et le
recyclage. N e faudrait-il pas codifier ces rapports sous forme de contrats qui
détermineraient les responsabilités des partenaires dans tous les domaines de
leurs intérêts réciproques ? D a n s quelle mesure l'entreprise doit-elle participer
au financement direct de la formation, et sous quelles formes? C o m m e n t
améliorer les systèmes de stages pratiques et de recyclage, c o m m e n t intégrer les
actions ou les mesures prises ou à prendre par les deux partenaires dans un
programme cohérent? Ces questions et bien d'autres se posent devant les
organismes chargés d'assurer la politique de la formation en liaison avec les
objectifs de la production.
Toutes ces interrogations prennent une importance plus grande encore à
l'heure actuelle, alors que les pays socialistes mobilisent leurs efforts pour
stimuler le passage de l'économie vers le modèle de développement intensif. A u
fur et à mesure qu'ils atteignent ce grand objectif, la planification du développement économique c o m m e des systèmes d'éducation fait face à des problèmes
complexes dont la solution ne peut être assurée que par des méthodes nouvelles,
qui doivent être conformes aux exigences de l'économie et de l'éducation
modernes.
Ces trois grands problèmes — le modèle de développement économique
intensif basé sur le progrès scientifico-technique, la réforme des systèmes d'éducation à tous les niveaux, l'élaboration de méthodes avancées de planification de
ces systèmes — ont été au cœur des discussions lors des derniers congrès des
130
Modele de développement intensif et planification de l'éducation
partis communistes des pays socialistes. Ces discussions se poursuivent actuellement au niveau des experts, qui élaborent des mesures concrètes afin d'introduire des changements dans la planification du développement des systèmes
d'éducation, eux aussi en cours de réforme.
131
ANNEXES
I. Terminologie e n vigueur d a n s les pays socialistes
II. D o c u m e n t s et publication *
133
ANNEXE I
Terminologie en vigueur
dans les pays socialistes1
Part du secteur socialiste dans l'économie du pays. Relèvent du secteur socialiste les
entreprises et établissements d'Etat, les organisations sociales, les coopératives de tous
types et de tous genres, les exploitations familiales auxiliaires des m e m b r e s des coopératives et celles des ouvriers et employés de l'Etat, des entreprises sociales et des organism e s coopératifs.
Le produit social brut représente la valeur des biens concrets produits dans les branches
de la sphère matérielle. Il est calculé en faisant la s o m m e de la production brute des
diverses branches de la production matérielle.
Le revenu national représente la valeur nouvellement créée dans les branches de la
production matérielle. Le volume du revenu national est obtenu en soustrayant de la
valeur du produit social brut créé dans l'année (valeur brute des produits de toutes les
branches de la production matérielle) la valeur des moyens de production consommés
(utilisés) dans le procès de production (matières premières, combustibles, énergie électrique, etc.).
Pour calculer la valeur du revenu national par habitant, on utilise le chiffre m o y e n
annuel de la population.
Utilisation du revenu national. Le revenu national sert à la consommation et à l'accumulation.
Le fonds de consommation englobe :
— L a consommation des ménages en biens matériels ; celles des marchandises achetées
par eux sur le marché socialiste et sur le marché privé (à l'exclusion des achats au
détail destinés à servir à la production) ; la consommation des produits achetés par les
ménages sur les marchés ruraux et non ruraux ; la consommation des produits en
provenance des coopératives agricoles de production, des exploitations familiales
auxiliaires et des exploitations privées et la valeur des services productifs de l'artisanat, des services de teinturerie, nettoyage à sec, blanchisserie ; la valeur de l'énergie
électrique, gaz, eau et vapeur c o n s o m m é s par les ménages et autres consommations ;
les dépenses des ménages en matière de transports et communications destinés à leur
usage privé ;
1. Cf. Annuaire statistique des pays membres du Conseil d'aide économique mutuelle, 1983 (en
russe).
