Aye-aye Daubentonia madagascariensis (Gmelin, 1788) Statut UICN : Espèce déclarée en danger d'extinction. Dans la salle safari, au niveau de la vitrine consacrée à la faune si particulière de Madagascar, vous découvrirez un animal d'aspect sympathique et inquiétant à la fois: le aye-aye (photo n°1). Cet animal vit exclusivement sur l'île de Madagascar. Quatrième plus grande île du monde, située dans l'océan Indien, au sud-est de l'Afrique, Madagascar est séparée du continent par les 400 km de large du canal de Mozambique (carte n°1). Le aye-aye considéré comme une espèce éteinte dans les années 1950, occupe presque tout le territoire malgache aujourd'hui même si la population est très faible et dispersée. C'est un animal nocturne, discret, Photo n°1 : Spécimen naturalisé de aye-aye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788) conservé dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France. Vue de profil.- plutôt solitaire, qui vit dans les forêts et se nourrit de graines, de fruits et de larves d'insectes xylophages. Buffon, dans son « Histoire naturelle et particulière, Supplément, Tome Septième » de 1789, nous donne l'origine de son drôle de nom : « Aye-aye est une exclamation des habitans de Madagascar, que M. Sonnerat a cru devoir appliquer à cet animal qui se trouve dans la partie ouest de cette île ». En effet, Pierre Sonnerat fut le premier a décrire cet animal dans son « Voyage aux Indes orientales et à la Chine », publié en 1782. Il le décrivit en ces termes : « ...il ne se rapproche d’aucun genre, et qu’il tient du maki, de l’écureuil et du singe. Ses oreilles plates et larges ressemblent beaucoup à celles de la chauve-souris …. ; …..Cet animal paroît terrier, ne voit pas pendant le jour, et son œil couleur d’ocre de rue est comme celui du chat-huant. Il est très-paresseux et par conséquent très-doux ; celuici restoit toujours couché, et ce n’est qu’en le secouant plusieurs fois qu’on venoit à bout de le faire remuer». Ainsi après la description précise faite de cette première observation, il restait à trouver la place de cet animal dans la classification du monde vivant. Parmi les particularités du aye-aye, la croissance continue de ses incisives lui valut d'être classé pendant la première partie du XIXe siècle comme un rongeur. Les zoologistes Goeffroy de Saint Hilaire et Buffon le classent à l'époque parmi les écureuils. Ce n'est que vers 1850 que l'espèce est réellement acceptée comme faisant parti du groupe des lémuriens et donc des primates. Une histoire de famille … Le aye-aye appartient à l'ordre des Primates. Souvent il est décrit comme faisant parti du groupe des prosimiens. Or, dans la classification phylogénique, les prosimiens ne sont pas un taxon. Les prosimiens regroupent deux sous-ordres des primates: les Strepsirrhiniens et les Tarsiformes. Le aye-aye est rattaché aux Strepsirrhiniens. La caractéristique principale qui distingue les strepsirrhihiniens des autres primates est la présence d'un peigne dentaire à l'avant de leur denture : c'est un ensemble de 6 dents constitué des 4 incisives et des 2 canines, toutes allongées et orientées vers l'avant. Le aye-aye fait encore exception pour ce caractère là, c'est pourquoi il est classé seul dans l'infra-ordre des Chiromyiformes (Anthony, 1931) à coté des Lorisiformes et des Lémuriformes beaucoup plus nombreux. De plus, l'aye-aye est la seule espèce du genre Daubentonia (E. Geoffroy,1795), lui-même seul membre de la famille des Daubentonidés (Gray, 1863). Faute de fossiles, l'origine et la date d'apparition des primates Chiromyiformes sont discutées, de même que la date et les circonstances de leur implantation sur l'île de Madagascar. Comme pour les lémuriens, l'hypothèse la plus probable de leur origine sur l'île est que quelques individus auraient traversé le canal du Mozambique, il y a 40 à 50 Ma, emportés depuis l'Afrique par un radeau de végétation, même si des hypothèses de ponts terrestres et de passages d'île en île ont également été proposées. L'aye-aye est d'un point de vue évolutif tellement éloigné de tous les autres lémuriens que la colonisation de l'île par les Chiromyiformes a du se faire de façon indépendante de celles des Lémuriformes. Les restes d'une seconde espèce éteinte de aye-aye (Daubentonia robusta) sont connus à partir de quelques sites préhistoriques situés