la lettre de votre apothicaire n° 60 ~ novembre 2006

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CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE
DE CAEN
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Pharmacie
LA LETTRE DE VOTRE APOTHICAIRE
N° 60 ~ NOVEMBRE 2006 ~
Pots couverts, ateliers parisiens, XIXe siècle. Les deux pots à décor
bleu et jaune portent la marque Lefébure. Nancy. Musée Historique Lorrain.
ELABORATION D’UN PROTOCOLE
DE SUIVI BIOLOGIQUE DES PATIENTS
SOUS CASTRATION CHIMIQUE
C. GUIBAUD, Interne en Pharmacie
Drs C. GABRIEL, V. AUCLAIR, C. ROBERGE, Pharmaciens
Dr D. PERROUX, Médecine polyvalente
Remerciements aux Drs LE BIGOT et HERIAULT (Centre Pénitentiaire) pour leur aide
93 rue Caponière - B.P. 223 - 14012 CAEN Cedex - Tel : 02 31 30 50 59 / Fax : 02 31 30 50 10
Courriel : [email protected]
LA CASTRATION CHIMIQUE EN FRANCE :
La question de la prise en charge thérapeutique et en particulier médicamenteuse des
patients délinquants sexuels en établissement carcéral ou de santé mentale est très
controversée.
Actuellement, les médecins ont recours à trois classes de médicaments dans l’indication
de la castration chimique : hormones stéroïdes (dont l'acétate de cyprotérone est le seul à avoir
l'AMM), analogues de la GnRH et certains antipsychotiques. Les 2 premières sont les plus
utilisées mais semblent être responsables d'ostéoporose, d'atteintes hépatiques et
d'hyperglycémies.
LES MEDICAMENTS DE LA CASTRATION CHIMIQUE :
ANDROCUR®
Acétate de cyprotérone
Classe
pharmacologique
Dérivé biosynthétique de la progestérone
Mode d’action
Mise sous traitement
Efficacité
- Compétition avec les androgènes au niveau
des récepteurs de la testostérone
- Effet antigonadotrope (inhibition sécrétion
FSH/LH)
- Délai d’action : 1 semaine
- Traitement per os, en 1 prise par jour,
instauré à la dose de 100 mg/j
Dose usuelle : 100 mg/j
Augmentation possible jusqu’à 300 mg/j
Dose minimale efficace : 50 mg/j
80% en 1 à 4 semaines, maintenue pendant
plusieurs années si le traitement est poursuivi.
(Thibaut. Intervention 2ème Pharma Psy, Paris,
juin 2005)
DÉCAPEPTYL® Triptoréline
ENANTONE® Leuproréline
Analogue de la GnRH
- Effet antigonadotrope (inhibition sécrétion
FSH/LH)
- Délai d’action : 10 jours
- 1 injection IM / mois
- Pour éviter une exacerbation des symptômes,
associer Androcur® per os qqs jours avant la
1ère inject° et le poursuivre ≈ 3 semaines.
Selon 2 études publiées (Thibaut et coll.) :
- 10 patients / 11 en 1 mois (1998)
- 5 patients / 6 au 2ème mois (1993)
Tableau 1 : Médicaments de la « castration chimique »
L’ANDROCUR® et les analogues de la GnRH, ont sensiblement le même profil d’effets
secondaires :
- déminéralisation osseuse
- atteinte hépatique (risque plus important avec l’ANDROCUR®)
- hyperglycémie
- anémie
- troubles génitaux (gynécomastie, bouffées de chaleur, impuissance…)
- dépression transitoire (préférentiellement avec ANDROCUR®)
PATIENTS TRAITES AU CHS ET AU SMPR :
En juillet 2006, nous avons étudié les dossiers des 13 patients du CHS et du SMPR
(Service Médico-Psychologique Régional) traités ou ayant été traités par Androcur® (1 patient) ou
par analogues de la GnRH (12 patients), lors des deux dernières années.
- Moyenne d’âge en début de traitement = 44 ans (35 à 68 ans)
- A ce jour, 12 patients / 13 poursuivent leur traitement. Durée moyenne de traitement = 7,75 ans.
- Contrôle biologique hormonal du traitement (mesure de la testostérone et/ou de la FSH / LH) :
réalisé pour 10 patients / 13, fréquence hétérogène
- On note l’existence effective d’une surveillance concernant les effets secondaires des
traitements pour castration chimique (Cf. Tableau 1). Mais, cette surveillance n’est pas
systématique, elle est irrégulière (suivi hépatique notamment) et parfois tardive (suivi osseux,
notamment).
Type de suivi
Suivi osseux
(ostéodensitométrie)
Suivi hépatique
ASAT, ALAT, PAL,
GammaGT)
Suivi glycémique
(Glycémie à jeun)
Nbre patients ayant eu Nbre patients pour lesquels le
1 bilan (/13 patients)
suivi a révélé une anomalie
7
10
9
5 déminéralisations osseuses
7 bilans perturbés :
- PAL jusqu’à 3N
- GammaGT jusqu’à 10N
1 suspicion
d’hyperglycémie ?
Rythme de suivi
De 1 à 8 ans après l’initiation du
traitement
Toutes les 4 semaines (1 patient) à
moins d’une fois par an (5 patients)
Tous les 3 mois (1 patient) à moins
d’une fois par an (4 patients)
Tableau 2 : Suivi des effets secondaires des traitements
La survenue de ces effets indésirables dans notre établissement de santé a conduit à
nous interroger sur la surveillance de ces patients et à proposer un protocole standardisé.