134
Annexe I: Terminologie en vigueur dans les pays socialistes
— L a consommation matérielle et l'usure des fonds dits fixes des établissements et
entreprises de services personnels (hôtellerie, coiffeurs, ateliers de photographie,
bains publics, égouts, service d'entretien des habitations), des organisations à vocation socio-culturelle au service de la population (santé publique, sport, éducation
physique, art, radio, télévision, etc.) ;
— Autres formes de consommation : consommation matérielle et usure des fonds fixes
des établissements de recherche, des administrations, y compris l'appareil bancaire,
les caisses d'épargne, assurances, etc.
Le fonds d'accumulation englobe :
— l'accroissement de la valeur des fonds fixes (valeur des installations nouvellement
mises en service, plus les dépenses de grosses réparations achevées, moins la s o m m e
des provisions pour amortissement, moins la s o m m e — calculée — de l'usure des
fonds pour lesquels l'on ne prévoit pas de réserves d'amortissement, moins la valeur
résiduelle des fonds fixes mis au rebut pour raison de vieillissement, d'usure ou à la
suite de catastrophes naturelles) ;
— solde en valeur des stocks de biens matériels circulant, y compris les réserves ; en
particulier, est englobée la valeur résiduelle des productions en cours, des réserves de
matériaux destinés à la production et de produits finis dans les entreprises, le solde
des travaux de construction en cours, le solde net du bétail jeune, le solde des stocks
de produits agricoles dans les entreprises agricoles, dans les exploitations familiales
auxiliaires que possèdent les membres des coopératives agricoles ainsi que les o u vriers et les employés, la solde de la production en cours dans l'agriculture, les
dépenses de reboisement et entretien des forêts, le solde des stocks de marchandises
dans le réseau du commerce intérieur et dans celui du commerce extérieur, le solde
des réserves d'Etat, des réserves spéciales et des réserves opérationnelles à disposition du gouvernement.
Les fonds sociaux de consommation comprennent :
— les dépenses courantes de l'Etat pour l'éducation et la culture (sans les dépenses pour
la recherche, la presse, l'art, la télévision, la radio, les investissements prenant la
forme de grosses réparations) ;
— les dépenses courantes pour la santé publique et la culture physique (sans les investissements et les grosses réparations) ;
— les pensions et allocations (de maladie ou d'invalidité temporaire, de maternité et
assimilées) ;
— les autres dépenses sociales et de sécurité sociale : soins en maisons de santé et
maisons de vacances, colonies de vacances, entretien des établissements pour invalides (à l'exclusion des cotisations versées par les ouvriers et les employés), etc. ;
— les dépenses pour les divers services sociaux et culturels destinés aux salariés de l'Etat
et financés par les fonds ad hoc d'aide et assimilés, constitués dans les entreprises ; les
primes spéciales autres que celles faisant partie des salaires ;
— la valeur de l'usure des bâtiments et biens des établissements à vocation de service
socio-culturel ;
— les dépenses d'ordre socio-culturel des organisations coopératives (sans les investissements et les grosses réparations) ;
— les dépenses de fonctionnement du parc de logements non couvertes par les loyers
versés et subventionnées par l'Etat ;
— autres dépenses (paiement de congés au profit d'ouvriers, employés et m e m b r e s des
kolkhozes).
135
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
Les fonds fixes de l'économie représentent l'ensemble des valeurs matérielles produites
par le travail social qui, sous leur forme naturelle, ont une longue durée de vie.
Les fonds fixes englobent les bâtiments, installations, dispositifs de transmission,
machines, équipements, appareils, instruments, mécanismes, engins de transport, le
cheptel de lait et productif, les plantations durables et autres valeurs matérielles à longue
durée d'utilisation.
Les fonds fixes de l'économie nationale sont classés en fonds productifs et n o n
productifs.
La production industrielle brute est décomptée en valeur pour chaque entreprise industrielle, dans son ensemble, selon la méthode dite d'usine. Est considérée c o m m e production brute, au sens de cette m é t h o d e , la valeur de toute la production industrielle obtenue
durant la période de référence, à l'exclusion de la valeur de la production propre
c o n s o m m é e dans les procès de fabrication, au sein de l'entreprise, durant cette période.