au sud de Madagascar, dans une zone où la forme actuelle n'a jamais vécu. Cette espèce aujourd'hui disparue pesait entre trois et cinq fois plus que Daubentonia madagascariensis soit environ 14 kg. Il existe certaines preuves de la coexistence de cette forme avec les premiers habitants de l'île. En effet, plusieurs incisives de Daubentonia robusta ont été trouvées perforées de la main de l'homme pour servir de pendentifs. Il reste à déterminer si l'homme a joué un rôle dans l'extinction de cette espèce. A Madagascar seulement… L'aye-aye est une espèce endémique de Madagascar. Les observations de Daubentania madagascariensis sont rares; sa présence est souvent suggérée par la présence de traces (trous et nids dans les arbres, reliefs de repas). Son abondance est difficile à estimer car un individu est capable de laisser de nombreuses marques de sa présence. L'aye-aye est très adaptable et peut occuper une grande variété d'habitats comme les forêts tropicales humides, les forêts de feuillus, les forêts de broussailles sèches, et les mangroves. L'espèce est également capable de vivre et de se reproduire dans les zones cultivées telles que les plantations de canne à sucre, de noix de coco ou de clou de girofle; mais cela reste marginal. Le désert du sud semble être le seul milieu dans lequel l'espèce n'a pu se développer. Sa présence dans ces habitats variés, étagés entre le niveau de la mer et 800 mètres (preferendum autour de 700m), semble être liée en grande partie à la présence de sa ressource principale de nourriture, les graines d'aramy (Canarium madagascariensis ; Burséracées; arbres de myrrhe de Madagascar). Ainsi l'espèce a été principalement observée à l'ouest, sur la côte est et au nord de l'île. Des populations de cette espèce sont présentes de façon très fragmentées et leurs Carte n°1 : Carte de répartition du ayeaye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788). En rouge les régions où la présence du aye-aye est certaine.En encart: position de l'ïle de Madagascar par rapport à l'Afrique. densités sont très faibles sur presque tout le littoral de Madagascar. (carte n°1). Deux populations ont été introduites durant les années 1960 sur des îles au nord de la côte de Madagascar, l'une sur Nosy Mangabe, et l'autre sur l'Ile Roger. Ces îles sont devenues depuis des réserves spéciales pour la conservation de cette espèce. Un primate pas comme les autres…. L'aye-aye est vraiment un animal extraordinaire qui présente un nombre incroyable de particularités morphologiques à l'origine de l'attrait qu'il exerce sur les zoologistes. Cet animal est le plus grand primate nocturne et possède le plus grand cerveau chez les prosimiens. L'aye-aye a de grandes oreilles noires arrondies (photo n°2). Elles sont extrêmement mobiles, sans doute pour pouvoir localiser les sons obtenus par les percussions répétées, réalisées à l'aide de son doigt fin et allongé, sur le bois, détectant ainsi les cavités où se cachent les larves d'insectes xylophages. Ces grandes oreilles lui permettent également d'entendre les bruits de la forêt les plus discrets . Une autre caractéristique très rarement trouvé chez les primates est la présence d'une membrane nictitante (troisième paupière), qui humidifie les yeux quand ils deviennent sec. Cette membrane peut aussi protéger les yeux contre les copeaux de bois lorsque le aye-aye ronge le bois d'un arbre pour extraire les larves. C'est le seul primate à posséder 18 dents. En effet, Photo n°2 : Spécimen naturalisé de aye-aye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788) conservé dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France. Tête du aye-aye vue de face. les espèces du sous-ordre des Strepsirrhiniens, dont l'aye-aye fait partie, possèdent généralement 36 dents (2 incisives, 1 canine, 3 prémolaires et 3 molaires par demi-mâchoire). Le Daubentonia est une exception, et on assiste à une oligodontie (réduction importante du nombre de dents). En effet, celui-ci a perdu: 4 incisives, les 4 canines, et 10 prémolaires (4 au niveau de la mâchoire supérieure, et 6 au niveau de la mâchoire inférieure). Le Daubentonia ne présente donc plus de canine, ni de prémolaire au niveau de l'arcade dentaire inférieure. De plus, l'aye-aye, possède de grandes incisives à croissance continue, qu'il utilise pour ronger le bois des arbres, des noix et