L`étoile cacahuète : un système binaire massif en interaction

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Communiqué de presse - Mars 2014
L’étoile cacahuète :
un système binaire massif en interaction
En utilisant les capacités interférométriques du
VLTI, des chercheurs de l’Observatoire de la Côte
d’Azur ont découvert un système unique.
Ce système, appelé HR 5171 A, est composé
d’une hypergéante dont le rayon est plus étendu
que l’orbite de Jupiter, et d’un compagnon moins
massif orbitant dans les couches supérieures de
l’atmosphère de celle-ci, créant une déformation
importante. Une équipe internationale dirigée
par le Dr Olivier Chesneau a été réunie pour
étudier l’historique de ce système exceptionnel.
L’étoile HR 5171 A a été observée avec l’instrument
AMBER1 installé au foyer du Very Large Telescope
interferometer au Chili et qui permet de combiner simultanément la lumière infrarouge issue de trois des
huit télescopes de cette installation. La première surprise a été la mesure du rayon de l’étoile, 1360 ± 250
rayons solaires, soit plus grand que l’orbite de Jupiter.
A titre de comparaison, le rayon de cette étoile rivalise ou dépasse celui de supergéantes rouges, supposées être les étoiles les plus grandes connues comme
VY CMa (1420 ± 120 Rsol2). Le rayon d’HR 5171
A est ainsi 50% plus étendu que celui de Betelgeuse
(885 ± 90 Rsol).
De plus, l’étude menée avec l’instrument AMBER a
également mis à jour la clé du mystère de cette hypergéante jaune en révélant la présence d’un compagnon
contribuant à environ 10% du flux transitant devant
le limbe de cette étoile. Cette configuration est exceptionnelle car le compagnon doit périodiquement
éclipser et être éclipsé par l’hypergéante.
(a) Vue d’artiste du système HR 5171A. Les échelles sont données en millisecondes d’arc (mas) et en unités astronomiques (AU).
(b) Image obtenue à partir de l’analyse des données interférométriques de l’instrument VLTI/AMBER : étoile de rayon 6.3AU,
compagnon non-résolu situé à une distance projeté du centre de l’étoile de 5.15AU, et environnement circumstellaire étendu.
(c) Variations photométriques cycliques dues aux éclipses successives de la primaire et de la secondaire. Les différentes phases
sont illustrées par des images « fil-de fer » du système. (d) Image coronographique de l’environnement d’HR5171A obtenue
avec l’instrument GEMINI/NICI. La coronographie permet de masquer la lumière de l’étoile au centre de l’image,
et de révéler ainsi la présence d’un environnement circumstellaire s’étendant sur 6480 AU (1.8 seconde d’arc).
Cette découverte a motivé une analyse complète de
toutes les archives disponibles sur cette étoile peu
étudiée de l’hémisphère sud. Plus de 60 ans de données
photométriques venant de sources aussi diverses que
des instruments de l’ESO, du satellite Hipparcos, des
archives sud-africaines, du télescope automatique
ASAS ou d’observations réalisées par des d’amateurs
confirmés ont ainsi été fouillées et analysées. Ces
données ont permis de confirmer la nature binaire de
HR5171 A et de mesurer précisément la période du
système, 1304 jours afin d’évaluer sa masse totale
actuelle à environ 39 masses solaires3. De plus, l’étude
des éclipses primaires et secondaires a permis de
confirmer que les deux étoiles sont en contact et que la
surface de l’hypergéante est fortement déformée sous
l’influence de son compagnon de plus faible masse
(moins d’un dixième de la masse de l’hypergéante).
Ainsi le système prend l’apparence d’une ‘cacahuète’
géante (voir Figure page 1) suivant le potentiel
gravitationnel déformé des deux étoiles4.
Cette unique compilation de données permet de
mettre en perspective le passé et futur de ce système.
Pendant la vie adulte des deux étoiles, celles-ci
étaient séparées et n’interagissaient pas. Comme
pour l’ensemble des étoiles de l’Univers, la plus
massive a commencé à grossir rapidement (quelques
millions d’années) après avoir utilisé l’ensemble de
l’hydrogène présent dans son cœur, devenant une
supergéante d’abord bleue, puis jaune. En moins de 40
ans, le rayon de cette hypergéante a presque doublé,
et les couches supérieures de son atmosphère ont
ainsi atteint l’orbite de son compagnon. Il est difficile
de savoir comment le compagnon interagit avec
l’enveloppe de l’hypergéante, mais des observations
coronographiques (permettant de cacher le centre
du système et de révéler ainsi son environnement
proche), montrent une grande quantité de matière
autour du système, éjectée il y a moins de mille ans.
Le compagnon orbite actuellement au sein d’une
atmosphère extrêmement instable, et peut contribuer
à éjecter une partie significative de l’enveloppe. De
plus, son énergie orbitale peut être transférée à la
couche convective, contribuant à accélérer l’étoile
massive. Ce système exceptionnel va être étudiée plus
régulièrement dorénavant pour mieux comprendre sa
rapide évolution.
1 http://www.insu.cnrs.fr/univers/observer-modeliser/
observations-sol/vlt/vlti-dans-l-intimite-des-etoilesgrace-a-amber
2 Rsol = rayon du soleil ( unité de mesure de nos
rayons).
3 Grâce à la fameuse 3e loi de Kepler
4 http://www.cosmovisions.com/lobedeRoche.htm
Contact
Olivier Chesneau
Laboratoire Lagrange, UMR7293,
Université Nice Sophia-Antipolis, CNRS,
Observatoire de la Côte d’Azur,
06300 Nice, France
Tél. : +33 (0)4 92 00 19 79
Fax : +33 (0)4 92 00 30 33
[email protected]
Référence
O. Chesneau, A. Meilland, E. Chapellier, F. Millour,
A.M. Van Genderen, Y. Nazé, N. Smith, A. Spang,
J.V. Smoker, L. Dessart, S. Kanaan, Ph. Bendjoya,
M.W. Feast, J.H. Groh, A. Lobel, N. Nardetto, S.
Otero, R.D. Oudmajer, A.G. Tekola, P.A. Whitelock,
C. Arcos, M. Curé, L. Vanzi
The Yellow Hypergiant HR 5171 A: Resolving
a massive interacting binary in the common
envelope phase, A&A, in press, http://de.arxiv.org/
abs/1401.2628.
A propos de l’Observatoire de la Côte d’Azur :
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