Pour les entreprises à cycle de production long — telles q u e , par exemple, celles
relevant de l'industrie des constructions mécaniques, les usines de constructions métalliques, etc. —, la production brute englobe la modification de valeur de la production
inachevée, c'est-à-dire des produits non finis par les divers ateliers chargés de leur
usinage ou de leur assemblage, selon les méthodes propres à chaque pays ; elle englobe
aussi la production des entreprises industrielles occupées une partie de l'année seulement
(entreprises à activité saisonnière, liquidées pendant l'année, ou ayant repris de l'activité
en cours d'année, ou encore entreprises nouvelles ayant c o m m e n c é à fonctionner en
cours d'année).
Les indices de la production industrielle brute sont calculés à partir des données relatives à
la production en volume exprimée aux prix de gros des entreprises (c'est-à-dire sans
l'impôt sur le chiffre d'affaires et autres impôts) ; il s'agit de prix constants, aux fins de
comparaison.
La production brute de l'industrie par types de propriété. L a production brute de toute
l'industrie est la s o m m e de la production de chaque entreprise industrielle dans tous les
divers secteurs sociaux de l'économie nationale.
Industrie d'Etat: entreprises industrielles à autonomie comptable ' sous la tutelle des
ministères, administrations et organisations (qu'elles soient étatiques o u non étatiques,
mais non privées) 2 et entreprises industrielles auxiliaires, rattachées à u n e organisation
non industrielle, indépendamment de l'organisme de tutelle administrative dont celle-ci
relève.
Industrie coopérative : entreprises industrielles à autonomie comptable ; entreprises
industrielles auxiliaires, rattachées à un établissement coopératif ou à une entreprise n o n
industrielle relevant soit du système des coopératives artisanales, soit d u système des
coopératives de consommation, o u encore d'un autre type de coopératives.
Industrie privée : entreprises industrielles privées produisant sur c o m m a n d e émanant
de l'Etat et livrant leurs produits à l'Etat ou à une coopérative ; entreprises industrielles
1. L'expression russe consacrée « khozraschet » est souvent transposée telle quelle en français, pour
désigner le statut des entreprises dotées de l'autonomie financière et tenues de dresser un bilan
annuel. C'est là le statut le plus fréquent des entreprises de production du secteur d'Etat.
2. Mot à mot, organisations « sociales » ou « collectives » ; le terme d'« associations » pourrait être
employé ici, à condition de ne pas prendre le sens de «coopératif».
136
Annexe l: Terminologie en vigueur dans les pays socialistes
privées écoulant leurs produits sur le marché privé ; production des artisans non m e m b r e s
d'une coopérative (artisans au sens propre), fabriquée sur c o m m a n d e de l'Etat et livrée
soit à celui-ci, soit à une coopérative, soit à des acheteurs privés, soit encore écoulée sur
le marché local (vente au consommateur final).
Parts respectives de la production des moyens de production et de la production des biens
de consommation dans la production industrielle brute. L e volume de la production
industrielle des moyens de production (groupe dit « A ») et celui de la production des
biens de consommation (groupe dit « B ») sont calculés par ventilation de tous les types
de produits entre ces deux groupes, en prenant en compte l'affectation principale de
chacun d'eux. Etant donné que certains biens peuvent servir soit à des fins productives,
soit à la consommation, la ventilation effectuée entre « A » et « B » subit certaines
corrections afin de tenir compte de l'utilisation réelle qui est faite des produits considérés.
Ventilation de la population occupée par branches de l'économie nationale. Sont considérés c o m m e occupés les individus travaillant dans l'économie, qu'ils soient ou non en âge
de travailler. L a population occupée englobe les catégories suivantes : ouvriers et e m ployés ; paysans m e m b r e s d'une coopérative ; artisans membres d'une coopérative ;
personnes occupées dans une exploitation familiale auxiliaire appartenant à un ouvrier, à
un employé, à un paysan de coopérative ou à un artisan de coopérative ; paysans et
artisans à leur compte ; commerçants privés ; prêtres ; m e m b r e s des professions libérales,
etc.