autres fruits à coques dures (photo n°2). Ce type de dents à croissance continue est unique chez les primates. La main de l'aye-aye est grande par rapport à la taille de son corps (photo n°3). Ces grandes mains lui permettent de saisir avec plus de force les branches auxquelles il s'accroche, diminuant ainsi les risques de chutes. En effet, dans certaines situations comme lors de la recherche de nourriture, l'animal est amené à se suspendre d'une seule main à une branche tandis que de l'autre il attrape les larves d'insectes. L'aye-aye présente 5 doigts sur les membres antérieurs et postérieurs. Les doigts de la main sont allongés, surtout le médius qui est très fin et long par rapport aux autres doigts (photo n°4). C'est d'ailleurs le caractère morphologique le plus marquant de cet animal. Ce médius permet par percussion le long des branches de localiser à l'oreille les galeries où vivent les Photo n°3: Spécimen naturalisé de aye-aye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788) conservé dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France. Vue de face. larves d'insectes et une fois ces dernières repérées de les extraire à l'aide de la griffe terminale de ce doigt. Il est également utilisé par l'animal pour boire en le déplaçant rapidement entre sa bouche et le liquide, pour se nourrir de fruits et pour se toiletter. Le mouvement du médius de la source de nourriture à la bouche peut être très rapide et a été mesurée à 3,3 aller-retours par seconde. Récemment, des chercheurs de l'université de Dartmouth aux Etats-Unis ont effectué des prises de vue de l'aye aye durant la nuit,grâce à des cameras thermiques.L'analyse des couleurs des photos prises à l'aide de ces caméras permet de suivre l'évolution de la température sur les différentes parties du corps de l'animal. Ils ont ainsi constaté que le médius restait froid Photo n°4 : Spécimen naturalisé de aye-aye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788) conservé dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France. Vue de profil avec agrandissement de la main gauche. lorsqu'il n'était pas utilisé. Ce doigt était comme « mise en veille » (désactivé) en cas de non utilisation. Ils ont aussi constaté que ce doigt se réchauffait à très grande vitesse lorsque l'animal s'en servait pour rechercher sa nourriture. Sa température pouvait s'accroître de 6°C en l'espace de quelques secondes. Le pouce de la main, quoiqu'il soit écarté de l'index, n'est pas réellement opposable; mais les pouces postérieurs le sont complètement comme chez d'autres lémuriens. Il possède des griffes fonctionnelles sur tous les doigts des mains et des pieds, sauf sur l'hallux (l'équivalent du gros orteil chez l'homme) (photo n°5). Ils sont les seuls primates du vieux monde à posséder de telles griffes. Les seuls autres primates qui ont de véritables griffes sont les Callitrichidés (oustitis, tamarins, singe-lions), groupe de petits singes arboricoles du nouveau monde. D'après certains auteurs, les griffes du aye-aye serait une réversion évolutive, i.e., un caractère perdu par les espèces ancestrales et réapparues chez le aye-aye. Une telle Photo n°5 : Spécimen naturalisé de aye-aye (Daubentonia madagascariensis ; Gmelin, 1788) conservé dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la Ville de Marseille (MHNM-14729), France. Vue du pied gauche. adaptation permet un meilleur agrippement aux troncs sur lesquels ils passent beaucoup de temps pour se nourrir. Des larves d'insectes et des graines L'aye-aye est insectivore et frugivore, ce qui le fait parfois classer par certains auteurs dans les espèces omnivores. Il mange des graines, des fruits, des champignons et des larves d'insectes. Ses choix alimentaires varient avec le type d'habitat et la disponibilité de la nourriture. Lorsqu'il se trouve à proximité de zones cultivées, en plus des larves d'insectes, il va surtout manger des noix de coco, des litchis et des mangues.Le régime alimentaire de l'aye-aye change également avec les saisons en fonction des aliments disponibles. Par exemple, durant la saison des pluies, il se nourrit principalement de chancres du bois. Par contre, les larves d'insectes font toujours parties de son régime alimentaire. L'animal déloge les larves d'insectes xylophages qu'il détecte en tapotant les troncs avec son doigt spécialisé (photo