ELABORATION DU PROTOCOLE DE SUIVI BIOLOGIQUE :
1° Méthode de travail :
Une revue de la littérature (Vidal, Martindale…) et des recommandations de l’HAS a
permis de faire le point en termes de suivi des effets secondaires et d’efficacité biologique du
traitement.
A l’aide de ces données et de la revue des dossiers des patients, un travail
multidisciplinaire (Pr Marcellli, référent rhumatologue du CHU ; Dr Perroux, somaticien et
l'équipe pharmaceutique) a permis l’élaboration d’un protocole (Cf. Tableau 3).
Notre protocole a été présenté pour discussion et validation, en septembre 2006, en
COMEDIMS (rassemblant 24 psychiatres et somaticiens du CHS).
2° Elaboration du protocole :
•
Bibliographiquement, les effets indésirables d’ANDROCUR® et des analogues de la GnRH sont
les mêmes. Cependant, chaque recommandation de surveillance ne concerne qu’une seule
des deux classes médicamenteuses. Les fréquences de survenue des effets indésirables sont
différentes, mais aucune ne nous est apparue négligeable.
Aussi et afin de simplifier le protocole, nous avons décidé d’adopter les mêmes modalités de
surveillance pour l’ANDROCUR® et pour les analogues de la GnRH.
•
Afin d’être au plus près des pratiques des prescripteurs, seules les molécules présentes au
Livret du Médicament du CHS ont été notées sur le protocole avec un rappel des posologies.
•
Afin de resituer le niveau de risque, nous avons essayé de préciser pour chacun « risque
faible » ou « risque important » (sauf pour les risques glycémique et d’anémie pour lesquels les
données bibliographiques étaient ininterprétables).
•
Pour chaque type de suivi un bilan initial est demandé. Il servira de mesures de référence
par rapport aux mesures ultérieures.
•
En l’absence de recommandation bibliographique concernant le suivi osseux, c’est la
conduite à tenir énoncée par le Pr Marcelli, rhumatologue référent du CHU, que nous avons
retenue.
•
Le risque d'anémie ne nous paraissant pas négligeable, nous avons choisi d'adopter le même
rythme de surveillance pour la NFS que pour les autres suivis alors qu’il n’y a pas de notion
bibliographique par rapport à ce rythme de surveillance.
• Deux points particuliers ont été discutés et validés en COMEDIMS :
- La mesure des taux de testostérone, FSH et LH doit être faite en début de traitement pour
les 2 classes thérapeutiques, mais ne sera pas renouvelée dans le cadre des traitements par
ANDROCUR® car leur diminution est alors très inconstante et ne constitue pas un marqueur
biologique de l’efficacité.
- En cas de diagnostic d’ostéoporose, le contrôle de la densité minérale osseuse sera
organisé tous les 2 - 3 ans.
Suivi des patients sous « castration chimique » au CHS de CAEN
ANDROCUR® 50 mg cp
Acétate de cyprotérone
DECAPEPTYL® LP 3 mg
Triptoréline
1.
Mise sous traitement
Délai d’action : 1 semaine
Traitement per os, en 1 prise par jour, instauré à la
dose de 100 mg/j.
Augmentation possible jusqu’à 300 mg/j.
Dose usuelle : 100 mg/j.
Dose minimale efficace : 50 mg/j.
2.
Délai d’action : 10 jours
1 injection IM à 3 mg par mois
Pour éviter une exacerbation des symptômes, associer
ANDROCUR® per os quelques jours avant la première
injection et le poursuivre environ 3 semaines.
Suivi efficacité / observance
En début de traitement : testostérone / LH / FSH
La diminution du taux de testostérone est très
inconstante. Il n’y a donc pas de marqueur biologique
de l’efficacité thérapeutique → ne pas surveiller
systématiquement la testostérone.
3.
Risque important
Les analogues de la GnRH induisent constamment une
chute de la testostéronémie, effondrée dès la fin du
premier mois → la testostérone peut servir de marqueur
biologique de l'efficacité du traitement.
Suivi osseux / ostéoporose
Validé par le Pr Marcelli, CHU, 23/10/06
Risque important
Par absorptiométrie biphotonique aux rayons X
Masse osseuse en début de traitement et à chaque contrôle
Si -2,5 < T* ≤ -1
Ostéopénie
Si T* > -1
Densité normale
Contrôle DMO 1 an plus tard
pour tracer la courbe cinétique.
+ Supplémentation vitaminocalcique éventuelle
Contrôle DMO
2 ans plus tard
Si T* ≤ -2,5
Ostéoporose
Traitement par
biphosphonates :
FOSAMAX® 10 mg/j
+ Contrôle DMO
2 - 3 ans plus tard
*T : écart type entre DO mesurée et DO théorique de l’adulte jeune (même âge, même site osseux)
4.
Suivi hépatique / atteintes hépatiques
Risque important
Risque faible
ASAT / ALAT / GammaGT / PAL
En début de traitement, à 1 mois, 6 mois puis tous les 6 mois ou en cas de survenue de signes cliniques.
Si affection hépatique chronique : toutes les 4 à 6 semaines.
5.
Suivi glycémique / hyperglycémie
Glycémie à jeun
En début de traitement, à 1 mois, 6 mois puis tous les 6 mois ou en cas de survenue de signes cliniques.
Si diabète ou prédiabète : toutes les 4 à 6 semaines.
6.
Suivi sanguin / anémie
NFS
En début de traitement, à 1 mois, 6 mois puis tous les 6 mois.
Tableau 3 : Protocole de suivi (version finale)
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