Le nombre annuel moyen d'ouvriers et d'employés dans l'économie nationale est calculé
en faisant la moyenne des relevés périodiques des ouvriers et employés inscrits aux
registres des entreprises durant l'année considérée.
Cette moyenne générale et la m o y e n n e de chaque branche et pour chaque mois sont
calculées c o m m e le rapport entre le nombre de travailleurs inscrits pour tous les jours du
calendrier (y compris jours de fête et jours fériés) et le nombre de jours du calendrier au
mois de référence. O n considère que le nombre d'ouvriers et d'employés présents les
jours de fête et jours fériés est égal à leur nombre le jour précédent. L e nombre m o y e n
d'ouvriers et d'employés relevé pour l'année s'obtient en faisant la m o y e n n e arithmétique simple de tous les relevés mensuels de la période considérée.
C e chiffre prend en compte les travailleurs des entreprises, institutions et organisations, qu'ils y soient occupés de manière permanente, saisonnière ou temporaire pour une
journée ou plus.
Nombre de spécialistes possédant une instruction de niveau supérieur ou secondaire
spécialisé occupés dans l'économie nationale. Sont considérés c o m m e spécialistes possédant une instruction achevée de niveau supérieur ou secondaire spécialisé occupés dans
l'économie nationale tous les individus possédant un diplôme (certificat, attestation)
témoignant qu'ils ont suivi et achevé la formation dispensée par un établissement d'enseignement supérieur ou secondaire spécialisé et qu'ils travaillent dans une entreprise, une
institution ou une organisation, ou encore dans une entreprise coopérative agricole ou
autre, indépendamment de la nature du travail qu'ils y accomplissent ou de la dénomination de la fonction remplie.
Nombre d'écoles d'enseignement général. A u nombre des écoles d'enseignement général
figurent :
— les écoles à fréquentation obligatoire où la scolarité dure de sept à dix ans ;
137
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
— les écoles d'enseignement général o ù la scolarité dure de deux à quatre ans.
Est prise en compte l'école d'enseignement placée sous l'autorité d'un directeur (chef),
et n o n les bâtiments o ù l'enseignement est dispensé.
Nombre de cadres enseignants des écoles d'enseignement général. Sont pris en compte les
individus possédant u n e formation secondaire o u supérieure remplissant les fonctions
d'instituteurs, professeurs, d'instructeurs dans les ateliers scolaires (...) et s'occupant d e
former et d'instruire les élèves, et qui figurent sur les listes d u personnel des écoles au
début de l'année scolaire.
Nombre d'élèves dans les écoles d'enseignement général. Est pris en compte le n o m b r e
total des élèves inscrits au début de l'année scolaire qui suivent les cours du jour, d u soir
ou par correspondance.
Nombre d'écoles et d'établissements d'enseignement dits de fabrique ou de métiers ' . Est
pris e n compte le n o m b r e d'établissements ayant vocation d e former et d'instruire les
adolescents en vue de les doter d'un métier déterminé 2 , e n fonction au début de l'année
scolaire.
Nombre d'élèves dans les écoles et établissements dits de fabrique ou de métiers. Sont pris
en compte tous les élèves inscrits dans l'un de ces établissements au début de l'année
scolaire.
Nombre d'établissements d'enseignement secondaire spécialisé. E n font partie :
— les écoles normales formant des enseignants, à cycle d e quatre à six ans ;
— les écoles techniques (technicum) formant des techniciens ;
— les écoles techniques destinées à élever le niveau de formation des ouvriers (formation d'ouvriers qualifiés et très qualifiés) ;
— les écoles techniques formant des chefs d'atelier.
Effectifs des cadres enseignants des établissements d'enseignement secondaire spécialisé.