n°4). Il accède aux larves en élargissant les orifices et en déchiquetant les couches supérieures du bois avec ses incisives. Ensuite, il extrait les larves des galeries avec son médius muni d'une griffe. De la même façon, il est capable d'extraire le cœur tendre des noix d'aramy. À d'autres périodes de l'année, c'est pour extraire le cœur spongieux des gales sur les branches d'Eugenia (ce genre est formé d'arbustes des régions tropicales ; Il comprend de nombreuses espèces dont certaines portent des fruits comestibles) que son doigt lui est utile. Pas si solitaire que cela... L'aye-aye est un animal en général solitaire et nocturne, discret et difficile à observer. Il a un mode de vie arboricole et passe plus de temps au sol que tout autre lémurien à l'exception du Maki catta. Le poids moyen d'un mâle est 2.7 kg et celui des femelles est d'environ 2.5 kg. En captivité, la longévité moyenne de cet animal est de 24 ans. Pendant la journée, l'aye-aye dort dans des nids situés à la fourche des arbres ou dans des enchevêtrements de lianes et de branches. Pour des raisons de sécurité, les nids se trouvent à une hauteur moyenne de 17 m et possèdent à une extrémité une ouverture de 15 cm de large. Un ayeaye utilise plusieurs nids ; jusqu'à sept nids différents sur une période d'un mois. Parfois, les nids sont regroupés les uns près des autres et les grands arbres peuvent abrités plusieurs nids d'ayeayes. Les nids peuvent être abandonnés puis réparés et réutilisés. Ils peuvent être occupés pendant quelques jours par plusieurs individus en même temps ou à des moments différents. Le aye-aye sort du nid une demi-heure avant le coucher du soleil et n'y retourne qu'après l'aube. L'activité nocturne des mâles commence généralement plus tôt que celle des femelles. Le aye-aye passe plus de la moitié de son temps d'activité à se déplacer. Le reste du temps, il se nourrit, fait sa toilette et se repose. Le toilettage peut être effectuée avec les mains, les pieds ou uniquement le médius. L'ensemble du corps est alors inspecté méticuleusement et nettoyé des parasites. Pour plus de sécurité, le aye-aye se perche le plus haut possible dans la canopée pour effectué sa toilette. Les périodes de repos, quant à elles, peuvent durer trente minutes à deux heures. Durant ces périodes, l'animal ne dort pas, il reste immobile mais pleinement conscient de son environnement. L'aye-aye a besoin de vastes territoires d'environ 600 ha pour vivre. Le territoire d'un aye-aye mesuré sur une île peut varier de 1,26 km² à 2,15 km² pour les mâles et 0,317 km² à 0,395 km² pour les femelles. Les territoires des mâles peuvent chevaucher ceux d'autres mâles ou de femelles. Par contre, les territoires des femelles ne recouvrent jamais ceux d'autres femelles. L'étude du comportement social de l'aye-aye est encore au stade préliminaire. Les aye-ayes sont souvent solitaires et semblent rarement interagir avec d'autres en dehors de la période de reproduction. En dehors de cette période, les mâles interagissent parfois avec des femelles et très rarement avec d'autres mâles. Lors de ces interactions, les aye-ayes communiquent entre eux par des vocalisations et par le dépôt de marques olfactives. Cette espèce a un répertoire relativement limité de vocalisations par rapport aux autres primates qui ont été étudiés dans la nature et en captivité. Cependant différents types de cris ont été identifiés en lien avec des situations et des comportements: reconnaissance filiale, agression, accouplement, appels de détresse, contacts entre mâles et femelles, concurrence entre individus pour l'accès à la nourriture. Les interactions agressives entre individus se traduisent par l'émission d'un sifflement, un peu comme un chat. Ce type de sifflement est également observé quand un aye-aye est perturbé pendant le sommeil. Les sons émis varient également en fonction de l'âge et du sexe de l'individu. Les jeunes aye-ayes émettent notamment des cris qui leurs sont propres et qui ne font pas partie du répertoire vocal de l'adulte. Pour communiquer, le aye-aye utilise également des marquages olfactifs notamment pour définir les frontières de son territoire. Le marquage olfactif étant l’application de sécrétions ou d’excrétions odoriférantes par l'animal sur des éléments de son environnement (troncs d'arbres, rochers…). Plusieurs comportements de marquages olfactifs ont été observés chez le aye-aye dans la nature : frottement ano-génital, frottement buccal et marquage urinaire par frottement ou par jet d'urine. En captivité, ces différents types de marquage olfactif ont été confirmés, y compris le marquage buccal durant lequel l'animal frotte sa joue sur un objet en laissant un peu de salive et le marquage ano-génital où l'animal frotte son anus et ses parties génitales (scrotum ou vulve) sur la surface d'un élément de son environnement ou sur le sol en traînant son postérieur. Cependant, Il n'a pas été démontré de manière définitive la présence de glandes olfactives anogénitales ou autres chez le aye-aye. Par contre, il est aujourd'hui certain que les aye-ayes sont capables de discriminer les odeurs individuelles de leurs congénères d'âges et de sexes différents. Une autre forme de communication possible, observée à la fois dans la nature et en captivité, est le marquage physique des branches par les femelles qui griffent et piquent l'écorce des branches afin de laisser des traces visibles pour les autres aye-ayes. … et pas très fidèle … Il y a peu ou pas de dimorphisme sexuel chez le aye-aye .Il est presque impossible dans la nature de distinguer les mâles des femelles. Les mâles atteignent la maturité sexuelle vers l'âge de 1 an et demi, contre 2 ans et demi pour les femelles mais ces dernières commencent à se reproduire à trois ou quatre ans seulement. Il n'y a pas de saison de reproduction marquée: les accouplements peuvent avoir lieu toute l'année car chez la femelle, l'ovogenèse est persistante et donc elle produit des ovules tout au long de l'année, toute sa vie. Le cycle reproducteur de la femelle dure en moyenne 49 jours. La période d’œstrus qui dure de 3 à 9 jours, période de disponibilité sexuelle, se caractérise, chez la femelle , par un gonflement et un changement de couleur des organes génitaux, ce qui constitue un signal pour les mâles. Les cris spécifiques de la femelle avant et pendant l'accouplement font également partie de son arsenal de séduction. Pendant cette période d'accouplement, les organes génitaux des mâles sont également gonflés et une augmentation de l'activité de marquage olfactif a été observée chez les deux sexes . La copulation dure environ une heure. Cette longue copulation peut être une adaptation afin d'empêcher d'autres mâles d'avoir accès à la femelle. En captivité, les copulations sont significativement plus courte, d'une durée souvent autour de deux minutes. Après l'accouplement, la femelle s'éloigne rapidement et reprend ses appels pour attirer d'autres mâles. En effet, durant le même oestrus, la femelle peut copuler avec plusieurs mâles. La formation d'un bouchon spermatique immédiatement après le premier accouplement permet d'assurer la paternité au premier mâle ayant copulé. La gestation moyenne pour l'aye-aye est de 164 jours. La femelle ne donne naissance généralement qu'à un seul petit, tous les 2-3 ans.Le poids corporel à la naissance varie entre 90 g et 140 g. Ce poids est proportionnel au poids de la mère. A la naissance, les oreilles de l'aye-aye sont molles et tombantes mais deviennent rigides et se redressent à l'âge de six semaines. Comme tous les mammifères, les jeunes aye-ayes se nourrissent du lait de leurs mères. La femelle aye-aye possède des glandes mammaires inguinales (situé près de l'aine) . En captivité, les aye-ayes nouveau-nés restent deux mois dans leurs nichoirs. Dans la nature, les deux premiers mois, le jeune aye-aye demeure également dans le nid avec sa mère et ne s'éloigne jamais à plus de 50 m du nid. En cas de danger nécessitant que les jeunes soient déplacés pour des raisons de sécurité, les aye-ayes transportent leurs petits dans leurs geules. Le jeune aye-aye est complètement dépendant de sa mère pour la nourriture jusqu'à environ l'âge de trois mois. Au delà de trois mois, il commence à manger des aliments solides afin de préparer le sevrage définitif. Le jeune est complètement sevré à l'âge de six mois environ mais dès quatre ou cinq mois la femelle tente de le dissuader de s'allaiter. L'indépendance totale d'un jeune aye-aye vis à vis de sa mère et la séparation semble se produire 18 à 20 mois après la naissance. A la fois menacé et protégé par l'homme ... En raison de la nature insaisissable de l'aye-aye, une estimation précise de la population