Individus possédant une formation secondaire o u supérieure ayant fonction d e former et
d'instruire les élèves figurant aux registres des établissements d'enseignement au début
de l'année scolaire, y compris les individus dont l'emploi principal relève d e la production
(ingénieurs, techniciens, agents de maîtrise).
Nombre d'élèves dans les établissements d'enseignement secondaire spécialisé. Sont pris en
compte tous les élèves inscrits dans un d e ces établissements au début de l'année scolaire,
qu'il s'agisse de cours d u jour, d u soir o u par correspondance.
Nombre
des établissements d'enseignement supérieur. Etablissements d'enseignement
formés d'une ou de plusieurs facultés (universités, écoles polytechniques et spécialisées)
préparant les étudiants à des professions déterminées. Est prise en compte l'unité
d'enseignement fonctionnant au début de l'année scolaire, et n o n les bâtiments o ù
l'enseignement est dispensé.
1. E n russe : FZU.
2. Ici, le terme de «métier» désigne une profession ouvrière.
138
Annexe I : Terminologie en vigueur dans les pays socialistes
Nombre de cadres enseignants « pédagogiques » des établissements d'enseignement supérieur. Sont pris en compte les individus dotés d'une formation particulière, occupés à
former et instruire les étudiants, y compris les personnels dont l'activité principale relève
de la production au sens large (ingénieurs, économistes, médecins, individus exerçant une
profession artistique, etc.) et qui mènent de pair cette profession et une activité enseignante, inscrits sur les registres des établissements d'enseignement au début de l'année
scolaire. Sont comptées les personnes physiques et non pas les postes occupés.
Nombre d'étudiants. Sont pris en compte les étudiants inscrits dans les facultés au début
de Tannés scolaire, qu'il s'agisse des cours du jour, du soir o u par correspondance. C e
nombre englobe les étudiants étrangers suivant une formation dans le pays considéré.
Sont exclus les étudiants du pays poursuivant des études à l'étranger. D e m ê m e , sont
exclus les étudiants des écoles de guerre, des écoles supérieures du Parti, de celles des
syndicats et des établissements dits universités populaires.
Nombre de spécialistes venant des établissements secondaires spécialisés et des établissements d'enseignement supérieur. N o m b r e d'élèves et d'étudiants ayant achevé le cursus
des établissements relevant des domaines suivants :
— industrie, bâtiment, transports et communications ;
— agriculture (y compris ingénieurs des forêts et vétérinaires) ;
— droit et économie ;
— santé, culture physique et sport ;
— enseignement ;
— arts et cinematographic
139
A N N E X E II
Documents et publications
issus du projet « Education, industrialisation
et progrès scientifique et technique»,
sous la direction de R . M . Avalcov
A B D U L - W A H A B H . M . S . , Educational and training system reforms contributing to industrial and technological development in Iraq, document miméo, U P E , 1980.
A D J I B A N I S., Relations between education and technical progress in agriculture : training
of specialists — case study on Sudan, some remarks, document miméo, U P E , 1979.
AJAYI O . A . , Strategies for reform of scientific and technological education : the Nigerian
experience, document miméo, U P E , 1980.
A L E G R E S., Educational and training reforms contributing to industrial and technological
development in Spain, document miméo, UPE, 1980.
ALIEV K . , A V A K O V R., ATAKISHIEV A . , ISMAILOV E. et M E K H T I Z A D E M . , L'éducation
en Azerbaïdjan soviétique : bilan d'une expérience, Unesco/Editions du Progrès (Moscou), 1984. (Disponible également en version anglaise.)
A M B R O S I O T . , A V A K O V R . et T I B U R C I O J., Structures industrielles, changements techno-
logiques et enseignement supérieur au Portugal, Unesco/IIPE, 1983.
A N I S A L A M M . , Science and engineering education in the Third World: the Pakistani case,
document miméo, U P E , 1979.
A V A K O V R . M . , Note d'orientation : les relations entre l'éducation et le progrès technique,
séminaire IIPE, document miméo, 1979.