est extrêmement difficile à réaliser, mais on pense que l'espèce est en déclin et en danger d'extinction. C'est pourquoi cette espèce est inscrite à l'Annexe I de la CITES. Comme c'est le cas pour la plupart des primates, la plus grave menace pour le aye-aye est la perte d'habitats. Les effets cumulés de l'expansion des populations humaines et de facteurs économiques tel que le développement de l'agriculture sont à l'origine de la diminution drastique des zones forestières. Plus de 80% de la surface de Madagascar est maintenant recouverte de prairies et de plantations, et les vastes forêts originelles ont aujourd'hui disparu. De plus, certains arbres tels que le kohu (Intsia bijuga ; arbre de fer) et l'aramy (Canarium madagascariensis ; arbre de myrrhes de Madagascar) qui fournissent les aliments de base pour cette espèce sont coupés préférentiellement pour la construction de bateaux, de maisons et de cercueils. Ceci à pour conséquences d'isoler davantage les populations d'aye-ayes déjà dispersées et de multiplier les contacts avec les humains lors de la recherche de nourriture. Cette multiplication des contacts est dramatique pour la survie de l'espèce car à Madagascar, une croyance fortement répandue veut que la présence d'un aye-aye près d'un village ou d'une maison soit annonciatrice de malheurs. Selon cette même croyance, le seul moyen de conjurer le mauvais sort est de tuer l'animal. Dans certains groupes humains de l'île, une fois tué, le aye-aye est parfois consommé de façon rituelle. Seuls les habitants du sud-est de Madagascar considère la présence d'un aye-aye comme un bon présage en raison de la croyance en une origine humaine de cette espèce. Actuellement, si le nombre de sacrifice rituel d'aye-ayes diminue, l'élimination des animaux en représailles à l'attaque des cultures continue et reste une pratique inquiétante pour la survie de l'espèce. Sur l'île, le seul prédateur non humain pour le aye-aye est le fossa (Cryptoprocta ferox), aussi appelé cryptoprocte féroce, endémique de Madagascar, un grand mammifère prédateur adapté à la fois pour les déplacements arboricoles et terrestres. Pour assurer la protection de cette espèce en danger d'extinction, de nombreuses zones protégées dont 13 parcs nationaux, sept réserves naturelles strictes et 13 réserves spéciales, ont été crées à Madagascar afin que les aye-ayes puissent se reproduire en toute quiétude, Pourtant, malgré ce grand nombre d'aires protégées, où la surveillance des aye-ayes est régulière, leur présence est souvent basée uniquement sur de simples traces tant les observations directes sont rares. Ainsi, la taille et la dynamique des populations d'aye-ayes sont très mal connues. Il y a un besoin urgent d'un recensement systématique de cette espèce phare pour l'élaboration d'un plan d'action de conservation. En 1966, une population de aye-ayes a été introduite sur l'île de Nosy Mangabe à l'Est de Madagascar. A cette époque, l'île a été désignée réserve spéciale par le gouvernement de Madagascar et sert encore de site important de conservation de l'espèce. En dehors de ces efforts de conservation in situ, des programmes de reproduction en captivité impliquent diverses institutions de part le monde. Un programme d'élevage européen (EEP) et un Plan pour la Survie des Espèces (SSP = Species Survival Plan, programme américain pour les espèces menacées) ont été mis en place. Depuis 1986, un certain nombre d'aye-ayes ont été exportés de Madagascar pour établir des colonies de reproduction en captivité. Ces colonies de reproduction sont localisées pour les plus importantes au Duke Lemur Center (DLC, préalablement nommé the Duke University Primate Center), en Caroline du Nord (EU), au Durrell Wildlife Conservation Trust, Jersey et au Zoo de Londres (UK). Ces efforts ont rencontré un premier succès en 1992 avec la naissance en captivité d'un petit ayeaye dans une colonie hébergée au Duke Lemur Center mais depuis, les résultats sont décevants. En 2010, il y avait environ 50 aye-ayes dans diverses collections zoologiques à travers le monde. Cependant, la survie de cette espèce reste une priorité pour les primatologues car il représente le seul membre survivant de la famille des daubentonidés et le dernier survivant d'une histoire unique dans l'évolution des primates. Crédits pour l'ensemble des photographies : MHNM.