—, Note d'orientation : les réformes des systèmes d'éducation et de formation contribuant
au développement industriel et technologique, atelier IIPE, document miméo, 1980.
—, Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes, IIPE,
1987.
A V A K O V R . M . , S A N Y A L B . C . , B U T T E R E I T M . et T E I C H L E R U . , Higher education and
employment in the USSR and in the Federal Republic of Germany, IIPE, 1984.
A V A K O V R . M . et T I M A R J., L'enseignement supérieur et le développement économique et
technique en Hongrie, IIPE, 1983.
B E R T R A N D O . , Le progrès scientifique et technique et la qualification professionnelle,
commentaires, document miméo, IIPE, 1979.
C A L L E S M . A . , S A N V I C E N T E E . , Educational and training system reforms contributing to
industrial and technological development — the case of Mexico, document miméo,
IIPE, 1980.
C A S T A Ñ E D A E . , Industrialization programs and educational reforms — the Venezuelan
experience in Guayana, document m i m é o , IIPE, 1980.
C A T U N E A N U V . , Développement du système d'éducation et de préparation des cadres —
140
Annexe II : Documents et publications
partie intégrante du
République socialiste
CHUPRUNOV D., A V A K O V
technique en URSS,
développement général de l'économie et de la société dans la
de Roumanie, document miméo, IIPE, 1980.
R . et JILTSOV E . , Enseignement supérieur, emploi et progrès
Unesco/IIPE, 1982.
C H U P R U N O V D . , K O S T A N I A N E S.,
NOJKO K., O U S S A N O V
V . , S A I O U C H E V V. et
TAN-
GUIANE S., L'éducation en URSS : planification et développement récent, IIPE, 1981.
CISAI V . et P E T R A C E K S., Scientific and technical education in Czechoslovakia, IIPE,
1982.
D E B E A U V A I S M . , L'éducation et le développement dans un nouvel ordre international,
1981 (cahier de l'IIPE n° 55). (Disponible également en version anglaise.)
G O M E S P . A . , S I A N O L . M . F . et C A R N E I R O S. Jr., Les relations entre le progrès technique en
génie civil au Brésil et l'éducation, document miméo, 1980.
G O N O D P.F., Pour une planification conjointe de l'éducation et de la technologie, 1981
(rapport de recherche de l'IIPE n° 42). (Disponible également en version anglaise.)
G R Z E L A K Z . et al., L'influence du progrès technique sur le niveau et la structure des
qualifications professionnelles en Pologne, 1981 (rapport de recherche n° 39).
G U T E L M A N G . , en coll. avec l'équipe soudanaise, Relations between education and technical progress in agriculture in the Sudan: training of specialists, IIPE, 1981.
I N G L E R . B . et T U R N E R A . D . , Science curricula as cultural misfits, document m i m é o ,
1979.
I V A N O V N . , Le progrès scientifique et technique et la qualification professionnelle, document de travail, IIPE, 1979.
K E F I et al., Les systèmes de formation professionnelle et technique face aux exigences du
développement en Tunisie, IIPE, 1987.
K O R N K . , FEIERABEND G . , HERSING G. et R E U S C H E L H . D . , Education, employment and
development in the German Democratic Republic, IIPE, 1984.
N A M B O U Y . , R A M B E R T - H O U N O U A . Y . et L A M O U R E J., L'enseignement professionnel et
technique au Togo face au développement, 1984 (rapport de recherche de l'IIPE n° 52).
P A D U A J.N., Education, industrialization and technical progress in Mexico, 1986 (IIPE
research report n° 59). (Disponible également en version espagnole, Colegio de
Mexico.)
R A S S E K H S., Quelques remarques sur le contexte socio-économique du développement au
niveau mondial et son influence sur l'évolution des contenus de l'éducation au cours des
deux prochaines décennies, document m i m é o , IIPE, 1980.
S A V E L I E V A.I., Higher education during the period of industrialization in the USSR
against the background of the first five-year plans, document miméo, IIPE, 1980.
Usui M . , Higher education and industrial and technological development — a review of
the Japanese experience, document miméo, IIPE, 1980.
V I N O G R A D O V V . , M D I V A N I R . et A V A K O V R . M . , Bibliographie annotée sur la planification de l'éducation et le progrès technique : ouvrages publiés en URSS en langue russe,
Unesco/IIPE, 1980.
W H I S T O N T . , S E N K E R P. et M A C D O N A L D P., An annotated bibliography on the relationship between technological change and educational development, Unesco/IIPE, 1980.
Z A H L A N A . B . , The educational implications of current Third World technological pursuits, document miméo, IIPE, 1979.
Z A G E F K A P., L'industrialisation et l'enseignement scientifique et technique dans les pays
européens au XIXe siècle, document m i m é o , IIPE, 1980.
—, Formation scientifique et technique et industrialisation dans les pays en développement, 1986 (rapport de recherche de l'IIPE n° 62).
141
Education, progrès technique, industrialisation : expérience des pays socialistes
—, en coll. avec l'équipe cubaine, Systèmes de formation et qualifications à Cuba.
Transformations technologiques et production des qualifications du secteur sucrier
depuis 1959, 1987 (rapport de recherche de l'IIPE n° 5 8 ) .
Z I E G L E L . , Aspects généraux des relations entre l'éducation et le progrès technique,
document m i m é o , IIPE, 1 9 7 9 .
142
Publications et documents de l'IIPE
Plus de cinq cents ouvrages sur la planification de l'éducation ont été publiés par
l'Institut. Ils figurent dans un catalogue détaillé et à jour qui comprend rapports de
recherches, études de cas, documents de séminaires, matériels didactiques, cahiers de
l'IIPE et ouvrages de référence traitant des sujets suivants :
L'économie
Main-d'œuvre
Etudes
de l'éducation, coûts et financements.
et emploi.
démographiques.
La carte scolaire, planification sous-nationale.
Administration et gestion.
Elaboration et évaluation des programmes scolaires.
Technologies éducatives.
Enseignement primaire, secondaire et supérieur.
Formation professionnelle et enseignement technique.
Enseignement non formel et extrascolaire : enseignement des adultes
et enseignement rural.
Pour obtenir le catalogue, s'adresser à l'IIPE.
143
L'ouvrage
Education? Industrialisation? Technologie? Quel est l'impact d ö développement, en particulier de l'industrialisation et des changements
scientifiques et techniques sur l'évolution des systèmes de formation et
d'éducation, la structure de l'enseignement supérieur et secondaire spé- *
cialisé, les types et formes de cet enseignement ? C'est cette question qui
est aujourd'hui au cœur des préoccupations aussi bien des éducateurs
que des planificateurs et administrateurs.
L'IIPE ne pouvait demeurer à l'écart de ces préoccupations. Aussi
a-t-il lancé un projet ayant pour objet l'étude des systèmes d'éducation
et de formation professionnelle et de leur planification, dans leurs
rapports avec le processus d'industrialisation et le progrès scientifique et
technique.
L a présente étude se veut un aperçu synthétique de résultats d'une
partie du projet de l'IIPE — celle consacrée à l'expérience des pays
socialistes. Toutefois, son propos vise à dépasser celui-ci pour faire état
de recherches qui ne puisent pas seulement dans les matériaux et
conclusions des travaux déjà menés par l'IIPE. E n effet, l'auteur s'est
inspiré de nombreuses autres sources et données : statistiques officielles,
publications signées par des spécialistes de divers pays socialistes, périodiques scientifiques variés.
L'auteur
R . Avakov, directeur du projet de recherches de l'IIPE sur les relations
entre l'éducation, l'industrialisation et le progrès technique a occupé u n
poste de fonctionnaire principal à l'Institut international de planification
de l'éducation de 1976 à 1985. Il est actuellement Chef du Département
des pays en voie de développement à l'Institut d'économie mondiale et
des relations internationales de l'Académie des Sciences de l ' U R S S à
Moscou.
I S B N 92-803-2130-7
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